Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte de pratique déloyale de travail à l’encontre de l’omission de son agent négociateur de présenter un grief dans le délai applicable – l’employeur du plaignant a rejeté le grief pour non-respect du délai applicable – l’agent négociateur a admis son omission de présenter le grief dans le délai applicable – la Commission a conclu que la plaignant n’avait démontré aucun argument défendable voulant que son agent négociateur avait agi de manière discriminatoire ou de mauvaise foi à l’occasion du dépôt du grief – cependant, compte tenu de l’admission de l’agent négociateur, la Commission a conclu à la négligence de celui-ci, a qualifié cette négligence de grave et a déterminé que l’agent négociateur avait agi de manière arbitraire dans sa représentation du plaignant à l’occasion du dépôt du grief – la Commission a ordonné à l’agent négociateur de lui présenter une demande de prorogation du délai pour présenter le grief à l’employeur et de représenter le plaignant dans le cadre de cette demande.


Plainte accueillie.

Le plaignant a présenté une plainte de pratique déloyale de travail à l’encontre du renvoi de son grief à l’arbitrage de façon prématurée par l’agent négociateur – l’agent négociateur a demandé de rejeter la plainte de façon sommaire – l’agent négociateur a admis avoir renvoyé le grief à l’arbitrage de façon prématurée – la Commission a conclu que cette erreur avait été corrigée sans causer de préjudice au plaignant – la Commission a conclu que le plaignant n’avait démontré aucun argument défendable de violation du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur – la Commission était d’avis qu’il n’existait plus aucun litige réel entre les parties et que la plainte ne soulevait plus qu’une question purement théorique.


Plainte rejetée.

Le plaignant a présenté une plainte de pratique déloyale de travail à l’encontre de la décision de l’agent négociateur de ne pas le représenter à l’égard de plaintes présentées à la Commission canadienne des droits de la personne et au Commissariat aux langues officielles – l’agent négociateur a demandé de rejeter la plainte de façon sommaire – la Commission a conclu que le plaignant n’avait démontré aucun argument défendable de violation du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur à l’égard de la plainte présentée à la Commission canadienne des droits de la personne – la Commission a déterminé que, l’agent négociateur n’ayant aucune obligation de représenter le plaignant devant le Commissariat aux langues officielles, le plaignant n’avait démontré aucun argument défendable de violation du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur à cet égard.


Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20220126

Dossiers: 561-02-40521, 40715 et 40787

 

 

Référence: 2022 CRTESPF 4

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

DAVID LESSARD-GAUVIN

plaignant

 

et

 

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

Défenderesse

 

Répertorié

Lessard-Gauvin c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : lui-même

Pour la défenderesse : Kim Patenaude, avocate

 

 

Décision rendue en se fondant sur les documents aux dossiers

et les observations écrites déposées

le 9 novembre et les 8 et 16 décembre 2021.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plaintes devant la Commission

[1] Entre juin et juillet 2019, David Lessard-Gauvin, le plaignant, a présenté trois plaintes devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »). Dans chacune des plaintes, le plaignant allègue que la défenderesse a commis une pratique déloyale de travail, contrairement à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») qui interdit à une organisation syndicale d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie d’une unité de négociation dont elle est l’agent négociateur. À toute époque pertinente, l’article 187 prévoyait ce qui suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[2] Dans sa première plainte, déposée le 3 juin 2019 (dossier 561-02-40521), le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en omettant de déposer à temps le grief qu’elle était censée déposer pour lui. Son employeur, l’École de la fonction publique du Canada (« l’employeur ») a rejeté ledit grief au motif qu’il avait été déposé en dehors des délais prescrits. Le plaignant demande à la Commission de déclarer tout de même que le grief a été déposé dans les délais prescrits.

[3] Dans sa seconde plainte, déposée le 9 juillet 2019 (dossier 561-02-40715), le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en renvoyant son grief à l’arbitrage prématurément, avant même qu’une décision soit reçue de l’employeur au palier final de la procédure applicable aux griefs. Le plaignant demande l’autorisation de renvoyer son grief à l’arbitrage avec l’aide de l’avocat de son choix payé par la défenderesse.

[4] Dans sa troisième plainte, déposée le 24 juillet 2019 (dossier 561‑02‑40787), le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de le représenter à la suite de plaintes qu’il a déposées à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et au Commissariat aux langues officielles (CLO).

[5] Le 07 août 2019, la demanderesse a demandé à la Commission de rejeter de façon sommaire la seconde plainte, portant le numéro 561-02-40715, parce que les allégations du défendeur ne révèleraient aucun argument défendable de violation du devoir de représentation équitable.

