Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté une réprimande écrite, alléguant en partie que l’employeur avait violé la clause de sa convention collective qui interdit la discrimination fondée sur l’incapacité – il a renvoyé son grief à l’arbitrage au regard de l’interprétation ou application de sa convention collective – à l’arbitrage, il a abandonné son allégation de discrimination fondée sur l’incapacité et il a allégué une discrimination fondée sur l’origine ethnique – l’employeur s’est opposé à ce que la Commission entende cette nouvelle allégation – la Commission a conclu que la question de discrimination fondée sur l’origine ethnique avait été soulevée durant la procédure de règlement du grief – cependant, le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait allégué aucune discrimination fondée sur l’origine ethnique en ce qui concerne la réprimande écrite, mais plutôt relativement aux commentaires formulés en milieu de travail dans le passé – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait renvoyer à l’arbitrage une allégation de discrimination qui n’avait pas de lien avec l’essence initiale de son grief : Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.).

Objection accueillie.
Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date : 20211217

Dossier : 566-02-11791

 

Référence : 2021 CRTESPF 140

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

Entre

 

John Falbo

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Bureau du contrôleur général du Canada)

 

employeur

Répertorié

Falbo c. Conseil du Trésor (Bureau du contrôleur général du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Mathieu Delorme, Association canadienne des agents financiers

Pour l’employeur : Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

le 6 février 2020.

(Arguments écrits déposés le 27 janvier et le 11 février 2016.)

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] John Falbo, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est employé par le Conseil du Trésor au Bureau du contrôleur général du Canada (le CT ou l’« employeur »). Il était analyste financier classifié au groupe et au niveau FI-04 au moment pertinent pour le grief. Ses conditions d’emploi étaient régies en partie par une convention collective conclue entre le CT et l’Association canadienne des agents financiers pour le groupe Gestion financière datée du 30 septembre 2013 et qui est arrivée à échéance le 6 novembre 2014 (la « convention collective »).

[2] Le 13 juillet 2015, le fonctionnaire a déposé un grief contre l’employeur qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Énoncé du grief :

Je conteste la mesure disciplinaire que la direction m’a imposée dans la lettre du 20 mai 2015 (la « mesure disciplinaire ») pour les motifs suivants :

a) la mesure disciplinaire est injustifiée, punitive ou inappropriée dans les circonstances;

b) la direction n’a pas tenu compte des facteurs atténuants et contributifs, qui comprennent, sans s’y limiter, les facteurs médicaux et l’absence de mesures disciplinaires antérieures;

c) les mesures disciplinaires contrevenaient en général a) à l’Accord conclu entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des agents financiers, y compris, mais sans s’y limiter, à l’article 46; b) aux « Lignes directrices concernant la discipline » du Conseil du Trésor; c) à la « Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique »; d) à la Loi canadienne sur les droits de la personne, y compris, mais sans s’y limiter, les articles 2, 3, 7 et 15; e) à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés; et f) à tout autre politique, règlement, directive, législation, principe ou autre loi pouvant s’appliquer.

Date à laquelle chaque acte, omission ou autre question ayant donné lieu au grief a eu lieu :

Le 20 mai 2015

Mesure corrective demandée :

L’élimination de l’ensemble des mesures disciplinaires qui ont été imposées à mon égard le 20 mai 2015, y compris, mais sans s’y limiter, a) l’annulation de la lettre écrite de réprimande du 20 mai 2015, b) une indemnisation en vertu de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(4) de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour préjudice moral ainsi que conduite délibérée et inconsidérée; et e) toute autre mesure corrective visant à remédier à la situation et à m’indemniser intégralement.

[…]

 

[3] Le grief a été entendu directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et la décision subséquente de le rejeter a été rendue dans une lettre datée du 15 octobre 2015. Le fonctionnaire a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la CRTEFP) aux fins d’arbitrage le 1er décembre 2015, en tant que grief lié à la convention collective en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la LRTFP).

[4] Le 27 janvier 2016, l’employeur s’est opposé à la compétence de la CRTEFP pour entendre le grief, alléguant que le grief ne portait pas sur une mesure disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP ou sur l’application de la convention collective en vertu de l’alinéa 209(1)a). Le 11 février 2016, le fonctionnaire a répondu à cette objection, alléguant que le grief portait en partie sur l’interprétation et l’application de la convention collective. L’affaire a initialement été mise au rôle les 2 et 3 mars 2017, à Ottawa (Ontario); elle a toutefois été reportée à la demande du fonctionnaire.

