Décisions de la CRTESPF

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Date: 20170116

Dossiers: EMP-2015-9521 à 9523, 9587, 9592, 9593, 9736, 9737 et 9785

 

Référence: 2017 CRTEFP 8

Loi sur la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans la

fonction publique et Loi sur

l’emploi dans la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans la fonction publique

ENTRE

 

ROBERT BOIVIN

plaignant

 

et

 

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

défendeur

et

AUTRES PARTIES

 

Répertorié

Boivin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

Pour le plaignant : Lui même

Pour le défendeur : Karen Clifford, avocate

Affaire entendue à Hamilton (Ontario),

les 15 et 16 novembre 2016.

(Traduction de la CRTEFP).


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTEFP)

I. Introduction

[1] Le plaignant, Robert Boivin, a posé sa candidature à un poste d’agent principal, observation des échanges commerciaux (APOEC), classifié au groupe et au niveau FB‑04, auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Il a été éliminé du processus après avoir échoué une question à l’examen écrit. Il a déposé des plaintes en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13; LEFP), dans lesquelles il soutient que le défendeur, le président de l’ASFC, a abusé de son pouvoir en ce qui concerne l’application du principe du mérite. Le plaignant soutient aussi qu’il a fait l’objet de discrimination pour des motifs de distinction illicite fondée sur la déficience.

[2] Le défendeur nie ces allégations.

[3] La Commission de la fonction publique (CFP) a présenté des arguments en l’espèce, mais elle n’a pas comparu à l’audience.

[4] Étant donné que le plaignant a allégé avoir fait l’objet de discrimination selon la définition prévue à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H6; LCDP), il a informé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) de ses plaintes, comme l’exige l’art. 78 de la LEFP. Le 24 mars 2015, la CCDP a indiqué qu’elle n’entendait pas présenter d’arguments sur cette question.

[5] Le plaignant a déposé plusieurs plaintes relatives au même processus de nomination auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »). Les dossiers ont été regroupés le 18 février 2015, le dossier principal étant EMP‑2015 9521. La présente décision vise tous les dossiers de plainte.

[6] Pour les motifs présentés ci‑dessous, je conclus que les plaintes ne sont pas fondées. La preuve présentée ne permet pas de conclure qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite ni de conclure qu’il y a eu discrimination, puisque le défendeur a pris des mesures d’adaptation raisonnables en réponse aux besoins du plaignant.

II. Contexte

[7] Le plaignant a témoigné à l’audience. Le défendeur a appelé deux témoins, Reg McAuley, gestionnaire régional de la vérification de l’observation et président du comité d’évaluation pour le processus de nomination en litige, et Natalia Preiano, spécialiste en ressources humaines et conseillère au comité d’évaluation.

[8] Le plaignant a indiqué dans son témoignage qu’il a posé sa candidature à plusieurs processus pour obtenir un poste d’APOEC. Selon lui, son poste actuel d’agent du service à la clientèle (classifié au groupe et au niveau CR‑04) est essentiellement la même chose, malgré le fait qu’il soit classifié à un niveau inférieur. Il a réussi dans certains processus et non dans d’autres. Il a posé sa candidature au processus en litige en l’espèce au début de 2014.

[9] Le 9 juin 2014, il a reçu un courriel du défendeur pour l’informer qu’il avait réussi le test intitulé « EJS-318 » (l’« Examen de jugement situationnel », élaboré par la CFP) et il a été invité à participer à un examen écrit le 23 juin 2014. L’invitation décrivait clairement le contenu de l’examen ainsi : trois parties sur les questions de connaissances (l’ASFC, le commerce et les lois) et une quatrième partie pour évaluer la [traduction] « capacité à communiquer efficacement par écrit ». Elle précisait également que la dernière question serait évaluée en indiquant [traduction] « Respecté » ou [traduction] « Non respecté », [traduction] « Respecté » étant la note requise pour réussir l’examen.

[10] Le plaignant a répondu le jour même par courriel, indiquant qu’il avait besoin de mesures d’adaptation pour une déficience, selon ses mots, [traduction] « soit une déficience visuelle ». Il a fourni une lettre de Santé Canada au sujet de ses besoins en matière d’adaptation. Dans ses échanges avec le défendeur, il a déclaré qu’il avait l’habitude de subir les tests [traduction] « […] dans une pièce sombre du troisième étage du 55 Bay Nord ». Il a également ajouté qu’il préférait un examen le matin.

[11] Le plaignant a expliqué à l’audience qu’il était très sensible à la lumière, ce qui lui cause souvent des migraines. À mesure que le jour avance et qu’il est exposé à la lumière, la fatigue s’installe. L’été est une période difficile de l’année pour lui en raison de la lumière brillante du soleil. Il bénéficie d’une mesure d’adaptation pour le travail qui lui permet de faire du télétravail de la maison, où il a une pièce sombre dans laquelle il peut se reposer et récupérer. Le défendeur n’a pas contredit ce témoignage et je l’accepte dans son intégralité.