[6] Le 14 août 2019, la demanderesse a demandé à la Commission de rejeter de façon sommaire la troisième plainte, portant le numéro 561-02-40787, parce qu’elle serait prématurée et que les allégations du défendeur ne révèleraient aucun argument défendable de violation du devoir de représentation équitable.

[7] Après une analyse sommaire des trois dossiers de plainte, la Commission a décidé de les traiter ensemble et de le faire en se fondant sur les documents aux dossiers et sur les observations écrites des parties.

II. Les faits allégués par le plaignant et ceux admis par la défenderesse

[8] Le plaignant travaillait pour l’employeur et il occupait un poste pour une durée déterminée, classifié au groupe et au niveau CR‑04. L’employeur l’a avisé le 5 septembre 2018 qu’il mettait fin à son emploi en date du 5 octobre 2018. Le plaignant considère cette fin d’emploi dite administrative par l’employeur, comme un congédiement déguisé.

[9] Le plaignant a voulu déposer un grief pour contester cette fin d’emploi. Des discussions entre le plaignant et des représentants syndicaux au niveau national, notamment Sylvie Rochon, ont eu lieu par la suite. Mme Rochon est une agente de relations de travail et elle travaille à temps plein pour le Syndicat de l’agriculture, un des Éléments de la défenderesse.

[10] Le 21 septembre 2018, le plaignant a fait parvenir à Mme Rochon un formulaire de grief signé de sa main afin de contester la fin de son emploi. L’énoncé du grief se lit comme suit :

Je dépose ce grief contre la décision de mon employeur de me congédier/licencier.

Je m’appuie sur toutes les dispositions de ma convention collective, des politiques de l’employeur et de toutes [sic] autres lois et règlements applicables.

 

[11] Étant donné qu’il s’agissait d’une fin d’emploi, le plaignant croyait qu’il était « normal » que le grief soit envoyé directement au bureau national du Syndicat de l’agriculture. Une fois son grief signé et complété, il croyait que celui-ci serait déposé dans les délais prescrits et qu’il suivrait son cours.

[12] La défenderesse a admis qu’à la suite de leur réception, Mme Rochon a imprimé les documents du plaignant sans lire la chaine de courriels. Mme Rochon n’a pas remarqué que le grief du plaignant n’avait pas été signé par l’employeur et, en conséquence, qu’il n’avait pas été déposé. Mme Rochon n’a pas compris que le plaignant s’attendait à ce qu’elle dépose le grief. Normalement, les griefs sont déposés par les représentants de la section locale. Cependant, le plaignant avait été accompagné dans son dossier par une vice-présidente régionale du Syndicat de l’agriculture. De plus, entre septembre 2018 et janvier 2019, Mme Rochon a parlé à quelques reprises avec le plaignant afin de préparer le dossier pour l’audience du grief.

[13] Le 9 janvier 2019, l’employeur a informé le plaignant qu’aucun grief contestant la fin de son emploi n’avait été déposé, contrairement à ce que le plaignant croyait. La défenderesse a admis que Mme Rochon n’avait déposé le grief du plaignant que le 9 janvier 2019. Elle a alors demandé à l’employeur d’accepter le grief même s’il était hors délai. Mme Rochon a ensuite discuté avec le plaignant le 10 janvier 2019. Elle a accepté la responsabilité de ne pas avoir déposé le grief à temps et l’a avisé qu’elle avait parlé avec la représentante de l’employeur et qu’elle attendait une réponse de cette dernière. Le plaignant a lui aussi contacté la section des relations de travail de l’employeur le 11 janvier 2019, afin que son grief soit accepté même s’il était hors délai.

[14] Le plaignant et la défenderesse conviennent que Mme Rochon, consciente des conséquences de son omission de déposer le grief, aurait conseillé au plaignant de déposer une plainte à la Commission à l’encontre de la défenderesse. Ainsi, dans l’éventualité où l’employeur refusait le grief au motif qu’il avait été déposé en dehors des délais prescrits, la Commission pourrait ordonner que le grief soit entendu sur le fond. Mme Rochon aurait aussi suggéré au plaignant d’attendre que l’employeur se prononce sur son grief avant de déposer une plainte. Le plaignant a suivi son conseil. Il a déposé une plainte à la Commission peu de temps après que l’employeur a soulevé la question des délais tardifs dans sa décision au premier palier de la procédure applicable aux griefs, datée du 8 mai 2019.

[15] L’employeur a rejeté le grief à chacun des paliers de la procédure applicable, mentionnant qu’il avait été déposé en dehors des délais prévus à la convention collective. L’employeur a aussi rejeté le grief après en avoir examiné le bien-fondé et les arguments soulevés par Mme Rochon.

