Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a rétrogradé le fonctionnaire s’estimant lésé au motif que, même s’il avait bénéficié d’une formation, d’un encadrement et d’un mentorat, il ne réussissait pas dans son poste – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que son trouble d’apprentissage constituait un facteur de son incapacité à exercer les fonctions du poste, et que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard – la Commission a conclu que l’invalidité du fonctionnaire s’estimant lésé avait joué un rôle dans son incapacité à acquérir les compétences voulues pour son poste – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait subi un préjudice en raison de son invalidité, parce qu’il avait été rétrogradé – étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé et ses représentants syndicaux ont tardé à communiquer son diagnostic à l’employeur, la Commission a conclu que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation incombant à l’employeur prenait effet seulement après la divulgation de l’invalidité – la Commission a accueilli deux griefs contestant l’omission de prendre des mesures d’adaptation à la suite de la divulgation du diagnostic du fonctionnaire s’estimant lésé à l’employeur – la Commission a ordonné que le fonctionnaire s’estimant lésé soit réintégré au niveau du poste qu’il occupait avant la rétrogradation, que des intérêts sur la perte de salaire lui soient versés, qu’une formation appropriée lui soit offerte au poste où il est réintégré, et qu’une somme de 5 000 $ soit payée pour préjudice moral – le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi contesté l’omission de fournir un lieu de travail exempt de harcèlement – la Commission a conclu que la preuve n’avait pas établi qu’il y avait eu harcèlement de la part de l’employeur – le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi contesté une mesure disciplinaire – la Commission a rejeté le grief parce que l’invalidité du fonctionnaire s’estimant lésé n’avait joué aucun rôle dans ses actes ayant mené à la prise de la mesure disciplinaire.

Griefs accueillis en partie.

Contenu de la décision

Date: 20220125

Dossiers: 566‑02‑9129 à 9132

et 12599 à 12601

 

Référence: 2022 CRTESPF 3

Loi sur la Commission des

relations de travail et de

l’emploi dans le secteur public

fédéral et Loi sur les relations

de travail dans le secteur

public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

Neil Shreedhar

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

employeur

Répertorié

Shreedhar c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Julia Williams, avocate

Pour l’employeur : Kétia Calix, avocate

 

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 11 au 14 février 2020,
et par vidéoconférence,

du 21 au 24 septembre, du 5 au 8 octobre et les 4 et 5 novembre 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Pendant toute la période pertinente, Neil (Nilesh) Shreedhar, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était au service du Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur »), à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), où il occupait soit le poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (AELBI) au groupe et au niveau d’agent des services frontaliers 3 (FB‑03), soit les autres postes décrits dans la présente décision, au groupe et au niveau CR‑05. Pendant toute la période pertinente, le lieu de travail du fonctionnaire se trouvait dans la région du Grand Toronto, en Ontario, ou à proximité, dans ce qui est désigné au sein de l’ASFC comme le Centre d’exécution de la Loi du Grand Toronto (CELGT).

[2] Le 1er novembre 2011, le fonctionnaire a déposé les griefs suivants, devenus les dossiers de la Commission 566‑02‑9129 et 9130 :

[Traduction]

 

[Numéro de dossier 566‑02‑9129]

ÉNONCÉ DU GRIEF […]

Je reproche à l’ASFC de ne pas avoir respecté le processus et les procédures décrits dans l’évaluation de l’aptitude au travail (EAT) de Santé Canada.

Je reproche également à l’ASFC de m’avoir renvoyé à Santé Canada pour une EAT qui n’a pas permis d’évaluer correctement mon état de santé. Plus précisément, Santé Canada a omis de me faire évaluer par un expert compétent et qualifié concernant les troubles d’apprentissage.

REDRESSEMENT DEMANDÉ […]

Que l’ASFC suive les directives énoncées dans les lettres d’EAT;

Que je sois renvoyé à Santé Canada pour une évaluation effectuée par un spécialiste des troubles d’apprentissage;

Que je sois indemnisé pour préjudice moral et que des dommages punitifs me soient accordés;

Que toute autre mesure jugée appropriée dans les circonstances soit prise.

 

[Numéro de dossier 566‑02‑9130]

ÉNONCÉ DU GRIEF […]

Je reproche à mon employeur d’avoir enfreint l’article 19 en formulant des commentaires sur le fait que mon état de santé a été soumis à une évaluation par Santé Canada. Je me plains aussi du fait que mon évaluation n’a pas été réalisée au moment opportun et qu’elle tient compte d’incidents qui ne sont pas survenus entre le 31 mars 2010 et le 1er avril 2011.

REDRESSEMENT DEMANDÉ […]

Que mon évaluation soit révisée et que les commentaires inappropriés soient supprimés;

Que je sois indemnisé pour préjudice moral et que des dommages punitifs me soient accordés;

Que toute autre mesure jugée appropriée dans les circonstances soit prise.

 

[3] Dans ses observations présentées à la fin de l’audience, le fonctionnaire a retiré ce grief.

[4] Le 5 septembre 2012, le fonctionnaire a déposé le grief suivant, devenu les numéros de dossiers de la Commission 566‑02‑9131 et 9132 :

[Traduction]

 

 

Énoncé du grief […]

Je conteste ma rétrogradation, le harcèlement et la discrimination dont j’ai été victime ainsi que l’omission, par mon employeur, de prendre des mesures d’adaptation.

Redressement demandé […]

[…]

Je demande à être réintégré dans mon poste FB‑03, à recevoir une indemnité pour toute perte de salaire et d’avantages sociaux subie, et à bénéficier de tout autre redressement jugé approprié dans les circonstances. Je me réserve le droit de réclamer une indemnité financière au motif que les actes reprochés reposent sur un motif de distinction illicite aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[5] Le 10 juin 2014, le fonctionnaire a déposé le grief suivant, devenu le dossier de la Commission 566‑02‑12599 :

[Traduction]

 

Énoncé du grief […]

La direction n’a pas mis à ma disposition les mesures d’adaptation que j’avais demandées, et elle ne m’a pas fourni de milieu de travail respectueux et dénué de harcèlement, si bien je me suis retrouvé dans des situations d’échec inévitable au travail, en raison de mon problème médical.

[…]

Redressement demandé […]

Que les mesures d’adaptation soient appliquées et que je sois placé dans des situations de travail qui me permettront de réussir.

 

[6] Le 28 juillet 2014, le fonctionnaire a déposé le grief suivant, devenu le dossier de la Commission 566‑02‑12601 :

[Traduction]

 

Énoncé du grief […]

JE CONTESTE LA SANCTION QUI M’A ÉTÉ IMPOSÉE. JE N’AI BÉNÉFICIÉ D’AUCUNE MESURE D’ADAPTATION, CE QUI EST CONTRAIRE À LA POLITIQUE SUR LES MESURES D’ADAPTATION ET À LA CONVENTION COLLECTIVE.

Redressement demandé […]

QUE JE SOIS INDEMNISÉ INTÉGRALEMENT.

 

[7] Le 12 septembre 2014, le fonctionnaire a déposé le grief suivant, devenu le dossier de la Commission 566‑02‑12600 :

[Traduction]

 

Énoncé du grief […]

Le 8 septembre 2014, j’ai été avisé que mon grief no G14‑3971‑116125 avait été rejeté et que la suspension était maintenue. Comme ces mesures sont liées à mon problème médical, nous citons l’article 19.01 de la convention collective : Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

Redressement demandé […]

Que la suspension soit rayée de mon dossier et que je reçoive une indemnité pour les journées non payées. Que je sois indemnisé intégralement.

[8] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014‑84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) de même que l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autre formalité en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[9] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP, de la LRTFP et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005‑79) pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

[10] L’audition des griefs s’est déroulée devant moi comme prévu du 11 au 14 février 2020, en personne, à Toronto. À cause de la pandémie de COVID‑19 et des mesures de confinement, l’audience s’est ensuite poursuivie par vidéoconférence.

II. Résumé de la preuve

A. Contexte

[11] Pendant toute la période pertinente, les conditions de travail du fonctionnaire étaient partiellement régies par des conventions collectives conclues entre le CT et l’Alliance de la fonction publique du Canada (l’« Alliance »). Les conventions collectives éventuellement pertinentes aux fins de la présente décision sont les suivantes :

• pour le groupe Services frontaliers, la convention signée le 17 mars 2014, qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective FB 2014 »);

• pour le groupe Services frontaliers, la convention signée le 3 juillet 2018, qui a expiré le 20 juin 2018 (la « convention collective FB 2018 »);

• pour le groupe Services des programmes et de l’administration, la convention signée le 1er mars 2011, qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective PA 2011 »);

• pour le groupe Services des programmes et de l’administration, la convention signée le 14 juin 2017, qui a expiré le 20 juin 2018 (la « convention collective PA 2017 »).

 

[12] L’article 19 de chacune des conventions collectives est intitulé « ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION », dont les parties pertinentes aux fins de la présente décision sont reproduites ci-dessous :

[Convention collective FB 2014 et convention collective PA 2011]

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié […]

 

[Convention collective FB 2018 et convention collective PA 2017]

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, son identité sexuelle ou l’expression de celle-ci, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

[…]

[13] Durant l’audience, il a été question du Programme de santé au travail et de sécurité du public (PSTSP), puis du Programme de santé au travail de la fonction publique ou PSTFP. Ces deux noms semblent désigner la même organisation de Santé Canada chargée de réaliser des évaluations de la santé au travail d’employés pour le compte de l’employeur. À des fins de simplicité, ce programme sera souvent appelé « Santé Canada » dans la présente décision.

[14] Pendant toute la période pertinente, le fonctionnaire travaillait dans l’unité de l’ASFC chargée de traiter les cas de personnes étant entrées ou demeurées au Canada soit illégalement, soit sans la documentation adéquate. Il s’agit de ce qu’on appelait l’unité des personnes libérées pour renvoi (UPLR). Par souci de commodité, j’utiliserai l’expression « non‑citoyens » pour désigner les personnes visées par le travail de l’UPLR et des AELBI.

[15] Au moment de l’audience, Kristen Gale était AELBI au groupe et au niveau FB‑03. À l’époque où se sont déroulés les événements pertinents dans le cadre des présents griefs, elle s’appelait Kristen O’Gorman. Entre le 2 juin et le 25 septembre 2008, elle a supervisé le fonctionnaire.

[16] Au moment de l’audience et depuis 2016, Cynthia Garcia exerçait les fonctions d’agente régionale de programme au bureau de l’ASFC à Mississauga (Ontario). En 2008 et jusqu’en 2009, elle était AELBI au groupe et au niveau FB‑03 et travaillait avec le fonctionnaire. En octobre 2008, elle était gestionnaire de programme par intérim (PM) 5 et s’est vu confier un rôle de mentorat et d’encadrement auprès du fonctionnaire.

[17] Au moment de l’audience, et depuis 2005, Michelle Clark était agente d’audience à l’ASFC. Pendant cinq ans, jusqu’en décembre 2013, elle occupait un poste d’AELBI et, entre 2007 et 2012, elle était superviseure des AELBI au groupe et au niveau FB‑05. Entre le 27 août 2012 et avril ou mai 2013, c’est elle qui dirigeait l’unité responsable du suivi des cas en instance et qui supervisait les employés de cette unité, dont faisait partie le fonctionnaire, qui y travaillait à titre d’adjoint à l’exécution de la loi au groupe et au niveau CR‑05 à l’époque.

[18] À la date de l’audience, et depuis janvier 2013, David O’Sullivan était agent d’audience à l’ASFC. À partir de 2008 et jusqu’en 2009, il a été surintendant par intérim à l’UPLR. En 2009, sa nomination intérimaire est devenue une nomination pour une période indéterminée. Entre janvier et août 2009, il a supervisé le fonctionnaire.

[19] Au moment de l’audience, Dale Lewis exerçait les fonctions d’AELBI et d’enquêteur à l’ASFC. En 2009, il a agi comme mentor auprès du fonctionnaire.

[20] Au moment de l’audience, et depuis novembre 2019, Marija Cuvalo était directrice par intérim des opérations des passagers pour le district de Toronto de l’ASFC. En juin 2008, elle était chef des opérations de l’UPLR au CELGT.

[21] Au moment de l’audience, et depuis 2004, Carman Alexander‑Nash était chef des opérations à l’ASFC. Elle a exercé ces fonctions à plusieurs endroits. En juin 2009, elle était responsable de l’UPLR du CELGT, et le fonctionnaire relevait indirectement d’elle.

[22] Au moment de l’audience, et depuis 2004, Anne Raposo était superviseure de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs à l’ASFC. En avril 2013, elle était en affectation comme chef intérimaire de l’unité de soutien opérationnel de l’UPLR. Elle a occupé ce poste à partir d’avril jusqu’au début d’août 2013. Durant cette période, le fonctionnaire relevait indirectement d’elle.

[23] Au moment de l’audience, et depuis 2009, Chukwu Uzoruo était AELBI à l’ASFC dans la région du Grand Toronto. En mai 2014, il exerçait par intérim les fonctions de superviseur de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs et, durant cette période, le fonctionnaire relevait indirectement de lui.

[24] Au moment de l’audience, et depuis 2017, Khalida Jelani était surintendante des opérations des passagers à l’Aéroport international Pearson, à Toronto. En avril 2013, elle était superviseure de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs au groupe et au niveau FB‑05 et, à ce titre, elle supervisait le travail du fonctionnaire. Bien qu’elle ne souvienne pas exactement de la date à laquelle elle a cessé de superviser le fonctionnaire, elle a confirmé que c’était autour de janvier ou février 2014.

[25] Au moment de l’audience, et depuis le 15 février 2020, Jonathan Kamin était retraité de la fonction publique. Le dernier poste qu’il a occupé, depuis novembre 2014 jusqu’à sa retraite, était celui de directeur adjoint de la division de l’exécution de la loi et du renseignement de l’ASFC. Entre mai et juillet 2014, il était chef des opérations de l’unité de soutien opérationnel du CELGT, et le fonctionnaire relevait indirectement de lui.

[26] Au moment de l’audience, et depuis décembre 2019, Goren Vragovic était directeur général (DG) de la Direction générale du secteur commercial et des échanges commerciaux pour l’ASFC, à l’administration centrale située à Ottawa (Ontario). En août 2012, il était DG régional à l’ASFC pour la région du Grand Toronto, fonction qu’il a exercée de mai 2011 à novembre 2019. À ce titre, il s’occupait de toutes les opérations de l’ASFC dans la région, laquelle comptait environ 2 000 employés chargés d’analyser l’admissibilité des personnes et des marchandises au pays, ainsi que des activités liées aux documents et à l’exécution de la loi. Dix personnes relevaient directement de lui, dont six directeurs opérationnels et un directeur administratif. En outre, deux ou trois membres du personnel administratif relevaient de lui directement.

[27] Au moment où se sont déroulés les faits pertinents au regard des questions soulevées dans les présents griefs, Pnina Ptasznik était conseillère en relations de travail pour l’ASFC. Elle n’a pas témoigné.

[28] En 1985, le fonctionnaire a obtenu son B.A. en économie de l’Université York, à Toronto. En 2006, il a terminé ses études de certificat en gestion des ressources humaines, avec la mention « très bien », au Seneca College de Toronto. En 2008, il a obtenu sa maîtrise en administration des affaires avec très grande distinction au Centenary College, au New Jersey, aux États‑Unis. Il maîtrise les deux langues officielles.

[29] Le fonctionnaire s’est joint à la fonction publique fédérale en octobre 1991. Il a été commis au groupe et au niveau CR‑03 jusqu’à ce qu’il obtienne un poste au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Vers novembre 2005, il a été nommé à titre intérimaire comme agent des renvois et des expulsions à l’ASFC, au groupe et au niveau PM‑02, dans la région du Grand Toronto. Dans une lettre datée du 4 mai 2006, le fonctionnaire s’est vu offrir une nomination pour une période indéterminée au poste d’agent des renvois et des expulsions au CELGT, au groupe et au niveau PM‑02, assorti de l’exigence « anglais essentiel ». Dans une lettre datée du 14 juillet 2006, le fonctionnaire a accepté une nomination pour une période indéterminée au poste bilingue d’agent des renvois et des expulsions au CELGT, au groupe et au niveau PM‑02.

[30] Parmi les éléments de preuve figure une lettre datée du 20 février 2007 reçue par le fonctionnaire. Celle-ci informait le fonctionnaire qu’un processus de conversion était en cours au sein de l’ASFC, et que le poste qu’il occupait à ce moment-là, soit celui d’agent des douanes et de l’immigration (ADI) au service des expulsions, au groupe et au niveau PM‑03, deviendrait un poste d’AELBI, au groupe et au niveau FB‑03. Même si certaines tâches et responsabilités des AELBI étaient semblables à celles confiées aux agents au service des renvois et des expulsions, certaines autres tâches et fonctions étaient nouvelles pour le fonctionnaire et pour les autres employés visés par la conversion.

[31] M. O’Sullivan a expliqué qu’il y a des étapes à suivre et différents éléments à réunir dans le cadre du renvoi d’un non‑citoyen. Un dossier est attribué à chaque non‑citoyen. L’information pertinente relative à cette personne est gardée dans un système de suivi informatique, le Système national de gestion des cas, ou SNGC. Selon la situation factuelle, le non-citoyen est renvoyé par voie terrestre ou par avion. Le passeport est un document obligatoire. Il faut aussi réserver les billets d’avion, et il est possible qu’un cautionnement soit exigé. Les étapes doivent se dérouler à des moments précis, certaines dans un ordre particulier. Le SNGC permet de faire le suivi du processus et de tenir l’information à jour. Les renseignements sont valables seulement s’ils sont à jour dans le système. Les non‑citoyens se plient ou non au processus, certains sont violents et se conduisent d’une manière qui serait considérée comme criminelle, d’autres encore sont malhonnêtes.

[32] Après la conversion, de 2007 à 2008, le fonctionnaire a commencé à travailler au sein d’une direction générale de l’UPLR connue sous le nom de Projet des demandeurs d’asile déboutés (PDAD). À cette époque, Mme Cuvalo était chef de l’UPLR. Lors de son témoignage, elle a déclaré que son unité était un bon endroit pour former les anciens agents des renvois et des expulsions devenus des AELBI. Elle a précisé avoir participé de près, avec le fonctionnaire et les superviseurs, à la création et à la mise en œuvre des plans de formation du fonctionnaire. Mme Cuvalo avait quatre superviseurs sous sa direction. Une copie de la description de travail des AELBI reçue par le fonctionnaire le 5 mars 2007 a été déposée en preuve.

[33] Les parties pertinentes de la description de travail des AELBI sont présentées ci-après.

[Traduction]

 

Résultats axés sur le service à la clientèle

Être responsable de la détection, des enquêtes, des arrestations, de la délivrance des mesures de renvoi et du renvoi de personnes qui enfreignent les lois sur l’immigration; être responsable de l’élimination des dossiers, de la transmission d’informations et de la prestation de services aux clients, aux partenaires et aux intervenants de l’ASFC.

Activités principales

Repère les infractions et les contrevenants potentiels à la législation en matière d’immigration; propose, planifie, élabore et met en œuvre des activités de recherche et d’enquête sans visite sur les lieux relativement aux dossiers; détermine et met en application des approches ainsi que des concepts et des méthodes d’enquête; recherche différentes sources d’information et coordonne, planifie et mène des entrevues; analyse, évalue et interprète les renseignements et les données provenant de différentes sources, et s’appuie sur son jugement et son expertise pour préciser, vérifier et confirmer l’information.

Coordonne et dirige des enquêtes conjointes et les activités de groupes opérationnels, en collaboration avec des agents et des représentants d’organisations canadiennes et internationales d’exécution de la loi, de sécurité ou de renseignement; obtient et exécute des mandats de perquisition, d’arrêt et autres mandats spéciaux; détermine et prévoit les besoins en ressources humaines, financières et matérielles de l’équipe/du groupe opérationnel et élabore des analyses de rentabilisation et des propositions en vue d’obtenir des ressources.

Fournit des conseils, des directives et une orientation sur l’interprétation et l’application de la législation en matière d’immigration aux équipes d’enquêteurs (qui comptent jusqu’à 30 enquêteurs/experts techniques d’organisations des secteurs public et privé), aux associés, aux clients, aux agents et aux représentants des organisations partenaires et des intervenants; et témoigne dans le cadre de procédures administratives et devant les tribunaux.

Analyse et évalue les cas en se fondant sur de nouveaux renseignements et de nouvelles données; détermine et évalue les tendances et les faits nouveaux; conceptualise différents scénarios potentiels en se basant sur les circonstances, les personnes et les questions liées aux dossiers, et rend des décisions visant des contextes en évolution.

Agit à titre de délégué du ministre dans le cadre du processus de révision du délégué du ministre. Analyse les éléments de preuve et prend des décisions telles que : ordonner la mise en liberté, poursuivre la détention ou émettre des mesures de renvoi (l’expulsion, l’exclusion et l’interdiction de séjour, selon la gravité des allégations).

Agit à titre d’agent principal dans le cadre de procédures de renvoi et peut être appelé à escorter des contrevenants renvoyés du Canada.

[…]

Habiletés

Exigences du poste : Connaître un large éventail de lois, de règlements, de traités, de conventions, de chartes, de procédés juridiques et de codes nationaux et internationaux, par exemple la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Charte canadienne des droits et libertés, le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels ainsi que les concepts et les principes de justice naturelle, d’équité de la procédure et d’examen administratif; et rédiger des documents et des rapports en respectant la structure et les exigences du cadre légal et législatif et d’un environnement de contrôle judiciaire.

Posséder des habiletés analytiques et connaître les principes, les pratiques et les méthodes du processus décisionnel administratif; faire de la recherche, des entrevues et des investigations, rechercher des faits et des renseignements, effectuer de la vérification et de la validation, et utiliser des concepts, des principes, des méthodes, des techniques et des pratiques exemplaires, afin d’établir, de recueillir et de préparer les données et les faits relatifs aux dossiers; trouver, examiner et compiler des renseignements relatifs aux profils; effectuer des recherches sur des précédents jurisprudentiels et les appliquer.

Posséder les connaissances et les habiletés analytiques nécessaires pour appliquer un processus de pensée critique; évaluer et pondérer les éléments de preuve, les faits, les circonstances et les facteurs de risque liés aux dossiers; prendre des décisions définitives en vertu de pouvoirs délégués et fournir des conseils, des directives et des interprétations concernant les lignes directrices législatives aux collègues, aux partenaires et autres, notamment les agents d’exécution de la loi et les enquêteurs, les clients et d’autres intervenants comme les groupes de pression canadiens et internationaux et les ONG.

Posséder les connaissances et les habiletés analytiques nécessaires pour établir l’équivalence entre les infractions aux lois étrangères et les infractions aux lois canadiennes, puis agir en conséquence.

Connaître le mandat, les objectifs, les priorités, les programmes, les politiques et les lignes directrices opérationnelles de l’ASFC; le mandat, les programmes, les priorités et les principales personnes-ressources au sein des gouvernements, des organisations d’exécution de la loi, de sécurité et de renseignement, au Canada et à l’étranger, afin de comprendre l’interaction et les relations entre les organisations, de participer aux groupes opérationnels, groupes de travail et équipes de projet multiorganisationnels; de repérer les pratiques exemplaires du secteur au Canada à l’étranger; d’identifier des sources de renseignement au Canada et à l’étranger, d’obtenir et de vérifier l’information sensible et/ou protégée jusqu’au niveau « Très secret », puis de justifier les décisions et les mesures prises à la lumière des informations recueillies lorsque vient le temps de témoigner devant des instances administratives ou judiciaires.

Connaître et comprendre les enjeux, les événements et les contextes sociaux, culturels, religieux et politiques au Canada et à l’étranger, notamment les tendances et les faits nouveaux en matière de migration, de terrorisme, de crimes internationaux ou d’autres sujets et sensibilités de groupes clients particuliers, afin de mener des recherches, de recueillir des données et des éléments de preuve, de compiler du matériel de référence en prévision du règlement des dossiers; de répondre aux demandes de renseignements, de régler les problèmes, d’élaborer des méthodes visant à fournir de l’information, des conseils et des opinions sur des questions pertinentes liées aux enjeux et aux dossiers traités et à les expliquer, et de promouvoir une image publique positive de l’ASFC. Faire en sorte que les décisions prises et les mesures adoptées résistent à l’examen minutieux des tribunaux, des médias et du public.

Connaître les principes, méthodes et techniques de défense mettant à profit les techniques et méthodes spécialisées (techniques de maîtrise et de défense), afin de pouvoir appliquer des techniques d’autodéfense, de défendre les partenaires, les membres des groupes opérationnels ou les équipes de projet, les collègues ou le public dans les situations où un client devient physiquement agressif.

Analyser et résumer des données et des renseignements factuels et conjoncturels divers; constituer des dossiers et élaborer des documents techniques et administratifs, notamment des rapports d’enquête et de recherche, des affidavits, de la correspondance et des documents d’information devant être soumis pour examen par des fonctionnaires et des représentants de haut rang des organes législatifs, des organisations d’exécution de la loi, de sécurité et du renseignement au Canada et à l’étranger, ainsi que par les représentants de contrevenants allégués (avocats canadiens ou étrangers, groupes de pression et ONG). Alerter et tenir informés les membres de la haute direction de l’avancement des dossiers délicats ou litigieux et des enjeux connexes et fournir des renseignements aux représentants canadiens et étrangers de même qu’aux représentants des organismes d’exécution de la loi, de sécurité, du renseignement et d’immigration.

[…]

L’agent d’exécution de la loi doit posséder des compétences en communication orale pour mener des entrevues d’enquête, dans le but d’obtenir des renseignements auprès des informateurs et des clients. Ces entrevues peuvent être litigieuses lorsque les clients sont réticents à donner l’information.

[…]

Efforts

Les agents d'exécution de la loi sont tenus de retenir couramment des personnes qui ne veulent pas collaborer au moment d’une arrestation. Les agents d’exécution de la loi sont tenus de […] manutentionner du matériel de protection et des armes qui peuvent être lourds et encombrants Les agents d'exécution de la loi font continuellement un effort sensoriel lorsqu'ils mènent des activités de surveillance et lorsqu'ils font des accompagnements au niveau international par suite d’un renvoi. À cet effet, il faut continuellement porter une attention à la cible et les occasions de se reposer sont limitées.

[…]

Responsabilités

[…]

Coordonner et diriger des enquêtes et la prise de mesures avec des organismes d’exécution de la loi, de sécurité et du renseignement, telles la surveillance et les arrestations, et les consulter à cet effet; déterminer les conséquences qui exigent des mandats de perquisition et d’arrestation; […] faire preuve de jugement et d’autorité en tant qu'agent de la paix pour avoir recours à la force afin de retenir et de détenir des personnes; exercer le pouvoir de saisir et de conserver des documents et d’autres biens personnels (p. ex. des espèces, des cautionnements et des véhicules) et présenter des plans opérationnels pour le démantèlement d’organisations et donner des ordres et des instructions en vue de l’arrestation, de la détention et de la comparution aux fins d’une enquête, de la libération suivant les conditions applicables et de l’obligation de se présenter à un examen, et prendre des mesures de renvoi et/ou renvoyer des personnes du Canada ou accorder aux contrevenants la permission de demeurer au Canada.

[…]

Exercer des activités d’enquête et de renvoi en ayant un esprit critique; évaluer et soupeser la preuve, les faits, les circonstances et les éléments de risque associés aux dossiers/cas et prendre des décisions définitives en vertu des pouvoirs délégués. Appliquer les connaissances et l’expertise en matière d’enquête.

[…]

Conditions de travail

[…]

Le travail donne lieu à des arrestations dans des circonstances où il pourrait s'agir de personnes susceptibles d’être violentes, de tenter d’utiliser des armes meurtrières ou de devenir autrement agressives sur le plan physique.

[…]

 

[34] Aucune copie de la description de travail des agents des douanes et de l’immigration (ADI) ou des agents des renvois et des expulsions n’a été déposée en preuve, et je n’ai pas entendu de témoignage détaillé sur ces postes non plus.

B. Mise au jour des problèmes de rendement et d’apprentissage du fonctionnaire

[35] Mme Gale a témoigné que le PDAD s’occupait du renvoi des non‑citoyens. Elle a mentionné que le fonctionnaire avait reçu une formation au sujet des renvois. Selon elle, le processus de renvoi comporte plusieurs aspects, dont les suivants :

• prendre connaissance du dossier;

• déclencher et effectuer les évaluations des risques;

• préparer les entrevues;

• mener les entrevues;

• passer en revue l’information après les entrevues;

• s’occuper des relations avec les membres des familles;

• procéder aux réservations nécessaires pour les renvois;

• régler les problèmes relatifs aux documents de voyage.

 

[36] Mme Gale a affirmé que durant la période au cours de laquelle elle a supervisé le fonctionnaire, soit du début juin jusqu’à la fin de septembre 2008, elle a remarqué que celui-ci éprouvait des difficultés à s’acquitter de certaines tâches. Une des méthodes utilisées pour former les nouveaux AELBI issus de la conversion consistait à demander à ces derniers d’observer des AELBI d’expérience au travail. Les nouveaux AELBI assistaient à environ trois ou cinq entrevues à titre d’observateurs puis étaient généralement à l’aise de travailler seuls. Le fonctionnaire avait suivi un autre agent pendant deux semaines, ce qui n’est pas une période anormalement longue. Cela dit, d’après la rétroaction obtenue de l’agent et du fonctionnaire, ce dernier ne se sentait pas prêt à mener les entrevues seul.

[37] Lorsqu’elle a été invitée à nommer les problèmes, Mme Gale a répondu qu’il était difficile de les nommer isolément. Parfois, le fonctionnaire oubliait de recueillir des informations, même s’il s’agissait de renseignements de base et qu’il disposait d’une grille pour le guider. Également, lorsqu’il devait procéder à une évaluation des risques avant renvoi (ERAR), le fonctionnaire semblait généralement mal préparé.

[38] Autour de juillet 2008, Mme Cuvalo a été informée par deux de ses superviseurs que le fonctionnaire éprouvait des difficultés à accomplir certaines tâches quand il devait interroger des non‑citoyens potentiels, et également que son rythme d’apprentissage ne suivait pas celui de ses pairs. Compte tenu de ces difficultés, Mme Cuvalo s’est impliquée dans la formation et l’apprentissage du fonctionnaire puis, en collaboration avec ce dernier et des superviseurs, elle a élaboré un plan structuré de rendement et d’apprentissage. La nature de ce plan et son mode de fonctionnement ont été expliqués lors des témoignages. Mme Cuvalo a affirmé que ce plan avait été en place pendant environ un an.

[39] Mme Gale a expliqué qu’elle et Mme Cuvalo avaient développé un système d’apprentissage faisant appel aux dossiers clos. Elles ont préparé une série de questions auxquelles le fonctionnaire devait répondre après avoir passé les dossiers en revue. Le fonctionnaire a travaillé ainsi pendant quelques semaines, et il était ardu pour lui de trouver les réponses. Mme Gale a mentionné qu’au début de cette formation, le fonctionnaire disposait d’une heure et demie pour prendre connaissance d’un dossier et répondre aux questions. Ce délai a ensuite été réduit à 30 minutes. D’après elle, un AELBI a en réalité environ 15 minutes pour mener cette tâche. À son avis, bon nombre des difficultés du fonctionnaire étaient liées à la gestion du temps. Elle a décrit un cas où le fonctionnaire a demandé l’autorisation de s’absenter pour terminer un examen qu’il avait entre les mains depuis trois jours et qui, Mme Gale a-t-elle précisé, n’aurait pas dû lui demander autant de temps.

[40] Mme Gale a expliqué que le fonctionnaire avait un rendement qui n’était pas comparable à celui de ses collègues et qu’il avait de la difficulté à les rattraper. Le compte rendu d’une réunion rédigé par Mme Gale et daté du 14 juillet 2008 a été déposé en preuve. Outre Mme Gale, étaient présents à la rencontre le fonctionnaire ainsi que Tanya Andrews, une autre superviseure intérimaire. Les parties pertinentes de ce document sont les suivantes :

[Traduction]

 

[…] La rencontre a lieu pour parler avec Neil de ses progrès au PDAD et pour l’informer qu’il ne semble pas évoluer à la même vitesse que ses collègues. Nous lui posons des questions précises afin de cerner les points préoccupants pour les deux superviseures et pour Neil.

1) Entrevues – On demande à Neil de décrire ses sentiments face aux entrevues et d’évaluer son rendement dans l’unité.

– « J’ai l’impression que tout est très intense. J’ai trop de dossiers et c’est difficile pour moi de savoir ce que je dois faire. Il y a trop de détails que je ne parviens pas à régler. »

• Nous expliquons à Neil qu’un très petit nombre de dossiers lui ont été confiés, qu’il ne s’agit même pas du tiers de ce que doivent gérer ses collègues, y compris les agents récemment embauchés – dont certains ont commencé à travailler seulement une semaine avant lui.