[12] Le défendeur a renvoyé la demande de mesures d’adaptation du plaignant au Centre de psychologie du personnel (CPP) de la CFP. Le CPP a établi les mesures d’adaptation nécessaires pour l’examen écrit du plaignant après l’avoir consulté directement au sujet de ses besoins et de ses symptômes.

[13] Le 10 juillet 2014, le CPP a transmis à Mme Preiano les mesures d’adaptation recommandées. Farrah Alladina, membre du comité d’évaluation, a transmis les recommandations au plaignant le lendemain, accompagnées des commentaires suivants :

[Traduction]

Vous trouverez ci‑joint les mesures d’adaptation recommandées (AAE) du Centre de psychologie du personnel (CPP), en ce qui concerne l’examen de connaissances FB-04.

Veuillez examiner ce document et nous faire savoir si vous acceptez les recommandations ou avez des préoccupations.

Après que nous aurons reçu votre réponse, nous pourrons fixer une séance d’examen.

 

[14] Les recommandations étaient les suivantes : une pièce sombre distincte qui pourrait être fermée pour éviter les distractions; une lampe de faible consommation et une copie électronique de l’examen en police de taille 12 et formatée pour être utilisée sur un ordinateur, accompagnée d’une copie papier pour référence. L’examen devrait être fait le matin, le plaignant devrait avoir la possibilité d’arriver tôt et de brèves pauses devraient être accordées (le délai étant interrompu).

[15] Le document comportait également une section intitulée [traduction] « Remarques importantes ». Les cinq remarques peuvent être résumées ainsi :

1) Toute mesure d’adaptation non mentionnée n’est pas recommandée.

2) Le candidat devrait être informé de la mesure d’adaptation par écrit, accompagnée d’un délai suffisant pour fournir de la rétroaction.

3) Si le candidat ressent de l’inconfort physique ou psychologique qui pourrait faire obstacle à son rendement, avant ou pendant l’examen, il lui revient d’informer l’administrateur de l’examen qu’il ne peut continuer. Si cela se produit, une autre date sera fixée pour l’examen et le candidat ne sera pas pénalisé.

4) Les recommandations proviennent du CPP, mais le gestionnaire d’embauche est responsable de leur mise en œuvre finale.

5) Le défendeur doit s’assurer que l’administrateur de l’examen sera disponible pour toute la séance d’examen.

 

[16] Le plaignant a répondu le jour même ce qui suit : [traduction] « Tout semble correct et il ne devrait pas y avoir de problème. J’aimerais recommander que j’arrive plus tôt et que nous fassions les dernières modifications quant à la lumière avant l’examen si cela est nécessaire ».

[17] Le 16 juillet 2014, à 13 h 51, le plaignant a appris qu’il subirait son examen écrit le lendemain à 9 h. Il a répondu ce qui suit : [traduction] « Je serai présent; toutefois, il s’agit d’un avis très court. » À l’audience, il a expliqué que le fait qu’il a eu moins de 24 heures pour se préparer mentalement pour l’examen constituait un obstacle de plus pour lui.

[18] Le plaignant était présent le lendemain matin. On lui a dit d’attendre dans le hall principal. Toutefois, cet espace éclairé et très bruyant a été très difficile à supporter, alors il s’est rendu à la salle d’examen. Un ordinateur portatif avait été installé, plutôt qu’un ordinateur ayant un clavier régulier, un écran et une souris. Les services de TI du défendeur ont été contactés; ils ont fourni un clavier et une souris. Avant le début de l’examen, le plaignant a dit à la surveillante de l’examen, Mme Preiano, qu’il avait une migraine.

[19] Selon le plaignant, Mme Preiano lui a alors dit qu’il pouvait déplacer l’examen, mais qu’il aurait besoin d’une note d’un médecin. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle n’a jamais mentionné une note d’un médecin, puisque, dans le cas d’une mesure d’adaptation médicale, le candidat peut déplacer l’examen sans pénalité, comme l’indiquait le document reçu du CPP. Mme Preiano a suggéré que, s’il ne se sentait pas bien, il pouvait consulter un médecin, mais que ce n’était pas une condition pour déplacer l’examen, ce qui était une option à la disposition du plaignant en tout temps avant ou pendant l’examen.

[20] Le plaignant a indiqué dans son témoignage qu’il croyait qu’une fois qu’il avait commencé l’examen, il ne pouvait plus l’arrêter. Plusieurs problèmes sont survenus durant l’examen. Les lignes qui figuraient sur la copie imprimée se trouvaient également à l’écran d’ordinateur, ce qui était non seulement une distraction, mais également un problème, étant donné sa déficience visuelle, puisque les lignes provoquaient un problème de vision. Il a retiré les lignes en les supprimant.

[21] Il semble d’après la copie imprimée de son examen que la taille de police a changé pour les réponses dans les parties 3 et 4 passant de 12 à 10. La réponse à la question portant sur la capacité à communiquer efficacement par écrit est donc de taille 10. Le plaignant a indiqué dans son témoignage que cela lui a causé un problème, puisqu’il était difficile pour lui de relire sa réponse. Il n’a pas tenté de changer la taille, puisqu’il avait compris que rien ne pouvait être modifié sur le modèle.