[5] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[6] L’audience a été reportée aux 6 et 7 février 2020. On a demandé aux parties d’être prêtes à répondre à l’objection de l’employeur concernant la compétence au début de l’audience. La décision en l’espèce tranche uniquement cette objection.

[7] Le défendeur était représenté par un avocat. Le 6 août 2021, le gouverneur en conseil a nommé cet avocat membre de la Commission (numéro C.P. 2021-0814), à compter du 13 septembre 2021. Je n’ai eu aucune discussion avec ce membre de la Commission au sujet de ce renvoi à l’arbitrage et de la décision en l’espèce.

II. Résumé des faits

[8] Aucun témoin n’a été cité à témoigner. Les faits ont été tirés des documents présentés avec les arguments écrits ainsi que des admissions formulées par les parties au cours de l’argumentation orale devant moi, d’un document de recherche des faits liés à la mesure disciplinaire et des arguments écrits présentés par le fonctionnaire au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

[9] Au début de l’audience le 6 février 2020, le fonctionnaire a retiré ses allégations relatives à l’invalidité.

[10] Le grief renvoie à une lettre de réprimande datée du 20 mai 2015 (la « lettre de réprimande ») que M. Séguin a remise au fonctionnaire. Les parties pertinentes de cette lettre indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

À la suite de l’enquête disciplinaire tenue le 4 mai 2015, je conclus que vous n’avez pas respecté le Code de conduite ministériel du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) en ce sens que vous avez manqué de respect et que vous avez affiché un comportement inapproprié lors de notre réunion du 1er avril 2015, tenue entre 16 h et 16 h 30, lorsque vous […] est inacceptable et ne favorise pas un environnement qui encourage le travail d’équipe, le respect et la dignité. Ce comportement est inacceptable et ne saurait être cautionné ou toléré.

Par conséquent, conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), j’ai décidé qu’une réprimande écrite constitue une sanction appropriée. Afin de déterminer la sanction disciplinaire appropriée, j’ai pris en considération les facteurs aggravants et atténuants, qui comprennent entre autres vos années de service, l’absence de mesure disciplinaire dans votre dossier personnel ainsi que l’absence de remords, le ton impénitent et l’incohérence dans vos déclarations au cours de l’enquête disciplinaire.

[…]

 

[11] Même si les faits concernant l’objet de la réunion du 1er avril 2015 (la « réunion du 1er avril ») mentionnés dans la lettre de réprimande ne sont pas tout à fait clairs, le sujet de l’examen annuel du rendement du fonctionnaire a été soulevé.

A. La convention collective

[12] La disposition de la convention collective pertinente à la décision en l’espèce indique ce qui suit :

[…]

ARTICLE 46

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

46.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, son identité sexuelle et l’expression de celle-ci, son état matrimonial, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, une condamnation pour laquelle il ou elle a été gracié, son adhésion à l’Association ou son activité dans celle-ci.

[…]

B. Le processus de recherche des faits disciplinaires

[13] Dans un document intitulé « Recherche des faits disciplinaires », on renvoie à la réunion du 1er avril comme étant la date à laquelle M. Séguin a rencontré le fonctionnaire au sujet de son rendement et au cours de laquelle il a été allégué que le fonctionnaire avait agi de façon inappropriée, ce qui a mené au processus d’établissement des faits et à la lettre de réprimande.

[14] Selon le document Recherche des faits disciplinaires, une réunion de recherche des faits, à laquelle le fonctionnaire et un représentant de l’agent négociateur ont assisté, a eu lieu le 4 mai 2015. Le fonctionnaire a été interrogé au sujet de son comportement à la réunion du 1er avril. Rien dans le document n’indique que le fonctionnaire a mentionné que M. Séguin avait fait des observations, désobligeantes ou autres, au sujet de ses origines. La référence à ses origines dans le document est la suivante :

[Traduction]

[…]

M. Falbo a mentionné qu’en raison de ses origines italiennes, il a naturellement une voix qui porte et sonne fort. J’estime qu’il faut préciser que, pendant la réunion de recherche des faits, la voix de M. Falbo ne sonnait pas plus fort qu’à l’habitude et qu’il y avait cinq personnes dans la salle, dont deux tapaient sur des claviers la plupart des mots prononcés.

