Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte pour pratique déloyale de travail, alléguant un manquement au devoir de représentation équitable de l’agent négociateur – selon le plaignant, l’agent négociateur a omis de déposer un grief en son nom en 2016 et lui a fait croire, par erreur ou intentionnellement, que la fermeture imminente du bureau dans lequel il avait travaillé empêchait le représentant de l’agent négociateur de donner suite au grief – après avoir discuté avec une connaissance au début de 2019 et appris que son ancien lieu de travail n’avait pas fermé, le plaignant a communiqué avec l’agent négociateur pour tenter de faire rouvrir son dossier par ce dernier – il a été informé qu’il avait largement dépassé les délais pour déposer un grief – le plaignant a déposé sa plainte auprès de la Commission le 25 novembre 2019 – l’agent négociateur a demandé à ce que la plainte soit rejetée pour quatre motifs – l’un de ces motifs était que la plainte avait été déposée bien après le délai de 90 jours – le plaignant a identifié deux circonstances à l’origine de sa plainte – l’une a trait à ses échanges de 2016 et de 2017 avec l’agent négociateur concernant le dépôt d’un grief, tandis que l’autre a trait à la découverte, en mars 2019, de la prétendue nature trompeuse des déclarations faites par le représentant en 2016 et en 2017 – en se basant sur la première des deux circonstances à l’origine de la plainte, le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits à l’origine de la plainte le 7 novembre 2016 ou le 23 février 2017 – la découverte en mars 2019 des déclarations prétendument trompeuses de l’agent négociateur constitue la deuxième circonstance qu’il a identifiée comme étant à l’origine de sa plainte – la Commission a déterminé que, dans les deux circonstances, la plainte avait été déposée après le délai de 90 jours, et a conclu qu’elle était hors délai.

Requête accueillie.
Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20211221

Dossier : 561-34-41291

 

Référence : 2021 CRTESPF 143

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Samuel Delice-Charlemagne

plaignant

 

et

 

Alliance de la fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Delice-Charlemagne c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Amélie Lavictoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Abudi Awaysheh, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
les 19 janvier et 24 février 2020,

et les 16 et 30 août et 20 septembre 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] En novembre 2019, Samuel Delice-Charlemagne (le « plaignant ») a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), alléguant que le Syndicat des employé(e)s de l’impôt (SEI) s’est livré à une pratique déloyale de travail. Le SEI est un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »).

[2] La plainte porte sur des événements datant de 2016, 2017 et 2019.

[3] En novembre 2016, le plaignant a envoyé un formulaire de présentation de grief à un représentant du SEI. Il cherchait à déposer un grief concernant le non-renouvellement de son emploi à durée déterminée à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Son mandat avait pris fin le 30 septembre 2016.

[4] Selon le plaignant, le représentant du SEI n’a pas présenté le grief en son nom et lui a fait croire, par erreur ou intentionnellement, que la fermeture imminente du bureau dans lequel il avait travaillé empêchait le représentant de donner suite au grief. Après avoir discuté avec une connaissance au début de 2019 et appris que son ancien lieu de travail n’avait pas fermé, le plaignant a communiqué avec le SEI pour tenter de faire rouvrir son dossier par ce dernier. Il a été informé qu’il avait largement dépassé les délais pour présenter un grief contestant le non-renouvellement de son emploi à durée déterminée. Il a alors déposé une plainte pour pratique déloyale de travail auprès de la Commission en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), alléguant un manquement au devoir de représentation équitable de la défenderesse en vertu de l’article 187.

[5] La défenderesse a demandé à la Commission de statuer sur la plainte en fonction des arguments écrits et de la rejeter sans audience. Elle a invoqué quatre motifs de rejet. L’un de ces motifs était le caractère tardif de la plainte, notamment le fait qu’elle avait été déposée bien après le délai de 90 jours prescrit par la Loi.

[6] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) autorise la Commission à trancher toute question dont elle est saisie sans tenir d’audience. En juillet 2021, les parties ont été informées que la Commission avait décidé de trancher la présente affaire sur la base d’arguments écrits. Les parties ont eu l’occasion de présenter des arguments supplémentaires, ce qu’elles ont fait.