• Nous expliquons aussi à Neil que les cinq nouveaux agents inexpérimentés en immigration menaient des entrevues en autonomie au bout de deux à trois semaines environ, et que lui ne se trouve pas encore à ce stade. Neil mentionne qu’il a observé l’agente [nom caviardé] et qu’elle l’a vraiment aidé. Elle a commencé à travailler au PDAD une semaine avant lui.

• Neil a encore besoin d’aide de quelqu’un pour lancer une ERAR; il dit penser qu’il y est presque, mais qu’il n’est pas prêt à mener ces entrevues seul encore.

• Neil précise aussi qu’il n’est absolument pas prêt à diriger une entrevue de décision à la suite d’une ERAR.

Suggestions

– On conseille à Neil de noter par écrit tout ce qu’il apprend. De la sorte, il peut réviser le processus et le déroulement de l’entrevue.

– Neil continuera d’avoir un autre agent à ses côtés pour mener les entrevues de lancement d’une ERAR, et il assistera aux entrevues de décision à la suite d’une ERAR menées par d’autres agents jusqu’à ce que l’un ou l’autre superviseur de l’équipe juge qu’il peut travailler en autonomie.

– On explique à Neil que les cas reposent sur des renseignements extrêmement sensibles et que, d’un point de vue juridique, il est impératif qu’il comprenne parfaitement bien les politiques et les procédures du CELGT.

– On explique à Neil qu’il est impossible, quand on travaille au PDAD, d’avoir fini tout son travail ou d’avoir réglé tous les détails, sachant que l’unité s’occupe chaque jour d’un grand nombre de dossiers qui nécessitent une attention immédiate.

2) Apprentissage au sein du PDAD

Neil n’apprend pas à travailler au sein du PDAD aussi rapidement que les autres agents l’ont fait jusqu’ici. Il semble qu’il y ait plusieurs problèmes dans la façon dont Neil apprend.

• On souligne à Neil qu’il a besoin d’une supervision constante pour réduire le nombre d’erreurs.

• On rappelle à Neil que j’ai dû à plusieurs occasions lui réexpliquer la nature d’une procédure ou d’une politique [les étagères où doivent être rangés les mandats, les documents afférents aux mandats, les convocations].

• On souligne le fait qu’il y a constamment des erreurs dans les formulaires 509 de Neil, même si celui-ci travaille au CELGT depuis plus de deux ans.

Suggestions

– On propose à Neil d’imprimer un calendrier pour faire le suivi de ses rendez‑vous quotidiens, et de se faire une liste chaque jour des tâches qu’il doit accomplir. Il est déjà arrivé que Neil se présente à un rendez-vous au CELGT sans être préparé et sans avoir pris les mesures nécessaires. Neil accepte cette suggestion.

– On lui conseille également de prendre des notes au fur et à mesure qu’il apprend de nouvelles idées et procédures. Il pourra ensuite s’y reporter s’il a des questions ou un trou de mémoire. Neil accepte cette suggestion.

– On rappelle à Neil de prêter attention aux détails afin d’éviter de remettre des dossiers ou d’autres documents remplis d’erreurs. On lui donne des exemples précis, et il accepte de faire plus attention.

3) Priorités

La capacité d’établir des priorités constitue une des principales qualités que doit posséder un agent du PDAD. Ce fait est expliqué à Neil, et il est d’accord. Il convient qu’il s’agit vraiment d’une de ses préoccupations, particulièrement dans l’unité. Il dit ne pas encore comprendre par où commencer dans son travail.

– On lui donne des exemples de cas où il a été incapable de juger de l’ordre de priorité [client qui attend à l’accueil, courriel de [nom caviardé]].

Suggestions

– On explique à Neil que, s’il doit mener plusieurs tâches de front, il doit être capable de décider laquelle de ces tâches est la plus urgente. On lui donne un exemple : le ministère de la Justice appelle parce qu’il a besoin que de l’information lui soit télécopiée sur-le-champ en raison d’une demande de sursis qui doit être entendue l’après‑midi même; une trousse de confirmation de départ doit être remise le lendemain. Laquelle de ces deux tâches est prioritaire? On précise à Neil que les agents du PDAD s’occupent habituellement de plusieurs dossiers en même temps. Lorsqu’il a des doutes, il doit poser des questions au superviseur ou à un collègue.

4) Gestion du temps

a) À la première réunion obligatoire du vendredi, il a demandé à être excusé parce qu’il devait s’occuper d’une trousse de confirmation de départ incomplète (il savait que cette trousse devait être remise trois jours plus tôt et aucune autre tâche ne lui avait été assignée par ailleurs). Neil s’est fait dire à ce moment‑là que le temps qu’il consacrait à une seule trousse de confirmation de départ était vraiment inacceptable. On rappelle cet incident à Neil en soulignant que cela met en lumière qu’il a du mal à gérer son temps.

b) Encore une fois, un vendredi, Neil a demandé la permission de s’absenter d’une réunion parce qu’il était « complètement débordé ». Là encore, un très petit nombre de dossiers lui avaient été confiés.

On mentionne à Neil qu’il semble perdre ses moyens quand il a plus d’une tâche à accomplir au cours d’une même journée. Neil répond qu’il difficile pour lui de suivre le rythme et qu’il ne comprend pas encore la nature de ses fonctions.

Suggestions

– On conseille à Neil d’observer attentivement ses collègues pour voir comment ils réagissent face aux situations. Il est censé l’avoir fait pendant les deux semaines au cours desquelles il a accompagné exclusivement [nom caviardé], qui a une riche expérience au PDAD.

– On suggère à Neil d’imprimer le calendrier d’Outlook et de le placer devant son ordinateur puis d’y inscrire la totalité de ses rendez‑vous, de ses tâches et des renvois dont il est responsable.

Conclusion

À la fin de la réunion, Neil dit qu’il tâchera de s’améliorer et de suivre nos suggestions. Il demande également quelques semaines de plus pour voir s’il peut suivre le rythme, mais il évoque la possibilité que l’unité de travail ne lui convienne pas.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[41] Durant son témoignage, Mme Gale a été invitée à donner quelques précisions sur le compte rendu écrit de la rencontre du 14 juillet 2008. En ce qui concerne les rendez‑vous, elle a expliqué que le fonctionnaire arrivait en retard, n’était pas préparé et n’apportait pas les bons documents. Elle ne savait pas s’il inscrivait les rendez‑vous quelque part, mais elle lui a recommandé de le faire. Pour ce qui est des étagères de rangement et des documents afférents aux mandats, elle a souligné que le fonctionnaire plaçait les documents au mauvais endroit, ne remplissait pas les bons formulaires et n’avait pas les renseignements utiles entre les mains.

[42] Une note de service de Mme Gale datée du 1er août 2008 qui a été déposée en preuve fait état d’une rencontre qui s’est déroulée à 10 h ce jour‑là et à laquelle étaient présents le fonctionnaire, Mme Cuvalo et elle‑même. Les parties pertinentes de ce document sont les suivantes :

[Traduction]

 

Commentaires de Kristen :

– cette semaine, les agents présents aux entrevues de Neil ont mentionné que Neil continue de s’éparpiller lors des entrevues; ses questions ne suivent pas d’ordre logique;

– les questions d’entrevue doivent être posées dans un certain ordre; Neil doit suivre cet ordre.

Commentaires de Marija au sujet des prochaines étapes :

– ne pas mener d’entrevues pour le moment; pour comprendre le processus, Neil va passer en revue des dossiers clos (non actifs) et relever les points pertinents pour mieux comprendre le processus;

– Kristen va passer en revue chaque dossier avec Neil pour souligner les renseignements les plus pertinents (p. ex., le rapport A44, l’avis d’arrestation, la mesure de renvoi, l’ERAR), puis Neil va réviser les dossiers lui‑même; nous devons partir de là;

– jusqu’à nouvel ordre, Neil va continuer d’agir comme observateur lors des renvois sous escorte;

– suggestions pour la formation; simulations d’entrevues suivant les scénarios les plus courants, par exemple une entrevue en présence d’un avocat, sans avocat, lorsqu’il y a des problèmes avec les titres de voyage, le cas où le client refuse de signer ou de remplir la demande de titre de voyage, le lancement d’une ERAR, la décision à la suite de l’ERAR, la signification d’une mesure de renvoi, les cas de problème de conformité (c.‑à‑d. que le client ne respecte pas une exigence énoncée dans l’avis de convocation, comme la présentation du certificat de naissance d’un enfant).

[…]

 

[43] Une liste dactylographiée de questions et de déclarations, que Mme Gale a dit avoir dressée à l’intention du fonctionnaire, a été déposée en preuve. Cette liste renferme des exemples de questions et de déclarations susceptibles d’être soulevées par les non-citoyens durant le processus de renvoi. Mme Gale a affirmé avoir produit cette liste pour aider le fonctionnaire et lui en avoir remis une copie après l’avoir passée en revue avec lui. Cette liste se fonde sur l’examen de dossiers clos ou menés à terme.

[44] Mme Gale a expliqué que Mme Cuvalo et elle-même avaient eu l’idée de créer des scénarios pour former le fonctionnaire. Il jouait son propre rôle, et l’une ou l’autre d’entre elles jouait celui du non‑citoyen. Malgré cela, les difficultés persistaient. Mme Gale dit avoir analysé les lacunes avec le fonctionnaire. Elle a cerné ses difficultés et lui a donné de la rétroaction après chacune des quelque 17 simulations. Une note de service rédigée par Mme Gale à propos du scénario du 18 août 2008 a été déposée en preuve. Dans ce scénario, le fonctionnaire a commis plusieurs erreurs de base, dont les suivantes :

En ce qui a trait à la fiche d’information sur le client :

· il a inscrit le mauvais nom;

· il n’a pas précisé l’adresse civique ou le code postal dans le champ d’adresse;

· il a omis le nom du conjoint ou de la conjointe et n’a posé aucune question sur la nature de la relation entre le client et le conjoint ou la conjointe;

· il n’a mentionné aucun permis de conduire même si le client en possède un;

· il a écrit trois fois le numéro de téléphone;

En ce qui concerne l’entrevue :

· il ne s’est pas préparé à l’entrevue;

· il a inventé des raisons pour expliquer la tenue de l’entrevue;

· il a demandé à deux reprises au client lui remettre son passeport;

· il n’a pas précisé la date du renvoi.

 

[45] Un document dactylographié de 12 pages décrivant la formation reçue par le fonctionnaire a été déposé en preuve. Ces renseignements colligés par Mmes Gale et Cuvalo couvrent la période allant du 2 juin au 18 septembre 2008. Y sont en plus énumérées les formations que le fonctionnaire avait suivies depuis 2005. La dernière page contient un court résumé rédigé par Mme Gale :

[Traduction]

 

Résumé :

Après analyse du rendement durant la période d’encadrement, soit du 2 juin 2008 jusqu’à ce jour (le 18 septembre 2008), les lacunes suivantes ont été relevées :

1) Neil s’est montré est incapable de suivre des instructions;

2) Neil ne possède pas les compétences voulues pour mener des entrevues;

3) Neil ne peut suivre des processus de travail; il semble connaître la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, mais il est incapable d’appliquer les processus de travail et d’analyser ce qui doit être fait, et quand;

4) Neil n’apprend pas les processus de travail au même rythme que ses collègues;

5) Neil a du mal à gérer son temps;

¡ ne se souvient pas des rendez‑vous);

6) Neil ne semble pas en mesure de faire preuve d’un bon jugement.

 

[46] Mme Gale a déclaré avoir remis le résumé au fonctionnaire. Lors de son témoignage, elle a également souligné que de nombreuses lacunes différentes ne semblaient pas se manifester de la même manière ni à des moments semblables. Il y avait différents types de problèmes dans différents scénarios.

[47] Selon les éléments de preuve, le plan établi comprenait des rencontres et des discussions régulières avec le fonctionnaire. Des copies des notes prises durant ces rencontres entre le fonctionnaire, ses superviseures et Mme Cuvalo ont été déposées en preuve. Les rencontres se sont déroulées le 19 septembre, les 6 et 20 octobre et le 7 novembre 2008 ainsi que le 23 janvier 2009. En outre, Mme Cuvalo a rédigé une note de service résumant toutes les mesures de suivi et les rencontres qui ont eu lieu concernant le fonctionnaire entre août 2008 et mai 2009.

[48] Le 19 septembre 2008, le fonctionnaire et sa représentante syndicale ont rencontré Mmes Gale et Cuvalo pour parler du rendement du fonctionnaire. Mme Cuvalo a pris des notes dactylographiées durant la rencontre, et elle‑même ainsi que Mme Cuvalo ont témoigné au sujet de la rencontre. Voici des extraits pertinents des notes :

[Traduction]

 

[…]

Commentaires de Marija :

– plusieurs lacunes importantes concernant le rendement doivent être corrigées avant que l’ensemble des tâches puissent être confiées au fonctionnaire s’estimant lésé, par exemple le rôle d’escorte, le rôle d’employé de quart ou en service;

– il faut continuer de travailler avec vous.

Commentaires de Neil :

– Maria Chianello (superviseure) m’a dit de me concentrer; je suis un perfectionniste, mes notes se situaient entre 94 et 100 % à l’école; je pense que je suis capable de faire ce qu’on attend de moi; je suis exigeant envers moi‑même;

– pour ce qui est des entrevues, je vais aller trouver l’information; Maria m’a dit d’être concentré sur ce qui se fait;

– lorsque j’effectue une ERAR, je suis capable d’obtenir les renseignements de base, mais pas nécessairement dans le bon ordre.

Commentaires de Marija :

– nous avons fait 14 simulations, et les habiletés nécessaires sont les mêmes; vous devez montrer que vous possédez cette compétence, et je ne suis pas convaincue que vous soyez en mesure de mener une entrevue seul.

Commentaires de Neil :

– je veux siéger à un comité d’évaluation; je l’ai fait en tant que CR‑03; je voudrais faire du français et de la gestion des ressources humaines.

Commentaires de Marija :

– vous êtes un AELBI; avant d’exercer d’autres fonctions, vous devez maîtriser les qualités nécessaires pour votre travail d’AELBI;

– vous travaillez chez nous depuis juin 2008, et nous sommes en septembre 2008; je comprends que vous avez d’autres intérêts, mais vous êtes un AELBI de niveau FB‑03 et vous ne semblez pas posséder les compétences nécessaires pour occuper ce poste.

Commentaires de Neil :

– je pourrais être muté à une autre unité?

Commentaires de Marija :

– les compétences nécessaires sont les mêmes : un FB‑03 est un FB‑03, peu importe l’unité dans laquelle il travaille.

Prochaines étapes :

– continuer les simulations avant de mener une entrevue réelle avec supervision;

– ces lacunes doivent être corrigées, ou nous devrons vous trouver un autre poste, peut-être même de niveau inférieur;

– entre‑temps, aucun rôle d’escorte ou d’employé de quart ou en service, ni aucun projet jusqu’à ce que vous maîtrisiez les compétences nécessaires pour votre poste.

Commentaires de la [représentante syndicale] :

– offrir à Neil de reprendre la formation sur les renvois;

– suggérer à Neil de trouver quelle est la meilleure stratégie d’apprentissage pour lui-même;

– y a‑t‑il d’autres agents qui sont formés de cette manière?

Commentaires de Marija :

– non, aucun autre agent n’est formé de la sorte; la méthode de formation habituelle ne fonctionne pas pour Neil et, avec sa collaboration, nous essayons d’offrir des possibilités de formation qui lui permettront d’acquérir les compétences liées au poste.

[…]

Commentaires de la [représentante syndicale] :

– d’autres agents n’ont pas eu besoin de se soumettre à ce processus; il y a des conséquences financières pour le fonctionnaire s’estimant lésé, parce qu’il ne peut pas agir comme escorte, ni assurer de quart, ni participer à des projets.

Commentaires de Marija :

– le fonctionnaire s’estimant lésé ne montre pas qu’il possède les compétences nécessaires dans un environnement contrôlé au CELGT; les autres fonctions d’AELBI sont exercées dans un environnement non contrôlé; il est impossible de confier ces fonctions à Neil à moins d’avoir la certitude qu’il possède les compétences requises dans l’unité.

[…]

 

[49] Parmi les éléments de preuve figure un résumé dactylographié de quatre autres simulations qui ont eu lieu les 23 et 24 septembre 2008 avec le fonctionnaire, Mmes Gale et Cuvalo et M. O’Sullivan. Selon le témoignage de Mme Gale, le fonctionnaire en a reçu une copie. Mmes Gale et Cuvalo ont expliqué que le jeu de rôles avait pour but d’amener le fonctionnaire à travailler à un certain rythme et à acquérir les compétences nécessaires. Les résultats décrits dans le résumé mettent au jour des difficultés semblables à celles déjà été soulevées dans les évaluations et discussions antérieures avec le fonctionnaire, notamment :

· il est arrivé en retard;

· il n’a pas parlé d’un titre de voyage manquant (passeport);

· il n’a pas passé en revue l’ensemble du dossier;

· il n’a pas posé de questions sur la situation des conjoints;

· il a inscrit la mauvaise information sur la fiche du client;

· il a omis d’obtenir des renseignements essentiels, notamment le lieu de travail et les numéros de téléphone;

· il s’est préparé pour la mauvaise entrevue;

· il a utilisé un formulaire périmé […].

 

[50] Mme Gale a souligné que lors des rencontres qu’elle a eues avec Mme Cuvalo et le fonctionnaire, ce dernier s’est vu proposer des façons de surmonter ses difficultés. Elle a confirmé que les objectifs de travail avaient été clairement expliqués au fonctionnaire, et qu’elle lui avait parlé de son rendement à maintes reprises. Elle a cessé de superviser le fonctionnaire à la fin de septembre 2008, parce qu’elle avait alors 15 agents sous sa direction et que la formation du fonctionnaire prenait trop de son temps.

[51] Le 8 octobre 2008, Mme Cuvalo a écrit au fonctionnaire au sujet de ses problèmes de rendement et d’apprentissage. La partie pertinente de cette lettre va comme suit :

[Traduction]

 

Comme il en a été convenu à la réunion du 19 septembre 2008 à laquelle vous et votre représentante syndicale [nom caviardé] avez assisté, je vous transmets la présente lettre pour récapituler ce qui s’est dit lors de la réunion et pour vous faire part des prochaines étapes.

Vous avez été muté de l’unité d’examen des cas de renvoi à celle des personnes libérées pour renvoi dans le cadre du Projet des demandeurs d’asile déboutés (PDAD), le 2 juin 2008. Durant le mois de juin et la première partie de juillet, vous avez suivi une formation en observant des agents d’expérience et en travaillant avec eux. Il s’agit de la procédure normale pour tous les nouveaux agents de l’unité. Le 14 juillet 2008, les superviseures vous ont rencontré pour discuter de vos progrès et des points préoccupants. Les notes prises durant cette rencontre vous ont été remises le 19 septembre 2008 et ont été analysées avec vous.

En raison de préoccupations liées à votre rendement qui ont alors été relevées, un programme plus structuré de formation et de suivi du rendement a été planifié, puis a commencé le 1er août 2008. Entre cette date et le 5 septembre 2008, votre formation a comporté […]

Parmi les compétences essentielles exigées d’un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs figurent la capacité d’exercer un bon jugement, de gérer son temps, de suivre les processus de travail, d’analyser les dossiers des clients et de déterminer quelles étapes doivent être entreprises conformément à la loi et au processus de renvoi, de mener des entrevues afin d’obtenir des renseignements et de les évaluer puis de recommander les mesures appropriées, de prendre des décisions (arrêter la personne et la placer en détention, procéder à son renvoi) et de suivre les directives que vous donne l’employeur.

Au vu de votre rendement durant cette période d’encadrement et comme il est noté dans l’évaluation et le résumé ci‑joints, je ne suis pas convaincue que vous possédez ces compétences à ce stade-ci et, par conséquent, je ne peux vous confier la totalité des fonctions liées à votre poste. Ainsi, à l’heure actuelle, vous n’effectuez pas d’entrevues et vous n’êtes pas responsable de cas, vous n’agissez pas comme escorte, vous ne participez pas aux projets sur le terrain et vous ne jouez pas le rôle d’employé de quart ou d’employé en service.

Nous continuerons de travailler avec vous et de vous offrir la formation dont vous avez besoin pour vous améliorer et acquérir les compétences requises; les prochaines étapes sont […]

[…]

À cette fin, nous allons vous rencontrer chaque semaine ou au besoin, afin de vous donner de la rétroaction et d’établir les prochaines étapes. Je reconnais que vous faites de votre mieux et que vous êtes déterminé à apprendre le nécessaire. Toutefois, je me dois de vous informer que si ces lacunes ne sont pas corrigées dans un avenir prévisible, nous devrons envisager de vous muter dans un autre poste FB‑03 exigeant des compétences différentes ou dans un poste de niveau inférieur.

[…]

 

[52] Lorsqu’elle a témoigné devant moi, Mme Cuvalo a expliqué qu’au moment où elle a rédigé la lettre datée du 6 octobre 2008, le fonctionnaire exerçait environ 15 % des fonctions d’un AELBI, et qu’il s’agissait de tâches très spécifiques assorties d’un risque faible. Quand on lui a demandé pourquoi, à son avis, le fonctionnaire exerçait seulement 15 % de ses fonctions, Mme Cuvalo a répondu que c’était parce qu’il ne démontrait pas qu’il possédait les compétences liées au poste.

[53] Mme Garcia a témoigné qu’en 2008 et jusqu’en 2009, son poste d’attache était le même que celui du fonctionnaire, mais qu’elle occupait un poste de supervision par intérim en sa qualité d’encadreur et de mentor auprès de lui. Elle a déclaré qu’elle était responsable de ce qu’on appelait la formation de nature policière. Dans le cadre de cette formation, les AELBI apprennent comment utiliser de petits [traduction] « carnets » comme outils de travail. Ceux-ci servent à consigner les points importants concernant le travail, et ils sont souvent utilisés lors des audiences devant les tribunaux ou dans le cadre d’instances administratives. Ils peuvent faire l’objet d’une assignation ou d’une ordonnance de communication. Les AELBI reçoivent une formation pour savoir comment remplir et utiliser leurs carnets.

[54] Elle a expliqué que, dans le cadre de ses fonctions, elle procédait à des vérifications aléatoires des carnets des AELBI. Elle a décrit les problèmes relevés dans le carnet du fonctionnaire, le plus notable étant le fait qu’il y ait inscrit sa liste d’épicerie.

[55] Mme Garcia a donné d’autres exemples d’erreurs commises par le fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions d’AELBI. Celles-ci s’apparentaient aux erreurs déjà décrites par Mmes Gale et Cuvalo.

[56] En janvier 2009, M. O’Sullivan a commencé à superviser le fonctionnaire. Il a mentionné ne se souvenir de rien de particulier des premiers temps de son travail de supervision, mais qu’il avait commencé à prendre des notes en mai ou en juin 2009, lorsqu’on lui a demandé d’analyser le travail accompli, d’agir comme mentor et de fournir de la formation jusqu’en août 2009. Son analyse lui a permis de constater qu’en règle générale, le travail du fonctionnaire était incomplet et comportait des erreurs. Il a dit avoir rencontré le fonctionnaire à plusieurs reprises, avoir révisé son travail avec lui et lui avoir donné de la rétroaction.

[57] M. O’Sullivan a affirmé avoir dû corriger le travail du fonctionnaire. De mémoire, il a consacré un temps disproportionné à l’encadrement et au mentorat du fonctionnaire, comparativement au temps consacré à tous les autres agents dont il assurait la supervision. Durant la période dont il se souvenait, à l’époque où il était le superviseur du fonctionnaire, ce dernier n’exerçait pas l’ensemble des fonctions d’un AELBI. Il ne parvenait pas non plus à accomplir comme il se doit les tâches qui lui étaient confiées. M. O’Sullivan a reconnu les notes qu’il avait prises au sujet de son travail de supervision et de mentorat auprès du fonctionnaire.

[58] Selon le témoignage et les notes de M. O’Sullivan, le fonctionnaire a réalisé en moyenne 1,75 entrevue par jour au cours d’une période comptant 29 dates d’entrevue, ce qui est inférieur à ce qui était attendu quotidiennement. M. O’Sullivan a mentionné qu’il rencontrait le fonctionnaire régulièrement pour analyser son travail, chose qu’il ne faisait pas avec les autres AELBI. Un des documents rédigés par M. O’Sullivan, qui a été déposé en preuve, s’intitulait simplement [traduction] « Résumé ». On peut y lire ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Globalement, je dirais que Neil possède les compétences de base pour son travail dans l’unité des renvois, mais qu’il doit en améliorer plusieurs aspects.

Neil gère le déroulement et la durée de ses entrevues relativement bien. Sa charge de travail actuelle est raisonnablement bien gérée. D’après les cas que j’ai observés, la plupart du temps, il parvient à garder le SNGC et ses notes de cas à jour.

Neil semble éprouver des difficultés avec certaines étapes procédurales, plus particulièrement pour ce qui est d’indiquer l’étape où en sont les cas dans le SNGC, de manière à en refléter l’état d’avancement exact. Il semble ne pas maîtriser l’utilisation du SNGC comme outil de suivi des activités relatives aux cas, des obstacles et des titres de voyage. Lors des conversations et examens approfondis que j’ai menés avec Neil au sujet des cas, j’ai constaté que celui‑ci ne semble toujours pas saisir la portée complète du processus de renvoi, plus particulièrement les dispositions de la Loi et du Règlement qui régissent notre travail.

Plus précisément, Neil ne semble pas comprendre la teneur de la politique d’intérêt public établie en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR pour faciliter le traitement selon les règles de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, et la façon de déterminer l’admissibilité d’un client.

Neil doit aussi améliorer le suivi qu’il fait des cas en instance. Certains cas lui ont été confiés à la fin de 2008, sans qu’il ait fait quoi que ce soit dans ces dossiers depuis.

J’estime que Neil a besoin d’une supervision régulière et d’un suivi étroit pour que nous puissions nous assurer que tout va bien de son côté.

Je ne mets pas en doute les efforts de Neil : il arrive au travail tôt et reste concentré sur ses tâches toute la journée.

[…]

 

[59] Au début de 2009, le fonctionnaire recevait du mentorat de la part de M. Lewis qui, à cette époque, travaillait comme enquêteur sur le terrain, ce qui supposait souvent des interactions et un travail de collaboration avec les services de police locaux. M. Lewis a témoigné des problèmes qu’il a relevés concernant le travail du fonctionnaire. Il a décrit un incident particulier qui s’est produit quand le fonctionnaire et lui se sont rendus à un poste de police de Toronto. Cela concernait la ceinture porte‑outils du fonctionnaire, à laquelle étaient accrochés ses menottes, sa matraque et son aérosol de OC (gaz poivré). Selon M. Lewis, pour être autorisé à porter cette ceinture et ces outils défensifs, l’AELBI doit avoir suivi une formation et réussi un test. Comme le fonctionnaire portait la ceinture et les outils, qui semblaient faire partie de son uniforme, M. Lewis a cru qu’il avait suivi la formation et avait réussi l’examen. Or sa ceinture n’était pas assez serrée. Selon M. Lewis, c’était comme si une personne ayant une taille de 30 pouces portait une ceinture de 38 pouces mal attachée, de sorte que ni la ceinture ni les outils ne tenaient bien en place. M. Lewis s’en est inquiété pour deux raisons : tout d’abord, il aurait été difficile pour le fonctionnaire de saisir un de ses outils défensifs en cas de besoin, à cause de la façon dont il portait la ceinture; deuxièmement, il aurait été facile pour un assaillant de s’emparer d’un des outils accrochés à la ceinture.

[60] M. Lewis a dit avoir parlé au fonctionnaire au sujet de sa ceinture ce jour-là. Il a pris sa ceinture, l’a ajustée à sa taille, et la lui a remise. Le fonctionnaire aurait répondu que les policiers n’aimaient manifestement pas les vêtements non ajustés. M. Lewis a aussi déclaré qu’à cette occasion, au poste de police, le fonctionnaire était l’AELBI devant procéder à l’arrestation d’un non‑citoyen. Selon M. Lewis, le fonctionnaire et lui s’étaient entendus sur la marche à suivre avant d’entrer dans le poste de police : une fois que le policier aurait fini de parler avec le non‑citoyen, le fonctionnaire était censé s’avancer, arrêter la personne, la soumettre à une fouille sommaire, la maîtriser physiquement et lui passer les menottes.

[61] M. Lewis a raconté que le policier était en train de parler avec le non‑citoyen et de l’informer que l’ASFC le placerait en détention. Ensuite, alors qu’il était manifeste que le policier avait fini de parler et qu’il leur remettait le non‑citoyen, rien ne s’est produit. La personne est restée là, simplement, à attendre. Selon M. Lewis, le fonctionnaire ne devait certainement pas être attentif, parce qu’il a alors demandé au policier s’il avait terminé. Lorsque le policier a acquiescé à sa question, le fonctionnaire a annoncé au non‑citoyen qu’il était en état d’arrestation. Il l’a ensuite informé qu’il procéderait à une fouille sommaire, ce qui n’est pas conforme à la procédure, aux dires de M. Lewis. Le fonctionnaire a ensuite menotté le non‑citoyen, les mains devant. M. Lewis a dit avoir dû demander au fonctionnaire de plutôt passer les menottes à la personne avec les mains dans le dos, ce que le fonctionnaire a fait, mais en plaçant les menottes à l’envers. M. Lewis a expliqué qu’il est déconseillé d’inverser la position des menottes, parce qu’il devient alors difficile de les fermer à clé, ce qui met ensuite l’agent dans une position de vulnérabilité et l’expose à un risque. De l’avis de M. Lewis, le fonctionnaire a posé des gestes inadéquats, dangereux et non conformes à la formation donnée aux AELBI.

[62] Lorsque le fonctionnaire a été invité à parler de cet incident, il a répondu qu’il était extrêmement stressé à ce moment-là et qu’il n’avait pas compris que le policier avait terminé. D’après lui, il s’agissait d’une situation inconfortable. Il a répété plusieurs fois à quel point la situation était stressante pour lui et qu’il aurait été mieux en mesure d’apprendre si M. Lewis avait procédé à l’arrestation pendant que lui l’observait tout simplement.

[63] M. Lewis a déclaré en avoir discuté avec le fonctionnaire par la suite, car l’incident s’était déroulé en présence des policiers, ce qui avait été embarrassant. Lorsqu’on lui a demandé s’il se souvenait d’autres incidents mettant en cause le fonctionnaire, M. Lewis a décrit une discussion qui avait eu lieu pendant qu’un non‑citoyen était détenu dans un véhicule. Juste avant de sortir la personne pour commencer les formalités administratives, M. Lewis avait demandé au fonctionnaire quelle était l’étape suivante, et celui-ci lui avait répondu qu’ils procéderaient à une ERAR. M. Lewis a dit avoir précisé que l’ERAR arrivait à la fin du processus, ce à quoi le fonctionnaire avait répondu que [traduction] « tout le monde passe par l’ERAR ». Selon le témoignage de M. Lewis, le fonctionnaire a omis toutes les étapes antérieures à l’ERAR. Il a expliqué avoir alors guidé le fonctionnaire tout au long du processus et lui avoir rappelé la formation qu’il avait suivie. Le fonctionnaire ne l’aurait pas accompagné sur le terrain s’il n’avait pas été formé, à son avis. Il a aussi dit avoir constaté que le fonctionnaire ne menait pas ses interventions dans le bon ordre.

[64] D’après M. Lewis, il existe des listes de vérification et un guide de formation qui décrivent les étapes du processus, le moment où ces étapes doivent être suivies et dans quel ordre, les situations qui nécessitent la prise d’autres mesures et la nature de ces mesures. Tous les AELBI reçoivent les guides de formation et les documents appropriés. Le guide de formation relatif à l’exécution de la loi dans le cadre d’enquêtes et d’arrestations a été déposé en preuve, tout comme les guides de formation concernant d’autres aspects du travail des AELBI, dont les formulaires et les documents utiles.

[65] En contre-interrogatoire, on a seulement demandé à M. Lewis s’il était au courant des problèmes médicaux du fonctionnaire, ce à quoi M. Lewis a répondu par la négative.

[66] M. O’Sullivan a également déclaré avoir examiné le carnet du fonctionnaire et constaté que certaines parties ne respectaient pas les politiques ou les guides d’exécution de la loi. Il a dit avoir passé le carnet en revue avec le fonctionnaire pour lui signaler les endroits où les procédures n’avaient pas été suivies. Une copie du carnet du fonctionnaire pour la période allant du 22 juillet 2008 au 11 juin 2009 a été déposée en preuve, et M. O’Sullivan a apporté à l’audience divers exemples d’inscriptions non conformes aux procédures.

[67] Plusieurs courriels échangés en juin et en juillet 2009 entre le fonctionnaire et M. O’Sullivan, et parfois Mmes Cuvalo ou Alexander‑Nash et, à l’occasion, des représentants syndicaux, ont été déposés en preuve. Ces courriels ont été présentés à M. O’Sullivan, qui a été invité à décrire leur contenu portant essentiellement sur le travail du fonctionnaire pendant cette période.