 

[15] Le document Recherche des faits disciplinaires indiquait également ce qui suit : [traduction] « M. Falbo a allégué qu’il avait pris des médicaments à la suite d’un rendez‑vous chez le médecin auquel il s’était rendu plus tôt ce jour-là ».

[16] Dans une section qui semble présenter des questions et des réponses, le document mentionne la réponse du fonctionnaire au sujet d’une partie de la discussion survenue à la réunion du 1er avril. Ses réponses à certaines questions ont été consignées comme suit :

[Traduction]

[…]

Au départ, il a dit qu’il s’agissait d’une réunion de suivi. Je revenais d’un congé de maladie certifié de deux semaines avant cela. Ce matin-là, je ne me sentais pas bien, j’avais un billet du médecin et je n’aurais pas dû me présenter au travail. J’avais pris un médicament antidouleur.

[…]

Je ne me rappelle pas tous les détails, parce que j’avais pris un médicament antidouleur et je revenais d’un congé de maladie.

[…]

 

[17] À un ou deux autres endroits du document Recherche des faits disciplinaires, la personne qui a consigné la réunion a indiqué que le fonctionnaire disait qu’il était malade ou qu’il avait été en congé parce qu’il était malade, ou qu’il prenait des médicaments antidouleur.

[18] Les « Arguments écrits du fonctionnaire au troisième palier de la procédure de règlement des griefs » du 17 septembre 2015 contiennent les extraits suivants qui sont pertinents en ce qui concerne la question de la compétence :

[Traduction]

[…]

Le 20 mai 2015, M. Séguin a signifié une réprimande écrite à M. Falbo après avoir conclu qu’il n’avait pas respecté le Code de conduite ministériel du SCT lors d’une réunion qu’ils avaient tenu le 1er avril 2015.

[…] M. Falbo a contesté la réprimande écrite avec l’approbation de son agent négociateur, l’Association canadienne des agents financiers (ACAF). Plus précisément, M. Falbo allègue a) que la mesure disciplinaire est injustifiée, punitive ou inappropriée dans les circonstances; b) que la direction n’a pas tenu compte des facteurs atténuants et contributifs; c) que la mesure disciplinaire a enfreint, entre autres, les Lignes directrices concernant la discipline du SCT, la convention collective du groupe FI, la Loi canadienne sur les droits de la personne et l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

M. Falbo n’a jamais eu d’antécédents disciplinaires au cours de ses 16 années d’emploi dans la fonction publique fédérale. La réprimande écrite imposée découle uniquement de la mauvaise foi et de la discrimination exercées par Alain Séguin, ce qui a entraîné des répercussions sur M. Falbo à un moment de vulnérabilité. Dans les circonstances, il est clair que la mesure disciplinaire imposée à M. Falbo est injustifiée et qu’il a en fait été victime de discrimination. Nos opinions suivent.

Avant la réunion du 1er avril 2015, M. Falbo était en congé de maladie médicalement reconnu depuis deux semaines. Au cours des mois précédents, il avait éprouvé plusieurs problèmes médicaux, ce dont M. Séguin et le SCT étaient au courant.

Le 1er avril 2015, dans la matinée, M. Falbo s’est rendu à un rendez-vous médical et a obtenu un billet du médecin […] M. Falbo a indiqué qu’il souffrait beaucoup ce jour-là et qu’on lui avait prescrit des médicaments d’ordonnance qui avaient eu un impact sur sa capacité de se concentrer ce jour-là.

Même s’il était malade, M. Falbo est retourné au travail dans l’après-midi du 1er avril 2015. […]

[…]

12. M. Séguin savait depuis au moins décembre 2014 que John souffrait de problèmes médicaux. John avait rencontré Alain à ce moment-là environ et lui avait raconté avec émotion dans son bureau ses problèmes, en indiquant qu’ils lui causaient du stress, de l’anxiété et qu’il avait besoin d’aide pour contrôler ces problèmes médicaux. John rapporte que M. Séguin semblait d’accord avec le fait qu’il avait besoin d’aide. Toutefois, plutôt que de demander comment régler les problèmes que John éprouvait, M. Séguin a fait preuve de discrimination à son égard en raison de son handicap en choisissant de lui parler de sujets difficiles à un moment où il était vulnérable. John est très sensible à ses problèmes médicaux et il se sent blessé d’avoir été placé dans cette situation. Il estime que son employeur a fait très peu de cas de son état en agissant de la sorte. S’il avait pris la peine de se renseigner sur les mesures d’adaptation nécessaires avant de parler de ces problèmes à John, il aurait pu obtenir des renseignements indiquant que John était vulnérable dans cette situation et que l’on ne devrait pas lui parler de ces problèmes comme M. Séguin l’a fait. Il s’agissait d’un acte discriminatoire à l’égard de John.