[22] Mme Preiano a indiqué dans son témoignage qu’un certain nombre de fonctions avaient été limitées, comme la vérification d’orthographe, mais qu’il aurait été possible de modifier la police. Elle a également déclaré que le plaignant n’avait pas mentionné la taille de la police durant l’examen. Il a déclaré en contre-interrogatoire qu’elle avait probablement raison. Il a dit qu’il avait posé des questions au sujet des italiques. Mme Preiano n’en avait aucun souvenir.

[23] Le plaignant a dit qu’il avait entendu du bruit pendant son examen. La pièce était à côté de l’ascenseur, et les personnes qui en sortaient parlaient plutôt fort. À un certain moment, il a entendu quelqu’un croquer. Tout cela s’est ajouté aux difficultés qu’il éprouvait au niveau de la vision.

[24] Mme Preiano a expliqué qu’il est arrivé une fois que des gens ont fait du bruit en sortant de l’ascenseur, mais cela n’a pas duré longtemps. À un certain moment, le plaignant a pris une pause et est sorti de la pièce. Alors qu’il était sorti, elle a grignoté des carottes. Lorsqu’il est revenu, elle s’est dépêchée de terminer sa collation.

[25] Mme Preiano a indiqué dans son témoignage qu’à la fin de l’examen, elle est allée avec le plaignant pour imprimer le document qui se trouvait sur la clé USB pour qu’il puisse signer la copie imprimée. Il a fait remarquer qu’à ce moment il croyait qu’il s’en était bien tiré.

III. Questions

[26] Le plaignant présente un certain nombre de motifs qui, selon lui, étayent la conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite : la question vérifiant l’aptitude à écrire comportait un biais inhérent, elle portait à confusion et ne mesurait pas la capacité qu’elle était censée évaluer et la note était incohérente et arbitraire. Il soutient également que le défendeur a fait preuve de discrimination à son égard en n’adoptant pas de mesures d’adaptation appropriées pour l’examen. Je formulerai ces questions différemment aux fins de mon analyse, comme suit :

Question I : le défendeur a-t-il abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite lorsqu’il a évalué la question de la communication efficace par écrit?

 

Question II : le défendeur a‑t‑il fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant?

IV. Analyse

A. Question I : le défendeur a-t-il abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite lorsqu’il a évalué la question de la communication efficace par écrit?

[27] L’article 77 de la LEFP précise qu’un candidat non reçu de la zone de sélection d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter une plainte à la Commission selon laquelle il n’a pas été nommé à un poste ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination pour un poste en raison d’un abus de pouvoir. Comme il est indiqué dans Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au par. 71, un abus de pouvoir peut inclure un geste, une omission ou une erreur que le législateur ne peut avoir envisagé comme faisant partie du pouvoir discrétionnaire accordé aux détenteurs des pouvoirs délégués de dotation. L’abus de pouvoir est une question de degré. Pour en arriver à la conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir, l’erreur ou l’omission doit être à ce point grave qu’elle ne puisse être inhérente au pouvoir discrétionnaire délégué du gestionnaire (voir, par exemple, Renaud c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 26, au par. 32). Le plaignant doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe (voir Tibbs, au par. 50).

[28] Le plaignant soutient qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite. Il a échoué à la question de l’examen écrit qui vérifiait la capacité à communiquer efficacement par écrit qui était rédigée ainsi : [traduction] « Quels traits ou attributs est-il important qu’un joueur d’équipe possède? Expliquez pourquoi vous croyez qu’ils sont importants. »

[29] J’examinerai à tour de rôle les trois allégations du plaignant au sujet de cette question.

1. La question comportait un biais inhérent

[30] Le plaignant a fait valoir que la question était partiale puisqu’elle demandait aux personnes d’indiquer des traits qui peuvent les distinguer des autres. Selon lui, demander à des candidats d’indiquer des traits qui distinguent les personnes est en soi discriminatoire, ou à tout le moins partial, dans le présent cas contre les personnes qui ne pensent pas au travail d’équipe, comme lui-même, puisqu’il travaille de la maison comme mesure d’adaptation.

[31] Il ne suffit pas pour le plaignant de faire cette affirmation. Il doit expliquer comment la question est discriminatoire ou partiale et fournir la preuve qui appuie son affirmation. Il n’a pas fait de lien entre son allégation de discrimination et un motif de distinction illicite et il n’a pas démontré comment la question était partiale. La question n’était pas liée au travail d’équipe comme tel. Elle était générale, puisqu’elle cherchait une réponse logique fondée sur les connaissances communes. Le plaignant a réussi un examen situationnel de la CFP qui, selon son témoignage, vérifie les habiletés en matière de travail d’équipe. Il ne peut soutenir qu’il n’a aucune notion de ce qu’est une équipe ou qu’il a si peu d’imagination qu’il ne peut trouver quelques attributs ainsi que les raisons pour lesquelles ils sont importants. M. McAuley a déclaré que le contenu n’était pas important; ce qui était cherché était la capacité à formuler des réflexions et à les appuyer. L’allégation liée à la partialité est rejetée.

