Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a participé à un processus de nomination annoncé, mais n’a pas été sélectionnée pour la nomination – elle a allégué un abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans le choix du processus – la Commission a conclu que la preuve n’appuyait pas l’allégation selon laquelle le favoritisme personnel et la partialité avaient influé sur la sélection des personnes nommées – l’employeur a fourni une explication rationnelle et cohérente pour les sélections – la plaignante a également allégué de la discrimination – la Commission a conclu qu’elle possédait une caractéristique protégée contre la discrimination en tant que femme autochtone – elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi lorsqu’elle n’a pas été sélectionnée – pourtant, la caractéristique protégée de la plaignante n’a pas constitué un facteur de son manque de succès dans le processus de sélection – elle a également allégué qu’il existait un écart relatif à l’équité en matière d’emploi pour les Autochtones, qui aurait dû être comblé lors des nominations – toutefois, la Commission a conclu que cet écart, qui existait dans le groupe d’emploi, avait été comblé avant que les nominations ne soient faites.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20220216

Dossiers: EMP-2017-11185 et 11430

 

Référence: 2022 CRTESPF 9

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi

dans la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

RONDA HANSEN

plaignante

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de la Justice)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Hansen c. Administrateur général (ministère de la Justice)

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir aux termes des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Joanne B. Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Satinder Bains, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’intimé : Elizabeth Matheson, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras

Affaire entendue par vidéoconférence,

le 29 septembre et le 1er octobre 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Ronda Hansen (la « plaignante ») a présenté deux plaintes en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13; « LEFP ») concernant le processus de nomination 16-JUS-PRO-IA-102776 (le « processus de nomination »). Elle a allégué un abus de pouvoir de la part de l’intimé, l’administrateur général du ministère de la Justice, dans le processus de nomination annoncé pour le poste de parajuriste C, classifié au groupe et au niveau EC‑03 (le « poste de parajuriste »).

[2] Selon la plaignante, il y a eu abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans le choix d’un processus de nomination annoncé pour doter deux postes de parajuriste situés à Saskatoon, en Saskatchewan.

[3] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans l’application du mérite ou dans le choix du processus de nomination annoncé. Il a déclaré qu’il disposait déjà d’un répertoire de candidats qualifiés issus du processus de nomination. Deux candidats ont été nommés à partir de ce répertoire. Une nomination visait un poste intérimaire de parajuriste pour une durée d’un an et l’autre était une nomination pour une période indéterminée.

[4] La Commission de la fonction publique n’a pas assisté à l’audience et elle a présenté des arguments écrits concernant ses politiques et lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bienfondé de la plainte.

II. Contexte

[5] La plaignante et les personnes nommées étaient des candidats dans le processus de nomination. Ils ont tous été jugés qualifiés.

[6] Le 20 avril 2017, un Avis de nomination intérimaire (ANI) a annoncé la nomination de Tracey Wawryk (« personne nommée A ») du processus de nomination pour la période du 24 février 2017 au 29 décembre 2017 (la « nomination intérimaire »).

[7] Le 4 mai 2017, la plaignante a déposé une plainte pour abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP contre la nomination intérimaire.

[8] Le 25 septembre 2017, un avis de nomination ou de proposition de nomination a annoncé la nomination pour une période indéterminée de Kelly-Ann Donald (« personne nommée B ») du processus de nomination (la « nomination pour une période indéterminée »).

[9] Le 28 septembre 2017, la plaignante a déposé une plainte pour abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP contre la nomination pour une période indéterminée.