[…]

15. Il a dit qu’il avait une voix forte, plus forte que la plupart des autres, sauf quand il manque de confiance en lui. Lors de son entretien avec M. Falbo le 1er avril 2015, M. Séguin a répondu au fait que M. Falbo a une voix forte en disant : « vous, les Italiens, avez tous du caractère ». John a été blessé par ces commentaires, ce qui a aggravé une situation déjà difficile. John rapporte que M. Séguin a déjà fait des commentaires similaires auparavant. À un moment avant son congé de maladie de deux semaines, lorsque les deux étaient en train de parler d’anciens clients, John a dit qu’il voulait participer plus activement auprès d’[un client]. On a dit à John, « vous, les Italiens, avez tous une voix forte ». Notre voisin est italien, « quand nous buvons du vin, ils parlent si fort! »

[…]

 

[19] À l’audience, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’alléguait pas que des commentaires désobligeants avaient été formulés sur ses origines, que ce soit lors de la réunion de recherche des faits disciplinaires (le 4 mai 2015) ou au moment où il a fait l’objet d’une mesure disciplinaire (le 20 mai 2015).

III. Résumé de l’argumentation

[20] Le fonctionnaire m’a renvoyé à Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, Haynes c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 85, Lovell et Panula c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 91, Parkolub et Hu c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 64, et Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145.

[21] L’employeur m’a également renvoyé à Parkolub et Hu, ainsi qu’à Canada (Procureur général) c. Robitaille, 2011 CF 1218 et Re Attorney-General of Canada and Lachapelle et al., 1978 CanLII 2083 (CF).

IV. Motifs

[22] L’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission de trancher ce grief. Il a soutenu que le grief n’est pas visé par l’alinéa 209(1)a) de la Loi. Pour les motifs énoncés ci-dessous, il est fait droit à l’objection et le grief est rejeté.

[23] À tous les moments pertinents, l’article 208 de la Loi indiquait ce qui suit :

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

[…]

 

[24] La compétence de la Commission pour entendre les griefs déposés en vertu de l’article 208 de la Loi est énoncée à l’article 209, qui indiquait ce qui suit à tous les moments pertinents :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire; […]

[…]

 

[25] La jurisprudence de la Commission (et de ses prédécesseurs) en ce qui concerne les articles 208 et 209 de la Loi (et les articles pertinents des versions antérieures de la loi) a clairement établi que toutes les questions qui peuvent faire l’objet d’un grief ne peuvent être tranchées à l’arbitrage.

[26] L’alinéa 209(1)b) de la Loi permet de renvoyer à l’arbitrage un grief qui porte sur une mesure disciplinaire imposée à un employé lorsqu’il s’agit d’un licenciement, d’une suspension du travail, d’une rétrogradation en ce qui concerne le poste de l’employé ou d’une sanction pécuniaire, tandis que l’alinéa 209(1)a) permet de renvoyer à l’arbitrage un grief qui se rapporte à une violation alléguée d’une convention collective.

[27] Toutefois, le fonctionnaire n’a pas renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi en ce qui concerne une mesure disciplinaire et, à ce titre, la question d’une mesure disciplinaire, sous la forme d’une réprimande écrite, ne m’est pas présentée. Le fonctionnaire tente en fait de renvoyer à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi la partie de son grief qui porte sur une allégation de violation de la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective. Comme je l’ai déjà mentionné, le fonctionnaire a retiré ses allégations relatives à l’invalidité au début de l’audience. Il reste maintenant les allégations de discrimination fondée sur l’origine ethnique.

