Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé trois griefs à la Commission alléguant qu’il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral – le défendeur s’est opposé à l’arbitrage des griefs au motif qu’ils ne concernaient pas des mesures disciplinaires – la Commission a déterminé que les griefs ne portaient pas sur des mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, car, entre autres, ils découlaient tous d’événements survenus après le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé – les griefs ne pouvaient pas être renvoyés à l’arbitrage et la Commission n’avait pas compétence pour les entendre – la Commission a également formulé des commentaires sur la conduite et une tendance de comportement du fonctionnaire s’estimant lésé devant la Commission, dont ses demandes répétées que le défendeur rétablisse son salaire en attendant le règlement final des trois griefs – la Commission a conclu que les griefs et les demandes d’une mesure injonctive étaient futiles, frivoles et vexatoires – elle a interdit au fonctionnaire s’estimant lésé d’engager d’autres procédures devant la Commission concernant son ancien emploi auprès du défendeur, sans obtenir d’abord l’autorisation de la Commission.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date : 20220303

Dossiers : 566‑02‑14185, 14700 et 41704

 

Référence : 2022 CRTESPF 11

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

MORRIS KLOS

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

administrateur général

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Klos c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui‑même

Pour le défendeur : Andréanne Laurin, avocate

 

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 7 octobre, le 22 novembre et les 10, 23 et 24 décembre 2021 et

le 25 janvier 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] Morris Klos, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a renvoyé trois griefs à l’arbitrage. Chaque grief a été renvoyé en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTSPF ») parce qu’il concerne « […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […] ».

[2] Les trois dossiers de grief ont été regroupés aux fins d’audience. Avant l’audience, le Service correctionnel du Canada (le « défendeur » ou SCC) s’est opposé à l’arbitrage des griefs par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») au motif que les griefs ne concernent pas des mesures disciplinaires. Il a soutenu que leur véritable nature concernait plutôt des allégations d’équité procédurale et d’abus de procédure, lesquelles ne peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b).

[3] Après avoir discuté de l’affaire avec les parties au cours d’une téléconférence préparatoire à l’audience tenue le 15 novembre 2021, je les ai informées que nous procéderions par voie d’arguments écrits afin de trancher l’opposition du défendeur avant d’entendre le bien‑fondé des griefs.

[4] Après avoir examiné attentivement les arguments, je conclus que les griefs ne portent pas sur des mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Par conséquent, les griefs ne peuvent pas être renvoyés à l’arbitrage devant la Commission.

[5] Le fonctionnaire a également demandé à maintes reprises que la Commission ordonne au défendeur de rétablir son salaire datant de 2016 en attendant le règlement final de ces trois griefs. La Commission et la Cour d’appel fédérale ont toutes les deux rejeté ces demandes à plusieurs reprises. En fait, le 22 octobre 2019, la Cour d’appel fédérale (dans ses dossiers A‑78‑19 et 20‑A‑1) a jugé que les demandes répétées du fonctionnaire afin qu’elle ordonne une telle mesure injonctive constituaient un abus de procédure.

[6] Nullement découragé, en 2020 et en 2021, le fonctionnaire a de nouveau demandé à la Commission de rendre une telle ordonnance et, lorsque cette demande a été rejetée de nouveau en 2020 (sans succès), il a demandé un contrôle judiciaire de l’affaire devant la Cour d’appel fédérale (voir Klos v. Canada (Attorney General), 2021 FCA 238). La dernière demande de rétablissement de son salaire présentée par le fonctionnaire a été rejetée par la Cour fédérale dans Klos c. Canada, 2022 CF 68.

[7] Ces litiges continus et ces demandes répétées d’une mesure injonctive laissent entendre qu’il est incapable d’accepter les résultats. Un litige sans fin sur les mêmes questions constitue un abus de procédure et un gaspillage des ressources limitées de la Commission. Ces litiges doivent prendre fin. Par conséquent, je conclus que les griefs et les demandes de mesure injonctive visant à rétablir sa rémunération dans le cadre de ces procédures sont futiles, frivoles et vexatoires.

[8] Le fonctionnaire n’a plus le droit d’intenter d’autres instances devant la Commission concernant son ancien emploi auprès du Service correctionnel du Canada qui a pris fin le 20 septembre 2016 sans obtenir d’abord l’autorisation de la Commission.

II. Contexte

[9] Le fonctionnaire est un ancien agent correctionnel. Son emploi auprès du défendeur a pris fin le 20 septembre 2016 pour des motifs disciplinaires.

[10] Dans le premier des trois griefs dont je suis saisi, le fonctionnaire conteste la demande présentée par le défendeur le 25 novembre 2016 visant à recouvrer un trop‑payé en matière de rémunération d’un montant de 542,13 $. Le 21 décembre 2016, il a répondu en envoyant un chèque au montant demandé et en rédigeant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’exprime respectueusement mon désaccord relatif aux motifs et au choix du moment de ce recouvrement de la dette; par conséquent, veuillez considérer la présente lettre comme un grief officiel présenté en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique concernant un principe de justice fondamentale, plus particulièrement un abus de processus et l’aggravation délibérée d’une maladie cardiaque découlant des décisions et des mesures prises par l’employeur qui n’étaient pas fondées en fait et en droit et, par avis explicite des médecins à l’employeur, une tentative délibérée de causer un préjudice physique.

[…]

 

[11] Le fonctionnaire demande [traduction] « […] des excuses écrites, l’annulation des décisions et des mesures prises par l’employeur en vertu desquelles la décision d’intenter le recouvrement de la dette a été prise, et le remboursement […] ».

[12] Le deuxième grief est daté du 16 octobre 2017, soit plus d’un an après son licenciement. Il énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le 7 septembre 2017 […] une décision a été rendue par le Workers’ Compensation Appeal Tribunal (Colombie‑Britannique) refusant la protection pour les accidents au travail après que le Service correctionnel du Canada (SCC) a publié de faux documents et modifié un affidavit établi sous serment de la Cour d’appel fédérale dans le cadre de l’enquête du Tribunal.