[68] Le 22 juin 2009, le fonctionnaire a rencontré Mme Cuvalo, sa représentante syndicale et Mme Alexander‑Nash, qui était à l’époque chef des opérations de l’UPLR, en présence de Carmen Manlongat (alors chef des opérations‑enquêtes). Mme Cuvalo a témoigné que l’évaluation du travail du fonctionnaire montrait que ce dernier ne pouvait fonctionner sans supervision constante et qu’il ne pouvait donc pas être affecté au quart régulier. Les notes prises au cours de la rencontre indiquent que le fonctionnaire a mentionné ses réussites scolaires. Durant son témoignage, Mme Cuvalo a convenu que les résultats scolaires du fonctionnaire étaient un bon point pour lui, mais que les gestionnaires se questionnaient sur sa capacité d’exercer les fonctions d’un AELBI, travail qu’il devait être en mesure d’accomplir, et ce pour quoi il était rémunéré.

[69] Une copie de l’évaluation du rendement du fonctionnaire à l’UPLR, datée du 23 juin 2009 et visant la période allant du 26 janvier au 12 juin 2009, a été déposée en preuve. Cette évaluation a été préparée par ses superviseures de l’époque. D’après le document, soit le fonctionnaire ne répondait pas aux attentes, soit il avait encore des difficultés et devait s’améliorer dans tous les aspects de ses fonctions. Le 23 juin 2009, le fonctionnaire et sa représentante syndicale ont encore rencontré Mmes Cuvalo, Alexander‑Nash et Manlongat pour discuter de la qualité du travail du fonctionnaire et des prochaines étapes en matière de formation et de rendement.

C. Mise au jour d’une incapacité possible et processus d’évaluation de Santé Canada

[70] Une autre rencontre s’est déroulée le 8 juillet 2009 (la « rencontre du 8 juillet ») entre le fonctionnaire, sa représentante syndicale et Mmes Cuvalo et Alexander‑Nash. Selon le témoignage de Mme Cuvalo, la discussion a alors porté essentiellement sur le fait que le fonctionnaire n’arrivait toujours pas à démontrer qu’il possédait les compétences requises pour occuper le poste d’AELBI. À ce moment-là, le fonctionnaire exerçait encore environ seulement 15 % des fonctions d’un AELBI. C’est au cours de cette rencontre que la représentante syndicale du fonctionnaire, Janina Lebon, a parlé de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Appelée à s’expliquer, elle a parlé d’un trouble d’apprentissage qui faisait que le fonctionnaire apprenait différemment des autres. Mme Cuvalo a affirmé que l’employeur n’avait alors reçu aucun document à ce sujet et que le fonctionnaire n’approuvait pas le fait que Mme Lebon soulève cette possibilité.

[71] Selon Mme Cuvalo, après la rencontre du 8 juillet, l’employeur a enclenché un processus d’évaluation de Santé Canada au motif qu’il avait été fait mention de la nécessité de prendre des mesures d’adaptation liées à une incapacité du fonctionnaire. À cet égard, Mme Cuvalo a écrit une lettre au fonctionnaire le 14 août 2009. La partie pertinente de cette lettre va comme suit :

[Traduction]

 

La présente récapitule les points abordés et les prochaines étapes à la suite des rencontres des 22 et 23 juin ainsi que du 8 juillet 2009 auxquelles vous et votre représentante syndicale, Janina Lebon, avez participé.

Je rappelle que vous avez été muté de l’unité d’examen des cas de renvoi à celle des personnes libérées pour renvoi dans le cadre du Projet des demandeurs d’asile déboutés (PDAD), le 2 juin 2008. Dans le cadre de leur emploi au CELGT, les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs changent régulièrement d’unité pour apprendre à exécuter toutes les fonctions du poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. En juin et durant la première moitié de juillet 2009, votre formation a consisté à observer des agents d’expérience et à travailler avec eux. Il s’agit de la procédure normale pour tous les nouveaux agents de l’unité. En raison de préoccupations liées au rendement au cours de cette période, un programme plus structuré de formation et de suivi du rendement a été conçu expressément pour vous, avec votre collaboration. Cette formation intensive a débuté le 1er août 2008.

On vous a remis un résumé de toutes les rencontres et mesures de formation et de suivi qui ont eu lieu entre le 2 juin 2008 et le 8 mai 2009. Je le joins encore une fois ici à titre d’information. En résumé, la formation que vous avez reçue depuis votre arrivée au PDAD a comporté […].

À ce stade‑ci, comme nous en avons discuté avec vous, il subsiste des lacunes importantes en dépit de l’encadrement, des directives, de la formation structurée et des mesures de suivi du rendement qui vous ont été fournis. Ces lacunes ressortent de l’évaluation et du résumé fournis par l’équipe des enquêtes et des renvois, qui vous ont été remis. Ceux-ci sont également joints à la présente, à titre d’information.

Les exigences du poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs sont la capacité d’exercer un bon jugement; de gérer son temps efficacement; de suivre les processus et les procédures de travail; d’analyser les dossiers des clients et de déterminer les mesures à prendre conformément à la loi et au processus de renvoi; de mener des entrevues afin d’obtenir et d’évaluer des renseignements, puis de recommander les mesures appropriées; de prendre des décisions (arrêter et détenir la personne ou procéder à son renvoi); de suivre les directives données par l’employeur dans tous les aspects du travail.

À la lumière de votre rendement, comme il est indiqué dans le résumé d’évaluation ci‑joint, vous n’avez pas fait la démonstration que vous répondez aux exigences du poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Je reconnais que vous faites de votre mieux et que vous vous efforcez d’apprendre à accomplir les tâches liées à votre poste, mais vous n’avez pas montré que vous pouviez exercer les fonctions au niveau requis. À la rencontre du 8 juillet 2009, votre représentante syndicale a laissé entendre que vous aviez peut‑être un trouble d’apprentissage. Il a été mentionné lors de la réunion que vous appreniez différemment des autres. Pour cette raison, nous allons demander à Santé Canada de procéder à une évaluation afin de déterminer votre capacité d’apprendre à mettre en application ce que vous avez appris et de faire le travail d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. D’ici à ce que l’évaluation de Santé Canada soit conclue, vous serez affecté à d’autres tâches, notamment l’évaluation des dossiers de l’unité d’examen des cas de renvoi.

En fonction de votre rendement au poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs et des conclusions que tirera Santé Canada, il se pourrait que vous soyez affecté à un autre poste qui convient mieux à vos compétences. Ce poste pourrait être de niveau inférieur. Entre‑temps, nous vous encourageons à chercher activement d’autres postes qui pourraient correspondre davantage à vos habiletés.

[…]

 

[72] Comme l’indique la lettre, le fonctionnaire a été muté de son poste à l’unité d’examen des cas de renvoi en attendant l’issue de l’évaluation de Santé Canada. Toutefois, il est demeuré AELBI et a continué de recevoir le salaire et les avantages sociaux d’un employé au groupe et au niveau FB‑03. Sa superviseure dans cette unité était Angela Beard, qui relevait de Mme Alexander‑Nash.

[73] Le Dr Joel Glass a été identifié à titre de docteur en médecine agissant comme médecin agréé du PSTSP de Santé Canada entre novembre 2009 et janvier 2011. Il n’a pas témoigné. On ne m’a présenté aucun élément de preuve établissant ses titres de compétences, ses éventuels champs de spécialité ou ses attributions précises au sein du PSTSP. À la lumière des documents déposés en preuve, il semble qu’un médecin agréé du PSTSP, à Santé Canada, joue un rôle administratif et confie les évaluations de l’aptitude au travail (EAT) à des professionnels de la santé qui ne sont pas des salariés de Santé Canada.

[74] La copie d’une lettre datée du 27 novembre 2009 que Mme Ptasznik a adressée au Dr Glass, de Santé Canada, pour demander une évaluation, a été déposée en preuve. La partie pertinente de la lettre est reproduite ci-dessous :

[Traduction]

 

[…]

Depuis un an et demi, l’employeur travaille étroitement avec M. Shreedhar pour lui offrir de la formation et de l’encadrement qui lui permettront d’exercer l’ensemble des fonctions du poste d’AELBI. Cependant, malgré la formation et le perfectionnement continus, M. Shreedhar n’a pas réussi à assimiler ou à appliquer les directives et les conseils qui lui ont été donnés. Lorsque nous en avons discuté avec M. Shreedhar, il a été suggéré que Santé Canada fasse une évaluation pour déterminer s’il présente un trouble d’apprentissage susceptible de l’empêcher d’acquérir ou d’appliquer les connaissances et les compétences nécessaires pour exercer toutes ses fonctions. S’il est déterminé que M. Shreedhar présente un tel trouble, l’employeur souhaite que Santé Canada lui précise la nature du travail que M. Shreedhar pourrait raisonnablement exercer.

[…]

Je souligne que M. Shreedhar veut apprendre et qu’il travaille fort pour essayer de maîtriser les aspects essentiels de son poste. D’après ce que les gestionnaires ont constaté, s’agissant des problèmes de rendement, il semble que M. Shreedhar arrive à apprendre les lois, les politiques et les procédures applicables, mais qu’il a de la difficulté à évaluer et à utiliser les renseignements nécessaires pour recommander les mesures qui s’imposent. Il semble incapable de mettre en œuvre et de séquencer comme il se doit les politiques et les procédures.

[…]

À ce moment‑ci, et en prévision de l’évaluation médicale, M. Shreedhar n’exerce plus l’ensemble de ses fonctions et il est limité au traitement de dossiers simples dans l’unité d’examen des cas de renvoi. Cette situation ne peut durer indéfiniment, mais l’employeur a décidé de permettre cette charge de travail limitée jusqu’à ce que l’on sache si un problème médical empêche M. Shreedhar d’exécuter certaines tâches. Advenant qu’un tel problème existe, l’employeur aurait besoin de précisions quant à la nature des fonctions qui peuvent être confiées à M. Shreedhar et quant au mode de formation le mieux adapté.

[…]

 

[75] Après avoir reçu la demande d’évaluation, le Dr Glass a écrit à Mme Ptasznik, le 20 janvier 2010, pour lui demander des précisions. La partie pertinente de la lettre est reproduite ci-dessous :

[Traduction]

 

J’ai passé en revue l’information que vous m’avez communiquée, et j’aurais besoin de précisions. Les points qui, selon vous, doivent être pris en considération sont l’évaluation des compétences et des qualités, les difficultés liées à la formation et aux capacités d’apprentissage, et le manque de jugement dont pourrait faire preuve M. Shreedhar selon vous. Comme vous le savez, l’évaluation de l’aptitude au travail a généralement lieu lorsque les problèmes médicaux de l’employé doivent faire l’objet d’une évaluation ou être pris en compte. Vous vous demandez si M. Shreedhar présente un trouble d’apprentissage. Pourriez‑vous m’en dire plus sur la raison pour laquelle vous soupçonnez l’existence de problèmes médicaux, outre les problèmes de rendement que vous avez mentionnés? Est‑ce que M. Shreedhar a informé son employeur qu’il avait des problèmes médicaux l’empêchant de bien faire son travail? A‑t‑il informé son employeur qu’il avait reçu un diagnostic de troubles d’apprentissage? A‑t‑il été embauché après avoir lui‑même déclaré qu’il avait une incapacité? A‑t‑il fourni un billet ou une attestation d’un médecin demandant la prise en compte de considérations spéciales?

Il serait extrêmement utile aussi que son supérieur hiérarchique direct puisse décrire les difficultés précises liées à chaque aspect de la description de travail de M. Shreedhar au poste FB‑03, à titre d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs.

[…]

 

[76] Le 25 février 2010, Mme Ptasznik a répondu à la lettre du Dr Glass. La partie pertinente de cette lettre est reproduite ci-dessous :

[Traduction]

 

[…]

L’employeur n’est pas au courant de l’existence d’un problème médical et n’a pas été informé d’un tel problème non plus, mais la représentante syndicale de M. Shreedhar a dit être d’avis qu’un trouble d’apprentissage, pour le moment non diagnostiqué, pourrait expliquer l’incapacité de l’employé de fournir le rendement que l’employeur attend de lui au travail.

À cet égard, l’employé n’a jamais mentionné de problèmes médicaux qui pourraient être liés à son incapacité d’exercer l’ensemble des fonctions de son poste et, par conséquent, n’a pas déclaré lui‑même avoir une incapacité, et il n’a pas fourni de billet ou d’attestation d’un médecin à ce sujet. En revanche, l’employé a mentionné à l’employeur ses résultats scolaires et les diplômes obtenus.

[…]

 

[77] Le 15 avril 2010, le Dr Glass a répondu par lettre à Mme Ptasznik. La partie pertinente de cette lettre est reproduite ci-dessous :

[Traduction]

 

[…]

Votre lettre, que nous avons reçue à nos bureaux le 26 février, a été portée à mon attention aujourd’hui seulement. Veuillez m’excuser du retard. J’ai lu vos explications et je dois admettre que j’ai du mal à comprendre la nature de votre demande d’évaluation. J’en déduis ce qui suit :

1. L’employeur n’a pas constaté de problème médical qui pourrait nuire au rendement de l’employé et n’a pas été informé d’un tel problème.

2. La représentante syndicale de l’employé pense que ce dernier a peut-être un problème d’apprentissage.

3. L’employé n’a jamais signalé de problèmes médicaux qui pourraient expliquer son incapacité d’accomplir ses tâches.

Il semble qu’il existe des problèmes de rendement qui restent inexpliqués, et la représentante syndicale croit qu’il peut s’agir d’un problème médical. Comme vous le savez, le PSTSP n’accepte pas les demandes d’évaluation reposant sur des problèmes strictement liés à la qualité du travail; ceux-ci doivent être de nature médicale.

Afin d’accepter ce dossier, j’aurais besoin de plus amples informations :

1. Veuillez demander à la représentante syndicale si, avec le consentement de l’employé, elle peut fournir une lettre adressée à mon service pour étayer la nature exacte de ses préoccupations. Des exemples détaillés et précis devront être fournis.

2. L’employé devra rédiger une lettre semblable à mon intention, et y expliquer la nature de ses problèmes et ses antécédents médicaux. Vous avez précisé que M. Shreedhar a été en mesure de mener à bien ses études. Il est très improbable qu’il ait pu réussir à l’école malgré un trouble d’apprentissage, et qu’il n’arrive pas à faire son travail.

Quand je recevrai ce complément d’information, je prendrai le tout en considération.

[…]

 

[78] Le 31 mai 2010, le fonctionnaire, Mme Lebon et Mmes Cuvalo et Alexander‑Nash se sont rencontrés pour parler de la lettre du Dr Glass datée du 15 avril 2010. Au cours de la rencontre, Mme Cuvalo a pris des notes qui ont été déposées en preuve et qui, selon ce qu’elle a confirmé durant son témoignage, décrivent fidèlement les discussions tenues à ce moment‑là. La partie pertinente des notes est reproduite ci‑dessous :

[Traduction]

 

[…]

Il s’agit de la deuxième lettre de suivi que le PSTSP envoie pour demander des renseignements supplémentaires de la part de l’employé et de la représentante syndicale.

Neil n’a jamais fourni de documents remis par un médecin au sujet d’un trouble d’apprentissage et il n’a jamais lui‑même affirmé avoir un tel trouble. Il faut donner suite le plus rapidement possible à la demande du PSTSP, de préférence d’ici deux semaines, si tel est raisonnablement possible, car la lettre est datée d’avril et nous voilà déjà en juin. Voilà presque un an que la demande d’évaluation a été envoyée. Si aucun document n’est remis en réponse à cette demande, nous allons traiter le problème de rendement. Nous devons avancer, car Neil ne peut demeurer dans son poste actuel indéfiniment.

Janina et Neil ont dit que leurs observations seraient prêtes au plus tard le 15 juin 2010 […]

[…]

 

[79] Dans une lettre non datée adressée au Dr Glass, Mme Lebon a fait parvenir une lettre également non datée à l’intention du Dr Glass, signée par le fonctionnaire, qui y a joint des exemples des difficultés qu’il éprouvait.

[80] Le 3 novembre 2010, le Dr Glass a confié l’évaluation du fonctionnaire au Dr Edward Glassman. Dans sa lettre explicative au Dr Glassman, le Dr Glass s’est exprimé comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Merci d’avoir accepté de voir M. Shreedhar le 19 novembre 2010, à 9 h 30, pour une évaluation psychologique préalable. La question est de savoir s’il présente des difficultés cognitives ou un trouble psychologique sous‑jacent qui pourraient avoir des répercussions importantes sur sa capacité de travailler dans son poste d’attache à l’Agence des services frontaliers du Canada. D’après ce que je comprends, l’employeur n’a constaté aucun problème médical qui pourrait expliquer la difficulté à respecter les échéanciers établis par l’employeur. Il semble que la représentante syndicale ait dit au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il a probablement un trouble d’apprentissage susceptible d’influer sur son rendement au travail.

Après avoir interrogé l’employé, et d’après ce que j’ai pu comprendre, celui-ci n’affirme pas expressément avoir des difficultés d’ordre médical. Cela dit, il pense peut‑être avoir certains problèmes liés au style d’apprentissage. J’estime qu’une évaluation psychologique préalable pourrait être utile pour déterminer si l’employé présente un trouble d’apprentissage, un problème médical ou encore des difficultés liées au rendement.

Une fois que vous aurez les résultats des tests, j’aimerais que vous vous prononciez sur son aptitude à travailler et que vous me donniez votre opinion quant à la nécessité de prendre des mesures d’adaptation au travail.

[…]

 

[81] Au moment de l’audience, et depuis juin 1990, le Dr Glassman était psychologue agréé, titulaire d’un permis d’exercice en Ontario. En 1978, il a obtenu son B.A. avec majeure en psychologie du Trinity College, à Hartford, au Connecticut. En 1982, il a obtenu une maîtrise en psychologie à l’Université York puis, en 1989, cette même université lui a décerné un doctorat. Il a témoigné qu’il avait commencé sa pratique en 1989, la première année sous supervision, et de manière autonome par la suite. Depuis 1992, dans le cadre de son travail, il offre essentiellement des services indépendants en psychologie, dont la préévaluation cognitive, l’évaluation de la personnalité et la psychothérapie individuelle à des clients adultes qui présentent une gamme de difficultés d’ordre affectif et psychologique. De 2001 à 2015, il s’est consacré principalement à l’évaluation de l’aptitude à travailler et à l’évaluation de lésions psychologiques dans un contexte médico‑légal.

[82] Au moment de l’audience, et depuis septembre 2015, le Dr Glassman enseignait au programme d’études supérieures en psychologie de l’Université York. À ce titre, il devait chaque année superviser un ou deux étudiants au doctorat en évaluation clinique. Selon son curriculum vitæ, le Dr Glassman a été psychologue salarié au programme de santé mentale des adultes à l’hôpital général de North York de mars 1989 à mai 2015. Il était ainsi chargé de la préévaluation cognitive et des évaluations de la personnalité ainsi que des séances de psychothérapie individuelles et en groupe. Entre février 2002 et mars 2006, il a occupé le poste de chef des services de psychologie c’est‑à‑dire qu’il avait un mandat de représentation et de promotion de la psychologie dans l’ensemble de l’hôpital et qu’il veillait à ce que les normes de pratique en psychologie soient respectées. Il mettait également de l’avant la formation continue, la recherche et le contrôle de la qualité. Entre septembre 1997 et mai 2015, il a été superviseur de stages au programme d’études supérieures en psychologie de l’Université York ainsi qu’à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, à l’Université de Toronto.

[83] Le Dr Glassman a rencontré le fonctionnaire le 3 décembre 2010 pendant trois heures et demie, puis il lui a parlé au téléphone le 6 décembre 2010. Durant son témoignage à l’audience, le Dr Glassman a expliqué ses interventions et ses conclusions, information qui figure également dans sa lettre du 7 décembre 2010 adressée au Dr Glass (l’« évaluation du Dr Glassman »).

[84] Le Dr Glassman a expliqué que l’évaluation avait commencé par un entretien, puis qu’il avait effectué quatre tests de mémoire auditive et verbale au moyen de l’Échelle d’intelligence de Wechsler pour adultes (WAIS), qui est une évaluation standard du QI chez l’adulte. Le Dr Glassman a fait passer au fonctionnaire la troisième version du test, même si la quatrième version (mise à jour) était déjà en vigueur et utilisée à la date de son évaluation. Selon lui, si une personne se plaint de difficultés d’apprentissage, les tests WAIS auront pour but d’avoir une idée des capacités intellectuelles de cette personne. La WAIS trace un portrait global, et elle permet aussi de découper l’information obtenue. Il s’agit d’un bon point de départ pour l’évaluation préalable, selon le Dr Glassman. Le test repose sur quatre indices qui permettent de tirer des conclusions : la compréhension verbale (raisonnement), l’organisation perceptuelle (aptitudes visuospatiales), la mémoire de travail et la rapidité de traitement.

[85] Le Dr Glassman a déclaré qu’il pensait comprendre quelles étaient les difficultés du fonctionnaire, en précisant toutefois que, habituellement, l’employeur lui faisait également part de sa propre perception. Dans le cas qui nous occupe, il ne disposait que de l’information transmise par le fonctionnaire. Il a aussi confirmé ne pas avoir fait de test lié au spectre de l’autisme dans le cas du fonctionnaire. On lui a demandé s’il y avait une différence entre un trouble d’apprentissage et le syndrome d’Asperger. Il a répondu que le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme qui ne signifie pas que la personne a une déficience intellectuelle. Cependant, il a précisé qu’une personne Asperger peut éprouver des problèmes qui touchent les aspects interpersonnels dans son emploi, et non pas la capacité d’accomplir ses tâches.

[86] En contre‑interrogatoire, le Dr Glassman a expliqué ne pas posséder d’expertise liée aux troubles d’apprentissage. Il a confirmé qu’il évaluait les problèmes cognitifs généraux et que, s’il avait pensé qu’il y avait des éléments liés à la dépression ou à l’anxiété, il l’aurait dit et aurait proposé une consultation en psychiatrie. Il n’y avait pas de raison, à son avis, d’évaluer la mémoire visuelle, car la description de travail du fonctionnaire ne l’avait pas porté à croire que cette facette de la mémoire pouvait être en cause.

[87] Le Dr Glassman a déclaré avoir passé en revue les documents suivants, pertinents aux fins de son évaluation du fonctionnaire :

[Traduction]

 

• la lettre de référence du Dr Glass, datée du 3 novembre 2010;

• la correspondance du Dr Glass datée de juillet 2010, qui souligne la nature et l’objectif de l’EAT ainsi que la compréhension qu’en a le fonctionnaire s’estimant lésé;

• la lettre non datée du fonctionnaire s’estimant lésé, dans laquelle celui‑ci dépeint la nature de ses difficultés au travail et son style d’apprentissage, en plus de donner des exemples illustrant comment il voit ses problèmes au travail;

• la description de travail d’un AELBI datée de janvier 2007 […]

 

[88] Dans le résumé et les recommandations qu’il a produits à la suite de son évaluation, le Dr Glassman a souligné que le fonctionnaire avait tendance à effectuer certaines tâches avec un degré extrême de soin, de prudence et de persévérance, ce qui contribue à l’exactitude des résultats, mais nuit aussi à la quantité de travail abattu. En revanche [traduction] « par exemple pour les tâches de raisonnement verbal, il peut avoir tendance à répondre rapidement sans réfléchir ». D’après le médecin, le fonctionnaire [traduction] « a tendance à poser beaucoup de questions, peut‑être pour se donner la possibilité d’analyser tous les angles du problème, ce qui peut aussi donner l’impression qu’il est lent à comprendre un concept ». Cependant, le Dr Glassman a conclu notamment que ce qu’il avait observé reflétait [traduction] « un style cognitif ou un type de personnalité et non un trouble d’apprentissage pouvant être diagnostiqué ». Il a ajouté que, selon lui, le fonctionnaire [traduction] « n’est pas fait pour un travail exigeant la prise de décision rapide », affirmant plutôt qu’il [traduction] « convient bien pour des tâches qui requièrent une attention méticuleuse aux détails et aux processus ». Il estimait que le fonctionnaire pouvait acquérir de nouvelles aptitudes professionnelles, mais qu’il avait besoin d’un instructeur patient et d’un environnement d’apprentissage positif. Il a conclu en affirmant [traduction] « je ne sais toutefois pas si ce type de personnalité et ce style d’apprentissage peuvent fait l’objet de mesures d’adaptation dans son milieu de travail ».

[89] Le 5 janvier 2011, le Dr Glass a écrit à son tour à Mme Ptasznik pour lui présenter les résultats de l’évaluation. Les parties pertinentes sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

M. Shreedhar a vu l’un de nos consultants en médecine. Celui-ci l’a évalué et nous a fourni de l’information à jour. Je suis d’accord avec les conclusions de notre consultant. Voici ce que je recommande d’après les renseignements obtenus :

1. Les tests n’ont pas montré que M. Shreedhar éprouve des problèmes cognitifs nécessitant une adaptation en milieu de travail.

2. Aucun problème médical qui pourrait avoir une incidence sur l’aptitude à travailler de M. Shreedhar et justifierait des mesures d’adaptation au travail n’a été relevé.

3. Il était sage de la part de la superviseure de M. Shreedhar de revoir ses attentes liées à la charge de travail. Il est recommandé que l’employeur offre à M. Shreedhar un environnement de travail favorable, c’est‑à‑dire un milieu qui tolérerait un rythme moindre en raison du style d’apprentissage particulier de M. Shreedhar. L’idéal pour ce dernier serait qu’il ait l’attention d’un instructeur ou d’un superviseur patient ainsi que d’un milieu d’apprentissage positif.

4. Les tests ont révélé que M. Shreedhar convient mieux pour un travail qui nécessite une attention méticuleuse aux détails et aux processus et qu’il vaudrait mieux éviter des tâches nécessitant la prise de décision rapide.

[…]

 

[90] Aucun élément de preuve ne permet de penser que qui que ce soit chez l’employeur a pris connaissance de l’évaluation du Dr Glassman.

[91] Le 21 février 2011, le fonctionnaire et Mme Lebon ont rencontré Mmes Cuvalo et Alexander‑Nash. C’est à ce moment que Mme Cuvalo a présenté la lettre du Dr Glass au fonctionnaire et à Mme Lebon. Les notes prises par Mme Cuvalo durant la rencontre ont été déposées en preuve. Mmes Cuvalo et Alexander‑Nash de même que le fonctionnaire ont témoigné à propos de la rencontre. Selon l’employeur, l’évaluateur n’avait décelé aucun trouble d’apprentissage et, par conséquent, aucune mesure d’adaptation n’était requise au travail. Mmes Cuvalo et Alexander‑Nash ont affirmé que le fonctionnaire ne possédait toujours pas les compétences nécessaires pour exercer ses fonctions d’AELBI. Mme Lebon a informé les personnes présentes à la rencontre que le fonctionnaire demanderait que l’évaluation soit déférée au comité médical consultatif (CMC).

[92] Au moment de l’audience, et depuis 2009, le Dr Jeffrey Chernin était conseiller médical à l’étranger pour Santé Canada et travaillait à Toronto. Il a obtenu son diplôme en médecine de l’Université Dalhousie, à Halifax (Nouvelle‑Écosse). Il est également titulaire d’une maîtrise en santé publique, et il est membre de l’American College of Preventative Medicine. Il a déclaré être spécialisé en médecine préventive, en médecine du travail et en santé au travail.

[93] Le Dr Chernin a souligné que le CMC fait partie de Santé Canada et du PSTFP et qu’il a pour mandat de réexaminer les évaluations. Le CMC n’a pas de rôle conféré par la loi, a-t-il précisé, et sa signature à lui figurait sur la documentation traitant des problèmes du fonctionnaire parce qu’il avait agi, à l’époque, comme secrétaire de séance par intérim du CMC.

[94] Le Dr Chernin a témoigné que le dossier du fonctionnaire avait été confié au CMC à la suite d’une demande écrite du fonctionnaire datée du 4 mars 2011. Dans une lettre datée du 13 avril 2011, le Dr Chernin a confirmé au fonctionnaire que le CMC réexaminerait le dossier à sa prochaine réunion, qui aurait probablement lieu en juin ou en juillet 2011. Le CMC a effectivement réexaminé le cas du fonctionnaire à une date non précisée. Le 15 août 2011, le Dr Chernin a écrit au Dr Gary Shapiro (apparemment le médecin ayant remplacé le Dr Glass comme personne‑ressource de l’employeur au PSTSP) à propos du réexamen du dossier du fonctionnaire par le CMC. Il affirmait ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Le Comité médical consultatif, composé de [noms caviardés], a réexaminé le dossier en détail, y compris les rapports du Dr Glassman et du Dr Glass. Les membres du CMC sont d’avis que, même si le rapport du Dr Glassman portait clairement sur les aspects psychologiques du cas de M. Shreedhar, il était possible qu’un problème physique puisse causer ses difficultés au travail ou y contribuer. À cet égard, les membres du Comité s’entendent pour dire qu’il sera nécessaire, afin d’explorer pleinement cette possibilité, que M. Shreedhar soit renvoyé à votre consultant en physiatrie pour que celui-ci détermine si des problèmes physiques ont pu avoir affecté ses compétences au travail.

[…]

 

[95] Le 16 août 2011, le Dr Shapiro a écrit à Mme Ptasznik, de l’ASFC. Il l’informait de la conclusion et de la recommandation du CMC et demandait que lui soient transmis des consentements à jour afin de permettre un examen médical de l’état physique du fonctionnaire. Le rendez-vous a été pris, et le fonctionnaire a vu le Dr John Goldsand, le 3 octobre 2011. Le Dr Goldsand a écrit au Dr Shapiro le même jour pour l’informer qu’il n’avait décelé aucune incapacité physique qui puisse empêcher le fonctionnaire d’accomplir toutes les tâches d’un AELBI. Le 14 octobre 2011, le Dr Shapiro a écrit à Mme Ptasznik, de l’ASFC. Il l’informait que le fonctionnaire avait subi une autre évaluation, conformément à la recommandation du CMC, et que cette évaluation physique [traduction] « n’avait révélé aucun problème médical nécessitant des mesures d’adaptation au travail » et que [traduction] « les recommandations formulées antérieurement par le Dr Glass dans sa lettre du 5 janvier 2011 demeuraient inchangées ».

[96] Ni le Dr Glass ni le Dr Shapiro n’ont examiné l’état de santé du fonctionnaire, ni fait d’évaluation concernant ce dernier.

[97] Une copie du rapport d’évaluation du rendement du fonctionnaire daté du 18 octobre 2011, préparé et signé par M. O’Sullivan, avec révisions datées du 16 janvier 2012, a été déposée en preuve. Les parties pertinentes de ce document sont reproduites ci‑dessous :

[Traduction]

 

Commentaires du superviseur

Au cours de la présente période d’évaluation, Neil s’est vu attribuer seulement des fonctions liées à l’unité d’examen des cas de renvoi (ECR).

Je souligne que depuis le RER précédent, il a été mentionné que Neil ne possède pas les compétences nécessaires pour occuper un poste FB‑03.

Neil est affecté à l’unité d’examen des cas de renvoi depuis juin-juillet 2009 et fait l’objet de mesures constantes d’encadrement, de counseling et d’évaluation offertes par les gestionnaires. Ces dispositions demeureront inchangées jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue.

[…]

Dans l’unité ECR, le travail de Neil a été restreint aux cas peu complexes de personnes sans antécédents criminels. Dans le cadre de ce travail, au cours de l’année, Neil a reçu de la rétroaction concernant les cas ou situations où il n’a pas inscrit les étapes dans le SNGC ou a commis des erreurs dans les dossiers durant le processus d’examen.

Depuis l’évaluation précédente, en 2010, plusieurs erreurs ont été relevées dans le travail de Neil, ce qui a entraîné des problèmes et des répercussions de taille pour le Ministère. Il y a eu par exemple des erreurs de saisie dans le SNGC qui, si elles n’avaient pas été décelées, auraient pu avoir une incidence négative sur le traitement des cas et la situation des clients. Il y a eu aussi deux cas relevant d’un transporteur aérien qui auraient pu entraîner des coûts de renvoi inutiles pour le Ministère s’ils n’avaient pas été relevés. Il a également fait passer un cas à l’étape de l’entrevue de renvoi, ce qui contrevenait à une ordonnance de la Cour fédérale portant sursis au renvoi d’un client le temps qu’une décision subséquente relative à l’ERAR soit rendue, et il a renvoyé un cas à l’entrevue d’ERAR alors que l’ERAR avait déjà été enclenchée, de sorte qu’une entrevue a été planifiée et menée inutilement.

[…]

Globalement, je dirais que le travail de Neil à l’unité d’examen des cas de renvoi requiert une supervision régulière et des interventions occasionnelles. Je reste déterminé à continuer de travailler avec Neil pendant qu’il est affecté à l’unité.