[7] Un examen de l’objet de la présente plainte et des arguments des deux parties m’amène à conclure que le non-respect des délais prive la Commission de sa compétence pour entendre cette plainte. Elle a été déposée après le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner les autres motifs de rejet invoqués par la défenderesse.

[8] Je suis consciente du fait que ce résultat ne sera pas d’un grand réconfort pour le plaignant, qui estime qu’il a perdu l’occasion de contester le non-renouvellement de son mandat. Toutefois, le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi pour déposer une plainte de pratique déloyale de travail est obligatoire, et la Commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de le prolonger. La plainte doit être rejetée.

II. La plainte devant la Commission et l’historique de la procédure

[9] Le plaignant est un ancien employé nommé pour une période déterminée qui a travaillé à l’ARC de décembre 2015 au 30 septembre 2016. La défenderesse était son agent négociateur.

[10] Le 2 novembre 2016, il a envoyé par courriel un formulaire de présentation de grief à un représentant du SEI qui est maintenant décédé, mais dont les actions et les déclarations sont au cœur de la plainte déposée devant la Commission. Le plaignant cherchait à déposer un grief concernant le non-renouvellement de son emploi à durée déterminée.

[11] Plus de trois ans plus tard, soit le 25 novembre 2019, le plaignant a déposé sa plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, alléguant que la défenderesse s’était livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185.

[12] Le plaignant a indiqué le 17 mai 2019 comme la date à laquelle il a eu connaissance des faits à l’origine de la plainte.

[13] Les arguments que le plaignant a déposés à l’appui de sa plainte sont très brefs, contiennent peu de descriptions ou de justifications et sont en grande partie composés d’échanges de courriels passés relatifs à ses demandes. Par conséquent, la description de la plainte dont la Commission est actuellement saisie est inextricablement liée à l’historique de la procédure qui a permis de mettre au jour la plupart des événements décrits ci-après.

[14] Dans sa réponse, la défenderesse a invité la Commission à rejeter l’affaire sur la base d’arguments écrits. Elle a soulevé quatre motifs. Deux concernent la compétence de la Commission. Il s’agit du respect des délais et du fait que le plaignant n’était pas un « employé » habilité à déposer un grief en vertu de la convention collective ou de la Loi et qu’il n’était donc pas un employé que la défenderesse aurait pu léser. Les autres motifs sont le défaut du plaignant à identifier la mesure corrective qu’il cherche à obtenir et l’absence de preuve à l’appui d’une allégation selon laquelle la défenderesse s’est livrée à une pratique de travail déloyale.

[15] Dans sa réponse, le plaignant a clarifié la nature de sa plainte, indiquant que les faits qui y ont donné lieu sont ses échanges avec le représentant du SEI en 2016 et 2017 et non ses échanges avec d’autres personnes du SEI qui ont eu lieu lorsqu’il a cherché à faire rouvrir son dossier en 2019.

[16] Le 30 juillet 2021, la Commission a informé les parties de sa décision de statuer sur la présente affaire au moyen d’arguments écrits. Dans cette même communication, elle a résumé les quatre motifs de rejet que la défenderesse avait soulevés, et elle a invité les parties à présenter des arguments écrits supplémentaires. Le plaignant a déposé de très brefs arguments supplémentaires qui se résumaient à une invitation pour la Commission à communiquer avec la direction de son ancien lieu de travail pour obtenir des preuves supplémentaires. La défenderesse a déposé des arguments supplémentaires à l’appui de sa demande de rejet.