2. La question portait à confusion et ne mesurait pas la capacité qu’elle était censée évaluer

[32] Selon le plaignant, la question portait à confusion. Pourquoi utiliser « traits » et « attributs » alors qu’il s’agit de synonymes? La question n’a pas été correctement formulée, ce qui lui a causé des difficultés pendant l’examen.

[33] En outre, le plaignant était d’avis que la question ne mesurait pas la communication efficace par écrit. Des examens plus objectifs, comme les tests d’aptitude à écrire élaborés par la CFP, devraient être utilisés. Le problème est que le fait de corriger une question à développement est souvent trop subjectif.

[34] M. McAuley a indiqué dans son témoignage que la question était conçue pour que la personne évaluée puisse démontrer une réflexion logique en réponse à une situation quotidienne. Il avait été décidé à un niveau supérieur à celui de M. McAuley que les tests de rédaction de la CFP étaient trop coûteux. En tout état de cause, M. McAuley était convaincu que la question est une bonne façon d’évaluer la communication efficace par écrit.

[35] M. McAuley avait formulé une brève question à développement sur un sujet général qui ne nécessitait aucune connaissance spéciale. Son objectif était d’évaluer la capacité des candidats à organiser de façon logique leurs réponses en prévoyant une introduction, en avançant divers énoncés de thèse, en justifiant ces énoncés et en terminant au moyen d’une conclusion.

[36] M. McAuley a expliqué l’importance de communiquer clairement et efficacement par écrit pour les APOEC. Leur travail consiste essentiellement à écrire pour deux fins principales : documenter des dossiers afin de justifier des décisions prises au sujet de droits et versements et autres obligations commerciales selon les lois et règlements applicables ou communiquer avec les clients, principalement par courriel, afin de leur fournir des renseignements sur leurs obligations légales ou autres questions. Cela revient souvent à vulgariser des questions plutôt complexes en un langage qui peut être compris par un profane. Cette communication n’est pas supervisée par des gestionnaires, ce qui signifie que ces derniers doivent être confiants que les APOEC seront en mesure de transmettre des messages clairs et ciblés.

[37] M. McAuley a témoigné de son expérience considérable de l’enseignement et de l’évaluation des aptitudes à écrire, en particulier les aptitudes à écrire qui s’appliquent à des sujets techniques précis. Avant de devenir un gestionnaire régional auprès du défendeur il y a 9 ans, il a travaillé pour les Forces armées pendant 25 ans en tant qu’officier du renseignement. En cette qualité, il a rédigé d’innombrables rapports, mais, plus important, il a enseigné les aptitudes à écrire et les a évaluées. Dans son poste actuel, il supervise 11 APOEC directement et tous les jours il examine leur travail écrit. Les autres membres du comité d’évaluation étaient également des gestionnaires régionaux desquels des APOEC relevaient directement, à l’exception d’un seul, qui était un APOEC bien au courant des exigences liées à l’emploi.

[38] Je crois que la question pourrait être utilisée comme une mesure valide de l’écriture efficace conjointement avec les critères de cotation suivants, qui ont servi de guide d’évaluation :

[Traduction]

 

Clair

Le message est-il clair, direct et facile à comprendre?

Concis

Le message est-il bref et précis?

Logique

Les idées sont‑elles élaborées et présentées de manière logique et enchaînées de manière raisonnable?

Vocabulaire

Un niveau de vocabulaire approprié est-il utilisé?

Grammaire et format

Les règles de grammaire sont-elles respectées? Des structures correctes du point de vue grammatical sont‑elles utilisées, y compris l’orthographe et la ponctuation?

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[39] Comme il est indiqué dans Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 11 au par. 77, l’art. 36 de la LEFP prévoit que l’administrateur général peut avoir recours à tout outil d’évaluation dans la mesure où il est approprié aux qualifications essentielles évaluées. Dans Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 9, au par. 54, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) a déclaré que « [l]es personnes qui effectuent l’évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter […] ». Il semble raisonnable d’avoir une brève question à développement pour vérifier la capacité des candidats à structurer une réponse d’une façon logique, en même temps que celles qui évaluent les réponses, sachant exactement le type de rédaction requis pour l’emploi.

[40] Pour ce qui est de la nature confuse de la question, l’utilisation de synonymes est une caractéristique commune de la langue anglaise (aider et encourager, cesser et abandonner, etc.) et je comprends que l’utilisation des traits et des attributs est une façon de préciser la question pour le lecteur. Le plaignant n’a soulevé aucune preuve pour démontrer que la question porte à confusion. Il n’y a aucune possibilité, comme c’était le cas dans Poirier c. le sous-ministre des Anciens combattants, 2011 TDFP 3, de mal répondre à la question en raison d’un doute sur son objectif. La question est simple : quels sont les traits ou les attributs d’un joueur d’équipe et pourquoi sont-ils importants?

[41] En réponse à une question de savoir s’il changerait quelque chose à l’évaluation, avec le recul, M. McAuley a déclaré qu’il préciserait que la réponse doit comporter un certain nombre de mots. Certaines réponses étaient très brèves alors que d’autres étaient plutôt longues. M. McAuley a indiqué dans son témoignage que le comité d’évaluation a examiné la question et a décidé de ne pas pénaliser les candidats pour des réponses trop brèves ou trop longues. Il s’est plutôt concentré sur la logique de chaque réponse comme une réponse appropriée à la question posée. Comme les candidats n’ont pas été pénalisés pour la longueur de leur réponse, cette ambiguïté n’était pas en cause.