[16] La défenderesse a renvoyé le grief du plaignant à l’arbitrage une première fois le 9 juillet 2019. Après s’être rendu compte que le renvoi à l’arbitrage était prématuré, car l’employeur n’avait pas encore répondu au grief au dernier palier de la procédure applicable, la défenderesse a demandé à la Commission de fermer le dossier. Le greffe de la Commission a fermé le dossier et a confirmé que le grief pourrait à nouveau être renvoyé à l’arbitrage, en temps opportun.

[17] Après avoir reçu la décision de l’employeur au dernier palier de la procédure applicable aux griefs, la défenderesse a de nouveau renvoyé le grief du plaignant à l’arbitrage le 17 décembre 2019, dans les délais prévus. Les formulaires 20 et 21 de la Commission ont été utilisés, d’une part pour contester une violation de la clause de non-discrimination de la convention collective (dossier 566-02-41345), d’autre part pour contester la fin d’emploi (dossier 566-02-41346). Au moment d’écrire cette décision, ces dossiers indiquent que la Commission n’avait pas encore prévu d’audience pour entendre le grief à l’arbitrage. Cependant, le 22 juillet 2020, l’employeur s’est opposé au renvoi du grief à l’arbitrage au motif que le grief avait été déposé en dehors du délai prévu à la convention collective.

[18] À la suite de la perte de son emploi, le plaignant a aussi déposé une plainte auprès de la CCDP et une autre auprès du CLO. Après avoir étudié le dossier, discuté avec le plaignant et révisé la décision de l’employeur au dernier palier de la procédure applicable aux griefs, la défenderesse affirme qu’elle a décidé de ne pas appuyer le plaignant dans ses démarches auprès du CLO.

[19] La défenderesse a souligné qu’elle n’avait pas encore décidé si elle représenterait le plaignant relativement à la plainte auprès de la CCDP, car le processus devant la CCDP est en suspens en attendant la conclusion du renvoi du grief à l’arbitrage. Pour sa part, le plaignant a affirmé que la défenderesse avait refusé de la représenter auprès de la CCDP. Selon la défenderesse, Mme Rochon avait déjà avisé le plaignant que le renvoi du grief à l’arbitrage permettrait de traiter le contenu des plaintes devant le CLO et la CCDP. Notons que le processus de plainte au CLO est terminé depuis le 16 juin 2021.

III. Résumé de l’argumentation de la défenderesse

[20] Le plaignant a fait parvenir une copie signée de son grief à Mme Rochon le 21 septembre 2018. En raison d’un manque de communication interne au Syndicat de l’agriculture, le grief n’a pas été déposé dans le délai prévu par la convention collective. Dès la découverte de cette erreur, Mme Rochon a communiqué avec la représentante de l’employeur afin de lui faire part de la situation et demander une prolongation du délai. Malgré les explications données par la défenderesse, l’employeur a invoqué la question des délais dans ses décisions au grief.

[21] La défenderesse reconnaît qu’elle a fait une erreur. La question à trancher par la Commission à l’égard de la première plainte, portant le numéro 561-02-40521, est de savoir si l’erreur de la défenderesse constitue une violation de l’article 187 de la Loi. La défenderesse maintient qu’elle a agi de bonne foi et qu’il n’y a aucune preuve de comportement arbitraire ou discriminatoire.

[22] Après avoir découvert l’erreur, Mme Rochon a immédiatement déposé le grief. Plus tard, la défenderesse a renvoyé le grief à l’arbitrage et elle a continué de représenter le plaignant dans le cadre de son grief.

[23] Dans sa seconde plainte, portant le numéro 561-02-40715, le plaignant soutient que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable au motif que son grief a été renvoyé à l’arbitrage prématurément. La défenderesse n’a pas agi de façon arbitraire et de mauvaise foi dans le traitement de ce grief. Lorsqu’il a été déterminé que le renvoi à l’arbitrage était prématuré, elle a communiqué avec la Commission afin de demander que le renvoi soit annulé. La demande a été accordée. Le plaignant n’a subi aucun préjudice en raison du renvoi prématuré.

[24] Dans sa troisième plainte, portant le numéro 561-02-40787, le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son obligation de représentation équitable au motif qu’elle ne le représenterait pas dans ses plaintes auprès de la CCDP et au CLO. Tout d’abord, la défenderesse a fait valoir qu’elle n’avait aucune obligation de représentation sur des questions qui ne sont pas visées par la Loi ou qui ne visent pas l’application de la convention collective. De plus, la plainte à la CCDP est présentement en suspens en attendant les résultats du renvoi à l’arbitrage du grief du plaignant. La défenderesse prendra une décision finale sur cette question de représentation dans l’éventualité où la plainte en question était réactivée à la suite d’une décision rendue dans le cadre du renvoi à l’arbitrage.