[…]

 

[98] Une lettre datée du 27 juin 2012, envoyée par le fonctionnaire à Lucy Butts, identifiée dans la lettre comme étant la directrice régionale de Santé Canada pour la région de Toronto, a été déposée en preuve. Dans cette lettre, le fonctionnaire se plaint essentiellement d’avoir été renvoyé au Dr Goldsand. Les parties pertinentes de la lettre sont reproduites ci‑dessous :

[Traduction]

 

En quelques mots, je dirais que j’ai eu des difficultés à apprendre les différents aspects du poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Après un examen approfondi, j’ai attribué ces difficultés à une difficulté d’apprentissage qui fait surface en situation de stress, ce qui arrive parfois au travail.

[…]

 

[99] Dans une lettre datée du 23 août 2012, M. Vragovic, directeur général (DG) régional du CELGT de l’ASFC, a rétrogradé le fonctionnaire de son poste d’AELBI de niveau FB‑03 à un poste d’adjoint à l’exécution de la loi de niveau CR‑05, dans la division de l’exécution de la loi, du renseignement et des enquêtes criminelles du CELGT. Cette rétrogradation entrait en vigueur le 13 septembre 2012. M. Vragovic a témoigné qu’il avait décidé de rétrograder le fonctionnaire parce que ce dernier, même après trois années au cours desquelles il avait reçu de la formation et bénéficié d’encadrement et de mentorat, ne pouvait toujours pas exercer les fonctions d’un AELBI. Il a précisé que, même si le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (SDI, un élément de l’Alliance), avait évoqué la possibilité d’un trouble d’apprentissage, l’évaluation effectuée par Santé Canada n’avait rien révélé de tel. Selon M. Vragovic, il n’y avait aucun autre poste auquel il pouvait rétrograder le fonctionnaire, puisqu’il n’existait pas de postes FB‑01 ou FB‑02.

[100] En conséquence de cette rétrogradation, le fonctionnaire a vu son salaire diminuer considérablement, la rémunération d’un AELBI de niveau FB‑03 étant nettement supérieure à celle d’un adjoint à l’exécution de la loi de niveau CR‑05.

[101] Au moment de l’audience, et depuis les six années précédentes, Murray Star exerçait les fonctions d’agent des droits de la personne au SDI. Auparavant, il avait travaillé dans la fonction publique fédérale, à l’ASFC ou un des organismes l’ayant précédée, pendant environ 30 ans. Il a commencé à s’occuper du cas du fonctionnaire et des questions dont la Commission est saisie vers la fin de 2012. Il semble que c’est lui qui a demandé que le fonctionnaire soit évalué par Cornerstone Psychological Services (« Cornerstone »).

[102] À la date de l’audience, Melissa Cait était psychologue et directrice clinique de Cornerstone. En 1982, elle a obtenu son B.A. spécialisé en psychologie avec distinction de l’Université York, à Toronto. Elle est titulaire d’une maîtrise en psychologie de l’Université de Toronto depuis 1986. En juillet 2009, elle a reçu son diplôme de l’American Board of School Neuropsychology à la suite de ses études à la Texas Women’s University, et elle est devenue membre actif de l’Ordre des psychologues de l’Ontario en 1984 en tant qu’associée en psychologie et psychologue. Elle a fondé Cornerstone en 2012.

[103] Mme Cait a expliqué ce qu’était la neuropsychologie en précisant qu’il s’agissait de l’étude du cerveau, et que les différentes régions du cerveau sont responsables de différents mécanismes. Spécialisée dans le domaine de l’apprentissage et du fonctionnement du cerveau, elle étudie comment ce dernier influe sur l’apprentissage et sur la vie quotidienne des gens.

[104] Mme Cait a dit avoir rencontré le fonctionnaire pour la première fois en novembre 2012, à la recommandation du SDI semble-t-il. Durant son témoignage, Mme Cait a précisé les tests qu’elle et ses collègues ont fait passer au fonctionnaire. Dans le cadre de ces tests, elle a communiqué avec le Dr Glassman pour avoir une idée de ce qu’il avait observé. Lors de cette discussion, elle a demandé au Dr Glassman s’il avait fait une évaluation préalable pour exclure le syndrome d’Asperger, parce qu’elle-même, en côtoyant le fonctionnaire, en était venue à se poser des questions sur son style de communication sociale. Le dossier complet du fonctionnaire a été déposé en preuve, y compris une copie de l’évaluation faite par le Dr Glassman.

[105] Selon Mme Cait, l’ensemble des tests et des évaluations visant le fonctionnaire ont duré environ 24 heures réparties au cours des dates de consultation suivantes : le 30 novembre, les 2, 10, 13 et 17 décembre 2012 ainsi que les 7 et 13 janvier et le 8 février 2013. C’est elle‑même qui a réalisé la majeure partie des tests et des évaluations, quoique certains collègues aient aussi participé. Elle a conclu que le fonctionnaire avait soit des problèmes de communication sociale importants, soit un trouble léger appartenant au spectre de l’autisme, qu’on appelle aussi « syndrome d’Asperger ». Elle a souligné que le fonctionnaire pouvait également être atteint d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, ou TDAH.

[106] Mme Cait a fait les commentaires suivants à propos du fonctionnaire :

[Traduction]

 

• [il] est intelligent, mais ses capacités d’apprentissage sont inégales;

• il éprouve des difficultés à apprendre;

• il peut comprendre les aspects théoriques, mais il est difficile pour lui de décoder les signaux de nature verbale et les nuances, de sorte qu’il lui est difficile d’interpréter ce qui se passe autour de lui;

• il a du mal à remarquer et à comprendre les petits détails de nature sociale; il ne décèle pas les subtilités, par exemple lorsque quelqu’un lève les yeux au ciel ou encore hoche la tête pour l’inciter à continuer;

• le traitement cognitif est problématique chez lui;

• il lui est difficile de s’exécuter rapidement; la vitesse lui pose problème quand il accomplit des tâches; il peut être en mesure d’effectuer un balayage et de saisir les détails, donc d’obtenir toute l’information, mais il mettra deux fois plus de temps que nécessaire pour le faire sans erreur;

• la souplesse mentale est un défi pour lui; il est fortement axé sur les règles. Il fonctionne très bien lorsqu’il a une « recette », c’est‑à‑dire lorsque la démarche lui est décrite précisément. Il doit suivre un modèle : faire A, puis B, puis C, etc.;

• il a besoin de structure;

• il change souvent de sujet;

• il ne comprend pas les tons de voix et n’arrive pas à comprendre quand il doit se taire;

• tout pour lui est un enseignement et non pas une conversation;

• il éprouve des difficultés à rediriger ses efforts ou à passer d’une tâche à une autre au besoin. La plupart des gens peuvent le faire (dans la plupart des aspects de leur vie) sans difficulté. Une personne Asperger doit s’échauffer (en quelque sorte) avant de changer de direction; si elle ne le fait pas, elle se heurte à des difficultés, qui provoquent alors de l’anxiété;

• il éprouve des difficultés avec le paysage visuel, c’est-à-dire qu’en cas de divergence entre son but et le but réel, il peut se retrouver pris dans une boucle sans fin. Il lui sera donc ardu de terminer une tâche et de passer à la suivante;

• le fonctionnement multitâches est difficile pour lui; il commet beaucoup d’erreurs lorsqu’il doit fractionner son attention;

• il lui est difficile de se souvenir de ce qui est le plus important;

• il s’acharne parfois sur ce qui n’est pas important;

• il a tendance à perdre de vue ce qui est important;

• il travaille souvent deux fois plus fort que ce qui est nécessaire pour accomplir une tâche;

• il éprouve des difficultés sur le plan des inhibitions et de l’autorégulation; les personnes Asperger ont souvent tendance à être centrées sur elles‑mêmes et à ne pas se rendre compte que les autres ne sont pas intéressés ou qu’ils sont passés à autre chose. […]

 

[107] Mme Cait a fait état de ses conclusions dans une évaluation détaillée, mais non datée (le « rapport Cornerstone »). Dans ce document, elle donne les renseignements contextuels suivants :

[Traduction]

 

RAISON D’ÊTRE DE LA CONSULTATION

M. Shreedhar a sollicité une évaluation psychologique pour mieux comprendre son propre profil d’apprentissage et d’adaptation, afin d’acquérir de meilleures stratégies ou d’obtenir des mesures d’adaptation qui contribueront à sa productivité et amélioreront ses relations interpersonnelles.

[…]

Entrevue avec M. Shreedhar

[…] il a constaté qu’il peut être maladroit dans ses relations interpersonnelles et qu’il éprouve encore des difficultés à décoder les indices sociaux et à interpréter les subtilités dans les nuances sociales […] il peut mal comprendre les situations ou être incompris.

Sur le plan de l’attention, M. Shreedhar a dit être facilement distrait par des petites choses dans son environnement, qu’il lui arrive d’escamoter les détails utiles et qu’il a tendance à faire des erreurs. Il a remarqué que son esprit « s’égare » lorsqu’on lui demande de s’asseoir et de se concentrer pendant de longues périodes, qu’il se perd souvent quand il lit des documents arides, et qu’il lui arrive de perdre le fil de ses idées au travail. Il s’est rendu compte qu’il lui est difficile de déplacer son centre d’attention et d’appliquer différentes règles ou habiletés quand c’est nécessaire. Il dit aussi éprouver de la difficulté à se replonger dans une tâche après avoir été interrompu ou à fractionner son attention. Il a formulé des préoccupations semblables quant à sa mémoire à court terme; il dit avoir souvent besoin qu’on lui répète les questions, qu’il n’arrive pas facilement à suivre des instructions comportant plusieurs étapes et qu’il se dit parfois « je le savais, mais j’ai oublié ».

Ainsi, M. Shreedhar a dit se sentir parfois dépassé lorsqu’on lui confie un grand nombre de tâches détaillées, et éprouver des difficultés à gérer son temps, à prendre des décisions, à planifier, à rester organisé, à mener plusieurs tâches de front et à travailler d’une manière efficiente […] M. Shreedhar a reconnu qu’il devient parfois très inquiet de faire des erreurs et qu’il peut être assez perfectionniste et « perdre son temps » sur des détails que d’autres jugent négligeables ou non pertinents.

[…]

M. Shreedhar souhaite ardemment s’améliorer et il est déterminé à bien faire son travail. Il a demandé la présente évaluation pour bien comprendre comment il apprend et travaille avec les autres, ce qui lui permettra de se donner des stratégies qui contribueront à sa productivité et à son perfectionnement personnel.

[…]

 

[108] Le rapport Cornerstone décrit avec moult détails les résultats des tests que Mme Cait et son équipe ont fait passer au fonctionnaire. Selon le rapport, ce dernier présentait les caractéristiques du syndrome d’Asperger et peut‑être d’un TDAH, ce qu’a confirmé Mme Cait dans son témoignage devant moi, comme il a été mentionné précédemment dans la présente décision.

[109] Le fonctionnaire, M. Star et Mmes Cuvalo et Clarke ont tous témoigné à propos des courriels datés des 12 et 13 février 2013 qui ont été déposés en preuve et visaient à planifier une rencontre. Du point de vue du fonctionnaire, cette rencontre devait servir à remettre aux gestionnaires les résultats de l’évaluation Cornerstone, mais l’objet des courriels n’en fait pas mention. Il n’a pas été établi par la preuve que le rapport Cornerstone avait été transmis à l’employeur sous une forme quelconque jusqu’alors.

[110] On a déposé en preuve également ce qui, selon Mme Clark, constituait une série de notes dactylographiées qu’elle a prises et qui contenaient les remarques suivantes datées du 21 février 2011 et évoquant une rencontre tenue cette journée‑là (la « rencontre du 21 février) ») :

[Traduction]

 

– Le 21 février 2013, Marija Cuvalo et moi-même avons rencontré Neil et le représentant syndical Murray Star pour parler des mesures d’adaptation que demande Neil en raison d’une incapacité. La documentation fournie n’était pas une lettre de médecin, mais un document Word non signé décrivant l’état de Neil. Neil et Murray ont fait savoir qu’il s’agissait d’extraits copiés-collés d’un rapport de psychologue. Ils ont demandé que Neil reçoive rétroactivement le salaire correspondant au groupe et au niveau FB‑03, qu’un logiciel lui soit fourni pour l’aider et que de réels efforts soient déployés pour trouver à Neil un poste qui lui conviendrait, aux mêmes groupe et niveau (FB‑03).

 

[111] Un document Microsoft Word qui n’était ni un rapport ni une lettre de médecin a été déposé en preuve. Comme l’ont décrit Mmes Cuvalo et Clark, ce qui a été confirmé par le fonctionnaire et M. Star, il semble que ce soit des extraits copiés-collés du rapport Cornerstone.

[112] Dans son témoignage, le fonctionnaire a confirmé qu’il se souvenait d’avoir assisté à la rencontre du 21 février, lors de laquelle la discussion avait porté sur sa demande de mesures d’adaptation. Lorsqu’on lui a demandé de dire quelle information il avait fournie lors de la rencontre, il a répondu que, selon ses souvenirs, il était resté prudent. M. Star et lui‑même voulaient seulement communiquer les renseignements nécessaires pour obtenir des mesures d’adaptation. Quand on lui a demandé s’il avait fait état d’un diagnostic lors de cette rencontre, le fonctionnaire a répondu comme suit : [traduction] « Je voulais seulement leur donner ce dont ils avaient besoin ». À la question de savoir s’il se souvenait avoir discuté du diagnostic avec M. Star ou d’en avoir parlé lors la rencontre, le fonctionnaire a répondu qu’il ne s’en souvenait pas et que, d’après lui, seule l’information figurant dans le document Word avait été communiquée lors la rencontre. En contre‑interrogatoire, on a suggéré à Mme Cuvalo que l’employeur avait été informé du fait que le fonctionnaire était Asperger lors de la rencontre du 21 février, mais celle-ci a dit ne pas se souvenir que cette information ait été communiquée.

[113] Selon Mme Cuvalo, le document Word était problématique parce qu’il semblait s’agir d’une évaluation. Or, il ne contenait aucun renseignement permettant de savoir qui en était l’auteur, il ne portait pas de date et ne mentionnait pas les titres de compétences permettant à la personne (ou aux personnes) de faire une évaluation. Même si elle avait des préoccupations, Mme Cuvalo a affirmé ne pas en avoir parlé lors de la rencontre du 21 février, mais ultérieurement.

[114] M. Star a témoigné qu’il avait créé le document Word en copiant-collant des extraits du rapport. D’après lui, le rapport Cornerstone était trop détaillé et il faisait aussi état d’un diagnostic, ce qui n’est pas un critère obligatoire selon la politique du Conseil du Trésor sur les mesures d’adaptation. Il était d’accord avec Mme Cuvalo pour dire que le document en question ne ressemblait pas à une note de médecin. M. Star dit avoir informé les personnes présentes à la réunion qu’il ne voulait pas leur communiquer le diagnostic, parce qu’il craignait que l’employeur s’en serve contre le fonctionnaire.

[115] M. Star a raconté avoir remarqué que le fonctionnaire semblait de plus en plus anxieux au fil de la rencontre, et qu’il y avait eu une pause pour cette raison. Lorsqu’ils sont revenus à la rencontre, le fonctionnaire l’avait autorisé à parler du diagnostic. Selon M. Star, Mme Cuvalo a demandé quelle était la signification du diagnostic. Mme Clark, qui semblait comprendre, a déclaré que cela pouvait expliquer les difficultés que le fonctionnaire éprouvait au travail. À la fin de la rencontre, M. Star a informé Mmes Cuvalo et Clark que le fonctionnaire leur enverrait l’intégralité du rapport.

[116] Mmes Cuvalo et Clark ont témoigné avant M. Star. Elles n’ont donc pas pu être interrogées sur les détails donnés par M. Star à propos de la rencontre du 21 février.

[117] Les notes de Mme Clark indiquent qu’il y a eu une rencontre le 11 mars 2013, encore une fois entre le fonctionnaire, M. Star, Mme Cuvalo et elle‑même. Les notes sont reproduites ci‑dessous :

[Traduction]

 

– Le 11 mars 2013, Marija Cuvalo et moi‑même avons rencontré Neil et Murray Star. Neil ne souhaite pas se soumettre à une autre évaluation de Santé Canada. Murray a fait savoir que l’information peut être communiquée par le médecin personnel de Neil. Il a précisé que le médecin de Neil confirmerait l’évaluation faite par la psychologue. Ils ont dit vouloir accélérer le processus de mise en place de mesures d’adaptation et ils demandent que les évaluations de Santé Canada soient rayées du dossier du fonctionnaire s’estimant lésé et que nous discutions avec Neil afin de déterminer le poste qui lui conviendrait, en précisant que ce doit être au groupe et au niveau FB‑03 ou l’équivalent.

 

[118] Les notes de Mme Clark indiquent que, le 14 mars 2013, le fonctionnaire a transmis un billet de médecin à Mme Cuvalo. Un courriel daté du 18 mars 2013, envoyé par Mme Cuvalo au fonctionnaire et à M. Star, avec copie à Mme Clarke, a également été déposé en preuve. La partie pertinente de ce courriel est reproduite ci‑dessous :

[Traduction]

 

[…]

Neil m’a transmis un billet de médecin le 14 mars 2013.

J’ai pris connaissance de ce document et, puisqu’il n’y a aucune preuve que c’est un médecin qui a procédé à l’évaluation et formulé des recommandations en conséquence, j’ai besoin de ce qui suit :

– un document manifestement rédigé par un professionnel de la santé qui souligne les restrictions et les mesures d’adaptation nécessaires concernant les tâches et les heures de travail du fonctionnaire s’estimant lésé en qualité d’adjoint à l’exécution de la loi CR-5, de même que la durée de ces restrictions et mesures d’adaptation.

Vous trouverez ci‑joint une copie de la description de travail. Veuillez demander au médecin d’en prendre connaissance et de préciser les restrictions et les mesures d’adaptation qui s’appliquent à l’état de Neil.

[…]

 

[119] Aucun rapport ou billet de médecin daté de mars 2013 ou vers ce moment-là n’a été présenté ni déposé en preuve.

[120] M. Star a conseillé au fonctionnaire de ne se soumettre à aucune autre évaluation de Santé Canada, puisqu’une telle évaluation avait déjà été faite. Selon M. Star, le rapport Cornerstone était détaillé, et les représentants de l’ASFC pouvaient examiner les données, mais il estimait qu’il était inutile de répéter l’information et les tests.

[121] Une lettre datée du 2 avril 2013, rédigée par Mme Cait et adressée à [traduction] « Qui de droit », a été déposée en preuve (la « lettre du 2 avril de Cornerstone »). Les parties pertinentes de cette lettre sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

M. Shreedhar a été évalué en décembre 2012 et janvier 2013, ici, chez Cornerstone. J’étais et je continue d’être la psychologue responsable de son dossier. À l’époque, il a été conclu qu’il avait le syndrome d’Asperger, lequel fait partie du spectre de l’autisme. Il s’agit d’un trouble permanent de nature organique et neurologique plutôt que comportementale. Bien que ce syndrome puisse influer sur certaines relations interpersonnelles et sur l’interprétation des nuances sociales, M. Shreedhar est un homme très intelligent et plein de bonnes intentions qui fonctionne à un haut niveau malgré ce trouble.

De fait, l’évaluation des capacités intellectuelles de M. Shreedhar a révélé qu’il se situe dans la moyenne élevée en ce qui concerne les compétences verbales […] Par contre, plusieurs habiletés visuospatiales et sa motricité fine sont plus limitées, se situant généralement dans la moyenne faible. Ces résultats sont courants chez bon nombre de personnes Asperger. Comme il faut s’y attendre, M. Shreedhar éprouve de grandes difficultés avec certains aspects de la mémoire visuelle et avec sa mémoire de travail, mais sa capacité de rétention d’un contenu verbal significatif est bonne. Il reste que ces disparités prononcées au chapitre du fonctionnement cognitif évoquent aussi la présence d’un trouble d’apprentissage.

[…] M. Shreedhar a de la difficulté à rester concentré et productif, difficulté qui a également été mise en lumière lors des tests. Ainsi, cela pourrait dénoter un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) sous‑jacent, quoique ses habiletés très inégales pourraient aussi être causées par un déficit d’attention. Néanmoins, ces résultats signifient que, en milieu de travail, M. Shreedhar aura besoin de mesures d’adaptation qui tiendraient compte de son syndrome d’Asperger, de son trouble d’apprentissage et de sa durée d’attention.

[…]

Compte tenu de tous ces facteurs, M. Shreedhar devrait avoir droit à des mesures d’adaptation au travail qui lui permettront d’accomplir adéquatement ses tâches et de contribuer en tant que membre à part entière à l’équipe. Les recommandations suivantes visent à l’aider à cette fin :

1. sensibiliser les gens au travail, particulièrement, au sujet du syndrome d’Asperger;

2. lui offrir des possibilités d’être stimulé par son travail;

3. lui fournir des lignes directrices bien structurées, claires et qui restent constantes;

4. diviser le travail en portions plus petites et plus faciles à gérer, avec des répétitions au besoin;

5. prévoir des séances structurées de planification et d’organisation ainsi que des rencontres régulières portant sur les échéanciers des projets et la gestion du temps, le tout assorti d’une rétroaction bienveillante, mais directe;

6. lui permettre d’utiliser un ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent munis de technologies adaptées. Lui donner une formation sur l’utilisation des technologies utiles (p. ex., un système de gestion des tâches avec rappels; un logiciel d’échange d’information textuelle parole‑écran, un stylet intelligent LiveScribe pour enregistrer et lire de l’information présentée oralement; un logiciel d’annotation);

7. fournir le matériel à lire en format PDF ou électronique pour que les technologies adaptées puissent être utilisées;

8. fournir un synopsis des documents à lire;

9. éviter des tests qui contiennent des « pièges ». Mettre à sa disposition une salle tranquille ou privée et prolonger le délai alloué (50 à 100 % plus de temps), accorder des pauses durant les tests ou les examens, sans les déduire du temps accordé;

10. utiliser des technologies adaptées pour les tests et les examens; s’il préfère un test oral, lui en donner la possibilité ou lui permettre de préciser oralement ses réponses écrites;

11. lui donner accès aux notes des autres et lui permettre de photographier les tableaux à feuilles mobiles ou les tableaux blancs.

Si vous avez d’autres questions ou des interrogations, n’hésitez pas à communiquer avec moi. Vous pouvez me joindre au numéro de téléphone précisé dans l’en‑tête ou par courriel à l’adresse [adresse courriel caviardée].

[…]

 

[122] Mme Cait a témoigné qu’elle n’avait pas la description de travail du fonctionnaire quand elle a évalué ce dernier. L’avocate du fonctionnaire lui a demandé quel était son pronostic. Elle a répondu qu’elle avait vu M. Shreedhar huit années auparavant et que le pronostic pouvait être bon, parce qu’il manifeste un grand intérêt et fait beaucoup d’efforts. Le fonctionnaire est un homme très intelligent. Au travail, il faut trouver l’emploi qui lui convient, puis prendre les mesures d’adaptation nécessaires. Elle a cependant confirmé qu’on lui a demandé, à une date non précisée, mais assez proche de la lettre du 2 avril, de fournir une lettre abrégée décrivant les mesures d’adaptation, et qu’elle avait reçu une copie de la description de travail pour le poste d’adjoint à l’exécution de la loi (CR‑05).

[123] Un courriel daté du 5 avril 2013 envoyé à Mme Raposo par Christopher Collier, AELBI et représentant du SDI au CELGT, a été déposé en preuve. Ce courriel concernait des postes qui pouvaient convenir au fonctionnaire et répondre à ses besoins. Il est reproduit ci‑dessous :

[Traduction]

 

Je comprends que vous êtes la personne qui s’occupera du dossier de l’agent Shreedhar désormais. Nous avons réfléchi aux postes qui pourraient convenir aux besoins de Neil. Voici certains de ceux auxquels nous avons pensé : conseiller aux audiences, agent aux renvois ou aux archives ou encore à l’unité 44; ARVR; agent responsable des ERAR; poste aux ressources humaines à Matheson. Il y a beaucoup d’autres postes que Neil pourrait occuper, et j’essaie d’aider en lançant des idées afin de voir où Neil pourrait être le plus efficace au sein de l’ASFC.

 

[124] On a interrogé Mme Raposo au sujet du courriel du 5 avril 2013 de M. Collier pour qu’elle précise si elle en avait parlé avec lui ou avec le fonctionnaire. Elle a répondu qu’elle avait eu une discussion avec eux à ce sujet, mais qu’elle n’arrivait pas à se souvenir de la date. Elle a toutefois mentionné qu’il ne lui était pas possible de discuter de la possibilité de promouvoir le fonctionnaire à un niveau supérieur.

[125] M. Collier n’a pas témoigné.

[126] Le 2 mai 2013, le fonctionnaire a envoyé par courriel une copie de la lettre du 2 avril de Cornerstone à sa supérieure hiérarchique immédiate, qui était alors Mme Jelani, avec copie à M. Star et à Mme Raposo. Cette dernière était la supérieure hiérarchique immédiate de Mme Jelani à l’époque.

[127] Le 27 mai 2013, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Raposo, avec copie à M. Star et à Mmes Jelani et Ptasznik, dont les parties pertinentes sont reproduites ci‑dessous :

[Traduction]

 

Bien que vous demandiez une autre évaluation, je pense que cela ne sera peut‑être pas nécessaire – particulièrement une fois que vous aurez pris connaissance de la présente mise au point. De toute manière, comme tout le monde se soucie de mes intérêts et de ceux de l’organisation aussi […] je crois que nous ne voulons pas reculer, encore moins perdre du temps, en revenant en arrière et en nous renvoyant sans cesse la balle, ce qui serait coûteux pour tout le monde, particulièrement pour moi.

[…]

Khalida Jelani m’a demandé […] de préciser les mesures d’adaptation dont je pourrais avoir besoin, et j’ai répondu que cette information figurait dans les recommandations […] de Melissa Cait […]

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[128] Mme Jelani a témoigné qu’elle venait tout récemment d’être nommée superviseure FB‑05 en avril 2013. C’est alors qu’elle est devenue la superviseure du fonctionnaire, qui travaillait à ce moment-là dans l’unité responsable du suivi des cas en instance. Elle a décrit les difficultés qu’éprouvait le fonctionnaire quand il relevait d’elle. Elle a expliqué que, dans son unité, il devait notamment préparer des déclarations solennelles qui comprenaient des renseignements généraux ainsi que de l’information plus précise extrapolée à partir de plusieurs systèmes informatiques et versée dans un document type. Selon elle, il était difficile pour le fonctionnaire d’extrapoler l’information extraite des systèmes puis de la transcrire dans le document type. Elle a précisé que le fonctionnaire était assis près d’un collègue qui l’aidait.

[129] Mme Jelani a dit ne pas se souvenir du moment où elle a su que le fonctionnaire avait un problème médical ni pouvoir préciser si c’était lors de sa première rencontre avec lui ou bien quand elle a reçu la lettre du 2 avril de Cornerstone. Toutefois, elle a affirmé qu’elle avait effectivement rencontré le fonctionnaire pour en discuter. Elle a témoigné que le fonctionnaire lui avait fait part des difficultés qu’il éprouvait à extrapoler de l’information à partir des systèmes informatiques. Elle dit lui avoir indiqué qu’elle essaierait de trouver un autre travail qu’il serait capable d’effectuer, et qu’elle s’efforcerait de trouver des tâches cadrant avec les paramètres énoncés dans la lettre du 2 avril de Cornerstone.

[130] Le 12 juin 2013, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Raposo, avec copie à M. Star et à Mmes Jelani et Ptasznik, dont les parties pertinentes sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

J’apprécie que tu tentes de m’« accommoder ». Par contre, comme Murray me l’a expliqué, de véritables mesures d’adaptation nécessiteraient en premier lieu qu’on me procure les outils appropriés […]

1. Est‑ce que quelqu’un a lu les recommandations de Mme Melissa Cait?

2. Est‑ce que quelqu’un a pris des dispositions pour que les divers outils en question me soient fournis au travail?

3. Quand prévoit‑on que les services de TI vont venir à mon bureau installer ce dont j’ai besoin?

Quelqu’un doit prendre la responsabilité de ces arrangements et, Anne, tu as avez dit que tu t’en occuperais pour assurer une continuité (sachant que les superviseurs changent constamment dans notre unité).

[…]

Par conséquent […] pour notre intérêt mutuel, j’ai extrait l’information des documents que j’ai déjà fournis (comme tu t’en souviendras, les recommandations figurent dans le résumé de deux pages et la note récente de Mme Cait).

 

[131] Une lettre datée du 17 juin 2013, envoyée par Cornerstone, signée par Mme Cait et adressée à Luc Portelance, président de l’ASFC, a été déposée en preuve. Les parties pertinentes de la lettre sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

M. Shreedhar a fait l’objet d’une évaluation très approfondie à notre clinique en décembre 2012 et en janvier 2013. Après plus de 20 heures d’évaluations et d’entretiens, j’ai conclu que M. Shreedhar est un homme très brillant, mais qu’il présente un trouble d’apprentissage ainsi que le syndrome d’Asperger. Il est fort possible qu’il présente en plus un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH).

Malheureusement, M. Shreedhar m’a fait savoir qu’il n’a bénéficié d’aucune mesure d’adaptation au travail depuis mon évaluation, conclue il y a plus de cinq mois. Il estime donc que ses besoins ont été ignorés, ce qui a miné sa confiance et exacerbé ses problèmes d’humeur et d’anxiété.

Pour être claire, M. Shreedhar veut réussir ce qu’il entreprend et contribuer à son milieu de travail. Toutefois, la réticence à répondre à ses besoins au travail et le fait d’insister pour qu’il se soumette à une autre évaluation (sans même me consulter à propos de l’évaluation qui a déjà eu lieu) me semblent être une source de stress inutile pour lui et ont pour résultat que ses besoins en tant que personne atteinte d’une incapacité ne sont pas satisfaits.

J’espère que, plutôt que de créer d’autres obstacles empêchant M. Shreedhar de recevoir de l’aide, vous ou un membre de l’agence allez communiquer avec moi directement pour me faire part de toute question ou inquiétude, de sorte que je puisse réduire les contrecoups de tout nouveau délai dans la prise de mesures d’adaptation pour M. Shreedhar.

Vous pouvez me joindre au numéro de téléphone précisé dans l’en‑tête ou par courriel à l’adresse [adresse courriel caviardée].

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[132] Le 20 juin 2013, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Raposo, avec copie à Mme Ptasznik, dont les parties pertinentes sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

Depuis février, je n’ai eu de nouvelles de personne à propos de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et, même quand nous nous sommes rencontrés par hasard hier et que je t’ai demandé ce qu’il en était, tu n’as malheureusement pas été en mesure de me donner d’informations qui me seraient utiles dans l’immédiat.

Anne, voilà qui est très troublant. Le rapport psychologique indique clairement quel logiciel peut m’aider à améliorer mon rendement au travail, mais personne ne m’a donné de nouvelles à ce sujet – ni les services de TI, ni la direction – pour poser les questions qui permettraient aux gestionnaires d’avoir réponse à toute demande de renseignements qu’ils pourraient avoir.

[…]

Le fait est que la direction a cette information depuis février et que nous sommes presque rendus à la fin de juin 2013. Quatre mois se sont donc écoulés sans qu’aucune action concrète soit prise pour appliquer les recommandations de la psychologue.

J’attends encore […] et ce n’est ni juste ni acceptable, et cela peut être vraiment stressant d’avoir à attendre si longtemps. […]

[…]

 

[133] Une lettre datée du 11 juillet 2013, envoyée par Mme Raposo au fonctionnaire, a été déposée en preuve. Les parties pertinentes sont reproduites ci‑dessous :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à votre courriel du 12 juin 2013, dans lequel vous demandez ce qu’il est advenu de votre demande d’outils qui vous aideraient à accomplir les tâches qui vous sont confiées. En guise de contexte, je voudrais ici profiter de l’occasion pour résumer l’information que nous avons entre les mains et les mesures prises à ce jour, afin de comprendre les arrangements qui sont actuellement en place.

En 2008, vos gestionnaires ont enclenché une période d’encadrement et de counseling intensifs de trois ans dans le cadre d’un processus de gestion du rendement visant à améliorer votre rendement au poste d’agent de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Pendant cette période, les gestionnaires n’ont reçu aucune information de votre part relativement aux mesures d’adaptation dont vous aviez besoin. Cependant, lorsque votre représentante syndicale a fait valoir qu’il fallait l’opinion d’un médecin pour mieux comprendre vos problèmes de rendement, vous avez accepté de vous soumettre à une évaluation médicale effectuée par Santé Canada.

D’après mes informations, cette évaluation médicale a été réalisée par Santé Canada le 5 janvier 2011. Elle n’a permis de déceler aucune incapacité professionnelle ni aucun problème médical qui justifierait la prise de mesures d’adaptation au travail. Cependant, Santé Canada a formulé deux recommandations générales pour tenir compte de votre style d’apprentissage particulier. Selon les gestionnaires, ces recommandations ont été mises en œuvre et respectées. Je sais également que, en octobre 2011, vous avez demandé au Comité médical consultatif de Santé Canada de réviser l’évaluation effectuée par Santé Canada. Les résultats de l’évaluation initiale ont été maintenus. Autrement dit, vous ne présentiez aucune limite médicale identifiable pouvant influer sur votre rendement au travail.