[…]

 

[13] Le grief fait ensuite référence aux circonstances de son licenciement, y compris le fait qu’il était fondé sur des processus disciplinaires composés. Le fonctionnaire demande une réparation qui consiste à [traduction] « […] supprimer inconditionnellement toutes les mesures disciplinaires de mon dossier, à rembourser les sanctions pécuniaires, à rétablir les soldes de congé, les salaires et les avantages sociaux passés et permanents en vue d’un retour au travail en toute sécurité sous la surveillance d’un médecin et à assurer une protection contre les représailles ».

[14] Le deuxième grief a été renvoyé à l’arbitrage le 27 décembre 2017.

[15] Le troisième grief est daté du 6 décembre 2019, soit plus de trois ans après son licenciement, et énonce ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez considérer que la présente constitue mon grief contre mon employeur, le Service correctionnel du Canada, pour abus de procédure : y compris, entre autres, la sanction pécuniaire permanente, le dépôt hors délai d’une requête ou le dépôt d’une requête manifestement dénuée de fondement, les répercussions directes du licenciement en violation de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, une répercussion directe du fait d’avoir entamé de nouveau un processus disciplinaire, contrairement aux ordonnances des médecins, ce qui a causé un préjudice physique.

[…]

 

[16] Le fonctionnaire explique ensuite ce qui suit :

[Traduction]

Le 5 juillet 2019, à la suite de quatre hospitalisations et après que le Service de police d’Abbotsford et la Gendarmerie royale du Canada ont refusé de m’interroger, et après avoir demandé l’intervention d’une cour supérieure de la Colombie‑Britannique, le procureur général a indiqué ce qui suit : « [L]es demandes de prestations de ce type liées au lieu de travail [sont] irrecevables en dehors de la procédure de règlement des griefs : 236(1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits – actions ou omissions – à l’origine du différend. » […]

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[17] Le fonctionnaire indique que ce troisième grief pourrait être réglé par [traduction] « […] une sanction pécuniaire et/ou une incarcération imposée aux parties qui ont été complices et en m’indemnisant intégralement, y compris le rétablissement de mon emploi ».

[18] Le troisième grief a été renvoyé à la Commission le 1er avril 2020.

III. Argumentation des parties

A. Opposition du défendeur

[19] Le défendeur soutient que le fonctionnaire n’a pas contesté son licenciement ni aucune mesure disciplinaire. Il fait valoir que la véritable nature des griefs porte sur l’équité procédurale et le présumé abus de procédure, lesquels ne peuvent être renvoyés à la Commission pour arbitrage en vertu de l’article 209 de la LRTSPF. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour entendre les griefs.

[20] Le défendeur soutient que, même si les employés ont le droit de présenter des griefs portant sur une vaste gamme de questions concernant leurs conditions d’emploi, les articles 208 et 209 de la LRTSPF prévoient les limites sur ce qui peut faire l’objet d’un grief et être renvoyé par la suite à la Commission pour arbitrage.

[21] Le défendeur déclare que, même si le fonctionnaire renvoie à l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF dans son renvoi à l’arbitrage, ses griefs portent essentiellement sur des questions d’interprétation de la convention collective ou d’autres mesures ou procédures administratives. Par conséquent, il ne pouvait pas renvoyer ses griefs à l’arbitrage parce qu’ils portent sur des questions qui ne peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la LRTSPF ou nécessitent le soutien de son agent négociateur en vertu du paragraphe 209(2) de la LRTSPF, soutien qu’il n’a pas en l’espèce.

[22] En outre, conformément à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), le défendeur fait valoir que le fonctionnaire n’est maintenant plus autorisé à modifier la nature de ses griefs.

[23] Le défendeur ajoute que les griefs qui ont été déposés plus de trois mois, un an et trois ans après le licenciement du fonctionnaire ne sont pas conformes au régime de relations de travail de la LRTSPF et au règlement efficace des affaires relatives aux conditions d’emploi.

B. Réponse du fonctionnaire

[24] Le fonctionnaire soutient qu’il a été licencié en raison d’une enquête disciplinaire qui a été convoquée, contrairement aux ordonnances de son médecin, ce qui lui a causé trois événements cardiaques. Il fait valoir en outre que son licenciement, fondé sur la discipline progressive, constituait une sanction pour avoir refusé d’accepter une offre de règlement antérieure de la part du défendeur. Il soutient qu’il n’a pas accepté cette offre parce qu’il se préoccupait de sa légalité et des conséquences pour sa santé.

[25] Il demande que la Commission déclare que la mesure disciplinaire imposée par le défendeur était inappropriée et qu’elle n’était pas raisonnablement sécuritaire, compte tenu de son état de santé. Par conséquent, il fait valoir qu’il devrait être réintégré dans ses fonctions, avec une rémunération et des avantages sociaux appropriés rétroactifs ou que, subsidiairement, il devrait recevoir une indemnité de départ appropriée.

[26] Les arguments sont accompagnés de ce que le fonctionnaire décrit comme [traduction] « […] l’offre initiale de l’employeur assortie des mesures disciplinaires subséquentes […] », ainsi qu’un [traduction] « recueil de documents à l’appui […] ». Il énumère également la jurisprudence suivante : Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767; Tryggvason c. Transport Canada, 2012 TSSTC 10; Tench c. Canada (Défense nationale, Forces maritimes de l’Atlantique), décision no TSSTC‑09‑001 (20090127) (TSSTC); et Forster c. Canada (Agence des douanes et du revenu), décision no 02‑014 (20020704) (TSSTC).

[27] L’opposition du défendeur à la compétence et les répercussions possibles de celle‑ci si elle est accueillie ont été discutées avec les parties lors d’une téléconférence de gestion de cas. Le fonctionnaire a fourni les renseignements suivants après qu’on lui a demandé de répondre par écrit à l’opposition :

[Traduction]

Arguments de l’employé

Veuillez tenir compte de ce qui suit à la lumière de la preuve documentaire.

Le 20 septembre 2016, le Service correctionnel du Canada a mis fin à mon emploi en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques en raison d’une enquête disciplinaire convoquée contrairement aux ordonnances du médecin, causant trois événements médicaux cardiaques. En appliquant ce processus disciplinaire composé, l’employeur m’a puni pour avoir refusé d’accepter un salaire en échange d’une renonciation complète à mon droit de présenter un grief portant sur toute question connexe, y compris la présente affaire. Il m’était impossible d’accepter l’offre de l’employeur parce que je me préoccupais de sa légalité et craignais une réaction cardiaque récurrente que mes médecins avaient liée à mon emploi et pour laquelle ils m’avaient ensuite demandé de prendre un congé du travail et avaient indiqué les conditions d’un retour au travail en toute sécurité, sous surveillance médicale, ce qui a été convenu à l’origine par toutes les parties.