[17] La Commission a ensuite formulé des demandes à l’intention de chaque partie pour qu’elles déposent les documents auxquels elles faisaient référence dans leurs arguments, mais qu’elles n’avaient pas déposés auprès de la Commission. La défenderesse a été invitée à déposer un extrait de la convention collective qu’elle avait mentionné dans ses arguments, tandis que le plaignant a été invité à déposer les échanges avec le représentant du SEI qu’il avait mentionnés dans ses arguments et à fournir des détails sur les échanges qu’il souhaitait invoquer à l’appui de sa plainte. Le 20 septembre 2021, des documents supplémentaires ont été reçus des deux parties, notamment des courriels du plaignant révélant ses échanges écrits avec le représentant du SEI entre le 2 novembre 2016 et le 27 février 2017.

[18] Les documents et les arguments que les parties ont déposés ont fourni un contexte supplémentaire, qui est décrit dans les paragraphes suivants.

[19] Le 2 novembre 2016, le plaignant a envoyé un formulaire de présentation de grief au représentant du SEI. Le SEI n’a aucune trace du dépôt d’un grief.

[20] Le 23 février 2017, le plaignant a écrit au représentant du SEI, déclarant ce qui suit : [traduction] « […] vous m’avez dit que vous ne pouviez pas vous battre pour moi parce que le bureau déménage […] Serait-il encore possible pour moi d’obtenir une nouvelle offre n’importe où dans le bâtiment? »

[21] Le lendemain, le représentant du SEI a répondu en déclarant ce qui suit : [traduction] « Une grande partie du bureau doit fermer à partir du 31 mars. Aucun contrat n’a été prolongé au-delà de cette date. La seule chose qui pourrait être envisageable c’est de travailler au T1 jusqu’à la fin du mois de juin. Je vais leur faire savoir que vous êtes intéressé, si vous le souhaitez. »

[22] Au cours des jours suivants, le représentant du SEI a confirmé par écrit qu’il avait fait part à la direction de l’ARC de l’intérêt du plaignant pour un emploi à durée déterminée, mais il a indiqué que la direction devait [traduction] « […] d’abord attribuer un poste à toutes les personnes [faisant l’objet d’un réaménagement des effectifs] et qu’ensuite elle consultera les listes de réembauche ».

[23] Aucun autre échange de courriels entre le plaignant et le représentant du SEI n’a été déposé auprès de la Commission. Le représentant du SEI est décédé en juillet 2018.

[24] Selon un courriel envoyé par le plaignant au SEI en janvier 2020, le 17 mars 2019, une connaissance l’a informé que son ancien lieu de travail n’avait jamais « fermé ». Dans un courriel adressé à la défenderesse en janvier 2020 décrivant les renseignements qu’il a obtenus de cette connaissance, le plaignant indique n’avoir [traduction] « […] aucune preuve que cela est vrai ou non ».

[25] Le 16 mai 2019, le plaignant a écrit au SEI :

[Traduction]

[…] J’ai été licencié à tort il y a plus de 2 ans, mais je ne pouvais pas déposer de grief parce que […] mon représentant syndical de l’époque, m’a informé que le bureau […] allait fermer. Il m’a également affirmé que je serais placé sur une liste de réembauche et je n’ai pas entendu parler d’eux depuis […]

 

[26] Le lendemain, un agent principal des relations de travail du SEI a informé le plaignant qu’il avait [traduction] « […] largement dépassé les délais de recours […] », notamment le délai de 25 jours pour déposer un grief. Il a également été informé qu’il n’était plus considéré comme un « employé » aux fins de l’exercice d’un recours parce qu’il n’avait pas été employé par l’ARC depuis plus de deux ans.

[27] Dans des échanges de courriels ultérieurs le même jour, le plaignant a expliqué qu’il avait récemment rencontré un employé du gouvernement fédéral et a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…] [cet employé] m’a dit qu’il ne croyait pas que le […] bureau avait fermé […] Il m’a suggéré d’essayer de faire quelque chose à ce sujet, même si cela fait plus de deux ans, et j’ai donc pensé que la meilleure option dont je dispose pour le moment serait de communiquer avec un représentant syndical. J’avais également confiance en [le représentant du SEI]. Ce n’est que récemment que j’ai appris que ce dont il m’avait informé était probablement complètement faux.

