Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage de son emploi auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») – l’employeur a soulevé une objection selon laquelle la Commission n’avait pas compétence, étant donné que le renvoi en cours de stage constitue un licenciement en vertu de l’article 62 de la LEFP – en vertu de l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), un grief déposé à l’encontre d’un tel licenciement ne peut pas être renvoyé à la Commission pour arbitrage – la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le grief – l’employeur a fourni la preuve d’un motif lié à l’emploi pour le renvoi en cours de stage – par conséquent, le fardeau de la preuve incombait alors au fonctionnaire, qui devait démontrer que la mesure prise par l’employeur était en fait un subterfuge ou un camouflage et que le renvoi constituait donc une mesure disciplinaire déguisée – la Commission a conclu que le fonctionnaire n’avait pas établi que le renvoi en cours de stage constituait une mesure disciplinaire déguisée ou un subterfuge ou qu’il avait été fait pour une raison autre que celles énoncées dans la lettre de renvoi – de plus, la Commission a conclu que le point de vue du fonctionnaire selon lequel son rendement au travail était acceptable et que toute lacune de sa part était attribuable à des circonstances indépendantes de sa volonté n’était pas compatible avec la prépondérance de la preuve – la Commission était d’avis que les méthodes de formation et d’évaluation des stagiaires étaient adéquates dans l’ensemble – dans le cas du fonctionnaire, malgré la formation, il n’a pas évolué de façon fluide – même s’il était entouré de collègues chevronnés qui pouvaient répondre à ses questions, il n’a pas été en mesure de se perfectionner de manière suffisante, aux yeux de l’employeur, pour parvenir au degré d’autonomie nécessaire à l’exercice de ses fonctions – par conséquent, l’employeur disposait du pouvoir discrétionnaire de décider s’il convenait pour effectuer le travail.

Dossier clos.

Contenu de la décision

Date: 20211202

Dossier: 566‑02‑12727

 

Référence: 2021 CRTESPF 133

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Wesley Wrightson

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Wrightson c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Craig Stewart, représentant

Pour le défendeur : Pierre‑Marc Champagne, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence

du 27 au 30 octobre 2020, du 18 au 21 mai 2021 et du 25 au 27 mai 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Wesley Wrightson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a été renvoyé en cours de stage à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC ou l’« employeur »), le 16 juillet 2015. Son grief ayant été rejeté au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs, il a renvoyé celui-ci à l’arbitrage à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (maintenant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral; la « Commission »), le 11 juillet 2016.

[2] L’audience du grief devant la Commission a commencé le 30 avril 2019 et s’est poursuivie tout au long de la semaine suivante, devant Stephan Bertrand, une formation de la Commission. M. Bertrand est décédé en mai 2019, et l’affaire m’a ensuite été confiée. Une audience a été fixée en juin 2020. En raison de la pandémie, elle a été reportée à octobre 2020 et a eu lieu par vidéoconférence.

[3] M. Bertrand avait déjà entendu la plupart des témoins de l’employeur. En l’absence d’entente entre les parties sur les éléments de preuve déjà présentés, j’ai entendu de nouveau les témoignages des témoins. La présente décision est fondée sur les témoignages, la preuve documentaire et les arguments présentés lors des jours d’audience d’octobre 2020 et de mai 2021.

II. Contexte

[4] Le grief porte sur un renvoi en cours de stage. L’employeur a soulevé l’objection selon laquelle la Commission n’a pas compétence sur cette affaire, étant donné que le renvoi en cours de stage constitue un renvoi au sens de l’art. 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; « LEFP »). En vertu de l’art. 211 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), un grief déposé à l’encontre d’un tel renvoi ne peut être renvoyé à la Commission aux fins d’arbitrage.

[5] Essentiellement, dans un cas de renvoi en cours de stage, il incombe à l’employeur d’établir que le renvoi a eu lieu pour une raison liée à l’emploi. Le cas échéant, le fardeau de la preuve incombe alors au fonctionnaire, qui doit démontrer que la mesure prise par l’employeur était en fait un subterfuge ou un camouflage et que, par conséquent, le renvoi constituait une mesure disciplinaire déguisée.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’employeur a fourni la preuve que le renvoi en cours de stage a eu lieu pour une raison liée à l’emploi. À l’opposé, le fonctionnaire n’a pas établi que le renvoi en cours de stage constituait une mesure disciplinaire déguisée ou un subterfuge ou qu’il avait été fait pour une raison autre que celles énoncées dans la lettre de renvoi.

III. Cadre législatif

[7] L’employeur a renvoyé le fonctionnaire en vertu de l’art. 62 de la LEFP, qui dispose ce qui suit :

62 (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

Indemnité tenant lieu de préavis

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[8] La Loi établit la compétence de la Commission à l’égard des griefs renvoyés à l’arbitrage. L’article 211 énonce qu’un grief portant sur tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage.

[9] La compétence de la Commission d’entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage est limitée. Dans Chaudry c. Canada (Procureur général), 2007 CF 389, la Cour fédérale a établi le fondement limité de cette compétence comme suit :

[…]

[51] Dans ces circonstances, l’employeur a convaincu l’arbitre qu’il s’était acquitté du fardeau l’obligeant à montrer qu’il y avait une preuve quelconque d’un motif lié à l’emploi pour procéder à un renvoi en cours de stage. Voir à cet égard la décision Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi (2001), 205 F.T.R. 238, au paragraphe 37, où le juge Lemieux a écrit ce qui suit :

Plus spécifiquement, l’employeur n’a pas à produire une preuve prima facie d’un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi et non à un autre motif.

[…]

[53] Une fois que l’employeur s’était acquitté de son fardeau, il incombait à l’employé de démontrer la mauvaise foi de ce dernier. À cet égard, l’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé que le renvoi en cours de stage était une imposture ou qu’il s’agissait d’une mesure prise de mauvaise foi.

[…]

 

[10] L’affaire Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, au paragr. 111, établit le renversement du fardeau de la preuve dans les griefs portant sur le renvoi en cours de stage. L’employeur doit établir ce qui suit :

1) que le fonctionnaire était en stage;

2) que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement;

3) qu’un préavis ou une indemnité en guise de préavis a été donné;

4) qu’une lettre énonçant le motif du licenciement en cours de stage a été remise au fonctionnaire.

 

[11] Il incombe ensuite au fonctionnaire d’établir que la décision de mettre fin à son emploi au moyen d’un renvoi en cours de stage était en réalité un subterfuge, un camouflage ou une invocation factice de la LEFP, ou qu’il a été effectué de mauvaise foi.

[12] Les parties ont demandé à la Commission l’autorisation de ne pas aborder à l’audience les questions relatives à la réparation et à l’application des mesures d’atténuation. Elles ont demandé de pouvoir prolonger l’instance à cette fin, au besoin. J’ai accédé à cette demande.

IV. Questions en litige

[13] Voici les questions à trancher dans le présent cas :

A. L’employeur a‑t‑il établi qu’il s’est appuyé sur des préoccupations ou des raisons liées à l’emploi lorsqu’il a décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage?

 

B. Le fonctionnaire a‑t‑il établi que le renvoi en cours de stage constituait une mesure disciplinaire déguisée ou un subterfuge ou qu’il a eu lieu pour une raison autre que celles énoncées dans la lettre de renvoi?

 

V. Résumé de la preuve

[14] À l’audience devant moi, l’employeur a cité à témoigner les témoins suivants (qui occupaient les postes en question en 2014 et en 2015) : Sherese Tardif‑Cress, surintendante par intérim; Jana Tisdale, surintendante; Joann Wanner, surintendante; Curtis Barry, agent des services frontaliers (ASF) jusqu’en novembre 2014 et surintendant par intérim, Immigration, North Portal, à compter de novembre 2014; Scott Kienlen, chef des opérations, North Portal; Jennifer Richens, directrice générale par intérim, Apprentissage et perfectionnement, Ressources humaines; David Akerley, gestionnaire, Programme de perfectionnement de base des agents (PPBA).

[15] Le fonctionnaire a témoigné en son nom.

A. Pour l’employeur

[16] Voici les éléments de preuve que l’employeur a présentés pour établir qu’il s’est appuyé sur des préoccupations ou des raisons liées à l’emploi lorsqu’il a décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

1. Le programme de formation des ASF

[17] Mme Tardif‑Cress a expliqué que le fonctionnaire était un ASF stagiaire. Il a d’abord suivi une formation de 18 semaines dans le cadre du Programme de formation de base des agents (PFBA), au Collège de l’ASFC situé à Rigaud, au Québec. Il devait ensuite participer au PPBA et mener ce programme à terme.

[18] Le 17 décembre 2013, le fonctionnaire a signé sa lettre d’offre du PPBA. La date d’entrée en vigueur des fonctions était le 13 janvier 2014. La lettre confirmait que la période de stage correspondait à la durée du PPBA ou à 12 mois, selon la plus longue de ces périodes. Dans le cadre du PPBA, il était un stagiaire classé aux groupe et niveau FB‑02.

[19] Le fonctionnaire a été affecté au point d’entrée de North Portal, situé sur l’autoroute 39, à North Portal, en Saskatchewan, où il suivrait le PPBA. Mme Tardif‑Cress était sa superviseure immédiate lorsqu’il est arrivé en poste, le 13 janvier 2014. North Portal est un point d’entrée de taille moyenne où s’effectuent des opérations commerciales et de circulation et où sont offerts des services d’immigration. Le fonctionnaire a d’abord été affecté à la Section de la circulation.

[20] Mme Tardif‑Cress a expliqué que le PPBA, un programme de perfectionnement en milieu de travail, était alors un nouveau programme destiné aux stagiaires. Elle et d’autres à North Portal ont suivi une formation en décembre 2013 et en janvier 2014 avant le début du PPBA. Elle a ajouté qu’en janvier 2014, elle comptait de cinq à six ans d’expérience en tant qu’ASF. Elle a aussi précisé avoir occupé un poste de surintendante par intérim de janvier à juillet 2014.

[21] Elle a précisé que le PPBA est un programme de perfectionnement en cours d’emploi. Les stagiaires qui acquièrent les connaissances, les habiletés et les compétences nécessaires sur une période d’évaluation de 12 à 18 mois et qui en font la démonstration sont nommés à des postes d’ASF aux groupe et niveau FB‑03. Dans le cas contraire, ils sont retirés du PPBA.

[22] Mme Tardif‑Cress a expliqué que dès son arrivée, le fonctionnaire était enthousiaste. Il était très motivé et travaillant. Il accomplissait ses tâches avec l’aide d’un mentor. Toutefois, il y a eu des problèmes dès le début de la période de stage.

[23] Un document de travail servait à consigner la capacité des stagiaires à accomplir des tâches au cours d’un trimestre donné. Différents superviseurs consignaient leurs observations au sujet des stagiaires.

[24] Le fonctionnaire a régulièrement fait l’objet d’évaluations du rendement, soit tous les trois mois pendant qu’il participait au PPBA. L’équipe de gestion locale a relevé des lacunes en matière de rendement et de comportement à chacune des périodes d’évaluation.

2. L’évaluation de trois mois

[25] Le 15 avril 2014, à l’aide du document de travail et à la lumière de ses observations, Mme Tardif‑Cress a évalué le fonctionnaire pour la période correspondant aux trois premiers mois du PPBA. Elle a souligné que pendant cette période, le fonctionnaire avait eu du mal à appliquer ses connaissances théoriques dans la pratique. Il comprenait les résultats souhaités, mais il ne prenait pas les bonnes mesures pour y parvenir. Il avait du mal à assumer les rôles et responsabilités d’ASF au point d’entrée, de répondre aux besoins des clients et d’accomplir des tâches administratives, comme remplir des formulaires. Il faisait souvent les mêmes erreurs, ce qui avait une incidence négative sur les activités de l’employeur et le service à la clientèle. Elle a fait remarquer ce qui suit, entre autres :

[Traduction]

[…] Il est manifeste que Wes est motivé et qu’il est déterminé à exceller dans le cadre du programme. Je recommande qu’il ralentisse la cadence et qu’il évite d’accumuler inutilement plusieurs tâches, ce qui lui permettra de se concentrer sur l’exécution complète et correcte de chaque tâche et de continuer à travailler avec ses mentors pour comprendre les différentes étapes à suivre pour mener à bien les différentes tâches.

[…]

 

[26] Mme Tardif‑Cress a inscrit que le rendement était insatisfaisant ou à améliorer pour 14 des 43 tâches et expériences évaluées (32,5 %).

[27] Mme Tardif‑Cress a expliqué que la version de novembre 2013 du document intitulé [traduction] « Programme de perfectionnement de base des agents (PBA) de l’ASFC : Guide du programme » (le « Guide du programme ») était en vigueur lorsque le fonctionnaire était un participant du PPBA. Elle a expliqué que pour réussir le PPBA, les stagiaires doivent assumer la responsabilité de leurs actes, garder une attitude positive, être motivés au travail, prendre en charge leur processus d’apprentissage et maintenir des relations de travail harmonieuses. Ils doivent se comporter conformément à toutes les politiques de l’ASFC et de la fonction publique.

[28] Étant donné les difficultés qu’éprouvait le fonctionnaire dans le cadre du PPBA, Mme Tardif‑Cress a consulté deux ASF principaux, qui ont accepté d’agir comme mentors auprès de lui. Ainsi, de l’encadrement et des conseils ont été fournis aux fonctionnaires afin qu’il corrige les lacunes relevées.

3. L’évaluation de six mois

[29] L’évaluation de six mois du fonctionnaire a été remplie le 9 juillet 2014, et Mmes Tardif‑Cress et Tisdale y ont toutes deux contribué. L’intérim de Mme Tardif‑Cress a pris fin le 14 juillet 2014, après quoi elle est retournée à son poste d’ASF principale à la Section de l’immigration.

[30] Mme Tisdale a expliqué avoir commencé ses fonctions de surintendante à North Portal en mai 2014, après avoir auparavant agi comme ASF depuis 2008. Elle a rencontré le fonctionnaire lorsqu’il est arrivé en Saskatchewan, le 10 janvier 2014. Celui-ci a vécu un mois dans un logement secondaire de la maison qu’elle partageait avec son époux à North Portal, jusqu’à ce qu’il trouve un logement pour lui et sa famille nouvellement arrivée.

[31] Mme Tisdale était à la Section de l’immigration avant mai 2014 et n’avait jamais travaillé avec le fonctionnaire auparavant. Lorsqu’elle est arrivée dans la section, Mme Tardif‑Cress l’a informée que le fonctionnaire avait reçu l’aide de deux mentors, qu’il travaillait très fort, mais qu’il devait ralentir le rythme pour faire moins d’erreurs. Mme Tardif‑Cress a mentionné qu’il était très enthousiaste et souhaitait participer à plusieurs activités. Toutefois, elle avait rappelé au fonctionnaire qu’il devait se concentrer sur ses tâches et être attentif pour ne pas faire d’erreurs, par exemple dans les formulaires qu’il devait remplir.