Je demande à la Commission de déclarer que la mesure disciplinaire imposée par l’employeur était inappropriée, dans la présente affaire, car elle n’était pas raisonnablement sécuritaire en fonction des dossiers médicaux et, pour ce motif, de rétablir l’emploi continu rémunéré, les avantages sociaux et l’ancienneté à compter de la date de retour au travail convenue à l’origine, soit le 13 mai 2014, jusqu’à aujourd’hui et par la suite, les impôts et les cotisations syndicales retenues et de le muter à un autre ministère ou d’accorder une indemnité de départ approprié.

Veuillez accepter mon argument avant la date limite fixée par la Commission et je vous demande respectueusement d’indiquer toute lacune dans le dossier ou tout élément de preuve que la Commission souhaite que j’aborde, le cas échéant. Je fournis respectueusement la jurisprudence énumérée ci‑dessous, tirée du manuel de politiques de l’employeur, que la Commission pourrait juger applicable dans la présente affaire.

Veuillez trouver ci‑joints :

1. l’offre initiale de l’employeur assortie des mesures disciplinaires subséquentes (3 pages);

2. le recueil de documents à l’appui (à compter de la page 6).

Le tout étant respectueusement présenté ce 10e jour de décembre 2021.

[…]

 

[28] Dans cette argumentation, le fonctionnaire inclut une copie de ce qui semble être un document intitulé [traduction] « Conditions du règlement » daté de mai 2014. Je n’ai pas lu les détails de ce document et ne l’accepte pas comme document m’ayant été dûment présenté dans le cadre de ma décision concernant cette opposition à la compétence.

[29] L’argumentation du fonctionnaire comprend également le [traduction] « Recueil du demandeur » qu’il a présenté à la Cour d’appel fédérale dans le dossier A‑160‑20. Après avoir examiné attentivement ce document, je conclus qu’il contient de nombreux dossiers médicaux, de la correspondance avec le médecin, quelques reçus, une copie d’une enquête disciplinaire concernant le fonctionnaire et une lettre datée du 20 septembre 2016 mettant fin à l’emploi du fonctionnaire pour des raisons disciplinaires et citant, entre autres, son [traduction] « comportement négligent répété ».

[30] Le fonctionnaire ne cite pas une partie précise de ce recueil de documents de 59 pages présenté à la Cour d’appel fédérale. Je n’ai pas pu non plus, après mon examen attentif de son ensemble, trouver des renseignements liés à l’opposition qui conteste ma compétence à recevoir les renvois à l’arbitrage de ces trois affaires.

[31] À la suite de ces arguments initiaux, le fonctionnaire a demandé la possibilité de fournir des arguments supplémentaires, ce qui lui a été accordée, ainsi que plusieurs prolongations pour le faire. Toutefois, outre le fait qu’il a cherché à retirer les arguments susmentionnés, il n’a fourni aucun autre argument pour répondre à l’opposition présentée par le défendeur. Au contraire, il continue de demander une mesure injonctive pour rétablir son salaire.

IV. Analyse et conclusions

[32] Dans son premier grief (dossier de la Commission 566‑02‑14185), daté du 21 décembre 2016, le fonctionnaire conteste le recouvrement d’un trop‑payé en matière de rémunération et allègue qu’il constitue un abus de procédure. Selon le défendeur, le présent grief porte sur des procédures administratives prises par le défendeur pour recouvrer un trop‑payé en matière de rémunération pendant que le fonctionnaire était en congé de maladie non payé.

[33] Comme l’avocate du défendeur l’a fait valoir, la procédure de recouvrement d’un trop‑payé du défendeur constitue une mesure administrative fondée sur une directive sur l’emploi ou une interprétation des dispositions de la convention collective relatives à la rémunération et aux congés. Il ne s’agissait pas d’une question disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire et, par conséquent, elle ne peut pas être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) comme le fonctionnaire a tenté de le faire.

[34] Dans le deuxième grief (dossier de la Commission 566‑02‑14700), daté du 16 octobre 2017, le fonctionnaire fait référence à une procédure du Workers’ Compensation Appeal Tribunal (en Colombie‑Britannique; le « WCAT »). Le 7 septembre 2017, près d’un an après son licenciement, ce tribunal a refusé d’accorder une indemnité pour ses présumés accidents du travail. Dans ce grief, le fonctionnaire allègue que le défendeur a publié de faux documents et a modifié un affidavit établi sous serment de la Cour d’appel fédérale dans le cadre du processus du Tribunal.

[35] Dans ce grief, le fonctionnaire conteste également le processus disciplinaire qui a mené à son licenciement, soutenant qu’il contrevenait au Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑2; le « Code ») et aux lignes directrices du Conseil du Trésor.

[36] La Commission conclut que le deuxième grief ne porte pas non plus sur une mesure disciplinaire. Encore une fois, les circonstances décrites dans le grief sont survenues après le licenciement du fonctionnaire. Le fonctionnaire n’a pas indiqué dans son grief ni dans ses arguments quel autre comportement l’employeur aurait l’intention de corriger ou de punir dans le cadre de ces mesures après son licenciement. Au contraire, il semble clair que le grief vise le mécontentement du fonctionnaire quant à la décision du WCAT et des mesures prises par le défendeur dans le cadre de cette procédure. Toutefois, la Commission ne constitue pas une voie de recours en matière de contrôle judiciaire ou d’appel de la décision du WCAT.

[37] Dans la mesure où le fonctionnaire tente d’établir un lien entre la décision du WCAT et le processus disciplinaire ayant mené à son licenciement, encore une fois, son affirmation selon laquelle il a fait l’objet d’un traitement inéquitable ne transforme pas les mesures prises par l’employeur devant le WCAT en une mesure disciplinaire. De même, dans le deuxième grief, il demande en outre la suppression inconditionnelle de toutes les mesures disciplinaires de son dossier, sans indiquer quelles sont ces mesures disciplinaires ni la façon dont elles sont liées à la procédure du WCAT.