 

[28] La conversation à laquelle le plaignant fait référence semble être celle décrite comme ayant eu lieu le 17 mars 2019.

[29] Le 23 mai 2019, le plaignant a écrit à l’agent principal des relations de travail du SEI et l’a exhorté à « rouvrir [son] dossier ». Dans un autre échange de courriels à cette même date, le plaignant a exprimé son opinion selon laquelle il semblait qu’on l’ait « trompé », qu’on lui ait « menti » et qu’on l’ait « pénalisé » parce que le représentant du SEI n’avait pas « fait son travail » en 2016. L’agent l’a informé que, pour les raisons expliquées précédemment [traduction] « […] l’affaire ne peut être poursuivie dans le cadre des modèles de recours existants ».

[30] En résumé, la plainte déposée auprès de la Commission et les brefs arguments du plaignant exposent deux motifs pour sa plainte pour pratique déloyale de travail. Il fait valoir que le représentant du SEI a omis de déposer un grief en son nom en 2016, alors qu’il avait promis de le faire. Il soutient également que le représentant du SEI l’a induit en erreur en lui faisant croire qu’une prétendue fermeture de son ancien lieu de travail l’empêchait de poursuivre son grief.

[31] Bien qu’ils ne soient pas exprimés en ces termes, les arguments du plaignant concernant ce deuxième motif semblent suggérer qu’après avoir discuté avec une connaissance au début de 2019 et avoir appris que son ancien lieu de travail n’avait pas fermé, il a commencé à remettre en question la représentation qui lui a été offerte fin 2016 et début 2017. Il estime qu’on lui a menti et qu’on l’a privé de la possibilité de déposer un grief contre le non-renouvellement de son emploi à durée déterminée.

III. Questions en litige

[32] Bien que la défenderesse ait indiqué de nombreux motifs pour lesquels la présente plainte devrait être rejetée, je vais d’abord déterminer si elle est opportune. Plus précisément, je dois déterminer si la plainte a été déposée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits qui y ont donné lieu; voir Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20, et Éthier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers — Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN, 2010 CRTFP 7, au paragraphe 18.

IV. Motifs

[33] Quatre dispositions de la Loi constituent le contexte légal à partir duquel la présente plainte doit être évaluée.

[34] En vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, la Commission est tenue d’examiner et d’enquêter sur toute plainte qui lui est présentée selon laquelle une organisation syndicale telle que la défenderesse s’est livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185. À son tour, l’article 185 définit une « pratique déloyale de travail » comme tout ce qui est interdit par plusieurs autres dispositions. L’article 187 est l’une de ces dispositions et c’est celle qui s’applique aux allégations du plaignant. Elle est libellée comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[35] Enfin, le paragraphe 190(2) de la Loi fixe le délai pour déposer les plaintes prévues au paragraphe 190(1), notamment les plaintes pour pratique déloyale de travail. Elles doivent être présentées à la Commission au plus tard 90 jours après la date à laquelle le plaignant a eu connaissance ou, de l’avis de la Commission, aurait dû avoir connaissance des actes ou des circonstances donnant lieu à la plainte; voir Tyler c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 107, au paragraphe 155, et Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, au paragraphe 32.

[36] Le libellé du paragraphe 190(2) est impératif. Aucune disposition de la Loi ne permet à la Commission de prolonger la période de 90 jours; voir Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, au paragraphe 55, et plus récemment Paquette, aux paragraphes 29 et 30.

[37] Le plaignant a déposé la présente plainte de pratique déloyale de travail le 25 novembre 2019.

[38] Comme il a été indiqué précédemment, dans sa réponse, le plaignant a identifié deux circonstances à l’origine de sa plainte. L’une a trait à ses échanges de 2016 et 2017 avec le représentant du SEI concernant le dépôt d’un grief, tandis que l’autre a trait à la découverte, en mars 2019, de la nature trompeuse des déclarations faites par le représentant en 2016 et 2017. Ces circonstances seront abordées successivement.