3. La note était incohérente et arbitraire

[42] Le plaignant s’est efforcé de démontrer que l’examen avait été noté de façon incohérente. Il a reçu une copie des 143 examens. Toutefois, il n’y avait aucune indication sur les examens de la question de savoir s’ils avaient obtenu une note de passage. Sur certains, la mention [traduction] « Respecté » avait été apposée dans la marge. Certains avaient la mention « FA » dans la marge ou au bas de la page. Le plaignant supposait que la mention « FA » signifiait qu’il y avait eu un échec et il a analysé les incohérences sur cette base.

[43] À l’audience, on a expliqué qu’il s’agissait des initiales de l’un des membres du comité d’évaluation, Mme Alledina. Cette mention n’était pas liée à une note de passage ou d’échec. Il est devenu évident que le plaignant avait considéré que certaines notes étaient importantes alors qu’elles ne l’étaient pas. Par exemple, dans un certain nombre de copies, le symbole « & » avait été encerclé. Il ne l’avait pas été dans d’autres copies. À la question de savoir si une telle abréviation avait été pénalisée, M. McAuley a répondu que ce n’avait pas été le cas. Chaque membre du comité d’évaluation a sa propre façon de noter (ou non) les documents. Comme cela sera expliqué plus tard, au moins deux membres du comité d’évaluation devaient s’entendre sur la notation.

[44] Le plaignant a demandé un ajournement de l’audience pour qu’il puisse obtenir les notes de chacun des 143 examens, ce qui lui permettrait de refaire son analyse et de démontrer les incohérences dans la notation.

[45] J’ai rejeté cette demande. Sans connaître le raisonnement du comité d’évaluation, une telle analyse devient inutile. Ce qui est important pour l’examen par la Commission du processus d’évaluation n’est pas une correspondance exacte de chaque erreur d’un examen à l’autre. Il importe que le comité d’évaluation aborde cet exercice d’une manière raisonnable et qu’il applique les mêmes critères à tous les candidats.

[46] Dans le présent cas, reconnaissant la subjectivité de l’évaluation d’une question à développement, le comité d’évaluation a établi des mesures de protection pour garantir l’équité à tous les candidats. Il a appliqué les mêmes critères à tous les examens : clarté, concision, logique, vocabulaire et grammaire. M. McAuley a indiqué dans son témoignage que la logique était le point principal.

[47] Chaque document a été noté par deux membres du comité d’évaluation. S’ils s’entendaient sur une note de passage pour la question de l’aptitude à écrire, il n’y avait pas d’autre examen. Si l’un des deux ou les deux faisaient échouer le candidat, alors la question était examinée par quatre membres du comité d’évaluation. Les quatre devaient s’entendre sur la note d’échec. Un seul vote pour une note de passage pourrait accorder au candidat une note de passage pour cette question. Ce processus plutôt lourd a été mis sur pied afin de s’assurer que la note serait aussi équitable que possible.

[48] Le plaignant a tenté de déposer des ouvrages de psychologie pour établir la notion de partialité, comme dans le biais de la confirmation des tendances. Je ne l’ai pas permis. Il n’y avait aucun rapport d’expert ni d’expert pour témoigner au sujet de ces concepts. Je suis convaincue que le processus du comité d’évaluation était suffisant, c’est‑à-dire pour établir de façon équitable si la réponse à une question simple était logique et compréhensible.

[49] Le plaignant a répondu à la question de la façon suivante :

[Traduction]

Mon opinion des caractéristiques qui sont importantes chez un joueur d’équipe est fondée sur le concept que la somme des parties d’une équipe est supérieure à l’ensemble de l’équipe et que les membres d’une équipe auront des compétences et des aptitudes uniques qui ajouteront de la valeur à l’équipe, même si elles ne sont pas apparentes.

Je crois qu’il est important que les membres de l’équipe démontrent les valeurs de l’ASFC dans leurs pratiques de travail et qu’il est aussi important pour eux d’être honnêtes avec les autres, en particulier en ce qui concerne les questions qui peuvent toucher toute l’équipe. Cela établit la confiance.

Je crois également qu’il est important que les membres de l’équipe se sentent libres d’exprimer leurs idées et qu’ils accueillent les idées exprimées par les autres et que tous les membres de l’équipe collaborent afin qu’ils approfondissent les idées exprimées par les membres.

Selon moi, ces traits sont des éléments constitutifs essentiels à des équipes efficaces qui collaboreront en vue de l’atteinte d’un objectif commun et qui réaliseront cet objectif. Les équipes composées de membres ayant ces traits sont plus efficaces, moins susceptibles de commettre des erreurs et leur satisfaction morale et au travail globale s’en voit améliorée.

 

[50] M. McAuley a expliqué ainsi la note d’échec accordée à la réponse du plaignant qui vérifiait la capacité à communiquer efficacement par écrit.