[25] Pour la plainte au CLO, la défenderesse prétend que la procédure applicable aux griefs serait la meilleure façon d’obtenir les mesures correctives recherchées puisque les mesures prévues par la Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.)) ne sont pas exécutoires. Après avoir reçu la décision de l’employeur au palier final de la procédure applicable aux griefs, la défenderesse a informé le plaignant qu’elle n’appuierait pas sa plainte au CLO.

[26] La jurisprudence réitère de manière constante que l’agent négociateur a un pouvoir discrétionnaire considérable au moment de déterminer s’il va représenter ou non un fonctionnaire et la façon dont il va le représenter. En l’espèce, la défenderesse a décidé de ne pas appuyer la plainte au CLO. Elle continue toutefois de représenter le plaignant dans le cadre du grief contre l’employeur et prendra une décision finale au sujet de la représentation devant la CCDP à la suite de la décision rendue dans le cadre du renvoi à l’arbitrage.

[27] La défenderesse soumet que les trois plaintes doivent être rejetées, car il n’y a aucun argument défendable qu’elle a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[28] La défenderesse m’a renvoyé aux décisions suivantes : Ouellet c. St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107; Callegaro c. Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, 2012 CRTFP 85; Abeysuriya c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 26; Delgado-Levin-Turner c. Syndicat des douanes et de l’immigration, 2013 CRTFP 136; Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52; Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13; Brown c. Syndicat des employés du Solliciteur général et Edmunds, 2013 CRTFP 48; et Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al., 2008 CRTFP 3.

IV. Résumé de l’argumentation du plaignant

[29] Je ne reprendrai ici qu’une brève partie des arguments très élaborés et détaillés soumis par le plaignant.

[30] Le plaignant est une personne handicapée. Il fait valoir que les personnes en situation de handicap étaient nettement sous représentées dans le marché du travail. Lorsqu’elles réussissent à obtenir un emploi, elles se butent fréquemment à des difficultés en tout genre dans leur milieu de travail. Ces personnes, particulièrement celles ayant besoin de mesures d’adaptation, perdent plus souvent leur emploi que les autres. Le plaignant dit avoir souvent perdu son emploi après avoir fait une demande de mesures d’adaptation.

[31] Le plaignant dit avoir fait de nombreux efforts pour collaborer avec la défenderesse à toutes les étapes du processus d’adaptation et de la procédure applicable aux griefs. Il a communiqué de façon diligente avec les représentants de la défenderesse pour les tenir informés de tout développement. Il a été très surpris d’apprendre que son grief n’avait pas été déposé.

[32] En conséquence, malgré tout le respect que le plaignant dit avoir pour son ancienne représentante, soit Mme Rochon, il a perdu confiance dans la capacité de la défenderesse à assurer une représentation équitable de ses droits fondamentaux.

[33] Selon le plaignant, les faits entourant sa plainte diffèrent de ceux décrits dans Callegaro, à laquelle la défenderesse renvoie. Mme Callegaro avait déposé deux griefs, un pour une suspension d’une journée et l’autre pour une suspension de 10 jours. Dans cette autre affaire, rien ne laisse croire qu’il y a eu violation des droits fondamentaux de Mme Callegaro. Dans la présente affaire, le plaignant allègue que son employeur a fait preuve de discrimination et que sa fin d’emploi est un congédiement déguisé discriminatoire.

[34] Le plaignant considère qu’il serait raisonnable que les préjudices moraux et psychologiques qu’il a vécus soient indemnisés. Étant donné toutes les circonstances, il croit qu’un montant de 2500 $ pourrait réparer le tort causé par les divers aspects de la négligence grave de la défenderesse.

[35] Selon le plaignant, les pouvoirs de la Commission en matière d’ordonnance relative à une plainte déposée en vertu des articles 187 et 190 de la Loi sont vastes et non limités par la Loi. Ces pouvoirs devraient inclure celui de proroger un délai quant au dépôt d’un grief.

[36] Le plaignant propose aussi que la Commission retire à la défenderesse le privilège du monopole de représentation syndicale à son égard quant à son ancien emploi et des recours qui y sont liés. Il demande l’autorisation de déposer auprès de la Commission ses réclamations dans un délai de 60 jours suivant la présente décision, sans être limité au libellé du grief initial, comme s’il s’agissait d’un renvoi à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi, le tout aux frais de la demanderesse.

[37] Il demande aussi que la défenderesse lui rembourse les frais raisonnables engagés pour les recours exercés auprès de la CCDP, du CLO et du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

[38] Subsidiairement, le plaignant demande à la Commission de proroger le délai du dépôt initial du grief lié aux dossiers 566-02-41345 (pour contester une violation de la clause de non-discrimination de la convention collective) et 566-02-41346 (pour contester sa fin d’emploi), qui ont déjà été renvoyés à l’arbitrage, et de déclarer que le grief visé par ces dossiers n’a pas été déposé hors délai. Sous-subsidiairement, le plaignant demande à la Commission d’ordonner à la défenderesse de déposer une requête de prorogation du délai du dépôt du grief.