[38] En ce qui concerne les violations alléguées du Code ou des lignes directrices du Conseil du Trésor, aucune disposition ou ligne directrice n’a été précisée par le fonctionnaire. Quoi qu’il en soit, comme l’a soutenu l’avocate du défendeur, une telle violation est soit une question d’application ou d’interprétation de la convention collective pertinente, qui nécessite l’approbation et la représentation de l’agent négociateur pour renvoyer un grief à l’arbitrage devant la Commission (voir l’al. 209(1)a) et le par. 209(2) de la LRTSPF), soit une question d’interprétation ou d’application d’une directive ou d’un instrument élaboré ou publié par l’employeur qui porte sur les conditions d’emploi, qui ne peut pas être renvoyée à l’arbitrage (voir le s.‑al. 208(1)a)(i) et l’art. 209 de la LRTSPF).

[39] Le troisième et dernier grief (dossier de la Commission 566‑02‑41704) a été déposé plus de trois ans après le licenciement du fonctionnaire et contient une allégation d’abus de procédure de la part du défendeur. Le grief indique comme motif le dépôt hors délai d’une requête ou d’une requête dénuée de fondement. Cela découle vraisemblablement de quelque chose qui a été effectué dans le cadre des multiples demandes qu’il a présentées à la Cour d’appel fédérale. Le fonctionnaire indique également un événement survenu le 5 juillet 2019 devant la Cour supérieure de la Colombie‑Britannique.

[40] Outre le fait que ce grief a été déposé plusieurs années après son licenciement, je ne peux pas déterminer, même avec l’interprétation la plus généreuse possible de ce grief, que le fonctionnaire allègue une mesure disciplinaire particulière prise par le défendeur. Comme dans le cas du deuxième grief, le fonctionnaire semble tenter d’établir un lien entre ses demandes présentées devant la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême de la Colombie‑Britannique et le processus disciplinaire qui a mené à son licenciement. Toutefois, une allégation générale d’un abus de procédure, fondée sur une affirmation selon laquelle il a fait l’objet d’un traitement inéquitable au cours du processus disciplinaire, ne transforme pas ensuite les mesures que le défendeur aurait prises dans le cadre de ces autres instances judiciaires en mesures disciplinaires. Encore une fois, la Commission ne constitue pas une voie pour interjeter appel du mécontentement du fonctionnaire à l’égard de ces autres instances judiciaires ou des mesures prises par le défendeur dans le cadre de ce processus.

[41] Dans ses arguments en réponse à la présente opposition, le fonctionnaire a soutenu que l’enquête disciplinaire ayant mené à son licenciement a été convoquée contrairement aux ordonnances du médecin. Il a ajouté qu’en appliquant ce processus disciplinaire composé, le défendeur l’a puni pour avoir refusé d’accepter un salaire en échange d’une renonciation complète à son droit de présenter un grief portant sur toute question connexe. Il affirme qu’il n’a pas accepté cette offre parce qu’il se préoccupait de sa légalité et craignait les répercussions sur sa santé.

[42] Même si le fonctionnaire a tenté d’établir un lien entre les trois présents griefs et son licenciement ou le processus disciplinaire ayant mené à son licenciement, pour les motifs susmentionnés, je n’accepte pas cet argument ni le fait que les griefs portent par ailleurs sur une mesure disciplinaire quelconque.

[43] L’allégation selon laquelle il a été puni pour ne pas avoir accepté un règlement est nouvelle. Elle ne figure dans aucun des griefs et, comme le défendeur l’a fait valoir, elle modifierait la nature des griefs, ce qui est interdit en vertu de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Burchill.

[44] De même, comme cela a été indiqué antérieurement, les arguments du fonctionnaire comprenaient une copie de ce qui semble être un document intitulé [traduction] « Conditions du règlement », daté de mai 2014. Encore une fois, le fonctionnaire a été licencié en 2016 et les circonstances décrites dans les présents griefs sont survenues après ce licenciement. Malgré l’affirmation supplémentaire du fonctionnaire selon laquelle il a été puni pour ne pas avoir accepté le règlement en 2014, elle n’explique toujours pas comment les événements survenus après le licenciement précisés dans les trois griefs étaient liés à une punition ou à des mesures disciplinaires continues de la part du défendeur.

[45] L’argumentation du fonctionnaire comprenait également le [traduction] « Recueil du demandeur » qu’il a présenté à la Cour d’appel fédérale dans le dossier A‑160‑20. Après avoir examiné attentivement ce document, je conclus qu’il contient de nombreux dossiers médicaux, de la correspondance avec un médecin, quelques reçus, une copie d’une enquête disciplinaire sur le fonctionnaire et une lettre datée du 20 septembre 2016 mettant fin à l’emploi du fonctionnaire pour des motifs disciplinaires et citant, entre autres, son [traduction] « comportement négligent répété ».

[46] Le fonctionnaire ne cite pas une section particulière de ce recueil de documents de 59 pages présenté à la Cour d’appel fédérale. Je n’ai pas pu non plus, après avoir examiné attentivement son ensemble, trouver des renseignements liés à l’opposition qui conteste les renvois à l’arbitrage de ces trois affaires.

[47] Je conclus donc que les griefs ne portent pas sur des mesures disciplinaires ayant entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Par conséquent, il ne s’agit pas de griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage, car la Commission n’a pas compétence pour entendre ces questions.

V. Conduite et comportement du fonctionnaire

[48] Cette décision n’est pas la première dans laquelle la Commission a traité un grief que le fonctionnaire a renvoyé à l’arbitrage et dans lequel il s’est plaint de circonstances semblables. Comme cela a été mentionné ci‑dessus, intitulé du troisième grief (dossier de la Commission 566‑02‑41704) énumérait trois demandes de contrôle judiciaire de décisions antérieures de la Commission : A‑1‑17, A‑424‑17 et A‑78‑19.

[49] Dans Klos c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 41 (« Klos 2017 »), la Commission a déterminé qu’elle ne pouvait pas trancher le grief qui lui avait été renvoyé par le fonctionnaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF parce qu’il ne portait pas sur une mesure disciplinaire, privant ainsi la Commission de compétence (par. 29).

