Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) alléguant un abus de pouvoir par l’intimé dans l’application du principe du mérite et dans le choix d’un processus non annoncé – la Commission a accepté l’explication de l’intimé quant aux motifs qui l’ont amené à choisir un processus de nomination non annoncé : le poste était unique, le titulaire était sur le point de prendre sa retraite et aucune autre personne qualifiée n’avait été identifiée – il s’agissait de toutes les considérations pertinentes dans le choix de procéder à un processus de nomination non annoncé – la preuve n’a pas établi un abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé – dans les circonstances de cette nomination, il s’agissait d’un choix motivé fondé sur des considérations pertinentes – en ce qui concerne l’allégation d’abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite, le plaignant ne satisfaisait pas aux exigences relatives à la capacité de communiquer efficacement par écrit et à la capacité d’interagir et de communiquer efficacement de vive voix – la Commission n’a reçu aucune preuve de favoritisme personnel ou de mauvaise foi – aucune règle n’a été appliquée de façon rigoureuse, empêchant ainsi une évaluation équitable – il n’a pas été établi qu’une personne bien renseignée, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, conclurait que la partialité aurait influé sur le processus de nomination – la Commission était quelque peu préoccupée par la mention, dans l’évaluation descriptive, du congé non payé du plaignant, en ce qui a trait à la raison pour laquelle il serait mentionné ou à la raison pour laquelle on en tirerait une conclusion négative.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20211220

Dossier : 771-02-40763

 

Référence : 2021 CRTESPF 142

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

Entre

AMINAH APPLEBY

 

plaignante

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Appleby c. Administrateur général de la Gendarmerie royale du Canada

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir déposée en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Joanne B. Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Julie Jobin et Dominique Vidmar, Association canadienne des employés professionnels

Pour l’intimé : Laetitia Auguste, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard

Affaire entendue par vidéoconférence

les 27 et 28 septembre 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] La plaignante, Aminah Appleby, a déposé une plainte en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la LEFP) dans laquelle elle allègue que l’intimé, soit l’administrateur général de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a commis un abus de pouvoir. Selon la plaignante, l’abus de pouvoir est survenu dans l’application du mérite et le choix d’un processus non annoncé afin de pourvoir le poste de gestionnaire régional de l’unité des réclamations, du contentieux et des services de conseil (RCSC) pour le nord‑ouest, classifié au groupe et au niveau EC-05-SPESS-05 (le « poste de gestionnaire régional ») et situé à Edmonton (Alberta).

[2] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

[3] La Commission de la fonction publique n’a pas assisté à l’audience et a présenté des arguments écrits concernant ses politiques et lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bienfondé de la plainte.

[4] Pour les motifs qui suivent, la plainte est rejetée.

II. Contexte

[5] Le 11 juillet 2019, une notification de nomination ou de proposition de nomination (NNPN) a été émise pour la nomination de Sarah Shields (la « personne nommée ») au poste de gestionnaire régional.

[6] La plaignante a déposé sa plainte pour abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP le 27 juillet 2019.

III. Résumé de la preuve

[7] La plaignante a témoigné qu’elle est analyste principale au RCSC, tout comme l’était la personne nommée.

[8] La plaignante a expliqué que l’ancienne gestionnaire régionale avait été temporairement mutée du poste avec l’espoir que cette mutation devienne permanente. D’après ce que la plaignante comprenait, chaque analyste principal recevrait une nomination intérimaire de quatre mois à ce poste afin de couvrir l’absence de la gestionnaire régionale. Un processus de nomination annoncé pour le poste de gestionnaire régional pour une période indéterminée serait mené lorsque la mutation deviendrait permanente.

[9] Selon la plaignante, la personne nommée a reçu la première nomination pour occuper le poste de gestionnaire régional par intérim. Après quatre mois, la nomination a été prolongée à un an. Le 11 juillet 2019, la NNPN a été affichée pour la nomination non annoncée pour une période indéterminée de la personne nommée au poste de gestionnaire régional, ce qui a mené au dépôt de la plainte en l’espèce.

[10] La plaignante a renvoyé à un échange de courriels daté du 5 février 2019 avec Heidi Wild, alors surintendante des Relations entre les employés et la direction à la Division « K » et maintenant à la retraite. Dans l’échange, la plaignante a écrit à Mme Wild qu’elle souhaitait avoir l’occasion d’occuper le poste par intérim lorsque la nomination de la personne nommée prendrait fin en mars 2019. Elle a reçu une réponse de Mme Wild confirmant que c’était ce qui était prévu.