En avril 2013, vous avez transmis une lettre rédigée par une représentante de Cornerstone Psychological Services. Cette lettre précise que vous êtes atteint du syndrome d’Asperger et comporte une liste de moyens par lesquels les gestionnaires pourraient vous aider dans votre travail.

Dès réception de cette information, vous avez été avisé par votre chef et superviseure que les évaluations médicales des employés de l’ASFC sont généralement menées par des médecins de Santé Canada. Vous avez également été informé que, étant donné le manque d’expertise des gestionnaires dans ce domaine, les questions et demandes d’éclaircissement au sujet des évaluations médicales des employés devaient être examinées et interprétées pour l’ASFC par Santé Canada. Vous avez répondu que vous ne vouliez pas participer à une autre évaluation de Santé Canada ni permettre à l’ASFC de demander des éclaircissements à Santé Canada en vue de valider ou de clarifier les détails de l’information que vous aviez fournie.

Il convient de souligner que Santé Canada comprend la culture, le mandat et le rôle de l’ASFC et, plus précisément, des titulaires de postes semblables au vôtre, de sorte que le Ministère est en mesure d’aider les gestionnaires à déterminer les tâches devant être attribuées et les restrictions connexes. Ce point est particulièrement important, car cela permettrait d’éclaircir toute limitation médicale que vous pourriez avoir et qui nécessiterait des mesures d’adaptation. L’information qui a été fournie par Cornerstone Psychological Services contient plusieurs recommandations qui ne précisent pas de limites spécifiques. La représentante de Cornerstone mentionne indirectement qu’elle a pris connaissance de votre description de travail, mais je ne peux pas le confirmer ni vérifier si vous êtes effectivement un patient de cette personne. Parmi les aspects fondamentaux de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, il faut rappeler que l’employeur, lorsqu’il demande des renseignements relatifs aux limites médicales, a le droit de poser des questions aux médecins à ce sujet.

Indépendamment des inquiétudes que je formule ci-dessus, la correspondance de Cornerstone Psychological Services a été soigneusement examinée. À cet égard, vous conviendrez que bon nombre des recommandations ont déjà été mises en œuvre puisqu’elles font partie des pratiques de gestion préexistantes et ont été instaurées à la suite de votre évaluation précédente effectuée par Santé Canada.

Pour ce qui est des autres recommandations, je souligne que la direction n’est pas en mesure d’investir dans des technologies spécifiques en réponse à des limites indéterminées. Si vous pensez avoir des limites médicales précises ayant une incidence sur votre travail, je souligne que je serai prête à examiner les résultats d’une autre évaluation menée par Santé Canada. En outre, pour ce qui est des recommandations de Cornerstone qui précisent que vous avez besoin de mesures d’adaptation lors des tests, vous n’êtes pas sans savoir que c’est aux candidats qu’il incombe d’informer les membres des comités d’évaluation des mesures d’adaptation dont ils ont besoin au cours des processus de dotation.

1. Sensibiliser les gens, au travail, particulièrement au sujet du syndrome d’Asperger. L’ASFC est inclusive à l’égard de toutes les incapacités et a donc une approche pragmatique lorsqu’elle doit respecter son obligation de prendre des mesures d’adaptation compte tenu de besoins individuels.

2. Lui offrir des possibilités d’être stimulé par son travail. Étant donné vos problèmes de rendement persistants, les gestionnaires travaillent avec vous pour s’assurer que les tâches qui vous sont confiées sont menées à bien. Ils ne peuvent créer du travail qui ne fait pas partie des fonctions actuellement exigées pour votre poste.

3. Fournir des lignes directrices bien structurées, claires et qui restent constantes. Vous recevez des directives bien structurées, claires et constantes, conformément aux bonnes pratiques de gestion.

4. Diviser le travail en portions plus petites et plus faciles à gérer, répéter les directives au besoin. Cette mesure est déjà instaurée et se poursuit conformément aux bonnes pratiques de gestion.

5. Prévoir des séances structurées de planification et d’organisation ainsi que des rencontres continues relativement aux échéanciers des projets et à la gestion du temps, le tout assorti d’une rétroaction bienveillante, mais directe. Les gestionnaires procèdent de façon structurée pour attribuer les tâches et ils continueront de le faire.

6. Lui permettre d’utiliser un ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent munis de technologies adaptées. Lui donner une formation sur l’utilisation des technologies pertinentes (p. ex., un système de gestion des tâches avec rappels; un logiciel d’échange d’information textuelle parole‑écran, un stylet intelligent LiveScribe ou un logiciel d’annotation pour enregistrer et lire de l’information présentée oralement). Les gestionnaires ne voient pas en quoi ces technologies s’appliquent à vos fonctions. Santé Canada est l’entité qui conseille l’ASFC pour ce qui est des outils technologiques et de leur application à des tâches spécifiques quand il y a lieu de prendre des mesures d’adaptation.

7. Fournir le matériel à lire en format PDF ou électronique pour que les technologies adaptées puissent être utilisées. Cette mesure peut facilement être mise en œuvre. Les gestionnaires ne comprennent pas exactement comment elle facilitera votre travail, compte tenu de la nature de vos tâches.

8. Fournir un synopsis des documents à lire. Les gestionnaires ne comprennent pas exactement quelle forme prendrait un synopsis ni quel serait son rôle dans vos tâches régulières.

9. Éviter des tests qui contiennent des « pièges ». Mettre à sa disposition une salle tranquille ou privée et prolonger le délai alloué (50 à 100 % plus de temps), accorder des pauses durant les tests ou les examens, sans les déduire du temps accordé. Il incombe aux employés d’informer les membres des comités d’évaluation spécifiques de leurs besoins particuliers en matière d’adaptations.

10. Utiliser des technologies adaptées pour les tests et les examens, et s’il préfère un test oral, lui en donner la possibilité ou lui permettre de préciser oralement ses réponses écrites. Il incombe aux employés d’informer les membres des comités d’évaluation spécifiques de leurs besoins particuliers en matière de tests.

11. Lui donner accès aux notes des autres et lui permettre de photographier les tableaux à feuilles mobiles ou les tableaux blancs. Les employés peuvent photographier les tableaux à feuilles mobiles et les tableaux blancs, sous réserve des restrictions en matière d’accès à l’information et du respect de la vie privée.

[…]

En dernier lieu, si vous avez des limitations médicales précises qui vous empêchent d’exercer les fonctions particulières de votre poste, je vous encourage à remplir le formulaire de demande liée à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, ci‑joint. L’information que vous y inscrirez aidera les gestionnaires à cerner vos besoins et à y répondre.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[134] Le 30 juillet 2013, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Raposo, avec copie à Mme Jelani et à M. Star, dans lequel il acheminait un formulaire de consentement qu’il avait rempli et signé. La partie pertinente du courriel est reproduite ci‑dessous :

[Traduction]

 

[…]

J’ai confirmé que j’étais disposé à remplir le formulaire de Santé Canada demandé, particulièrement en raison des explications claires que m’a données Murray Star lors de notre plus récente rencontre. Le formulaire semble être un moyen d’enclencher le dialogue entre Santé Canada et Melissa Cait, de Cornerstone. Je pense donc à ce stade‑ci qu’il est bon de faire avancer les choses sans délai et de bonne foi, afin que le processus puisse suivre son cours.

[…]

 

[135] Le formulaire de consentement signé par le fonctionnaire le 25 juillet 2013 autorisait la communication de renseignements personnels à un tiers fournisseur de services de santé au travail de Santé Canada. Dans les parties pertinentes de ce formulaire, le fonctionnaire a autorisé Santé Canada à communiquer des renseignements à Mme Cait et à Cornerstone. Mme Raposo a témoigné que le fonctionnaire avait consenti à ce qu’il y ait un dialogue entre Mme Cait et les représentants de Santé Canada.

[136] Un formulaire type d’une page de demande de mesures d’adaptation à l’ASFC, que le fonctionnaire a déclaré avoir rempli et signé, a été déposé en preuve. Ce document est daté du 11 juillet 2013. À l’audience, il était accompagné du rapport de Cornerstone de 17 pages ainsi que d’une annexe de 8 pages qui résumait les résultats que le fonctionnaire avait obtenus aux tests. En contre‑interrogatoire, les deux documents ont été présentés à Mme Raposo, qui a déclaré avoir vu la demande de mesures d’adaptation d’une page, mais n’avoir jamais eu en main le rapport de Cornerstone, ni l’annexe. Elle a affirmé qu’elle pensait avoir vu la demande de mesures d’adaptation non pas le 11 juillet, mais plus tard, entre le 13 juillet et le 2 août 2013. Lorsque l’avocate du fonctionnaire l’a informée que le fonctionnaire témoignerait lui avoir fourni ces documents, Mme Raposo a répondu qu’elle ne pouvait pas le contredire, mais qu’elle n’avait pas vu le rapport. En réinterrogatoire, elle a affirmé ne pas avoir vu la demande de mesures d’adaptation, mais plutôt le formulaire de consentement de Santé Canada que le fonctionnaire avait signé le 25 juillet 2013.

[137] Lorsque le fonctionnaire a témoigné, il a identifié le formulaire type d’une page de demande de mesures d’adaptation à l’ASFC, qu’il avait signé le 11 juillet 2013, ainsi que le rapport de 17 pages de Cornerstone et l’annexe de 8 pages. Quand son avocate lui a demandé, en interrogatoire principal, s’il avait remis les documents à l’ASFC, il a répondu qu’il l’avait certainement fait. Appelé à préciser à qui il l’avait transmis, il a répondu qu’il n’était pas certain, mais qu’il lui semblait l’avoir communiqué à Mme Raposo. Le document présenté à l’audience était une copie qui portait dans le haut, écrits à la main et encadrés par des crochets, les termes [traduction] « Ma copie ».

 

[138] La copie d’une lettre datée du 12 août 2013, qui semble avoir été envoyée à M. Portelance par le Dr Anusha Kathiravelu (qui se présente dans la lettre comme étant le médecin de famille du fonctionnaire), a été déposée en preuve. Les parties pertinentes de la lettre sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

[…]

À titre de médecin de famille de M. Neil Shreedhar, j’ai pu constater sa frustration grandissante. À ma connaissance, M. Shreedhar vous a fourni les recommandations de la spécialiste, mais celles-ci n’ont pas encore été appliquées. Il y a même plusieurs logiciels qui aideraient Neil à être plus efficace dans son travail, mais aucun n’est encore utilisé.

Je suis vraiment déçue d’apprendre que M. Shreedhar a été rétrogradé au lieu de bénéficier de mesures d’adaptation, et j’aurais cru qu’une organisation du calibre de l’ASFC aurait des politiques et une obligation de s’adapter aux besoins de ses employés.

Comme je l’ai mentionné plus haut, M. Shreedhar se sent de plus en plus frustré, et son niveau de stress et d’anxiété a augmenté. L’ASFC a une responsabilité dans toute détérioration de l’état de mon patient.

[…]

 

[139] Le Dr Kathiravelu n’a pas témoigné.

[140] La copie d’une lettre datée du 12 septembre 2013, envoyée par le Dr Shapiro à Mme Ptasznik, a été déposée en preuve. Les parties pertinentes de la lettre sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

[…]

Merci de votre lettre du 21 août 2013 au sujet de M. Shreedhar. Vous y mentionnez que vous éprouvez des difficultés à faire concorder les recommandations de Santé Canada et celles de Melissa S. Cait, M.A., C. Psych. Les recommandations de Santé Canada ont été décrites dans nos lettres du 5 janvier et du 14 octobre 2011, tandis que les recommandations de Mme Cait figurent dans son rapport du 2 avril 2013.

Sachez que nous pouvons prendre en considération l’information fournie par Mme Cait seulement dans le cadre d’une nouvelle évaluation de l’aptitude à travailler qui nous permettrait d’obtenir des consultations additionnelles, si nécessaire, afin de répondre à vos questions.

Si vous choisissez de demander une autre évaluation de l’aptitude à travailler, veuillez joindre à votre demande les formulaires de consentement requis.

[…]

 

[141] Une série de courriels échangés le 18 septembre 2013 entre le fonctionnaire et Mme Ptasznik a été déposée en preuve. Les parties pertinentes de chaque courriel sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

[Courriel du fonctionnaire à Mme Ptasznik, à 8 h 28]

Hier, j’ai reçu la copie de la lettre du Dr Shapiro, de Santé Canada (j’aurais préféré être informé par la direction à ce sujet). Nous savons tous les deux, puisque nous en avons discuté abondamment, quelle devrait être la prochaine étape […]

Comme tu as déjà en main mon consentement à la communication de mes renseignements personnels en ce qui concerne l’évaluation approfondie réalisée par Mme Cait, j’aimerais que les choses avancent comme convenu et que l’information soit acheminée à Santé Canada (s’il y a lieu), pour que nous puissions obtenir son approbation et le soutien nécessaires.

À cet égard, j’ai quelques questions :

As-tu envoyé au Dr Shapiro les résultats des tests fournis par Mme Cait? (Sinon, pourquoi ne pas l’avoir fait, puisque nous en avions convenu?)

Je voudrais également savoir si tu as communiqué avec Mme Cait pour lui poser vos questions afin de mieux comprendre la nature des mesures d’adaptation dont j’ai besoin?

Si on ne m’offre pas au minimum ce qui est mentionné ci‑dessus, comme nous en avons parlé longuement par l’intermédiaire de vos divers représentants, dont la plus récente est la chef intérimaire Anne Raposo, j’y verrais un obstacle visant à me nuire et à ralentir mes progrès d’une manière préjudiciable pour ma santé.

[…]

[Courriel de Mme Ptasznik au fonctionnaire, à 9 h 10]

Je confirme avoir reçu hier, tard en fin de journée, la lettre à laquelle tu fais référence ci‑dessous. La direction n’a ainsi pas encore été informée des détails qu’elle contient. Si tu lis la correspondance reçue de Santé Canada, tu constateras que le Ministère n’a pas encore accepté de fournir des services qui vont au‑delà de ses procédures opérationnelles normales. Afin d’accélérer le tout, j’ai déjà communiqué avec Santé Canada pour discuter des options qui pourraient s’offrir dans les circonstances.

[…]

En outre, dans le souci d’accorder à la situation toute l’attention qu’elle mérite, les évaluations que tu as fournies à la direction ont été envoyées à Santé Canada avec les consentements signés. Quant à ta question concernant les communications avec Mme Cait, l’intervention de Santé Canada à cet égard vise précisément à permettre aux gestionnaires d'avoir une idée claire des restrictions ou mesures d’adaptation qui s’imposent, le cas échéant, pour te permettre d’exercer tes fonctions. D’après ce que je comprends, les gestionnaires t’ont déjà expliqué que Santé Canada, en sa qualité d’expert médical de l’employeur, a été invité à communiquer avec Mme Cait au nom de l’ASFC et de fournir à l’employeur l’information voulue pour qu’il comprenne bien le matériel requis, etc., ou le genre de fonctions qui peuvent être attribuées dans le cadre de ton poste.

[…]

 

[142] Mme Jelani a affirmé avoir discuté de la lettre du 2 avril de Cornerstone avec Mme Raposo et la conseillère en relations de travail et qu’elles avaient convenu de soulager le fonctionnaire en lui confiant moins de tâches liées au suivi des cas en instance, pour l’affecter plutôt au traitement des dossiers. Le fonctionnaire travaillerait une demi‑journée au suivi des cas en instance, puis une demi-journée au traitement des dossiers. Dans ces dernières fonctions, le fonctionnaire disposerait d’une liste de vérification qui lui permettrait de s’assurer du respect des étapes requises à l’égard des dossiers acheminés au bureau. Ce régime de travail a débuté en septembre ou en octobre 2013, puis s’est poursuivi pendant deux ou trois mois, après quoi le fonctionnaire a été muté aux archives, où la nature du travail conviendrait mieux à l’employé, de l’avis de ses gestionnaires. Mme Jelani a précisé que cette mutation avait été décidée parce que le fonctionnaire lui avait confié qu’il trouvait difficile d’assurer le traitement des dossiers. Selon elle, il avait accepté de passer aux archives.

[143] Mme Jelani a précisé que le fonctionnaire relevait d’un autre superviseur pour ce qui est de l’assiduité et de la charge de travail aux archives, mais que son dossier du personnel demeurait sa responsabilité à elle. Il avait été décidé ainsi parce que le dossier était passé par les mains de plusieurs autres gestionnaires, dont bon nombre exerçaient des fonctions de supervision à titre intérimaire pendant de courtes périodes de quatre mois. En conséquence, le dossier devenait la responsabilité de chaque nouveau superviseur, y compris de personnes agissant à titre intérimaire. On a donc jugé que, dans un souci de stabilité, il valait mieux qu’un seul gestionnaire soit chargé de suivre le dossier, et c’est elle qui avait été désignée à cette fin.

[144] On a demandé à Mme Jelani si les recommandations décrites dans la lettre du 2 avril de Cornerstone avaient été mises en œuvre, et elle a répondu par l’affirmative. Durant son interrogatoire principal, les recommandations formulées dans la lettre du 2 avril de Cornerstone ont été passées en revue avec elle. Elle a précisé que les recommandations nos 1 à 4 ainsi que les recommandations nos 7 et 11 avaient été appliquées. Elle a mentionné les recommandations qui, à son avis, n’avaient pas été mises en œuvre, soit les recommandations nos 5 et 6 et 8 à 10.

[145] Mme Jelani a affirmé que, selon elle, le fonctionnaire s’était vu confier un travail important. Comme le traitement des dossiers était un défi pour lui, l’employeur avait décidé de le muter aux archives, ce qui semblait lui convenir. Elle se souvenait que le fonctionnaire lui avait dit à différents moments qu’il souhaitait changer des choses et qu’il prenait plaisir à classer les dossiers. Selon elle, le travail était de niveau CR‑03, mais le fonctionnaire s’y plaisait. Il avait reçu des instructions, qui se présentaient essentiellement sous la forme d’une liste de vérification. D’après Mme Jelani, les listes sont souvent scindées en trois ou quatre blocs d’étapes différentes, autant pour le traitement des dossiers que pour l’archivage. Selon elle, cette procédure ne pouvait être appliquée à l’unité de suivi des cas en instance, en raison de la complexité du travail et des diverses étapes à suivre. Elle ne croyait pas que le fonctionnaire avait reçu des échéances, mais que le travail se faisait plutôt en fonction du volume et qu’on en attendait moins du fonctionnaire que des autres à cet égard.

[146] Concernant la recommandation no 6 portant sur l’utilisation d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un téléphone intelligent munis de technologies adaptées, Mme Jelani a raconté qu’elle en avait parlé avec le fonctionnaire pour l’informer que ces outils ne l’aideraient pas dans le suivi des cas en instance, puisque son travail consistait à extrapoler l’information à partir de différents systèmes informatiques et qu’il existait un document type. Il ne s’agissait pas pour lui de faire de la rédaction, mais plutôt de la réflexion analytique. Les outils technologiques, estimait-elle, ne l’auraient pas aidé non plus dans ses tâches de traitement des dossiers ou d’archivage. Pour les fonctions qui lui avaient été attribuées, la technologie n’aurait été d’aucune utilité. Il lui a alors répondu qu’il aimerait quand même qu’on lui fournisse les outils en question. Elle lui avait répondu que les technologies adaptées étaient fournies au besoin, et non pas parce que la personne le souhaitait, car l’ASFC devait rendre des comptes au public.

[147] Mme Jelani a expliqué que le fonctionnaire avait reçu des listes de vérification, probablement en format Word, mais qu’elles étaient aussi imprimées et jointes aux dossiers. Elle a affirmé que le fonctionnaire n’avait pas reçu de synopsis, et elle ne savait pas non plus s’il avait passé des tests ou des examens (recommandations nos 9 et 10). Au sujet de la recommandation no 11, elle a affirmé que le fonctionnaire devait avoir reçu des notes et avoir été en mesure de prendre des notes.

[148] Selon Mme Jelani, lorsqu’elle a discuté avec le fonctionnaire de la lettre du 2 avril de Cornerstone en termes généraux, elle avait expliqué au fonctionnaire pourquoi certaines recommandations avaient été mises en œuvre, mais pas d’autres. Elle a souligné que le fonctionnaire mentionnait habituellement la question des outils technologiques.

D. Inconduite reprochée au fonctionnaire en mai 2014 et suspension disciplinaire subséquente de deux jours

[149] Le 18 juillet 2014, le fonctionnaire a fait l’objet d’une suspension disciplinaire de deux jours, comme en témoigne un document intitulé [traduction] « AVIS DE MESURE DISCIPLINAIRE », daté de la même journée et signé par M. Kamin. Les parties pertinentes de ce document sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

Vous avez été affecté à votre poste en août 2013. On vous a fourni une période de formation d’environ trois ou quatre mois pour vous aider à accomplir de façon satisfaisante les tâches qui vous étaient confiées. Vous avez reçu des manuels et des directives spécifiques de même que l’aide continue de vos collègues. Vous n’avez jamais exprimé de préoccupations au regard de la formation, de l’encadrement ou du counseling qui vous ont été offerts. Vous‑même et votre représentant syndical, Michael Gurr, avez participé à une réunion d’établissement des faits, le mercredi 28 mai 2014. À cette réunion, vous n’avez pas contesté les éléments de preuve indiquant que vous n’avez pas fait le travail qui vous avait été attribué entre le 6 et le 16 mai 2014. Vous vous êtes justifié en disant que les tâches en question ne correspondaient pas à votre niveau de compétence et d’habileté. Vous avez mentionné l’obligation de la direction de vous fournir des mesures d’adaptation, sans toutefois préciser les outils et les mécanismes d’aide précis qui vous ont empêché de faire votre travail.

Il nous a été signalé par ailleurs que, le 12 mai 2014, vous n’étiez pas présent pour assurer vos fonctions au comptoir d’accueil, car vous vous êtes absenté du lieu de travail pendant une heure et demie, de 11 h à 12 h 38, sans informer les gestionnaires de l’endroit où vous vous trouviez. Par conséquent, des clients de l’ASFC ont dû attendre anormalement longtemps pendant que vous vaquiez à vos affaires personnelles.

Vos gestes constituent une infraction au code de conduite de l’Agence, particulièrement un manquement au devoir :

Le présent Code contient les normes sur la conduite attendue des employés de l’ASFC, mais il n’est pas exhaustif. Notre valeur liée au professionnalisme nous oblige également à être attentifs, vigilants et fiables. Donc, tout manquement à notre devoir constitue une entorse à nos normes rigoureuses. À titre d’exemple en tant que professionnels, nous : exécutons sans délai les politiques, procédures, tâches et instructions de nos gestionnaires; respectons les lois, règles, règlements et politiques applicables; évitons de manquer d’attention ou de dormir au travail; nous présentons au travail selon l’horaire fixé et ne nous absentons pas de notre travail sans cause raisonnable ou autorisation.

[…]

Compte tenu de ce qui précède, et pour signifier toute la gravité de vos gestes, nous vous imposons une suspension de deux jours, les 21 et 22 juillet 2014.

Pour rendre cette décision, nous avons tenu compte du fait que vous n’aviez pas donné d’explications claires et raisonnables pour justifier l’omission d’effectuer le travail qui vous avait été confié. Nous avons également tenu compte de l’information que vous nous avez communiquée en lien avec l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[…]

 

[150] En mai 2014, le fonctionnaire occupait toujours le poste d’adjoint à l’exécution de la loi CR‑05, mais il faisait de l’archivage. Au sein de cette équipe, il relevait de M. Uzoruo pour ce qui est de l’assiduité et de la charge de travail. Toutefois, comme il est mentionné précédemment, son dossier aux relations de travail et les questions relatives au personnel étaient la responsabilité de Mme Jelani dans un souci de stabilité.

[151] Les notes dactylographiées de M. Uzoruo pour la période du 6 au 16 mai 2014 ont été déposées en preuve. Les parties pertinentes de ces notes sont reproduites ci‑dessous :

[Traduction]

 

Le 12 mai 2014

J’ai demandé à Trishann de se charger du travail de Nilesh pour 2010 dans la première moitié de la journée tout en s’occupant de ses propres tâches.

Elle a été en mesure de traiter 35 dossiers en moins de 3 heures, même si elle a été constamment interrompue par d’autres membres du personnel, et même si elle a pris sa pause régulière.

Selon son horaire, Neil devait mener une entrevue à 10 h 51. Il n’a pas rencontré le client. Il a pris son dîner de 11 h à 12 h. Il n’est pas retourné au travail avant 12 h 38, environ. Il n’a donné aucune explication quand il est revenu au bureau.

Il est entré dans mon bureau pour me dire qu’il n’avait pas aimé que j’informe Jonathan et [nom d’un autre employé caviardé] de son absence. À son avis, j’aurais dû lui en parler directement.

Je lui ai répondu que j’avais avisé Trishann, puisqu’elle le cherchait pour moi. Jonathan en a été informé, comme il a le droit de l’être au cas où il y aurait des plaintes.

J’ai averti Nilesh qu’un des clients était devenu agité en raison du temps d’attente, et que je ne savais pas où il se trouvait.

Il m’a ensuite informé qu’il avait rencontré le directeur tout de suite après son dîner.

Je lui ai souligné que, par simple courtoisie, il doit aviser les gens de l’accueil quand il part pour son dîner et m’informer, moi, en cas d’absence prolongée. Il est inexcusable que des clients attendent pendant une heure et demie.

Il m’a alors répondu que cela aurait normalement dû être peu occupé, et qu’il ne s’attendait pas à ce qu’un client se présente.

Je lui ai rappelé que le premier client s’est présenté avant son dîner. Il savait également ce qui était à son horaire et aurait dû retourner à son bureau pour consulter ses courriels ou informer le personnel du comptoir d’accueil qu’il serait absent pendant une courte période.

Khalida avait frappé à ma porte et je l’avais invitée à s’asseoir dans mon bureau.

J’ai informé Nilesh qu’il y avait une autre question dont je voulais discuter avec lui.

Je lui ai souligné que, depuis que Shred It avait recueilli les boîtes, le 6 mai, il n’avait pas produit une seule boîte en sept jours ouvrables. Au cours de cette période, Nilesh avait été mis à l’horaire une seule fois [le passage en évidence l’est dans l’original] en tant que responsable de l’accueil.

15 mai 2014

Nilesh est entré dans mon bureau après avoir vu ses clients, autour de 13 h, pour me dire qu’il avait réussi à répondre aux demandes rapidement, car elles étaient simples. Il s’est approché pour m’aviser qu’il n’avait pas aimé que j’informe Trishann, Khalida et Jonathan par courriel. Il m’a dit que je devais plutôt lui parler en personne.

Je lui ai répondu que j’allais quitter les lieux sous peu et que la question était assez grave pour que j’en saisisse notre chef. Khalida est la personne‑ressource immédiate de Nilesh, et Trishann, qui me remplace généralement, devait aussi être informée. J’ai précisé que mon mandat prendrait fin dans quelques semaines et que ces personnes devaient être informées en cas de plainte.

Khalida est entrée dans mon bureau. J’ai décidé de soulever le fait que Nilesh n’avait accompli aucune de ses tâches principales (destruction des dossiers) depuis huit jours. Je lui ai demandé d’expliquer pourquoi il n’avait effectué aucun travail pendant cette période.

Je l’ai informé que l’autre CR‑5 a dû accomplir ses tâches à lui en plus des siennes. Elle a été en mesure de traiter l’équivalent de trois boîtes en moins de deux heures.

Nilesh n’avait rien produit.

Il m’a répondu qu’il avait l’impression que ce qu’il faisait n’était pas important, que nous savions qu’il avait une maîtrise. Je lui ai répondu que, par rapport au poste de premier ministre, mon poste à moi aussi est moins crucial. Par contre, si je ne joue pas mon rôle, c’est toute l’équipe qui ne peut pas fonctionner efficacement.

Je l’ai informé que l’espace était limité dans la salle des dossiers. Il nous en coûte des dizaines de milliers de dollars pour que la salle soit en ordre avant la fin de l’exercice financier. Un aspect critique de la gestion de l’archivage consiste à sortir les dossiers aussi rapidement que possible.

Il a répondu qu’il était parti parce qu’il n’attendait pas de clients. Je lui ai rappelé que nous ne mettons pas les clients à l’horaire. Certains jours, il y aura de l’achalandage (sept clients), alors que d’autres journées seront tranquilles. Je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas vérifié ses courriels avant 11 h et pourquoi il n’avait informé aucun gestionnaire de son absence prolongée. Il n’a pas su répondre.

Je lui ai rappelé que ses dossiers sont généralement plus gros et faciles à identifier. Leur traitement ne nécessite pas beaucoup de temps.

On lui a dit que je m’attendais à ce qu’il traite au moins 60 dossiers par jour.

16 mai 2014

Nilesh a répondu par courriel, insinuant qu’il faisait un travail semblable à celui d’une ancienne FB‑03. C’est complètement faux. Il s’occupe seulement des dossiers de visa (droit d’établissement) à détruire. L’ancienne FB‑03 faisait l’archivage et la destruction de tous types de dossiers, comme les autres CR‑05.

Nilesh a prétendu qu’il était responsable des dossiers no 6. Un courriel a été envoyé à tout le personnel pour annoncer que l’ensemble des dossiers et des pièces jointes avaient été mis à classer par les CR-3 depuis le début de mars. Trois CR-3 s’occupent des dossiers à classer pendant une heure chaque jour. À l’occasion, je l’ai fait moi‑même. Nilesh n’est responsable d’aucune série de dossiers en particulier, et je ne l’ai pas vu s’occuper de dossiers à classer depuis que je suis en poste.

Nilesh a mentionné qu’il apporte parfois son aide à l’accueil. C’est très rare. En avril, il était à l’horaire au comptoir pour un total d’une heure.

Pour tout le mois de mai 2014, il a travaillé 5,5 heures à l’accueil.

Il était censé travailler l’équivalent de deux jours en avril pour accomplir les tâches d’un CR‑5 au comptoir d’accueil. En mai 2014, il devait y consacrer un total de quatre jours. Il a été absent pendant un jour et demi. On lui a enlevé cette tâche principale le 21 mai 2014.

Compte tenu d’un horaire favorable, Nilesh aurait dû pouvoir traiter un nombre appréciable de dossiers à détruire chaque mois. Il devrait être en mesure de produire au moins 60 boîtes par mois. À ce jour, il n’en a traité aucune.

Nilesh a indiqué qu’il ne croit pas devoir informer le comptoir d’accueil ou les gestionnaires du moment auquel il prend ses dîners réguliers. On lui a demandé de le faire, comme tous ses pairs, afin que quelqu’un sache où il est si on le cherche.

Il dit ne pas comprendre la raison de toute cette panique occasionnée par son absence d’une heure et demie pour des raisons « légitimes », et il n’a pas reconnu qu’il aurait dû vérifier ses courriels avant 11 h et informer la direction de son absence prolongée du comptoir d’accueil.

Durant notre rencontre, je l’ai avisé que les clients étaient en colère à cause de sa longue absence. Il m’a répondu par écrit que cette responsabilité m’incombait vu que j’étais superviseur.

J’ai commencé à chercher Nilesh seulement vers 12 h 06, après de multiples appels au comptoir d’accueil. À ce moment, Nilesh aurait dû être revenu à son bureau.

[…]

 

[152] Dans son témoignage, M. Uzoruo a identifié les notes et expliqué les deux éléments suivants, qui y sont relevés et ont mené à la suspension de deux jours imposée au fonctionnaire :

1. son absence durant l’heure de dîner;

2. le fait qu’il n’a effectué aucun travail pendant plus d’une semaine.

 

[153] L’unité d’archivage est chargée de conserver et d’entreposer les dossiers. En raison de la capacité limitée de la salle des archives, une des tâches des adjoints à l’exécution de la loi consiste à examiner les anciens dossiers et à déterminer lesquels doivent être détruits. Selon M. Uzoruo, différents types de dossiers doivent être conservés pendant des périodes différentes, après quoi ils sont retirés et détruits par une entreprise de déchiquetage externe.

[154] M. Uzoruo a témoigné qu’un aspect du travail du fonctionnaire consistait à répondre aux demandes d’information au comptoir d’accueil. Plusieurs employés travaillaient à l’accueil suivant un horaire établissant quels employés étaient affectés au comptoir d’accueil, et à quel moment pendant leurs quarts de travail.