[32] Dans la deuxième évaluation, datée du 9 juillet 2014, le rendement a été jugé insatisfaisant ou à améliorer pour 19 des 43 tâches et expériences évaluées (44 %). Parmi les commentaires formulés dans l’évaluation figurent les suivants : [traduction] « plainte fondée concernant des erreurs dans les exemptions accordées », [traduction] « il perd ses moyens dans les situations difficiles, mais les choses s’améliorent sans contredit à mesure qu’il acquiert des connaissances en milieu de travail », et [traduction] « il doit ralentir et prendre son temps pour prendre la bonne décision ». Dans l’ensemble, il était mentionné qu’il devenait submergé en période très occupée ou lorsqu’il était confronté à une situation qu’il ne comprenait pas. Ses interactions avec les clients, ses interrogatoires primaires, l’exactitude avec laquelle il vérifiait les documents et ses décisions de mainlevée ou de renvoi figuraient parmi les sources de préoccupations particulières.

[33] Mme Tisdale a expliqué qu’un voyageur avait déposé une plainte contre le fonctionnaire pendant cette période. La plainte, qui a fait l’objet d’une enquête et a été jugée fondée, portait sur l’application erronée de l’exemption de 24 heures, d’où des frais supplémentaires inutiles pour le voyageur. À ce moment‑là, Mme Tisdale consacrait une heure par semaine sur le plancher avec le fonctionnaire et elle prenait connaissance des commentaires de ses homologues à son sujet. Il travaillait toujours au sein d’une équipe comptant des employés plus chevronnés. Elle ne s’inquiétait pas des progrès qu’il avait à faire, puisqu’il avait plusieurs mois devant lui pour améliorer son rendement. Elle pensait qu’il pouvait s’améliorer. Il recevait toujours du soutien de deux mentors, en plus des conseils des employés d’expérience avec qui il travaillait.

[34] Mme Wanner a expliqué avoir eu des échanges avec le fonctionnaire pendant cette période. Entre mars 2014 et mai 2015, elle était surintendante. L’employeur a présenté en tant qu’élément de preuve un échange de courriels qu’elle a eu avec lui. Le 23 mai 2014, elle lui a d’abord envoyé un message d’encouragement intitulé [traduction] « Réunion ». Elle lui a rappelé de rester concentré sur son travail et de prendre son temps, l’assurant que tout irait bien.

[35] Le lendemain, le fonctionnaire a répondu par courriel. Il comparait sa situation à celle d’autres stagiaires et disait avoir l’impression d’être davantage surveillé que d’autres.

[36] Dans un autre courriel, le 30 mai, Mme Wanner a demandé au fonctionnaire de prêter attention aux détails, car de nombreuses erreurs avaient été relevées dans son travail à la section « SSMAEC », en référence au [traduction] « programme commercial ».

[37] Dans des courriels datés du 7 et du 8 juillet, Mme Wanner a informé le fonctionnaire qu’il avait utilisé à maintes reprises le mauvais code dans le cadre d’examens visant les voyageurs. Le 8 juillet, elle a finalement précisé ce qui suit : [traduction] « Cette erreur ne devrait pas sans cesse se reproduire. » Elle a également signalé d’autres anomalies dans ses examens et lui a demandé de prendre son temps pour bien faire le travail.

[38] Un autre courriel, daté du 14 juillet 2014, faisait état d’une situation semblable.

4. L’évaluation de neuf mois

[39] L’évaluation de neuf mois a été réalisée le 6 novembre 2014. Elle portait sur la période allant du septième au neuvième mois. Mme Tisdale y constatait que le fonctionnaire s’était nettement amélioré, et elle disait également [traduction] « [i]l doit encore prendre le temps de ralentir, de se concentrer sur ce qu’il fait et de s’assurer qu’il suit toutes les dispositions législatives en vigueur dans la situation qui l’occupe », et également qu’il travaillait d’arrache-pied.

[40] Dans son évaluation, on lui a attribué une note de rendement insatisfaisant ou à améliorer pour 12 des 43 tâches et expériences évaluées (28 %). Des lacunes demeuraient pour bon nombre des mêmes aspects, notamment le service à la clientèle, la prestation des programmes et services, ainsi que les activités liées à l’application de la loi. Il y était souligné qu’il devait travailler sur son attitude envers les clients (c.‑à‑d. qu’il devait rester calme, respectueux et courtois) et qu’il devait accomplir ses tâches moins rapidement afin de s’assurer de prendre les bonnes décisions (p. ex. les décisions liées à la vérification des documents, aux interrogatoires primaires et à l’application de la loi).

[41] En particulier, pour évaluer les progrès réalisés depuis l’évaluation précédente, Mme Tisdale a pris l’initiative de lui attribuer une note de 2,5 plutôt que de 2 pour 10 tâches et expériences, sur les 43 qui étaient évaluées. À l’origine, les résultats proposés dans le formulaire étaient 4 – [traduction] « Dépasse les attentes », 3 – [traduction] « Répond aux attentes », 2 – [traduction] « Amélioration nécessaire » et 1 – [traduction] « Insatisfaisant ». Le formulaire n’offre pas l’option d’attribuer une note de 2,5. Toutefois, Mme Tisdale a pris l’initiative d’attribuer cette note au fonctionnaire pour certaines des tâches et des expériences, afin de l’encourager. Toutefois, pour 2 des 43 tâches et expériences, elle lui a attribué une note de 2.

[42] Mme Tisdale a expliqué que le fonctionnaire souhaitait exécuter des tâches différentes, et plutôt travailler à la Section de l’immigration. Cela dit, son rendement n’était pas encore suffisant à la Section de la circulation. Pour cette raison, l’équipe de gestion était au départ réticente à le muter à une autre section et à lui apprendre de nouvelles tâches, sachant qu’il ne maîtrisait pas encore celles qu’on lui avait confiées initialement. Toutefois, comme il en faisait le souhait, l’équipe de gestion a accepté de le muter à la Section de l’immigration pour lui donner la possibilité de faire la démonstration de ses capacités dans ce domaine. Le fonctionnaire était emballé par la mutation et c’est ainsi qu’il a commencé à travailler à la Section de l’immigration, en octobre.

[43] En novembre 2014, M. Barry est entré en fonction dans son poste de surintendant par intérim à la Section de l’immigration. Il a expliqué qu’avant sa nomination, il était un ASF chevronné et qu’il avait été le mentor du fonctionnaire. Il avait constaté que le fonctionnaire était très motivé, mais aussi que les examens lui donnaient du fil à retordre.

[44] Ainsi, lorsque M. Barry a commencé à occuper son poste intérimaire, le fonctionnaire était au milieu d’un cycle de 56 jours dans cette section.

5. L’évaluation de 12 mois

[45] L’évaluation de 12 mois a été effectuée le 31 décembre 2014.

[46] M. Barry était responsable de la Section de l’immigration. Il a envoyé un courriel à Mme Tisdale au sujet des difficultés que le fonctionnaire éprouvait au sein de la Section. Celle-ci a ensuite préparé l’évaluation datée du 31 décembre 2014. En particulier, elle a expliqué que le rendement du fonctionnaire s’était détérioré. Les commentaires qu’elle a inscrits concernant un certain nombre de tâches évaluées comprenaient les suivants : [traduction] « doit ralentir et prendre son temps pour prendre la bonne décision, et demander de l’aide en cas de doute », [traduction] « doit s’assurer qu’il pose les questions obligatoires [afin de confirmer la citoyenneté et le lieu de résidence] et ne pas tirer d’hypothèses en fonction des indicateurs », [traduction] « doit écouter ses collègues agents et poser des questions en cas de doute. Doit prendre le temps de tenir compte de tous les renseignements. »

[47] Des lacunes demeuraient dans les mêmes domaines principaux, c’est‑à‑dire le service à la clientèle, les activités liées à l’application de la loi et la connaissance des dispositions législatives, politiques, procédures et lignes directrices. Il était de nouveau mentionné que le fonctionnaire allait trop vite et qu’il devait se concentrer sur les tâches qu’il avait entre les mains. Il était également souligné que le fonctionnaire tentait de [traduction] « gérer […] des situations qu’il ne comprenait pas plutôt que de demander de l’aide d’un collègue ou d’un gestionnaire, ce qui entraînait des erreurs ».

[48] Le fonctionnaire a été grandement contrarié d’apprendre que son rendement avait été jugé insatisfaisant ou nécessitant amélioration pour 11 des tâches et expériences évaluées (25,5 %).

[49] M. Barry a expliqué que les tâches administratives accomplies par la Section de l’immigration comprenaient, par exemple, la délivrance de permis de travail. M. Barry a fait remarquer que le fonctionnaire commettait souvent des erreurs et qu’il était réticent à demander de l’aide. Ainsi, l’équipe de gestion a décidé qu’après la période des Fêtes de décembre, il serait renvoyé à la Section de la circulation, où les tâches à accomplir étaient jugées plus simples. Dans cette section, il aurait de meilleures chances de faire la démonstration de ses compétences.

[50] En conséquence, le fonctionnaire n’a achevé qu’un seul cycle de 56 jours en immigration. Tous les autres cycles qu’il a complétés ont eu lieu à la Section de la circulation.

6. Le rapport sur l’état de préparation et le premier plan de perfectionnement du rendement amélioré

[51] Le 31 décembre 2014, Mme Tisdale a rédigé un autre document intitulé [traduction] « Programme PBA – Rapport de la surintendante sur l’état de préparation de l’agent stagiaire à la nomination à un poste FB‑03 » (le « rapport sur l’état de préparation »). Cette évaluation supplémentaire, effectuée pendant la période d’évaluation, a mené à la conclusion que le fonctionnaire ne pouvait être nommé aux groupe et niveau FB‑03. La durée de sa participation au PPBA a été prolongée au‑delà de la période normale de 12 mois. Il a été informé qu’une amélioration était nécessaires dans deux catégories : (1) [traduction] « Prestation de programmes et services » et (2) [traduction] « Dispositions législatives, politiques, procédures et lignes directrices ».

[52] À son retour au travail, le 2 janvier 2015, le fonctionnaire a signé le premier plan de perfectionnement du rendement amélioré daté du 31 décembre 2014.

7. Le deuxième plan de perfectionnement du rendement amélioré

[53] Le 4 février 2015, le directeur de la section Recrutement national et perfectionnement professionnel a élaboré un deuxième plan de perfectionnement du rendement amélioré pour aider le fonctionnaire sur le plan des activités liées au service à la clientèle, des compétences en matière d’entrevue, des activités de traitement secondaire et des activités d’application de la loi. Le fonctionnaire et Mme Tisdale l’ont signé le 13 mars 2015.

[54] Le plan visait la période du 4 février au 6 mars 2015. Son objectif était de tenir compte des commentaires du fonctionnaire concernant ce qu’il estimait devoir améliorer et ce qu’il avait amélioré dans les domaines mentionnés.

[55] Afin d’aider le fonctionnaire, Mme Tisdale a pris soin d’être davantage à sa disposition afin de l’aider, de discuter avec lui et de documenter la situation. Toutefois, le fonctionnaire y a vu un mauvais signe, comme s’il faisait l’objet de microgestion. À l’époque, Mme Tisdale espérait encore qu’il réussirait le PPBA.

[56] M. Kienlen supervisait les opérations à North Portal. Il communiquait également avec les gestionnaires du PFBA au Collège de l’ASFC situé à Rigaud. M. Kienlen a participé de plus près à la gestion du dossier du fonctionnaire lorsqu’il a été décidé qu’un plan d’action s’imposait dans son cas. Il a rencontré le fonctionnaire à ce sujet le 11 mars 2015.

[57] À cette date, le fonctionnaire s’est entretenu avec M. Kienlen, Mme Tisdale, M. Akerley et le gestionnaire du PPBA pour discuter de l’absence de progrès durables au cours de la période d’évaluation la plus récente. On voulait aussi l’informer qu’il faudrait que des améliorations soient constatées, à défaut de quoi il risquait de ne pas réussir le PPBA. On lui a dit qu’il devait assumer la responsabilité de ses compétences et de son développement comportemental.

[58] L’employeur avait préparé un document contenant un résumé des situations observées et traitées concernant le fonctionnaire du 2 janvier au 11 mars 2015. Il précisait la date à laquelle chaque situation ou incident était survenu, l’endroit où il avait été observé (kiosque commercial, autoroute, immigration, caisse), le problème constaté à chaque date, tout aspect positif, les personnes ayant observé chaque situation et les dates auxquelles chaque situation avait été traitée.

[59] Les incidents signalés comprenaient, entre autres, un colis sorti sans signature du local sous douane et de multiples situations où le fonctionnaire n’avait pas suivi la procédure.

8. L’évaluation de 15 mois

[60] Le 14 avril 2015, à l’évaluation faite pour la période allant du treizième au quinzième mois, le rendement du fonctionnaire a encore une fois été jugé insatisfaisant ou à améliorer pour 21 des 43 tâches et expériences examinées (48,8 %). Son rendement s’est détérioré au cours de la période d’évaluation. Les lacunes relevées concernaient les mêmes domaines que lors des évaluations antérieures.

[61] Mme Tisdale a expliqué qu’à ce moment‑là, le fonctionnaire a commencé à avoir du mal à assumer la responsabilité de ses erreurs. Il s’est mis à blâmer les autres pour ses difficultés. Par exemple, pendant cette période, l’équipe de gestion a constaté qu’un colis qui lui était destiné avait disparu du local sous douane. Mme Tisdale s’est vu confier la tâche de le retrouver. Elle a interrogé le fonctionnaire, qui a commencé par dire qu’un autre ASF l’avait probablement pris. Une fois qu’elle a eu établi que ce n’était pas le cas, il a ensuite laissé entendre qu’un tel autre ASF l’avait pris. Une fois qu’elle a eu conclu que ce n’était pas le cas, il a enfin admis avoir pris le colis sans le déclarer conformément à la procédure.

[62] Mme Tisdale a déclaré qu’il s’agissait d’un incident bien malheureux, car il jetait un doute sur la confiance qui pouvait être accordée au fonctionnaire. Il s’agissait d’une question d’intégrité et d’honnêteté. Un certain nombre de ses erreurs ont été décrites comme suit dans un document joint à l’évaluation :

[Traduction]

[…] – Wes a détruit sans témoin des biens abandonnés – contrairement à la politique.

Wes a sorti son propre colis du local sous douane sans signer le registre de sortie du local. Il a tenté de dissimuler cet acte en expliquant qu’un autre agent l’avait sorti pour lui, puis en affirmant que c’était un agent muté qui l’avait fait. Cet article était également retenu au moyen d’un formulaire K24 n’ayant pas été signé par un autre agent.