[50] Dans cette décision, la Commission a conclu que le grief en litige portait sur la façon dont l’employeur a administré le processus d’enquête sur les questions disciplinaires, ainsi que le retour au travail progressif du fonctionnaire. La Commission a fait remarquer que, même si le grief comprenait quelques renseignements sur les mesures disciplinaires antérieures imposées, on n’y mentionnait pas qu’une mesure disciplinaire était contestée et aucune demande visant à infirmer une mesure disciplinaire n’y figurait (voir Klos 2017, au par. 25).

[51] En l’absence d’une mesure disciplinaire quelconque évidente dans ce qui faisait l’objet du grief, la Commission a conclu que la discrimination alléguée et le traitement du processus d’enquête ne pouvaient être entendus par celle‑ci que si ces questions sont liées à la convention collective, avec le soutien de l’agent négociateur (voir l’al. 209(1)a) et le par. 209(2) de la LRTSPF).

[52] Le grief en litige dans Klos 2017 a été déposé avant le licenciement du fonctionnaire. Sur ce point, la Commission a fait remarquer qu’afin d’illustrer davantage l’intention disciplinaire, le fonctionnaire avait tenté d’ajouter son licenciement aux motifs du grief. Il avait également demandé la réintégration à titre de réparation.

[53] Toutefois, la Commission a conclu qu’aucune preuve laissant entendre que le licenciement était compris dans son grief n’avait été présentée et que le grief tel qu’il a été présenté initialement portait sur l’omission de prendre une mesure d’adaptation à l’égard d’un malaise physique dans le contexte d’une enquête et d’un retour au travail (voir Klos 2017, au par. 28).

[54] La décision de la Commission dans Klos 2017 a été maintenue en contrôle judiciaire dans Klos c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 160 (dossier de la Cour d’appel fédérale A‑424‑17) et une demande d’autorisation d’interjeter appel de cette décision auprès de la Cour suprême du Canada a été rejetée (no de dossier 38408, le 14 février 2019).

[55] Le 16 août 2018, le fonctionnaire a déposé un autre grief concernant une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels qu’il avait présentée au SCC et a fait référence à sa demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour d’appel fédérale A‑424‑17. Le grief énonçait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le présent grief allègue que la lenteur obstructive du traitement a empêché le demandeur dans le dossier de la Cour d’appel fédérale no A‑424‑17 de fournir un dossier complet à la Cour, ce qui a nui à sa capacité d’établir le lien de causalité entre les événements médicaux et le licenciement illégal dans l’affaire.

[…]

 

[56] Le grief a été renvoyé à la Commission le 23 janvier 2019, encore une fois en vertu de l’al. 209(1)b) de la LRTSPF. La Commission l’a rejeté le 5 février 2019, comme suit :

[Traduction]

[…]

Les documents déposés ne comportent aucun élément qui indiquerait qu’une preuve prima facie de discipline existe, ni rien qui pourrait déclencher la compétence de la Commission en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, comme l’a fait valoir le fonctionnaire, ou, d’ailleurs, l’une des autres possibilités en vertu de l’article 209.

[…]

 

[57] Le fonctionnaire a ensuite demandé un contrôle judiciaire de la décision de la Commission du 5 février 2019, mais cette demande a ensuite été abandonnée le 21 janvier 2020 (dossier de la Cour d’appel fédérale A‑78‑19).

[58] Comme cela a été indiqué, le troisième grief en litige dans la présente décision a été renvoyé à la Commission le 1er avril 2020. Son intitulé énumère les demandes antérieures que le fonctionnaire a présentées à la Cour d’appel fédérale, y compris les dossiers A‑424‑17 et A‑78‑19.

[59] Peu de temps après avoir renvoyé ce troisième grief à la Commission, soit le 1er juin 2020, le fonctionnaire a demandé que la Commission [traduction] « […] amorce une procédure pour obtenir une injonction visant à empêcher l’employeur de retenir sa rémunération jusqu’à ce que la présente affaire soit entendue sur le fond et que les appels ou le délai d’appel soient expirés ». La Commission a rejeté cette demande le 15 juin 2020.

[60] Le fonctionnaire a ensuite présenté une autre demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission du 15 juin 2020, qui lui a refusé une mesure injonctive (dossier de la Cour d’appel fédérale A‑160‑20).

[61] Le 16 août 2021, les parties ont été informées qu’une audience pour les trois griefs en litige dans la présente décision avait été fixée du 22 au 26 novembre 2021. En réponse, le fonctionnaire a demandé, entre autres, la convocation d’une conférence de gestion de cas avant l’audience. La Commission a offert sa disponibilité pour une telle conférence à la fin de septembre 2021. Toutefois, le fonctionnaire a indiqué qu’il fournirait sa disponibilité qu’une fois qu’il aurait reçu une date d’audience de la Cour d’appel fédérale pour sa demande de contrôle judiciaire dans le dossier A‑160‑20.

[62] Le 28 septembre 2021, la Commission a indiqué que l’audience demeurait au rôle et que, à moins d’avoir reçu une demande de report, elle procéderait à l’audience, comme prévu. Dans une correspondance subséquente, elle a fourni d’autres disponibilités pour une conférence de gestion de cas à la fin d’octobre 2021. Lorsque le fonctionnaire a indiqué par la suite que sa disponibilité demeurait inchangée, la Commission a prévu une telle conférence le 18 octobre 2021.

[63] Le 15 octobre 2021, le fonctionnaire a demandé que son audience soit reportée jusqu’à ce que sa demande de contrôle judiciaire dans le dossier A‑160‑20 soit entendue. Voici, entre autres, les motifs de la demande de report :

[Traduction]

[…]

1. Je n’ai pas de lecteur .pdf fonctionnel sur mon appareil personnel, l’examen de documents, y compris l’opposition en litige, n’est pas possible à l’heure actuelle;

2. Je ne suis au courant d’aucun logiciel de réunion fonctionnel sur mon appareil personnel, je ne peux assister à aucune réunion;

3. L’accès au matériel et aux logiciels publics s’est avéré peu fiable pour moi et n’est donc pas viable;

4. Je n’ai pas un accès sûr et sain à mes dossiers aux fins d’examen dans mon espace habitable actuel, selon la situation actuelle, je ne suis tout simplement pas en mesure de faire valoir ma cause.