III. Résumé de la preuve

A. Pour la plaignante

[10] La plaignante a témoigné qu’elle était une Indienne au sens de la Loi sur les Indiens (L.R.C. (1985), ch. I-5). Elle participe activement à des comités locaux, régionaux et nationaux concernant le maintien en poste et la promotion des employés autochtones, conformément au sens de ce terme dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi (L.C. 1995, ch. 44). Selon l’article 3 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, le terme « autochtones » signifie : « Les Indiens, les Inuit et les Métis. »

[11] Depuis 2000, elle a occupé le poste d’adjointe juridique au groupe et au niveau CR-05 auprès de l’intimé dans sa section de Droit autochtone à Saskatoon. Elle a témoigné que pendant les trois ou quatre premières années, elle a travaillé dans les services consultatifs, administratifs et de soutien (les « services consultatifs » ou le « groupe consultatif »). Elle a ensuite été mutée au contentieux.

[12] La plaignante a affirmé que son objectif de carrière de devenir une parajuriste l’a amené à présenter sa candidature au processus de nomination. Elle a pris connaissance des nominations intérimaires et pour une période indéterminée lorsqu’elle a vu les annonces.

[13] La plaignante a témoigné que la personne nommée A lui avait dit qu’elle n’avait pas terminé l’examen donné dans le cadre du processus de nomination. Sur cette base, la plaignante a remis en question la façon dont la personne nommée A aurait pu être jugée qualifiée et nommée avant elle.

[14] La plaignante a également estimé que la nomination de la personne nommée A faisait état d’un favoritisme personnel. Elle a déclaré que le directeur régional adjoint, qui était le gestionnaire responsable de l’embauche (le « gestionnaire de l’embauche »), s’était renseigné sur l’utilisation de la propriété de vacances de la personne nommée A.

[15] Les allégations écrites de la plaignante laissent entendre que la personne nommée A a été préparée pour le poste pendant plusieurs mois avant la nomination intérimaire.

[16] De plus, la plaignante a déclaré qu’elle avait des conflits avec le gestionnaire responsable de l’embauche, y compris un grief au sujet de sa charge de travail et de l’affectation d’un travail de parajuriste à son égard. Elle estimait qu’elle était alors devenue une cible et que le gestionnaire responsable de l’embauche avait un parti pris contre elle.

[17] Par exemple, la plaignante a fait référence à une demande qu’elle avait présentée en août 2017 pour un congé avec étalement du revenu. Elle n’a pas obtenu l’approbation avant la fin de décembre 2017. Elle a estimé que le retard était très irrespectueux.

[18] La plaignante a également allégué qu’il existait un écart relatif à l’équité en matière d’emploi pour les Autochtones qui aurait dû être comblé lors de la nomination au poste de parajuriste. Dans son argumentation finale, la plaignante a également allégué une discrimination.

[19] En ce qui concerne le choix de processus, la plaignante a affirmé qu’elle estimait qu’elle était aussi qualifiée que les personnes nommées et qu’on aurait dû lui demander si les nominations l’intéressaient avant qu’elles ne soient sélectionnées.

B. Pour l’intimé

[20] Au moment du processus de nomination et des nominations, Voula Karlaftis était la directrice régionale (la « directrice régionale ») de la section de Droit autochtone de l’intimé pour le Manitoba et la Saskatchewan. Le gestionnaire responsable de l’embauche relevait d’elle.

[21] La directrice régionale a déclaré que deux cadres EC situés à Edmonton, en Alberta, avaient mené le processus de nomination. Il a donné lieu à un répertoire de candidats qualifiés, qui ont tous satisfait aux qualifications essentielles du poste.

[22] En répondant à la préoccupation de la plaignante selon laquelle une déclaration d’intérêt aurait dû être sollicitée, la directrice régionale a témoigné que la présentation d’une candidature au processus de nomination était considérée comme une déclaration d’intérêt suffisante pour le poste de parajuriste. Une autre demande de déclaration d’intérêt n’aurait été envoyée que si un répertoire de candidats qualifiés n’avait pas été disponible.

