Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que son agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable durant la période au cours de laquelle elle avait négocié une mutation avec son employeur – le défendeur s’est opposé à la plainte au motif qu’elle était hors délai, qu’elle ne révélait aucune cause défendable et qu’elle n’était pas suffisamment détaillée – la Commission a conclu que la plaignante n’avait pas fait appel à l’agent négociateur pour l’aider à négocier avec son employeur – la Commission a déterminé qu’on ne pouvait pas reprocher à l’agent négociateur d’avoir manqué à son devoir de représentation équitable alors qu’on ne lui avait pas demandé d’agir pour le compte de la plaignante.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20220311

Dossier: 561-02-42434

 

Référence: 2022 CRTESPF 16

Loi sur la Commission des

relations de travail

et de l’emploi dans le secteur

public fédéral et Loi sur les

relations de travail dans le

secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

eNTRE

 

Danielle Desjardins

plaignante

 

et

 

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, Section Locale 104

 

défendeur

Répertorié

Desjardins c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 104

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Ryan Letnes

Pour le défendeur : Miriam Martin, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 2 et 26 février 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 12 janvier 2021, Danielle Desjardins (la « plaignante ») a présenté une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son ancien agent négociateur, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 104 (le « défendeur »). Elle a allégué que le défendeur avait manqué à son devoir de représentation équitable, en violation de l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui se lit comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[2] En réponse à la plainte, le défendeur a écrit à la Commission, demandant qu’elle soit rejetée sans audience pour les trois motifs suivants : 1) la plainte est hors délai et donc hors de la compétence de la Commission; 2) la plainte ne révèle aucune cause défendable; 3) la plainte n’est pas suffisamment détaillée.

[3] Les parties ont été invitées à présenter des arguments concernant la requête en rejet de la plainte présentée par le défendeur.

[4] Conformément à l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience.

[5] Pour les motifs qui suivent, la plainte est rejetée.

II. Contexte et arguments

[6] La plainte était libellée comme suit :

[Traduction]

[…]

La plaignante s’est engagée dans un processus de mesures d’adaptation avec son employeur, la GRC [Gendarmerie royale du Canada]. Le 12 mars 2018, le SCFP est devenu l’agent négociateur accrédité des groupes CM, TO et IM de la GRC. La mutation de la plaignante relative aux mesures d’adaptation a été finalisée le 11 mai 2018. Dans le cadre de la mutation, la plaignante a été contrainte d’accepter une « rétrogradation volontaire » qui a entraîné la perte d’avantages sociaux considérables et de conditions d’emploi. La plaignante a été amenée à croire par la GRC que les formulaires étaient remplis pour la forme. La plaignante n’a reçu aucune représentation du SCFP et n’a eu aucune raison de croire que les actions de la GRC n’étaient rien d’autre qu’une procédure administrative normale. Par la suite, la plaignante a appris que ces tactiques de la GRC étaient contraires à la politique de la GRC et que la politique invoquée par la GRC pour justifier la rétrogradation ne s’appliquait qu’aux membres réguliers de la GRC. Le SCFP était tenu de fournir à la plaignante une représentation équitable et compétente au cours de ce processus, ce qui aurait permis de protéger les droits de la plaignante en matière d’emploi; toutefois, le SCFP n’a offert aucune représentation et, par conséquent, la plaignante a perdu des avantages sociaux et des salaires considérables en raison de son statut de membre civil de la GRC.

[…]

 

[7] Selon le défendeur, les allégations étaient en dehors des délais prescrits car, en vertu du paragraphe 190(2) de la Loi, qui vise les plaintes présentées auprès de la Commission au sujet de pratiques de travail déloyales, comme une violation de l’article 187, la plainte doit être présentée « […] dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ». Étant donné que les événements à l’origine de la plainte datent de début 2018, la plainte a été déposée bien au-delà du délai de 90 jours.

[8] La plaignante a répondu à cet argument en déclarant que ce n’est qu’en novembre 2020 qu’elle a appris que la rétrogradation à laquelle elle avait été forcée de consentir était prétendument contraire à la politique de la GRC.

