Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée, une agente correctionnelle, a déposé deux griefs – elle a soutenu que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation par rapport à sa grossesse et qu’il l’avait harcelée en refusant d’accepter ses documents médicaux – elle a aussi soutenu qu’elle avait été victime de discrimination et de harcèlement en raison de ses obligations en matière de garde d’enfants – quand elle a indiqué à l’employeur qu’elle était enceinte et qu’elle avait demandé à ne pas être en uniforme, l’employeur l’a affectée à des fonctions administratives en dehors de l’établissement correctionnel – toutefois, la fonctionnaire s’estimant lésée est devenue contrariée et dépassée par sa charge de travail et, par la suite, a obtenu une note de son médecin suggérant qu’elle fasse du télétravail – l’employeur a demandé des renseignements supplémentaires du médecin sur les restrictions et les limitations de la fonctionnaire s’estimant lésée – avec cette information, il a déterminé qu’il pouvait continuer à prendre des mesures d’adaptation par rapport à sa grossesse en lui assignant des fonctions administratives sur place – elle s’est opposée au plan de mesures d’adaptation de l’employeur et n’est pas retournée au travail – la Commission a déterminé qu’elle n’avait pas établi qu’elle avait subi des répercussions négatives ou avait été harcelée par la demande de renseignements supplémentaires de l’employeur au sujet de ses limitations ou restrictions ou le fait d’avoir été empêchée de faire du télétravail – le deuxième grief, qui concerne les obligations de garde d’enfants de la fonctionnaire s’estimant lésée, portait sur une convention de garde et un plan de mesures d’adaptation antérieur que l’employeur avait mis en place en ce qui concerne son horaire – lorsqu’elle a indiqué qu’elle était enceinte et qu’elle a été déplacée de ses fonctions habituelles d’agente correctionnelle, l’employeur a cherché à coordonner son horaire avec le reste du personnel administratif – au bout du compte, son horaire n’a pas changé – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas expliqué ni établi comment les questions posées par l’employeur au sujet de la modification de son horaire lui ont a causé un préjudice ou ont eu des répercussions négatives sur elle ou ses obligations en matière de garde d’enfants.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20220222

Dossiers: 566-02-11458 et 11459

 

Référence: 2022 CRTESPF 10

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Danielle Miller

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Miller c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Sheryl Ferguson, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN)

Pour l’employeur : Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 27 au 30 avril et les 3 et 4 juin 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Danielle Miller, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») était, pendant toute la période pertinente dans la présente décision, employée par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») au Service correctionnel du Canada (SCC) en tant qu’agente correctionnelle classée au groupe et au niveau d’agent correctionnel 1 (CX-01), à l’Établissement Springhill (« Springhill » ou l’« établissement »), un établissement à sécurité moyenne pour hommes situé au sud de la ville de Springhill, en Nouvelle‑Écosse.

[2] À l’époque pertinente, ses conditions d’emploi étaient partiellement régies par une convention collective entre le CT et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN ou le « syndicat ») pour le groupe des Services correctionnels. Celle-ci avait été signée le 5 novembre 2013 et a pris fin le 31 mai 2014 (la « convention collective »).

[3] Le 8 mai 2015, la fonctionnaire a déposé deux griefs qui sont devenus les dossiers de la Commission 566-02-11458 et 11459, respectivement. Ces griefs sont reproduits ci‑dessous :

[Traduction]

 

[566-02-11458 :]

 

[…]

 

ÉNONCÉ DU GRIEF […]

J’ai demandé à faire l’objet de mesures d’adaptation pour la durée de ma grossesse. J’ai fourni un certificat médical à l’appui de cette demande. L’employeur a refusé d’accepter mon certificat et j’ai dû en fournir un nouveau à la demande de l’employeur. Pendant que j’attendais ce nouveau certificat, on m’a d’abord refusé un congé non payé (CNP), prévu à la clause 45.07 de ma convention collective. J’ai subi un traitement différent et du harcèlement en raison de ma grossesse et de ma demande de mesures d’adaptation à ce moment-là. J’ai fait l’objet d’une discrimination fondée sur mon sexe, en violation de ma convention collective, plus particulièrement de la clause 37.1 qui stipule : [citation omise d’une partie de la clause 37.01]. La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit « le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience ou l’état de personne graciée ».

REDRESSEMENT DEMANDÉ […]

Je demande la prise de mesures d’adaptation conformément à ce qui est énoncé dans mes documents.

Je demande 20 000 $ pour violation des droits de la personne.

Je demande 20 000 $ en dommages-intérêts punitifs (préjudice moral).

Je demande d’être indemnisée pour toute perte de salaire, de temps ou d’avantages depuis le moment où j’ai demandé une mesure d’adaptation.

Je réclame aussi tous mes autres droits sous le régime de la convention collective, ainsi que tous les dommages‑intérêts réels, moraux ou exemplaires payables rétroactivement, avec l’intérêt légal couru, sans préjudice aux autres droits acquis.

 

[566-02-11459 :]

 

[…]

 

ÉNONCÉ DU GRIEF […]

J’ai demandé à faire l’objet de mesures d’adaptation pour des raisons de soins et de garde d’un enfant. Cette demande a été approuvée en novembre 2014. Depuis que j’ai demandé d’autres mesures d’adaptation en raison d’une grossesse et d’un problème de santé, la mesure d’adaptation convenue pour des raisons de situation familiale a été constamment remise en question et j’ai été victime de harcèlement et de discrimination en lien avec cette mesure d’adaptation. J’ai fait l’objet d’une discrimination fondée sur mon sexe, en violation de ma convention collective, plus particulièrement de la clause 37.1 qui stipule : [citation omise d’une partie de la clause 37.01]. La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit « le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience ou l’état de personne graciée ».

REDRESSEMENT DEMANDÉ […]

Je demande la prise de mesures d’adaptation conformément à ce qui est énoncé dans mes documents.

Je demande 20 000 $ pour violation des droits de la personne.

Je demande 20 000 $ en dommages-intérêts punitifs (préjudice moral).

Je demande d’être indemnisée pour toute perte de salaire, de temps ou d’avantages depuis le moment où j’ai demandé une mesure d’adaptation.

Je réclame aussi tous mes autres droits sous le régime de la convention collective, ainsi que tous les dommages‑intérêts réels, moraux ou exemplaires payables rétroactivement, avec l’intérêt légal couru, sans préjudice aux autres droits acquis.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[4] Les griefs n’ont pas été signés par la fonctionnaire, mais en son nom, par Amy Logan.

[5] À la date des événements pertinents au regard des griefs, Amy Doucet, connue sous le nom d’Amy Logan, était CX-02 à Springhill, était vice-présidente de la section locale du syndicat de Springhill et était à la fois la représentante syndicale régionale de Springhill et de l’Atlantique pour la condition féminine et la représentante syndicale qui gérait les questions de retour au travail à Springhill. Elle a témoigné qu’à la date des événements pertinents au regard des griefs, elle avait environ 10 ans d’expérience en tant que représentante. Elle a quitté son emploi à Springhill en mai 2018.

[6] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[7] L’employeur a présenté à l’audience un schéma ou plan de l’établissement. Celui‑ci servait à montrer l’aménagement des terrains de l’établissement, y compris l’emplacement des différents bâtiments pour préciser si ceux-ci se trouvaient dans la zone clôturée de l’établissement proprement dit et, dans l’affirmative, s’ils se trouvaient dans une zone dans laquelle les détenus vivaient, travaillaient et passaient leur temps de loisirs. L’employeur a demandé que ce document soit mis sous scellés. Comme il est expliqué plus loin dans la présente décision, cette demande est accueillie.

[8] En ce qui concerne les griefs, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi qu’il y a eu une violation de la convention collective ou qu’elle a été victime de discrimination de la part de l’employeur en raison de son sexe ou de sa situation familiale. Par conséquent, les griefs sont rejetés pour les motifs qui suivent.

II. Résumé de la preuve

A. La convention collective

[9] L’article 37 de la convention collective est intitulé « Élimination de la discrimination », et la clause 37.01 se lit comme suit :

37.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un-e employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion au syndicat ou son activité dans celle-ci [sic], son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle il a été gracié.

 

[10] L’article 45 de la convention collective est intitulé « Réaffectation ou congé lié à la maternité », et les clauses de cet article qui sont pertinentes à la présente affaire sont les suivantes :

45.01 L’employée enceinte ou allaitant un enfant peut, pendant la période qui va du début de la grossesse à la fin de la vingt-quatrième (24e) semaine qui suit l’accouchement, demander à l’Employeur de modifier ses tâches ou de la réaffecter à un autre poste si, en raison de sa grossesse ou de l’allaitement, la poursuite de ses activités professionnelles courantes peut constituer un risque pour sa santé, celle du fœtus ou celle de l’enfant.

45.02 La demande dont il est question au paragraphe 45.01 est accompagnée d’un certificat médical ou est suivie d’un certificat médical aussitôt que possible faisant état de la durée prévue du risque possible et des activités ou conditions à éviter pour l’éliminer. Selon les circonstances particulières de la demande, l’Employeur peut obtenir un avis médical indépendant.

45.03 L’employée peut poursuivre ses activités professionnelles courantes pendant que l’Employeur étudie sa demande; toutefois, si le risque que représentent ses activités professionnelles l’exige, l’employée a droit de se faire attribuer d’autres tâches jusqu’à ce que l’Employeur :

a) modifie ses tâches ou la réaffecte,

ou

b) l’informe par écrit qu’il est difficilement réalisable de prendre de telles mesures.

45.04 L’employeur, dans la mesure du possible, modifie les tâches de l’employée ou la réaffecte.

45.05 Lorsque l’Employeur conclut qu’il est difficilement réalisable de modifier les tâches de l’employée ou de la réaffecter de façon à éviter les activités ou les conditions mentionnées dans le certificat médical, l’Employeur en informe l’employée par écrit et lui octroie un congé non payé pendant la période mentionnée au certificat médical. Toutefois, ce congé doit se terminer au plus tard vingt-quatre (24) semaines après la naissance.

[…]

 

B. Contexte

[11] À la date des événements pertinents au regard des griefs, et au moment de l’audience, Justin Simons était le gestionnaire correctionnel (GC) chargé des horaires et du déploiement à Springhill. Il a témoigné qu’il y avait 16 GC dans l’établissement. En dehors de lui, neuf étaient des GC de service, responsables des opérations quotidiennes de l’établissement, cinq étaient des GC d’unité, et un s’occupait des chiens détecteurs et de l’équipement de sécurité.

[12] Au moment des événements pertinents au regard des griefs, Allister MacLellan était un GC à Springhill et, entre le 22 mai et le 3 juillet 2015, il était le directeur adjoint, Opérations (DAO) par intérim. Au moment où il a témoigné devant moi, il était le sous-directeur (SD) par intérim de Springhill, son poste d’attache étant celui de DAO.

[13] Au moment des événements pertinents au regard des griefs, James Wallace était un GC à Springhill. Lors de son témoignage devant moi, il était GC au SCC, mais à l’Établissement Nova pour femmes, également en Nouvelle-Écosse.

[14] À la date des événements pertinents au regard des griefs, James Earle était le directeur de Springhill, et Sandy Ward était la DA de Springhill. Aucun d’entre eux n’a témoigné.

[15] Une copie de la description du poste de CX-01 a été déposée en preuve. Les activités clés qui y sont exposées sont les suivantes :

[Traduction]

 

[…]

Résultats axés sur le service à la clientèle […]

Opérations correctionnelles visant la sécurité et la protection du public, du personnel, des détenus et de l’établissement, et la surveillance fonctionnelle des activités pour le Service correctionnel du Canada (SCC).

Activités principales […]

Superviser, contrôler et examiner les déplacements et les activités des détenus à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement; effectuer les dénombrements et les patrouilles.

Effectuer les vérifications de sécurité et la fouille des unités de logement, des installations physiques, des bâtiments, des véhicules, des détenus, d’autres personnes et de leurs effets personnels, ainsi que de tout autre endroit où peuvent se trouver des objets interdits.

Surveiller les déplacements et les activités des visiteurs et des entrepreneurs civils ainsi que les activités sociales et les événements qui ont lieu dans l’établissement ou sur la réserve pénitentiaire.

Participer en tant que membre de l’équipe correctionnelle de l’unité et contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de l’unité.

Assumer des fonctions d’encadrement et de mentorat auprès des agents de correction de premier échelon et des stagiaires.

Faire preuve de professionnalisme dans l’exécution des fonctions liées à la sécurité pour présenter un exemple de comportement positif aux détenus et contribuer à créer un environnement favorable à leur préparation à la vie quotidienne.

Dans l’exercice des fonctions, encourager les détenus à participer aux programmes de réinsertion sociale.

Consigner des observations sur les déplacements et le comportement des détenus dans des rapports d’activités précis pour permettre aux superviseurs de rester informés.

Participer aux escortes et aux transfèrements de détenus à l’extérieur de l’établissement.

Effectuer la saisie et la consignation d’objets interdits à des fins de sécurité.

Administrer la réanimation cardio-respiratoire (RCR) en cas d’urgences médicales et offrir une aide et un soutien immédiats, lorsque le secteur est sécuritaire, aux blessés, selon ce qui est requis. Le ou la titulaire peut aussi avoir à utiliser un appareil respiratoire autonome pour secourir des personnes dans des endroits enfumés.