Le tout peut être corrigé par une mesure injonctive.

[…]

 

[64] Le même jour, le défendeur a écrit à la Commission pour s’opposer à la demande de report présentée par le fonctionnaire. Il a soutenu, entre autres, que la procédure devant la Cour d’appel fédérale dans le dossier A‑160‑20 ne permettrait pas de régler définitivement ses griefs actuels et que, par conséquent, il n’existait aucun motif raisonnable de reporter l’audience en attendant l’issue du dossier de la Cour d’appel fédérale.

[65] Malgré le fait qu’il n’a pas indiqué antérieurement sa disponibilité pour la conférence de gestion de cas, le fonctionnaire y a assisté le 18 octobre 2021. Pendant l’appel, il a expliqué, entre autres, qu’il n’avait aucune façon de participer par voie électronique à l’audience de ses griefs. Tout comme dans sa demande de report, il a laissé entendre que l’octroi prévu de fonds découlant de sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale dans le dossier A‑160‑20 lui donnerait les moyens de se préparer à son audience devant la Commission. Pendant l’appel, le fonctionnaire a également demandé que la Commission lui fournisse une copie papier de ses trois dossiers de grief. Étant donné qu’il n’avait pas une adresse à laquelle la Commission pouvait lui envoyer ces documents, il a proposé qu’ils soient envoyés à l’un des bureaux de libération conditionnelle du SCC à Abbotsford, en Colombie‑Britannique, où il irait les chercher.

[66] La Commission a préparé les dossiers et a coordonné avec le défendeur la désignation d’une personne‑ressource à Abbotsford où les documents pourraient être envoyés par messagerie et ensuite récupérés par le fonctionnaire. Ces instructions ont été fournies aux parties le 22 octobre 2021 et, le 1er novembre 2021, la Commission a confirmé auprès du fonctionnaire que les dossiers pouvaient être recueillis, ainsi que des instructions sur la façon de le faire.

[67] Le 3 novembre 2021, le fonctionnaire a écrit ce qui suit à l’agent du greffe de la Commission :

[Traduction]

[…]

Veuillez confirmer votre intention de me demander de me présenter au même endroit pour le même motif afin de rencontrer une des mêmes personnes selon les mêmes conditions que celles qui m’ont causé plusieurs événements cardiaques, et en ajoutant des conditions qui n’ont aucun égard pour une exemption médicale cardiaque.

[…]

 

[68] En réponse, le 3 novembre 2021, la Commission a rappelé au fonctionnaire que les dossiers en attente de collecte étaient ceux qu’il avait demandés et à un endroit qu’il avait proposé. Il a répondu le lendemain, en indiquant que sa disponibilité pour la collecte était le 2 décembre 2021, à un autre endroit. Je fais remarquer que cette disponibilité retardée pour la collecte de ses dossiers était postérieure aux dates prévues de son audience devant la Commission (du 22 au 26 novembre 2021) et correspondait au lendemain de son audience devant la Cour d’appel fédérale (le 1er décembre 2021).

[69] De plus, le 4 novembre 2021, le défendeur a écrit à la Commission, en indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employeur tient à informer la Commission d’allégations graves qui ont été formulées contre lui. Dans un courriel daté du 3 novembre 2021 et adressé uniquement à l’employeur (ci‑joint), le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait commis des actes de corruption lorsqu’il a demandé à M. [L] de faciliter les procédures visant à ce que le fonctionnaire reçoive une copie de ses dossiers de grief. Toutefois, cette procédure a été discutée lors de la téléconférence de gestion de cas qui a eu lieu le 18 octobre 2021, et nous avons tous convenu que le fonctionnaire récupérerait les documents dans l’une des installations de l’employeur à Abbotsford, en Colombie‑Britannique, car le fonctionnaire n’était pas en mesure de fournir une adresse postale. Il était entendu que les personnes qui ont assisté à l’appel au nom de l’employeur n’étaient pas situées en Colombie‑Britannique et qu’une personne‑ressource serait identifiée pour faciliter les procédures. L’employeur ne peut accepter que de graves allégations comme la corruption soient faites par le fonctionnaire.

[…]

 

[70] Voici le courriel du fonctionnaire du 3 novembre 2021, joint à la correspondance du défendeur :

[Traduction]

Bonjour employeur,

J’ai l’intention de reprendre les travaux relatifs à cette question composée de licenciement de nature disciplinaire le 2 décembre 2021, en fonction de mon refus de travail en vertu de l’article 128 du CCT le 18 octobre 2021.

Cette affaire a été fondée sur une offre facilitée par M. [L] en violation de l’article 120 du CC et du sous-alinéa 81a)(i) de la LGFP, effectuée par Mme [V] en violation des articles 217.1 et 221 du CC et M. [L] en violation du paragraphe 23(1) du CC, qui peuvent tous de manière prudente être punis, dissuadés et faire l’objet d’une demande de réparation tel qu’il a été mentionné précédemment en vertu du Code du travail, plutôt que selon les articles 11 et 12 du CC ou de la LGFP.

La situation financière prohibitive fatale causée par l’employeur, les activités supplémentaires entreprises pour faire obstacle à ma demande CAF A‑160‑20 ou tenter de la faire échouer, y compris une position qui conteste l’entente employeur‑employé présentée devant la Cour dans le cadre de cette demande, ou le refus d’ajourner les procédures actuelles devant la Commission, contreviennent à l’alinéa 21c) et au paragraphe 139(2) du CC et à l’alinéa 80(1)c) de la LGFP, maintenant aggravés par les mesures et les omissions de la part de [l’agent du greffe de la Commission] qui peuvent faire l’objet de chefs d’accusation en vertu des articles 21, 22, 23, 217.1, 221 et 660 et des paragraphes 24(1) et 25.1(11) du CC.

Veuillez m’informer de votre consentement relatif à l’ajournement et de votre position relative à la mesure injonctive.