[39] Le plaignant demande aussi que la défenderesse soit autorisée à modifier le libellé du grief en question afin d’y ajouter une allégation de discrimination en milieu de travail notamment quant au processus de mise en place de mesures d’adaptation, une allégation de discrimination en vertu du paragraphe 62(2) de la Loi sur les langues officielles et une allégation de violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21).

[40] Enfin, le plaignant demande à la Commission ce qui suit :

Interdire à la défenderesse de conclure une entente hors cour quant aux dossiers de grief 566-02-41345 et 566-02-41346 sans avoir préalablement consulté le plaignant et avoir obtenu son approbation quant à cette entente;

 

Interdire à la défenderesse de se désister des dossiers de grief 566-02-41345 (pour contester une violation de la clause de non-discrimination de la convention collective) et 566 02-41346 (pour contester sa fin d’emploi) sauf s’il y a entente hors cour ou si le désistement est à la demande du plaignant

 

Ordonner à la défenderesse de représenter les intérêts du plaignant à l’égard du processus de plainte à la CCDP advenant qu’il n’y ait pas de décision sur le fond du grief et qu’il n’y ait pas d’entente hors cour (dossier CCDP 20181451)

 

Ordonner à la défenderesse d’assister et de représenter le plaignant dans le cadre du processus de suivi du rapport 2018-2057-EI du Commissaire aux langues officielles

 

Ordonner à la défenderesse d’assister et de représenter le plaignant dans le cadre des démarches entreprises au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada à l’égard et ayant un lien avec son ancien emploi chez l’employeur

 

Condamner la défenderesse à payer les intérêts et indemnités additionnelles prévus aux articles 1618 et 1619 du Code civil du Québec (CCQ-1991) et calculés en fonction de la date du dépôt de la plainte 561-02-40521.

 

[41] Le plaignant m’a renvoyé à un grand nombre de décisions que je ne citerai pas toutes ici. Je me limiterai à quelques décisions antérieures de la Commission ou de ses prédécesseurs ainsi que quelques décisions pertinentes d’autres tribunaux. Ces décisions sont les suivantes : D’Alessandro c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 90; Bingley c. Teamsters Canada, section locale 91, 2004 CCRI 291; Tyler c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 107; Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39; Tailleur c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1230 ; Dufresne c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2918, 2003 CanLII 20952 (QC TT); Myrtil c Syndicat du personnel d’enquête de la Commission de la construction du Québec, 2016 QCTAT 3491; Larouche c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec – CSN, 2017 QCTAT 447.

V. Analyse et motifs

[42] Les plaintes invoquent l’alinéa 190(1)g) de la Loi, qui renvoie à l’article 185. Parmi les pratiques déloyales dont fait mention cet article, l’article 187 est celui qui est d’intérêt dans les présentes plaintes. À toute époque pertinente, ces dispositions se lisaient comme suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[43] L’article 187 de la Loi n’impose pas à une organisation syndicale une obligation sans limite de représentation des fonctionnaires dans une unité de négociation dont elle est l’agent négociateur. Cet article interdit plutôt à l’organisation syndicale d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation. L’organisation syndicale doit exercer son pouvoir discrétionnaire en respectant ces balises. Dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada précise à la page 527 ce qui suit :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

 

[44] À priori, le devoir de représentation équitable d’une organisation syndicale est le corollaire du pouvoir exclusif d’agir à titre de porte-parole des personnes couvertes par l’accréditation syndicale. Ce pouvoir exclusif de représentation doit être exercé dans le respect de la Loi et de l’interprétation qu’en ont fait les tribunaux.

[45] Je traiterai tour à tour les trois plaintes car, même si elles sont liées, elles portent sur des allégations distinctes qui doivent être examinées séparément.

[46] Dans sa première plainte, portant le numéro 561-02-40521, le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en omettant de déposer son grief dans le délai prescrit par la convention collective.