– Wes a retourné des biens retenus au moyen d’un formulaire K24 aux fins d’exportation et n’a pas rempli le formulaire K24 pour indiquer que les biens avaient été exportés.

[…]

 

[63] Ainsi, l’évaluation soulignait qu’il avait fourni de faux renseignements lorsqu’il a été interrogé au sujet d’une situation et qu’il avait rejeté la responsabilité sur d’autres. Par exemple, en ce qui concerne la tâche et l’expérience numéro 43 portant le titre [traduction] « Agit conformément aux codes de conduite de la fonction publique et de l’ASFC », il a obtenu une note de 1 (Insatisfaisant). De façon similaire, en ce qui concerne la tâche et l’expérience numéro 42 portant le titre [traduction] « Assume la responsabilité de ses décisions et mesures », il a obtenu une note de 1.

[64] Le fonctionnaire a présenté des commentaires écrits en réponse à cette évaluation négative. Il y mentionnait avoir des problèmes de nervosité et d’anxiété et qu’il s’était remis en doute au cours des premières semaines de janvier. Il expliquait avoir fait des erreurs d’inattention sur trois formulaires K24 et ne pas avoir assumé la responsabilité d’erreurs administratives. Il avait l’impression que l’équipe de gestion en attendait plus de lui. Il a déclaré qu’à l’avenir, il souhaitait obtenir des commentaires plus fréquents. En outre, il a ajouté ce qui suit (voir la pièce E‑11) :

[Traduction]

[…]

[…] Il est extrêmement difficile de faire des progrès dans un système hautement subjectif. Dans le cadre du PPBA à l’échelle du pays, il n’y a pas eu de véritable formation de la part de la gestion concernant les différences entre les notes 4‑3‑2‑1, et on peut vraiment se demander s’il est possible de qualifier la fréquence du fait de dépasser les attentes, la fréquence du fait de répondre aux attentes, la définition de ce qu’est une approche adaptée, la définition de ce qu’on entend par courtois et respectueux, la définition de ce qu’on entend par demeurer calme et calmer les autres, entre autres. Dans l’affirmative, quel nombre de fois (fréquence) pourrait faire qu’un 2 devienne un 3? Je sais que « c’est comme ça », mais je suis en attente et rien n’avance dans ma vie, alors je dois me poser ces questions.

[…]

 

[65] Compte tenu de sa demande d’évaluations plus fréquentes, Mme Tisdale a accepté de l’évaluer toutes les deux semaines. Elle a également fait remarquer qu’en général, le PPBA fonctionnait bien pour les stagiaires. Il les aidait à réaliser des progrès dans l’apprentissage des fonctions du poste. Toutefois, encore une fois, le fonctionnaire avait du mal à accepter que son rendement ne fût pas satisfaisant, ce pour quoi il a blâmé le PPBA.

[66] L’employeur a également déposé en preuve le courriel que Mme Tisdale a fait parvenir au fonctionnaire le 26 avril 2015. Dans celui‑ci, elle corrigeait une ébauche de lettre que le fonctionnaire avait rédigée à l’intention d’un voyageur ayant importé un véhicule des États‑Unis au Canada. Le courriel fait état de nombreuses corrections à apporter à la lettre avant son envoi au voyageur.

9. L’avis de 30 jours

[67] Le 6 mai 2015, M. Kienlen a rédigé une lettre à l’intention du fonctionnaire pour l’informer qu’il disposait de 30 jours, à compter du 13 mai, pour démontrer les compétences énoncées dans la lettre. Mme Tisdale a remis la lettre au fonctionnaire le même jour. En particulier, la lettre informait le fonctionnaire qu’il avait 30 jours pour démontrer qu’il pouvait s’acquitter constamment de ses tâches de manière autonome, à défaut de quoi il serait licencié.

[68] La lettre précisait que, malgré l’aide qui lui avait été fournie (un jumelage individualisé avec des ASF, de l’encadrement, des périodes d’observation, du tutorat pour certaines tâches, de l’orientation opérationnelle et un plan de perfectionnement), bon nombre des lacunes relevées dans les compétences et les comportements visés par le plan sont demeurées. Au cours des 30 jours qui suivraient, il devrait démontrer qu’il possédait les compétences énoncées. L’employeur s’est également engagé à le rencontrer chaque semaine pour discuter de ses progrès.

[69] En contre‑interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu que Mme Tisdale avait révisé avec lui les erreurs commises.

[70] Au cours de la période de 30 jours, la direction locale a fait plusieurs [traduction] « mini‑évaluations ». Celles-ci sont datées du 15 et du 24 mai et du 2 juillet 2015. Plusieurs membres de l’équipe de gestion, Mme Tisdale, Mike Gillies, M. Barry, Mme Wanner et Dean Zalisko, ont fait des observations dans les mini‑évaluations. Encore une fois, les mini‑évaluations montraient que le fonctionnaire n’était pas parvenu à répondre aux attentes sur le plan du service à la clientèle, de la prestation de programmes, des activités d’application de la loi et d’un certain nombre de comportements attendus.

[71] À ce moment‑là, Mme Tisdale était enceinte de huit mois. Elle faisait davantage de tâches administratives dans un bureau, raison pour laquelle les membres de l’équipe de gestion présents sur le plancher ont pris part aux mini‑évaluations. C’est Mme Wanner qui devait la remplacer pendant son congé de maternité. Les mini‑évaluations ont toutes été effectuées au cours de la période allant du seizième au dix-huitième mois du programme.

[72] Pour la période allant du 13 mai au 9 juin 2015, un nouveau plan d’amélioration a été préparé pour le fonctionnaire. Un surintendant a été chargé de le superviser le plus possible aux dates et heures des quarts mentionnés. Lorsque le fonctionnaire avait des problèmes, le surintendant en discutait avec lui et lui indiquait la procédure à suivre. À la fin de chaque semaine, un résumé était fait.

[73] Le 20 mai 2015, Mme Wanner a évalué le fonctionnaire pendant qu’il effectuait une tâche intitulée « B4 ». Dans un courriel intitulé [traduction] « Plan d’action de 30 jours », elle a ensuite dressé une liste des erreurs qu’elle avait relevées et corrigées. En conclusion, elle mentionnait ceci : [traduction] « Il est manifeste que Wes ne sait pas comment bien remplir un B4 ni comment répondre aux questions qu’on lui pose à ce sujet. »

[74] L’évaluation produite par Mme Tisdale le 2 juin 2015 reposait sur les observations faites par Mme Wanner, M. Gillies et M. Barry. Il y est conclu que le fonctionnaire devait améliorer plusieurs aspects au travail.

[75] M. Barry était le superviseur du fonctionnaire entre le début de juin et le 16 juillet 2015. Le 4 juillet 2015, il a interrogé le fonctionnaire au sujet d’un certain nombre de préoccupations qu’on lui avait signalées concernant sa conduite (y compris un comportement peu courtois envers un collègue et des moments de confusion). Le lendemain, M. Barry a remis au fonctionnaire une transcription de la discussion qu’ils avaient eue lors de cette rencontre.

[76] Le 5 juin 2015, Mme Tisdale est partie pour un congé de maternité d’un an. Elle avait supervisé le fonctionnaire pendant un an.

[77] Le 9 juin 2015, après avoir surveillé le fonctionnaire pendant une semaine, Mme Wanner a consigné ses observations sur un formulaire. Elle y a inscrit que le fonctionnaire n’avait commis aucune erreur sur les formulaires cette semaine‑là. Toutefois, le fait qu’il cherchait à travailler seul, peut‑être pour éviter que ses erreurs ne soient révélées, était à ce moment une source de préoccupation constante et généralisée.

[78] Au cours du mois de juin 2015, d’autres problèmes sont survenus. À quelques reprises, les collègues du fonctionnaire ont signalé à l’équipe de gestion qu’après être allé à la salle de bain, il avait laissé la pièce dans un état insalubre. L’équipe de gestion a dû intervenir. Il s’est alors engagé à faire attention à cela à l’avenir.

[79] Le 2 juillet 2015, deux personnes qui ont travaillé avec le fonctionnaire ont également signalé des incidents l’impliquant, notamment qu’il avait laissé la ligne d’inspection primaire sans surveillance.

[80] Le 7 juillet 2015, Mme Wanner, qui avait établi le calendrier de supervision des surintendants ayant prêté assistance au fonctionnaire entre le 13 mai et le 9 juin 2015, a noté que ceux-ci lui avaient dit avoir régulièrement conseillé au fonctionnaire de demander l’aide d’un collègue en cas de doute ou de questions, mais qu’il travaillait plutôt seul, ce qu’il semblait préférer, comme s’il ne souhaitait pas que d’autres voient son travail. De plus, le fonctionnaire s’était mis à dos plusieurs de ses collègues. Il avait entre autres dit à plusieurs d’entre eux que s’il était congédié [traduction] « il jetterait tout le monde sous l’autobus ». Ses relations avec les nouveaux stagiaires étaient problématiques également en raison de ce genre de déclarations. L’équipe de gestion lui a rappelé d’avoir une attitude courtoise et professionnelle.

[81] Le 9 juillet 2015, M. Barry a remis un rapport détaillé sur le fonctionnaire à Thomas Zimmer, conseiller principal en programmes pour le PPBA. En sa qualité de surintendant de la Section de l’immigration, M. Barry a souligné que le fonctionnaire avait travaillé à la Section principalement pour un cycle de 56 jours, soit du début de novembre environ jusqu’en décembre. L’interprétation et l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27) lui donnaient du fil à retordre, non pas parce qu’il n’y mettait pas suffisamment d’efforts. Il avait travaillé très fort.

[82] M. Barry a fait remarquer que bon nombre des problèmes du fonctionnaire étaient la conséquence directe du fait qu’il ne demandait pas d’aide en cas de doute. M. Barry avait constaté que plutôt que de demander de l’aide, le fonctionnaire prenait une décision qui, souvent, n’était pas la bonne. Une liste de neuf erreurs était présentée. Selon M. Barry, la majorité de celles-ci auraient pu être évitées si le fonctionnaire avait consulté ses collègues. En raison de ses erreurs à la Section, on a décidé de le muter à la Section de la circulation afin de lui permettre de se concentrer sur des tâches moins nombreuses.

[83] À la fin de la période de 30 jours, M. Kienlen a signalé au Collège de l’ASFC que le rendement du fonctionnaire ne s’était pas amélioré.

10. Le licenciement

[84] Le Collège de l’ASFC a par la suite décidé de ne pas nommer le fonctionnaire à un poste FB‑03. La lettre de licenciement était datée du 16 juillet 2015 et était signée par Mme Richens. Elle informait le fonctionnaire de son licenciement.

[85] Mme Richens a expliqué la raison pour laquelle elle avait signé la lettre et ce que prévoyait le Guide du programme en pareil cas. Elle a présenté l’énoncé des critères de mérite et les compétences de base. Elle a expliqué que le poste d’ASF est exigeant et qu’il ne laisse place à aucun relâchement ni aucune hésitation. Les ASF doivent comprendre et appliquer régulièrement les lois (dont la Loi sur les douanes [L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.)] et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés), ainsi que de nombreux règlements.

[86] Tout en facilitant les déplacements et le commerce légitimes, les ASF sont tenus de fournir les services conformément aux priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique. Les stagiaires doivent réussir à atteindre au moins le niveau 2 pour six des quinze compétences et au moins le niveau 3 pour neuf des quinze compétences dans un délai de 12 mois, mais il est possible de prolonger cette période de trois mois ou plus. Elle décide de prolonger ou non la période de stage d’un stagiaire.

[87] Mme Richens a expliqué qu’il existe un besoin criant d’ASF et que l’employeur fait tout en son pouvoir pour aider les employés à apprendre à faire le travail d’ASF. Elle a expliqué toutes les mesures qui ont été prises pour aider le fonctionnaire à apprendre le travail. Dès le troisième mois de sa formation, des préoccupations ont été soulevées au sujet de son rendement dans le cadre du PPBA. Il avait du mal à transposer dans la pratique ce qu’il apprenait, comme en témoignait son évaluation.

[88] Bon nombre des notes qu’il avait obtenues étaient inférieures aux niveaux minimaux de 2 ou de 3. Mme Richens a énuméré les difficultés du fonctionnaire au travail. Celles-ci étaient les mêmes que celles mentionnées par les autres témoins. Elle a autorisé la prolongation de la période de stage afin de lui donner plus de temps pour bien comprendre son travail. Toutefois, cette mesure n’a pas fonctionné. Son rendement ne s’est pas amélioré.

[89] Elle a obtenu un rapport complet sur la situation. Celui-ci comprenait la recommandation de procéder au renvoi en cours de stage. La lettre de licenciement a été rédigée aux fins de signature, et elle l’a signée le 16 juillet 2015.

[90] M. Kienlen s’est vu confier la tâche de remettre la lettre de licenciement au fonctionnaire.

11. Le grief

[91] Le fonctionnaire a déposé son grief le 30 juillet 2015. Son grief ayant été rejeté au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs, il l’a renvoyé à l’arbitrage à la Commission le 11 juillet 2016.

B. Pour le fonctionnaire

[92] Voici les éléments de preuve que le fonctionnaire a présentés pour établir que le renvoi en cours de stage constituait une mesure disciplinaire déguisée ou un subterfuge ou qu’il a été fait pour une raison autre que celles énoncées dans sa lettre de licenciement.

1. La progression du fonctionnaire

[93] Le fonctionnaire a présenté un résumé de son expérience de travail avant son stage à l’ASFC. Il cumulait déjà 10 ans d’expérience en gestion de grands projets d’aide au développement dans différents secteurs, pour le gouvernement des États‑Unis, en Afrique de l’Ouest et dans les régions avoisinantes. Il a décrit son stage à l’ASFC en relatant les événements en ordre chronologique.

[94] Le fonctionnaire a expliqué que selon le Guide du programme, le PPBA est un programme [traduction] « […] de mise en pratique des connaissances […] qui vise à assurer la transparence et l’uniformité du perfectionnement des [ASF] jusqu’au niveau de travail de ceux-ci à [l’ASFC] ». Il y est précisé que les surintendants et les superviseurs sont [traduction] « […] essentiels au succès du Programme » parce que leur rôle principal consiste à [traduction] « […] créer un milieu propice à l’apprentissage […] » et que la [traduction] « [g]estion du rendement est une responsabilité partagée » entre les stagiaires et leurs superviseurs.

[95] À l’audience, le fonctionnaire a expliqué que les surintendants chargés de l’aider au cours de sa formation ne l’ont pas fait de manière adéquate. En l’absence d’aide suffisante de leur part, il n’avait pas été en mesure de démontrer qu’il satisfaisait aux exigences du poste d’ASF aux groupe et niveau FB‑03. Par conséquent, à son avis, son renvoi en cours de stage correspond à une mesure disciplinaire déguisée (punition) ou à un subterfuge qui a été fait pour une raison autre que celles énoncées dans sa lettre de licenciement.