Le ou la titulaire du poste a la qualité d’agent ou agente de la paix.

[…]

Efforts […]

[…]

(4) Effort physique

Rester assis ou debout pendant de longues périodes à son poste assigné.

Marcher jusqu’aux postes de sécurité et pour effectuer des patrouilles ou des vérifications de sécurité. Ces marches peuvent s’effectuer sur des terrains variés lors des patrouilles sur les terrains de l’établissement.

Répondre aux alarmes et courir sur des distances variées pour appréhender les détenus ou neutraliser la violence par le recours aux techniques d’intervention les plus sécuritaires et les plus raisonnables qui soient, conformément au modèle de gestion de situations d’urgence approuvé, et par l’utilisation de l’équipement de sécurité, ce qui nécessite un effort considérable. Le ou la titulaire peut également devoir retirer des personnes blessées des lieux (p. ex. placer des détenus sur des civières)

Fouiller les détenus, les unités résidentielles et les autres secteurs (travail, loisirs) pour détecter la présence d’objets interdits. À cette fin, le titulaire doit se pencher et s’étirer, et soulever des objets.

Monter et descendre plusieurs volées d’escalier.

Porter et utiliser du matériel de sécurité dans le cadre de ses fonctions.

 

Responsabilités […]

[…]

(2) Bien-être d’autrui

Accompagner les détenus à l’extérieur de l’établissement, en prenant des mesures de sécurité adéquates pour assurer la sécurité du public, du personnel et des détenus.

Assurer la sécurité du public, du personnel et des détenus en effectuant des fouilles pour détecter la présence d’objets non autorisés, en contrôlant la sécurité matérielle (p. ex. vérifier les outils, l’équipement et les serrures), en surveillant les activités des détenus et en évaluant le comportement et l’attitude de détenus particuliers ou de groupes de détenus. Cela comprend la prévention de conflits entre les détenus, le personnel ou le public ou l’intervention active à cet égard; lors de ces conflits, des tactiques d’intimidation peuvent viser le personnel.

Intervenir, si nécessaire, pour réduire les risques d’usage de la force, d’intimidation ou de préjudice éventuel résultant du comportement et des actions des détenus.

Intervenir pour empêcher ou neutraliser la violence ainsi que pour protéger le public, le personnel et les détenus. Recourir aux formes d’intervention les plus sûres et raisonnables possible, conformément au modèle de gestion des situations d’urgence approuvé, pour maîtriser, immobiliser et contrôler les détenus violents ou menaçants.

Si nécessaire, administrer les premiers soins et la RCR ou utiliser un appareil respiratoire autonome pour secourir des personnes dans des environnements enfumés.

[…]

(6) Surveillance de la conformité

Effectuer des tâches liées à la sécurité afin d’assurer le respect de l’ensemble des lois, règlements et politiques applicables.

Conformément aux exigences de la désignation d’agent de la paix, s’assurer que les détenus se conforment aux règles et aux règlements du SCC. […] Recourir à l’intervention la plus sûre et la plus raisonnable pour prévenir ou contrecarrer, conformément au modèle de gestion de crise approuvé, les agressions, les émeutes ou les tentatives d’évasion des détenus.

 

Conditions de travail […]

(1) Environnement de travail

ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL PSYCHOLOGIQUE

Le ou la titulaire est en contact direct et quotidien avec les détenus, qui peuvent être agités, imprévisibles et peu coopératifs, ou qui peuvent tenter d’intimider ou de recourir à la violence lorsqu’il ou elle applique des mesures de sécurité. Le ou la titulaire exerce peu de contrôle sur la fréquence et la durée de ces situations difficiles. Des menaces peuvent être proférées contre le ou la titulaire, les membres de sa famille, d’autres membres du personnel, des visiteurs ou d’autres détenus en guise de tactique de diversion ou d’intimidation.

Le ou la titulaire doit intervenir dans les situations menaçantes ou violentes pour protéger les membres du public, le personnel, les détenus et l’établissement (p. ex. en cas d’agression, d’émeute ou de prise d’otage), où il peut être nécessaire de recourir à la force. Il est possible que des détenus abusent verbalement ou agressent physiquement le ou la titulaire, qui est autorisé à prendre toutes les mesures nécessaires de légitime défense (les détenus peuvent avoir une intention mortelle). Une anxiété grave et des blessures peuvent se produire, pendant et après des incidents violents, ce qui peut entraîner une déficience temporaire ou permanente ou la mort du ou de la titulaire, de membres du public, d’autres membres du personnel ou de détenus. Il n’y a aucun contrôle sur la fréquence ou la durée des incidents individuels, lesquels peuvent se produire au sein de l’établissement ou au cours des escortes.

Le ou la titulaire peut entrer en contact avec des délinquants connus en liberté conditionnelle ou des ex-délinquants dans la collectivité, ce qui peut présenter un risque pour sa propre sécurité ou celle de sa famille.

Le travail par quarts en rotation (y compris les fins de semaine) perturbe la vie personnelle, les habitudes de vie ainsi que les réseaux de soutien familial ou social du ou de la titulaire. Le travail par quarts peut également comporter une situation d’isolement durant des périodes variées (p. ex. la nuit).

ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL PHYSIQUE

Le travail est accompli dans un établissement dont l’accès est contrôlé à l’aide de nombreux contrôles de sécurité et barrières, et exige d’assurer la sécurité dans les unités de logement des détenus. Le ou la titulaire est exposé à des scènes, à des odeurs et à des bruits déplaisants quotidiennement.

Lorsque le ou la titulaire fouille ou immobilise les détenus, il peut y avoir exposition aux liquides organiques et au matériel biologique dangereux qui peuvent véhiculer des maladies contagieuses (p. ex. des excréments, de l’urine, du crachat, de la salive ou du sang). Des vêtements de protection sont portés lorsqu’un contact avec les détenus est imminent afin de réduire les risques. Certaines circonstances (p. ex. lorsque le ou la titulaire doit recourir à la force pour immobiliser les détenus) peuvent ne pas se prêter à cette mesure de précaution.

[…]

Le travail par quarts en rotation peut entraîner des troubles du sommeil et perturber les habitudes alimentaires.

Le ou la titulaire peut être appelé à travailler pendant un certain nombre d’heures consécutives dans des situations exceptionnelles ou d’urgence.

(2) Risque pour la santé

Le ou la titulaire court le risque de violence verbale, d’agression physique ou de traumatisme psychologique en raison de l’exercice quotidien des fonctions liées à la sécurité en contact direct avec des détenues potentiellement imprévisibles, dont les compétences cognitives peuvent être faibles et les valeurs sociales ou les attitudes, différentes. Le ou la titulaire doit surveiller de près les détenus tout au long de son quart de travail et peut être appelé à diffuser des renseignements défavorables.

Il est nécessaire d’intervenir dans des situations menaçantes ou violentes pour protéger les membres du public, le personnel et les détenus, y compris lors d’incidents où il peut être nécessaire de recourir à la force. Les détenus peuvent faire preuve de violence verbale ou physique à l’endroit du ou de la titulaire, ce qui comporte des risques de blessures graves ou peut même causer la mort. Il existe également un risque de syndrome de stress post‑traumatique à la suite d’incidents traumatiques auxquels le ou la titulaire est soumis (p. ex. la déficience permanente ou la mort de membres du public, de membres du personnel ou de détenus), et il peut être nécessaire pour le ou la titulaire de recourir la force au point de causer la mort.

La fouille des détenus, la tenue de contrôles de sécurité, l’administration des premiers soins ou la réanimation cardio-pulmonaire et la maîtrise des détenus en cas de menaces ou d’incidents peuvent exposer le ou la titulaire à des fluides corporels susceptibles de contenir des maladies transmissibles (p. ex. tuberculose, hépatite, VIH, virus).

Le ou la titulaire peut être exposé à des niveaux élevés de stress et à des blessures graves lorsqu’il ou elle escorte des délinquants à l’extérieur de l’établissement. Le ou la titulaire peut être pris pour cible lors d’incidents (p. ex. tentatives d’évasion ou prises d’otages).

L’interaction occasionnelle avec des détenus dont les facultés sont affaiblies ou dans des conditions psychologiques délicates peut exposer le ou la titulaire à des risques accrus ou imprévisibles.

La nécessité de lever et de déplacer des objets lourds et d’utiliser du matériel de sécurité peut causer des blessures.

L’obligation de travailler par poste peut entraîner l’épuisement physique et psychologique et perturber la vie personnelle et les réseaux de soutien familial ou social du ou de la titulaire.

[…]

 

[16] Dans les milieux du SCC, le terme « gardien » fait référence à la position historique qui a évolué pour devenir celle du GC, qui est responsable de l’établissement en dehors des heures de travail en l’absence du directeur et du DA, qui était et est encore parfois appelé le gardien. Il s’agit de celui ou celle qui garde les clés de l’établissement et ceux qui s’y trouvent. Le « bureau du gardien » est une référence au bureau du GC responsable de l’établissement.

[17] Comme les détenus vivent dans un environnement sécurisé, fermé et hautement réglementé, Springhill, comme les autres établissements du SCC, fonctionne 24 heures par jour, 7 jours par semaine, tous les jours de l’année. Les CX assurent les services de sécurité pour les établissements et sont présents en tout temps, tous les jours, car c’est la nature du travail. En revanche, certains autres services nécessaires au fonctionnement de l’établissement, comme les services administratifs, n’ont pas à être assurés en tout temps. Ils sont en grande partie effectués selon un horaire habituel de cinq jours par semaine (du lundi au vendredi), suivant un régime de travail de 7,5 ou 8 heures par jour (semaine de 37,5 ou 40 heures).

[18] M. Simons a témoigné qu’à l’époque pertinente des faits qui ont donné lieu aux griefs, il était le GC de Springhill responsable de l’établissement des horaires de travail et du déploiement des CX, dont le nombre se situait entre 181 et 205 à l’époque. Les horaires de travail sont planifiés au moyen d’un système informatisé appelé Système des horaires de travail et du déploiement, communément appelé « SHD ». Sans entrer dans les menus détails de l’établissement des horaires de travail, l’établissement avait une variété de postes liés à la sécurité qui devaient être occupés par des CX, dont beaucoup 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le choix de ceux qui assureront les postes dépend de différents facteurs. M. Simons a déclaré que le SHD lui permet non seulement de planifier les horaires, mais aussi de suivre les déplacements et de gérer les congés. Il a déclaré qu’il s’agit également d’une archive permettant de voir l’utilisation des congés et les tendances qui s’en dégagent.

[19] M. Simons a indiqué qu’il existe 13 horaires de travail distincts pour l’établissement, dont deux types principaux, l’un étant « jour-jour » et l’autre, « nuit-nuit ». Chacun est un quart de 12 heures; l’un couvre le matin et la journée, et l’autre le soir et la nuit. L’horaire est établi en fonction d’une rotation de quatre jours de travail suivis de cinq jours de repos. Certains postes sont destinés aux CX-01, d’autres aux CX-02. Il y a aussi des quarts de travail qui sont purement des quarts de jour de 8 heures, généralement de 8 h à 16 h. Lorsqu’il planifie les horaires, M. Simons doit s’assurer non seulement qu’il y a suffisamment de personnel pour travailler, mais aussi que toutes les situations impliquant des circonstances particulières, telles que des mesures d’adaptation, sont prises en compte.

[20] M. Simons a déclaré qu’il est mis au courant de tout problème survenu qui nécessite la prise d’une mesure d’adaptation. En effet, selon les exigences relatives à la mesure d’adaptation, un CX pourra ou non travailler à un poste particulier ou effectuer une tâche ou un ensemble de tâches particulières. Il se peut aussi que le CX soit en mesure d’effectuer d’autres tâches. M. Simons a dit qu’il travaille généralement avec les GC responsables, car c’est à eux que les CX fournissent les renseignements relatifs aux mesures d’adaptation dont ils ont besoin. Les GC le consultent parce qu’il a une vue d’ensemble des horaires à tous les lieux de l’établissement et peut assurer une coordination avec les autres secteurs de l’établissement.

[21] M. Simons a déclaré que lorsqu’une demande de mesure d’adaptation est portée à son attention, il commence immédiatement à solliciter tous les différents départements qui mènent leurs activités au sein de l’établissement. En bref, il organise les besoins liés aux CX. Il a dit connaître et suivre les politiques du SCC et du Conseil du Trésor en ce qui concerne l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Il a toutefois indiqué qu’il n’est pas un expert en la matière et qu’il consulte donc la section des Relations de travail (RT) du SCC au besoin. La preuve a révélé que le SCC utilisait, du moins à Springhill, un formulaire type pour saisir les plans de retour au travail ou les plans d’adaptation avec les employés.

[22] Une copie de ce document a été déposée en preuve en ce qui concerne la fonctionnaire. Le document, intitulé [traduction] « Plan de retour au travail – Plan d’adaptation », est signé et daté des 17 et 21 novembre 2014 (le « plan de garde »). Il s’agissait d’une demande qu’a présentée la fonctionnaire afin de travailler selon un horaire ou une rotation spécifique de quatre quarts de jour de 12,75 heures (entre 6 h et 18 h 45) suivis de cinq jours de congé consécutifs (l’« horaire 4/5 »). Celui-ci a été mis à exécution et devait durer du 17 novembre 2014 au 30 mars 2015 selon ce que prévoyait l’entente. Selon la preuve, la demande a été présentée pour régler un différend ou pour prendre un arrangement concernant la garde de la fille de la fonctionnaire avec son conjoint ou son ancien conjoint. Le plan de garde a été signé par un représentant de la direction et un représentant syndical, mais pas par la fonctionnaire. Cependant, il n’est pas contesté que la fonctionnaire a accepté l’arrangement et que le plan a été mis en place.