[39] La première circonstance donnant lieu à la plainte est le fait que le représentant du SEI n’a pas déposé de grief au nom du plaignant. Le délai de 90 jours dont dispose le plaignant pour déposer une plainte pour pratique déloyale de travail a commencé à la date à laquelle il a su ou aurait dû savoir que le représentant du SEI n’avait pas déposé de grief.

[40] En vertu de la convention collective applicable, un grief doit être déposé dans les 25 jours ouvrables suivant l’événement ou la décision faisant l’objet du grief. Si le SEI avait accepté de déposer un grief au nom du plaignant, celui-ci devait être déposé au plus tard le 7 novembre 2016, soit 25 jours après la fin de l’emploi à durée déterminée du plaignant.

[41] Le plaignant accorde une grande importance à une promesse que le représentant du SEI lui aurait faite. Les échanges de courriels que les parties ont soumis ne permettent pas de savoir si le représentant du SEI a fait une telle promesse. Bien que la réponse du plaignant indique qu’il possède des preuves d’une telle promesse, il n’a pas déposé de document attestant d’une telle promesse ou d’un tel engagement. Indépendamment du fait qu’une telle promesse ait été faite, les échanges de courriels déposés par les parties révèlent qu’au 23 février 2017, le plaignant savait clairement que le représentant du SEI n’avait pas donné suite à son cas et n’avait pas l’intention de le faire. Un courriel que le plaignant a envoyé au représentant à cette date contient une déclaration indiquant qu’il avait connaissance du fait que le représentant n’avait pas déposé et ne déposerait pas de grief ([traduction] « Vous m’avez dit que vous ne pouviez pas vous battre pour moi […] »).

[42] En se basant sur cette première des deux circonstances à l’origine de la plainte, le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits à l’origine de la plainte le 7 novembre 2016 ou le 23 février 2017. Par conséquent, il était indéniablement et considérablement au-delà du délai obligatoire de 90 jours lorsqu’il a déposé une plainte pour pratique déloyale de travail le 25 novembre 2019.

[43] Le seul argument qui pourrait servir d’explication à un tel retard dans le dépôt d’une plainte – s’il était accepté – est l’affirmation du plaignant selon laquelle, en mars 2019, il a découvert que le représentant du SEI l’avait induit en erreur en 2016 et 2017 au sujet de l’avenir de son ancien lieu de travail, ce qui l’a amené à croire qu’un grief ne pouvait pas être poursuivi pour cette raison. Bien que cela ne soit pas exprimé ainsi, on peut déduire de ses brefs arguments qu’il adopte la position selon laquelle, n’eût été de ces déclarations erronées ou trompeuses faites en 2016 et 2017, il aurait activement poursuivi ses efforts pour faire présenter son grief à l’époque. La découverte en mars 2019 des déclarations prétendument trompeuses du représentant du SEI constitue la deuxième circonstance qu’il a identifiée comme donnant lieu à sa plainte.

[44] Malheureusement pour le plaignant, une analyse du respect des délais pour cette deuxième circonstance me conduit à la même conclusion — la plainte a été déposée après le délai obligatoire de 90 jours pour déposer une plainte pour pratique déloyale de travail.

[45] Bien que le plaignant ait identifié le 17 mai 2019 sur son formulaire de présentation de plainte comme étant la date à laquelle il a eu connaissance de l’affaire à l’origine de sa plainte, il a également identifié le 17 mars 2019 comme la date à laquelle il a appris la nature prétendument trompeuse des déclarations du représentant du SEI. En se basant sur l’une ou l’autre de ces dates aux fins du calcul du délai de 90 jours pour déposer une plainte, la plainte était hors délai. Elle a été déposée auprès de la Commission le 25 novembre 2019, soit plus de 90 jours après les deux dates indiquées ci-dessus.

[46] La plainte est hors délai et doit être rejetée. Par conséquent, il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner les autres motifs avancés par la défenderesse.

[47] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[48] La requête en rejet de la plainte pour cause de non-respect des délais est accueillie.

[49] La plainte est rejetée.

Le 21 décembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

Amélie Lavictoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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