[51] La réponse était imprécise. Les traits ou les attributs n’étaient pas indiqués ou énoncés. Le plaignant a mentionné les [traduction] « valeurs de l’ASFC » sans dire ce qu’elles étaient; la même chose s’appliquait pour ce qui est [traduction] « des compétences et des aptitudes uniques » – il n’a fourni aucune explication à leur sujet.

[52] Un autre exemple d’un trait ou d’un attribut non défini était la nécessité de se sentir à l’aise pour exprimer ses idées. Faire preuve d’ouverture peut être un trait, mais cela était imprécis et rien n’indiquait pourquoi c’était important.

[53] Dans l’ensemble, la réponse ne respectait pas la logique qui était attendue, soit de fournir une liste d’attributs et une explication de la raison pour laquelle ils étaient importants. La question demandait au candidat d’exprimer une opinion, c’est‑à‑dire ce qui était à son avis des traits ou des attributs importants. Le plaignant n’a pas répondu à cette question.

[54] Il n’y avait pas de bonnes ou de mauvaises réponses, soit que certains traits ou attributs étaient demandés. L’exercice consistait à présenter des arguments et à les appuyer.

[55] Je conclus que M. McAuley a donné une explication satisfaisante à la raison pour laquelle la réponse a obtenu une note d’échec. Elle ne répondait tout simplement pas à la question. La note qu’il a obtenue représentait le jugement unanime de quatre membres expérimentés du comité d’évaluation qui avaient examiné des centaines d’examens. Aucun d’eux ne connaissait le plaignant.

[56] Après avoir examiné les allégations du plaignant et la preuve, je suis convaincue qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite.

B. Question II – Le défendeur a‑t‑il fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant?

[57] En vertu de l’article 80 de la LEFP, la Commission peut interpréter et appliquer la LCDP lorsqu’elle analyse une plainte pour abus de pouvoir en vertu du par. 77. En l’espèce, le plaignant a fait référence aux art. 7 et 10 de la LCDP qui sont rédigés ainsi :

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

[…]

10 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

[58] Les motifs de distinction illicite énumérés à l’art. 3 de la LCDP comprennent la déficience. Pour établir qu’une discrimination s’est produite, le plaignant a le fardeau d’établir d’abord qu’il a une preuve prima facie de discrimination. La Cour suprême du Canada a établi le critère dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, dans les termes suivants : « Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. »

[59] En vertu de l’art. 15 de la LCDP, un employeur peut répondre à une preuve prima facie de discrimination en indiquant que sa mesure était imposée par une exigence professionnelle justifiée; cette analyse comprend l’examen de la mesure d’adaptation raisonnable allant jusqu’à la contrainte excessive.

[60] Il n’est pas contesté que le plaignant avait des problèmes médicaux qui justifiaient sa demande de mesures d’adaptation et que le défendeur n’a jamais nié ses obligations de prendre une mesure d’adaptation. Par conséquent, je tiens pour acquis que la première partie de l’analyse dans une affaire de discrimination, soit la preuve prima facie de discrimination, a été établie. Le plaignant est très sensible à la lumière et lorsque du bruit est ajouté, le problème s’accentue. J’accepte son témoignage non contredit sur ce point. Un examen subi dans une pièce très éclairée, entouré par d’autres candidats, l’aurait désavantagé et l’aurait privé d’une possibilité équitable de faire ses preuves. Les conditions de l’examen, si elles s’étaient appliquées sans modification, auraient été un obstacle à sa participation et auraient représenté une discrimination à première vue. Par conséquent, la question en l’espèce concerne le caractère suffisant de la mesure d’adaptation.

[61] Le plaignant soutient que le défendeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard le jour de l’examen en continuant l’évaluation malgré le fait qu’il ne se sentait pas bien, puisqu’il souffrait d’une migraine. Sa sensibilité visuelle était accentuée par les lacunes de l’examen électronique, à savoir les lignes laissées dans le document et la police de taille 10 pour certaines de ses réponses, y compris la réponse à la question de l’aptitude à écrire. De plus, d’autres éléments de la mesure d’adaptation laissaient beaucoup à désirer. Le plaignant a reçu un très bref avis de l’examen, la pièce était bruyante et l’ordinateur était un ordinateur portatif.

[62] Dans ses observations, le plaignant a déclaré qu’il s’en remettait aux arguments de la CFP et qu’il y souscrivait entièrement.

[63] La CFP a présenté des arguments au sujet de ses lignes directrices et politiques qui s’appliquent aux mesures d’adaptation dans le contexte d’évaluation de processus de nomination. En l’espèce, la CFP a fait remarquer que, puisque le défendeur avait préparé l’examen et qu’il ne s’agissait pas d’un outil d’évaluation normalisé de la CFP, il n’était pas nécessaire de consulter le CPP. Toutefois, le défendeur a consulté le CPP et a reçu ses recommandations.