[23] Il n’y a pas eu d’autres éléments de preuve concernant l’arrangement de garde que la fonctionnaire avait avec son ex-conjoint en ce qui concerne leur fille ou son fonctionnement. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait déjà fourni une copie de l’arrangement de garde à l’employeur, elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas de lui en avoir remis une copie.

[24] M. Simons a témoigné qu’il connaissait le plan de garde puisqu’il avait participé à la demande de changement. Il a dit n’avoir vu aucun document concernant l’arrangement réel ou l’ordonnance du tribunal et a déclaré que tout ce qui en était ressorti était une demande présentée par la fonctionnaire à laquelle l’employeur avait accédé. Il a dit que son superviseur GC, la haute direction et les RT ont sans doute participé au processus, mais ce dont il se souvient, c’est que la demande a été faite et acceptée et qu’il l’a saisie dans le SHD. Il a dit avoir effectué les changements dans le SHD manuellement, car ils ne pouvaient pas être effectués automatiquement.

[25] Dans un courriel daté du 24 mars 2015, la fonctionnaire a informé M. MacLellan qu’elle était enceinte. Son courriel se lisait comme suis : [traduction] « Je suis enceinte et je devrai bientôt cesser de porter l’uniforme. Je ne suis pas certaine de la procédure à suivre dans ce genre de situation. Je vous saurais gré de me fournir toute information à cet égard. » M. MacLellan a répondu 12 minutes plus tard, disant à la fonctionnaire de parler à son GC afin qu’un plan d’adaptation puisse être élaboré. Un deuxième courriel daté du 24 mars 2015, envoyé par la fonctionnaire à M. Wallace, a été déposé en preuve. Elle l’y informait qu’elle était enceinte et qu’elle devait bientôt cesser de porter son uniforme.

[26] La fonctionnaire a témoigné qu’elle a parlé à M. Wallace, qui lui a dit qu’elle devait cesser de porter l’uniforme immédiatement. Elle lui a dit qu’elle pensait que c’était à sa discrétion. Un deuxième document intitulé [traduction] « Plan de retour au travail – Plan d’adaptation » a été déposé en preuve, signé et daté du 25 mars 2015 celui-là (le « plan de grossesse »). Il est signé par M. Wallace, au nom de l’employeur, par la fonctionnaire, et par Mme Logan, au nom de l’UCCO-SACC-CSN.

[27] Selon ce qu’indique le plan de grossesse, celui-ci a été mis en place pour la période du 26 mars au 30 octobre 2015. Dans la case intitulée [traduction] « Description de l’emploi approprié », il était indiqué : [traduction] « Fonctions non liées à la sécurité. Le travail devrait être de type administratif. » La preuve a révélé que la fonctionnaire avait continué à travailler selon l’horaire 4/5. Toutefois, elle ne se présentait plus au travail vêtue de son uniforme de CX et n’exerçait plus de fonctions de CX.

[28] La fonctionnaire a témoigné des différentes tâches administratives qu’elle a commencé à effectuer alors qu’elle n’était pas en uniforme. Le travail n’était pas lié à la sécurité. Un courriel daté du 13 avril 2015 adressé par le chef intérimaire des services administratifs à la fonctionnaire a été déposé en preuve. Il se lit comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Le DASG a accepté que vous aidiez notre département à produire les cartes à puce des détenus, et ce dès que vous aurez suivi les cours en ligne obligatoires Tenue de documents pour les fonctionnaires et Sensibilisation à la sécurité. Si vous n’avez pas encore suivi ces cours, pouvez-vous le faire aujourd’hui? D’après mes souvenirs, il est possible de faire les deux en quelques heures. Andy est disponible demain pour vous donner une formation sur le système de technologie de l’information (STI). Pouvez-vous m’envoyer une copie de votre horaire de travail pour les deux prochaines semaines afin que nous puissions prendre les dispositions nécessaires?

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[29] M. Simons a déclaré que si un CX est transféré des fonctions de sécurité à des fonctions administratives, la procédure normale est de transférer le CX à des quarts de travail administratif, dont l’horaire est du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h, puisque l’agent n’assure plus de fonctions de CX et n’a pas à être présent durant les quarts de travail des CX. Il a déclaré qu’en raison du plan de garde, la fonctionnaire n’a pas été transférée à l’horaire prévoyant quatre jours de travail suivis de cinq jours de repos, avec des quarts de travail de 12 heures.

[30] Un échange de courriels entre la fonctionnaire et une de ses amies proches, le 21 avril 2015, a été déposé en preuve. Il se lit comme suit :

[Traduction]

 

[Envoyé par l’amie à la fonctionnaire, à 8 h 26 :]

Que se passe-t-il aujourd’hui?

 

[Envoyé par la fonctionnaire à son amie, à 9 h 4 :]

Je ne suis là que depuis une heure et j’ai commencé à pleurer et je suis [langage qui manque de tact] déjà prête à partir.

 

[Envoyé par l’amie à la fonctionnaire, à 9 h 7 :]

Oh, charmant! Les hormones t’en font voir de toutes les couleurs aujourd’hui. À quelle heure es-tu allée au travail? […]

 

[Envoyé par la fonctionnaire à son amie, à 9 h 11 :]

Ce ne sont pas les hormones. Je suis arrivée en retard parce que je suis allée faire une prise de sang. Ils essaient encore de changer mon horaire. Ce qui veut dire que je devrai retourner en cour. J’ai [langage qui manque de tact] presque pété les plombs. J’avais un énorme dossier sur mes genoux, plein de documents, et je voulais juste le balancer et partir. Cela fait des jours qu’ils me harcèlent et me disent que je n’ai pas assez de travail pour m’occuper pendant tout mon quart, alors que j’ai du travail d’une douzaine de personnes différentes qui me sort par les oreilles. Je suis prête à obtenir un [langage qui manque de tact] billet du médecin. Je me sens harcelée.

 

[31] Le 1er mai 2015, la fonctionnaire a vu son médecin de famille pour ce qu’elle a décrit comme un rendez-vous de routine. Un billet daté du 1er mai 2015 rédigé par le Dr O.O. Fashoranti a été déposé en preuve (le « billet du 1er mai »). Il y est inscrit ce qui suit : [traduction] « Je vous saurais gré de bien vouloir autoriser Mme Danielle Miller à travailler à domicile pour des raisons médicales. Elle vit une grossesse à risque élevé. »

[32] La fonctionnaire a témoigné comme suit : [traduction] « [Le médecin] a jugé que j’étais bouleversée et stressée par des choses au travail » et a ajouté [traduction] « il a dit que je pouvais m’absenter complètement du travail », puis [traduction] « Je lui ai dit que je n’étais pas prête à arrêter de travailler ». Elle a dit que lui et elle sont arrivés à un compromis lorsqu’elle lui a dit que le télétravail était une option prévue par la convention collective. La fonctionnaire a admis en contre-interrogatoire ne pas avoir montré la convention collective à son médecin.

[33] Un courriel daté du 1er mai 2015 envoyé par la fonctionnaire à Ralph Polches, que l’on m’a décrit comme un [traduction] « instructeur en formation » et que la fonctionnaire a décrit comme une personne vers qui elle pouvait se tourner, a été déposé en preuve. Son poste au SCC ne m’a pas été précisé, pas plus que le poste qu’il occupait éventuellement au syndicat, ni à quel titre. La fonctionnaire a toutefois déclaré avoir travaillé avec lui dans le bureau du gardien, sans toutefois préciser à quel titre. Voici ce que ce courriel disait :

[Traduction]

J’ai reçu un billet du médecin aujourd’hui pour le télétravail. Justin ne l’acceptera pas et si je veux rentrer chez moi, je dois utiliser mes congés. Si la direction décide ensuite d’accepter mon billet, elle me redonnera les congés, mais selon Justin, ce genre de billet est en train de devenir une « tendance » et « sans vouloir vous offenser, vous êtes juste la dernière à vous en servir ». Je vais [langage qui manque de tact] péter les plombs.

 

[34] Aucun élément de preuve ne donne à penser que M. Polches a répondu à la fonctionnaire. Il n’a pas témoigné.

[35] Un autre courriel daté du 1er mai 2015, envoyé par la fonctionnaire à son mari, a été déposé en preuve. Il se lit comme suit : [traduction] « Il se peut que je sois au travail jusqu’à la fin de mon quart de travail aujourd’hui. Ils ne veulent pas accepter mon billet du médecin. Mon représentant syndical conteste cela en ce moment. »

[36] Une chaîne de courriels a été déposée en preuve. Le premier courriel est daté du 1er mai 2015, à 14 h 23, et est adressé par M. Simons à MM. Earle et McMillan, ainsi qu’à Mme Ward. Des conseillers en ressources humaines (RH) ont par la suite participé à la chaîne de courriels. Voici les extraits pertinents des courriels :

[Traduction]

[Envoyé le 1er mai par M. Simons à MM. Earle et McMillan, ainsi qu’à Mme Ward :]

 

[…]

Voici un billet du médecin demandant que Danielle Miller soit autorisée à travailler à domicile. Après avoir parlé avec le sous‑directeur en début de semaine, nous avons exprimé des doutes quant au fait que les billets du médecin reçus à ce jour dans ces cas ne mentionnaient pas de limitations, mais seulement l’autorisation de travailler à domicile. Dans un cas précédent, nous n’avions pas de travail à assigner et l’agente a été autorisée à rester à la maison tout en étant rémunérée et sans travail jusqu’à ce qu’elle prenne officiellement son congé de maternité. Dans le présent cas, nous n’avons pas de travail à lui confier non plus.

Comment voulons-nous procéder? Elle voulait rentrer chez elle aujourd’hui, mais je lui ai suggéré de rester ou de prendre un congé pour couvrir son absence jusqu’à ce qu’une décision soit rendue.

[…]

[Envoyé le 1er mai par M. Earle à MM. Simons et McMillan, à Mme Ward, et à des représentants des RH :]

J’en déduis qu’il s’agit d’un congé de maternité. J’aimerais avoir l’avis des Relations de travail, mais je crois que votre prudence est justifiée, Justin. Nous devons demander au médecin de préciser quelles sont les limitations.

[…]

[Envoyé le 4 mai par un représentant des RH à MM. Simons, Earle et McMillan, à Mme Ward et à d’autres représentants des RH :]

J’ai examiné le billet du médecin que vous avez fourni vendredi et il n’indique pas les limitations et les restrictions. S’agissant de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, nous devons demander au médecin des précisions sur les limitations et restrictions de l’employée. Veuillez me faire savoir si vous avez une lettre générique de demande de précisions, ou si vous souhaitez que je vous en envoie une à titre de référence.

[…]

[Envoyé le 4 mai par un représentant des RH à MM. Simons, Earle, Carr et McMillan, à Mme Ward et à d’autres représentants des RH :]

[…]

Vous trouverez ci-joint une lettre générique de demande de précisions, à titre de référence. Vous pourrez l’adapter à la situation. Si vous préférez, je peux revoir la lettre une fois qu’elle aura été rédigée.

Pour ce qui est de savoir si l’employée devrait être au travail ou non, cela dépend de la limitation et de la restriction. L’actuel billet du médecin mentionne une recommandation, sans préciser la limitation ou la restriction. Par conséquent, il serait préférable de parler avec l’employée et de lui faire savoir que nous avons besoin que le médecin nous dise dès que possible quelles sont la limitation et la restriction, afin que nous puissions déterminer la mesure d’adaptation appropriée. Selon la limitation et la restriction, la direction doit déterminer s’il existe des mesures d’adaptation appropriées que l’employeur peut mettre en place dans l’établissement ou même ailleurs, y compris à l’administration régionale.

[…]

[Envoyé le 12 mai par M. Earle à MM. Simons, McMillan et Carr, à Mme Ward et aux représentants des RH :]

Où en sommes-nous dans ce dossier?

À rappeler le 18 mai

[…]

[Envoyé le 12 mai par M. Carr à MM. Simons, McMillan et Earle, à Mme Ward et aux représentants des RH :]

Jeff, sa représentante syndicale (Amy) a reçu deux lettres, une pour Danielle et l’autre pour le médecin avec des questions concernant les limitations. Cette mise à jour du docteur doit être présentée d’ici ce vendredi, le 15.

[…]

[Envoyé le 12 mai par M. Earle à MM. Simons, McMillan et Carr, à Mme Ward et aux représentants des RH :]

Alors, est-elle actuellement en congé de maladie?

[…]

[Envoyé le 12 mai par M. Carr à MM. Simons, McMillan et Earle, à Mme Ward et aux représentants des RH :]

Non, comme elle a fourni un billet du médecin, on a utilisé le code 699, autres congés payés, mais nous avons demandé une mise à jour conformément à la clause 45.07.

[…]

[Envoyé le 12 mai par M. Earle à MM. Simons, McMillan et Carr, à Mme Ward et aux représentants des RH :]

Vraiment. Si elle ne peut pas travailler, n’est-ce pas un congé de maladie?

