Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte de pratique déloyale de travail – le plaignant a allégué que l’agent négociateur avait refusé de le représenter dans une démarche de dépôt de griefs et/ou de plaintes contre son employeur, dans le contexte de sa retraite médicale en raison d’une incapacité permanente à la suite d’un accident de la route, contrevenant ainsi à son devoir de représentation équitable au sens de l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») – le plaignant a maintenu que l’agent négociateur avait failli de le représenter en matière de pertes monétaires qu’il aurait dû percevoir de la Sun Life, du Centre des pensions du gouvernement du Canada, de la Régie de rentes du Québec et de la Société de l’assurance automobile du Québec – la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre la majorité des allégations prévue dans la plainte, car ces allégations faites contre l’agent négociateur portaient sur des évènements qui remontaient au-delà du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi – la seule action prise par le défendeur à l’intérieur du délai prévu était l’envoi d’une lettre de la part de la conseillère générale aux affaires juridiques dans laquelle elle répondait à une demande de reconsidération et évaluait le bien-fondé du dossier – la preuve des faits entourant la rédaction de cette lettre ainsi que son contenu ne permettaient pas à la Commission de conclure à une violation de la Loi – la Commission a conclu que les difficultés personnelles vécues par le plaignant ne résultaient pas des actions ou des agissements de l’agent négociateur – il n’y avait aucune preuve de mauvaise foi, de discrimination ou d’agissement arbitraire qui pouvait permettre à la Commission de conclure à une violation de la Loi – de plus, la Commission a déterminé qu’il n’y avait aucune preuve de collusion entre l’employeur et l’agent négociateur.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20220330

Dossier: 561-02-734

 

Référence: 2022 CRTESPF 24

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

MICHEL MONGEON

plaignant

 

et

 

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

défendeur

Répertorié

Mongeon c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même et Pierre Mongeon

Pour le défendeur : Martin Ranger, conseiller juridique

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

du 13 au 15 novembre 2018.

(Arguments écrits déposés les 10 et 23 janvier et le 19 février 2019.)

 


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Michel Mongeon (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») selon laquelle l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « défendeur ») s’est livré à une pratique déloyale de travail au sens de l’art. 187 de la Loi (un manquement au devoir de représentation équitable de l’agent négociateur).

[2] Le plaignant allègue que le défendeur a refusé de le représenter dans une démarche de dépôt de griefs et/ou de plaintes contre l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, son employeur, dans le contexte de sa retraite médicale en raison d’une incapacité permanente à la suite d’un accident de la route. Plus précisément, il maintient que le défendeur a failli de le représenter en matière de pertes monétaires qu’il aurait dû percevoir de la Sun Life, du Centre des pensions du gouvernement du Canada, de la Régie de rentes du Québec (RRQ) et de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

[3] Le défendeur soutient que la plainte est hors délai et déborde du champ de compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Il réfute l’allégation qu’il a manqué à son devoir de représentation juste et équitable. Il soumet au contraire qu’il s’est pleinement acquitté de son devoir.

[4] Pour les raisons qui suivent, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour entendre la majorité des allégations prévue dans la plainte. La plainte a été déposée le 20 décembre 2014. La majorité des allégations faites contre le défendeur portent sur des évènements qui remontent au-delà du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi.

[5] La seule action prise par le défendeur à l’intérieur du délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi est l’envoi d’une lettre en date du 23 octobre 2014 de la part de la conseillère générale aux affaires juridiques dans laquelle elle répond à une demande de reconsidération et évalue le bien-fondé de son dossier. La preuve des faits entourant la rédaction de cette lettre ainsi que son contenu ne me permettent pas de conclure à une violation de la Loi.

[6] Bien que j’éprouve beaucoup d’empathie envers le plaignant pour les difficultés personnelles qu’il a vécues, ces difficultés ne résultent pas des actions ou des agissements du défendeur. Comme il a été indiqué au plaignant à l’audience, il n’y a aucune preuve de mauvaise foi, de discrimination ou d’agissement arbitraire qui pourrait me permettre de conclure à une violation de la Loi. De plus, il n’y a aucune preuve de collusion entre l’employeur et le défendeur.

II. Contexte

[7] Les faits suivants ne sont pas contestés. Avant son congé sans solde pour incapacité, le plaignant travaillait à l’Office de la propriété intellectuelle comme ingénieur dont le poste était classifié au groupe et au niveau SG-PAT-6.