[23] La personne nommée A a été nommée à partir du répertoire de candidats qualifiés pour effectuer un travail de parajuriste du contentieux. La directrice régionale a témoigné que le travail d’un parajuriste du contentieux était fortement axé sur les documents et la communication préalable. Au moment de la nomination intérimaire, l’intimé était soumis à de fortes pressions en raison du volume de litiges qui dépassait la capacité du personnel. L’intimé avait besoin d’un candidat qui pouvait entreprendre et exécuter immédiatement le travail requis.

[24] Les critères des atouts ont été appliqués pour sélectionner le bon candidat pour la nomination intérimaire à partir du répertoire de candidats qualifiés. Les critères des atouts étaient : 1) une expérience de travail dans la section du Droit autochtone; 2) une expérience de travail dans le cadre d’un dossier de contentieux à l’aide de logiciels comme Ringtail; 3) une expérience liée à la production de documents dans le cadre de cas complexes et importants, tant manuellement que par voie électronique.

[25] La directrice régionale a déclaré que la personne nommée A avait été sélectionnée parce qu’elle avait obtenu la note la plus élevée pour les qualifications essentielles dans le processus de nomination, qu’elle satisfaisait à toutes les qualifications et qu’elle avait reçu une cote de « supérieur » pour six d’entre elles. La cote « supérieur » a été définie dans le guide d’évaluation du processus de nomination comme [traduction] « Répond à la majorité des principales questions et fournit des renseignements approfondis et/ou des renseignements au-delà de ce qui était prévu. Dans l’ensemble, le candidat a démontré un niveau de rendement supérieur à la moyenne. » La personne nommée A satisfaisait également à tous les critères des atouts.

[26] La plaignante satisfaisait à toutes les qualifications essentielles, mais elle n’a pas obtenu une cote de « supérieur ». Elle a satisfait à tous les critères des atouts. Par conséquent, sa note était inférieure à celle de la personne nommée A.

[27] La directrice régionale a expliqué que la personne nommée A avait été nommée à l’origine pour une période de moins de quatre mois. Pendant cette période, des mesures ont été prises pour obtenir une autorisation sécuritaire de niveau secret afin que des travaux de nature plus délicate puissent lui être affectés. Une fois obtenue, la nomination a été prolongée pour une période totale d’un an et l’ANI a été affiché.

[28] Linda Kaminski, chef de l’équipe de soutien juridique (la « chef d’équipe ») à Saskatoon, a fourni des références dans le cadre du processus de nomination à l’égard de la plaignante et de la personne nommée A. Elle a témoigné qu’elle avait de bonnes relations de travail avec les deux personnes, mais qu’elle n’avait aucune relation personnelle à l’extérieur du milieu de travail.

[29] La chef d’équipe a confirmé qu’avant la nomination intérimaire, la personne nommée A travaillait à titre d’adjointe du contentieux. Selon la chef d’équipe, la personne nommée avait toujours été une bonne ajointe juridique et il était courant qu’elle reçoive des commentaires de la part d’un avocat décrivant son travail comme excellent. La plaignante était, elle aussi, une bonne ajointe juridique.

[30] La directrice régionale a témoigné que la personne nommée B avait été nommée au poste de parajuriste au sein du groupe consultatif. Le travail consultatif était transactionnel, axé sur les biens-fonds et le bureau d’enregistrement, conjointement avec la compréhension du processus de réserve pour les Premières Nations, des fonciers issus des traités et des travaux gaziers et pétroliers autochtones. Le groupe consultatif existait pour collaborer avec les clients en vue d’éviter les litiges.

[31] Avant la nomination, la personne nommée B travaillait dans les services consultatifs à titre de parajuriste au groupe et au niveau EC-02. Elle a satisfait aux critères des atouts de la nomination, y compris une vaste expérience dans la prestation d’un soutien juridique consultatif.

[32] En ce qui concerne l’équité en matière d’emploi, la directrice régionale a déclaré que le plan d’équité en matière d’emploi de l’intimé pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2017 décrivait son engagement quantitatif et qualitatif pour réaliser ses objectifs. Les écarts relatifs à l’équité en matière d’emploi ont été examinés tout au long de chaque année et ont été pris en compte dans le contexte de chaque processus de nomination.