Désolé, vous avez probablement déjà répondu à cette question, mais cela ne correspond pas à ce que j’ai compris.

Quoi qu’il en soit, veuillez me tenir au courant.

[…]

[Envoyé le 12 mai par un représentant des RH à MM. Simons, McMillan et Carr, à Mme Ward et à d’autres représentants des RH :]

Il semblait initialement que Danielle aurait dû utiliser ses congés de maladie jusqu’à ce que son médecin confirme les restrictions et les limitations. Toutefois, après un examen plus approfondi par [un représentant des RH], il a été déterminé que l’article 132 du Code canadien du travail prescrit un congé payé jusqu’à ce qu’un médecin confirme les risques.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[37] Un courriel envoyé par Mme Logan daté du 6 mai 2015, à 0 h 40, adressé au directeur adjoint des Interventions, Ian Carr, a été déposé en preuve. Voici ce qui y est indiqué :

[…]

Veuillez consulter les documents ci-dessous concernant le refus d’accorder un congé payé à Danielle Miller d’ici à ce que soit rendue une décision concernant sa demande de mesures d’adaptation pour la durée de sa grossesse, et d’ici à ce qu’elle obtienne les renseignements supplémentaires que demande l’employeur pour prendre une décision à laquelle elle se conformera dès que cela sera raisonnablement possible. Veuillez noter les passages soulignés. En continuant à la forcer à prendre ses propres congés ou un congé sans solde pour éviter de mettre en danger sa santé et sa sécurité, et celles de son fœtus, selon les recommandations de son médecin, nous ne respectons pas la loi, la politique du Conseil du Trésor et notre propre convention collective. Veuillez transmettre cette information à ceux qui ont déclaré qu’elle n’avait pas droit à un congé payé. Le refus persistant d’autoriser le congé payé étayera la discrimination et le harcèlement dans son cas. […]

Code canadien du travail

Réaffectation et congé liés à la maternité

Note marginale : Réaffectation et modification des tâches

204. (1) L’employée enceinte ou allaitant un enfant peut, pendant la période qui va du début de la grossesse à la fin de la vingt‑quatrième semaine qui suit l’accouchement, demander à son employeur de modifier ses tâches ou de la réaffecter à un autre poste si, en raison de sa grossesse ou de l’allaitement, la poursuite de ses activités professionnelles courantes peut constituer un risque pour sa santé, celle du fœtus ou celle de l’enfant.

Note marginale : Certificat

(2) La demande est accompagnée d’un certificat signé par un professionnel de la santé choisi par l’employée faisant état de la durée prévue du risque possible et des activités ou conditions à éviter pour l’éliminer.

[…]

Note marginale : Obligations de l’employeur

205. (1) L’employeur étudie la demande en consultation avec l’employée et, dans la mesure du possible, modifie ses tâches ou la réaffecte.

Note marginale : Droits de l’employée

(2) L’employée peut poursuivre ses activités professionnelles courantes pendant que l’employeur étudie sa demande; toutefois, si le risque que représentent ses activités professionnelles l’exige, l’employée a droit à un congé payé, à son taux régulier de salaire jusqu’à ce que l’employeur modifie ses tâches, la réaffecte ou l’informe par écrit qu’il est difficilement réalisable de prendre de telles mesures, la rémunération qui lui est alors versée étant assimilée à un salaire.

(3) Il incombe à l’employeur de prouver qu’il est difficilement réalisable de modifier les tâches de l’employée ou de la réaffecter de façon à éviter les activités ou les conditions mentionnées dans le certificat.

[…]

Politique du CT

Les employées qui sont enceintes ou qui allaitent et qui s’inquiètent de l’exécution de certaines fonctions durant la grossesse ou l’allaitement peuvent demander une modification temporaire de leurs tâches et/ou de leur lieu de travail. Une telle demande pourrait être satisfaite au moyen d’une modification des fonctions du poste, d’une affectation, d’un déploiement ou d’une mutation. Dans le cas d’un déploiement et d’une mutation, le ministère employeur doit avoir un autre poste à pourvoir et satisfaire aux exigences de la Commission de la fonction publique en matière de dotation.

Certificat médical

L’employée enceinte qui demande une modification de son poste, une réaffectation, un déploiement ou une mutation doit, dès que possible, présenter un certificat émis par un médecin praticien agréé qui précise la période durant laquelle l’employée enceinte et son fœtus sont exposés à des risques et qui décrit les activités ou les situations qu’il faudrait éviter pour éliminer ces risques.

[…]

Statut de l’employée

Une employée faisant une telle demande doit immédiatement se voir confier des tâches de remplacement jusqu’à ce que le gestionnaire puisse modifier ses fonctions, lui proposer une réaffectation ou l’informer par écrit qu’il n’est pas raisonnablement possible de satisfaire la demande. L’employée continuera de recevoir sa rémunération et ses avantages habituels dans l’attente d’une décision et pendant la période d’application de sa réaffectation, de son déploiement, de sa mutation ou de la modification de ses fonctions.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[38] Les articles 204 et 205 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2), ne s’appliquent pas aux ministères, comme le SCC (voir l’article 167 du Code canadien du travail).

[39] Une chaîne de courriels échangés entre Mme Logan et MM. Carr et Simons, ainsi qu’avec Bruce Megeney (dont le poste ne m’a pas été indiqué) datée du 9 mai 2015 (l’« échange du 9 mai ») a été déposée en preuve. La chaîne de courriels se lit comme suit :

[Traduction]

 

[Envoyé à 6 h 12 par Mme Logan :]

[…]

Pouvez-vous s’il vous plaît informer les GC responsables ci-dessus que la demande de congé payé sous le code 699 pour Danielle Miller a été approuvée pour cette semaine, d’ici à son rendez-vous médical et d’ici à ce qu’elle obtienne un certificat lié à sa mesure d’adaptation? Elle figure sur la liste d’aujourd’hui, car le congé n’a pas été saisi, selon les instructions que vous m’avez communiquées la semaine dernière. Je ne veux pas qu’elle reçoive des appels là où elle est ou qu’elle soit en congé non payé.

[…]

[Envoyé à 5 h 43 par M. Megeney à Mme Logan et aux autres :]

Dans le SHD, j’ai indiqué qu’elle était en congé (code 699) pour la semaine du 8 au 12 mai, tel qu’approuvé par le directeur. Si cela ne convient pas, j’apporterai les corrections nécessaires.

[…]

[Envoyé à 7 h 3 par M. Carr à M. Megeney :]

Merci, Bruce.

[…]

[Envoyé à 7 h 4 par Mme Logan à M. Carr, avec copie à MM. Megeney et Simons, ainsi qu’à d’autres :]

Merci!

 

[40] Lors de son interrogatoire principal, la fonctionnaire a été invitée à dire si elle avait vu l’échange du 9 mai avant de se préparer pour l’audience. Elle a répondu par la négative. Aucune question n’a été posée à Mme Logan au sujet de l’échange du 9 mai.

[41] Des copies des horaires de travail de la fonctionnaire pour la période du 30 mars 2015 au 31 mars 2016, telles qu’enregistrées dans le SHD, ont été déposées en preuve. Les entrées pertinentes sont les suivantes :

Le 29 avril : la fonctionnaire devait travailler 12,75 heures au cours de son horaire 4/5;

Le 30 avril : la fonctionnaire a pris un congé annuel de 12,75 heures au cours de son horaire 4/5;

Le 1er mai : la fonctionnaire devait travailler et elle a pris 4,0 heures de congé;

Le 2 mai : la fonctionnaire devait travailler et elle a pris un autre congé payé (code 699) de 12,75 heures;

Du 3 au 7 mai : la fonctionnaire avait cinq jours de repos conformément à son horaire 4/5;

Du 8 au 11 mai : la fonctionnaire devait faire quatre journées de travail 12,75 heures conformément à son horaire 4/5, et elle a pris un autre congé payé (code 699) de 12,75 heures;

Du 12 au 16 mai : la fonctionnaire avait cinq jours de repos conformément à son horaire 4/5;

Le 17 mai : la fonctionnaire devait faire une journée de travail de 12,75 heures au cours de son horaire 4/5 et elle a pris un autre congé payé (code 699) de 12,75 heures;

 

[42] Ensuite, les horaires de travail de la fonctionnaire du 18 mai 2015 au 2 août 2015 montrent qu’elle était en autre congé payé (code 699) du lundi au vendredi, à raison de 8,0 heures par jour, et que les samedis et dimanches étaient des jours de repos.

[43] Une copie des congés de la fonctionnaire pour la période du 3 avril 2015 au 10 octobre 2015, tels que consignés dans le SHD, a été déposée en preuve. Voici les entrées pertinentes :

22 avril 2015

 

Vacances

2,75 heures

22 avril 2015

 

Congé non autorisé

9,75 heures

23 avril 2015

 

Congé pour rendez-vous médical

3,5 heures

30 avril 2015

 

Vacances

12,75 heures

1er mai 2015

 

Congé pour rendez-vous médical

4,0 heures

2 mai 2015

 

Autre congé payé (code 699)

12,75 heures

8 mai 2015

 

Autre congé payé (code 699)

12,75 heures

Du 9 au 12 mai 2015

 

Autre congé payé (code 699)

38,00 heures

17 mai 2015

 

Autre congé payé (code 699)

12,75 heures

Du 19 mai au 1er juin 2015

 

Autre congé payé (code 699)

80,00 heures

2 juin 2015

 

Autre congé payé (code 699)

8,00 heures

3 juin 2015

 

Autre congé payé (code 699)

8,00 heures

4 juin 2015

 

Autre congé payé (code 699)

8,00 heures

5 au 30 juin 2015

 

Autre congé payé (code 699)

144,00 heures

Du 2 au 31 juillet 2015

 

Autre congé payé (code 699)

176,00 heures

[44] Une copie d’une lettre non datée adressée au Dr Fashoranti, que M. Wallace a déclaré avoir rédigée en collaboration avec les RT, a été déposée en preuve. Cette lettre se lit comme suit :

[Traduction]

 

[…]

La présente vise à demander des éclaircissements sur les limitations et restrictions fonctionnelles associées à la grossesse de Mme Miller. Comme vous le savez, Mme Miller est agente correctionnelle à l’Établissement Springhill. J’ai reçu de votre bureau un billet daté du 1er mai 2015 qui dit ceci : « Je vous saurais gré de bien vouloir autoriser Mme Danielle Miller à travailler à domicile pour des raisons médicales. Elle vit une grossesse à risque élevé. »

[…]

Étant donné que le SCC a l’obligation de veiller à fournir les mesures d’adaptation appropriées à Mme Miller pendant sa grossesse, nous devons évaluer les options possibles pour permettre à l’employée de rester au travail tout en tenant compte des besoins organisationnels. J’aurais ainsi besoin que vous me fournissiez les renseignements suivants :

Quelles sont les limitations et restrictions fonctionnelles qui s’appliqueraient à l’exécution des tâches d’un poste d’agent correctionnel I? Nous ne voulons obtenir que les limitations, et non les détails de son état de santé.

Mme Miller est-elle capable d’accomplir certaines tâches d’un agent correctionnel si elles sont modifiées ou adaptées à ses limitations ou restrictions fonctionnelles? (Par exemple, surveiller ou contrôler les activités des détenus par l’intermédiaire d’une caméra, travailler dans un poste de contrôle sécurisé, etc., voir la description de poste ci-jointe.)

Les limitations et restrictions fonctionnelles s’appliquent-elles à toute la durée de la grossesse de Mme Miller ou seulement à une certaine période de sa grossesse?

Que peut raisonnablement faire le SCC pour aider Mme Miller?

[…] Je vous saurais gré de m’envoyer votre réponse d’ici le 22 mai 2015.

[…]

 

[45] Un courriel daté du 13 mai 2015, envoyé à 13 h 54 de Mme Logan à M. Carr, a été déposé en preuve. Ce courriel se lit comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Danielle a vu son médecin aujourd’hui pour obtenir son nouveau certificat médical comme vous l’avez demandé. Son médecin est très préoccupé par la première question et veut obtenir des précisions sur ce que vous demandez. Il a l’impression que répondre à la question telle qu’elle est posée constituerait une violation de la confidentialité. Il doit savoir que vous lui demandez seulement d’indiquer les limitations et non de présenter le diagnostic qui a « conduit » aux restrictions, selon l’interprétation qu’il en fait.

Il faudra revoir cette question pour qu’il puisse y répondre selon ses capacités sans manquer à l’obligation de confidentialité envers sa patiente. De plus, aucune description de poste n’était jointe, contrairement à ce qui était indiqué, et il aimerait avoir la description pour l’examiner.

Je serai là demain et vendredi et je pourrai obtenir une autre copie de la lettre à donner à Danielle. Cela signifie que sa date du 15 mai devra être repoussée en raison des circonstances. Je vous demanderais de vous assurer que son congé est inscrit cette fois-ci afin d’éviter les disparités avec la liste de présence et toute intervention de paye impliquant un congé non payé pour elle, comme cela aurait pu se produire la dernière fois.