[64] La CFP a insisté sur le fait que l’obligation de l’administrateur général de fournir une mesure d’adaptation s’accompagnait de l’obligation, de la part de la personne qui demandait la mesure d’adaptation, de faire connaître ses besoins. Comme la CFP n’a pas assisté à l’audience et n’a pas entendu la preuve, elle ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé de l’affaire. Sa déclaration finale au sujet de l’obligation de respecter ses politiques relatives aux mesures d’adaptation est ainsi rédigée :

[Traduction]

67. Il est essentiel de mettre en évidence le fait que puisque la CFP n’a pu consulter l’ensemble de la preuve, en particulier les témoignages, il ne lui est pas possible de conclure que ses politiques ont été respectées. La question de savoir si une politique a été respectée dépendra du contexte de la situation au moment où les décisions ont été prises ainsi que du témoignage et de la crédibilité des témoins. La CFP s’en remet à la CRTEFP pour établir, selon la preuve et les témoignages fournis à l’audience, si les valeurs et les politiques de la CFP ont été respectées pour cette nomination.

 

[65] Selon les conseils et les recommandations du CPP, et en les respectant entièrement, je conclus que le défendeur a respecté la politique applicable de la CFP en matière de mesures d’adaptation dans le contexte de l’évaluation.

[66] Le plaignant a invoqué Song c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2016 CRTEFP 73, dans son argumentation et a fourni d’autres commentaires écrits, auxquels le défendeur a répondu. Dans ce cas, Mme Song a eu un malaise pendant une évaluation, pourtant cette dernière s’est poursuivie. La Commission a conclu que la poursuite de l’évaluation avait été une faute grave qui représentait un abus de pouvoir de la part de l’employeur. En l’espèce, le plaignant souhaitait que sa situation soit considérée comme étant semblable.

[67] Le défendeur a répondu que les deux situations étaient très différentes. Dans Song, les examinateurs savaient parfaitement que la candidate avait un malaise, au point d’envisager d’appeler une ambulance. Dans ce cas, la Commission a conclu à l’existence de « […] signes de maladie d’une certaine gravité que présentait la plaignante pendant l’évaluation […] », dont le comité d’évaluation était pleinement au courant.

[68] Dans le cas du plaignant, l’affaire n’était pas aussi claire. Mme Preiano a indiqué dans son témoignage qu’il n’a pas demandé d’arrêter l’examen ni demandé de report. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que cette situation était très différente puisque le défendeur n’a pas été mis au courant du fait que le plaignant n’allait pas bien. Il a dit à Mme Preiano qu’il avait une migraine cette journée-là, mais il lui a également dit que ses migraines pouvaient durer des jours et qu’il préférait poursuivre l’examen.

[69] Plusieurs fois pendant son témoignage et dans ses observations, le plaignant a dit que le début de l’examen écrit (une fois que le délai commence) équivalait à [traduction] « franchir le Rubicon », comme s’il y avait un point de non-retour. En réponse aux questions du contre-interrogatoire portant sur la raison pour laquelle il n’a pas demandé d’arrêter l’examen parce qu’il ne se sentait pas bien, il a répondu que le fait d’avoir [traduction] « franchi le Rubicon » lui donnait l’impression qu’il ne pouvait pas arrêter l’examen. Il m’a demandé de me prononcer sur le moment où un examen devrait être arrêté et la personne qui a la responsabilité de le faire.

[70] La réponse à ces questions dépend des circonstances. Il ne peut y avoir de règles absolues, et le candidat ainsi que le représentant du défendeur qui surveille l’examen doivent accepter d’être flexibles et de réellement communiquer.

[71] J’accepte le témoignage du plaignant selon lequel la mesure d’adaptation était imparfaite. Il a eu un très court avis de l’examen. Toutefois, Mme Preiano a expliqué que le comité d’évaluation se préoccupait des apparences. Le plaignant a d’abord reçu l’avis de l’examen le 9 juin et a alors été informé des exigences relatives aux connaissances. Cela lui a donné plus de temps que d’autres pour se préparer aux questions de connaissances. Elle a également indiqué dans son témoignage que, lorsqu’un examen est déplacé pour des raisons médicales, la pratique habituelle consiste à le fixer dès que possible lorsque le comité d’évaluation apprend que le problème médical est réglé, ce qui se fait habituellement dans un délai de 24 heures. Par conséquent, le plaignant n’a pas été traité différemment d’autres candidats pour lesquels une raison médicale a retardé l’examen après la première date. La période d’avis n’était pas idéale, elle était plutôt courte (moins de 24 heures), mais je remarque que le plaignant a accepté de subir l’examen à la date fixée.

[72] L’examen n’a pas été formaté à la perfection pour l’ordinateur, puisque des lignes sont demeurées et qu’il a dû les retirer. Il ressort également clairement de la reproduction de l’examen du plaignant que la police a changé pour ses réponses, de la taille 12 à la taille 10, depuis la partie 3, de sorte que sa réponse à la partie 4 (aptitude à écrire) était également de taille 10. J’accepte également le témoignage de Mme Preiano selon lequel elle ne savait pas que les lignes causaient un problème et que la police avait été changée. Elle a déclaré que le plaignant ne l’avait pas informé de ce problème et qu’il aurait été possible de modifier la police.

[73] Le défendeur a respecté les recommandations qui avaient été données. La pièce était sombre, l’examen était sous forme électronique et une souris ainsi qu’un clavier ont été fournis. Le plaignant était le seul candidat et Mme Preiano est demeurée dans la salle selon les instructions du CPP afin de répondre à tout besoin qu’il pourrait avoir.