[11] Néanmoins, la nomination de la personne nommée au poste a été prolongée, et la plaignante n’a pas eu la possibilité qu’elle attendait. Elle a accepté cette décision lorsque Mme Wild lui a dit que la nomination avait été prolongée pour assurer la continuité au sein de l’unité des RCSC.

[12] Malgré cela, la plaignante a témoigné qu’elle avait continué de croire qu’elle aurait la possibilité de poser sa candidature pour la nomination d’une durée indéterminée au poste de gestionnaire régional. À son avis, tous les analystes principaux étaient expérimentés et capables d’exécuter les fonctions du poste.

[13] Toutefois, la plaignante a appris, après que la NNPN a été publiée et qu’elle a examiné la justification de la nomination non annoncée, qu’une évaluation narrative avait été effectuée pour chacun des analystes principaux avant la prolongation antérieure de la nomination de la personne nommée pour occuper le poste par intérim. Mme Wild a préparé les évaluations et a conclu que parmi les analystes principaux, seule la personne nommée était qualifiée pour le poste de gestionnaire régional.

[14] La plaignante a contesté l’évaluation de ses qualifications. L’évaluation narrative indiquait qu’elle s’était montrée réticente à accepter de nouveaux dossiers consultatifs, particulièrement pendant que la personne nommée occupait le poste de gestionnaire régional. Elle a déclaré que personne, y compris la surintendante Wild, ne lui avait parlé de cette réticence ou ne l’avait encadrée à cet égard.

[15] En ce qui a trait à la capacité de communiquer efficacement par écrit, la plaignante a souligné le commentaire selon lequel les notes d’information qu’elle rédigeait devaient toujours être réécrites par un gestionnaire. De plus, il a été noté qu’on lui avait fait suivre un cours de rédaction parce que ses compétences dans ce domaine étaient insuffisantes.

[16] La plaignante a soutenu qu’il s’agissait d’une fausse représentation des faits, car il était toujours de la prérogative d’un gestionnaire d’ajouter des éléments à une note d’information ou de la modifier. De plus, dans ses évaluations du rendement antérieures, on avait indiqué que ses dossiers étaient professionnels et détaillés. Quant au cours de rédaction, c’était elle qui avait demandé à le suivre, ce qui explique pourquoi on l’y avait envoyée. Elle ne l’a pas suivi parce qu’une gestionnaire estimait que ses compétences en rédaction étaient insuffisantes.

[17] En ce qui concerne la capacité d’interagir et de communiquer oralement de façon efficace, l’évaluation narrative a d’abord fait référence à un incident survenu lorsque la personne nommée a communiqué avec le bureau pour indiquer qu’elle serait absente, car sa fille était malade. L’évaluation narrative indiquait que la plaignante voulait seulement savoir si la personne nommée travaillait de la maison. Elle n’a pas offert de l’aider, étant donné son absence.

[18] La plaignante a reconnu qu’elle ne s’était pas enquise de l’état de la fille de la personne nommée et qu’elle s’était contentée de demander si la personne nommée avait un ordinateur portable.

[19] L’évaluation narrative faisait également référence à un dossier de contentieux précis. Elle indiquait que la plaignante argumentait et qu’un gestionnaire avait pris en charge la gestion du dossier lorsqu’un surintendant avait refusé de traiter avec elle plus longtemps. Dans l’évaluation du rendement de 2017, il a été fait remarquer, sans donner trop d’explications, que les gestionnaires avaient repris le dossier à la dernière minute.

[20] De plus, l’évaluation du rendement renvoyait à une mauvaise communication et à un courriel que la plaignante avait envoyé pour exprimer ses préoccupations. Elle a conclu que l’incident lui avait appris [traduction] « comment modérer ses ardeurs avant d’envoyer des messages ».

[21] La plaignante s’est souvenue du dossier et a souligné la mention de celui-ci dans son évaluation du rendement. Elle a témoigné qu’elle n’argumentait pas et que personne n’avait refusé de travailler avec elle.

[22] Ensuite, la plaignante a contesté l’évaluation d’un certain nombre de qualifications qui, bien qu’elles aient été utilisées dans l’évaluation narrative, ne figurent pas dans l’énoncé des critères de mérite (ECM) utilisé pour la nomination pour une période indéterminée au poste de gestionnaire régional. Ces qualifications étaient les suivantes : la capacité de promouvoir l’innovation et de guider les changements, la capacité de gérer des ressources humaines, la capacité d’arriver à des résultats, la facilité d’adaptation et la souplesse, ainsi que l’établissement de partenariats, de réseaux et de relations.

[23] Étant donné qu’elles ne sont pas pertinentes à la nomination pour une période indéterminée au poste de gestionnaire régional, je n’ai pas répété le témoignage de la plaignante.