[47] Les faits à l’origine de cette plainte ne sont pas contestés. Le 5 septembre 2018, l’employeur a informé le plaignant qu’il mettait fin à son emploi en date du 5 octobre 2018. Le plaignant a voulu déposer un grief pour contester cette fin d’emploi qu’il considérait comme un congédiement déguisé. À la suite de discussions avec Mme Rochon, le plaignant a transmis à cette dernière, par courriel, un formulaire de grief signé de sa main afin de contester sa fin d’emploi. Une fois son grief signé et complété, le plaignant croyait que le grief serait déposé dans les délais prescrits et qu’il suivrait son cours. Cependant, comme la défenderesse l’a admis, Mme Rochon a simplement imprimé les documents du plaignant sans lire la chaine de courriels et n’a pas remarqué que le grief du plaignant n’avait pas été signé par l’employeur et qu’il n’avait pas été déposé. L’employeur a informé le plaignant le 9 janvier 2019 que le grief contestant sa fin d’emploi n’avait pas été déposé, contrairement à ce que le plaignant croyait. Mme Rochon n’a déposé le grief du plaignant que le 9 janvier 2019. Elle aurait alors demandé à l’employeur d’accepter le dépôt du grief même s’il était déposé hors délai. Mme Rochon a discuté avec le plaignant et a accepté la responsabilité de ne pas avoir déposé le grief à temps.

[48] Il n’y a rien dans ce qui m’a été soumis qui pourrait m’amener à conclure que l’omission de déposer le grief du plaignant dans les délais prescrits constitue un comportement discriminatoire. Qui plus est, rien ne suggère que Mme Rochon n’ait pas agi de bonne foi. Quand elle a constaté que le grief du plaignant n’avait pas été déposé, elle s’est empressée de le faire. Elle aurait aussi entrepris des démarches auprès de l’employeur pour que ce dernier accepte d’entendre le grief, bien que celui-ci ait été déposé en retard. En considérant les allégations du plaignant comme avérées pour les seules fins de mon analyse, je conclus qu’il n’y a aucun argument défendable voulant que la défenderesse ait agi de manière discriminatoire ou de mauvaise foi à l’occasion du dépôt du grief.

[49] Je note toutefois que la défenderesse a admis dans ses représentations écrites que Mme Rochon a omis de lire la chaine de courriels que le plaignant lui a envoyée le 21 septembre 2018.Il n’en demeure pas moins que Mme Rochon, agissant au nom de la défenderesse, a été négligente en omettant de lire la demande du plaignant voulant qu’elle dépose elle-même son grief déjà signé au palier supérieur de la procédure applicable aux griefs. Si Mme Rochon avait lu le courriel du plaignant, elle aurait pu lui signifier son accord ou son désaccord avec l’approche proposée par le plaignant, mais elle ne l’a pas fait. Cette négligence a fait en sorte que le grief du plaignant a été déposé plusieurs semaines après le délai de 25 jours prévu à la convention collective.

[50] Compte tenu de l’admission de la défenderesse, cette dernière a-t-elle manqué à son devoir de représentation équitable? Dans certains cas, la négligence d’un syndicat dans son traitement ou son absence de traitement d’un grief peut être considérée comme étant arbitraire en matière de représentation, un peu comme le fait de refuser de déposer un grief sans l’avoir examiné et sans raison apparente pourrait l’être. La Cour suprême du Canada s’est notamment prononcée en ces termes quant au concept d’« arbitraire », dans Noël au paragraphe 50 :

50 Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible.

[…]

 

[51] L’omission, admise par la défenderesse, de déposer le grief du plaignant constitue-t-elle de la négligence grave? Si c’est le cas, j’en conclurai que le grief du plaignant a été traité de manière arbitraire par la défenderesse. À ce sujet, le plaignant m’a renvoyé à plusieurs décisions du Tribunal du travail du Québec, lequel est appelé à trancher des plaintes portant sur le manquement au devoir de représentation équitable d’une organisation syndicale. Sur cette question, les obligations des syndicats en vertu du Code du travail du Québec (RLRQ, ch. C-27; CTQ) sont essentiellement les mêmes que celles prévues à la Loi, même si elles ne leur sont pas identiques. Ces obligations sont définies à l’article 47.2 du CTQ qui se lit comme suit :

47.2 Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave envers des salariés compris dans une unité de négociation qu’elle représente, peu importe qu’ils soient ses membres ou non.

 

[52] Les décisions auxquelles me renvoie le plaignant appuient largement la conclusion que des omissions comparables à celle de la défenderesse dans le cadre de la première plainte, portant le numéro 561-02-40521, constituent de la négligence grave et un manquement au devoir de représentation équitable. Sur ce point, je me limiterai à une citation tout à fait éclairante reprise au paragraphe 26 de Larouche, qui se lit comme suit :

[…]

En matière de griefs et principalement en cas de congédiement, les syndicats doivent prévoir des mécanismes et des outils qui ne laissent rien au hasard ou à l’oubli. Le petit syndicat, comme les plus gros, doit voir à ce que ses membres bénéficient de représentation sérieuse, efficace et sans faille lorsqu’il est confronté à représenter de ses membres ou non qui ont subi une peine aussi importante en relations de travail, c’est-à-dire un congédiement. Rien ne doit être laissé au hasard.