[96] Selon sa lettre d’offre datée du 13 janvier 2014, la durée du programme pouvait être prolongée en fonction de chaque cas, à la discrétion de la direction, jusqu’à un maximum de 18 mois. Aux mois 12, 15 et 18, le stagiaire devait être évalué à la lumière d’une trousse d’évaluation. Afin d’être admissibles à une promotion, les stagiaires devaient présenter des éléments étayant le perfectionnement de leurs compétences, se soumettre un examen sur le rendement sous forme de questionnaire à la fin de chaque trimestre et démontrer qu’ils avaient réussi toute la formation de base.

[97] Le fonctionnaire a expliqué que certaines de ses questions au sujet des compétences qu’il devait démontrer étaient restées sans réponse au début du PPBA. Afin d’être nommés à un poste FB‑03, les ASF devaient obtenir une note minimale de 3 à l’égard de huit compétences et de 2 à l’égard de six autres compétences. C’était pour lui source de confusion. Par ailleurs, il avait beaucoup à perdre. Sa conjointe l’avait rejoint depuis Vancouver, en Colombie‑Britannique. Ensemble, ils se créaient une nouvelle vie, loin de leur famille respective, avec leur premier enfant né à cette époque.

[98] Le fonctionnaire a expliqué qu’à son arrivée en Saskatchewan, le 10 janvier 2014, il avait vécu avec un autre stagiaire de l’ASFC pendant un mois à North Portal, en Saskatchewan, dans le logement situé au sous‑sol de la maison de Mme Tisdale, qui était alors FB‑02, et de son conjoint. Il a ensuite trouvé un logement pour lui et sa famille nouvellement arrivée, à Estevan, non loin.

[99] Du 13 janvier au 1er juin 2014 environ, la superviseure du fonctionnaire à North Portal était la surintendante par intérim Tardif‑Cress.

2. Le processus d’évaluation

[100] Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait été évalué tous les trois mois pendant qu’il participait au PPBA. Un surintendant superviseur aux groupe et niveau FB‑03 remplissait un [traduction] « questionnaire sur le rendement du stagiaire » d’après les notes inscrites dans une [traduction] « copie de travail du questionnaire sur le rendement du stagiaire ». Les deux questionnaires énuméraient 43 points à l’égard desquels le stagiaire était noté. La notation se faisait sur une échelle de 1 à 4, soit 1 – Insatisfaisant, 2 – Amélioration nécessaire, 3 – Répond aux attentes et 4 – Dépasse les attentes.

[101] Les jours ouvrables entre le 30 janvier 2014 et le 1er juin 2015, le fonctionnaire a envoyé à sa superviseure des tableaux décrivant les activités et les tâches accomplies durant ses quarts de travail, qu’il appelait ses [traduction] « bilans quotidiens ». Ceux-ci comprenaient parfois des commentaires ou des questions à l’intention de sa superviseure.

[102] Mme Tardif‑Cress a rempli deux copies de travail du questionnaire sur le rendement du stagiaire, lesquelles comportaient au total neuf dates d’observation entre le 27 janvier et le 29 avril 2014.

[103] Vers le 1er avril 2014, Mme Tardif‑Cress a désigné deux FB‑03 pour [traduction] « former et encadrer » le fonctionnaire. Cet arrangement a pris fin environ six semaines plus tard, à la mi-mai.

3. L’évaluation de trois mois

[104] Le 15 avril 2014, Mme Tardif‑Cress a rencontré le fonctionnaire pour discuter de son évaluation de rendement pour le premier trimestre et lui a présenté sa première évaluation sous la forme d’un questionnaire sur le rendement du stagiaire, dans lequel le fonctionnaire se voyait accorder les notes suivantes sur 43 points évalués : 29 fois Répond aux attentes ou Dépasse les attentes, 13 fois Amélioration nécessaire et une fois Insatisfaisant.

[105] Dans les commentaires qu’elle a inscrits dans l’évaluation, Mme Tardif‑Cress indiquait que le fonctionnaire était demeuré très enthousiaste à l’égard du travail et qu’il avait présenté des comptes rendus quotidiens. Elle faisait remarquer qu’il comprenait bien les dispositions législatives et les politiques, mais qu’il éprouvait des difficultés à appliquer ces connaissances dans la pratique et à remplir les formulaires. Elle mentionnait qu’il avait bien réagi à l’affectation de deux FB‑03 devant agir comme encadreurs et mentors auprès de lui et qu’il semblait avoir amélioré ses points faibles. Le fonctionnaire n’a ajouté aucun commentaire à ce premier questionnaire sur le rendement du stagiaire.

[106] Entre le 23 et le 26 mai 2014, Mme Wanner a envoyé un courriel au fonctionnaire pour le remercier des efforts qu’il faisait. Le fonctionnaire a répondu en la remerciant tout en disant s’inquiéter que ses collègues semblaient faire l’objet d’un examen moins minutieux que lui.

[107] Vers le 1er juin 2014, Mme Tisdale, qui avait été nommée au poste de surintendante, a pris la relève de Mme Tardif‑Cress en tant que superviseure du fonctionnaire.

[108] Le 11 juin 2014, une plainte faisant référence au fonctionnaire a été déposée. D’autre part, le 29 juin 2014, un compliment a aussi été formulé concernant le fonctionnaire. De plus, le 6 juillet 2014, un deuxième compliment faisant référence au fonctionnaire a été transmis. De plus amples renseignements sur ces faits sont présentés ci-après.

4. L’évaluation de six mois

[109] Le 9 juillet 2014, Mme Tisdale a présenté au fonctionnaire son deuxième questionnaire sur le rendement du stagiaire.

[110] Dans le deuxième questionnaire, le fonctionnaire a obtenu les notes suivantes sur les 43 points évalués : 24 fois Répond aux attentes ou Dépasse les attentes (cinq de moins que dans son premier questionnaire), 19 fois Amélioration nécessaire et aucun Insatisfaisant. Une des options énoncées cochée par Mme Tisdale en réponse aux [traduction] « obstacles qui […] ont empêché […] le fonctionnaire d’appliquer les connaissances acquises dans le cadre du PFBA […] » était [traduction] « le manque de supervision en raison d’exigences opérationnelles ».

[111] Le fonctionnaire a expliqué en quoi certains des commentaires figurant dans sa deuxième évaluation lui semblaient inappropriés. Par exemple, il m’a montré qu’il avait parfois obtenu une note de 2,5 ou moins (3 étant la note de passage dans l’échelle utilisée dans les évaluations effectuées tous les trois mois) tout en récoltant un commentaire positif (par exemple, l’empressement avec lequel il avait accompli la tâche en question), ou encore une combinaison de commentaires positifs et négatifs. À l’appui de son argument, il m’a présenté les critères numéros 18, 23, 26 et 27, pour lesquels avaient été fournies des évaluations constructives et des notes de 2. Il avait également d’autres préoccupations. À plusieurs reprises, il avait reçu des commentaires négatifs, mais sans directives particulières aux fins d’amélioration. Il m’a donné comme exemple le critère 21, [traduction] « Effectue des renvois sélectifs appropriés » (pour lequel il avait obtenu une note de 2), qui était assorti du commentaire suivant : [traduction] « Doit perfectionner les compétences liées au processus d’évaluation (qualité et non quantité). »

[112] Il m’a également montré que selon les annexes 3a) et b), qui portent sur les compétences de base, la mesure de compétence exigée pour qu’un stagiaire soit considéré comme prêt à occuper un poste FB‑03 est une note de 2 pour six des quinze compétences, et non de 3 (voir la page 5 de l’annexe 3a]). En ce qui concerne les neuf autres compétences, la mesure de compétence nécessaire est une note de 3. Le fonctionnaire a expliqué en avoir été confus, que cette échelle différait de celle utilisée dans les évaluations que sa superviseure a effectuées pour chacune des périodes de trois mois. Il m’a dit qu’il avait posé des questions à ce sujet à quelques reprises pendant sa période de stage, mais qu’il n’avait jamais obtenu d’explication acceptable qu’il comprenait.

[113] Il a insisté sur le fait que les notes de 2 obtenues aux évaluations trimestrielles l’avaient amené à penser qu’il répondait aux compétences évaluées, décrites à l’annexe 3a), comme le lui avait expliqué M. Akerley lors de sa formation à Rigaud. Par conséquent, il ne comprenait aucunement que son rendement, qui était variable à certains égards, était susceptible de lui faire échouer son stage. Il a expliqué que s’il l’avait su, les choses auraient été totalement différentes.

[114] Comme il avait beaucoup de respect pour sa superviseure et les liens hiérarchiques, il n’a pas remis en question cette évaluation ni toute autre évaluation. Il n’avait donc pas l’impression que sa nomination à un poste FB‑03 pouvait être en péril d’une façon ou d’une autre.

[115] Enfin, à la suite de son évaluation, il a demandé à sa superviseure ce qu’il devait faire pour améliorer ses notes afin de passer d’une note de 2 à 3. Sa superviseure a répondu [traduction] « Vous y êtes presque, continuez. » Par conséquent, il est devenu encore plus investi dans son travail. Il arrivait plus tôt, acceptait des heures supplémentaires et amenait même parfois des beignes à l’équipe pour montrer son enthousiasme au travail.

[116] Le 10 juillet 2014, le fonctionnaire a reçu une lettre de félicitations de M. Kienlen à la suite du compliment public qu’il avait reçu le 29 juin 2014.

[117] Le fonctionnaire a expliqué que la plainte déposée contre lui le 11 juin a par la suite été jugée légitime (ou fondée). Par conséquent, le 15 juillet 2014, M. Kienlen a envoyé un courriel à M. Zimmer et à M. Akerley. Il a demandé s’ils souhaitaient voir la plainte publique déposée contre le fonctionnaire. M. Zimmer a répondu par l’affirmative et il se demandait si la plainte pouvait être liée aux lacunes relevées par la superviseure du fonctionnaire au cours des trois premiers mois. Le fonctionnaire n’a reçu aucune rétroaction officielle au sujet de la plainte, si ce n’est qu’elle a été mentionnée dans les commentaires du deuxième questionnaire sur le rendement du stagiaire.

[118] Le 15 juillet 2014, le fonctionnaire a également reçu une deuxième lettre de félicitations de M. Kienlen à l’égard du compliment public reçu le 6 juillet 2014.

[119] Plus tard, le fonctionnaire a surpris un employé de l’ASFC d’un point d’entrée avoisinant à sous‑évaluer une importation de chevaux. Le 20 juillet 2014, après l’en avoir félicité personnellement en privé, M. Kienlen a également reconnu que cela risquait peut-être de créer un malaise entre le fonctionnaire et les autres employés de l’ASFC. Le fonctionnaire a expliqué qu’il craignait les répercussions ou les réactions que cela pourrait causer parmi ses collègues, car il était nouveau dans la région et n’avait jamais été dans une telle situation.

[120] Le 27 octobre 2014, le fonctionnaire a commencé à la Section de l’immigration. Un nouveau système informatique, soit le Système mondial de gestion des cas, était en cours de déploiement à cet endroit.

[121] Le fonctionnaire a expliqué que lorsqu’il a commencé à la nouvelle section, il n’avait toujours pas été informé que son rendement inégal était susceptible de compromettre sa nomination à un poste FB‑03.

5. L’évaluation de neuf mois

[122] Le 6 novembre 2014, Mme Tisdale a présenté au fonctionnaire son troisième questionnaire sur le rendement du stagiaire. L’évaluation a été effectuée 24 jours après la date de fin officielle de son troisième trimestre, soit le 13 octobre.

[123] Dans le troisième questionnaire, le fonctionnaire a obtenu les notes suivantes sur les 43 points évalués : 8 fois Dépasse les attentes, 23 fois Répond aux attentes, 10 fois une note de 2,5, valeur qui a été saisie sur le formulaire (entre les valeurs 2 et 3), et 2 fois Amélioration nécessaire.

[124] En ce qui a trait à cette évaluation, le fonctionnaire est d’avis que les commentaires négatifs qu’il a reçus de sa superviseure découlaient de l’interprétation étroite que cette dernière faisait de son rendement. Pour sa part, il estimait qu’il effectuait un bon travail et que son rendement était acceptable, même très bon. Il estimait que sa superviseure avait fait preuve de paresse en répétant les mêmes commentaires que ceux formulés dans l’évaluation précédente, sans préciser ce qu’il pouvait faire pour s’améliorer.

[125] Il ne voyait pas ce qu’il pouvait faire pour faire passer ses notes de 2,5 à 3. Il se sentait pris en otage lorsqu’il était évalué avec des notes de 2,5, cette valeur ne faisant pas partie du tableau de notes fourni aux fins de son évaluation.

[126] Le fonctionnaire a expliqué que le 7 novembre 2014, son collègue classé aux groupe et niveau FB‑03 lui a demandé de se charger, pendant sa pause‑déjeuner, du traitement du dossier d’un voyageur qui demandait d’entrer au Canada. Le fonctionnaire s’est souvenu que son collègue avait dit : [traduction] « C’est ta décision. » Le fonctionnaire a choisi de permettre l’entrée du voyageur, car il estimait que la personne ne présentait aucune menace pour le Canada.

[127] Le fonctionnaire a expliqué qu’au début de décembre 2014, M. Barry l’a amené avec lui pour qu’il l’aide à traiter les passagers après un atterrissage à l’aéroport d’Estevan. M. Barry a questionné le fonctionnaire au sujet de la décision qu’il avait prise le 7 novembre. Le collègue du fonctionnaire s’était apparemment plaint en disant que le fonctionnaire avait alors pris la mauvaise décision. M. Barry semblait également avoir l’impression que le fonctionnaire avait agi à l’encontre des souhaits de son collègue.

[128] Le 17 décembre 2014, M. Barry a informé officieusement le fonctionnaire que lui et Mme Tisdale souhaitaient le voir avant qu’il rentre chez lui après son quart de travail ce jour‑là. Lors de leur rencontre, plus tard le même jour, Mme Tisdale a dit au fonctionnaire qu’elle avait conclu qu’il n’avait pas réussi la période de stage de 12 mois, et que la période de stage serait plutôt prolongée jusqu’en 2015 pour une période supplémentaire de trois mois.

[129] Le fonctionnaire a expliqué qu’avant cette rencontre, il n’avait pas été informé qu’il risquait de ne pas réussir sa période de stage de 12 mois. Avant la rencontre, Mme Tisdale lui avait dit officieusement que tout ce dont il avait besoin pour réussir était [traduction] « seulement quelques détails ici et là ». Elle lui avait dit, [traduction] « gardez la tête haute […] vous pouvez réussir. » Il s’agissait donc de la première fois qu’on lui disait que son avenir à l’ASFC était incertain.