[…]

 

[46] Un courriel daté du 22 mai 2015, à 17 h 58, de M. Wallace à un représentant des RT ou des RH a été déposé en preuve. Ce courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

J’ai communiqué avec Danielle par téléphone aujourd’hui vers 14 h concernant le fait que l’employeur lui avait demandé de soumettre les documents médicaux au plus tard aujourd’hui, conformément à la lettre présentée au représentant de l’UCCO-SAAC, A. Logan, le 15 mai 2015, et concernant l’invitation à participer à une audience officielle du grief.

Au cours de la conversation, Danielle a affirmé n’avoir reçu la deuxième lettre de l’employeur concernant la demande de certificat médical que le jour précédent, de la part de la représentante syndicale Amy Logan. Danielle a également expliqué qu’elle voulait rencontrer son obstétricien avant de voir son médecin de famille, d’où le retard pris pour répondre à la demande de l’employeur. Elle a également fait savoir qu’elle avait été hospitalisée la fin de semaine précédente en raison de sa grossesse. Je lui ai demandé si tout allait bien et elle a répondu « en ce moment… oui ».

Je lui ai expliqué que l’employeur est disposé à lui proposer de reporter la date limite au 29 mai 2015, puisqu’elle est toujours en congé payé, afin de lui donner suffisamment de temps pour obtenir de la documentation médicale requise pour le plan d’adaptation proposé. Danielle semblait dire qu’elle « devrait » pouvoir rencontrer son médecin cette semaine et avoir quelque chose à nous remettre d’ici le vendredi 29. À mon tour, j’ai informé Danielle que si elle ne fournissait aucun document médical dans le délai proposé, elle devra peut-être utiliser une autre forme de « congé », c’est-à-dire des congés annuels ou un congé de maladie. J’ai mentionné que si elle n’avait plus de congés en banque, l’employeur envisagerait un congé non payé (CNP), ce qui l’obligerait à présenter une demande de prestations de maladie au titre de l’assurance-emploi.

[…]

 

[47] La fonctionnaire a été interrogée sur le courriel que M. Wallace a envoyé le 22 mai 2015. Elle a déclaré avoir conduit sa fille à l’école et s’être arrêtée pour prendre l’appel en voyant le numéro de téléphone de l’établissement.

[48] Une lettre datée du 4 juin 2015, adressée par M. MacLellan à la fonctionnaire, a été déposée en preuve. Cette lettre se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Pour faire suite à la conversation téléphonique que vous avez eue avec le gestionnaire correctionnel, J. Wallace, le 22 mai 2015, j’ai décrit ci-dessous les prochaines étapes à prendre dans votre dossier, et j’ai également inclus des options que je vous invite à examiner.

Tout d’abord, nous souhaitons réitérer notre volonté de continuer à travailler avec vous pour trouver les mesures d’adaptation appropriées compte tenu de votre état de santé actuel. Le 1er mai 2015, vous nous avez remis un billet médical dans lequel votre médecin demandait que vous soyez autorisée à travailler à domicile. Cependant, tant que nous n’aurons pas reçu de précisions sur vos restrictions et limitations, il ne nous sera pas possible d’élaborer un plan d’adaptation avec vous. En tant qu’employée, vous avez l’obligation de coopérer dans le cadre du processus d’adaptation et de respecter l’exigence de produire des renseignements supplémentaires concernant vos limitations et restrictions.

À ce jour, nous avons émis deux lettres distinctes que vous devez remettre à votre médecin pour lui demander des précisions sur vos restrictions et limitations : la première a été remise le 5 mai 2015, et la seconde, le 15 mai 2015. Lors de la conversation téléphonique avec le GC J. Wallace, le 22 mai 2015, une troisième prolongation vous a été accordée, jusqu’au 29 mai 2015, pour fournir les précisions médicales demandées à votre médecin. Le 29 mai 2015, votre représentante syndicale, Amy Logan, a informé le GC J. Wallace que des renseignements supplémentaires de la part de votre médecin seraient présentés sous peu, mais pas avant la date convenue. À ce jour, nous n’avons pas reçu les renseignements demandés de votre médecin traitant actuel.

La présente a pour but de vous informer que, si nous n’avons pas reçu de précisions sur vos restrictions et limitations d’ici le 17 juin 2015, nous procéderons à une évaluation médicale indépendante afin d’obtenir des renseignements pertinents dans le but de trouver des mesures d’adaptation appropriées. Il est donc important que vous fassiez un suivi avec votre médecin à ce sujet afin de vous assurer que les renseignements demandés soient fournis au plus tard à cette.

[…]

 

[49] Un billet daté du 16 juin 2015 rédigé par le Dr Fashoranti (la « lettre du 16 juin ») a été déposé en preuve. Ce billet indique ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Je vous remercie de m’avoir demandé de rédiger un rapport sur les limitations et restrictions fonctionnelles qui s’appliqueraient à l’exécution des tâches d’un poste d’agent correctionnel de niveau I.

Tout d’abord, je vous suis très reconnaissant d’avoir finalement envoyé une « brochure de description de poste ». En outre, vous avez clarifié le contenu de votre lettre précédente en précisant que vous ne vouliez pas obtenir de détails sur sa situation médicale. Le retard que j’ai pris pour répondre à votre lettre avait trait au secret médical.

Après examen de la « brochure de description de poste », j’ai pu conclure à un très grand nombre de limitations.

Comme je l’ai indiqué dans ma lettre précédente, il s’agit d’une grossesse à risque élevé (pour des raisons qui ne sont pas divulguées par souci de confidentialité). Les limitations suivantes s’appliquent à elle :

i. Aucun contact avec les détenus

ii. Pauses fréquentes, périodes fréquentes de repos ou de position allongée

iii. Environnement peu stressant

iv. Aucune exposition aux scènes de violence

v. Aucun contact avec une substance nocive

vi. Aucun soulèvement d’objets

vii. Aucune arme

viii. Diminution de l’activité physique

IX. Ne peut pas porter de gilet ou de ceinturon de service

x. Aucun effort physique – elle ne doit pas demeurer assise ou debout pendant une longue période lorsqu’elle est en poste

ix. Risques d’agression verbale ou physique ou de traumatisme psychologique dus à l’exercice quotidien des fonctions de sécurité.

À mon avis, le risque d’accouchement prématuré ou de perte du fœtus est très élevé et je pense qu’elle ne devrait pas travailler dans le milieu pour le moment, car il s’agit d’une grossesse à risque élevé. Actuellement, elle me dit qu’elle ne fait que des tâches administratives, mais il y a toujours un indice de risque élevé pour le fœtus et pour la mère. De longues périodes en position debout et assise, le stress environnemental, le soulèvement de dossiers et le contact avec les détenus exposent le fœtus et la mère à un risque élevé. Je recommande vivement qu’elle poursuive le travail administratif à domicile.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[50] Une lettre datée du 2 juillet 2015, adressée par M. MacLellan à la fonctionnaire, a été déposée en preuve. Cette lettre se lit comme suit :

[Traduction]

 

[…]

La présente confirme la réception de la lettre de votre médecin datée du 16 juin 2015. Selon les renseignements fournis dans la lettre, nous avons pensé à des options de travail raisonnables qui peuvent le mieux s’adapter à vos limitations et restrictions médicales, telles qu’énoncées.

À l’heure actuelle, Springhill n’a pas suffisamment de travail que vous pourriez faire à domicile. Cependant, nous pouvons vous assigner des tâches administratives qui peuvent être accomplies dans le bâtiment A-1 de l’établissement. Vous travaillerez dans un bureau privé, où se trouvera un canapé. Nous estimons que cet arrangement de travail répond à toutes les limitations et restrictions spécifiées par votre médecin. Dans ce rôle faisant l’objet de mesures d’adaptation :

i. Vous n’aurez aucun contact direct ou régulier avec les détenus.

ii. Vous pourrez faire des pauses, vous reposer et vous allonger selon les besoins et les circonstances.

iii. Vous serez dans un environnement peu stressant – Bien qu’il soit impossible d’éliminer tout stress dans un environnement, nous pensons que la zone de bureau, surtout avec la porte fermée, est calme, et il devrait y avoir peu de circulation. Le gestionnaire tiendra également compte des demandes en termes de charge de travail et de type de travail assigné afin de réduire le stress au minimum.

iv. Vous ne serez pas exposée à des scènes de violence

v. Vous n’aurez pas de contact avec des substances nocives (p. ex. gaz poivré).

vi. Vous n’aurez pas à soulever de charges – Une assistance sera fournie au besoin et sur demande.

vii. Vous ne serez pas tenue d’utiliser des armes

viii. Vous exercerez une activité physique réduite – Vous pourrez faire des pauses, vous reposer et vous allonger selon les besoins et les circonstances.

ix. Vous ne serez pas tenue de porter un gilet ou un ceinturon de service.

x. Vous ne serez pas tenue de rester assise ou debout pendant de longues périodes lorsque vous serez en poste (aucun effort physique). Vous pourrez faire des pauses, vous reposer et vous allonger selon les besoins et les circonstances.

ix. Vous ne serez exposée à aucun risque d’agression verbale ou physique ou de traumatisme psychologique du fait de l’exercice quotidien des fonctions de sécurité.

En résumé, nous pouvons prendre des mesures d’adaptation afin de tenir compte des limitations et restrictions médicales indiquées et nous jugeons que cette offre de mesures d’adaptation est raisonnable. Par conséquent, nous nous attendons à ce que vous vous présentiez au travail, au bâtiment A-1 de l’Établissement Springhill, le lundi 6 juillet 2015, à 8 h. Il s’agit de votre premier jour habituel de retour au tableau de présence préexistant de 12 heures prévu dans le « plan d’adaptation ». À cette date, la direction vous rencontrera pour discuter des détails concernant le travail qui vous sera assigné dans le cadre du plan d’adaptation. Vous pourrez être accompagnée d’un représentant syndical à cette réunion. Il est important de noter que votre absence du travail au-delà de la date indiquée ci-dessus sera considérée comme un congé non payé, à moins que vous ne demandiez une autre forme de congé (comme des congés annuels).

[…]

 

[51] Le bâtiment A-1, même s’il est situé sur la propriété du SCC, se trouve à l’extérieur de la clôture périphérique de l’établissement. Tous les détenus sont logés à l’intérieur du périmètre de l’établissement. N’importe qui peut s’approcher du bâtiment A-1, y compris les membres du public.

[52] Un courriel daté du 2 juillet 2015 envoyé de Mme Logan à M. Wallace a été déposé en preuve. Ce courriel se lit comme suit :

[Traduction]

 

J’ai de sérieuses préoccupations à ce sujet. Tout d’abord, vous n’avez pas élaboré le plan avec la participation de Danielle ou de moi-même ni envisagé d’autres options. Deuxièmement, je ne vois pas comment il est possible que vous n’ayez rien à lui faire faire à la maison, mais que vous ayez du travail administratif à lui faire faire dans le bâtiment A1. Qu’est-ce qu’elle peut faire au bureau qu’elle ne peut pas faire à la maison? Je pense que cela mérite une discussion plus approfondie, d’autant plus que son médecin lui recommande de travailler à domicile.

[…]

 

[53] Une lettre datée du 3 juillet 2015, adressée par M. MacLellan à la fonctionnaire, a été déposée en preuve. Cette lettre se lit comme suit :

[Traduction]

 

[…]

 

Après une nouvelle consultation, nous sommes prêts à reporter la réunion prévue au bâtiment A-1 de l’Établissement Springhill le 6 juillet 2015, à 8 h.

La réunion a été provisoirement reportée au 14 juillet 2015, à 8 h, au bâtiment A-1 de l’Établissement Springhill. Votre statut actuel sera maintenu jusqu’à cette date. Une confirmation et de plus amples renseignements seront communiqués avant cette réunion.

[…]

 

[54] Il s’en est suivi une série d’échanges entre la direction et le syndicat au sujet du retour au travail de la fonctionnaire et de la façon dont cela allait se faire. La fonctionnaire n’a pas repris son travail sur les lieux de l’établissement. Des mesures ont été prises pour qu’elle puisse effectuer des travaux administratifs à son domicile.

[55] La preuve a révélé qu’à aucun moment la fonctionnaire n’a effectivement perdu de rémunération. Ce que la preuve a révélé, c’est qu’à certains moments, le statut de travail de la fonctionnaire a pu être codé de manière incorrecte dans le SHD. Cependant, ces problèmes ont été repérés au fur et à mesure et ont été corrigés.

C. Divers

[56] À la fin de son interrogatoire principal, la fonctionnaire a été invitée à dire ce qui l’avait poussée à déposer un grief concernant l’allégation selon laquelle elle était victime de discrimination fondée sur le sexe. Elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Dès le moment où j’ai dit à l’employeur que j’étais enceinte, je me suis sentie visée. J’ai eu l’impression d’être harcelée. Un certain nombre de filles étaient enceintes, l’une dans le même bâtiment. Une fille avait vingt minutes de travail par jour et n’était jamais contrôlée. J’avais des semaines de travail. On me surveillait. Un directeur adjoint venait me surveiller. On m’a dit que le billet de mon médecin n’était pas accepté.