[24] En contre-interrogatoire, la plaignante a été renvoyée à son évaluation du rendement de 2018, qui reconnaissait ses principes solides, tout en avertissant que la façon dont elle exposait sa position pouvait amener le public visé à mal la comprendre ou à se sentir dépassé.

[25] La plaignante a déclaré que c’est la personne nommée qui avait rédigé l’évaluation du rendement. La plaignante n’était pas d’accord avec l’évaluation, mais elle ne l’a pas contestée officiellement.

[26] L’évaluation du rendement de 2018 indiquait également que la plaignante progressait dans la gestion des situations dans lesquelles elle recevait des directives qui ne correspondaient pas à sa position.

[27] La plaignante a témoigné qu’elle s’était néanmoins conformée aux directives qui lui avaient été données.

[28] En conclusion, la plaignante a informé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») que sa plainte ne portait pas sur la personne nommée, mais sur la façon dont le processus a été mené et sur le manque présumé de respect, de courtoisie et de transparence à son égard.

[29] Mme Wild a témoigné. Elle a témoigné que la gestionnaire régionale relevait directement d’elle au moment des événements en question. Les activités de l’unité des RCSC portaient sur l’assurance, les réclamations fondées sur le droit et la gestion des risques. Mme Wild a confirmé que l’unité comptait trois analystes principaux, dont la plaignante et la personne nommée, lorsque l’ancienne gestionnaire régionale a quitté le poste. Au départ, le plan était de permettre aux analystes principaux d’occuper le poste de gestionnaire régional à tour de rôle dans le cadre de nominations de trois ou quatre mois.

[30] Mme Wild a reconnu que le plan était toujours d’actualité lorsqu’elle a reçu le courriel de la plaignante du 5 février 2019 et répondu à celui-ci. Peu après, elle a tenu une réunion avec le surintendant principal. Ensemble, ils ont décidé qu’il valait mieux laisser la personne nommée au poste et prolonger la nomination intérimaire. Cette décision a permis d’assurer la continuité à l’unité des RCSC; elle a également tenu compte de la complexité des dossiers assignés au gestionnaire régional et de la formation qui serait nécessaire pour réattribuer ces dossiers.

[31] Mme Wild a témoigné que, lorsque cette décision a été prise, et à la suggestion des Ressources humaines, elle a évalué les trois analystes principaux afin de décider qui parmi eux devrait occuper le poste de gestionnaire régional pour une nomination d’un an. À l’aide de la description d’emploi, de l’ECM, de ses connaissances personnelles et de l’information fournie par l’ancienne gestionnaire régionale et la personne nommée, Mme Wild a effectué l’évaluation narrative et déterminé que la plaignante ne satisfaisait pas à toutes les exigences du poste. Mme Wild n’a pas utilisé les évaluations du rendement. Elle a reconnu que l’évaluation narrative différait des évaluations du rendement et a suggéré qu’il pouvait être difficile d’indiquer des détails négatifs dans les évaluations du rendement.

[32] En examinant l’évaluation narrative, Mme Wild a témoigné que l’ancienne gestionnaire régionale lui avait fait savoir que les notes d’information rédigées par la plaignante devaient être réécrites régulièrement.

[33] En ce qui concerne la communication orale, Mme Wild s’est d’abord appuyée sur son expérience avec la plaignante lorsque la personne nommée s’était absentée en raison de la maladie de sa fille. Mme Wild a déclaré que la plaignante était désintéressée et qu’elle cherchait surtout à savoir quand la personne nommée reviendrait et si elle allait travailler pendant son absence. La plaignante n’a pas demandé si elle pouvait aider à accomplir le travail attribué. Mme Wild a considéré ce comportement comme désintéressé.

[34] En outre, en ce qui concerne le dossier de contentieux précis mentionné dans l’évaluation narrative, Mme Wild a expliqué que la plaignante était en désaccord avec la décision du surintendant en chef à ce sujet. Elle a exprimé son opinion plusieurs fois lors d’une réunion avec lui.

[35] Le surintendant en chef a ensuite dit à Mme Wild qu’il en avait assez et qu’il ne voulait plus faire affaire avec la plaignante pour ce dossier. Mme Wild a expliqué qu’une fois qu’une affaire a été présentée et que le surintendant en chef a rendu une décision, la décision est définitive.