[130] Le fonctionnaire est retourné à Vancouver à la fin de décembre afin de passer les vacances hivernales avec sa conjointe, ses enfants et ses parents. Il a dit que pendant ses vacances, il avait envoyé un courriel à M. Barry pour lui transmettre le plan d’apprentissage qu’il avait préparé pour lui‑même.

[131] Le fonctionnaire a expliqué avoir attendu à la fin de la pause hivernale pour discuter avec sa famille de ce qu’il vivait au travail. Il évitait la compagnie des autres. Lorsqu’il a enfin parlé de la prolongation de son stage, la conversation avec sa famille ne l’a pas fait se sentir mieux. Il est retourné en Saskatchewan vers le Premier de l’an.

6. L’évaluation de 12 mois

[132] Dans le quatrième questionnaire sur le rendement du stagiaire, rempli le 31 décembre 2014, le fonctionnaire a obtenu les notes suivantes sur les 43 points évalués : 8 fois Dépasse les attentes, 24 fois Répond aux attentes, 8 fois une note de 2,5, valeur qui a été saisie sur le formulaire entre les valeurs 2 et 3, et 3 fois Amélioration nécessaire.

[133] Le fonctionnaire a expliqué avoir encore une fois été dérouté par les notes de 2,5 que Mme Tisdale lui avait attribuées. Il avait l’impression que les notes lui étaient attribuées de façon arbitraire. Par ailleurs, il déplorait le fait qu’il avait été retiré temporairement de la Section de l’immigration en raison de besoins opérationnels particuliers. Il a expliqué que son absence de cette section avait nui à son perfectionnement. À compter de ce moment‑là, il avait le sentiment de faire l’objet de migrogestion de la part de sa superviseure. Il a expliqué qu’à partir de ce moment‑là, il se sentait comme un animal blessé qui se cache pour mourir seul. Sa vie sociale s’est détériorée. Il a commencé à faire de l’anxiété et à vomir sur le chemin du travail. Il avait une réaction physique chaque fois qu’il se rendait au travail.

[134] Le fonctionnaire a fait les commentaires manuscrits sur ce questionnaire : [traduction] « Il est entendu que j’ai rédigé mon propre plan [pendant la pause hivernale], et que je le respecte. Je sais comment m’améliorer, pourquoi je dois le faire, et je connais les domaines que je dois améliorer. J’y arriverai. »

[135] À son retour au travail, le 2 janvier 2015, le fonctionnaire s’est également vu remettre le rapport sur l’état de préparation rédigé par Mme Tisdale. Le fonctionnaire a fait remarquer que, selon les directives qui y étaient inscrites, le rapport [traduction] « […] aiderait le Comité d’examen du mérite (CEM) dans son évaluation de l’agent stagiaire en fonction de l’énoncé des critères de mérite pour les agents des services frontaliers (ASF) aux groupe et niveau FB‑03 ». Il demandait à la surintendante de fournir [traduction] « […] une évaluation globale de la capacité générale de l’agent stagiaire d’effectuer les tâches lui ayant été attribuées au cours des 12 mois précédents, dans les catégories énumérées ci‑dessous. La note devrait tenir compte du rendement de l’agent stagiaire après une année complète […]. »

[136] Mme Tisdale a indiqué que le fonctionnaire répondait aux attentes dans trois des cinq catégories énumérées dans le rapport sur l’état de préparation, soit [traduction] « Service à la clientèle », [traduction] « Activités liées à l’application de la loi » et [traduction] « Attentes et exigences en matière de comportement du stagiaire du PPBA ». Elle a attribué la mention Amélioration nécessaire dans deux catégories, soit « Prestation de programmes et services » et « Dispositions législatives, politiques, procédures et lignes directrices ».

7. Le premier plan de perfectionnement du rendement amélioré

[137] À son retour au travail, le 2 janvier 2015, le fonctionnaire a signé un [traduction] « plan de perfectionnement du rendement amélioré de l’agent stagiaire » daté du 31 décembre 2014.

[138] Le fonctionnaire a expliqué qu’en réponse à sa question sur la façon dont son perfectionnement serait évalué, Mme Tisdale a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les agents encadreurs ou un surintendant assureront une surveillance continue des compétences et des comportements énoncés ci‑dessus. Une rétroaction officieuse sera donnée à l’agent stagiaire Wrightson. En outre, des notes seront prises sur les mesures réalisées et une rétroaction sera fournie. Il en sera tenu compte dans l’évaluation pour la période allant du 13e au 15e mois.

À ce jour, la progression n’est pas suffisante pour répondre aux exigences de nomination aux groupe et niveau FB‑03. Il faudra qu’il y ait une amélioration importante […] pour qu’une nomination puisse être envisagée au 15e mois.

[…]

 

[139] Le fonctionnaire a expliqué qu’il s’agissait de la première fois que l’expression [traduction] « amélioration importante » figurait dans un document d’évaluation le concernant.

8. L’évaluation de 15 mois

[140] Le fonctionnaire a expliqué avoir commencé son cinquième trimestre à l’emplacement de l’ASFC à North Portal en janvier 2015, et que Mme Tisdale avait l’intention de travailler étroitement avec lui et de le surveiller pendant ses quarts de travail, à l’exception de la deuxième semaine de janvier, au cours de laquelle il a travaillé un certain nombre de quarts de nuit. Il a expliqué avoir eu une crise d’anxiété et avoir vomi avant son premier quart de nuit. Pour l’un de ses quarts de nuit cette semaine‑là, il a pris un congé de maladie. Comme il a été mentionné précédemment, il a vomi plusieurs fois sur le chemin du travail pendant cette période.

[141] Le fonctionnaire a expliqué avoir commencé à surveiller ses documents de l’ASFC pour y repérer les erreurs, en janvier 2015. À l’époque, les formulaires comportant des erreurs étaient renvoyés aux stagiaires aux fins de modification ou de discussion avec leurs superviseurs.

[142] Le 7 janvier 2015, le fonctionnaire a communiqué avec le Programme d’aide aux employés de l’ASFC. Il a déclaré qu’à la suite de la réunion du 17 décembre 2014, il se sentait humilié et était depuis [traduction] « très, très déprimé ». Il a également mentionné être anxieux et avoir vomi sur le chemin du travail.

[143] Le 20 janvier 2015, le fonctionnaire a eu une conversation officieuse avec M. Barry au sujet de ses préoccupations. M. Barry n’était pas d’avis que le fonctionnaire devait envoyer un courriel à M. Kienlen à ce sujet, mais qu’il devait plutôt essayer de les régler en interne, au niveau du surintendant.

9. Le deuxième plan de perfectionnement du rendement amélioré

[144] Le 4 février 2015, un deuxième plan de perfectionnement a été préparé pour le fonctionnaire. Le fonctionnaire et Mme Tisdale l’ont signé le 13 mars 2015. Sous la rubrique [traduction] « Compétences et comportements qui doivent être perfectionnés, corrigés ou améliorés », quatre compétences et trois comportements sont énumérés.

[145] Le 2 mars 2015, la fonctionnaire a remis à M. Kienlen une lettre intitulée [traduction] « Allégations concernant des incohérences dans l’évaluation par la surintendante Tisdale et la gestion par la surintendante Tisdale depuis le 13 avril 2014 dans le cadre du PPBA ». Ce document renferme le passage suivant :

[Traduction]

Depuis mon arrivée au PDE de North Portal en tant qu’ASF stagiaire, le 13 janvier, j’ai constaté les irrégularités et incohérences suivantes dans mes évaluations (officielles). Depuis le 17 décembre 2014 (dernier jour de mon affectation à Immigration), je me sens mal à l’aise, anxieux, nerveux, et en général pas moi‑même lorsque je travaille avec ma surintendante, et ce pour deux raisons. La première est une réunion qui a eu lieu entre le surintendant par intérim Barry, la surintendante Tisdale et moi‑même pour discuter de ma décision de délivrer une fiche de visiteur à un voyageur à l’égard duquel l’ASF [nom caviardé] avait des doutes (il soupçonnait qu’il soit un visiteur de mauvaise foi), en novembre. Ils souhaitaient discuter avec moi du fait que je n’avais pas écouté l’avis ni suivi le conseil d’un agent principal et ils souhaitaient connaître par quel processus de réflexion j’étais passé pour en venir à délivrer une fiche de visiteur, à ne pas interroger le client et à le laisser partir.

Le deuxième point pertinent à mon avis est que je crois que ma surintendante a une vendetta personnelle ou qu’elle est contre l’idée que je réussisse depuis que j’ai commencé à North Portal. Je pense que cela tient en partie à mes antécédents (ou à mes antécédents perçus, voire à ma réputation), du fait que j’arrive de Rigaud, que j’ai vécu avec ma surintendante et son conjoint pendant un mois pendant que je cherchais une résidence à Estevan, lorsque j’ai commencé, que je suis originaire des États‑Unis et bénéficie de la double citoyenneté, que j’ai vécu à Vancouver, ou même du fait de mes antécédents professionnels à l’étranger et de mon expérience en gestion à l’étranger. Cette perception, d’où mon allégation, a été évoquée par deux personnes distinctes (d’autres collègues).

[…]

 

[146] Le fonctionnaire a expliqué que le 12 mars 2015, il a discuté avec M. Kienlen au sujet de ses problèmes avec Mme Tisdale. Le fonctionnaire a soulevé ce qu’il estimait être déroutant, incohérent et injuste dans l’évaluation qu’elle avait faite de lui. Le fonctionnaire se souvient qu’à la réunion, M. Kienlen avait commencé par lui dire [traduction] « Si vous pensez que vous vous améliorez, détrompez-vous. »

[147] Le fonctionnaire souhaitait être jumelé avec un nouveau superviseur. Selon lui, un nouveau regard mènerait peut-être à une nouvelle possibilité importante. Or, il n’a pas l’impression d’avoir été écouté. Il estime n’avoir bénéficié d’aucune orientation ni d’aucune directive. On lui disait régulièrement simplement : [traduction] « Faites de votre mieux. »

[148] De même, le fonctionnaire était d’avis que M. Akerley ne lui avait donné aucune directive claire lorsqu’il s’était confié à lui ce mois-là. Lui aussi était vague. Par exemple, il utilisait des métaphores, comme [traduction] « C’est à vous de jouer. »

[149] Le 13 mars 2015, Mme Tisdale a envoyé à M. Akerley, à M. Kienlen et à une autre personne une feuille de calcul Excel qui comprenait des notes rédigées à la suite de l’observation du fonctionnaire pendant ses quarts de travail entre le 2 janvier et le 13 mars 2015. La feuille comportait une liste de 11 observations du fonctionnaire dans le cadre de son travail quotidien. Chaque superviseur y soulignait les bonnes pratiques du fonctionnaire et celles qui devaient être améliorées.

[150] Toujours le 13 mars 2015, le fonctionnaire a participé à une téléconférence pour discuter de ses progrès dans le cadre du PPBA. Il pouvait y inviter un représentant de l’agent négociateur. Sa superviseure, Mme Tisdale, était également présente.

[151] Le 5 avril 2015, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Akerley. Il y mentionnait entre autres que les notes de 2,5 figurant dans les questionnaires sur le rendement du stagiaire n’étaient pas claires et qu’il avait parlé de ses préoccupations directement avec M. Kienlen avant la réunion de mars. Il écrivait ensuite ceci : [traduction] « Après notre téléconférence, j’ai pris le temps d’exposer mes problèmes et mes réserves à ma surintendante et nous avons tourné la page […] nous avons une relation positive. »

10. L’évaluation de 15 mois

[152] Le 14 avril 2015, Mme Tisdale et le fonctionnaire ont signé le cinquième questionnaire sur le rendement du stagiaire. Mme Tisdale a attribué les notes suivantes au fonctionnaire sur les 43 points évalués : 3 fois Dépasse les attentes, 19 fois Répond aux attentes, 5 fois une note de 2,5 (entre les valeurs 2 et 3), 14 fois Amélioration nécessaire et 2 fois Insatisfaisant.

[153] Le fonctionnaire a témoigné qu’une fois de plus, les commentaires lui semblaient incompréhensibles. Il se sentait encore une fois pris en otage dans cette situation. Il a de nouveau demandé de l’aide. Toutefois, il a récolté une fois de plus un manque d’orientation et de directives, ce qui lui a causé un tort considérable.

[154] Le fonctionnaire a également offert son point de vue concernant un incident au cours duquel il a saisi un couteau à ouverture automatique. L’autre ASF s’en est plaint et le fonctionnaire a expliqué qu’ils n’étaient tout simplement pas du même avis quant à la meilleure façon de procéder. Il a expliqué que Mme Tisdale n’avait pas tenu compte de sa version des faits. Il estimait avoir fait l’objet de microgestion, que ses commentaires n’avaient jamais été sollicités de façon significative pour ses questionnaires sur le rendement du stagiaire et que ses évaluations étaient hautement subjectives.

[155] À l’audience, il a admis avoir menti à Mme Tisdale au sujet d’un colis qui avait été retiré des locaux sous douane sans signature. Il a dit qu’il s’agissait d’un colis de peu de valeur, seulement 28 $. Il a admis qu’il n’aurait pas dû mentir et qu’il se sentait mal de l’avoir fait. Il a expliqué qu’à l’époque, il était anxieux, déprimé et dans un état lamentable.

11. Lettre d’avis de 30 jours

[156] Le 6 mai 2015, le fonctionnaire a reçu une lettre signée par M. Kienlen. La lettre faisait état d’une période de 30 jours, à compter du 13 mai 2015, au cours de laquelle le fonctionnaire devait [traduction] « […] démontrer les comportements, les mesures et les décisions nécessaires pour accomplir et exercer vos fonctions sans une orientation étroite ». Elle énonçait les efforts déployés par la direction et précisait qu’à défaut de faire la démonstration du niveau requis, il serait renvoyé en cours de stage.

[157] Le 12 mai 2015, Mme Tisdale a envoyé le plan d’action de 30 jours à tous les surintendants concernés, par courriel. Elle y a joint un tableau à remplir et a expliqué qu’à la fin de chaque série de quarts, les surintendants devaient tenir une réunion pour faire le point. Le courriel précisait ce qui suit : [traduction] « Ce sera le moment de souligner les points positifs et les aspects à améliorer. »

[158] Le 13 mai 2015, un surintendant a envoyé un courriel à Mme Tisdale pour lui dire qu’il avait observé le fonctionnaire travailler et qu’il avait constaté que ce dernier était [traduction] « […] méthodique, progressif et soucieux des indicateurs […] Il s’assure de poser toutes les questions obligatoires […] J’estime qu’il a fait l’objet d’un encadrement si important qu’à ce stade, je ne tenterai pas de changer quoi que ce soit, car c’est assez bon. » Le même surintendant a de nouveau formulé des commentaires positifs les 16 et 21 mai.

[159] Le 9 juin 2015, Mme Wanner a consigné ses observations au sujet du fonctionnaire.