[…]

 

[71] Le 15 novembre 2021, j’ai rejeté la requête du fonctionnaire visant à reporter l’audience et j’ai ordonné que l’affaire procède plutôt au moyen d’arguments écrits, en commençant par l’examen de l’opposition du défendeur aux griefs. En réponse au message du fonctionnaire du 3 novembre 2021 adressé au défendeur, j’ai indiqué que cette communication était inacceptable de sa part puisqu’elle désignait le personnel du défendeur et l’agent du greffe de la Commission dans des accusations qui étaient tout à fait injustifiées.

[72] J’ai ordonné au fonctionnaire d’adresser toutes les communications futures uniquement au conseiller juridique du défendeur et au greffe de la Commission et de les rédiger de manière respectueuse, et j’ai indiqué qu’aucun autre manque de respect ou de décorum de sa part ne sera toléré. Il lui a été demandé de répondre à l’opposition du défendeur à ses griefs au plus tard le 13 décembre 2021.

[73] La demande de contrôle judiciaire du fonctionnaire dans le dossier A‑160‑20 a été entendue le 1er décembre 2021 et a été rejetée le 8 décembre 2021 dans Klos c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 238.

[74] Le 10 décembre 2021, comme cela a été indiqué, le fonctionnaire a fourni sa réponse initiale à l’opposition du défendeur. Puis, le 13 décembre 2021, il a demandé qu’une [traduction] « […] copie numérisée du dossier de la Commission me soit envoyée ici, avec toute prolongation que la Commission peut juger indiquée, afin que je puisse examiner ce qui est déjà devant la Commission et m’organiser et préparer mes arguments ».

[75] La Commission a accueilli les deux demandes du fonctionnaire. Il a eu jusqu’au 23 décembre 2021 pour rédiger sa réponse à l’opposition du défendeur et il a reçu une copie électronique des dossiers de la Commission. De même, la Commission lui a rappelé que des copies papier des dossiers demeuraient disponibles pour la collecte à l’endroit et dans le format qu’il avait proposé précédemment.

[76] Le 23 décembre 2021, le fonctionnaire a tenté de retirer ses arguments et a réitéré sa demande de mesure injonctive, comme suit :

[Traduction]

[…]

Le 15 novembre 2021, la Commission a rendu une décision provisoire aux paragraphes [3] et [7] en faisant référence à la fois aux arguments écrits et oraux qui ont entraîné les létalités causées par le défendeur (également aux pages 12 et 13 de la requête en réexamen A‑160‑20).

Tout comme aux pages 27 et 24 de mon recueil A160‑20, ces létalités ont été prédites sur les plans médical et psychologique, également évidentes devant l’honorable Cour dans une affaire de dysfonctionnement physiologique fatal figurant dans un argument oral présenté le 1er décembre 2021.

Pour ces motifs et l’incidence probable d’une décision de la Commission fondée sur des documents non fiables ou inadéquats et pour prévenir la violation des articles 122.1 et 124 de la partie II du Code canadien du travail, étant donné que mon emploi se poursuit en vertu du paragraphe 2(2) de la LRTSPF jusqu’à ce que l’honorable Commission rende sa décision définitive, je retire respectueusement mes arguments présentés à la Commission au motif qu’ils ne sont pas fiables et je reconnais qu’en raison de la longue période qui s’est écoulée, je ne peux pas continuer à travailler en toute sécurité sur les documents liés à la mesure disciplinaire sans rémunération, conformément aux ordonnances médicales et relatives à l’état psychologique.

Je demande respectueusement à la Commission de faire en sorte que le ministre présente une demande de mesure injonctive à une cour supérieure compétente, ou d’intervenir immédiatement dans l’affaire A‑160‑20 à l’appui d’un réexamen de la mesure injonctive, en raison de la létalité du cas, afin que nous puissions conclure cette affaire rapidement et en toute sécurité, ou d’ordonner à l’employeur de répondre à l’affaire A‑160‑20 de manière à nous permettre de poursuivre l’affaire dont vous êtes saisi de manière sûre et fiable, ou tout autre chose que la Commission pourrait estimer juste.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[77] En réponse, le défendeur a affirmé que la Commission avait déjà rejeté la demande de mesure injonctive du fonctionnaire et que la Cour d’appel fédérale avait confirmé cette décision. L’avocate a demandé que la dernière demande du fonctionnaire soit rejetée et déclarée res judicata.

[78] Le 14 janvier 2022, la Commission a déterminé qu’il n’y avait aucun motif d’accorder le retrait des arguments du fonctionnaire. Elle avait déjà rendu une décision relative à la mesure injonctive, une demande de contrôle judiciaire avait été rejetée et plusieurs prolongations lui avaient déjà été accordées.

[79] Dans la mesure où le fonctionnaire a demandé une ordonnance de la Commission concernant ses efforts constants liés au contrôle judiciaire, la Commission a fait remarquer que la Cour d’appel fédérale et les mesures prises par le défendeur devant elle étaient entièrement indépendantes de la Commission.

[80] À la lumière des arguments du défendeur, la Commission a également informé le fonctionnaire que le fait de continuer à soulever la question de la mesure injonctive pourrait donner lieu à une déclaration selon laquelle la question était res judicata ou, par ailleurs, un abus de la procédure de la Commission. De plus, toute tentative constante visant à retarder l’examen de ses griefs pourrait entraîner leur rejet sommaire comme étant futiles, frivoles et vexatoires en vertu de l’article 21 de la LCRTESPF. Il avait jusqu’au 18 janvier 2022 pour présenter d’autres arguments.

[81] Le 17 janvier 2022, le fonctionnaire a de nouveau réitéré sa demande de mesure injonctive, comme suit :

[Traduction]

[…]

Je vous remercie pour la prolongation, je vous demanderais de bien vouloir accorder une autre prolongation comme suit :

Mes demandes d’injonction res judicata ne constituaient rien de plus que des occasions simultanées pour la Commission de donner des directives sur la compétence en vue d’atténuer un préjudice grave, maintenant fatal. Le fait de rejeter le bien‑fondé en fonction d’une procédure simultanée qui ne porte pas sur la compétence, eh bien.

Même si Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332 peut être interprétée par certains comme permettant toutes les formes de violations de la loi, que ce soient des lois internationales, fondées sur la Charte, pénales ou autres, selon le contexte, le paragraphe 25.1(11) et l’alinéa 464a) du Code criminel ne le permettent pas.