[8] Le plaignant a subi un accident d’automobile au mois de novembre 2000. Selon les multiples certificats médicaux déposés en preuve, il a conservé des séquelles de cet accident. De 2000 à 2006, le plaignant a bénéficié d’une mesure d’adaptation en milieu de travail sur les recommandations de multiples médecins. Le 29 novembre 2006, le plaignant a subi un accident au travail et fut diagnostiqué d’un Syndrome cérébral post-traumatique. Le plaignant est en arrêt de travail depuis le 1er octobre 2007, début de son congé sans solde.

[9] Entre le 1er octobre 2007 et le mois d’octobre 2011, le plaignant fournissait des certificats médicaux à son employeur. C’est au mois d’octobre 2011 que son employeur lui a demandé de prendre une décision quant aux options disponibles en vertu de la Directive sur les congés et les modalités de travail spéciales du Conseil du Trésor, soit un retour au travail, une démission ou une retraite médicale. Selon le plaignant, Santé Canada avait recommandé la retraite médicale en raison d’une incapacité permanente rétroactive au 29 novembre 2000.

[10] Le 16 juillet 2014, le plaignant a informé son employeur de son choix d’option, soit une retraite médicale. Le 22 juillet 2014, le plaignant a demandé conseil à un agent des relations de travail du défendeur pour la rédaction et le dépôt de plusieurs griefs contre son employeur. Le plaignant a identifié une série de griefs qu’il désirait déposer à l’encontre des actions de son employeur. Les griefs étaient les suivants :

- Grief pour perte de mon plein fonds de pension de 70 % de mon salaire dû à un accident d’automobile, perte initiée par l’employeur en co-responsabilité d’assurance;

 

- Grief libellé « si je décède, perte de la pleine pension de survivant à ma conjointe, moins que la moitié de 70 % de mon salaire. Cette situation est causée par les préjudices du point 1 »;

 

- Grief pour congédiement illégal;

 

- Grief alléguant du harcèlement psychologique en lien avec la politique sur les congés de modalité de travail spéciale;

 

- Grief alléguant la perte d’opportunité d’accès au programme d’alternation en vertu de la politique sur le réaménagement des effectifs;

 

- Grief réclamant un dédommagement financier pour perte d’emploi pour personne excédentaire sous la politique sur le réaménagement des effectifs.

 

[11] Le 15 août 2014, l’agent des relations de travail du défendeur a fourni une analyse du bien-fondé de chacun des griefs que le plaignant lui demandait de déposer. Dans sa lettre, l’agent des relations de travail a référé le plaignant à la politique interne du défendeur intitulée « Politique sur le règlement des différends ».

[12] Cette politique a permis au plaignant de demander une reconsidération des recommandations de l’agent des relations de travail auprès de la chef des opérations régionales du défendeur. La politique prévoit un mécanisme interne d’appel afin qu’un membre puisse contester la recommandation de ne pas procéder avec un dossier. Ce mécanisme offre au membre l’opportunité de fournir de l’information supplémentaire qui pourrait changer la recommandation de ne pas procéder avec un dossier.

[13] Le 26 août 2014, la chef des opérations régionales du défendeur a répondu à la demande de reconsidération des recommandations de l’agent des relations de travail du défendeur dans laquelle elle fournit une analyse du bien-fondé de chacun des griefs proposés par le plaignant et maintient la recommandation initiale de l’agent des relations de travail de ne pas procéder avec aucun des griefs suggérés par le plaignant.

[14] Le plaignant a demandé une reconsidération de la décision de la chef des opérations régionales du défendeur en vertu de la Politique sur le règlement des différends. Le 23 octobre 2014, la conseillère générale aux affaires juridiques a communiqué au plaignant la décision de la présidente du défendeur qui confirme la décision de ne pas procéder avec les griefs tel qu’il a été demandé par le plaignant.

III. Motifs

[15] Le plaignant a nommé le défendeur seulement et a renvoyé sa plainte à la Commission le 20 décembre 2014 en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, une pratique déloyale au sens de l’article 185. L’alinéa 190(1)g) prévoit ce qui suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

 

[16] Dans le formulaire de renvoi, le plaignant indique ce qui suit :

Refus répétitifs de mon agent négociateur (PIPSC) de me représenter dans une démarche de dépôt de griefs et/ou de plaintes envers mon employeur, le gouvernement Fédéral (OPIC). De plus, vérification requise avec vous, les articles 190(1) a,b,c, f et g sont probablement en cause considérant la nature du présent cas dans lequel l’agent négociateur a abdiquer de son devoir de représentation de l’un de ses membres.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[17] Selon le formulaire de renvoi, le plaignant a pris connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à la plainte le 23 octobre 2014. Cette date correspond à la date de la lettre de la conseillère générale aux affaires juridiques dans laquelle elle évalue le bien-fondé du dossier du plaignant et répond à sa demande de reconsidération en vertu de la Politique sur le règlement des différends.