[9] Le deuxième argument du défendeur était que les allégations de la plaignante ne révélaient aucune preuve prima facie. Elle n’a jamais demandé son aide pour négocier sa mutation à un poste adapté. Par conséquent, n’étant pas informé de la situation ni invité à intervenir, le défendeur n’a pas pu agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[10] La plaignante a répondu que le défendeur aurait dû savoir qu’elle demandait des mesures d’adaptation, puisque la présidente de la section locale 104 du SCFP agissait parfois en tant que sa gestionnaire directe ou intermédiaire. De plus, le SCFP aurait dû savoir que la GRC appliquait des politiques contraires aux intérêts de ses membres.

[11] Le troisième argument était que les allégations étaient vagues et insuffisamment détaillées. Il n’y a pas eu d’allégations concernant une action ou une omission de la part du défendeur, mais seulement une déclaration générale selon laquelle il n’a pas agi alors qu’il aurait dû le faire.

[12] La réponse de la plaignante à cet argument était qu’il appartenait au défendeur de justifier son action ou son inaction, étant donné que le paragraphe 191(3) de la Loi renverse le fardeau de preuve, de sorte que le défendeur avait la charge de la preuve.

III. Analyse

[13] Pour que cette affaire soit présentée à une audience, il doit y avoir une cause défendable que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable tel que défini par l’article 187 de la Loi. Je crois que cette question est suffisante pour trancher la présente plainte.

[14] Je ne traiterai pas de l’objection du défendeur concernant le respect des délais, car je n’ai pas à la trancher. L’action ou l’inaction du défendeur date de mai 2018, mais la plaignante a déclaré qu’elle n’a appris l’erreur présumée de l’employeur qu’en novembre 2020. Je tiens à souligner que je ne me prononce pas sur la conformité de la GRC à ses politiques, faute de preuve.

[15] La charge de la preuve n’est pas renversée dans une plainte présentée en vertu de l’article 187 de la Loi, mais seulement dans les plaintes déposées en vertu du paragraphe 186(2).

[16] Je n’ai pas besoin d’autres détails pour trancher cette affaire. Les parties ont eu la possibilité de présenter d’autres arguments avant que la Commission ne tranche l’affaire par écrit; aucun autre argument n’a été reçu.

[17] Le point important est que la plaignante n’a pas allégué qu’elle avait demandé de l’aide à son agent négociateur et que cela lui avait été refusé. Elle a allégué que son agent négociateur aurait dû l’informer que ses droits étaient violés lorsque, à des fins d’adaptation, elle a négocié une mutation de poste avec son employeur.

[18] Je ne peux pas condamner l’agent négociateur pour ne pas avoir agi au nom de la plaignante alors que celle-ci n’avait fait aucun effort pour demander son aide. La présidente de la section locale 104 du SCFP pouvait peut-être savoir qu’une mesure d’adaptation était en cours, mais elle n’avait aucune raison de croire que la plaignante avait besoin de l’aide de l’agent négociateur, puisque la plaignante n’en avait pas fait la demande.

[19] Il est révélateur que ce n’est qu’un an et demi après sa mutation, en novembre 2020, que la plaignante a découvert que la mutation aurait peut-être pu être effectuée différemment pour ne pas la priver de salaire et d’avantages sociaux. Sa réaction était que son agent négociateur aurait dû lui dire. Toutefois, puisque le défendeur n’a pas été sollicité au début de l’année 2018 pour l’aider à négocier avec l’employeur, on ne peut pas dire qu’il a manqué à son devoir. On ne peut pas lui reprocher de ne pas s’occuper de quelque chose qui n’a jamais été porté à son attention.

[20] Le critère du devoir de représentation équitable est clairement énoncé à l’article 187 de la Loi. L’agent négociateur ne doit pas « […] agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur ».

[21] Dans de tels cas, la Commission examinera si une demande d’aide a été prise au sérieux et dûment considérée. Toutefois, dans le présent cas, il n’y a pas d’action à prendre en considération, car aucune action n’a été demandée. La Commission ne peut pas se prononcer sur une inaction qui n’est pas imputable au défendeur.

[22] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[23] La plainte est rejetée.

Le 11 mars 2022.

Traduction de la CRTESPF

 

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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