De plus, C.B. Powell accorde à la Cour le précédent nécessaire pour remédier adéquatement aux préjudices fatals, dans la présente affaire, pour permettre une audience raisonnablement équitable sur le fond selon la Cour suprême dans Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. à la page 661 – tous reconnaissent que la Commission n’a pas compétence pour réparer un préjudice fatal; de plus, en accordant une prolongation de cinq semaines sous surveillance médicale de la délivrance d’une ordonnance de mesure injonctive pour présenter des arguments, la Commission évitera d’autres violations du Code criminel.

Je propose respectueusement que le fait d’imposer des conditions égales au représentant autorisé de l’employeur afin d’équilibrer le préjudice est un précédent ni légitime ni souhaitable; toutefois, si la Commission, en tant que maîtresse de ses propres procédures, accorde une telle mesure, j’interviendrais volontiers pour le défendeur et demanderais à la Commission d’autoriser une forme quelconque de sédation avant la rupture de trois molaires.

Bien que peut‑être particulièrement enclin aux abus en raison de mon adhésion à Romains 13, je demeure persuadé d’un résultat positif.

Cet argument est respectueusement présenté en violation de l’alinéa 464a) du CC et de l’article 128 du CCT.

[…]

 

[82] Étant donné les directives antérieures de la Commission, aucune autre prolongation n’a été accordée au fonctionnaire, mais il avait jusqu’au 18 janvier 2022 pour présenter tout argument final relatif à l’opposition du défendeur. Il n’a fourni aucun autre argument.

[83] Je fais remarquer que, très récemment, la Cour fédérale a conclu ce qui suit dans Klos c. Canada, 2022 CF 68 :

[…]

(3) Jugement déclaratoire portant que le demandeur a droit à son salaire à compter de la date de cessation d’emploi

[8] La Cour n’a pas compétence pour accorder cette réparation, et ce, pour plusieurs motifs.

[…]

[37] Soyons clairs : une partie qui allègue de façon injustifiée qu’un avocat s’est comporté de façon criminelle parce que ce dernier a présenté des observations juridiques compromet sa propre cause, même si les observations en question lui sont défavorables, et un tel geste pourrait être jugé futile et vexatoire, et considéré comme un recours abusif à la Cour […]

[…]

 

[84] À mon avis, malgré les circonstances personnelles très malheureuses du fonctionnaire, sa conduite et son comportement, tel qu’ils ont été décrits ci‑dessus, indiquent qu’il pourrait continuer à renvoyer des griefs à la Commission, en soulevant des questions semblables à celles qui sont abordées dans la présente décision et qui ont été tranchées dans d’autres décisions de la Commission.

[85] De plus, la conduite du fonctionnaire à l’égard de la Commission, de son greffe et du défendeur était parfois vexatoire et visait à nuire à la procédure de la Commission. Ses litiges constants portant sur des questions semblables et ses demandes répétées d’une mesure injonctive laissent entendre qu’il n’est pas en mesure d’accepter l’issue des décisions antérieures de la Commission.

[86] Un litige constant de cette nature constitue un abus du processus de la Commission et un gaspillage de ressources pour toutes les parties concernées, y compris celles qui attendent une date d’audience devant la Commission.

[87] Dans la lettre de décision (non publiée) datée du 15 novembre 2021, la Commission a donné une mise en garde au fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[8] Cette communication est à la fois incohérente et inacceptable puisqu’elle désigne le personnel du défendeur ainsi que l’agent du greffe de la Commission à qui le dossier a été attribué dans des accusations qui sont tout à fait injustifiées devant la Commission.

[…]

[13] Le fonctionnaire adressera dorénavant toutes ses communications uniquement au conseiller juridique du défendeur et au greffe de la Commission. Toutes les communications provenant du fonctionnaire devront être rédigées de manière respectueuse. Aucun autre manque de respect ou de décorum de la part du fonctionnaire ne sera toléré.

[…]

 

[88] La Commission a abordé des circonstances semblables dans lesquelles une plaideuse semble incapable d’accepter la décision définitive relative à son dossier. Voir Bernard c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTEFP 46, au par. 91, dans laquelle l’arbitre de grief Jaworski a rédigé ce qui suit :

91 Compte tenu de tous les faits qui ont été présentés et des conclusions qui ont été tirées en l’espèce, il m’apparaît clairement que la plaignante n’est pas prête à laisser tomber cette affaire, malgré les décisions rendues jusqu’à présent, y compris par la CSC. Manifestement, elle tente de remettre en litige une même question qui a été tranchée depuis longtemps de manière exhaustive et définitive, et ses actions exposent l’ARC, l’IPFPC et la Commission à des frais et à des dépenses inutiles auxquels ils ne devraient pas être assujettis. Par conséquent, je conclus que la plainte dans ces procédures est vexatoire. En conséquence, la plaignante ne sera pas autorisée à engager d’autres procédures devant la présente Commission concernant la question de la communication des coordonnées résidentielles aux agents négociateurs sans d’abord en demander la permission à la Commission.

 

[89] Je suis parvenu à la même conclusion pour les mêmes motifs dans les affaires dont je suis saisi. Les trois griefs en question et la question connexe concernant les efforts du fonctionnaire visant à rétablir sa rémunération indépendamment de la décision rendue à l’égard des présents griefs sont déclarés futiles, frivoles et vexatoires.

[90] Dans les circonstances, je conclus qu’il convient d’imposer des conditions semblables à toute autre tentative du fonctionnaire de renvoyer à l’arbitrage devant la Commission ces mêmes questions dans le cadre de griefs ou de plaintes.

[91] Il est interdit au plaignant d’engager d’autres procédures devant la présente Commission concernant son ancien emploi auprès du Service correctionnel du Canada qui a pris fin le 20 septembre 2016, y compris le rétablissement de sa rémunération connexe, sans obtenir d’abord l’autorisation de la Commission.

[92] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

VI. Ordonnance

[93] Les trois griefs sont rejetés.

[94] Il est interdit au plaignant d’engager d’autres procédures devant la présente Commission concernant son ancien emploi auprès du Service correctionnel du Canada qui a pris fin le 20 septembre 2016 sans obtenir d’abord l’autorisation de la Commission.

Le 3 mars 2022.

 

Traduction de la CRTESPF

 

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et

de l’emploi dans le secteur public fédéral

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