[18] Les alinéas 190(1)a), b), c) et (f) de la Loi auxquels le plaignant fait référence ne s’appliquent pas aux circonstances décrites par le plaignant. Les allégations portant sur le défaut de représentation équitable, soit les « [r]efus répétitifs de [s]on agent négociateur de [l]e représenter dans une démarche de dépôt de griefs et/ou plaintes envers [s]on employeur […] » sont prévues aux articles 185 et 187 de la Loi.

[19] Les articles 185 et 187 de la Loi définissent les pratiques déloyales comme suit :

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

 

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[20] Le paragraphe 190(2) de la Loi prévoit qu’une plainte alléguant un manquement au devoir de représentation juste et équitable doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu, ou, selon la Commission, aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu :

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

 

[21] Le délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi en est un de rigueur et ne peut pas être prolongé. Les plaintes prévues au paragraphe 190(1) doivent être présentées dans un délai de 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant avait, ou aurait dû avoir, connaissance des faits y ayant donné lieu. Aucune disposition de la Loi n’autorise la Commission à proroger ce délai de 90 jours. Ceci a été précisé au paragr. 55 de Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, qui se lit en partie comme suit :

[55] Le libellé de cette disposition revêt manifestement un caractère obligatoire en raison des mots « […] doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours […] ». Aucune autre disposition de la [Loi] n’habilite la Commission à proroger le délai prescrit par le paragraphe 190(2) […]

 

[22] Le plaignant accuse également l’employeur d’être un intervenant central dans les évènements qui ont mené à sa retraite médicale. Toutefois, nulle part dans sa plainte ou dans son formulaire de renvoi est-ce qu’il nomme l’employeur. La plainte est seulement contre son syndicat. Les allégations contre le syndicat et son employeur font référence à des évènements qui ont eu lieu au-delà du délai de 90 jours. Comme expliqué lors des multiples conférences préparatoires, la Commission ne peut permettre au plaignant de nommer l’employeur comme défendeur après plusieurs années. D’autant plus que les allégations dans le renvoi et la plainte elle-même accusent précisément le syndicat comme défendeur.

[23] Il y a donc lieu, d’abord, de déterminer le moment où le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des circonstances qui ont donné lieu à sa plainte. Ensuite, il faut déterminer si le plaignant a déposé sa plainte dans les 90 jours suivant cette date.

[24] Le plaignant a pris le soin et l’attention de remettre des documents bien détaillés et organisés par rapport à ce qu’il a vécu depuis son accident d’automobile le 29 novembre 2000 et le début de son congé sans solde pour incapacité le 1er octobre 2007. J’ai lu attentivement toutes ses allégations et j’ai revu attentivement son témoignage ainsi que la preuve présentée par le défendeur.

[25] La seule action prise par le défendeur à l’intérieur du délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi est l’envoi d’une lettre en date du 23 octobre 2014 de la part de la conseillère générale aux affaires juridiques dans laquelle elle répond à une demande de reconsidération et évalue le bien-fondé du dossier du plaignant. De plus, cette date correspond à la date qu’il a inscrite sur le formulaire de renvoi pour indiquer la date à laquelle il a pris connaissance des évènements qui ont mené au dépôt de sa plainte. La seule preuve que j’ai retenue pour déterminer l’issue de la plainte est donc celle entourant la lettre de la conseillère générale aux affaires juridiques en date du 23 octobre 2014.

[26] Dans ses arguments écrits, le plaignant soutient que le défendeur n’a jamais, depuis le début de ce litige, été de bonne foi ou même cherché à comprendre les liens existants entre sa situation et la responsabilité de l’employeur dans le cadre d’un accident d’automobile causant une perte d’emploi pour raison de maladie. Le défendeur a agi de manière arbitraire sans s’adjoindre même pour une expertise ponctuelle une ressource habileté dans le domaine du présent litige.