[155] Le 15 mai 2014, le fonctionnaire avait la responsabilité du comptoir d’accueil, et deux personnes sont arrivées et n’ont reçu aucun service. Un échange de courriels entre M. Uzoruo et le fonctionnaire a été déposé en preuve. M. Uzoruo y soulignait au fonctionnaire que la personne ayant le premier rendez‑vous attendait au comptoir depuis 10 h 50 et la deuxième, depuis 11 h 18. Dans son courriel, M. Uzoruo rappelait au fonctionnaire qu’il ne l’avait pas informé de son intention de s’absenter et qu’il n’avait pris non plus aucune disposition pour se faire remplacer à l’accueil. Le fonctionnaire lui a répondu qu’il avait pris son heure de dîner à 11 h, comme d’habitude, et qu’il avait fait un échange de présence à l’accueil pour rendre service à un autre employé. Dans son témoignage, il a expliqué qu’ils avaient échangé non pas leur heure de dîner, mais les tâches à l’accueil.

[156] Le fonctionnaire a affirmé qu’il est parti dîner à son heure habituelle et qu’il ne voyait pas où était le problème. Quand on lui a demandé s’il avait été absent, il a répondu que son intention n’avait pas été de s’absenter, mais d’aller dîner. Il a pris une heure pour dîner et expliqué que les employés jumelaient souvent leur demi‑heure de dîner et leurs deux pauses de 15 minutes pour avoir une heure complète.

[157] M. Uzoruo a déclaré que le fonctionnaire s’occupait d’un certain type de dossiers, lesquels étaient généralement peu épais et étiquetés. Un calendrier fixe avait été établi avec l’entreprise de déchiquetage externe, et l’unité des archives utilisait un logiciel fourni par cette entreprise pour coordonner la cueillette des boîtes destinées au déchiquetage. Les dossiers étaient sortis de la salle et placées dans des boîtes.

[158] D’après la preuve présentée par l’employeur, le fonctionnaire n’a produit aucune boîte destinée à la disposition et au déchiquetage des dossiers pendant sept jours ouvrables, même s’il en était responsable pendant cette période. Certains éléments de preuve portent à croire qu’il n’a rien fait pendant huit jours. Quand M. Uzoruo a dit que, ayant constaté que le fonctionnaire n’avait accompli aucune de ses tâches, il en a parlé avec lui. Le fonctionnaire lui a répondu qu’il avait une maîtrise et que la destruction des dossiers n’était pas un travail important. M. Uzoruo a dit lui avoir expliqué que l’espace était limité dans la salle d’archives et que le travail devait se faire, et également avoir précisé au fonctionnaire le volume de travail qui était attendu de lui, c'est-à-dire 60 boîtes par mois. Un échange de courriels datés du 16 mai 2014, d’abord entre le fonctionnaire et M. Uzoruo, puis avec copie à M. Kamin, Mme Jelani et M. Star, a été déposé en preuve. Certaines parties de ces messages sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

[…]

 

[Courriel envoyé par le fonctionnaire à M. Uzoruo, avec copie à Mme Jelani et à M. Star, à 10 h 39]

J’aimerais faire un suivi de notre discussion d’hier à propos de la productivité qui est attendue de moi dans l’équipe des archives. Comme tu le sais, l’employée de niveau FB-03 qui travaillait avec moi auparavant [nom caviardé], a changé de poste. Je travaille donc seul et je fais mon possible pour assumer tous les nombreux rôles qui me sont confiés. J’aimerais donc que tu me dises pourquoi je devrais produire 60 dossiers par jour (apparemment parce que je suis plus intelligent?) alors que [nom caviardé] doit seulement produire 30 dossiers ou moins chaque jour? Ça me semble vraiment arbitraire et injuste […] J’aimerais qu’on m’explique ça par écrit.

 

[Courriel de M. Uzoruo au fonctionnaire, avec copie à Mme Jelani et à MM. Star et Kamin, à 11 h 6]

Il semble que tu aies mal compris les attentes que j’ai exprimées de vive voix hier.

Nous avons eu cette conversation parce que tu n’as traité aucun dossier pendant huit jours ouvrables, ce que tu as expliqué en répondant que ton travail vous semblait sans importance.

L’employée de niveau FB‑03 qui travaillait auparavant avec toi a été affectée à une autre équipe. Tes responsabilités ne sont pas les mêmes que celles dont elle s’acquittait, et ses tâches à elle ne t’ont pas été attribuées après sa mutation.

Comme je l’ai expliqué hier, la seule autre employée CR‑05, [nom caviardé], a été en mesure de traiter 35 dossiers en moins de 3 heures, même si elle était sans cesse interrompue pour s’occuper d’autres tâches.

Selon ce calcul, elle a traité environ 12 dossiers à l’heure.

Dans une journée de travail normale, nous sommes tous censés faire 7,5 heures.

Si on compte les 30 minutes pour le dîner et les deux pauses de 15 minutes, nous parlons ici de 6,5 heures de travail.

Pour être plus logique, j’ai également tenu compte d’un certain temps (30 minutes) pour aller aux toilettes, par exemple. En définitive, on s’attendrait à un minimum de 6 heures productives par jour.

À raison de 10 dossiers à l’heure au minimum, tu devrais traiter au moins 60 dossiers par jour (10 x 6). À l’extrémité supérieure, ce serait 72 dossiers par jour (12 x 6).

Un RQA documentant les dossiers traités sera requis chaque jour, accompagné de la documentation écrite.

 

[Courriel de M. Kamin au fonctionnaire, avec copie à M. Uzoruo et à Mme Jelani, à 11 h 22]

S’il te plaît, viens me voir quand tu auras un moment.

 

[Courriel du fonctionnaire à M. Kamin, avec copie à MM. Uzoruo et Star et à Mme Jelani, à 11 h 37]

Mauvais moment. Pour éviter toute autre complication, je serais prêt à te voir après le dîner si ça convient.

 

[Courriel de M. Kamin au fonctionnaire, avec copie à M. Uzoruo, à 11 h 42]

Je t’ai demandé de venir me voir à mon bureau, et tu as refusé. Je ne sais pas pourquoi, mais tu as pu penser que cela avait un lien avec le courriel dont une copie m’a été acheminée aujourd’hui. Tu n’avais aucune idée de ce dont je voulais te parler, mais tu as refusé d’emblée de venir me voir.

Nous allons parler de ce comportement la semaine prochaine et, entre‑temps, les deux personnes qui travaillent aux archives vont remplir un rapport quotidien d’activité, dont ton superviseur te communiquera l’essentiel.

 

[Courriel du fonctionnaire à M. Kamin, à 12 h 53]

J’espère que tu ne seras pas surpris, mais, à titre d’information, ma supérieure hiérarchique immédiate est Khalida, et non pas Chukwu. Donc, à moins d’avoir d’autres instructions, je remettrai mon RQA à elle, puisque je ne relève pas de Chukwu directement.

 

[Courriel de M. Kamin au fonctionnaire, à 13 h 53]

Eh bien, tu peux me le remettre à moi, si ça pose un problème. Si Khalida était au bureau, je lui demanderais de remettre le document à l’équipe. Comme elle est absente, Chukwu la remplace pour certaines questions, conformément à mes directives.

Es-tu en train de me dire que tu ne respecteras pas une directive de ton gestionnaire?

 

[Courriel du fonctionnaire à M. Kamin, à 14 h 02]

Non, Jonathan.

Je proposais simplement une solution de rechange, c’est‑à‑dire que je pourrais me tourner vers une personne qui connaît ma situation depuis le début (et à vrai dire, je ne savais pas que Chukwu remplaçait Khalida). Est‑ce que tu veux quand même que je te fournisse une copie? Je ne sais pas si tu pourras comprendre le document vu que tu ne connais pas mon style de rédaction, mais je peux aussi en remettre une à Khalida avant de m’en aller (sous peu), si tu le souhaites. Ça me semble raisonnable dans les circonstances.

 

[Courriel de M. Kamin au fonctionnaire, à 14 h 5]

Pourvu que tu fournisses les données requises à un ou l’autre superviseur, ça ira. Chukwu accepte aussi les données d’un membre de ton équipe, pour qu’il puisse faire le suivi. Ça me semble logique, mais si tu veux envoyer le document à Khalida, ça me convient. Tu dois comprendre que les directives d’un gestionnaire ne sont pas facultatives.

 

[Courriel du fonctionnaire à Mme Jelani, à 15 h 4]

Je t’enverrai le document dans un courriel distinct. Je suis incapable de le joindre en format Excel pour une raison quelconque.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[159] Comme il est mentionné dans l’échange de courriels du 16 mai 2014, le fonctionnaire a envoyé son rapport quotidien d’activité (RQA) à Mme Jelani, par courriel, le 16 mai 2014, à 15 h 5. Une copie a été déposée en preuve.

[160] Dans son interrogatoire principal, le fonctionnaire s’est vu présenter les notes de M. Uzoruo et on lui a demandé de parler de la discussion qu’il avait eue avec ce dernier le 15 mai 2014. Il a répondu qu’il ne se souvenait pas de la teneur de la discussion, mais qu’il se rappelait que M. Uzoruo avait crié contre lui. Quand son avocate lui a répété la question, le fonctionnaire a répondu qu’il en avait un [traduction] « souvenir confus » et que c’était [traduction] « un brouillard dans son esprit ». Quand il a été interrogé au sujet de l’extrait précisant qu’il n’avait effectué aucun travail pendant huit jours, le fonctionnaire a expliqué qu’il était resté bloqué sur un dossier, que c’était peut‑être une boîte, qu’on lui avait demandé de faire un travail important et qu’il avait vérifié des documents et essayé de se protéger en veillant à ne pas détruire de dossiers ni de données. Selon lui, M. Uzoruo avait une perspective différente de la situation, et le fonctionnaire ne savait pas pourquoi il l’avait interrogé. Son avocate lui a alors demandé pourquoi il n’en avait pas parlé à M. Uzoruo. Le fonctionnaire a répondu que ce dernier était tellement en colère qu’il n’avait pas eu la possibilité de s’expliquer. Il a ensuite affirmé qu’il avait peur de M. Uzoruo et qu’il était trop effrayé.

[161] M. Uzoruo a témoigné les 23 et 24 septembre 2020. Le fonctionnaire a assisté à son témoignage. Aucune des questions posées à M. Uzoruo en contre‑interrogatoire ne fait mention qu’il avait été en colère contre le fonctionnaire, qu’il avait agi d’une manière laissant penser qu’il était fâché, qu’il avait élevé la voix ou crié contre le fonctionnaire ou encore que son comportement pouvait avoir effrayé celui-ci.

[162] En interrogatoire principal, le fonctionnaire a été invité à dire s’il avait avisé Mme Jelani qu’il travaillait sur un dossier ou une boîte, et il a répondu par l’affirmative. Quand son avocate lui a demandé à quel moment il l’avait mise au courant, il a répondu comme suit :

[Traduction]

 

Permettez‑moi de clarifier les choses. Ce que j’essaie de dire, c’est que je croyais qu’elle savait tout ce qui se passait. Nous avions une relation ouverte. Elle savait que je faisais de mon mieux. C’est pour ça que j’ai dit qu’elle était au courant. À mon avis, elle savait ce que je faisais. Je pensais que M. Uzoruo était au courant de mes mesures d’adaptation. Je fonctionnais suivant ces hypothèses.

 

[163] En interrogatoire principal, on a demandé au fonctionnaire s’il avait refusé de se présenter au bureau de M. Kamin après que celui‑ci le lui avait demandé, le 16 mai 2014. Il a répondu qu’il avait refusé parce que cette demande n’avait pas de sens. Il a précisé ensuite qu’il avait tellement peur, après qu’on ait crié contre lui, qu’il se méfiait des gestionnaires. Il a dit en avoir discuté avec son représentant syndical et avoir décidé de ne pas rencontrer les gestionnaires seul. Il s’attendait à ce que des mesures disciplinaires soient prises contre lui, puisque c’était tout ce qu’il avait connu jusqu’alors.

[164] Dans un courriel daté du 22 mai 2014, M. Kamin a enjoint au fonctionnaire de se présenter à son bureau, avec un représentant syndical s’il le désirait, aux fins d’établir les faits concernant ses tâches, ses responsabilités et son rendement au travail. En réponse, le fonctionnaire a informé M. Kamin qu’il demanderait à son représentant s’il pouvait l’accompagner. M. Kamin lui a répondu qu’il devait choisir quelqu’un d’autre pour l’accompagner si le représentant auquel il pensait n’était pas disponible, car la rencontre aurait lieu le 28 mai 2014. Le 23 mai 2014, le fonctionnaire a ensuite envoyé un courriel à M. Kamin, affirmant ce qui suit :

[Traduction]

 

Jonathan, jusqu’à maintenant, les membres de la direction ont fait preuve de courtoisie et d’égards à mon endroit […] ont joué franc jeu.

Est‑ce que tu entrevois une issue positive? J’ai l’impression que ton idée est déjà faite sur la question…?

Je ne sais pas si tu le sais, mais puisque tu me connais depuis longtemps, tu es bien placé pour comprendre mes besoins […] comme nous en avons déjà discuté avec les gestionnaires.

[…]

 

[165] Plusieurs courriels ont été échangés entre M. Kamin et le fonctionnaire entre les 22 et 27 mai 2014. En outre, le fonctionnaire s’est présenté au bureau de M. Kamin sans prévenir et sans rendez‑vous. Après cette brève rencontre, il a envoyé un long courriel à M. Kamin, daté du 27 mai, à 13 h 57. Il y mentionnait en termes généraux les mesures d’adaptation, sa situation (sans vraiment préciser la nature véritable du problème) et ses droits relatifs à la protection de la vie privée. M. Kamin lui a répondu à 14 h 20, en ces termes :

[Traduction]

 

[…]

Nilesh, j’avoue ne pas comprendre de quoi tu parles.

Comme tu le sais, mon emploi du temps est chargé, et je dois m’occuper de nombreuses urgences. Nous avons donc fixé une rencontre afin de réserver suffisamment de temps. Je n’avais pas le temps d’en discuter avec toi ce matin, et ce n’était ni le moment ni l’endroit pour le faire. Ce n’est pas la première fois que tu viens dans mon bureau sans tenir compte de la chaîne de commandement – c’est‑à‑dire ton superviseur, ni du fait que je ne peux simplement pas tout laisser tomber pour m’occuper d’une situation devant faire l’objet d’une rencontre officielle inscrite à l’horaire.

Quant à ce que j’ai dit à propos de la présence de ton représentant syndical, je t’ai expliqué que je veux aborder les questions de rendement en privé et sans que l’on soit dérangés. J’ai également souligné que ton représentant syndical est là pour aider et qu’il t’aidera à régler les préoccupations, questions ou problèmes qui auront été soulevés lors de notre rencontre. Tu peux consulter ton représentant, car il est là pour ça. C’est tout ce que j’ai dit.

[…]

 

[166] Le 28 mai 2014, une rencontre s’est tenue entre 10 h 20 et midi. Étaient présents le fonctionnaire et son représentant syndical, Michael Gurr, ainsi que MM. Kamin et Uzoruo et Mme Jelani. Les notes imprimées que Mme Jelani a prises à la rencontre ont été déposées en preuve. Ces notes précisent la personne qui parle comme suit : « J » désigne M. Kamin, « C » désigne M. Uzoruo, « K » désigne Mme Jelani, « N » désigne le fonctionnaire et « M » désigne M. Gurr. Les parties pertinentes des notes sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

 

Objet : problème de rendement, description de travail satisfaisante, sans lien avec les mesures d’adaptation

J – Pourquoi ne fais-tu pas le travail comme demandé? Pourquoi refuses-tu de suivre les directives des gestionnaires?

Le 15 mai, on m’a signalé que tu avais traité seulement un dossier à l’archivage durant une période d’environ deux semaines.

C – Explique les tâches de Nilesh, les boîtes remplies de dossiers archivés et placés dans la salle des dossiers pour destruction. Seul [autre employée] et Nilesh travaillent à l’unité. – [autre employée] a reçu pour instruction de garder ses dossiers d’archivage à son bureau.

N – Je fais de mon mieux. Je n’ai rien à ajouter, et les gestionnaires ont tout dans mon dossier.

J – N’as‑tu pas eu de formation individuelle?

N – Vous avez toute l’information dont vous avez besoin. C’est complètement injuste (que je sois ici). Tout ce processus est inacceptable.

J – Pourquoi trouves-tu ça injuste?

N – Je ne peux donner aucun détail, vous avez toute l’information, il suffit de la lire.

J – Voilà qui pourrait mener à des mesures disciplinaires.

N – Ça ne devrait pas. Je pense que tu sais que je travaille dur. Je n’ai aucune réticence à le dire. Tu sais que je travaille beaucoup, comme quand j’étais au gym […]

J – C’est bien beau de travailler fort dans le gym, mais comment est-ce que tu t’y prends au travail?

N – J’essaie de vous faire voir la situation dans son ensemble. Vous vous attardez aux détails.

C – Tu considères que l’archivage fait partie des détails. C’est quoi alors la situation dans son ensemble?

N – À qui dois‑je répondre? Je pensais que c’était une réunion dirigée par Jonathan.

J – Il s’agit d’une réunion de gestion pendant laquelle tu dois répondre aux questions, peu importe qui les pose.

N – Le fait que je sois ici est complètement inacceptable. J’ai une longue carrière ici, et c’est impossible de rester longtemps fonctionnaire si on n’apporte pas une contribution utile.

C – Je t’en prie, explique ton travail au quotidien.

N – Chukwu, j’ai déjà répondu à cette question. Je réponds à trois personnes, toi, Chukwu, Khalida et Trishann.

C – Au soutien opérationnel – tu relèves de Khalida, mais ici, tu as des tâches différentes, comme tous les autres, selon le rôle qui t’est confié.

N – Khalida est impliquée dans mon dossier. On m’a conseillé de ne rien dire de plus. Le syndicat m’a conseillé de ne pas parler. Michael est ici et j’ai été avisé par Murray de ne rien dire.

J – Tu es conscient que ton refus de répondre peut faire en sorte que nos notes vont aller plus haut?

N – C’est très malheureux que la situation en soit venue à ça.

[…]

J – « Comme tu le sais, je porte plusieurs chapeaux, alors je t’informerai » (courriel de Nilesh), peux‑tu expliquer?

N – Je pense que j’en ai assez dit ici. Je pense vraiment que vous devriez examiner ma situation de plus près.

J – Tu fais allusion également à tes heures de travail et à tes pauses?

Pouvons‑nous d’abord commencer par tes heures de travail?

N – Je travaille de 7 h à 15 h.

J – Tu prends une pause pour le dîner?

N – Entre 11 h et 12 h, à peu près.

[…]

C – À 10 h 51 et à 11 h 18, des clients sont arrivés au bureau, et l’heure de dîner de Nilesh est de 11 h à midi. À 12 h 39, j’ai envoyé un courriel à Nilesh pour lui demander de se présenter, puisqu’un client attendait. À 12 h 27, Nilesh a répondu par courriel qu’il avait dû arrêter en chemin pour parler au directeur. Le client attendait depuis 1,5 heure et était agité parce qu’on ne le servait pas. En supposant que Nilesh aurait pu revenir à midi, je lui ai ordonné à 12 h 39 de se présenter au comptoir d’accueil pour parler avec le client.

N – J’ai essayé de m’occuper de la situation du mieux que je pouvais. J’étais en train de réunir l’information avant de lui parler, car c’était ce qu’on m’avait dit lors de ma formation de FB.

J – Alors quand as‑tu appris qu’un client attendait après toi?

N – C’est injuste pour moi d’être ici, vous devriez regarder toute la situation.

C – Nilesh n’a pas aimé que je lui donne l’exemple de l’importance du poste du premier ministre par rapport au mien.

N – Quelle est l’importance de l’archivage? J’ai dit que les gestionnaires devraient y accorder plus d’importance. On s’occupe davantage des renvois, par exemple.

C– Je t’ai expliqué ton rôle au sein de la Division des opérations relatives à l’exécution de la loi et au renseignement et l’importance de ton travail. Tu t’identifies à ton travail, tu dis que c’est important, mais on ne le sent pas.

N – À voir la façon dont les dossiers ont été répartis un peu partout au bureau, parce qu’il y a une réduction du personnel, vous pouvez bien dire que c’est important, mais ça ne paraît pas.

M – Tu te sens sous‑estimé, tu ne crois pas que ton travail n’est pas important.

N – J’aimerais que le rôle soit valorisé.

C – Tu as mentionné que tu étais sous‑estimé, étant donné que tu as une maîtrise. C’est pourquoi j’ai essayé de t’expliquer que chaque membre du personnel doit accomplir ses tâches et que la contribution de tout le monde est importante.

N – Si vous aviez pris connaissance de mon dossier, vous sauriez quels sont mes problèmes.

C – Pendant deux semaines, tu n’as rien produit. J’ai envoyé un courriel à tous les membres du soutien opérationnel où j’ai joint encore une fois les documents; tu m’as envoyé un courriel de suivi pour t’assurer que tu faisais les choses comme il le faut.

Ce qui m’inquiète, c’est que tu as demandé de la rétroaction pour le passeport au cours des deux dernières semaines, mais que tu n’as pas été capable de m’aborder.

N – J’ai tenu Khalida informée de mes progrès et de mes difficultés. J’ai informé seulement Khalida. Toi et moi, nous avons bien des choses à dire, mais…

J – Tu as mentionné tes compétences et tes habiletés relativement à la Division des opérations relatives à l’exécution de la loi et au renseignement. Est‑ce que le travail te dépasse ou te sens‑tu surqualifié?

N – [Le nom n’est pas pertinent] a mentionné que le renseignement me conviendrait mieux.

J – Comment expliques-tu que tu n’as effectué aucun travail pendant deux semaines?

N – Je crois qu’on a déjà parlé suffisamment de ça. Ça cause beaucoup de problèmes.

C – Vérification des faits – tu as classé les dossiers n6, est‑ce que tu connais le rôle d’un CR‑03? J’ai envoyé un courriel accompagné d’un calendrier que les CR‑03 doivent suivre pour le classement des dossiers et des pièces. Je ne t’ai jamais vu classer les dossiers numérotés.

K – Clarification – Je lui ai permis de classer les dossiers.

C – Le SNGC a été hors service pendant quelques heures, tu ne t’es pas occupé des dossiers no 6.

J – J’essaie juste de répondre aux préoccupations de Chukwu, car c’est lui qui supervise le secteur.

C – Rien n’a été ajouté (aucun nouveau dossier); j’ai vu que le panier était plein.

N – Je prends certains dossiers ou un chariot pour faire du classement.

Tu ne te rends même pas compte que je m’occupe des dossiers numérotés. Je rencontre tellement de gens quand je fais ce travail-là.

J – Est‑ce que tu remplis ton RQA (Rapport quotidien d’activité)?

N – Oui.

J – Voilà qui nous amène à un autre problème. Si tu exécutes d’autres tâches, tu n’as qu’à déclarer que tu t’es occupé des pièces jointes pendant une heure, par exemple. Tu n’as pas besoin de compter chaque minute. Inscris juste que tu as travaillé au comptoir d’accueil de telle heure à telle heure.

N – D’accord.

J – L’autre problème, c’est que tu écris des pages et des pages pour donner des opinions ou décrire des problèmes. Il vaut mieux que tu suives la chaîne de commandement. Tu dois envoyer ces courriels sur ton temps personnel, à moins que ce soit une question opérationnelle ou que quelqu’un t’ait demandé de faire quelque chose.

Tu as mentionné l’accès au SNGC. As‑tu accès au système?

N – Oui.

J – As‑tu eu de la formation là-dessus?

N – C’est une base de données complexe, j’apprends à la maîtriser.

J – Tu as reçu deux mois de formation concernant l’archivage, es‑tu à l’aise dans ton travail?

N – J’ai mentionné à Chukwu que je voudrais avoir de la formation de [le nom de la personne n’est pas pertinent].

J – Penses‑tu être capable de faire le travail?

N – Je peux m’en charger, mais pas aussi rapidement que je voudrais. Je me sens frustré quand je ne suis pas capable d’obtenir un certain résultat, quand quelque chose me ralentit.

[…]

Nilesh ne m’a pas fait part des problèmes qu’il avait avec l’archivage. Je vérifie auprès de tous mes employés régulièrement, et Nilesh avait mentionné que c’était plus facile quand il y avait plus de gens dans l’équipe (exemple [le nom de la personne n’est pas pertinent]). J’ai expliqué qu’on prévoit d’avoir plus de CR‑05 dans l’unité pour rattraper le retard accumulé. Il n’a jamais mentionné qu’il était bloqué et qu’il ne savait pas quoi faire ni comment accomplir ses tâches. Je ne savais pas à quel point Nilesh était troublé dans son travail quotidien.

[…]

 

[167] Le concept des dossiers « no 6 » a été expliqué par M. Uzoruo. Chaque dossier porte 8 chiffres, et le dernier des 8 (qui peut aller de 1 à 9) désigne le classeur où le dossier doit être rangé. Les dossiers no 6 portent donc un numéro qui se termine par un 6 et doivent par conséquent être placés dans le classeur qui correspond aux dossiers no 6.

[168] M. Uzoruo a expliqué que les non‑citoyens et d’autres clients qui se présentent au comptoir ne peuvent pas simplement entrer dans une salle vide. Les clients et les non-citoyens doivent prendre rendez‑vous, et les employés sont affectés à certaines plages horaires. Il a expliqué que les employés peuvent échanger leurs heures de dîner et leurs responsabilités, mais qu’ils doivent s’assurer qu’il y a un remplaçant s’ils doivent s’absenter pendant leur plage horaire, par exemple pour aller manger ou prendre leur pause. En règle générale, si les employés font des échanges, il n’y a pas de problème. M. Uzoruo a précisé que l’incident en question avait été un cas isolé.

[169] Mme Jelani a témoigné au sujet de la rencontre du 28 mai 2014 et a affirmé que le fonctionnaire n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait fait aucun travail. Elle a mentionné que, après la rencontre, elle et le fonctionnaire avaient continué d’en parler, et c’est à ce moment‑là qu’il avait dit être bloqué. Elle a dit avoir abordé avec le fonctionnaire le fait qu’il n’accomplissait pas ses tâches, et la question des mesures d’adaptation. La différence entre les deux, selon elle, était très claire. Le fonctionnaire n’avait pas effectué de travail pendant une longue période et, tout ce qu’il avait dit, c’est qu’il était bloqué. Si tel était le cas, il n’a pas expliqué pourquoi il n’en avait parlé à personne. Durant toute la période où il n’a pas travaillé, selon ce qu’a constaté l’employeur, le fonctionnaire n’a jamais demandé l’aide d’un tiers pour pouvoir avancer ou savoir quoi faire. D’après Mme Jelani, il n’y avait pas de raison pour que le fonctionnaire ne réclame pas d’aide. Elle a dit lui avoir demandé pourquoi il n’avait rien dit, et il avait répondu que les gens du SDI lui avaient enjoint de ne pas parler. Elle lui avait souligné qu’il aurait dû solliciter l’aide de quelqu’un. Selon elle, le fonctionnaire n’a pas précisé pourquoi il était bloqué, ni mentionné ce qui en était la cause.

[170] M. Star a témoigné qu’il n’avait pas assisté à la rencontre du 28 mai 2014, parce que les mesures d’adaptation n’étaient pas à l’ordre du jour, de sorte qu’un autre membre pouvait y aller. Il a confirmé avoir conseillé au fonctionnaire de ne rien dire au sujet des mesures d’adaptation, et de ne pas répondre aux questions lors de la rencontre.

[171] M. Uzoruo a affirmé qu’il n’avait jamais été informé que le fonctionnaire était Asperger. Il ne savait pas non plus qu’il avait une incapacité ou qu’il avait besoin de mesures d’adaptation.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

[172] Outre la Loi, le fonctionnaire m’a renvoyé à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6, la « LCDP ») et à Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 RCS 536; Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30 (« Stewart »); Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, 1992 CanLII 81 (CSC) (« Central Okanagan »); H. (K.). v. C.E.P., Local 1-S, 1997 CarswellSask 826; Complainant v. Alberta Union of Provincial Employees, 2015 CanLII 51529 (AB LRB); Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3; Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35; Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTEFP 3; Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15; Federated Cooperatives Ltd. v. Teamsters, Local 987 (2010), 194 L.A.C. (4e) 326; Association des juristes de justice c. Canada (Procureur général), 2017 CSC 55; Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2005 CRTFP 150; Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2018 CRTESPF 76; Hare c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2019 CRTESPF 59; Willoughby c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 45; Ontario (Liquor Control Board) v. OLBEU (Sanfilippo), 2005 CarswellOnt 10936; Wm. Scott & Co. v. Canada Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 Can. LRBR 1; Desjardins c. Administrateur général (Services partagés Canada) et Conseil du Trésor (Services partagés Canada), 2020 CRTESPF 43; Zettel Manufacturing Ltd. v. CAW-Canada, Local 1524, 2005 CarswellOnt 7877; Kinsey c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 30; Johnstone c. l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TCDP 20; Richards c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada, 2010 TCDP 24; Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 110; Rogers c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 101; First Canada ULC v. International Union of Operating Engineers, Local Union No. 955, [2020] AGAA No. 22 (QL); LaBranche c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur), 2010 CRTFP 65; Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers, [2010] C.L.A.D. No. 219 (QL); Gallinger c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 54.

[173] En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑02‑9129, le fonctionnaire a soutenu qu’il ne sollicitait pas de décision ni de redressement. De plus, il ne présente aucun argument au sujet de la compétence.

[174] En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑02‑9130, le fonctionnaire a retiré sa plainte.

[175] En ce qui concerne les dossiers de la Commission 566‑02‑9131 et 9132, le fonctionnaire demande ce qui suit :

1. que la rétrogradation soit annulée et qu’il soit réintégré dans son poste d’AELBI au niveau FB‑03;

2. qu’il soit dédommagé pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux, d’une somme équivalant à l’écart observé entre son poste d’AELBI FB‑03 et le poste d’adjoint à l’exécution CR‑05;

3. qu’il reçoive des intérêts sur le revenu perdu;

4. qu’il reçoive des dommages en application de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP.

 

[176] En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑02‑12599, le fonctionnaire réclame des dommages en application de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[177] En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑02‑12600, le fonctionnaire a précisé qu’il ne sollicitait pas de décision ni de redressement. De plus, il ne présente aucun argument au sujet de la compétence.

[178] En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑02‑12601, le fonctionnaire demande ce qui suit :

1. que la suspension disciplinaire de deux jours soit annulée (il a reconnu que l’employeur avait affirmé qu’il l’indemniserait pour la perte de deux jours de salaire);

2. qu’il reçoive des intérêts sur le salaire perdu;

3. qu’il reçoive des dommages en application de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP.

 

B. Pour l’employeur

[179] L’employeur m’a aussi renvoyé à Central Okanagan et à Stewart, ainsi qu’à Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 RCS 1095; Layne c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2017 CRTEFP 10; McLaughlin c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 83; Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), [2008] 2 RCS 561; Magee c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 1; Leclair c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 97; Topping c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2014 CRTFP 74.

[180] En ce qui concerne le grief disciplinaire qui constitue le dossier de la Commission 566‑02‑12601, l’employeur a indiqué qu’il était prêt à rembourser au fonctionnaire les deux journées de salaire perdu à la suite de sa suspension.

[181] L’employeur a demandé que les griefs soient rejetés.

[182] Subsidiairement, si le grief concernant l’omission de prendre des mesures d’adaptation est accueilli et que des dommages sont accordés, ces dommages devraient être minimes, puisque l’employeur a agi de bonne foi et que ses actes n’étaient pas inconsidérés.

IV. Motifs

A. Demande de mise sous scellés des documents

[183] Des copies des évaluations de l’état de santé et des dossiers et rapports médicaux produits par des professionnels de la santé à propos des problèmes de santé du fonctionnaire durant la période pertinente ont été déposés en preuve. Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, aux paragraphes 9 à 11, la CRTFP s’est exprimée comme suit :

9 La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d'une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l'encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la « liberté d’expression » de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

10 Cependant, la liberté d'expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non-publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’exigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd'hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

11 Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non-publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d'une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

1. elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque.

2. ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[184] Comme l’a noté récemment la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, au paragr. 7, un aspect de la vie privée constitue un intérêt public important pour l’application de ce critère. La tenue de procédures judiciaires publiques peut mener à la diffusion de renseignements personnels très sensibles, laquelle entraînerait non seulement un désagrément ou de l’embarras pour la personne touchée, mais aussi une atteinte à sa dignité. Dans les cas où il est démontré que cette dimension plus restreinte de la vie privée, qui semble tirer son origine de l’intérêt du public à la protection de la dignité humaine, est sérieusement menacée, une exception au principe de la publicité des débats judiciaires peut être justifiée.