[160] Le 9 juin 2015, le fonctionnaire a rédigé une note annonçant sa démission à titre d’ASF en formation, à compter du 13 juin 2015. Toutefois, ce n’est que plus tard qu’il a montré la lettre à l’employeur, lorsqu’il a reçu sa lettre de licenciement de la part de M. Kienlen.

[161] Vers le 16 juin 2015, M. Barry a pris la relève en tant que superviseur du fonctionnaire.

[162] Le 17 juin 2015, M. Kienlen a informé le fonctionnaire de la fin de la période de 30 jours, précisant que les [traduction] « conditions » de ces 30 jours continuaient à s’appliquer pendant que la direction procédait à l’évaluation de son rendement.

[163] À compter de la mi‑juin 2015, un certain nombre de courriels ont été acheminés à M. Kienlen au sujet du travail et des habitudes du fonctionnaire.

[164] Le 30 juin 2015, M. Zimmer a informé M. Kienlen de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Nous recevons des commentaires de la part des Relations de travail de l’Agence […] nous avons fait du bon travail pour ce qui est de consigner en quoi Wesley a échoué à démontrer [les compétences], mais nous n’avons pas très bien expliqué ce qui a été fait pour l’aider à perfectionner les compétences qui doivent être améliorées, selon l’évaluation qui en a été faite.

Plus particulièrement, nous devons consigner davantage les mesures qui ont été prises pour l’aider […]

[…]

 

[165] Le 5 juillet 2015, M. Barry a envoyé un courriel à M. Zimmer et à tous les surintendants de la région. Il y expliquait qu’il avait rencontré le fonctionnaire la veille pour répondre aux préoccupations portées à son attention (son comportement inégal et suscitant la confusion). M. Barry a également envoyé un courriel au fonctionnaire pour résumer les points abordés lors de leur rencontre, et il a fait suivre ce courriel à M. Zimmer et à M. Akerley.

[166] Le 10 juillet 2015, M. Zimmer a envoyé un courriel à M. Barry, dans lequel il le remerciait du rapport détaillé et affirmait que les questions soulevées constituaient essentiellement une [traduction] « […] préoccupation constante que [le fonctionnaire] semble incapable ou peu disposé à régler ».

[167] Le 10 juillet 2015, Mme Richens a examiné et signé la note d’information. Celle-ci contenait un résumé que l’employeur avait rédigé au sujet de l’expérience de travail du fonctionnaire à l’ASFC. Elle précisait que la Direction générale des relations de travail de l’ASFC avait approuvé la lettre de licenciement jointe. Il était proposé que le fonctionnaire reçoive 30 jours de salaire tenant lieu de préavis, étant donné qu’il était armé et qu’il travaillait avec le public en tant qu’ASF.

[168] Le fonctionnaire a expliqué que le 13 juillet 2015, il savait qu’il était licencié. Ensuite, le 16 juillet 2015, il s’est vu remettre la lettre signée par Mme Richens. La lettre l’informait de son renvoi en cours de stage parce que [traduction] « Aucune amélioration durable n’ayant été constatée, je ne suis pas en mesure de m’attendre à ce que votre aptitude au poste s’améliore. » Lorsqu’il a reçu la lettre de M. Kienlen, il a demandé à présenter la lettre de démission qu’il avait rédigée, ce qu’il a fait. Toutefois, il a ensuite décidé de ne pas suivre cette voie, choisissant plutôt de déposer un grief pour contester son renvoi en cours de stage.

[169] Le 28 juillet 2015, le fonctionnaire a déposé son grief.

C. La réponse de l’employeur

[170] M. Akerley, gestionnaire du PPBA, a expliqué son rôle dans l’affaire. Pendant la période visée, le programme de PPBA venait d’être créé. Le fonctionnaire faisait partie de la première cohorte à l’égard de laquelle le PPBA a servi de formation officielle pour les nouveaux ASF. Le but était de s’assurer que tous les nouveaux ASF suivraient la même formation, peu importe le point d’entrée auquel ils étaient affectés.

[171] M. Akerley accueillait ainsi les ASF en formation à Rigaud. Il leur expliquait le fonctionnement du PPBA et les compétences requises aux fins de promotion aux groupe et niveau FB‑03. Les stagiaires devaient démontrer leurs aptitudes dans le délai qui leur avait été expliqué. Plus particulièrement, les stagiaires devaient satisfaire à 15 compétences. La note de passage pour chacune de ces compétences était décrite à l’annexe 3a) du Guide du programme, dont une partie est intitulée [traduction] « Compétences de base ». Les stagiaires ont reçu des renseignements très détaillés à cet égard. Tout au long du processus, M. Akerley veillait à ce que les stagiaires reçoivent toute l’aide dont ils avaient besoin pour mener à bien leur programme de formation.

[172] M. Akerley recevait des rapports réguliers sur le rendement du fonctionnaire. L’équipe de gestion du PPBA a pris la décision de ne pas promouvoir le fonctionnaire à un poste FB‑03 une fois la période de 12 mois écoulée, à la lumière des rapports à son égard. À ce stade, M. Akerley et ses collègues qui dirigeaient le PPBA étaient d’avis que le fonctionnaire n’était pas prêt à être nommé aux groupe et niveau FB-03, et des plans de perfectionnement du rendement améliorés ont été adoptés.

[173] M. Akerley a confirmé que malgré l’aide fournie au fonctionnaire, M. Akerley et ses collègues n’ont constaté aucune amélioration durable dans son travail. Ils ont conclu qu’il ne convenait pas pour un poste FB‑03. M. Akerley a participé au processus jusqu’à ce que la décision soit prise, à la fin, de ne pas nommer le fonctionnaire à un poste FB‑03.

VI. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[174] L’employeur m’a renvoyée au paragraphe 111 de Tello et a fait valoir qu’il satisfaisait aux critères énoncés dans cette affaire et qu’il s’est acquitté de son fardeau d’établir que le renvoi en cours de stage avait eu lieu pour des raisons liées à l’emploi. À titre de rappel, Tello établit au paragraphe 111 le renversement du fardeau de la preuve dans les griefs portant sur le renvoi en cours de stage. L’employeur doit d’abord établir la présence de quatre facteurs liés à l’entente de stage. Il incombe ensuite au fonctionnaire d’établir que la décision de mettre fin à son emploi au moyen d’un renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou reposait artificiellement sur la LEFP ou qu’il avait été fait de mauvaise foi.

[175] L’employeur a fait remarquer que l’art. 62 de la LEFP prévoit que l’administrateur général d’une organisation peut mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire en cours de stage en lui donnant un préavis. La LEFP n’exige aucune justification de la part de l’administrateur général.

[176] Il a fait remarquer que l’art. 211 de la Loi prévoit que la Commission n’a pas compétence sur les licenciements sous le régime de la LEFP. Toutefois, selon la jurisprudence de la Commission et des tribunaux fédéraux, un licenciement en cours de stage ne peut être fait de mauvaise foi ou pour des raisons qui ne sont pas liées à l’emploi, comme la discrimination (voir Wrobel c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2021 CRTESPF 14, au paragr. 75).

[177] Selon l’employeur, la preuve montre que les lacunes ont été mentionnées au fonctionnaire et que ce dernier ne les a pas corrigées. Les éléments de preuve ont également révélé ce qui suit :

1) que le fonctionnaire était en stage;

2) que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement;

3) qu’un préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis lui a été donné;

4) qu’une lettre expliquant la raison pour laquelle il a été renvoyé en cours de stage lui a été fournie.

 

[178] L’employeur a affirmé que, puisque, dans la présente affaire, il existait des raisons liées à l’emploi pour justifier le renvoi, l’art. 211 de la Loi s’applique, et la Commission n’a pas compétence, à moins que le fonctionnaire ne se soit acquitté de son fardeau de la preuve en établissant que le renvoi en cours de stage, dans les faits, constituait un subterfuge ou un camouflage, reposait artificiellement sur la LEFP ou avait été effectué de mauvaise foi. Selon l’employeur, le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

[179] L’employeur a fait remarquer que, dans chaque évaluation trimestrielle, la surintendante responsable a demandé au fonctionnaire de ralentir son rythme et d’éviter d’accumuler inutilement les tâches afin de se concentrer sur l’exécution correcte de chaque tâche, et de comprendre la séquence des étapes à suivre pour réussir chacune d’elles. Malgré son dévouement et ses tentatives, le fonctionnaire n’a pas été en mesure de réduire nettement son nombre d’erreurs. L’employeur soutient qu’il est donc évident que le renvoi a découlé de problèmes liés à l’emploi.

[180] L’employeur a ajouté que tout au long de la période d’évaluation, le fonctionnaire a reçu des évaluations officielles par écrit. Les résultats de ses évaluations sont consignés au dossier. Voici certains des commentaires recueillis dans les évaluations périodiques :

[Traduction]

• Difficulté à transposer les connaissances théoriques (LPP) dans l’exécution correcte d’une tâche. A du mal à suivre les étapes.

• Il n’arrive pas à s’adapter et à comprendre les différents rôles d’un agent ou à s’adapter aux besoins des clients.

• Il éprouve des difficultés à remplir les formulaires et répète souvent des erreurs.

• Il est invité à continuer à demander conseil aux agents principaux et de ralentir le rythme pour accomplir correctement les tâches.

[…]

• Il doit s’efforcer de prendre des décisions justes. Semble être en mesure d’expliquer la politique, mais n’arrive toujours pas à l’appliquer dans le bon contexte.

• Il continue d’éprouver des problèmes à remplir et à vérifier les documents.

• Il doit perfectionner ses compétences d’interrogation. Il confond les questions à poser à la voie d’inspection primaire (VIP) et à la voie d’inspection secondaire.

• Il lui a été conseillé d’aller moins vite et de se concentrer sur l’exactitude des décisions et l’exécution des tâches.

[…]

• Il doit demeurer calme et faire attention au ton et aux mots employés.

• Il doit ralentir et prendre son temps pour prendre la bonne décision, et aussi lorsqu’il vérifie et remplit les formulaires.

• Il doit s’assurer que les questions supplémentaires sont pertinentes et appropriées.

• Il doit se concentrer sur les compétences d’interrogation. Il n’est pas en mesure d’obtenir les renseignements menant à l’intention.

[…]

• Il doit encore demander de l’aide pour expliquer aux clients des choses dont il n’est pas certain.

• Il éprouve encore des difficultés à poser les bonnes questions en fonction des circonstances du voyageur.

• Il doit ralentir lorsqu’il procède au traitement et examiner ce qui se trouve devant lui pour prendre des décisions en fonction de tous les faits.

• Il doit demander de l’aide en cas de doute plutôt que d’essayer de se débrouiller seul (ce qui donne lieu à des erreurs).

• Il doit s’en tenir aux questions obligatoires, puis poser des questions supplémentaires appropriées en fonction des circonstances.

[…]

 

[181] L’employeur a soutenu que le fonctionnaire savait très bien depuis son arrivée à Rigaud que sa nomination à un poste FB‑03 était conditionnelle à la réussite du PPBA et à ce qu’il satisfasse aux 15 compétences. Il a ajouté que les exigences pour réussir le PPBA, décrites dans les annexes pertinentes du Guide du programme déposées en preuve, ont été clairement expliquées à tous les stagiaires, y compris le fonctionnaire. Au cours des séances de formation, comme tous les autres stagiaires, il a eu l’occasion de poser des questions. S’il n’a pas posé de questions parce qu’il était réticent à le faire, la faute ne revient pas à l’employeur.

[182] Selon l’employeur, au fil du temps, le fonctionnaire a pris l’habitude de blâmer autrui pour ses erreurs ou de prétendre qu’il avait fait l’objet d’une microgestion. Cependant, tous les surintendants s’entendaient pour dire qu’il avait du mal à s’acquitter correctement de ses fonctions.

[183] De plus, contrairement à l’affirmation du fonctionnaire, ce dernier n’a pas été laissé dans l’ignorance. Il a été informé trimestriellement de ses progrès et des difficultés. Il a également bénéficié d’une aide supplémentaire sous forme de mentorat et d’encadrement. Il ne pouvait donc pas se montrer surpris de la tournure des événements. À la fin de la période de stage, il savait très bien ce qui se passait et avait même préparé une lettre de démission qu’il avait l’intention de remettre à l’employeur.

[184] L’employeur a porté quatre décisions à mon attention : Tello, au paragr. 96 et suivants; Malik c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 64, aux paragraphes 119, 131 et 139; Boiko c. Conseil national de recherches du Canada, 2018 CRTESPF 11, aux paragraphes 709, 726 à 728 et 863 à 868; Bell c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, 2020 CRTESPF 14, aux paragraphes 121 et 122. Je les ai toutes examinées.

B. Pour le fonctionnaire

[185] Le fonctionnaire a reconnu que la compétence de la Commission pour entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage est limitée. Il a porté à mon attention les paragraphes 17 et 18 de Malik. Plus particulièrement, le paragraphe 18 est ainsi rédigé :

[18] Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, au paragraphe 111, établit que dans les griefs portant sur le renvoi en cours de stage le fardeau de la preuve est inversé. L’employeur doit démontrer i) que la fonctionnaire était en cours de stage, ii) que la période de stage était toujours en vigueur au moment du renvoi, iii) qu’un préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis lui a été donnée et iv) qu’une lettre expliquant la raison pour laquelle elle a été renvoyée en cours de stage lui a été fournie. Il incombe ensuite à la fonctionnaire d’établir que la décision de mettre fin à son emploi au moyen d’un renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou reposait artificiellement sur la LEFP ou qu’il a été effectué de mauvaise foi.

 

[186] Le fonctionnaire est d’avis que son licenciement était excessif et que l’employeur a agi de mauvaise foi. Selon lui, la décision de mettre fin à son emploi constituait un recours artificiel à l’art. 62 de la LEFP. Par conséquent, le grief devrait être accueilli.

[187] Le fonctionnaire a porté à mon attention le paragraphe 126 de Yeo c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2019 CRTESPF 119, qui dispose ce qui suit :

[126] Selon Hamilton Public Library, la mauvaise foi doit être établie [en] s’appuyant sur les faits du cas. Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur était motivé par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté ou qu’il avait une motivation inappropriée. En l’espèce, même si je ne peux conclure que les représentants de l’employeur étaient motivés par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté, leur motivation était certainement inappropriée. Je suis convaincue par la démonstration de la fonctionnaire que le seul but de l’employeur dans la poursuite du processus d’évaluation était qu’il était nécessaire pour mettre fin à son emploi. L’employeur n’a jamais eu l’intention que le processus fasse partie d’une stratégie de rétention.