 

[57] On a également demandé à la fonctionnaire ce qui avait changé dans sa situation familiale après qu’elle a déposé son grief à ce sujet. Elle a dit ce qui suit : [traduction] « Le besoin n’a pas changé. »

[58] La fonctionnaire a également témoigné au sujet d’une réunion impromptue qu’elle a eue avec la DA Ward, à la fin mars ou en avril 2015. Elle ne se rappelait pas la date exacte, mais elle s’est souvenue que Mme Ward est allée la voir et lui a demandé si elle avait peur ou si elle était effrayée, étant donné que le bâtiment dans lequel elle se trouvait fermait à 16 h. Elle a déclaré que la rencontre lui semblait inhabituelle, dans la mesure où la direction s’est présentée à l’improviste, et qu’un représentant ou un témoin aurait dû être avec elle.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[59] La fonctionnaire a fait valoir que les griefs devaient être accueillis et qu’elle devait se voir accorder des dommages en vertu de la Loi.

[60] La fonctionnaire m’a renvoyé à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6); Marois c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 150; Spooner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 60; Turmel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 122; Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35; Nadeau c. Administrateur fédéral (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 82; Ross c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 5; Douglas c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 51; Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2014 CAF 110.

B. Pour l’employeur

[61] L’employeur a soutenu que les griefs devraient être rejetés.

[62] L’employeur m’a également renvoyé à Johnstone, Douglas, Turmel, Spooner, Marois, et, en plus de répondre aux arguments et à la jurisprudence invoqués par la fonctionnaire, m’a renvoyé à Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [1999] 3 RCS 3; Bzdel c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 27; Callan v. Suncor Inc., 2006 ABCA 15; Canada (Procureur général) c. Douglas, 2021 CAF 89; Canada (Procureur général) c. Duval, 2019 CAF 290; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970 (« Central Okanagan »); Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 RCS 1095; Desjardins c. Administrateur général (Services partagés Canada), 2020 CRTESPF 43; Havard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 36; Hydro Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43; Kingston (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 109, [2016] O.L.A.A. No. 439 (QL); Leclair c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 97; St-Denis c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2019 CRTESPF 46; Mark c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 34; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4; McMullin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 55; Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 RCS 536 (« O’Malley »); Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 2; Poddubneac v. Alberta Health Services, 2021 AHRC 2; Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12.

IV. Motifs

A. Ordonnance de mise sous scellés

[63] L’employeur a demandé que le schéma ou plan de l’établissement qui a été présenté pour aider à comprendre la disposition des bâtiments et l’endroit où se trouvaient les différents éléments par rapport au périmètre de la clôture et à l’emplacement des détenus, soit mis sous scellés. La fonctionnaire ne s’y est pas opposée.

[64] Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, aux paragraphes 9 à 11, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déclaré ce qui suit :

9 La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d’une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l’encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la "liberté d’expression" de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

10 Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non-publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’exigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

11 Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non-publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

a. elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque;

b. ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[65] La question de l’octroi d’une ordonnance de mise sous scellés du plan ou du schéma d’un pénitencier fédéral a récemment été abordée dans Douglas, comme suit :

[…]

[64] La Commission adhère au principe de transparence judiciaire dans ses audiences et sa prise de décisions. Ses dossiers sont accessibles au public. Cependant, certaines situations justifient une ordonnance de confidentialité. La Commission applique le critère « Dagenais/Mentuck » (voir Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 RCS 835, et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76), qui a été énoncé très clairement dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41. Le critère peut être résumé ainsi : les effets bénéfiques du maintien de la confidentialité de certains renseignements l’emportent sur les effets préjudiciables de la prévention de l’accès du public aux procédures judiciaires, qui est un droit protégé en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, édictée en tant qu’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

[65] Le maintien de la sécurité d’un pénitencier constitue une préoccupation valable qui l’emporte sur l’intérêt du public pour les procédures. Les motifs de la présente décision peuvent être compris sans qu’il soit nécessaire de produire des photographies ou des plans d’étage détaillés. Rendre ces documents publics pourrait engendrer un risque pour l’Établissement Nova. Les photographies et le plan d’étage constituent la pièce E-2, qui doit être mise sous scellés.

[…]

 

[66] Je suis d’accord avec le raisonnement de la Commission tel qu’il est énoncé aux paragraphes 64 et 65 de Douglas et je l’adopte, car il s’applique également à l’Établissement Springhill et au document qui a été présenté et marqué comme pièce E‑2, onglet 10. L’onglet 10 sera retiré du livre de documents qui constitue la pièce E-2 et mis sous scellés.

B. Le bien-fondé des griefs

[67] Pour les motifs énoncés ci-après, les griefs sont rejetés.

[68] La fonctionnaire a affirmé avoir été victime de discrimination de la part de l’employeur en raison de son sexe et de sa situation familiale. Dans Diks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 3, la Commission a déclaré que le critère dans les cas de discrimination en milieu de travail est le suivant :

[…]

76 Afin de montrer qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination. La preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la fonctionnaire, en l’absence de réplique de l’employeur intimé (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (« O’Malley »)).

77 Un employeur faisant face à une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en déposant des éléments de preuve d’une explication raisonnable qui démontre que ses actions n’étaient pas, en fait, discriminatoires ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13).

[…]

 

[69] En général, afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, le fonctionnaire s’estimant lésé doit démontrer qu’il possède une caractéristique protégée contre la discrimination, qu’il a subi un effet préjudiciable et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore, au paragr. 33). En ce qui concerne la discrimination sur le lieu de travail fondée sur le motif illicite qu’est la situation de famille résultant d’obligations liées à la garde des enfants, la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Johnstone, a également exposé les facteurs à prendre en compte pour déterminer si un plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination dans ces circonstances.

C. Dossier 566-02-11458 – L’allégation de discrimination fondée sur le sexe

[70] La clause 37.01 de la convention collective et le paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoient que le sexe est un motif de discrimination illicite. En vertu du paragraphe 3(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, une distinction fondée sur la grossesse ou l’accouchement est réputée être fondée sur le sexe. Il n’a pas été contesté dans le présent cas que le sexe et la grossesse de la fonctionnaire étaient des caractéristiques protégées contre la discrimination. Toutefois, j’estime que la fonctionnaire n’a pas établi qu’elle a subi un effet préjudiciable attribuable à son sexe ou à sa grossesse.

[71] L’article 45 de la convention collective est intitulé « Réaffectation ou congés liés à la maternité ». Il prévoit que l’employée enceinte ou allaitant un enfant peut, pendant la période qui va du début de la grossesse à la fin de la vingt-quatrième semaine qui suit l’accouchement, demander à son employeur de modifier ses tâches ou de la réaffecter à un autre poste si, en raison de sa grossesse ou de l’allaitement, la poursuite de ses activités professionnelles courantes peut constituer un risque pour sa santé, celle du fœtus ou celle de l’enfant.

[72] Le 24 mars 2015, la fonctionnaire a informé son superviseur qu’elle était enceinte et qu’elle devrait [traduction] « […] bientôt cesser de porter l’uniforme ». La grossesse est une condition qui, selon la personne concernée, peut nécessiter des mesures d’adaptation. Chaque personne et chaque grossesse sont différentes, tout comme le travail que la personne effectue. Ainsi, chaque cas doit être évalué individuellement en fonction des particularités de la personne, de la grossesse et du travail.

[73] Une fois que la fonctionnaire a fait état de sa grossesse, on l’a informée qu’elle ne serait pas en uniforme pour son prochain quart de travail, ce qui a été le cas. Aucun billet n’a été fourni par un professionnel de la santé, et aucun n’a été demandé. En effet, le propre témoignage de la fonctionnaire suggère que lorsqu’elle a fait part de sa grossesse, elle ne cherchait pas à obtenir une mesure d’adaptation pour ne pas porter l’uniforme ou pour que ses tâches professionnelles soient modifiées, car elle a dit qu’elle pensait qu’il lui appartenait de décider du moment où elle cesserait de porter l’uniforme. Cela dit, aucune question n’a été soulevée relativement au fait que l’employeur a choisi dès le départ de prendre une mesure d’adaptation en réponse à la grossesse de la fonctionnaire. Le plan d’adaptation écrit a été mis en œuvre le jour suivant et a été signé par la fonctionnaire, sa représentante syndicale, Mme Logan, et M. Wallace, au nom de l’employeur. La durée du plan correspondait à ce qui semblait être la durée de la grossesse, soit du 26 mars 2015 au 30 octobre 2015. Dans la case intitulée [traduction] « Description de l’emploi approprié », il était simplement indiqué [traduction] « Tâches non liées à la sécurité » et [traduction] « devrait être un travail de type administratif ».

[74] C’est ce qui s’est passé dans les faits. La preuve a révélé que la fonctionnaire ne travaillait plus comme une CX-01 effectuant des tâches d’une CX-01. Les gestionnaires ont été sollicités afin de trouver des tâches administratives que la fonctionnaire pourrait effectuer, et c’est ce travail qu’on lui a demandé de faire. La fonctionnaire a décrit l’éventail de tâches différentes qu’on lui a trouvées à faire et qu’elle faisait, qui n’étaient pas celles d’une CX-01 et qui n’étaient pas liées à la sécurité.

[75] Ce qui a semblé causer la difficulté dans cette affaire, c’est l’adaptation de l’exécution du travail administratif à l’horaire de quarts de la fonctionnaire. Lorsque la fonctionnaire a découvert qu’elle était enceinte et qu’elle a été retirée de ses fonctions de CX-01, elle travaillait dans des postes de jour de 12 heures, soit quatre jours de travail suivis de cinq jours de repos, de 6 h 30 à 19 h 15. Cela signifiait que la fonctionnaire devait travailler les samedis, les dimanches et les jours fériés.

[76] Or, la preuve a révélé que le travail administratif de soutien au fonctionnement de l’établissement effectué par le personnel administratif non CX s’effectuait en grande partie pendant ce qui serait considéré comme des « heures de travail normales », au cours d’une journée de travail de 7,5 heures ou de 8 heures, du lundi au vendredi, entre 7 h et 18 h. Les jours et les heures de travail administratif, ainsi que la présence du personnel, n’auraient donc pas nécessairement coïncidé avec l’horaire de la fonctionnaire, qui était de quatre jours de travail suivis de cinq jours de repos, selon des quarts de 12 heures (l’horaire 4/5), de 6 h 30 à 19 h 15.

[77] La transition de la fonctionnaire à des fonctions administratives qui ne faisaient pas partie des fonctions des CX signifiait que les personnes qui lui fourniraient du travail, superviseraient son travail, lui donneraient éventuellement des instructions concernant son travail, l’aideraient dans son travail ou travailleraient avec elle, travailleraient du lundi au vendredi, en grande partie entre 7 h et 18 h. Cela aurait pu poser un certain problème si la fonctionnaire avait continué à suivre le plan de garde (quarts de jour de 6 h 30 à 19 h 15, quatre jours de travail suivis de cinq jours de repos), car les personnes pour qui et avec qui elle travaillait n’étaient pas présentes ni au début et à la fin de son quart du lundi au vendredi ni lorsqu’elle travaillait les samedis, les dimanches ou les jours fériés.

[78] La fonctionnaire s’est offusquée des tentatives faites par l’employeur afin d’avoir une discussion avec elle pour lui suggérer de modifier le plan de garde, de manière à ce qu’il coïncide avec les heures de travail de type administratif. C’est ce sur quoi elle et une amie ont échangé quelques brefs courriels, le 21 avril 2015. Il ressort clairement du ton des courriels que la fonctionnaire était contrariée et se sentait dépassée par sa charge de travail. Elle mentionne des discussions sur la modification de son horaire et le fait que la direction pensait qu’elle n’avait pas assez de travail, alors qu’elle se sentait débordée au travail. Cela semble également être le sujet d’une discussion qu’elle a eue avec la DA Ward à la même période ou à peu près, puisque Mme Ward lui a parlé un jour de son travail dans les bureaux administratifs, qui seraient vides après 16 heures.

[79] La fonctionnaire a témoigné que le 1er mai, elle s’est rendue chez son médecin de famille, le Dr Fashoranti, pour ce qui semblait être un rendez-vous de routine. Elle a fait part à l’audience de la discussion qu’elle a eue avec son médecin à ce moment-là, précisant ce qui suit :

elle a dit au Dr Fashoranti qu’elle était bouleversée et stressée par des choses au travail;

le Dr Fashoranti lui a dit qu’elle pouvait s’absenter complètement du travail;

elle a dit au Dr Fashoranti qu’elle n’était pas prête à arrêter de travailler;

elle a dit au Dr Fashoranti que le télétravail était l’une des options prévues dans sa convention collective;

elle a déclaré qu’elle et le Dr Fashoranti sont arrivés à un compromis lorsqu’elle lui a parlé de la possibilité de faire du télétravail.

 

[80] Le Dr Fashoranti n’a pas témoigné et aucun de ses dossiers cliniques n’a été présenté en preuve. Il n’y a aucune preuve selon laquelle la fonctionnaire a expliqué en détail au Dr Fashoranti en quoi consistait son travail à ce moment-là. Le 1er mai 2015, le Dr Fashoranti a rédigé le vague billet du 1er mai qui indique qu’il [traduction] « saurai[t] gré » de permettre à la fonctionnaire de travailler à domicile pour des raisons médicales. Je n’ai entendu aucune preuve quant à la nature de ces raisons médicales ou à la raison pour laquelle il pensait que la fonctionnaire devait travailler à domicile. Je n’ai entendu aucune preuve quant aux risques, s’il en est, auxquels la fonctionnaire se serait exposée si elle avait effectué ses tâches administratives à ce moment-là. Rien dans le billet n’indique l’existence de restrictions ou de limitations.