[28] Dans le grief, il est indiqué que la date à laquelle l’action en litige a eu lieu est le 20 mai 2015. Ce jour-là, le fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure disciplinaire sous la forme d’une lettre de réprimande. Le grief indique clairement qu’il conteste la mesure disciplinaire. Il est indiqué ce qui suit : [traduction] « Je conteste la mesure disciplinaire que la direction m’a imposée dans la lettre du 20 mai 2015 (la “mesure disciplinaire”) […] ».

[29] Le fonctionnaire précise ensuite que la mesure disciplinaire était injustifiée, punitive ou inappropriée. Il ne dit pas qu’il conteste les commentaires formulés par M. Séguin. Rien ne porte à croire que le 20 mai 2015, M. Séguin a fait des commentaires désobligeants sur les origines du fonctionnaire. En fait, dans les arguments qu’il m’a présentés, le fonctionnaire a reconnu qu’il n’alléguait pas que des commentaires avaient été formulés après la réunion du 1er avril.

[30] Le 1er mai 2015, le fonctionnaire a participé au processus de recherche des faits en étant interrogé. Selon le document Recherche des faits disciplinaires, il aurait déclaré à la personne qui l’interrogeait qu’il a naturellement une voix qui porte et qui semble forte à cause de ses origines. Il n’est mentionné à aucun endroit dans le document Recherche des faits disciplinaires que M. Séguin a formulé des commentaires ou renvoyé aux origines du fonctionnaire. En fait, c’est le fonctionnaire qui a renvoyé à ses origines pour expliquer le comportement en question.

[31] Même si les allégations selon lesquelles M. Séguin a formulé des commentaires au sujet des origines du fonctionnaire ont été soulevées dans le cadre de la procédure de règlement des griefs afin de remettre en question la validité de la mesure disciplinaire qui a donné lieu à une réprimande écrite, cela ne permet pas d’une façon ou d’une autre de transformer la question en un grief distinct et autonome au sujet d’une violation de la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective. Pourtant, c’est exactement ce que le fonctionnaire tente de faire.

[32] Le fonctionnaire a contesté une mesure disciplinaire qui a donné lieu à une réprimande écrite. La discrimination fondée sur l’origine ethnique qu’il allègue doit être ancrée dans cette mesure disciplinaire. Le grief n’était pas une allégation de violation de la convention collective fondée sur la discrimination en milieu de travail au motif de l’origine ethnique. Étant donné que le grief portait véritablement sur la réprimande écrite, l’allégation de discrimination doit être liée à la décision de signifier cette réprimande écrite le 20 mai 2015. Par exemple, il est évident que le fonctionnaire alléguait une violation de la convention collective fondée sur la discrimination au motif d’une invalidité, en ce qui concerne la réprimande, parce que c’est exactement ce qu’indique le grief. Le fonctionnaire ne peut pas maintenant demander à la Commission de se prononcer sur une violation de la convention collective au sujet d’autres éléments qui auraient pu survenir dans la relation de travail, à divers moments, et qui n’étaient pas liés à la décision de signifier la réprimande écrite.

[33] Il est clair qu’il tente de faire exactement ce que la Cour d’appel fédérale a déclaré qui ne pouvait pas être fait dans Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 CF 109 (CA).

[34] Le fait que le fonctionnaire a déclaré dans son grief que la mesure disciplinaire contrevenait à la convention collective et à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6), à la Charte canadienne des droits et libertés (partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982) ch. 11 (R.-U.)), aux politiques du CT et à tout autre politique, règlement, directive, disposition législative, principe ou autres lois pouvant s’appliquer ne transforme pas un grief portant spécifiquement sur une réprimande écrite en un autre grief qui porte sur une allégation de violation de la convention collective relative à la discrimination en milieu de travail qui a eu lieu avant la date de cette réprimande écrite.

[35] Le fait que le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’art. 209(1)a) de la Loi plutôt que de l’alinéa 209(1)b) n’aide pas non plus le fonctionnaire. La Cour y renvoie expressément au paragraphe 5 de Burchill, comme suit :

[5] À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1). En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l’article 90 ou visé à l’alinéa 91(1) a) ou b) peut être renvoyé à l’arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

 

[36] Si le fonctionnaire s’est senti lésé par les commentaires sur ses origines qui ont été formulés à la réunion du 1er avril ou avant, il aurait certainement pu déposer un grief à ce sujet.

[37] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[38] L’objection à la compétence est accueillie.

[39] Le grief est rejeté.

Le 17 décembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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