 

[188] Il a également porté à mon attention le paragraphe 211 de Alexis c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CRTESPF 9. Dans cette affaire, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief alléguant de la mauvaise foi dans la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi en raison de son mauvais rendement pendant sa période de stage. La Commission a déterminé qu’elle avait compétence sur le renvoi en cours de stage puisque le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée constituait un trompe‑l’œil et du camouflage et avait été effectué de mauvaise foi. Au paragraphe 211, la Commission fait remarquer que la jurisprudence indique que « la bonne foi doit être présumée ». Toutefois, les paragraphes suivants de cette décision fournissent un exemple de ce qui ne saurait être décrit autrement que comme un acte de mauvaise foi. J’ai examiné ces paragraphes.

[189] Le fonctionnaire a soutenu que les représentants de l’employeur étaient motivés par la mauvaise foi, du moins sous la forme de la malhonnêteté et d’une motivation inappropriée.

[190] Afin d’établir ses arguments, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit. Il a souligné qu’il était très enthousiaste à l’égard de son travail et qu’il travaillait très fort. Cependant, il a été évalué d’une manière qui a nui à son amélioration. On lui a demandé de faire mieux dans certaines tâches, mais il ne comprenait pas exactement comment y arriver. Lorsqu’il a exprimé des préoccupations au sujet de son évaluation, on n’en a pas tenu compte. Au lieu de lui fournir une aide particulière, on lui a simplement demandé de faire mieux. Dans le même ordre d’idées, sa période de stage a été prolongée deux fois, et on a encore jugé qu’il ne possédait pas les compétences voulues. Il ne sait pas ce qu’il aurait pu faire mieux. L’employeur ne s’est pas assuré qu’il comprenait qu’il devait améliorer certaines choses et que son emploi était en jeu.

[191] Plus particulièrement, au cours de ses évaluations, il a demandé ce qu’il pouvait faire pour obtenir une note plus élevée à l’égard de certaines tâches. Sa surintendante lui a dit de s’améliorer et de commettre moins d’erreurs, ce qu’il a fait, selon lui. Toutefois, son évaluation est demeurée la même. Elle ne tenait pas compte de ses améliorations et était subjective et discutable. Par exemple, sa surintendante lui a continuellement attribué une note de 2,5 à l’égard de certaines tâches, malgré le fait que cette note ne figurait pas dans la légende des notes possibles. Selon le fonctionnaire, la note de 2,5, arrondie au chiffre entier suivant, dans ce cas 3, lui donnait à penser qu’il avait démontré les compétences en cause. Il n’avait pas du tout compris que sa nomination à un poste FB‑03 était en jeu.

[192] De même, le fonctionnaire m’a rappelé que le Guide du programme indique que les surintendants sont considérés comme [traduction] « […] essentiels au succès du Programme » parce que leur rôle principal consiste à [traduction] « […] créer un milieu propice à l’apprentissage […] » et que la [traduction] « [g]estion du rendement est une responsabilité partagée » entre les stagiaires et leurs superviseurs.

[193] Il a en outre expliqué qu’un certain nombre de ses questions au sujet des compétences étaient restées sans réponse au début du PPBA. Afin d’être nommés à un poste FB‑03, les stagiaires devaient obtenir une note minimale de 3 pour neuf compétences et de 2 pour six compétences, pour un total de 15 compétences. Il trouvait que cela prêtait à confusion.

[194] Il a fait valoir qu’en juillet 2014, ayant obtenu une note de 2 à ses évaluations tous les trois mois, il estimait qu’il satisfaisait aux compétences évaluées et décrites à l’annexe 3a), comme M. Akerley le lui avait expliqué lors de sa formation à Rigaud. Par conséquent, il ne comprenait aucunement que son rendement, variable à certains égards, était susceptible d’avoir pour conséquence qu’il ne soit pas nommé à un poste FB‑03. S’il l’avait su et s’il avait été informé de la façon de s’améliorer, tout aurait été différent.

[195] En octobre 2014, le fonctionnaire a fait son arrivée à la Section de l’immigration. Il n’avait toujours pas été informé que son rendement inégal pouvait compromettre sa nomination à un poste FB‑03. Il reproche à l’employeur de ne pas avoir fait preuve de transparence à son égard et, par conséquent, de ne pas lui avoir donné une occasion suffisante d’améliorer son travail.

[196] En novembre 2014, il ne voyait pas comment il pouvait améliorer ses notes pour les faire passer de 2,5 à 3. Il s’estimait pris en otage par le fait qu’on lui attribuait des notes de 2,5 lors des évaluations, car cette valeur ne figurait pas dans le tableau de notes fourni aux fins de son évaluation.

[197] Avant la réunion du 17 décembre 2014, le fonctionnaire n’avait pas été informé qu’il risquait de ne pas réussir son stage de 12 mois.

[198] Comme il avait beaucoup de respect pour sa superviseure et les liens hiérarchiques, il n’a pas remis en question cette évaluation ni toute autre évaluation. Encore une fois, il n’avait pas l’impression que sa nomination à un poste FB‑03 pouvait être en péril d’une façon ou d’une autre. Il estime que l’employeur l’a trompé par une campagne de désinformation. La situation injuste découle de la mauvaise foi des intervenants concernés au niveau local et du processus. Même en supposant que ces personnes n’avaient pas l’intention de lui causer un tort, il a reçu des évaluations inappropriées et une aide inappropriée de leur part et, en fin de compte, il a perdu son emploi.

[199] En avril 2015, il estimait également avoir fait l’objet de microgestion, que ses commentaires n’avaient jamais été sollicités de façon significative pour ses questionnaires sur le rendement du stagiaire et que ses évaluations étaient hautement subjectives.

[200] Le fonctionnaire a également soutenu que les représentants de l’employeur avaient une motivation inappropriée. À l’appui de son argument, il a fait valoir que sa surintendante, Mme Tisdale, avait une vendetta personnelle contre lui ou ne souhaitait pas qu’il réussisse. Selon lui, cela tenait à différentes raisons et était peut‑être en partie attribuable à ses antécédents professionnels de gestion à l’étranger, en partie au fait qu’il arrivait de Rigaud et qu’il avait vécu chez sa surintendante et son conjoint pendant un mois pendant qu’il cherchait une résidence, en partie parce qu’il était originaire des États‑Unis et qu’il avait la double citoyenneté, et en partie parce qu’il avait vécu à Vancouver. Dans un document, il a écrit que deux collègues différents lui avaient fait part de ces perceptions.

[201] Le fonctionnaire a fait valoir que le renvoi en cours de stage a donc été fait de mauvaise foi et qu’il constituait un subterfuge. Essentiellement, à son avis, les éléments de preuve ont établi que les représentants de l’employeur étaient motivés par la malhonnêteté ou qu’ils avaient une motivation inappropriée en ne le nommant pas à un poste FB‑03.

[202] Le fonctionnaire a également fait valoir que son licenciement avait été effectué trois jours après la fin de sa période de stage de 18 mois, mais que cela avait plus à voir avec un retard administratif qu’avec une absence d’intention de le licencier au cours de la période.

C. La réponse de l’employeur

[203] L’employeur soutient qu’il n’est pas établi que la décision de mettre fin à la période de stage du fonctionnaire constituait un recours artificiel à l’art. 62 de la LEFP. Il n’a pas été établi que cette décision et la décision de ne pas le nommer à un poste FB‑03 étaient excessives et que l’employeur a agi de mauvaise foi.

[204] De plus, l’employeur a souligné que le fonctionnaire avait indiqué que son licenciement avait eu lieu trois jours après la fin de sa période de stage, alors que cette information n’est pas exacte. La lettre de nomination indiquait clairement que, conformément à l’art. 61 de la LEFP, le fonctionnaire serait soumis à une période de stage pour la durée du PPBA.

[205] De plus, la partie 4.11.3 du Guide du programme, intitulée [traduction] « Renvoi », énonce ce qui suit :

[Traduction]

L’omission de satisfaire aux exigences du Programme pendant la période de 18 mois consécutifs prévue entraînera le renvoi de l’agent stagiaire. Les agents stagiaires recrutés à l’extérieur de la fonction publique sont renvoyés en cours de stage et les agents stagiaires recrutés au sein de la fonction publique sont licenciés pour motif de rendement insatisfaisant.

[…]

Si le Comité d’examen du mérite détermine que l’agent stagiaire n’a pas réussi à satisfaire aux exigences du Programme et recommande le licenciement ou le renvoi en cours de stage, le CEM doit préparer une justification accompagnée de documents à l’appui attestant du rendement insatisfaisant ou des progrès insuffisants. La justification et les documents à l’appui seront fournis au directeur, à la DRNPP et au directeur de district du district hôte pour examen complet, avec une recommandation de perfectionnement plus approfondi ou de renvoi. Le directeur général, Direction de la formation et du perfectionnement, et le directeur général régional de la région hôte détermineront s’ils appuient la justification ou s’ils estiment qu’un perfectionnement plus approfondi est justifié. Quelle que soit la décision, les résultats doivent être consignés. Dans tous les cas, l’employé sera informé par écrit de la décision et recevra des commentaires pour expliquer la décision et les prochaines étapes. Il pourrait exister des circonstances exceptionnelles. Toutefois, celles-ci seront examinées en fonction de chaque cas.

 

[206] Même si le fonctionnaire estime qu’il n’a pas été évalué correctement, d’abondants renseignements et documents montrent qu’il a été évalué, aidé, guidé et encadré de manière appropriée. En fin de compte, le pourcentage d’erreurs constatées dans le cadre de son travail était trop élevé. Même s’il estime que cela n’était pas matière à préoccupation, tel était bien le cas pour l’employeur.

VII. Motifs

A. L’employeur a‑t‑il établi qu’il s’est appuyé sur des préoccupations ou des raisons liées à l’emploi lorsqu’il a décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage?

[207] Selon le critère qui s’applique en cas de renvoi en cours de stage, la question n’est pas de savoir si l’employeur avait un motif suffisant, mais plutôt de savoir si le renvoi était justifié par un motif lié à l’emploi (voir Malik, au paragr. 112).

[208] Tel qu’il a été mentionné, l’employeur a invoqué l’art. 62 de la LEFP pour licencier le fonctionnaire. L’application de cette disposition est communément appelée un renvoi en cours de stage. L’article 211 de la Loi énonce que tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage. Toutefois, si l’on peut établir que le motif du licenciement équivaut à un acte de mauvaise foi, la Commission a alors compétence en vertu de l’al. 209(1)c).

[209] Pour les motifs qui suivent, je reconnais que l’employeur a établi les quatre critères suivants liés à l’entente de stage.

[210] En premier lieu, entre le 13 janvier 2014 et le 16 juillet 2015, le fonctionnaire était en stage à titre de stagiaire et était classé dans les groupe et niveau FB‑02 dans le cadre du PPBA.

[211] En deuxième lieu, la période de stage était toujours en vigueur lorsque le fonctionnaire a été licencié. Comme il avait été précisé dans sa lettre d’offre, il a été soumis à une période de stage pour la durée du PPBA, conformément à l’art. 61 de la LEFP. La lettre confirmait que la période de stage était la durée du PPBA ou 12 mois, selon la plus longue de ces périodes.

[212] En outre, le 16 juillet 2015, une lettre informait le fonctionnaire qu’il était renvoyé en cours de stage, avec la précision qui suit : [traduction] « […] vous êtes par la présente renvoyé en cours de stage au poste d’agent stagiaire de l’ASFC. »

[213] En troisième lieu, le fonctionnaire a reçu une indemnité tenant lieu de préavis. Le 16 juillet 2015, une lettre l’informait qu’il recevrait 30 jours de salaire au lieu du délai de préavis applicable.

[214] Enfin, en quatrième lieu, le 16 juillet 2015, la lettre qui lui a été transmise énonçait la raison pour laquelle il avait été renvoyé en cours de stage, notamment :

[Traduction]

[…]

En dépit du fait que vous avez reçu des conseils de votre équipe de gestion à maintes reprises et que vous avez fait l’objet d’évaluations de rendement régulières et d’un certain nombre de plans de perfectionnement amélioré, vos problèmes de rendement se sont poursuivis relativement aux compétences et comportements cernés dès le départ, lors de votre première évaluation trimestrielle. Au terme de la dernière période d’évaluation consentie, le 6 mai 2015, vous éprouvez toujours des difficultés et vous n’avez pas atteint la cote minimale « Répond aux attentes » dans les domaines du service à la clientèle, de la prestation de programmes et de services, des activités liées à l’application de la loi, et des dispositions législatives, politiques, procédures et lignes directrices.

[…]

 

[215] Par conséquent, l’employeur a établi les quatre facteurs liés à l’entente de stage et il a établi que le renvoi en cours de stage était lié au rendement et au comportement du fonctionnaire. Il s’est acquitté de son fardeau initial devant la Commission.

[216] Il incombait ensuite au fonctionnaire d’établir que la décision de mettre fin à son emploi au moyen d’un renvoi en cours de stage constituait un subterfuge, un camouflage ou reposait artificiellement sur la LEFP ou qu’il a été effectué de mauvaise foi.

B. Le fonctionnaire a‑t‑il établi que le renvoi en cours de stage constituait une mesure disciplinaire déguisée ou un subterfuge ou qu’il a été fait pour une raison autre que celles énoncées dans sa lettre de renvoi?

[217] Le fonctionnaire a soutenu que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge et que les représentants de l’employeur étaient effectivement motivés par la mauvaise foi, du moins sous la forme de la malhonnêteté et d’une motivation inappropriée. Telle est la raison pour laquelle il a été conclu qu’il n’avait pas réussi le programme de formation et qu’il n’a pas été nommé à un poste FB‑03.

[218] Je souligne les explications suivantes données dans Premakanthan c. Administrateur général (Conseil du Trésor), 2012 CRTFP 67, aux paragraphes 44 et 45 :

[44] […] un arbitre de grief a compétence pour instruire un grief portant sur un renvoi en cours de stage lorsque celui-ci n’a pas été effectué sous le régime de la LEFP ou a invoqué de façon factice la LEFP, est un subterfuge ou un camouflage. En troisième lieu, il convient de rappeler que la raison d’être d’une période probatoire est de donner l’occasion à l’administrateur général d’évaluer l’aptitude d’un fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié. Donc, lorsqu’un fonctionnaire établi [sic] que le renvoi en cours de stage n’est pas fondé sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié, un arbitre de grief a compétence pour statuer sur le licenciement du fonctionnaire.

[45] À la lumière des principes précités, le seuil à atteindre par le fonctionnaire visé par un tel renvoi s’avère élevé. Le fonctionnaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’administrateur général n’éprouvait pas de bonne foi une insatisfaction quant à son aptitude à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié et que son licenciement invoque de façon factice la LEFP, est un subterfuge ou un camouflage. Après tout, un administrateur général ne devrait pas pouvoir se prévaloir du mécanisme de renvoi en cours de stage prévu à la LEFP de manière à camoufler des motifs de renvoi certes réels, mais illégitimes, et qui ne sont pas compatibles avec une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire visé à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié.