[33] Le rapport d’étape de l’intimé sur l’équité en matière d’emploi d’avril 2015 a décrit [traduction] « […] un nouvel écart pour les Autochtones faisant partie du groupe EC (-2); il découle de séparations ».

[34] La directrice régionale a indiqué que le rapport d’étape d’avril 2016 a déclaré : [traduction] « L’écart pour les Autochtones faisant partie du groupe EC de (-2) au 31 mars 2015 a été comblé au 31 mars 2016; ce résultat découlait de promotions [le passage en évidence est dans l’original]. »

[35] Selon la directrice générale, il n’existait aucun écart au moment de la nomination. Si l’écart avait réapparu, la section des Ressources humaines de l’intimé aurait soulevé la question avant que les nominations ne soient faites.

[36] La chef d’équipe a reconnu que la plaignante avait présenté une demande de congé avec étalement du revenu datée du 31 août 2017. Elle a indiqué sa réponse à la plaignante le 20 septembre 2017. Elle déclarait qu’elle et le gestionnaire responsable de l’embauche appuyaient le congé, mais qu’elle devait trouver quelqu’un pour remplacer la plaignante et qu’elle y travaillait. Elle estimait que le retard de trois semaines avant de répondre découlait des efforts déployés pour trouver une solution en vue de gérer l’absence de la plaignante.

[37] Le congé a été approuvé en décembre 2017 et le travail de la plaignante a été effectué en le répartissant entre les membres du personnel existants.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

[38] La plaignante estimait qu’elle était bien qualifiée, mais qu’en raison des politiques administratives, elle n’a pas été prise en considération et s’est vu refuser ces trois possibilités de nomination. Elle était passionnée et avait reçu plusieurs prix. À son avis, les nominations faisaient preuve de discrimination à son égard.

B. Pour l’intimé

[39] L’intimé a présenté une explication raisonnable des nominations. Les personnes nommées ont été sélectionnées à partir d’un répertoire de candidats qualifiés.

[40] La personne nommée A a obtenu la note la plus élevée parmi les candidats et a obtenu une cote de « supérieur » pour 6 des 13 qualifications. Elle possédait les 3 qualifications constituant un atout.

[41] La personne nommée B a bien réussi l’évaluation, elle était bonne à son travail et a donné toutes les indications qu’elle réussirait dans le poste. Les principales qualifications constituant un atout qui indiquaient qu’elle était la bonne candidate étaient son expérience en services consultatifs et ses connaissances des processus et des bases de données, surtout celles dans les domaines de l’immobilier et de l’enregistrement foncier. Son expérience était récente et ses connaissances étaient à jour.

[42] En ce qui concerne l’argument fondé sur le favoritisme à l’égard de la personne nommée A, un favoritisme personnel ou une relation entre la personne nommée et le décideur devait ressortir de la preuve. Même si la plaignante a mentionné une conversation entre la personne nommée A et le gestionnaire responsable de l’embauche concernant la propriété de vacances de la personne nommée A, rien dans la preuve n’a permis d’établir un lien avec le favoritisme personnel.

[43] Il ne suffisait pas que la plaignante allègue un parti pris sans fournir d’autres renseignements. La partialité doit être réelle, probable ou évidente. La spéculation ne suffit pas. On ne peut pas déduire que le gestionnaire responsable de l’embauche avait un parti pris simplement en raison du grief antérieur de la plaignante. En outre, la chef d’équipe a expliqué ses motifs du retard dans l’approbation de la demande de congé avec étalement du revenu de la plaignante.

[44] En ce qui concerne les écarts relatifs à l’équité en matière d’emploi, il est ressorti de la preuve que l’écart pour les employés autochtones faisant partie du groupe EC avait été comblé et rien dans la preuve ne permet de conclure qu’il avait réapparu au moment de ces nominations.