[27] Selon le plaignant, un tel manquement de rigueur démontre que le défendeur n’a pas pris une décision éclairée quant à procéder ou non avec un grief. Le manque de méthodologie et de rigueur de travail du défendeur, ainsi que l’analyse succincte faite par celui-ci, démontrent de la mauvaise foi et le côté arbitraire de la position du défendeur.

[28] De plus, le plaignant allègue que la conduite du défendeur est discriminatoire. Il accuse le défendeur d’avoir entériné la position de l’employeur liant celui-ci à la Sun Life du Canada par contrat, un contrat qui prévoit des clauses particulières pour les accidentés de la route (SAAQ). L’employeur pénalise et module la pension du plaignant en fonction de l’entente entre la RRQ et le Centre des pensions du gouvernement du Canada, qui relève de l’employeur, et le défendeur ne fait rien pour le défendre. Il soutient que le défendeur s’est dérobé de ses responsabilités sous prétextes en qualifiant le problème du plaignant comme étant de nature privée et en l’informant qu’il devrait obtenir les services d’un avocat privé. Le mécanisme interne d’appel du défendeur n’a pas sérieusement évalué le bien-fondé de son dossier. Il n’y avait pas d’évaluation indépendante l’une de l’autre. Le mécanisme d’appel interne du défendeur n’est donc pas crédible.

[29] Le défendeur, pour sa part, maintient qu’un syndicat n’est pas tenu d’avancer chacune des causes de ses membres, à condition que la décision de ne pas procéder soit prise de bonne foi, sans discrimination et de façon non arbitraire. Il avance que le devoir de représentation juste et équitable d’un syndicat n’englobe pas les griefs ou les litiges qui débordent du champ d’application de l’article 209 de la Loi. Tous les griefs que voulait déposer le plaignant n’entraînent pas une obligation de représentation juste et équitable, car ce ne sont ni des griefs disciplinaires ni des griefs concernant l’interprétation de la convention collective. Le plaignant voulait également soumettre un grief alléguant un congédiement injuste à la suite de la réception de la lettre de l’employeur l’avisant que son congé sans solde prendrait fin. Le défendeur soumet qu’il ne s’agit pas d’un congédiement injuste. Le plaignant a opté pour une retraite médicale.

[30] Comme l’a affirmé l’ancienne Commission dans Ouellet c. St-Georges , 2009 CRTFP 107, au paragr. 31, dans le cadre d’une plainte déposée en vertu de l’article 187 de la Loi, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. En raison de ce fardeau, le plaignant doit présenter des éléments de preuve qui établissent, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable.

[31] Pour les raisons qui suivent, je conclus que la preuve présentée par le plaignant ne démontre pas que le défendeur s’est comporté de façon arbitraire, de mauvaise foi ou discriminatoire. Le défendeur s’est pleinement acquitté de son obligation juste et équitable en vertu de la Loi.

[32] La Commission et ses prédécesseurs ont souvent formulé des commentaires à l’égard du droit de représentation des employés syndiqués. Dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au paragr. 17, l’ancienne Commission a rejeté comme suit l’idée selon laquelle il s’agissait d’un droit absolu :

[17] La défenderesse, en tant qu’agent négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision […]

 

[33] Le rôle de la Commission consiste à déterminer si le défendeur a agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire dans sa représentation du plaignant ou dans ses rapports avec lui.

[34] Le plaignant a opté pour une retraite médicale après une absence prolongée pour raisons de maladie tel que cela a été confirmé dans la lettre du plaignant à son employeur en date du 16 juillet 2014. Cette retraite médicale a été recommandée par Santé Canada en raison de l’incapacité permanente du plaignant, rétroactive au 29 novembre 2000. Or, la preuve a démontré que c’est après avoir informé son employeur de son choix d’option que le plaignant a décidé de demander de l’aide au défendeur. C’est le 22 juillet 2014 qu’il a demandé à son syndicat d’intervenir par le biais de dépôt de multiples griefs, dont un alléguant un congédiement illégal. Au moment il a demandé de l’aide de son syndicat, il avait déjà opté pour une retraite médicale.

[35] Les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509 sont déterminants dans l’examen de la conduite du défendeur. La Cour suprême a statué, notamment, qu’en représentant le plaignant, le défendeur doit exercer sa discrétion de bonne foi, de façon objective et honnête. Cette décision ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive. Dans l’examen du bien-fondé d’une plainte de pratique déloyale contre un agent négociateur, le rôle de la Commission n’est pas de remettre en question la décision du défendeur par rapport au bien-fondé et à la poursuite des griefs tel qu’il a été demandé par le plaignant. La Commission doit examiner la conduite du défendeur dans ses rapports avec le plaignant.