 

[219] En l’espèce, le fonctionnaire soutient que l’employeur a été malhonnête et qu’il n’a été aucunement transparent avec lui. Par conséquent, il ne lui a pas donné une occasion suffisante d’améliorer son travail. Il fait valoir que son renvoi injuste découle du fait qu’il n’a pas reçu l’aide nécessaire au niveau local et au sein du PPBA. Il soutient également que même si les représentants de l’employeur n’avaient pas l’intention de lui causer du tort, il a reçu des évaluations inappropriées et une aide inappropriée et, en fin de compte, il a perdu son emploi. Il estime que l’employeur l’a trompé par une campagne de désinformation.

[220] Par exemple, dans son deuxième questionnaire, en juillet 2014, il a obtenu 24 fois la note Répond aux attentes ou Dépasse les attentes, soit cinq fois de moins que dans son premier questionnaire. De plus, la note Amélioration nécessaire a été accordée pour 19 éléments. Malgré cela, il n’a reçu aucune aide, et une des options énoncées cochées par Mme Tisdale en réponse aux « obstacles qui […] ont empêché […] le fonctionnaire d’appliquer les connaissances acquises dans le cadre du PFBA […] » était [traduction] « le manque de supervision en raison d’exigences opérationnelles ».

[221] En outre, à la suite de ses évaluations, il a demandé à ses différents superviseurs ce qu’il devait faire pour améliorer ses notes afin de passer d’une note de 2 à 3. Pourtant, ses superviseurs, y compris Mme Tisdale, ont continuellement répondu par des réponses comme celle‑ci : [traduction] « Vous y êtes presque, continuez. »

[222] Puis, dans son troisième questionnaire sur le rendement du stagiaire rempli le 6 novembre 2014, parmi les 43 points évalués, il a obtenu 31 fois Répond aux attentes ou Dépasse les attentes et seulement 2 fois Amélioration nécessaire. Or, pour la première fois, Mme Tisdale a également attribué une note de 2,5 pour 10 des points évalués. Cette note a été inscrite sur le formulaire entre les valeurs 2 et 3 (2 étant Amélioration nécessaire et 3 étant Répond aux attentes).

[223] Jusqu’à ce stade, il estimait qu’il effectuait un bon travail et que son rendement était acceptable, même très bon. Il estimait que sa superviseure avait fait preuve de paresse en répétant les mêmes commentaires que ceux formulés dans l’évaluation précédente, sans préciser ce qu’il pouvait faire pour s’améliorer. Le fonctionnaire est d’avis que les commentaires négatifs qu’il a reçus de sa superviseure découlaient de l’interprétation étroite que cette dernière faisait de son rendement.

[224] Lorsqu’il a reçu le quatrième questionnaire sur le rendement du stagiaire rempli le 31 décembre 2014, il a de nouveau été dérouté par les notes de 2,5 que Mme Tisdale avait attribuées, ce qui, à son avis, était arbitraire.

[225] Le fonctionnaire a expliqué qu’avant la réunion du 17 décembre 2014, il n’avait pas été informé qu’il risquait de ne pas réussir son stage de 12 mois. Jusqu’alors, Mme Tisdale lui avait dit officieusement que tout ce dont il avait besoin pour réussir était [traduction] « seulement quelques détails ici et là ». Elle lui avait dit, [traduction] « gardez la tête haute […] vous pouvez réussir. » Il s’agissait donc de la première fois qu’on lui disait que son avenir à l’ASFC était incertain.

[226] À partir de ce moment et au moins jusqu’en mars 2015, le fonctionnaire souhaitait être affecté à un nouveau superviseur. Selon lui, un nouveau regard mènerait peut-être à une nouvelle possibilité importante. Or, sa demande n’a pas été entendue. Il estime n’avoir bénéficié d’aucune orientation ni d’aucune directive. On lui disait régulièrement simplement : [traduction] « Faites de votre mieux. »

[227] En avril 2015, il estimait également avoir fait l’objet de microgestion, que ses commentaires n’avaient jamais été sollicités de façon significative pour ses questionnaires sur le rendement du stagiaire.

[228] Le fonctionnaire a également porté à mon attention le fait que l’échelle utilisée dans les évaluations remplies par sa superviseure pour chaque période de trois mois différait de celle figurant dans les annexes 3a) et b), qui traitent des compétences de base. Selon le document, la mesure de compétence exigée pour qu’un stagiaire soit considéré comme prêt à occuper un poste FB‑03 est une note de 2 pour six des quinze compétences, et non de 3 (voir la page 5 de l’annexe 3a)). Cela prêtait à confusion pour lui, et il n’a pas compris ni perçu que sa nomination à un poste FB‑03 pouvait être en péril au motif qu’il avait obtenu des notes de 2 dans ses questionnaires sur le rendement du stagiaire. Il a insisté sur le fait qu’il avait posé des questions à ce sujet à quelques reprises pendant sa période de stage, mais qu’il n’avait jamais obtenu une explication acceptable.

[229] Je ne souscris pas à l’argument du fonctionnaire selon lequel les actes de l’employeur sont un signe de mauvaise foi ou de décision arbitraire. Il a cherché à me convaincre que son rendement au travail était acceptable et que toute lacune de sa part découlait de circonstances indépendantes de sa volonté. À son avis, puisqu’on ne pouvait pas le blâmer pour chacune de ses erreurs ou pour son travail laissant parfois à désirer, je devrais supposer que l’employeur a agi de mauvaise foi ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage.

[230] Toutefois, la mauvaise foi ne peut être présumée en droit. Elle doit être établie. Les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que les erreurs relevées dans son travail étaient irréalistes ou que l’employeur a déraisonnablement écarté d’éventuelles circonstances extraordinaires, au‑delà de celles qui auraient normalement pu être attendues dans l’exercice de ses fonctions.

[231] Au contraire, selon les éléments de preuve présentés par l’employeur, le fonctionnaire avait accès à des outils, à des directives et à de l’aide en quantité suffisante de la part de ses collègues pour exercer ses fonctions correctement. En outre, il a consigné de manière exhaustive ses préoccupations au sujet de son rendement.

[232] Il éprouvait des difficultés persistantes, comme celle de traduire les connaissances théoriques en tâches correctement réalisées. Il faisait des erreurs dans les formulaires et ne veillait pas à suivre la procédure appropriée pour accomplir certaines tâches. Ces erreurs sont mentionnées dans plusieurs courriels, ainsi que dans les évaluations trimestrielles préparées par différentes surintendantes. J’accepte également les témoignages de Mme Tardif‑Cress, de Mme Tisdale, de Mme Wanner, de M. Barry et de M. Kienlen, qui ont tous dit avoir constaté de nombreuses irrégularités dans le travail du fonctionnaire.

[233] Il m’est également difficile d’accepter l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle il n’a pas reçu suffisamment de conseils ou de formation. Je suis d’avis qu’il a reçu une formation de base approfondie à Rigaud, de l’aide continue de ses collègues et, parfois, de l’encadrement. Toutefois, les éléments de preuve appuient la conclusion selon laquelle le fonctionnaire n’a pas fourni un service répondant invariablement aux attentes de l’employeur. Je n’ai aucune raison de croire que ces attentes n’étaient pas justifiées.

[234] La documentation et le témoignage des représentants de l’employeur indiquent que ces derniers ont rencontré le fonctionnaire à maintes reprises pendant sa période de stage pour passer en revue son travail et son rendement. Le fonctionnaire n’a pas vraiment contesté ces éléments de preuve. Même s’il n’avait pas compris avant décembre 2014 que ses lacunes au travail risquaient de compromettre sa nomination à un poste FB‑03, il a admis qu’à partir de ce moment‑là, il comprenait qu’il devait améliorer son rendement.

[235] Selon l’employeur, la qualité du travail du fonctionnaire laissait souvent à désirer. Les éléments de preuve qu’il a présentés ne me permettent pas de conclure que ce point de vue ou cette perspective a été fabriquée. Au contraire, tel que cela a été mentionné, il a cherché à justifier les écarts par des explications qu’il estimait être valables. Toutefois, dans une affaire de renvoi en cours de stage, il n’appartient pas à la Commission d’évaluer le rendement du fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ni la validité des explications qui les justifient. Le rôle de la Commission consiste à s’assurer que le renvoi en cours de stage est ce qu’il semble être, et à s’assurer que la décision de l’employeur de renvoyer l’employé en cours de stage ne constituait pas un subterfuge ou un camouflage sous le régime de la LEFP.

[236] Je fais également remarquer que le fait de ne pas avoir surveillé personnellement le fonctionnaire de façon continue n’est pas un signe de mauvaise foi ni une décision arbitraire de la part de Mme Tisdale. Je souligne qu’elle et les autres surintendants du fonctionnaire ont demandé des recommandations de ceux qui l’avaient supervisé.

[237] Je souligne également qu’à l’audience, M. Akerley a décrit comment, au début du PPBA, il avait expliqué aux stagiaires les compétences qu’ils devaient posséder pour réussir et les notes de passage de 2 ou de 3 énonçées à l’annexe 3a) du Guide du programme. Je peux comprendre que la question des notes requises pour réussir le PPBA peut prêter à confusion en partie. De façon générale, une note de 2 sur 5 signifie que la note de passage n’a pas été obtenue, mais d’après les éléments de preuve de l’employeur, 2 sur 5 était la note de passage dans certains cas, mais pas dans d’autres. Malgré cela, en décembre 2014, le fonctionnaire savait qu’il éprouvait des problèmes de rendement au travail, peu importe les notes, de sorte qu’il avait sept mois pour s’améliorer, à défaut de quoi il serait renvoyé du programme. Ainsi, même si la question des notes requises pour réussir le programme était source de confusion au départ, il n’en demeure pas moins que cela n’a eu aucune incidence sur la possibilité qu’avait le fonctionnaire de faire des efforts pour s’améliorer. Après cette période, le fonctionnaire ne pouvait plus présumer qu’il pouvait se satisfaire de ses résultats.

[238] Le fonctionnaire a également affirmé que la mauvaise foi de l’employeur tenait au fait que Mme Tisdale répondait à une motivation inappropriée en l’évaluant de manière négative. Selon lui, la véritable raison de son licenciement était que Mme Tisdale ne voulait pas qu’il réussisse. Toutefois, il n’existe aucun élément de preuve à l’appui d’une telle allégation. Dans les circonstances, je ne peux accorder de poids à cet argument.

[239] Je ne peux pas conclure non plus que le fonctionnaire a établi qu’il a fait l’objet d’un examen plus minutieux que d’autres. Il s’agit de son impression. Toutefois, il n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer cet argument. Dans l’ensemble, les éléments de preuve ne montrent pas que tel était le cas.

[240] Par conséquent, je suis d’avis que les éléments de preuve montrent que le fonctionnaire a effectué un travail de qualité insatisfaisante et qu’à maintes reprises, le fonctionnaire a été convoqué à des discussions sur ses problèmes de rendement. À la rencontre du 17 décembre, les représentants de l’employeur lui ont fait part de leur insatisfaction à cet égard.

[241] Je suis convaincue que cette affaire est différente de Yeo, dans laquelle la Commission avait conclu, après examen de l’ensemble de la preuve, que la seule motivation de l’employeur dans la poursuite du processus d’évaluation était l’impératif de mettre fin à l’emploi de Mme Yeo, et que l’employeur n’avait jamais eu l’intention que le processus s’inscrive dans une stratégie de maintien en poste.

[242] Toutefois, dans la présente affaire, les éléments de preuve ont permis d’établir qu’entre le début du PPBA, en janvier 2014, et le 30 juin 2015 environ, soit le moment où M. Zimmer a mentionné que le dossier avait pour lacune de ne pas contenir suffisamment de détails sur ce qui avait été fait pour aider le fonctionnaire à perfectionner les compétences à améliorer, l’employeur souhaitait que l’évaluation fasse partie d’une stratégie de maintien en poste.

[243] Cependant, à la fin de juin 2015, l’employeur a commencé à évaluer son dossier pour s’assurer que tous les objectifs du programme avaient été atteints et qu’il pouvait mettre fin officiellement à la période de stage du fonctionnaire. À mon avis, il est compréhensible qu’une partie examine la mesure dans laquelle elle s’est conformée aux obligations d’un programme et se demande si des lacunes doivent être corrigées.

[244] Après avoir analysé tous les éléments de preuve, je conclus que le point de vue du fonctionnaire selon lequel son rendement au travail était acceptable et que toute lacune de sa part était attribuable à des circonstances indépendantes de sa volonté n’est pas compatible avec la prépondérance de la preuve.

[245] Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, je conclus que l’employeur s’est acquitté de son fardeau de la preuve et que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve qui consistait à établir que la décision de l’employeur de le renvoyer en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Les éléments de preuve qu’il a présentés n’ont pas permis d’établir que la décision de l’employeur de le licencier n’était pas motivée par une insatisfaction de bonne foi à l’égard de sa capacité d’exécuter les fonctions du poste qui lui avait été confié ou que cette décision était une invocation trompe-l’œil de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage.

[246] Enfin, je tiens à souligner que j’ai lu attentivement les commentaires que le fonctionnaire a rédigés à la suite de son évaluation du 14 avril 2015. Il y résumait sa mauvaise compréhension de la situation et son découragement. Il demandait également comment améliorer ses notes pour les faire passer de 2 à 3. Je suis sensible à ce qu’il a vécu à l’époque. Je suis également sensible à l’importance d’aborder, de façon réfléchie et honnête, les problèmes qui empêchent un employé de se développer adéquatement en milieu de travail.

[247] Toutefois, dans la présente affaire, je suis d’avis que les méthodes de formation et d’évaluation des stagiaires étaient adéquates dans l’ensemble. Malgré la formation, le fonctionnaire n’a pas évolué de façon fluide. Même s’il était entouré de collègues chevronnés qui pouvaient répondre à ses questions, il n’a pas été en mesure de se perfectionner de manière suffisante, aux yeux de l’employeur, pour parvenir au degré d’autonomie nécessaire à l’exercice de ses fonctions. L’employeur disposait du pouvoir discrétionnaire de décider s’il convenait pour effectuer le travail.

[248] Il est malheureux qu’il n’ait pas réussi. Il aurait été idéal, bien entendu, qu’il puisse se développer facilement au travail. Or tel n’a pas été le cas. Parfois, l’échec est un revers nécessaire menant à une nouvelle voie. Je n’ai aucun doute que le fonctionnaire, avec toutes ses qualités, a réussi à se réorienter avec confiance et succès vers une autre activité.

[249] Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Il n’a pas établi que le renvoi n’était pas fondé sur une insatisfaction de bonne foi à l’égard de sa capacité d’exercer les fonctions liées à son poste.

[250] Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour entendre ce grief.

[251] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII. Ordonnance

[252] J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 2 décembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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