[45] En ce qui a trait à l’allégation de discrimination qui a été soulevée dans l’argumentation, l’intimé a convenu que la plaignante est membre d’un groupe protégé et qu’elle a subi des effets préjudiciables lorsqu’elle n’a pas été sélectionnée aux fins de ces nominations. Toutefois, les éléments de preuve n’ont pas permis d’établir que le motif protégé constituait un facteur.

[46] En ce qui concerne le choix du processus, la présentation d’une candidature au processus de nomination constituait une déclaration d’intérêt et une autre demande d’intérêt n’était pas nécessaire.

V. Analyse

A. Abus de pouvoir dans l’application du mérite

[47] La LEFP déclare à l’article 30 que les nominations doivent être fondées sur le mérite. Dans le présent cas, il s’agissait notamment des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout, établies pour le poste de parajuriste.

[48] Même si la plaignante a laissé entendre que la personne nommée A n’avait pas terminé l’examen, aucun élément de preuve n’a été présenté pour étayer sa suggestion ou pour remettre en question l’évaluation de l’examen de la personne nommée A. Cela aurait pu être accompli en déposant à titre de preuve l’examen ou en contestant sa notation comme déraisonnable. Toutefois, cela n’a pas été fait. Il me reste la simple affirmation de la plaignante qui, à mon avis, ne suffit pas pour me permettre de conclure que la personne nommée A avait été mal évaluée.

[49] La plaignante a fait référence au fait que la personne nommée A avait été préparée avant sa nomination intérimaire au poste de parajuriste. Selon le témoignage de la directrice régionale, la nomination à court terme initiale à partir du répertoire de candidats qualifiés a permis à la personne nommée A d’obtenir une autorisation sécuritaire de niveau secret avant la prolongation d’un an de la nomination intérimaire. Il s’agit d’une explication raisonnable, conforme à une exigence opérationnelle et ne laisse pas entendre que la personne nommée A avait été préparée de manière inappropriée pour la nomination.

[50] La plaignante n’a contesté ni l’évaluation ni les qualifications de la personne nommée B.

[51] La plaignante a exprimé son sentiment qu’elle n’avait pas été prise en considération aux fins de ces nominations.

[52] L’intimé a répondu en démontrant, à l’aide d’éléments de preuve, que chaque nomination des personnes nommées avait nommé la bonne personne. La personne nommée A a obtenu la meilleure note par rapport à tous les autres candidats, y compris la plaignante. Autre que la déclaration de la plaignante concernant le fait que l’examen n’avait pas été terminé, aucun élément de preuve du contraire n’a été présenté. La personne nommée B travaillait dans les services consultatifs avant sa nomination. Une vaste expérience en services consultatifs était nécessaire pour le poste auquel elle avait été nommée. La plaignante n’a pas contesté l’évaluation de l’expérience de la personne nommée B, indiquant seulement qu’elle avait également une expérience en services consultatifs.

[53] Je suis d’avis qu’aucun élément de preuve de fond n’a été présenté pour suggérer que la personne nommée A ou la personne nommée B n’ont pas satisfait aux critères essentiels et aux critères relatifs aux atouts pour le poste de parajuriste.

[54] La plaignante a soulevé une allégation selon laquelle le favoritisme personnel avait vicié la sélection de la personne nommée A. Selon le paragraphe 2(4) de la LEFP, l’abus de pouvoir comprend le favoritisme personnel.

[55] L’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal »), un prédécesseur de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), a fait remarquer dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, au paragraphe 39, que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble. Le Tribunal a ensuite décrit le favoritisme personnel comme suit au paragraphe 41 :

[41] Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

 

[56] La plaignante a témoigné que le gestionnaire responsable de l’embauche avait une fois demandé à la personne nommée A des renseignements sur une propriété de vacances.