[185] Même si une bonne partie des enjeux médicaux était pertinente aux fins de l’audience et du règlement des griefs, les dossiers médicaux du fonctionnaire ne devraient pas être rendus publics dans leur intégralité. Il s’agit de renseignements personnels très sensibles qui menaceraient sérieusement sa vie privée. Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés des documents qui ont été déposés et marqués comme suit :

· Pièce G‑1, onglet 36, six pages renfermant les résultats aux tests que le Dr Glassman a fait passer au fonctionnaire le 6 décembre 2010;

· Pièce E‑1, onglet 41, et pièce G‑1, onglet 35 : lettre datée du 7 décembre 2010 envoyée par le Dr Glassman au Dr Glass;

· Pièce E‑1, onglet 42, et pièce G‑1, onglet 38 : lettre datée du 5 janvier 2011 envoyée par le Dr Glass à Mme Ptasznik;

· Pièce E‑1, onglet 44, et pièce G‑1, onglet 47 : lettre datée du 15 août 2011 envoyée par le Dr Chernin au Dr Shapiro;

· Pièce E‑1, onglet 44, et pièce G‑1, onglet 49 : lettre datée du 16 août 2011 envoyée par le Dr Shapiro à Mme Ptasznik;

· Pièce E‑1, onglet 44, et pièce G‑1, onglet 53 : lettre datée du 3 octobre 2011 envoyée par le Dr Goldsand au Dr Shapiro;

· Pièce G‑1, onglet 88 : lettre datée du 2 avril 2013, envoyée par Cornerstone (Mme Cait) et adressée [traduction] « À qui de droit »;

· Pièce G‑1, onglet 95 : évaluation psychologique non datée de 17 pages, rédigée par Cornerstone (Mme Cait), avec un résumé de huit pages des résultats aux tests;

· Pièce G‑1, onglet 126 : l’intégralité du troisième volume de la pièce G‑1, c’est-à-dire toutes les données brutes de l’évaluation du fonctionnaire par Cornerstone.

 

[186] Le carnet du fonctionnaire pour la période allant du 22 juillet 2008 au 11 juin 2009 (pièce E‑12) a aussi été déposé en preuve. Il contient des noms et des renseignements concernant des personnes et des événements qui n’ont aucune incidence sur les questions que je dois trancher. Toutefois, une bonne partie de l’information qu’on y retrouve donne des précisions sur des renseignements personnels très délicats relatifs à des voyageurs ou à des gens qui pourraient être renvoyés du pays. Cette information ne devrait donc pas être du domaine public. Puisque ce document est une copie d’un petit carnet que les agents d’exécution de la loi portent sur eux, les notes y apparaissent sous une forme qui oblige à caviarder certains renseignements, tandis que d’autres parties ne sont pas pertinentes. Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés de ce document pendant 30 jours afin de permettre à l’employeur de fournir une copie dans laquelle le nom des personnes, les numéros de dossier et tout autre renseignement de nature personnelle, comme les adresses et les numéros de téléphone, auront été caviardés.

[187] Plusieurs documents visant à décrire les lacunes dans le rendement du fonctionnaire ont aussi été déposés en preuve. Ces documents identifient des tiers, surtout des non‑citoyens, qui auraient interagi avec le fonctionnaire en sa qualité d’AELBI. Une partie de l’information est constituée de renseignements personnels de tiers et ne devrait pas être du domaine public. Ces documents devraient être mis sous scellés pendant 30 jours afin de permettre aux parties de fournir des copies caviardées qui seront versées au dossier. Les documents en question sont les suivants :

· Pièce E‑1, onglets 12, 14, 15 et 16 : notes contenant des noms de non‑citoyens;

· Pièce E‑1, onglet 19 : note au dossier datée du 14 février 2009 et contenant des noms de non‑citoyens;

· Pièce E‑1, onglet 25, et pièce G‑1, onglet 19 : tableau d’évaluation du rendement, assorti de notes contenant des noms et des numéros de dossier de non‑citoyens;

· Pièce E‑1, onglet 26 : notes d’évaluation contenant des noms ou des numéros de dossier de non‑citoyens, ou les deux.

 

B. Bien-fondé des griefs

1. Grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑9129

[188] Le grief a été déposé le 1er novembre 2011. Il y est reproché à l’ASFC de ne pas avoir respecté le processus et les procédures décrits dans l’EAT de Santé Canada et d’avoir dirigé le fonctionnaire vers Santé Canada pour une EAT qui n’a pas permis d’évaluer dûment son état de santé. Dans ses observations, le fonctionnaire a reconnu qu’il ne demande pas de décision à ce sujet ni de redressement. Il n’a pas non plus soutenu que la Commission avait compétence en la matière.

[189] Puisque le fonctionnaire n’a pas demandé de décision ni de redressement dans le cadre de ce grief et qu’aucun élément de preuve n’étaye la compétence de la Commission, le grief est rejeté.

2. Grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑9130

[190] Le grief a été retiré au début de l’argumentation.

3. Griefs dans les dossiers de la Commission 566‑02‑9131 et 9132

[191] Le grief qui deviendrait les dossiers de la Commission 566‑02‑9131 et 9132 a été déposé le 5 septembre 2012. Il visait la rétrogradation du fonctionnaire de son poste d’AELBI, au groupe et au niveau FB‑03, au poste d’adjoint à l’exécution de la loi, au groupe et au niveau CR‑05. Dans les griefs, le fonctionnaire affirmait qu’il avait été victime de discrimination et que l’employeur ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation. À la date du dépôt du grief, le fonctionnaire n’avait évoqué aucune incapacité particulière, et aucune n’avait été diagnostiquée non plus par un professionnel de la santé choisi par le fonctionnaire ou par l’employeur.

[192] Le grief ne mentionnait pas expressément la convention collective, mais il a été renvoyé à l’arbitrage au moyen du formulaire 20 de la Commission (l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale – al. 209(1)a) de la Loi) et du formulaire 21 (sous‑al. 209(1)c)(i) de la Loi – Rétrogradation ou licenciement d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite).

[193] L’article 19 des deux conventions collectives pertinentes dispose qu’il ne peut y avoir aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait, notamment, de son incapacité mentale ou physique.

[194] En outre, selon le paragraphe 226(2) de la Loi, la Commission peut, pour instruire toute affaire dont elle est saisie, interpréter et appliquer la LCDP, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes. En vertu de l’article 7 de la LCDP, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects, de défavoriser une personne en cours d’emploi. La déficience (l’incapacité) est un motif de distinction illicite au sens du paragraphe 3(1) de la LCDP et elle est définie à l’article 25 de la LCDP comme étant une déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue.

[195] Dans Diks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF3, la Commission a énoncé comme suit le critère à appliquer dans les affaires de discrimination en milieu de travail :

[…]

76 Afin de montrer qu'un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire s’estimant lésé doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination. La preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la fonctionnaire s’estimant lésé, en l’absence de réplique de l’employeur intimé (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (« O’Malley »)).

77 Un employeur faisant face à une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en déposant des éléments de preuve d’une explication raisonnable qui démontre que ses actions n’étaient pas, en fait, discriminatoires ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13).

[…]

 

[196] Dans Stewart, la Cour suprême a déclaré que le plaignant (ou le fonctionnaire s’estimant lésé, selon le cas), pour établir l’existence d’une discrimination prima facie, doit démontrer qu’il a une caractéristique protégée par la loi, qu’il a subi un effet préjudiciable et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans l’effet préjudiciable. La preuve de l’intention discriminatoire de l’employeur n’est pas requise pour démontrer l’existence d’une discrimination prima facie.

[197] L’employeur peut réfuter l’allégation de discrimination en démontrant qu’il a raisonnablement – pas parfaitement – répondu aux besoins de l’employé ou que le fait de prendre une mesure d’adaptation pour répondre aux besoins de l’employé constituerait pour lui une contrainte excessive (paragr.15(2) de la LCDP) (voir McMullin c. Conseil du Trésor, Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 55, au paragr. 76).

[198] Dans le dictionnaire New Dictionary of the American Language, Second College Edition, le terme anglais disability (incapacité) est ainsi défini : [traduction] 1. état d’une personne incapable de faire quelque chose; 2. état d’une personne qu’une blessure ou une maladie a rendue incapable de travailler; 3. inaptitude juridique; 4. état qui restreint, limite ou désavantage.

[199] Aucun des médecins ayant témoigné n’a défini ce qui constituait un « trouble d’apprentissage ». En termes simples, je comprends qu’il s’agit d’une incapacité qui a un effet préjudiciable sur une personne en l’empêchant d’apprendre de la même manière que la majorité des gens.

[200] Selon son témoignage non contredit, Mme Cait est d’avis que le fonctionnaire présente un syndrome d’Asperger, qu’on appelle souvent de l’autisme. Mme Cait a précisé dans son témoignage et dans le rapport de Cornerstone que le syndrome d’Asperger est un trouble reconnu qui affecte la conscience sociale et la réactivité sociale d’une personne et a des conséquences sur divers aspects de l’apprentissage et de la productivité.

[201] En outre, le rapport de Cornerstone et la lettre du 2 avril de Cornerstone mentionnent que le fonctionnaire présente aussi probablement un TDAH. Aucun des professionnels de la santé ne m’a expliqué ce qu’était un TDAH, mais je comprends qu’il présente bon nombre des mêmes caractéristiques que le syndrome d’Asperger.

[202] D’après les explications de ce que sont le syndrome d’Asperger et un TDAH, ainsi que de leurs effets sur les personnes qui en sont atteintes, il est manifeste que ces deux problèmes entreraient dans la définition d’une déficience ou d’une incapacité servant à analyser la question de la discrimination et des mesures d’adaptation visées par la LCDP et les articles 19 de chacune des conventions collectives pertinentes.

[203] Une fois que la déficience ou l’incapacité est identifiée, la question suivante qui se pose afin de déterminer si le fonctionnaire a été victime de discrimination est de savoir s’il a subi des effets préjudiciables ou un traitement différent en raison de son incapacité. Il est évident à mes yeux que le fonctionnaire a subi un effet préjudiciable en raison de son incapacité, puisqu’il a été rétrogradé de son poste d’AELBI, au groupe et au niveau FB‑03, au poste d’adjoint à l’exécution de la loi, au groupe et au niveau CR‑05. Cette rétrogradation reposait sur des éléments montrant que le fonctionnaire éprouvait de grandes difficultés à s’adapter à son poste d’AELBI. À en juger par les éléments de preuve particulièrement révélateurs, ces difficultés ressemblaient aux exemples décrivant les problèmes que vivent les personnes Asperger et les personnes présentant un TDAH en général, et le fonctionnaire en particulier, comme en a fait état Mme Cait dans son témoignage devant moi et dans le rapport de Cornerstone.

[204] Le fonctionnaire semble avoir commencé à éprouver des difficultés quand son poste antérieur d’ADI a été converti en un poste d’AELBI. J’ai entendu les témoignages de plusieurs des supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire, qui ont décrit ses difficultés en détail, ainsi que ceux de Mmes Cuvalo, Alexander‑Nash et Clark, qui étaient toutes des gestionnaires responsables. Tous ont expliqué les mesures qu’ils ont prises pour essayer d’aider le fonctionnaire à atteindre le niveau de rendement attendu d’un AELBI qui exercerait l’ensemble de ces fonctions.

[205] Un élément qui rend la situation particulièrement épineuse est le fait que le fonctionnaire ne savait pas qu’il était atteint de ce trouble avant le diagnostic de Mme Cait, au début de 2013. À ce moment‑là, le fonctionnaire avait déjà été rétrogradé. Ensuite, après le diagnostic, le fonctionnaire et son syndicat n’ont pas été francs avec l’employeur. La preuve n’a pas permis de savoir exactement quand Mme Cait a informé le fonctionnaire et le syndicat de son diagnostic. Toutefois, ce que la preuve montre, c’est que M. Star a copié-collé l’information tirée du rapport de Cornerstone afin de créer un document Word non daté qu’il a présenté à la rencontre du 21 février.

[206] J’ai entendu le témoignage de quatre personnes qui étaient présentes à la rencontre du 21 février. Ni Mme Cuvalo ni Mme Clark n’ont mentionné que le fonctionnaire les avait informées de son diagnostic d’Asperger. Quand la question lui a été posée de nouveau, le fonctionnaire n’a pas affirmé non plus que M. Star et lui leur avaient fait part du diagnostic. M. Star, en revanche, a déclaré que le fonctionnaire avait reçu un diagnostic d’Asperger.

[207] La preuve documentaire mentionne également un billet médical qui aurait été remis à Mme Clark le 14 mars 2013. La preuve n’a pas permis de déterminer exactement la nature de ce billet, car aucun billet médical portant cette date, ou une date quelconque en mars 2013, n’a été déposé en preuve. Ce billet a aussi été mentionné dans le courriel envoyé par Mme Cuvalo, le 18 mars 2013, au fonctionnaire et à M. Star, avec copie à Mme Clark. Mme Cuvalo a mentionné dans son courriel [traduction] « qu’il n’y a aucune preuve que c’est un médecin qui a procédé à l’évaluation et formulé des recommandations en conséquence ». À la lumière de tous les éléments de preuve qui m’ont été présentés, je soupçonne que le billet médical en question pourrait être le document Word non daté que M. Star a rédigé en copiant-collant des parties du rapport de Cornerstone. Toutefois, je ne peux l’affirmer avec certitude ni conclure qu’il pouvait s’agir du rapport de Cornerstone.

[208] Bien qu’il ne soit pas tout à fait clair à quel moment l’employeur a reçu le rapport de Cornerstone, ni si ce document lui a même été envoyé, le fonctionnaire en a remis une copie le 2 mai 2013, avec une copie de la lettre du 2 avril de Cornerstone. Cette lettre mentionnait clairement que le fonctionnaire était atteint du syndrome d’Asperger, [traduction] « qui est un trouble permanent de nature organique et neurologique plutôt que comportementale ». Elle précisait également que les tests avaient révélé ce qui suit :

[Traduction]

 

M. Shreedhar […] se situe dans la moyenne élevée en ce qui concerne les compétences verbales […] Par contre, plusieurs habiletés visuospatiales et sa motricité fine sont plus limitées, se situant généralement dans la moyenne faible […] Comme il faut s’y attendre, M. Shreedhar éprouve de grandes difficultés avec certains aspects de la mémoire visuelle et avec sa mémoire de travail […] ces disparités prononcées au chapitre du fonctionnement cognitif évoquent aussi la présence d’un trouble d’apprentissage.

 

[209] Le rapport souligne ce qui suit à l’égard du TDAH :

[Traduction]

 

[…] M. Shreedhar a de la difficulté à rester concentré et productif, difficulté qui a également été mise en lumière lors des tests. Ainsi, cela pourrait dénoter un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) sous‑jacent, quoique ses habiletés très inégales pourraient aussi être causées par un déficit d’attention. Néanmoins, ces résultats signifient que, en milieu de travail, M. Shreedhar aura besoin de mesures d’adaptation qui tiendraient compte de son syndrome d’Asperger, de son trouble d’apprentissage et de sa durée d’attention.

 

[210] Selon les éléments de preuve les plus solides, l’employeur a été informé de l’incapacité du fonctionnaire le 2 mai 2013, lorsque ce dernier a remis la lettre du 2 avril de Cornerstone à Mme Jelani, qui était sa superviseure à l’époque. Il s’agit d’un point crucial dans le temps, car l’employeur a alors été expressément informé que le fonctionnaire présentait une incapacité, c’est‑à‑dire un trouble d’apprentissage, de nature organique et neurologique, qui le suivrait toute sa vie. Avant cette date, personne chez l’employeur n’avait reçu d’un professionnel de la santé des informations permettant de conclure que le fonctionnaire vivait avec un trouble d’apprentissage.

[211] L’existence d’un trouble d’apprentissage chez le fonctionnaire a constitué le point de départ crucial du processus, soit l’identification d’un motif protégé. Maintenant que ce fait est établi, et qu’il est clair d’après l’abondance d’éléments de preuve (fournis en grande partie par l’employeur lui‑même) que les difficultés éprouvées par le fonctionnaire dans l’exercice des fonctions d’un AELBI découlaient très vraisemblablement de son trouble d’apprentissage, qui a eu un effet préjudiciable sur le fonctionnaire sous la forme d’une rétrogradation. Il faut se demander maintenant si l’employeur a offert des mesures raisonnables d’adaptation au fonctionnaire.

[212] La Cour suprême s’est exprimée comme suit dans Central Okanagan, aux pages 994 et 995 :

La recherche d'un compromis fait intervenir plusieurs parties. Outre l’employeur et le syndicat, le plaignant a également l’obligation d’aider à en arriver à un compromis convenable. La participation du plaignant à la recherche d’un compromis a été reconnue par notre Cour dans l’arrêt O’Malley. Le juge McIntyre y affirme, à la p. 555 :

Cependant, lorsque ces mesures ne permettent pas d’atteindre complètement le but souhaité, le plaignant, en l’absence de concessions de sa propre part, comme l’acceptation en l’espèce d’un emploi à temps partiel, doit sacrifier soit ses principes religieux, soit son emploi.

Pour faciliter la recherche d’un compromis, le plaignant doit lui aussi faire sa part. À la recherche d’un compromis raisonnable s’ajoute l’obligation de faciliter la recherche d’un tel compromis. Ainsi, pour déterminer si l’obligation d’accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

Cela ne signifie pas qu’en plus de porter à l’attention de l’employeur les faits relatifs à la discrimination, le plaignant est tenu de proposer une solution. Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise. Lorsque l’employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en œuvre, remplirait l’obligation d’accommodement, le plaignant est tenu d’en faciliter la mise en œuvre. Si l’omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l’origine de l’échec de la proposition, la plainte sera rejetée. L’autre aspect de cette obligation est le devoir d’accepter une mesure d’accommodement raisonnable. C’est cet aspect que le juge McIntyre a mentionné dans l’arrêt O’Malley. Le plaignant ne peut s’attendre à une solution parfaite. S’il y a rejet d’une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur s’est acquitté de son obligation.

[213] L’employeur a rétrogradé le fonctionnaire s’estimant en raison de son incapacité de satisfaire aux exigences de son poste d’AELBI. À partir du moment où le fonctionnaire a été muté à ce poste d’AELBI, en février 2007, et jusqu’en juillet 2009 (environ 28 mois), ni l’employeur ni le fonctionnaire lui‑même n’avaient la moindre idée qu’une incapacité était peut‑être la source des problèmes. Le fonctionnaire est instruit; il est titulaire d’un diplôme universitaire de premier cycle, d’un diplôme d’études supérieures ainsi que d’un certificat décerné par un collège, et on ne lui avait jamais diagnostiqué de troubles d’apprentissage ou une incapacité quelconque. En juillet 2009, quand la représentante syndicale a évoqué la possibilité que le fonctionnaire ait un trouble d’apprentissage, l’employeur n’a pas rejeté cette possibilité et a agi de bonne foi en gardant le fonctionnaire à son poste d’AELBI, au groupe et au niveau FB‑03, afin que soient maintenus sa rémunération et ses avantages sociaux pendant le long processus d’évaluation mené par Santé Canada. Cette démarche n’a pas révélé la présence d’une incapacité au bout du compte. C’est seulement à la conclusion du processus d’évaluation, ce qui a compris une mesure d’appel, que l’employeur a rétrogradé le fonctionnaire.

[214] L’enquête n’est toutefois pas terminée. Le fonctionnaire présentait effectivement un trouble d’apprentissage qui avait un effet préjudiciable sur lui. Tel qu’il a été décrit plus haut, il ne fait aucun doute que le syndrome d’Asperger, et probablement un TDAH, a joué un rôle dans les difficultés d’apprentissage du fonctionnaire et dans son incapacité d’exercer les fonctions de son poste d’AELBI, ce qui a mené à sa rétrogradation. Le fonctionnaire a contesté la rétrogradation, même s’il ne connaissait pas encore la nature de son problème au moment du dépôt de son grief. Cela ne signifie pas cependant que le syndrome d’Asperger et le TDAH n’étaient pas présents ou qu’un ou l’autre, voire les deux, n’engendrait pas les difficultés que connaissait le fonctionnaire. Personne n’en connaissait l’existence, tout simplement.

[215] Le processus d’adaptation ne peut être enclenché tant qu’une incapacité n’a pas été mise au jour. Si personne ne connaît son existence, le processus ne peut débuter. C’est l’incapacité qui est le catalyseur des mesures d’adaptation, ce qui n’a pas été dit clairement à l’employeur jusqu’à ce que la lettre du 2 avril de Cornerstone lui soit transmise, en mai 2013. Même si le rapport de Cornerstone existait probablement dès février 2013, on ne sait pas exactement pourquoi il n’a pas été communiqué intégralement à l’employeur.

[216] Jusqu’à ce que la lettre du 2 avril de Cornerstone soit présentée, les seuls éléments d’information présents donnaient à penser que le fonctionnaire n’avait pas d’incapacité. Lui et son représentant se devaient d’être francs avec l’employeur, mais ils ne l’ont pas été. Quatre personnes étaient présentes à la rencontre du 21 février : le fonctionnaire, M. Star et Mmes Cuvalo et Clark. Aucune de ces deux dernières ne se souvenait d’avoir été informée que le fonctionnaire était Asperger; aucune n’avait reçu non plus de copie du rapport de Cornerstone. Dans son témoignage, le fonctionnaire a expliqué qu’il se souvenait d’avoir fait preuve de retenue quant aux informations que M. Star et lui révélaient à cette rencontre, et il n’a pas su dire s’ils avaient fait part du diagnostic d’Asperger.

[217] Bien que le document Word non daté et sans titre que M. Star a constitué en copiant‑collant des extraits du rapport de Cornerstone a été remis à l’employeur, ce dernier était méfiant, ce qui est compréhensible. Si le fonctionnaire et M. Star estimaient que le rapport de Cornerstone donnait trop d’informations, ils auraient pu demander une lettre qui, bien que moins détaillée, aurait tout de même convaincu l’employeur (c’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait ultérieurement, en remettant la lettre du 2 avril de Cornerstone à l’employeur, le 2 mai 2013). La position adoptée par M. Star, lorsqu’il a conclu que l’état du fonctionnaire n’était pas un élément pertinent dans le processus de mise en place de mesures d’adaptation, n’était pas justifiable. Jusqu’alors, il n’y avait pas eu de processus de mise en place de mesures d’adaptation, car aucun motif protégé n’avait été mis au jour.

[218] C’est à ce moment, quand la recherche d’un compromis faisant intervenir plusieurs parties aurait dû avancer allègrement, que la démarche s’est enlisée et en restée à peu près là jusqu’à ce que, quelque six années plus tard, l’instruction de l’affaire commence devant moi, en février 2020, et soit conclue après 14 jours d’audience, en novembre 2020.

[219] Le rapport de Cornerstone est très détaillé : il y est conclu que le fonctionnaire présente le syndrome d’Asperger et peut‑être un TDAH, qui sont tous deux permanents et de nature organique et neurologique. Mme Cait les qualifie de troubles d’apprentissage. Au tout début du rapport, il est précisé la raison pour laquelle le fonctionnaire a été dirigé vers Cornerstone, à savoir que le fonctionnaire souhaitait obtenir [traduction] « une évaluation psychologique pour mieux comprendre son propre profil d’apprentissage et d’adaptation, afin d’acquérir de meilleures stratégies ou d’obtenir des mesures d’adaptation qui contribueront à sa productivité et amélioreront ses relations interpersonnelles ».

[220] Dans son témoignage, Mme Cait a mentionné qu’elle n’avait pas en main la description de travail du poste d’AELBI (FB‑03) du fonctionnaire quand Cornerstone a procédé à l’évaluation. Celle‑ci ne constituait pas un examen de l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions d’un AELBI. Elle a plutôt mis au jour, avec maints détails, la nature des difficultés du fonctionnaire et la manière d’y répondre, de façon générale. Il ne s’agissait que du point de départ de la recherche de compromis entre plusieurs parties, laquelle n’a malheureusement jamais commencé.

[221] La lettre du 2 avril de Cornerstone semble avoir été rédigée en tenant pour acquis que le fonctionnaire occupait un poste d’adjoint à l’exécution de la loi (CR‑05) (puisque c’est cette description de travail qui avait été remise à Mme Cait), mais je répète qu’il s’agissait seulement d’un point de départ. Les éléments de preuve ne permettent pas de dire si le fonctionnaire a eu d’autres rencontres ou des entrevues avec qui que ce soit chez Cornerstone après le 8 février 2012. Par conséquent, le fait que Mme Cait a reçu la description de travail du poste d’adjoint à l’exécution de la loi, sans qu’aucun autre détail ne lui soit communiqué par le fonctionnaire ou ses superviseurs, n’a aucune incidence relativement à ce poste et ne s’avère d’aucune utilité pour le poste d’AELBI, étant donné qu’aucune information n’a été transmise à Cornerstone à ce sujet.

[222] Il aurait fallu que les parties se rencontrent et fassent avancer le dossier. Chacune s’est plutôt isolée dans son propre coin, se cantonnant fermement dans sa position, de sorte que le processus s’est immobilisé. L’employeur a demandé au fonctionnaire de se soumettre à une autre évaluation de Santé Canada, ce qui semblait logique à première vue du point de vue de l’employeur, sauf que le fonctionnaire estimait que c’était inutile.

[223] Je comprends la réticence du fonctionnaire à passer par une autre évaluation de Santé Canada, et sa position n’était pas complètement injustifiée. Le renvoyer simplement à Santé Canada pour qu’il soit évalué n’était pas nécessairement la solution. Les éléments de preuve qui m’ont été présentés montrent en effet que le processus suivi par Santé Canada afin d’évaluer le fonctionnaire présentait des lacunes.

[224] Devant moi, les témoins de l’employeur ont mentionné fréquemment que [traduction] « Santé Canada était l’expert de l’employeur », ce qui n’est toutefois pas corroboré par la preuve. Le processus auquel le fonctionnaire a été soumis était lent et lourd, sans compter qu’il ne prenait pas nécessairement appui sur une forme quelconque d’expertise liée à l’employeur ou au poste pour aborder un problème de santé. Il ne s’agit pas de mettre en doute ici la compétence des professionnels de la santé impliqués, mais plutôt de désavouer un processus ou un système qui ne semble pas, de nos jours, cadrer avec le résultat visé.

[225] Dans le cas du fonctionnaire, l’employeur a coordonné le processus avec le PSTSP, ou le PSTFP, de Santé Canada par l’intermédiaire de son service des relations de travail. Une fois que le fonctionnaire a été dirigé vers Santé Canada, aucun médecin de ce ministère n’a vraiment effectué d’évaluation. Le mandat d’évaluation a été confié à un psychologue, le Dr Glassman, qui n’était pas un salarié de Santé Canada ni de l’employeur, mais un professionnel en pratique privée qui touchait des honoraires. Le Dr Glassman a évalué le fonctionnaire, mais il n’a présenté aucun rapport à l’employeur, aux gestionnaires ou même au service des relations de travail, mais bien à Santé Canada et à sa personne‑ressource, en l’occurrence le Dr Glass. Ce dernier a ensuite ajouté sa touche à l’évaluation du Dr Glassman et a communiqué les résultats à l’employeur.

[226] Santé Canada n’a pas évalué le fonctionnaire. C’est le Dr Glassman qui l’a fait. Il est difficile d’admettre que Santé Canada est un expert quelconque dans ce domaine, sachant qu’il a confié l’évaluation à une tierce partie. Je ne mets pas en doute la compétence du Dr Glassman ni même qu’il était opportun de lui confier l’évaluation. Mon but est simplement de rejeter l’argument, dénué de fondement, suivant lequel Santé Canada possède une expertise dans le domaine, alors qu’il n’en existe aucune preuve. Quoi qu’il en soit, en l’espèce, Santé Canada n’a pas procédé à l’évaluation.

[227] Cela dit, je n’ai entendu aucun témoignage me portant à croire que le Dr Glassman était un expert des activités de l’ASFC, et encore moins de la Division de l’exécution de la loi de l’immigration dans laquelle travaillait le fonctionnaire. Ce fait n’est pas en soi nécessairement préoccupant, car bien des médecins de famille ou des spécialistes des soins de santé peuvent diagnostiquer des maladies, des troubles et des incapacités et, dans les bonnes circonstances, formuler des conseils judicieux au sujet des mesures d’adaptation à prendre. Toutefois, il est faux de dire que Santé Canada possède une expertise spéciale quelconque. Aussi bien le Dr Glassman que Mme Cait avaient reçu une formation suffisante dans leurs domaines et se spécialisaient dans des questions pertinentes en l’espèce.

[228] Étant donné ce que le fonctionnaire a accepté de se soumettre au processus d’évaluation et que ce dernier s’est étalé sur une période excessivement longue (soit plus de deux ans entre la rencontre du 8 juillet 2009 et la remise du rapport médical final du Dr Goldsand, le 3 octobre 2011), il n’est pas surprenant qu’il était peu enthousiaste à l’idée de subir une autre évaluation.

[229] Cependant, bien que très clair quant au diagnostic du syndrome d’Asperger, le rapport de Cornerstone n’a fait qu’évoquer la possibilité d’un TDAH chez le fonctionnaire. Comme il a été mentionné plus tôt, le TDAH présente plusieurs traits et caractéristiques semblables à ceux du syndrome d’Asperger. Toutefois, aucun diagnostic concluant n’a été posé. Ainsi, une évaluation approfondie de cet aspect aurait été utile afin de permettre à toutes les parties de mieux comprendre, et de comprendre plus en détail, les obstacles ou les difficultés qui existaient.

[230] La Cour suprême a déclaré dans Central Okanagan que le processus doit faire intervenir plusieurs parties. Elle n’a cependant énoncé aucune règle à cet égard, laissant aux différents services des relations de travail le soin de choisir comment appliquer ce principe et en établir les paramètres généraux. Nous sommes au XXIe siècle, et il est à espérer que la recherche de mesures d’adaptation simplistes est chose du passé, bien loin derrière nous.

[231] Le fonctionnaire est un homme intelligent qui présente, ou semble présenter, un problème d’apprentissage complexe qui n’a pas fait surface avant que son parcours professionnel soit bien amorcé. Je n’ai pas de doute que les services des relations de travail du secteur public fédéral possèdent l’expertise voulue pour remédier aux situations semblables à celle du fonctionnaire. Les employeurs et les agents négociateurs doivent s’adapter à la constante évolution des milieux de travail ainsi qu’aux progrès en matière de soins de santé. Ils ne peuvent simplement s’appuyer sur un processus contradictoire, désuet et lourd qui, dans les cas comme celui du fonctionnaire, est voué à l’échec.

[232] Cela dit, le point de départ dans la présente affaire, une fois que le diagnostic du syndrome d’Asperger et de TDAH possible a été posé et communiqué à l’employeur, au milieu de l’année 2013, les parties auraient dû rencontrer des professionnels de la santé compétents, pas seulement le fonctionnaire, M. Star, Mme Cuvalo et Mme Clark. Le rapport de Cornerstone faisait état d’un trouble d’apprentissage complexe qui mettait très nettement en évidence la ou les raisons probables des échecs du fonctionnaire dans sa formation et dans l’exercice de ses fonctions d’AELBI. Les parties, leurs représentants et, sans doute Mme Cait, ainsi qu’un professionnel de la santé compétent de Santé Canada ayant pris connaissance du rapport de Cornerstone et connaissant bien le syndrome d’Asperger et le TDAH, auraient dû se réunir et rechercher un compromis entre plusieurs parties. Ils auraient pu ainsi déterminer les mesures qu’il y avait éventuellement lieu de prendre à l’égard du fonctionnaire et de son poste d’AELBI. Pour ce faire, il aurait peut‑être été nécessaire que Santé Canada procède à une autre évaluation, compte tenu du rapport de Cornerstone.

[233] Je tire cette conclusion parce qu’il m’est impossible, à la lumière des nombreux éléments de preuve relatifs au rendement qu’a eu le fonctionnaire de 2007 à 2010 et de ce qui ressort du rapport de Cornerstone, du témoignage de Mme Cait et des quelques informations qui ont été présentées à propos du TDAH, de savoir si le fonctionnaire peut réellement exercer les fonctions d’un AELBI.

[234] Les tâches, les compétences et le milieu de travail d’un AELBI sont énoncés dans la description de travail qui a été fournie. Or, bon nombre des qualités et aptitudes requises pour ce poste font défaut au fonctionnaire selon ce qu’a établi le rapport de Cornerstone, et il n’est pas dit que le fonctionnaire serait en mesure d’accomplir les tâches attendues d’un AELBI, même avec des mesures d’adaptation.

[235] Quand on examine les difficultés mises en évidence dans la preuve et celles dont fait état le rapport de Cornerstone, il en ressort que celles-ci ressemblent aux problèmes décrits dans les éléments de preuve relatifs au rendement du fonctionnaire, entre autres une incapacité de saisir les repères sociaux, d’effectuer plusieurs tâches à la fois, d’établir un ordre de priorité, de prendre des décisions, de mener des tâches à bien et de gérer son temps. Un AELBI exerce des fonctions d’exécution de la loi, ce qui implique des tâches que le fonctionnaire semblait incapable de faire ou qui présentait pour lui d’énormes difficultés.