[74] Je reconnais que la pièce pouvait ne pas être parfaitement tranquille et qu’il a entendu des gens sortir de l’ascenseur qui se trouvait tout prêt de la pièce où se déroulait l’examen. Selon la preuve que j’ai entendue, cela n’est arrivé qu’une seule fois. Aussi, il a entendu quelqu’un croquer, mais je crois que c’était bref. Je crois que le défendeur a fait tout ce qu’il a pu pour assurer autant de tranquillité que possible.

[75] Je reconnais que le plaignant a eu une migraine cette journée-là. Il aurait pu reporter l’examen, mais il ne l’a pas fait. Les notes du CPP étaient très claires et il était censé les avoir lues et les avoir comprises. Elles lui donnaient le droit d’arrêter l’examen en tout temps et de le reporter, sans pénalité.

[76] Selon l’image qu’a utilisée le plaignant, soit le fait de [traduction] « franchir le Rubicon », je crois que, lorsqu’il a commencé l’examen, il était déterminé à continuer sur sa lancée. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu’il n’a pas informé Mme Preiano pendant l’examen que les lignes ou la taille de la police représentaient un problème. Il n’a pas demandé de déplacer l’examen. Il n’a pas contredit la déclaration de Mme Preiano selon laquelle à la fin de l’examen, lorsqu’ils ont imprimé l’examen à partir de la clé USB, il lui a dit qu’il croyait qu’il s’en était bien tiré.

[77] Le plaignant a déposé une autre plainte devant le TDFP qui invoquait également de la discrimination dans le cadre d’une évaluation (Boivin c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TDFP 6). Dans ce cas, l’entrevue comprenait une question qui nécessitait de la lecture et le TDFP a conclu qu’en effet, en raison de la déficience visuelle du plaignant, il y avait discrimination à première vue. Toutefois, l’employeur avait fourni autant de mesures d’adaptation qu’il était nécessaire. Dans ce cas, comme en l’espèce, le plaignant n’avait pas informé le défendeur pendant l’évaluation que la mesure d’adaptation comportait des lacunes. Le TDFP a déclaré ce qui suit au paragraphe 133 :

133 Le processus d’accommodement exige donc un effort de communication et un engagement des deux parties. Les critères qui permettent d’établir que toutes les parties ont rempli leurs obligations dans un tel processus ne sont pas figés et ne peuvent pas être catégorisés de façon définitive. En effet, il faut parfois adapter la façon dont les mesures sont prises, et il faut également que l’intimé et l’employé participent tous deux au dialogue et soient prêts à collaborer. Les résultats de l’accommodement ne sont pas toujours parfaits, en particulier s’il est clair que la partie qui doit donner suite à la demande ne connaît pas l’existence du problème

 

[78] Cette décision sert à illustrer le principe bien établi, figurant dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, qui précise qu’une mesure d’adaptation raisonnable est une préoccupation non seulement pour l’employeur mais également pour l’employé (et, le cas échéant, pour l’agent négociateur). L’employeur et l’employé ont un rôle à jouer afin de s’assurer d’avoir une mesure d’adaptation raisonnable – l’employeur en offrant la mesure d’adaptation et l’employé en fournissant des renseignements nécessaires et en collaborant à la recherche de solutions raisonnables.

[79] Dans le cas devant moi, le défendeur a observé les exigences en matière de prise de mesures d’adaptation précisée par le CPP. La norme de la jurisprudence est une mesure d’adaptation raisonnable et non parfaite. L’absence d’avis était malheureuse, mais le plaignant a accepté d’être présent le lendemain. La pièce n’était pas parfaitement tranquille, mais elle l’était raisonnablement pour un bureau. Elle avait été assombrie conformément aux directives. L’absence d’un clavier et d’une souris était une lacune dans la mesure d’adaptation qui a été réglée avant le début de l’examen. Le fait d’avoir laissé des lignes dans la version informatique de l’examen était un problème, tout comme le changement de police. Si Mme Preiano avait eu connaissance des problèmes pendant l’examen et n’avait pas tenté de les régler, j’aurais pu conclure que le défendeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation adéquates à l’égard du plaignant. Si le plaignant avait demandé de suspendre l’examen et que sa demande avait été rejetée, encore une fois, j’aurais pu conclure à l’existence d’une discrimination. Toutefois, le défendeur ne peut être tenu responsable des éléments dont il ne connaissait pas l’existence.

[80] Le fait que l’examen n’a pas été parfaitement formaté ou qu’il n’a pas été interrompu, en dépit du fait que le plaignant ne se sentait pas bien, ne constitue pas des exemples de discrimination; cela illustre le fait que des tentatives réelles d’adaptation peuvent être imparfaites. Ces imperfections peuvent être corrigées uniquement avec l’aide des personnes qui souhaitent obtenir des mesures d’adaptation.

[81] Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir ni de discrimination de la part de défendeur.

[82] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[83] Les plaintes sont rejetées.

Le 16 janvier 2017.

Traduction de la CRTEFP

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans

la fonction publique

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