[36] En ce qui a trait au choix du processus de nomination, Mme Wild a témoigné qu’elle avait pris la décision de recourir à un processus non annoncé. Elle a déclaré que le poste de gestionnaire régional est unique à la GRC. Il comporte des risques élevés; il exige de gérer de graves poursuites au civil et d’effectuer d’importants paiements d’argent des contribuables. Mme Wild devait prendre sa retraite sous peu. Dans le cadre de discussions avec les Ressources humaines et le surintendant en chef, il a été décidé de nommer une personne qui connaissait le poste et qui savait comment s’acquitter de ses fonctions. Une recherche de postes EC-05 précédemment annoncés a été effectuée, et aucune personne possédant les qualifications requises pour occuper le poste n’a été cernée.

[37] La décision de procéder à un processus de nomination non annoncé a été prise en mai 2019. Les évaluations narratives des analystes principaux avaient été achevées en mars 2019. Compte tenu du court laps de temps écoulé, une réévaluation des trois analystes principaux n’a pas été jugée nécessaire.

[38] Mme Wild n’a effectué qu’une autre évaluation narrative de la personne nommée le 16 mai 2019, dans le cadre du processus de nomination non annoncé. Mme Wild a témoigné qu’elle l’a fondée sur son expérience de travail avec la personne nommée et sur des conversations avec l’ancienne gestionnaire régionale et le surintendant en chef. L’évaluation a montré que la personne nommée satisfaisait à tous les critères de mérite du poste.

IV. Analyse

[39] L’article 77 de la LEFP prévoit qu’une personne dans la zone de recours pour un processus de nomination non annoncé peut présenter une plainte auprès de la Commission selon laquelle elle n’a pas été nommée à un poste à cause d’un abus de pouvoir.

[40] La plaignante allègue qu’il y a eu 1) abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé et 2) abus de pouvoir dans l’application du mérite. L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP. Toutefois, le paragraphe 2(4) prévoit ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

[41] Le fardeau de la preuve repose sur le plaignant dans une plainte concernant un abus de pouvoir. (Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux par. 48 à 55.)

A. Les questions en litige

1. Y a-t-il eu abus de pouvoir lors du choix d’un processus de nomination non annoncé?

[42] L’article 33 de la LEFP énonce que « [l]a Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé ».

[43] La LEFP n’accorde aucun niveau de priorité entre un processus de nomination non annoncé et un processus de nomination annoncé et prévoit un pouvoir discrétionnaire important pour faire ce choix. (Voir Clout c. Sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 22.)

[44] J’accepte l’explication de Mme Wild sur les raisons qui l’ont amenée à procéder à une nomination non annoncée. Le poste était unique, elle allait bientôt prendre sa retraite et aucune autre personne qualifiée n’avait été identifiée. Toutes ces considérations étaient pertinentes dans le choix de procéder à un processus de nomination non annoncé.

[45] La décision était différente de l’attente de la plaignante selon laquelle un processus de nomination annoncé serait mené. Même si la plaignante a dû être déçue, la jurisprudence est claire : il n’existe pas de « droit d’accès à toutes les possibilités d’emploi ». (Voir Jarvo c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6, au par. 32; « Jarvo ».)

[46] La plaignante s’est dite préoccupée par le fait que le processus n’était ni transparent ni équitable. La réponse à ses préoccupations est que la transparence a été obtenue lors de la publication de la NNPN. Elle a informé les employés des détails de la nomination et du droit de recours. (Voir Vaudrin c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 19.) Elle permettait également à la plaignante de participer à un échange d’information sur la nomination.

[47] En outre, le simple choix de recourir à un processus de nomination non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir. (Voir Jarvo.) Pour qu’une plainte contre le choix du processus de nomination soit accueillie, la preuve doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le choix constituait un abus de pouvoir. (Voir Robbins c. Canada (ministère des Ressources humaines et Développement social Canada), 2006 TDFP 17.)

[48] Après avoir examiné les éléments de preuve dont je suis saisie, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve ne démontre pas un abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé afin de pourvoir le poste de gestionnaire régional. Dans les circonstances entourant cette nomination, il s’agissait d’un choix raisonné fondé sur des considérations pertinentes.

2. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’application du mérite?

[49] Le rôle de la Commission est de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir. La Commission et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») ont confirmé que c’est leur rôle; il ne s’agit pas de réévaluer les candidats ou de refaire le processus de nomination. (Voir, par exemple, Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 20, et Clark c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2019 CRTESPF 8.)

[50] La principale préoccupation de la plaignante est l’évaluation narrative du 28 février 2019, qui a conclu qu’elle n’était pas qualifiée pour occuper le poste. On s’est ensuite fondé sur cette évaluation narrative pour éliminer sa candidature lorsque la personne nommée a été désignée pour la nomination pour une période indéterminée.