[236] Il était légitime de se demander si le fonctionnaire pouvait exercer les fonctions d’un AELBI. Si c’était le cas, le choix des mesures d’adaptation n’était pas aussi simple que de suivre les recommandations énoncées dans la lettre du 2 avril de Cornerstone, dont l’utilité était limitée. Ces recommandations ne concernaient pas le travail d’un AELBI, et l’employeur (pas plus que le fonctionnaire d’ailleurs) n’avait pas fait valoir son point de vue à cet égard. Au mieux, la lettre soulignait en termes généraux des critères importants et utiles qui, cependant, ne suffisent pas à instaurer des mesures d’adaptation. De fait, lorsqu’elle a pris connaissance du poste d’adjoint à l’exécution de la loi, Mme Cait s’est exprimée comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Récemment, M. Shreedhar a porté à mon attention la description de travail correspondant à son poste actuel, et on m’a demandé de la commenter (titre du poste : adjoint à l’exécution de la loi – description entrée en vigueur en 2011). Bien qu’il possède sans doute la plupart des qualités nécessaires pour le poste, certaines caractéristiques sont préoccupantes. Plus précisément, M. Shreedhar pourrait éprouver des difficultés dans un milieu de travail au rythme rapide, où le stress est élevé et où les échéances sont capitales, particulièrement s’il n’y a pas de structures ni de lignes directrices précises à suivre ou s’il ne bénéficie pas de l’aide bienveillante d’un collègue ou encore de la compréhension ou du soutien d’un superviseur. Ensuite, il peut lui être difficile de faire face à des personnes hostiles et d’avoir à désamorcer la colère et à prendre des décisions sur‑le‑champ.

[…]

 

[237] Telles qu’elles m’ont été décrites, les difficultés du fonctionnaire soulèvent des préoccupations importantes s’agissant d’une personne qui, comme lui, occupent un poste d’AELBI, car les AELBI doivent éventuellement composer avec des criminels et d’autres personnes susceptibles d’avoir des agissements inhabituels et violents au cours des procédures de renvoi du pays. J’ai étudié soigneusement la preuve concernant les difficultés qu’a éprouvées le fonctionnaire lorsqu’il a eu à faire une arrestation dans un poste de police à Toronto, son utilisation inadéquate de sa ceinture et des menottes de même que son incapacité d’évaluer la situation et d’interpréter les signes visuels ou sociaux puis d’agir en conséquence rapidement et avec efficience. Ces habiletés sont cruciales pour la santé et la sécurité du fonctionnaire en tant qu’AELBI, pour les collègues qui travaillent avec lui, pour la ou les personnes en état d’arrestation et pour le public en général.

[238] Cependant, le fonctionnaire a subi un effet préjudiciable en raison de son incapacité, ce qui constitue un cas de discrimination. Des mesures d’adaptation auraient pu être fructueuses, ou pas, dans sa situation, mais peu importe, l’employeur n’a pas montré qu’il avait pris des mesures d’adaptation raisonnables à son endroit ou qu’il lui aurait été impossible de lui offrir des mesures d’adaptation sans que cela constitue une contrainte excessive.

[239] Ayant déterminé que le fonctionnaire a subi de la discrimination en raison de son incapacité et que l’employeur n’a pas présenté une défense étayant la prise de mesures d’adaptation raisonnables, il est difficile de savoir ce qui constituerait un redressement approprié aujourd’hui. Le plus gros obstacle à cet égard tient à la longue période écoulée. Les difficultés du fonctionnaire ont commencé en 2007, il y a quelque 14 ans. Le Dr Glassman a évalué le fonctionnaire à la fin de 2010 et Mme Cait, à la fin de 2012 et au début de 2013. Les particularités du poste peuvent avoir changé, tout comme les outils utilisés dans le poste. Le fonctionnaire n’occupe pas son poste depuis près de 10 ans. Par ailleurs, les capacités du fonctionnaire, maintenant qu’il connaît son diagnostic, ont aussi pu évoluer. Ce qui n’a pas aidé non plus, c’est que six années de plus se sont écoulées entre le moment où le grief déposé en 2012 a été renvoyé à l’instance ayant précédé la Commission, en 2014, et le début de l’audience devant moi, en février 2020.

[240] Puisque le fonctionnaire et son agent négociateur se sont rendus complices de l’employeur en ne participant pas comme ils l’auraient dû à la recherche d’un compromis comme l’envisage Central Okanagan, je refuse de réintégrer le fonctionnaire dans son poste d’AELBI au groupe et au niveau FB‑03 rétroactivement, c’est-à-dire en remontant jusqu’à mai 2013, date à laquelle les parties semblent avoir été informées du diagnostic d’Asperger et du TDAH probable.

[241] La preuve ne permet pas de conclure que des mesures d’adaptation pouvaient être prises pour permettre au fonctionnaire d’exercer les fonctions de son poste d’AELBI, ni que ces mesures, si elles avaient été possibles, auraient pu lui permettre de faire le travail d’un AELBI. L’évaluation des mesures d’adaptation doit être réalisée correctement par des personnes qui connaissent le poste dans sa forme actuelle et qui peuvent faire appel aux connaissances et à l’assistance de professionnels de la santé compétents familiers avec le syndrome d’Asperger et, éventuellement, le TDAH. J’utilise le terme « éventuellement » parce que le rapport de Cornerstone n’était pas concluant au sujet de l’existence d’un TDAH, des effets que ce dernier pouvait avoir sur la capacité du fonctionnaire d’exercer les fonctions d’un AELBI et de l’efficacité d’éventuelles mesures d’adaptation.

[242] Par conséquent, j’ordonne la réintégration du fonctionnaire dans son poste d’AELBI (ou tout poste FB‑03 équivalent qui existe aujourd’hui) en date du 11 février 2020, date du début de l’audience devant moi.

[243] À compter du 11 février 2020, le salaire du fonctionnaire sera établi à l’échelon de la grille salariale des groupe et niveau FB‑03 qu’il aurait atteint s’il avait été en congé sans solde à partir à partir de la date de sa rétrogradation jusqu’au 11 février 2020. Il faudra tenir compte des sommes qu’il a touchées dans son poste d’adjoint à l’exécution de la loi CR‑05.

[244] L’alinéa 226(2)c) de la Loi dispose que l’arbitre de grief peut, pour instruire toute affaire dont il est saisi, dans le cas du grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, adjuger des intérêts au taux et pour la période qu’il estime justifiés. Comme le fonctionnaire a été rétrogradé, je considère qu’il y a lieu de lui accorder des intérêts sur la somme qui lui est due à titre de salaire perdu. Le total versé à cet égard portera intérêt de la manière énoncée dans la loi ontarienne intitulée Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C‑43, au taux d’intérêt antérieur au jugement jusqu’à la date des présents motifs et au taux d’intérêt postérieur au jugement par la suite.

[245] Étant donné le délai écoulé depuis que le poste du fonctionnaire a été initialement converti en un poste d’AELBI, et compte tenu de la possibilité que des changements aient été apportés aux fonctions, aux compétences et aux outils relatifs au poste, l’employeur devra fournir au fonctionnaire la formation appropriée, comme s’il s’agissait d’une nouvelle embauche, afin qu’il puisse se mettre à niveau et que les gestionnaires et les professionnels de la santé compétents puissent participer à la formation et déterminer les mesures d’adaptation qui seront prises. Je laisse aux parties le soin de fixer la logistique du processus. Toutefois, je demeure saisi de l’affaire sur ce point, pendant une période de 120 jours, afin de donner d’autres directives au besoin.

[246] Puisque j’ai déterminé que le fonctionnaire a été victime de discrimination et que l’employeur n’a pas montré pour sa défense qu’il avait pris des mesures d’adaptation raisonnables, je dois maintenant décider de la réparation pécuniaire appropriée. Le fonctionnaire a demandé d’être indemnisé en vertu de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[247] Pour ce qui est de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP, je n’ai aucun doute que le fonctionnaire a souffert de la discrimination et de l’absence de mesures d’adaptation. Cependant, l’échec du processus d’adaptation ne peut être imputé uniquement à l’employeur. Le fonctionnaire et son syndicat sont responsables en partie de cet échec et doivent donc assumer une part de responsabilité dans le fait que le dossier n’a pas progressé en vue d’un règlement quelconque. Comme la Cour suprême du Canada l’a mentionné, la recherche d’un compromis dans ce genre d’affaire doit faire intervenir plusieurs parties. En conséquence, je suis disposé à accorder la somme de 5 000 $ pour préjudice moral.

[248] Le paragraphe 53(3) de la LCDP permet l’ordonnance d’une indemnité s’il est conclu que l’acte discriminatoire était délibéré ou inconsidéré. À la lumière des éléments de preuve, je ne peux conclure que les actes de l’employeur dans cette affaire ont été délibérés ou inconsidérés. Avant d’être informé de l’incapacité du fonctionnaire, l’employeur a agi de bonne foi en tout temps. J’ai entendu de multiples témoignages décrivant les gestes posés par des gestionnaires et des superviseurs qui ont cherché avec diligence, et pendant une longue période, un moyen d’aider le fonctionnaire. Lorsque la possibilité que le fonctionnaire soit atteint d’un trouble d’apprentissage a été évoquée, l’employeur a encore une fois entrepris des démarches pour le vérifier. Cette vérification s’est encore une fois étendue sur une longue période. Le fonctionnaire est resté dans son poste d’AELBI et a continué de toucher un salaire correspondant à un poste FB‑03 tout au long du processus. L’employeur a procédé à la rétrogradation seulement quand la seule preuve qui lui avait été communiquée mettait en lumière l’absence d’incapacité chez le fonctionnaire.

[249] Bien qu’il semble que le rapport de Cornerstone ait été rendu accessible en février 2013, on ne sait pas vraiment quand il a été remis intégralement à l’employeur, ni s’il l’a jamais été. Plutôt que de communiquer ce rapport à l’employeur, le fonctionnaire et le syndicat ont fourni un document Word non daté qui était clairement constitué d’extraits du rapport de Cornerstone. Ce n’est qu’en mai 2013 que la lettre du 2 avril de Cornerstone a été transmise. Dès réception de cette lettre, l’employeur a tenté de faire avancer le processus de mise en place de mesures d’adaptation, mais celui‑ci a été freiné par les agissements de toutes les parties, c’est-à-dire l’employeur, le fonctionnaire et le syndicat. Par conséquent, l’indemnisation prévue au paragraphe 53(3) de la LCDP n’est pas justifiée, et aucune indemnité spéciale ne sera accordée.

[250] Dans son grief, le fonctionnaire affirmait avoir été victime de harcèlement. La preuve n’a mis au jour aucune forme de harcèlement.

4. Grief dans les dossiers de la Commission 566‑02‑12599 et 12601

[251] Le 10 juin 2014, le fonctionnaire a déposé un grief qui deviendrait le dossier de la Commission 566‑02‑12599. Il y reprochait à l’employeur de ne pas avoir pris de mesures d’adaptation à son endroit et de ne pas lui avoir offert un milieu de travail respectueux et dénué de harcèlement. Le 28 juillet 2014, le fonctionnaire a déposé le grief qui deviendrait le dossier de la Commission 566‑02‑12601, en réponse à une suspension disciplinaire de deux jours qui avait été imposée par M. Kamin le 18 juillet 2014 et qui avait été mise à exécution les 21 et 22 juillet 2014. Le fonctionnaire avait donc perdu deux journées de salaire. Dans ce grief, il alléguait également qu’il n’avait pas bénéficié de mesures d’adaptation.

[252] Pour ce qui est du grief qui deviendrait le dossier de la Commission 566‑02‑12601, l’employeur s’est engagé, durant ses observations, à rembourser les deux journées de salaire perdues à la suite de la suspension disciplinaire. Si l’employeur n’a pas encore versé cette somme au fonctionnaire, il devra lui verser l’équivalent de deux jours de travail au salaire correspondant au groupe et au niveau CR‑05 qui était en vigueur les 21 et 22 juillet 2014. Il y ajoutera les intérêts calculés du 1er août 2014 jusqu’à la date du paiement aux taux d’intérêt antérieur et postérieur au jugement qui sont établis dans la loi de l’Ontario intitulée Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C‑43.

[253] Le grief visait la suspension disciplinaire de deux jours imposée à la suite de l’inconduite du fonctionnaire au début de mai 2014. L’employeur avait reproché au fonctionnaire de n’avoir effectué aucun travail pendant une longue période et, le 15 mai 2014, d’avoir pris une pause de dîner prolongée et de ne pas avoir servi des clients qui attendaient pendant ce temps.

[254] Le grief qui correspond au dossier de la Commission 566‑02‑12599 a été déposé le 10 juin 2014. Étant donné que les griefs doivent être déposés dans un délai de 30 jours suivant les incidents visés, il faut que les événements visés se soient produits au cours des 30 jours précédents ou à un moment coïncidant avec l’inconduite ayant donné lieu à la mesure disciplinaire et au grief qui est devenu le dossier de la Commission 566‑02‑12601. En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑02‑12599, le fonctionnaire affirme que l’omission de prendre des mesures d’adaptation persiste.

[255] En mai 2014, le fonctionnaire travaillait aux archives et était supervisé d’une manière qu’on pourrait qualifier de particulière. M. Uzoruo était responsable de l’unité des archives, mais c’est Mme Jelani qui s’occupait des questions qui, dans le dossier d’employé du fonctionnaire, concernaient la demande de mesures d’adaptation. Cette forme de supervision particulière a été expliquée par le fait que les affectations intérimaires à court terme étaient monnaie courante, particulièrement aux archives. On a alors décidé qu’au lieu de mettre chaque personne au courant de la situation du fonctionnaire, il serait plus facile de confier la responsabilité de son dossier à Mme Jelani. Celle-ci savait que le fonctionnaire était Asperger et TDAH, mais M. Uzoruo n’était pas au courant.

[256] En principe, cette décision semblait probablement avisée. Elle présentait des avantages manifestes tant du point de vue de la charge de travail que de celui de la protection des renseignements personnels, et on assurait aussi une certaine continuité, vu la nature de la situation du fonctionnaire. Cependant, à la lumière du diagnostic d’Asperger et de TDAH possible du fonctionnaire, il est pour le moins étonnant que les gestionnaires aient pu s’imaginer que M. Uzoruo pouvait superviser, surveiller et gérer le travail du fonctionnaire sans disposer des informations nécessaires sur son syndrome d’Asperger et sur son TDAH ou, à tout le moins, sans être mis au courant de la lettre du 2 avril de Cornerstone et des recommandations qui y étaient formulées.

[257] Comme l’a montré la preuve, il y a des similitudes observées chez les personnes Asperger et chez les personnes présentant un TDAH. Les recommandations figurant dans la lettre du 2 avril de Cornerstone soulignent plusieurs caractéristiques que Mme Cait et son équipe ont relevées chez le fonctionnaire. Comme ces traits ou caractéristiques étaient connus et que l’auteure du rapport avait eu la possibilité d’examiner la description de travail des adjoints à l’exécution de la loi, les recommandations auraient pu aider le fonctionnaire et son supérieur hiérarchique direct à surmonter ce qui était devenu un véritable obstacle au rendement du fonctionnaire aux archives. Cependant, le fait que M. Uzoruo n’a pas été informé des problèmes de santé du fonctionnaire ne constitue pas nécessairement un acte discriminatoire ou un défaut de prendre des mesures d’adaptation, et cela ne signifie pas non plus que les mesures disciplinaires imposées au fonctionnaire avaient un lien avec l’omission de prendre des mesures d’adaptation.

[258] Lors du premier incident qui a mené à une mesure disciplinaire, le fonctionnaire n’a pas servi des clients qui se trouvaient au comptoir d’accueil et il s’est absenté pendant une période prolongée. La preuve a montré que le fonctionnaire et un autre employé avaient échangé leurs tâches.

[259] Seul le fonctionnaire pouvait expliquer pourquoi il n’était pas présent pour s’acquitter de son travail au comptoir d’accueil et pourquoi il s’est absenté pendant une longue période. Il a expliqué ce qu’il avait fait. Aucun élément de preuve ne laisse croire que son incapacité l’a empêché de comprendre ce qu’on attendait de lui ou que les mesures d’adaptation recommandées, appliquées ou non, ont pu avoir une incidence sur les événements du 15 mai 2014.

[260] Une sanction disciplinaire a également été imposée parce que l’employeur s’est rendu compte que le fonctionnaire n’avait fait aucun travail, ou très peu, pendant une longue période, soit sept ou huit jours. Les éléments de preuve attestant que le fonctionnaire n’a effectué aucune tâche ne sont pas contestés. Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur était au courant qu’il présentait un syndrome d’Asperger et peut-être un TDAH, mais qu’il avait omis de prendre des mesures d’adaptation, ce qui l’avait empêché de faire son travail parce qu’il était resté bloqué sur un dossier.

[261] Une bonne partie de la preuve concernant l’incapacité du fonctionnaire de mener à bien quelque tâche que ce soit pendant plus de sept ou huit jours vient du témoignage de M. Uzoruo et de ses notes, ainsi que des notes prises durant la réunion d’établissement des faits et des témoignages (outre celui de M. Uzoruo) de M. Kamin, de Mme Jelani et du fonctionnaire.

[262] Le fait que le fonctionnaire soit Asperger et peut‑être TDAH ne signifie pas nécessairement qu’il ne peut faire la part des choses entre ce qui est bien ou mal. La façon dont le fonctionnaire a décrit les choses pour expliquer son incapacité d’effectuer du travail ne remplit pas le critère énoncé dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique s’est exprimée comme suit :

[Traduction]

[…]

Si l’acceptation de la crédibilité d’un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l’apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités qu’avait le témoin d’être au courant des faits, sa capacité d’observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu’il a vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité [...] Par son attitude, un témoin peut créer chez le juge de première instance une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances de l’affaire permettent de conclure de façon indubitable qu’il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas assez peu fréquents où l’on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances […]

[Je mets en évidence]

 

[263] M. Uzoruo a indiqué dans ses notes et son témoignage que, lorsqu’il a souligné au fonctionnaire qu’il n’avait exécuté aucune tâche pendant sept jours, celui-ci lui avait répondu avoir l’impression de ne pas faire un travail important, et qu’il était titulaire d’une maîtrise. Le 16 mai 2014, le fonctionnaire et M. Uzoruo ont échangé de nombreux courriels, dont certains ont aussi été envoyés en copie à Mme Jelani et à MM. Kamin et Star. Il n’était mentionné nulle part dans cet échange que le fonctionnaire était resté bloqué sur un dossier ou qu’il n’avait pas compris ce qu’il avait à faire.

[264] Une réunion d’établissement des faits a eu lieu le 28 mai 2014 entre le fonctionnaire et son représentant syndical, MM. Gurr, Kamin et Uzoruo ainsi que Mme Jelani. Rien dans les notes ou dans les témoignages de M. Kamin, de M. Uzoruo et de Mme Jelani n’indique que le fonctionnaire ait jamais expliqué pourquoi il n’avait exécuté aucun travail ou pourquoi il était resté bloqué sur un dossier. La preuve montre que le fonctionnaire s’est opposé à sa mutation aux archives et que le SDI lui avait conseillé de ne rien dire de plus.

[265] Mme Jelani a témoigné que, après la réunion du 28 mai 2014, elle avait eu une discussion avec le fonctionnaire, qui lui avait alors confié être resté bloqué. Elle a précisé aussi qu’il n’avait donné aucune raison pouvant justifier pourquoi il n’en avait parlé à personne afin de pouvoir débloquer. Il n’avait pas expliqué non plus, a-t-elle dit, ce qui l’avait bloqué et pourquoi il n’avait pu se sortir de cette situation.

[266] Quand le fonctionnaire a été interrogé sur la période de sept ou huit jours au cours de laquelle il n’a effectué aucun travail et a été invité à en expliquer la raison, il a mentionné se souvenir que M. Uzoruo avait crié contre lui, ce qu’il a répété plus tard dans son témoignage. Quand on lui a demandé pourquoi il n’avait dit à personne qu’il était bloqué, il a répondu qu’il avait peur. Le fonctionnaire a témoigné après tous les témoins de l’employeur, y compris MM. Kamin et Uzoruo et Mme Jelani. Il a entendu leurs témoignages et il a pu consulter les notes et les courriels qui ont été déposés. Tous ont été contre‑interrogés par l’avocate du fonctionnaire, mais ils n’ont pas été questionnés sur la possibilité que M. Uzoruo ou qui que ce soit d’autre ait crié contre le fonctionnaire, ni sur la peur que celui-ci aurait pu éprouver. Ces éléments d’information ne figurent pas dans les documents relatifs à l’incident. M. Gurr n’a pas témoigné et M. Star (même s’il n’était pas présent à la réunion d’établissement des faits) n’a jamais fait part non plus de cris ou de la crainte mentionnés par le fonctionnaire.

[267] L’allégation de l’employeur quant à la non‑productivité du fonctionnaire était assez simple. Pourtant, le fonctionnaire a changé son récit plusieurs fois, par exemple lorsqu’il a mentionné les cris ou sa peur. Sa dernière explication, soit qu’il venait de se souvenir des cris dirigés contre lui et de la crainte qu’il avait éprouvée, n’était tout simplement pas crédible si l’on prend en considération ses premières réponses aux questions concernant le peu d’importance qu’il accordait au travail d’archivage, l’impression qu’il avait de gaspiller son talent (quand il a mentionné sa maîtrise) et le fait que sa non-productivité a coïncidé avec les reproches qui lui ont été faits à la suite de l’incident du 15 mai.

[268] Bien qu’il ne fasse aucun doute que le fonctionnaire présente une incapacité, la preuve n’a pas montré que cette incapacité a joué un rôle dans les agissements qui ont mené à la mesure disciplinaire. Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’incapacité du fonctionnaire a influé sur les actes qui ont été sanctionnés. Selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire a agi d’une manière qu’il savait inappropriée et a simplement tenté de rejeter le blâme ailleurs.

[269] Pour trancher les questions portant sur des mesures disciplinaires, on examine habituellement les trois critères suivants (voir Wm. Scott & Co.) : L’employé a‑t‑il fait preuve d’une inconduite? Le cas échéant, la mesure disciplinaire de l’employeur était‑elle une sanction excessive dans les circonstances? Si elle était excessive, quelle autre mesure, qui serait juste et équitable, devrait y être substituée dans les circonstances?

[270] Puisque j’ai conclu qu’il y avait des motifs de croire que le fonctionnaire avait fait preuve d’inconduite dans un des deux incidents pour lesquels il a reçu des sanctions disciplinaires, le deuxième critère énoncé dans Wm. Scott m’invite à déterminer si la mesure disciplinaire imposée était excessive. Cependant, comme l’employeur a déjà précisé qu’il remboursera les deux jours de salaire perdus, j’ordonne à l’employeur de verser les sommes dues si ce n’est déjà fait.

[271] Dans son grief visant la mesure disciplinaire, le fonctionnaire a déclaré également qu’il n’avait pas bénéficié de mesures d’adaptation conformément à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et à la convention collective applicable. Comme j’ai conclu qu’il avait fait preuve d’inconduite et que celle-ci n’avait pas de lien avec son incapacité ni avec l’omission de prendre des mesures d’adaptation, cette allégation est rejetée.

[272] Le grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑12599 énonce simplement ce qui suit : [traduction] « La direction n’a pas mis à ma disposition les mesures d’adaptation que j’avais demandées, et elle ne m’a pas fourni de milieu de travail respectueux et dénué de harcèlement, si bien je me suis retrouvé dans des situations d’échec inévitable au travail, en raison de mon problème médical. » Comme je l’ai déjà mentionné, ce grief est daté du 10 juin 2014, date qui coïncide avec la période à laquelle a eu lieu l’inconduite que je viens d’examiner, en lien avec le grief constituant le dossier de la Commission 566‑02‑12601. J’ai déjà déterminé que la discrimination n’avait joué aucun rôle dans ces incidents.

[273] Le seul autre élément de preuve important qui m’a été présenté à propos de cette période concerne le fait que le fonctionnaire avait l’impression de ne pas avoir bénéficié de mesures d’adaptation, parce qu’il n’avait pas reçu les outils appropriés. À cet égard, la lettre du 2 avril de Cornerstone contient certaines recommandations, dont la recommandation no 6 qui est reproduite ci‑dessous :

[Traduction]

 

[L]ui permettre d’utiliser un ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent munis de technologies adaptées. Lui donner une formation sur l’utilisation des technologies utiles (p. ex., un système de gestion des tâches avec rappels; un logiciel d’échange d’information textuelle parole‑écran, un stylet intelligent LiveScribe pour enregistrer et lire de l’information présentée oralement; un logiciel d’annotation) […]

 

[274] Dans son témoignage, Mme Jelani a mentionné l’utilisation d’un ordinateur, d’une tablette et d’un téléphone intelligent munis de technologies adaptées. Elle a dit avoir informé le fonctionnaire que ces outils ne l’aideraient pas dans son travail à l’unité de suivi des cas en instance. D’après elle, ils n’auraient été d’aucune utilité non plus dans l’unité responsable de l’archivage, ni pour le traitement des dossiers. Elle a mentionné que des listes de vérification existaient pour guider le fonctionnaire. Dans une lettre datée du 11 juillet 2013, Mme Raposo a indiqué au fonctionnaire, qui réclamait ces outils électroniques, que les gestionnaires ne voyaient pas en quoi les outils en question pouvaient l’aider dans ses tâches.

[275] Selon Mme Cait, les recommandations formulées dans la lettre du 2 avril de Cornerstone se voulaient des principes directeurs de nature générale. Elle n’a donné aucune précision quant à la façon dont les technologies proposées pouvaient aider le fonctionnaire, servir de mesures d’adaptation ou même être vraiment nécessaires. Le fonctionnaire ne m’a pas donné ce genre de précisions non plus. Le fait que ces recommandations aient été formulées, mais pas mises en œuvre, ne constitue pas une omission de prendre des mesures d’adaptation. Il y avait d’autres recommandations dans la lettre du 2 avril de Cornerstone qui ne s’appliquaient pas non plus, notamment les recommandations nos 9 et 10 portant sur les tests et les examens.

[276] Il est aussi question de harcèlement dans les griefs. Or la preuve qui m’a été présentée n’a pas établi que le fonctionnaire a été victime de harcèlement.

[277] Étant donné que le fonctionnaire n’a pas réussi à montrer que son incapacité était un facteur dans l’imposition de la mesure disciplinaire et qu’il avait été victime de discrimination par ailleurs, ces griefs sont rejetés.

5. Grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑12600

[278] Dans le dossier de la Commission 566‑02‑12601, le fonctionnaire contestait sa suspension disciplinaire de deux jours et reprochait à l’employeur de ne pas avoir pris de mesures d’adaptation à son endroit, ce qui était contraire à la politique relative à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et à la convention collective applicable. Ce grief a été rejeté, puis renvoyé à la Commission et abordé dans les présents motifs.

[279] Le fonctionnaire a déposé ce grief (dossier de la Commission 566‑02‑12600) à la suite de la réponse reçue relativement à l’autre grief (dossier de la Commission 566‑02‑12601).

[280] Pour les motifs qui suivent, ce grief (dossier de la Commission 566‑02‑12600) est rejeté.

[281] Le processus de règlement des griefs dans la fonction publique fédérale est actuellement énoncé dans le Règlement et il suit un mécanisme antérieur qui est appliqué, à peu près sans changement, depuis des décennies. Il a d’abord été instauré à l’époque où siégeait l’organe qui a précédé la Commission, soit la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. 1985, ch. P‑35); il a ensuite a été maintenu en place sous le régime de la LRTSPF.

[282] Le Règlement dispose que, si un employé ayant déposé un grief individuel n’est pas satisfait d’une décision à un palier du processus de règlement des griefs, il peut renvoyer son grief au palier suivant jusqu’au dernier. Arrivé à la dernière étape, suivant la nature du grief, le fonctionnaire peut en saisir la Commission si la question en litige relève de sa compétence (conformément à l’actuel article 209 de la Loi).

[283] Le fonctionnaire a déposé ce grief même s’il avait également renvoyé le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566‑02‑12601 à la CRTFP pour décision.

[284] Je n’ai entendu aucun témoignage à l’égard de ce grief qui montrerait en quoi il est différent de ce qui est devenu le dossier de la Commission 566‑02‑12601. Il s’agit essentiellement d’une contestation de la même mesure disciplinaire pour laquelle le plaignant sollicite le même redressement. Dans ses observations, le fonctionnaire a déclaré qu’il ne présenterait aucune observation sur la compétence et qu’il ne demanderait pas non plus de décision ou de redressement. Puisqu’il s’agit d’une question dont la Commission a déjà été saisie et qui a déjà été tranchée, le principe de la chose jugée s’applique, et le grief est rejeté.

V. Conclusion

[285] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[286] Le grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑9129 est rejeté.

[287] Le grief dans les dossiers de la Commission 566‑02‑9131 et 9132 est accueilli comme il est expliqué dans les présents motifs.

[288] Le fonctionnaire sera réintégré dans son poste d’AELBI ou dans un poste équivalent, au groupe et au niveau FB‑03. Cette réintégration entrera en vigueur le 11 février 2020. Dans un délai de 30 jours suivant la présente décision, un processus de mise en place de mesures d’adaptation auquel participeront le fonctionnaire, l’employeur et le syndicat devra être enclenché, avec l’intervention des professionnels de la santé compétents, au besoin.

[289] Le fonctionnaire sera remboursé d’une somme correspondant à la différence entre son salaire au poste FB‑03 et son salaire au poste CR‑05 pour la période allant du 11 février 2020 à la date à laquelle il commencera à recevoir son salaire au poste FB‑03.

[290] L’employeur versera au fonctionnaire une indemnité de 5 000 $ pour préjudice moral conformément à l’alinéa 53(2)e) de la LCDP.

[291] L’employeur a contrevenu à l’article 19 de la convention collective FB de 2014.

[292] Le grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑12599 est rejeté.

[293] Le grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑12600 est rejeté.

[294] Le grief dans le dossier de la Commission 566‑02‑12601 est rejeté.

[295] L’employeur versera au fonctionnaire l’équivalent de deux jours de travail au salaire en vigueur le 22 juillet 2014 au groupe et au niveau CR‑05.

[296] Les intérêts seront versés sur toutes les sommes et calculés aux taux d’intérêt antérieur et postérieur au jugement établis dans la loi de l’Ontario intitulée Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C‑43, comme suit :

1. Pour ce qui est de la perte attribuable à l’écart salarial entre les postes FB‑03 et CR‑05, à partir du 11 février 2020.

2. Pour ce qui est du salaire perdu en raison de la suspension de deux jours en juillet 2014, à partir du 1er août 2014.

 

[297] La mise sous scellés des documents suivants est ordonnée :

· Pièce G‑1, onglet 36, 6 pages renfermant les résultats aux tests que le Dr Glassman a fait passer au fonctionnaire le 6 décembre 2010;

· Pièce E‑1, onglet 41, et pièce G‑1, onglet 35 : lettre datée du 7 décembre 2010 envoyée par le Dr Glassman au Dr Glass;

· Pièce E‑1, onglet 42, et pièce G‑1, onglet 38 : lettre datée du 5 janvier 2011 envoyée par le Dr Glass à Mme Ptasznik;

· Pièce E‑1, onglet 44, et pièce G‑1, onglet 47 : lettre datée du 15 août 2011 envoyée par le Dr Chernin au Dr Shapiro;

· Pièce E‑1, onglet 44, et pièce G‑1, onglet 49 : lettre datée du 16 août 2011 envoyée par le Dr Shapiro à Mme Ptasznik;

· Pièce E‑1, onglet 44, et pièce G‑1, onglet 53 : lettre datée du 3 octobre 2011 envoyée par le Dr Goldsand au Dr Shapiro;

· Pièce G‑1, onglet 88 : lettre datée du 2 avril 2013, envoyée par Cornerstone (Mme Cait) et adressée [traduction] « À qui de droit »;

· Pièce G‑1, onglet 95 : évaluation psychologique non datée de 17 pages, rédigée par Cornerstone (Mme Cait), avec un résumé de huit pages des résultats aux tests;

· Pièce G‑1, onglet 126 : l’intégralité du troisième volume de la pièce G‑1, c’est-à-dire toutes les données brutes de l’évaluation du fonctionnaire par Cornerstone;

· Pièce E‑12 : carnet du fonctionnaire pour la période allant du 22 juillet 2008 au 11 juin 2009;

· Pièce E‑1, onglets 12, 14, 15 et 16 : notes contenant des noms de non‑citoyens;

· Pièce E‑1, onglet 19 : note au dossier datée du 14 février 2009 et contenant des noms de non‑citoyens;

· Pièce E‑1, onglet 25, et pièce G‑1, onglet 19 : tableau d’évaluation du rendement, assorti de notes contenant des noms et des numéros de dossier de non‑citoyens;

· Pièce E‑1, onglet 26 : notes d’évaluation contenant des noms ou des numéros de dossier de non‑citoyens, ou les deux.

 

[298] Je demeure saisi de l’affaire pendant une période de 120 jours suivant la date des présents motifs afin de régler toute question qui pourrait surgir dans le cadre du processus de mise en place de mesures d’adaptation que les parties doivent enclencher à la suite de ma décision.

Le 25 janvier 2022.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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