Quand un représentant syndical oublie de porter un grief à l’arbitrage dans les délais prescrits à la convention collective, je n’hésite pas à dire qu’il y a là négligence puisqu’il ne s’est pas muni de mécanismes ou d’outils pour éviter un tel oubli et ceci peut être qualifié aussi de comportement insouciant. Et quand l’oubli affecte les droits d’un congédié au point de le priver de tout recours possible en vertu de sa convention collective, cette négligence ne peut être qualifiée autrement que de négligence grave, ceci dit avec égards.

Chaque cas étant un cas d’espèce Il ne s’agit pas ici d’une erreur d’interprétation faite de bonne foi, mais bien d’un cas d’insouciance…

[…]

 

[53] Quoiqu’il ne s’agisse pas là du seul critère à considérer, les conséquences et le tort occasionné au plaignant sont des facteurs à considérer pour distinguer la simple négligence de la négligence grave. Dans le cadre de la première plainte, portant le numéro 561-02-40521, c’est le droit à l’emploi du plaignant qui est en jeu et son droit à faire entendre ses arguments sur sa perte d’emploi qu’il considère être un congédiement déguisé et sur une violation possible de la clause de non-discrimination de la convention collective.

[54] Certes, dans le cadre de la première plainte, portant le numéro 561-02-40521, je ne peux présumer d’aucune façon de la justesse du grief du plaignant. Mais, une chose est certaine, dans l’état actuel de son dossier de grief, il lui sera difficile de présenter ses récriminations à l’arbitrage, car son grief a été déposé en retard.

[55] La défenderesse m’a renvoyé à Callegaro, dans laquelle la Commission avait rejeté une plainte à la suite d’une négligence syndicale de transmettre deux griefs au palier final de la procédure applicable aux griefs dans les délais prévus à la convention collective. Les griefs de Mme Callegaro portaient sur une suspension sans solde d’une journée et sur une seconde suspension sans solde de 10 jours. Les conséquences de la négligence syndicale et le tort occasionné à Mme Callegaro par cette négligence étaient nettement moins importants qu’ils ne le sont dans la présente affaire.

[56] Sur la base de ce qui précède, et compte tenu des admissions de faits par la défenderesse, j’accueille donc la première plainte, portant le numéro 561-02-40521. Je considère que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en traitant le dossier de grief du plaignant de façon arbitraire. Je traiterai de la question des mesures de réparation appropriées dans les circonstances plus loin dans ma décision.

[57] Je rejette par contre la seconde plainte, portant le numéro 561-02-40715, dans laquelle le plaignant prétend que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en renvoyant prématurément son grief à l’arbitrage. La défenderesse a admis l’erreur que lui a reprochée le plaignant. Par contre, l’erreur en question a été corrigée, et le renvoi prématuré à l’arbitrage a été annulé à la demande de la défenderesse. La défenderesse a ensuite renvoyé de nouveau le grief à l’arbitrage, au moment opportun cette fois-ci. En considérant les allégations du plaignant comme avérées pour les seules fins de mon analyse, je conclus qu’il n’y a aucun argument défendable voulant qu’il y ait eu violation du devoir de représentation équitable de la défenderesse dans le cadre de la seconde plainte. De plus, le plaignant n’a allégué aucun préjudice de l’erreur administrative de la défenderesse, erreur que cette dernière a pris soin de corriger. Il n’existe donc plus aucun litige réel entre les parties à cet égard et la seconde plainte, portant le numéro 561-02-40715, ne soulève plus qu’une question purement académique.

[58] Je rejette aussi la troisième plainte, portant le numéro 561-02-40787, dans laquelle le plaignant prétend que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de le représenter à la suite de plaintes qu’il avait déposées à la CCDP et au CLO.

[59] Tout d’abord, la défenderesse a affirmé ne pas avoir refusé de représenter le plaignant devant la CCDP et sur les questions de droit de la personne. Par ailleurs, le grief du plaignant a entre autres été renvoyé à l’arbitrage pour contester une violation de la clause de non-discrimination de la convention collective. En considérant les allégations du plaignant comme avérées pour les seules fins de mon analyse, je ne vois vraiment pas en quoi je pourrais conclure qu’il y a un argument défendable voulant qu’il y ait eu violation du devoir de représentation équitable de la défenderesse devant la CCDP.

[60] L’autre volet de la troisième plainte, portant le numéro 561-02-40787, porte sur le refus de la défenderesse de représenter le plaignant à la suite d’une plainte qu’il avait déposée au CLO. En considérant les allégations du plaignant comme avérées pour les seules fins de mon analyse, je conclus qu’il n’y a aucun argument défendable voulant qu’il y ait eu violation du devoir de représentation équitable de la défenderesse dans le cadre de la troisième plainte, portant le numéro 561-02-40787. Je suis d’accord avec la défenderesse qu’elle n’avait pas l’obligation de représenter le plaignant devant le CLO. Ce champ de représentation n’a rien à voir avec le pouvoir exclusif de représentation que la Loi reconnaît à la défenderesse du fait de son accréditation comme agent négociateur du plaignant. La défenderesse n’avait aucun devoir de représenter le plaignant devant le CLO et une plainte devant le CLO ne porte pas sur un litige de relations de travail, mais bien sur des droits protégés par la Loi sur les langues officielles. La défenderesse ne peut donc être blâmée d’avoir manqué à un devoir qu’elle n’avait pas.