[51] Comme il a été mentionné plus haut, toutes les qualifications évaluées dans l’évaluation narrative n’ont pas été indiquées plus tard dans l’ECM ou évaluées pour le poste de gestionnaire régional. Il y avait toutefois un chevauchement important, en particulier en ce qui concerne la communication, définie dans l’évaluation narrative et l’ECM comme la capacité de communiquer efficacement par écrit et la capacité d’interagir et de communiquer oralement de façon efficace. Dans l’évaluation narrative, la plaignante ne satisfaisait pas aux exigences de l’une ou l’autre de ces qualifications.

[52] La plaignante a allégué que le favoritisme personnel, la mauvaise foi, le pouvoir discrétionnaire limité, la conduite inappropriée et la partialité ont vicié l’application du mérite.

[53] Le Tribunal s’est penché sur la notion de favoritisme personnel dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7. Il a indiqué que le favoritisme personnel est interdit et constitue un abus de pouvoir. (Voir le paragraphe 39.) Par souci de clarté, le Tribunal a ajouté ce qui suit, au paragraphe 41 :

[41] […] La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

 

[54] Aucune preuve de favoritisme personnel n’est ressortie de la preuve. Par exemple, il n’y a pas eu de suggestion directe ou indirecte d’un intérêt personnel indu, d’une amitié qui a influencé la sélection de la personne nommée, ou de tout autre avantage indu découlant de la nomination.

[55] Le Tribunal s’est penché sur la mauvaise foi dans Cameron c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 16. La mauvaise foi comprend des actes exceptionnels qui défient toute explication raisonnable. En examinant les éléments de preuve présentés en l’espèce, je conclus qu’ils n’indiquent aucune mauvaise foi.

[56] En ce qui concerne l’allégation du pouvoir discrétionnaire limité ou d’une conduite inappropriée, on m’a renvoyée à la décision du Tribunal dans Hailu c. Sous-ministre de Santé Canada, 2013 TDFP 27. Hailu portait sur l’application rigide d’une règle qui empêchait d’évaluer équitablement un employé. Aucune circonstance comparable n’a été démontrée dans les éléments de preuve dont je suis saisie, et les faits de Hailu ne s’appliquent pas en l’espèce.

[57] En ce qui concerne l’allégation de partialité, la Commission et le Tribunal se sont longtemps fondés sur le critère de la crainte raisonnable de partialité énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

[58] J’estime que les éléments de preuve présentés à la Commission ne permettent pas de conclure à une crainte raisonnable de partialité. Aucune raison n’a été donnée justifiant pourquoi Mme Wild était biaisée. En outre, rien dans la preuve ne porte à croire que des actes, des erreurs ou des omissions qu’une personne raisonnable, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, déterminerait être biaisés, que ce soit en faveur de la personne nommée ou contre la plaignante, ont été commis.

[59] Les évaluations du rendement et l’évaluation narrative révèlent tous les aspects du rendement de la plaignante qui exigeaient une attention particulière. Elle n’était pas d’accord avec les conclusions, mais son témoignage était généralement une divergence d’opinion, sans preuve à l’appui de son point de vue.

[60] Une différence d’opinion ne constitue pas une preuve de partialité. Il est possible que l’ancienne gestionnaire régionale aurait pu fournir des preuves à l’appui de la position de la plaignante concernant le cours de rédaction et sa capacité démontrée en milieu de travail. Cependant, elle n’a pas été appelée comme témoin. En ce qui concerne la communication orale, Mme Wild a décrit les événements qui l’ont amenée à conclure que la plaignante ne satisfaisait pas à l’exigence. Aucune preuve contradictoire n’a été présentée.

[61] Par conséquent, il n’a pas été démontré qu’une personne informée, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, conclurait que la partialité a influencé le processus de nomination au poste de gestionnaire régional.

[62] J’exprimerai quelques préoccupations au sujet de la mention du congé non payé de la plaignante dans l’évaluation narrative. Il avait été approuvé avant d’être pris, selon son témoignage, et il est difficile de comprendre pourquoi il serait mentionné ou pourquoi il donnerait lieu à une conclusion défavorable. Toutefois, ce seul élément ne suffit pas à étayer une conclusion de crainte raisonnable de partialité.

[63] En résumé, Mme Wild a recueilli de l’information et l’a utilisée, avec ses connaissances personnelles, pour rédiger l’évaluation narrative. Aucune preuve n’a été présentée pour la contredire ou la miner.

[64] Compte tenu de la preuve dont je suis saisie, je conclus que la plaignante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

[65] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[66] La plainte est rejetée.

Le 20 décembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

 

Joanne B. Archibald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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