[57] Une telle conversation entre le gestionnaire responsable de l’embauche et la personne nommée A pourrait en effet être pertinente pour conclure qu’il existe une relation personnelle ou qu’une faveur ou un gain personnel avait été échangé. Toutefois, d’après les éléments de preuve de la plaignante, je ne suis pas en mesure de déterminer quand cette conversation a eu lieu par rapport à la nomination intérimaire, si la plaignante était présente ou le résultat de cette conversation. Sans contexte ni corroboration, les renseignements limités fournis ne suffisent pas à s’acquitter du fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

[58] La plaignante a également affirmé que le gestionnaire responsable de l’embauche avait un parti pris contre elle en raison d’un grief antérieur. Elle a indiqué que l’approbation tardive de son congé avec étalement du revenu constituait une autre preuve de partialité.

[59] Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Dans le contexte d’un processus de nomination, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation, la Commission peut conclure à l’existence d’abus de pouvoir (voir Gignac c. le sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10; Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33).

[60] En ce qui a trait à l’approbation du congé, je fais remarquer qu’il a été demandé en septembre 2017 et approuvé en décembre 2017. La chef d’équipe a expliqué le retard comme le temps qu’elle a passé à chercher une solution pour couvrir le travail de la plaignante. Il s’agissait d’une explication raisonnable et rien ne laisse entendre que le gestionnaire responsable de l’embauche ait influencé le retard.

[61] En ce qui concerne la question de savoir si le gestionnaire responsable de l’embauche avait été prédisposé contre la plaignante en raison d’un grief antérieur, j’invoque la décision de la Cour fédérale dans Gandhi c. Canada (Agence des services frontaliers), 2015 CF 436, qui a été affirmée par la Cour d’appel fédérale (2016 CAF 124). L’aspect pertinent de ce cas porte sur une allégation de partialité dans l’évaluation de la plaignante en raison de sa plainte antérieure auprès du Tribunal.

[62] Au paragraphe 58 de Gandhi, la Cour fédérale a conclu : « Ce type de situation est courant dans le contexte des relations de travail et on ne peut en inférer qu’un gestionnaire perd son impartialité à l’endroit d’un employé parce que ce dernier a déposé une plainte, un grief ou un autre recours. »

[63] Dans Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au paragraphe 124, le Tribunal a fait remarquer qu’il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité. La partialité doit être réelle, probable et évidente. Les éléments de preuve concernant le grief antérieur, ainsi que l’explication de la chef d’équipe du retard avant l’approbation du congé, ne satisfont pas à cette analyse. Les éléments de preuve ne révèlent aucune partialité qui est « réelle, probable ou raisonnablement évidente » et ne me permettent pas de conclure que le gestionnaire responsable de l’embauche avait un parti pris contre la plaignante.

[64] En conclusion, en ce qui concerne le favoritisme personnel et la partialité, les éléments de preuve n’étayent pas une conclusion selon laquelle ils ont influencé la nomination intérimaire ou la nomination pour une période indéterminée.

[65] J’examine maintenant la préoccupation de la plaignante selon laquelle il existait un écart relatif à l’équité en matière d’emploi qui n’avait pas été comblé et qui aurait dû avoir été comblé par ces nominations. Les dossiers de l’intimé indiquent un écart au 31 mars 2015 concernant les Autochtones faisant partie du groupe EC. Toutefois, au 31 mars 2016, l’écart avait été comblé. Aucun élément de preuve contradictoire n’a été présenté.

[66] Les avis des nominations de la personne nommée A et de la personne nommée B ont été publiés le 20 avril 2017 et le 25 septembre 2017, respectivement. Les nominations ont été effectuées plus d’un an après que l’écart avait été comblé et il ne ressort aucunement de la preuve que l’écart concernant les Autochtones faisant partie du groupe EC se reproduisait au moment de ces nominations.

[67] La plaignante a soulevé une allégation de discrimination dans son argumentation finale.