[81] Au moment où elle a consulté le Dr Fashoranti, le 1er mai 2015 ou vers cette date, le plan d’adaptation était en vigueur. Elle n’exécutait pas les fonctions d’une CX‑01 et n’exécutait donc pas des fonctions liées à la sécurité. La preuve a révélé qu’elle effectuait des tâches purement administratives, qui provenaient de différents secteurs de l’établissement. Les doléances qu’elle a formulées lorsqu’elle a vu le Dr Fashoranti, telles qu’elles sont exposées dans son témoignage et dans les courriels qu’elle a échangés avec une amie, concernaient sa crainte que l’employeur change son horaire et la crainte de devoir s’adresser au tribunal au sujet de la garde et du droit de visite.

[82] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle avait déposé ce grief, elle a répondu qu’elle se sentait visée et a donné des exemples de ce qui, selon elle, montrait que d’autres femmes enceintes pensaient avoir eu la vie plus facile : [traduction] « Une fille avait vingt minutes de travail par jour. »

[83] Lorsque la fonctionnaire a présenté le billet du 1er mai à ses superviseurs, ceux-ci ont voulu en savoir plus. Le fait qu’ils ont demandé des informations supplémentaires ne constitue pas en soi une preuve prima facie de discrimination.

[84] Les professionnels de la santé sont justement des professionnels qui travaillent dans un domaine précis des soins de santé. Cela ne fait pas d’eux des experts des particularités et des spécificités de la relation employeur-employé et de chaque lieu de travail des patients qu’ils sont appelés à traiter. Comme je l’ai expliqué au paragraphe 304 de McNeil c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2021 CRTESPF 89 :

[304] Un employeur a le droit de savoir quel travail, le cas échéant, un employé peut effectuer en toute sécurité sur le lieu de travail. Des renseignements précis sur les restrictions et les limitations sont importants, car ils pourraient nuire à la capacité d’un employé d’exercer les tâches liées à son travail, ce qui pourrait à son tour le mettre à risque de subir d’autres blessures ou de mettre d’autres employés en danger. Ces renseignements sont également nécessaires en raison des obligations respectives des parties, telles qu’elles sont énoncées dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970.

 

[85] Ce qui s’est passé après la remise du billet du 1er mai à l’employeur, c’est que la fonctionnaire a décidé qu’elle ne retournerait pas au travail, et elle a déposé les griefs le 8 mai 2015. Il est clair pour moi que les faits à ce moment-là n’avaient rien à voir avec les limitations ou les restrictions de la fonctionnaire au travail et qu’ils avaient tout à voir avec ce qu’elle considérait comme un problème potentiel concernant son horaire et sa perception de sa charge de travail.

[86] Lorsque la fonctionnaire s’est absentée du travail après avoir remis le billet du 1er mai, elle était en congé. Bien qu’il y ait d’abord eu une discussion sur le type de congé qu’elle devait prendre, il ne fait nul doute qu’en date du 12 mai 2015, la fonctionnaire était en autre congé payé (portant le code 699). En témoignent les registres de congés déposés en preuve ainsi que le courriel du 12 mai 2015 de M. Carr à MM. Simons, McMillan et Earle, à Mme Ward et à certains représentants des RH, dans lequel il répond à la question du directeur Earle qui souhaitait savoir si elle était en congé de maladie.

[87] Lorsque la fonctionnaire a obtenu le billet du 1er mai, elle en était au troisième jour de ses quatre jours de travail selon l’horaire 4/5. Elle était au travail le 1er mai et a pris congé le 2 mai 2015. Elle a ensuite eu ses cinq jours de congé, du 3 au 7 mai 2015. Son premier jour de retour au travail aurait été le 8 mai 2015, à 6 h. Elle ne s’est pas présentée au travail ce jour-là et, à la place, elle a déposé deux griefs, tous deux signés par Mme Logan, dont l’un est devenu le dossier de la Commission 566-02-11458, alléguant une discrimination fondée sur le sexe.

[88] Voici ce qu’elle a écrit dans son grief : [traduction] « J’ai demandé à faire l’objet de mesures d’adaptation pour la durée de ma grossesse. J’ai fourni un certificat médical à l’appui de cette demande. » En fait, elle a présenté le billet du 1er mai du Dr Fashoranti, qui indiquait simplement : [traduction] « Je vous saurais gré de bien vouloir autoriser Mme Danielle Miller à travailler à domicile pour des raisons médicales. Elle vit une grossesse à risque élevé. » Dans les faits, la fonctionnaire a obtenu un billet dans lequel son médecin demande à ce qu’elle soit autorisée à faire du télétravail.

[89] Cependant, le billet du 1er mai ne mentionne aucune limitation ou restriction. J’ai souligné dans Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2018 CRTESPF 76, au paragr. 393, ce qu’a dit l’un des professionnels de la santé qui a comparu devant moi dans cette affaire. En voici un extrait :

[393] Dans son témoignage devant moi, le Dr Suddaby a affirmé que la plupart des psychiatres et psychologues font des recommandations concernant des mesures d’adaptation qui ne sont pas appropriées parce qu’ils n’ont pas suffisamment de connaissances au sujet du milieu de travail ou de l’emploi visé. Il a déclaré que, lorsque tous les intervenants concernés communiquent de manière efficace avec le niveau de divulgation approprié, il est probable que l’employé sera dans une meilleure position. Les commentaires de tous les intervenants sont importants, mais très rares dans notre système de soins de santé […]

 

[90] Le grief et les actions de la fonctionnaire laissent entendre qu’en ne voyant pas offrir la possibilité de faire du télétravail, elle n’a pas bénéficié d’une mesure d’adaptation et l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa grossesse à risque. Cependant, ce que le Dr Fashoranti entendait par « risque élevé » n’était certainement pas expliqué dans le billet du 1er mai. En effet, on ne me l’a pas expliqué non plus. On ne peut pas supposer que cela signifiait que le télétravail était la seule option et que la fonctionnaire a été lésée du fait qu’on ne lui a pas immédiatement proposé cette option. Sans autre précision, je peux seulement supposer qu’une grossesse à risque élevé signifie qu’il y a un risque plus élevé que d’ordinaire que la grossesse se termine avant la naissance. Cela pouvait être attribuable à un certain nombre de facteurs. À cet égard, la fonctionnaire n’a pas établi qu’elle avait été lésée par la demande de l’employeur d’obtenir des renseignements supplémentaires sur ses limitations ou restrictions ou par le fait qu’on ne lui avait pas offert le télétravail au départ.

[91] La fonctionnaire a décidé qu’elle resterait à la maison. Bien qu’il y ait eu une discussion initiale sur la façon exacte dont le plan de grossesse serait modifié le jour où elle a présenté le billet du 1er mai (le 1er mai 2015), il est manifeste que les choses ont été clarifiées le 9 mai 2015, le lendemain du dépôt de son grief. En fait, Mme Logan a été clairement conseillée à ce sujet, comme en témoigne l’échange du 9 mai, dans lequel il a été précisé que la fonctionnaire était en autre congé payé.

[92] La fonctionnaire est restée chez elle et a reçu son salaire habituel, sans aucune perte.

[93] L’employeur avait le droit de savoir quelles étaient les limitations et restrictions causées par la grossesse. À cet égard, une correspondance a été transmise au Dr Fashoranti pour lui demander des éclaircissements. Au cours du processus de recherche de clarification, l’employeur a transmis une copie de la description d’emploi du poste CX-01.

[94] Dans son grief, elle a également déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ai subi un traitement différent et du harcèlement en raison de ma grossesse et de ma demande de mesures d’adaptation […] ». Le seul élément de preuve qui donne à penser que la fonctionnaire a été traitée différemment est le fait qu’elle croyait avoir été traitée différemment en raison de ce qu’elle croyait s’être produit dans d’autres situations faisant intervenir des mesures d’adaptation liées à la grossesse. Toutefois, sans donner plus de détails sur ces autres mesures d’adaptation alléguées, la perception de la fonctionnaire n’est pas convaincante à elle seule au regard du traitement différent ou défavorable allégué.

[95] Son allégation de harcèlement semble être liée au fait qu’à une occasion, alors qu’elle travaillait dans une fonction administrative pendant le plan de grossesse et avant la remise du billet du 1er mai, la DA Ward s’est rendue où elle se trouvait et lui a parlé. On peut difficilement parler ici de harcèlement, lequel s’entend généralement d’actes ou de comportements qui pourraient vraisemblablement offenser ou causer un préjudice (voir par exemple la définition de « harcèlement et violence » au paragraphe 122(1) du Code canadien du travail, et Spooner). La fonctionnaire n’a pas expliqué pourquoi cette interaction était offensante ou préjudiciable au point de constituer du harcèlement. Les seules autres discussions qui ont eu lieu portaient sur la modification de ses heures de travail, ce qui la ferait passer d’un horaire 4/5 à une semaine de 40 heures, du lundi au vendredi, afin que son travail coïncide avec celui des personnes pour lesquelles et avec lesquelles elle travaillait.

[96] La fonctionnaire et Mme Logan ont toutes deux déclaré qu’une mise en demeure avait été remise à l’employeur. Aucune copie de ce document n’a été produite comme preuve. J’ai entendu quelques témoignages limités sur le fait que les représentants de l’employeur ont parlé avec la fonctionnaire pour tenter d’obtenir une lettre plus détaillée du Dr Fashoranti. Toutefois, c’était bien après le dépôt du grief et les témoignages étaient très limités.

[97] La lettre du 16 juin du Dr Fashoranti contenait une série de recommandations. L’employeur n’a pas rejeté ces recommandations. En fait, non seulement il les a évaluées et a élaboré un plan qui y était conforme en majeure partie, mais il avait déjà mis en place bon nombre des recommandations énoncées dans la lettre, puisque la fonctionnaire ne portait pas l’uniforme et n’exerçait pas de fonctions liées à la sécurité depuis le 25 mars 2015, date à laquelle elle a informé son superviseur qu’elle était enceinte. L’employeur a transmis une lettre à la fonctionnaire le 2 juillet 2015, décrivant comment il pensait pouvoir se conformer aux recommandations du Dr Fashoranti.

[98] Le problème était donc que l’employeur croyait que la fonctionnaire pouvait exercer les fonctions administratives qu’elle exerçait avant le billet du 1er mai sur le terrain de l’Établissement Springhill, dans un bâtiment qui se trouvait complètement à l’extérieur de l’établissement clôturé. La fonctionnaire croyait que la lettre du Dr Fashoranti signifiait qu’elle devait faire du télétravail.

[99] La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Central Okanagan, aux p. 994 et 995 :

La recherche d’un compromis fait intervenir plusieurs parties. Outre l’employeur et le syndicat, le plaignant a également l’obligation d’aider à en arriver à un compromis convenable. La participation du plaignant à la recherche d’un compromis a été reconnue par notre Cour dans l’arrêt O’Malley. Le juge McIntyre y affirme, à la p. 555 :

Cependant, lorsque ces mesures ne permettent pas d’atteindre complètement le but souhaité, le plaignant, en l’absence de concessions de sa propre part, comme l’acceptation en l’espèce d’un emploi à temps partiel, doit sacrifier soit ses principes religieux, soit son emploi.

Pour faciliter la recherche d’un compromis, le plaignant doit lui aussi contribuer. À la recherche d’un compromis raisonnable s’ajoute l’obligation de faciliter la recherche d’un tel compromis. Ainsi, pour déterminer si l’obligation d’accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

Cela ne signifie pas qu’en plus de porter à l’attention de l’employeur les faits relatifs à la discrimination, le plaignant est tenu de proposer une solution. Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise. Lorsque l’employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en œuvre, remplirait l’obligation d’accommodement, le plaignant est tenu d’en faciliter la mise en œuvre. Si l’omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l’origine de l’échec de la proposition, la plainte sera rejetée. L’autre aspect de cette obligation est le devoir d’accepter une mesure d’accommodement raisonnable. C’est cet aspect que le juge McIntyre a mentionné dans l’arrêt O’Malley. Le plaignant ne peut s’attendre à une solution parfaite. S’il y a rejet d’une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur s’est acquitté de son obligation.

 

[100] La preuve a révélé que la fonctionnaire a été invitée à retourner sur le lieu de travail le lundi 6 juillet 2015, à 8 h. Elle ne l’a pas fait. Le 3 juillet 2015, la date et l’heure ont été modifiées pour le 14 juillet 2015, à 8 h, et elle a été informée que son statut d’alors, soit celui d’employée en autre congé payé, serait maintenu jusqu’à cette date.

[101] La fonctionnaire et sa représentante se sont opposées à ce qu’elle travaille dans le bâtiment A-1 comme le prévoyait l’employeur. Le motif invoqué était que le bâtiment A-1 n’était pas sûr, car un détenu pouvait y faire le ménage, et qu’une partie de ce bâtiment était utilisée pour remplir les vaporisateurs de gaz poivré. Aucune réunion n’a eu lieu. La position de l’employeur à ce sujet était simplement que des dispositions pouvaient être prises pour que le nettoyage du bâtiment ne pose pas de problème, pas plus que les vaporisateurs de gaz poivré.

[102] La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’a pas participé au processus envisagé par la Cour suprême du Canada dans Central Okanagan en ordonnant à la fonctionnaire de retourner au travail sans négocier la mesure d’adaptation. Je ne suis pas d’accord.