[61] Je ne retiens donc de ces trois plaintes que la première, où je conclus, sur la base des admissions de faits de la défenderesse, que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en omettant par négligence de soumettre à l’employeur le grief du plaignant. Il est important de rappeler que ce grief implique une fin d’emploi. Il reste à déterminer comment ce manquement peut être corrigé.

[62] Les dispositions suivantes de la Loi accordent des pouvoirs assez vastes à la Commission lorsqu’elle conclut qu’une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi est fondée. Ces dispositions se lisent comme suit :

192 (1) Si elle décide que la plainte présentée au titre du paragraphe 190(1) est fondée, la Commission peut, par ordonnance, rendre à l’égard de la partie visée par la plainte toute ordonnance qu’elle estime indiquée dans les circonstances et, notamment :

[…]

d) en cas de contravention par une organisation syndicale de l’article 187, lui enjoindre d’exercer, au nom du fonctionnaire, les droits et recours que, selon elle, il aurait dû exercer ou d’aider le fonctionnaire à les exercer lui-même dans les cas où il aurait dû le faire;

[…]

 

[63] À priori, la mesure de réparation relative au manquement de la défenderesse est assez simple. Mon ordonnance doit réparer, dans la mesure du possible, l’erreur qui a été commise par la défenderesse, de sorte que le plaignant ne subisse aucun préjudice. Selon les faits soumis par les parties, le grief du plaignant aurait dû être déposé dans les jours suivants le 21 septembre 2018, date à laquelle le plaignant a fait parvenir son grief dûment complété et signé à Mme Rochon. Si cela avait été fait, le grief aurait alors été déposé dans les délais prévus à la convention collective.

[64] Il n’y a, dans les circonstances devant moi, qu’une seule façon de réparer l’erreur de la défenderesse, soit d’ordonner à cette dernière de présenter à la Commission une demande de prorogation du délai pour présenter le grief à l’employeur et de représenter le plaignant dans le cadre de cette demande. Bien que le plaignant demande à la Commission de réputer son grief présenté dans le délai applicable, il demeure qu’une telle mesure de réparation ne lierait réellement que l’employeur, alors que ce dernier n’est aucunement responsable de l’erreur de la défenderesse, et malgré le fait que l’employeur se soit fondé sur le non-respect du délai de présentation de grief dans toutes les décisions qu’il a rendues dans le cadre de la procédure applicable aux griefs. Bien que je sois saisi de la première plainte, portant le numéro 561-02-40521, je ne suis cependant pas saisi du grief que le plaignant a renvoyé à l’arbitrage. De plus, je note que le dossier 562-02-40521 indique que, contrairement aux exigences de l’article 7(2)b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79), ni le plaignant ni la défenderesse n’ont donné à l’employeur copie des représentations écrites traitant de la mesure de réparation recherchée par le plaignant, privant ainsi l’employeur de toute possibilité d’entre entendu sur cette question dans la défense de ses intérêts.

[65] Rappelons que le grief du plaignant a été renvoyé à l’arbitrage le 17 décembre 2019. Au moment d’écrire la présente décision, la Commission n’avait aucune audience prévue à l’horaire pour l’arbitrage du grief.

[66] Le plaignant a proposé plusieurs mesures qui, selon lui, devraient faire l’objet de mon ordonnance. Je ne suis pas d’accord avec ces mesures si ce n’est qu’avec celle qui vise la question des délais. J’ai confiance que la défenderesse offrira une représentation de qualité au plaignant. De plus, il sera toujours possible pour le plaignant de déposer une nouvelle plainte s’il est d’avis que la défenderesse manque à son devoir de représentation équitable au sens de la Loi dans le cadre de l’arbitrage de son grief.

[67] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[68] La plainte portant le numéro 561-02-40521 est accueillie.

[69] J'ordonne à la défenderesse de présenter à la Commission dans les 30 jours de la présente décision une demande de prorogation du délai pour présenter le grief à l’employeur et de représenter le plaignant dans le cadre de cette demande.

[70] La plainte portant le numéro 561-02-40715 est rejetée de façon sommaire.

[71] La plainte portant le numéro 561-02-40787 est rejetée de façon sommaire.

Le 26 janvier 2022.

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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