[68] L’article 80 de la LEFP prévoit que lorsqu’elle décide si la plainte est fondée, la Commission peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne » (L.R.C. (1985), ch. H-6, « LCDP »). Selon l’article 7 de la LCDP, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu. L’article 3 de la LCDP énonce que la race fait partie des motifs de distinction illicite.

[69] Afin d’établir que l’intimé a commis un acte discriminatoire, la plaignante doit présenter une preuve prima facie (à première vue) de discrimination, notamment, une preuve qui « […] porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (tiré de Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536).

[70] Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, la plaignante devait démontrer : 1) qu’elle possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination; 2) qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Voir Moore c. ColombieBritannique (Éducation), 2012 CSC 61.

[71] En ce qui a trait à la première étape du critère, comme la plaignante l’a déclaré au début de son témoignage et comme l’intimé l’a reconnu, elle est autochtone. Elle possède une caractéristique qui est protégée contre la discrimination; notamment, la race.

[72] En deuxième lieu, la plaignante a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi lorsqu’elle n’a pas été sélectionnée pour l’un ou l’autre des postes de parajuriste.

[73] En troisième lieu, le choix des personnes nommées était fondé sur des critères d’évaluation objectifs. La personne nommée A a obtenu une note plus élevée par rapport à la plaignante à l’égard des critères de mérite essentiels. La personne nommée B possédait l’expérience requise en services consultatifs. Je fais remarquer que son expérience était à jour et continue. Au contraire, selon le témoignage de la plaignante, elle a travaillé pour la dernière fois dans le domaine des services consultatifs avant 2005.

[74] L’intimé a fourni une explication rationnelle et cohérente pour les sélections à partir du répertoire de candidats qualifiés. La note plus élevée de la personne nommée A et l’expérience de la personne nommée B ont constitué des facteurs déterminants dans leur sélection en tant que bonnes personnes pour les nominations. Les éléments de preuve n’étayent d’aucune façon l’affirmation selon laquelle la discrimination avait constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable qu’a subi la plaignante. Le troisième volet du critère d’une preuve prima facie de discrimination n’a pas été établi.

[75] Par conséquent, je conclus qu’une preuve prima facie de discrimination n’a pas été établie par des éléments de preuve. Il ne suffisait pas que la plaignante prétende qu’elle avait été traitée injustement. L’allégation de discrimination devait être étayée par des éléments de preuve pour proposer que le motif de distinction illicite de la race constituait un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable relativement à son emploi.

[76] Étant donné que la plaignante n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination, aucune autre réponse à l’allégation de discrimination n’est requise de la part de l’intimé.

[77] En conclusion, les éléments de preuve n’étayent pas l’allégation d’un abus de pouvoir dans l’application du mérite.

B. Abus de pouvoir dans le choix du processus

[78] L’article 33 de la LEFP confère à l’intimé le pouvoir discrétionnaire d’utiliser un processus annoncé ou non annoncé pour procéder à des nominations.

[79] Selon l’affirmation de la plaignante, le recours à un processus de nomination annoncé constituait un abus de pouvoir. Elle estimait qu’on aurait dû lui demander de présenter une déclaration d’intérêt avant que l’intimé n’ait eu accès au répertoire de candidats qualifiés issu du processus de nomination.

[80] Comme le Tribunal a conclu dans Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada), 2006 TDFP 17, au paragraphe 36, un plaignant doit établir que le choix du processus constituait un abus de pouvoir.

[81] Comme la plaignante l’a reconnu dans son témoignage, elle avait déclaré son intérêt relativement au poste de juriste lorsqu’elle a présenté sa candidature. Pour cette seule raison, il n’était pas nécessaire que l’intimé communique davantage avec elle une fois qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 33 de la Loi pour utiliser les résultats de ce processus de nomination annoncé en vue de sélectionner des candidats qualifiés.

[82] Selon les éléments de preuve déposés, je conclus qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans le choix du processus.

[83] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[84] Les plaintes sont rejetées.

Le 16 février 2022.

Traduction de la CRTESPF

Joanne B. Archibald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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