[103] Ce que la Cour suprême a déclaré dans Central Okanagan, c’est que le processus doit impliquer les trois parties, soit l’employeur, l’employé et le syndicat. Toutefois, cela ne doit pas toujours se produire, et cela ne se produira pas toujours. Une mesure d’adaptation peut être nécessaire pour un certain nombre de raisons couvrant un certain nombre de circonstances potentielles. L’employé peut avoir besoin d’une mesure d’adaptation et l’employeur peut mettre en œuvre un plan qui répond entièrement à la situation, sans même qu’une réunion soit nécessaire. Les choses peuvent être aussi simples que cela, mais ce n’est souvent pas le cas.

[104] Cependant, Central Okanagan n’indique pas que les parties doivent convenir de la mesure d’adaptation et n’exige pas qu’elles le fassent. Il ne fait nul doute pour moi que l’employeur a suivi la procédure et qu’il a tenté de faciliter les recommandations suggérées par le médecin de la fonctionnaire. Le fait que la réponse de l’employeur à la lettre du 16 juin du Dr Fashoranti n’ait pas reçu l’approbation de la fonctionnaire ou de son syndicat ne signifie pas que les actions de l’employeur durant le processus étaient discriminatoires ou constituaient un manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. En effet, bien qu’elle soit restée en arrêt de travail, la fonctionnaire n’a perdu aucune rémunération pendant ce processus. Dans l’ensemble, après avoir examiné la totalité de sa preuve et de son argumentation, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi qu’elle a subi un effet préjudiciable dans le contexte de son emploi ou, autrement, en raison de son sexe ou de sa grossesse. En conséquence, son grief à cet égard est rejeté.

D. Dossier 566-02-11459 – la plainte pour discrimination en raison de la situation familiale

[105] Dans la sphère fédérale, la décision dans Johnstone est l’arrêt définitif en matière de discrimination fondée sur la situation familiale en raison des obligations liées à la garde des enfants. Au paragraphe 93, la décision expose l’analyse en quatre volets qu’une cour ou un tribunal doit effectuer pour déterminer s’il existe une preuve prima facie de discrimination sur le lieu de travail fondée sur le motif de distinction illicite de la situation de famille résultant d’obligations liées à la garde des enfants. Pour établir l’existence de cette preuve prima facie, la fonctionnaire devait démontrer ce qui suit :

1) qu’elle assumait l’entretien et la surveillance d’un enfant;

2) que l’obligation en cause relative à la garde des enfants faisait jouer sa responsabilité légale envers cet enfant et qu’il ne s’agissait pas simplement d’un choix personnel;

3) qu’elle a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable;

4) que les règles attaquées régissant le milieu de travail entravaient d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants.

 

[106] Chaque partie de l’analyse en quatre volets est définie plus précisément aux paragraphes 94 à 97 de Johnstone.

[107] Le premier facteur exige qu’un plaignant démontre qu’il assume effectivement l’entretien et la surveillance de l’enfant. Pour ce faire, la fonctionnaire devait démontrer qu’elle entretenait ce type de relation avec l’enfant ou les enfants en question et que son défaut de répondre aux besoins de l’enfant ou des enfants entraînerait sa responsabilité légale. Dans le cas d’un parent, ce facteur découlera normalement de la qualité de parent de cette personne.

[108] Le deuxième facteur est étroitement lié au premier. La fonctionnaire doit démontrer que les besoins en matière de garde d’enfants en cause découlent d’une obligation légale envers les enfants. Encore une fois, dans le cas d’un parent, ce facteur découlera normalement de la qualité de parent. Toutefois, selon les circonstances, ce facteur peut varier en fonction de la situation. L’obligation légale à l’égard d’un nourrisson, d’un jeune enfant ou d’un enfant en âge de fréquenter l’école primaire est généralement, mais pas toujours, différente de celle qui peut exister à l’égard d’un adolescent ou d’un ou de plusieurs enfants en âge de fréquenter l’école secondaire.

[109] Le troisième facteur oblige la fonctionnaire à démontrer qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable. Selon ce facteur, la fonctionnaire sera appelée à démontrer qu’elle n’est pas en mesure de s’acquitter de ses obligations liées à la garde d’enfants tout en continuant de travailler, et qu’elle n’a pas raisonnablement accès à des services de garde d’enfants ou à des mesures de substitution qui lui permettraient de respecter ses obligations professionnelles. Autrement dit, la fonctionnaire doit démontrer qu’elle est confrontée à un véritable problème en ce qui concerne la garde d’enfants. Chaque cas est essentiellement un cas d’espèce.

[110] Le quatrième et dernier facteur exige que les règles controversées régissant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants. Il convient dans chaque cas d’examiner le contexte dans lequel se présente un conflit entre les besoins en matière de garde d’enfants et l’horaire de travail pour déterminer si l’entrave en question est plus que simplement négligeable ou insignifiante. Le quatrième facteur prend également en compte la règle du lieu de travail qui crée le problème en premier lieu. Sans la règle ou la situation problématique dans le milieu de travail, tous les autres facteurs deviennent superflus.

[111] Pour les raisons qui suivent, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination. Ainsi, le grief reposant sur l’allégation de discrimination fondée sur la situation de famille est rejeté.

[112] Il n’est pas contesté que la fonctionnaire est la mère d’un enfant qui a été identifié dans cette affaire et qu’au moins une partie du temps, l’enfant, au moment du dépôt du grief et des faits qui y ont abouti, vivait avec elle et son nouveau mari ou partenaire dans le logement qu’elle partageait avec lui. Cependant, les détails et la nature exacte de l’arrangement concernant la garde et l’entretien de l’enfant ne sont pas clairs. Nous y reviendrons plus tard, lorsque je me pencherai sur le troisième facteur.

[113] La preuve a également révélé que les besoins en matière de garde d’un enfant découleront de l’obligation légale envers l’enfant. Cela est manifeste du fait que l’enfant avait six ou sept ans à l’époque en question. Cependant, là encore, ces besoins, comme ceux pris en compte par le premier facteur, seraient mieux traités en conjonction avec le troisième facteur de l’analyse.

[114] Le troisième facteur oblige la fonctionnaire à démontrer qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable. Elle devait démontrer qu’elle n’était pas en mesure de s’acquitter de ses obligations légales liées à la garde des enfants tout en continuant à travailler et qu’elle n’avait pas raisonnablement accès à des services de garde d’enfants ou à des mesures de substitution qui lui permettrait de respecter ses obligations professionnelles.

[115] J’ai entendu et vu peu d’éléments de preuve concernant les trois premiers facteurs décrits dans Johnstone. J’ai supposé qu’il y avait des besoins en matière de garde d’enfants, car on peut s’attendre à ce qu’il y ait de tels besoins à l’âge qu’avait l’enfant de la fonctionnaire à l’époque. Cependant, on ne m’a fourni pratiquement aucune preuve de la situation. J’ai seulement entendu le témoignage de vive voix de la fonctionnaire, qui a expliqué que le père de l’enfant avait porté l’affaire en justice et qu’il existait un arrangement de garde qui prévoyait que l’enfant serait avec elle uniquement lorsqu’elle ne serait pas en service.

[116] L’arrangement de garde n’a pas été déposé en preuve. Aucune preuve de la procédure judiciaire n’a été produite. Ce qui a été produit, c’est une entente signée par la fonctionnaire et l’employeur à la mi-novembre 2014, par laquelle l’employeur acceptait de permettre à la fonctionnaire de travailler uniquement des quarts de jour selon l’horaire 4/5. L’entente devait prendre fin le 30 mars 2015. Le courriel de la fonctionnaire daté du 13 novembre 2014, qui indique simplement qu’elle est engagée dans une bataille judiciaire avec le père pour obtenir la garde de l’enfant et que c’est le père qui a la garde (à ce moment-là), a également été produit en preuve. Il indique également que, selon l’arrangement de garde, elle va chercher sa fille après son dernier quart de travail et elle la garde les jours où elle ne travaille pas. Dans son courriel, elle déclare ensuite que son emploi du temps lui permet d’avoir sa fille quatre nuits de suite, alors que le père l’a cinq nuits. Il semble que l’employeur ait institué un horaire 4/5 de jour (pas de nuit) pour cette raison, à la demande de la fonctionnaire.

[117] Selon le courriel du 13 novembre 2014, la fonctionnaire a déclaré que le père avait la garde. Elle a demandé à ne travailler que de jour afin de pouvoir passer le plus de temps possible avec sa fille. Ce que dit le courriel du 13 novembre 2014, c’est que si la fonctionnaire se voyait accorder des quarts de jour consécutifs, ce qui a été fait, elle passerait plus de temps avec sa fille. Sans plus de détails sur ce que disait exactement l’arrangement de garde ou l’ordonnance du tribunal, il est difficile de déterminer quelle obligation légale, le cas échéant, en découlait ou comment l’employeur a prétendument interféré avec cette obligation. Il incombe à la fonctionnaire de fournir les preuves nécessaires pour que la Commission puisse les évaluer et y appliquer le critère.

[118] Bien que la fonctionnaire ait dit que tel était l’arrangement, il n’en découle pas qu’il s’agit d’une obligation légale. D’après ce que je peux comprendre, la fonctionnaire n’avait des obligations légales et des responsabilités en matière de soins pour sa fille que lorsqu’elle avait accès à elle, uniquement lorsqu’elle n’était pas en service. L’entente prise avec l’employeur, bien qu’elle ait pu comprendre le terme « entente relative à des mesures d’adaptation », n’est pas nécessairement une preuve déterminante de l’existence d’un droit protégé par la convention collective ou par la loi ou que le prétendu non-respect de l’arrangement constitue une discrimination. D’après ce que je peux comprendre de la preuve de l’arrangement de garde, la fonctionnaire n’avait pas sa fille quand elle était en service. C’est en fait le père qui en avait la garde. Quand elle avait sa fille, elle n’était pas en service.

[119] La preuve a révélé que lorsque la fonctionnaire a informé son employeur qu’elle était enceinte, on lui a retiré ses tâches habituelles de CX pour lui confier d’autres tâches, soit des fonctions administratives n’exigeant pas de porter l’uniforme, ne faisant pas partie des tâches des CX, et n’étant pas liées à la sécurité. L’horaire de travail établi en fonction du plan de garde, soit quatre quarts de travail de 12 heures de jour, suivis de cinq jours de repos (l’horaire 4/5), n’a pas été modifié.

[120] Les éléments de preuve ont également révélé que les employés de soutien administratif de l’établissement avaient pour la plupart des journées de travail fixes de huit heures, du lundi au vendredi, pendant les heures normales de travail de jour (pas selon des quarts de travail), entre 7 h et 18 h. Puisque la fonctionnaire ne travaillait pas à ces heures et que le travail qu’on lui confiait était de nature administrative et coïncidait avec celui des employés qui travaillaient dans ce domaine, il était logique que l’employeur cherche à coordonner l’horaire de la fonctionnaire avec celui de toutes ces autres personnes. Rien ne prouve que cette seule tentative ait eu une incidence négative sur elle ou ait interféré avec ses éventuelles obligations liées à la garde des enfants.

[121] Dans son grief, la fonctionnaire a indiqué qu’à la suite de sa grossesse et de son affectation à des tâches administratives [traduction] « […] la mesure d’adaptation convenue pour des raisons de situation familiale a été constamment remise en question et j’ai été victime de harcèlement et de discrimination en lien avec cet accommodement ». Là encore, le harcèlement s’entend généralement d’actes ou de comportements qui pourraient vraisemblablement offenser ou causer un préjudice. La fonctionnaire n’a ni expliqué ni établi comment les questions posées par l’employeur au sujet de l’entente relative aux mesures d’adaptation prises en réponse au plan de garde l’ont offensée, blessée ou autrement lésée. Comme il a été mentionné au sujet du premier grief, le fait de discuter des mesures d’adaptation possibles ou d’envisager de les modifier relève généralement des obligations des parties en vertu de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Sans plus de détails, je n’accepte pas que ces discussions, à elles seules, constituent du harcèlement ou un traitement défavorable en relation avec la situation de famille de la fonctionnaire.

[122] En définitive, la preuve a révélé que, bien que cela ait été envisagé et discuté, l’horaire de travail de la fonctionnaire n’a jamais été réellement modifié. En effet, la preuve a révélé qu’à partir du 1er mai 2015, la fonctionnaire n’est pas retournée sur le lieu de travail et a bénéficié d’autres congés payés jusqu’à ce qu’elle commence à travailler à domicile, jusqu’à la naissance de son deuxième enfant. Je n’ai entendu aucun témoignage sur ce qu’il est advenu de la garde ou du droit de visite à partir du moment où la fonctionnaire était en congé chez elle, en mai 2015, ou à partir du moment où elle a commencé à travailler de la maison, à la fin de l’été 2015, jusqu’à l’accouchement.

[123] Encore une fois, après avoir examiné la totalité de la preuve et de l’argumentation de la fonctionnaire, je conclus que cette dernière n’a pas établi qu’elle a subi un effet préjudiciable dans le contexte de son emploi ou, autrement, en relation avec sa situation de famille.

[124] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[125] Les griefs sont rejetés.

[126] L’onglet 10 du livre de documents qui constitue la pièce E-2 doit être retiré du livre de documents et mis sous scellés.

Le 22 février 2022.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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