[36] La preuve soumise par l’entremise des deux témoins du défendeur, Allison Tomka, agente des relations de travail et Isabelle Roy, conseillère générale aux affaires juridiques, démontre que leurs interactions avec le plaignant étaient en conformité avec le devoir de représentation juste et équitable. Le plaignant n’a pas pu démontrer, selon la prépondérance des probabilités, d’agissements arbitraires, de mauvaise foi ou discriminatoires dans leurs relations avec lui. Au contraire, Mme Tomka a témoigné de façon très crédible de sa revue minutieuse de tous les enjeux particuliers au dossier du plaignant et l’a conseillé sans considération arbitraire, de mauvaise foi ou discriminatoire sur le bien-fondé de chacun des griefs que voulait déposer le plaignant. Elle a fourni une analyse détaillée relative à tous les griefs. Elle a témoigné de façon convaincante que lorsque certaines questions du plaignant exigeaient des opinions d’experts, elle avait consulté l’agent des bénéfices et pension du défendeur ainsi que la conseillère générale aux affaires juridiques. Mme Roy a témoigné clairement qu’elle avait passé en revue toutes les considérations du dossier du plaignant dans sa demande de reconsidération.

[37] Pour ce qui est des allégations du défaut de représentation du défendeur par rapport aux questions de pensions et les prestations d’invalidité de la Sun Life, Mme Roy a témoigné que le contrat d’assurance de la Sun Life contient des dispositions précises quant aux déductions aux prestations d’invalidité à la suite d’autres versements à l’assuré. Le contrat prévoit que les prestations d’invalidité de la Sun Life seront déduites par d’autres revenus pour pertes de salaires prévues pour la même invalidité et par une rente prévue pour la même invalidité en vertu d’une garantie obligatoire incluse dans une assurance automobile. Le défendeur n’a aucun impact sur la couverture d’assurance invalidité du plaignant. Le défendeur n’est pas titulaire de la police d’assurance et n’a aucun contrôle sur l’interaction des diverses indemnités en jeu pour le plaignant.

[38] Bien que j’éprouve beaucoup d’empathie envers le plaignant pour ce qui est de sa détresse par rapport au résultat de l’interaction entre les diverses indemnités qu’il a reçues comme pour donner suite à l’accident de voiture dont il a été victime et la retraite médicale qu’il a dû prendre, je ne peux conclure que ceci est le résultat d’un agissement fautif du défendeur. De plus, je suis d’accord avec le défendeur, le devoir de représentation juste et équitable d’un syndicat n’englobe pas les griefs ou les litiges qui débordent du champ de compétence de la Commission prévue à l’article 209 de la Loi.

[39] Dans Brown c. Syndicat des employés du Solliciteur général, 2013 CRTFP 48, la formation de la Commission a conclu que le devoir de représentation équitable énoncé à l’article 187 de la Loi n’englobe pas les questions débordant le cadre de la Loi ou d’une convention collective pertinente. Le pouvoir de la Commission découle de la Loi, et il y a des affaires et des différends en matière de relations de travail qui ne relèvent pas de sa compétence. Bien que l’article 187 ne précise pas la portée du devoir de représentation équitable, le fait qu’il figure dans la partie de la Loi intitulée « Relations de travail » conjointement avec le préambule de la Loi indique que le législateur n’avait pas l’intention d’accorder à la Commission une compétence illimitée pour examiner tous les actes des organisations syndicales et des agents négociateurs. La Commission a compétence seulement en matière de questions qui s’inscrivent dans les paramètres de la Loi ou d’une convention collective pertinente, et cela n’inclut pas l’interaction entre les diverses indemnités provinciales résultant d’un accident de la route, les prestations d’invalidité de la Sun Life et le Régime de pensions du Canada.

[40] La majorité des allégations remontent au-delà des 90 jours prévus par la Loi et portent sur des questions qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission. Pour tous ces raisons, je conclus que le plaignant n’a pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur n’a pas respecté ses obligations en vertu de la Loi et ne s’est pas acquitté de son pouvoir de représentation équitable.

[41] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[42] La plainte est rejetée.

Le 30 mars 2022.

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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