Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a demandé que la plainte soit rejetée parce que la plaignante ne se trouvait pas dans la zone de sélection, ce qui signifie qu’elle ne se trouvait pas dans la zone de recours pour déposer une plainte – la plaignante s’est opposée à la demande, faisant valoir que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel en procédant à la nomination et qu’il avait établi une zone de sélection étroite afin de l’exclure délibérément de son droit de recours contre la nomination – compte tenu de la réponse de la plaignante, la Commission a demandé et obtenu des arguments sur la question suivante : La Commission a-t-elle compétence pour entendre la plainte déposée par une personne qui ne fait pas partie de la zone de sélection lorsqu’il est allégué que l’administrateur général a restreint la zone de sélection afin de favoriser personnellement la nomination de la personne nommée et d’empêcher la plaignante d’exercer un droit de recours? – à la lumière des renseignements fournis, la Commission a conclu que le législateur ne lui a manifestement pas donné le pouvoir de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans l’établissement de la zone de sélection – son mandat, conformément au paragraphe 88(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), se limite à l’examen et au règlement des plaintes déposées en vertu du paragraphe 65(1) et des articles 74, 77 et 83 de cette Loi – ces articles ne permettent pas de déposer une plainte au sujet de l’établissement de la zone de sélection – lorsque la preuve de mauvaise foi dans l’établissement d’une zone de sélection est admise, c’est généralement parce qu’elle a été utilisée afin d’étayer une allégation concernant des questions relevant de la compétence de la Commission, comme une allégation d’abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé – toutefois, avant même d’entendre cette preuve, la plaignante doit d’abord avoir un droit de recours devant la Commission – la Commission a conclu que la plaignante ne se trouvait pas dans la zone de sélection et qu’elle n’avait aucun droit de recours devant la Commission en vertu de l’article 77 de la LEFP – par conséquent, la Commission n’avait pas compétence pour entendre cette plainte.

Requête accueillie.
Plainte rejetée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] La plaignante, Atousa Shafaie, a déposé une plainte en matière de dotation, alléguant que l’intimé, soit l’administrateur général du ministère de la Santé (« l’intimé »), a abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite et dans son choix d’un processus de nomination non annoncé.

[2] L’intimé demande que la plainte soit rejetée parce que la plaignante ne se trouvait pas dans la zone de sélection du processus, ce qui signifie qu’elle ne se trouvait pas dans la zone de recours pour déposer la plainte. La plaignante s’oppose à la demande, en faisant valoir que l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel en procédant à la nomination et qu’il a établi une zone de sélection étroite pour l’exclure délibérément de son droit de recours contre la nomination. Par conséquent, la présente décision ne porte que sur la demande de rejet du défendeur. Elle ne traite pas du bien-fondé de la plainte.

[3] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence pour entendre la présente plainte. Les allégations relatives à l’établissement d’une zone de sélection pour des motifs inappropriés ne peuvent conférer à la Commission la compétence d’entendre une plainte émanant d’une personne située en dehors de la zone de recours.

II. Contexte

[4] Le 14 octobre 2020, l’intimé a affiché une Notification de nomination ou de proposition de nomination (NNPN) sur le site Web Emplois du gouvernement du Canada, annonçant une nomination promotionnelle pour une durée indéterminée par processus non annoncé au poste d’évaluateur EPPTUH (groupe et niveau BI-04) à Santé Canada - Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA) - Direction des médicaments biologiques et radiopharmaceutiques (DMBR) à Ottawa (Ontario).

[5] Le 28 octobre 2020, la plaignante a déposé une plainte auprès de la Commission en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; « LEFP »). Elle a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir 1) dans l’application du principe du mérite (alinéa 77(1)a)) en faisant preuve de favoritisme personnel et en agissant de mauvaise foi et 2) en choisissant un processus non annoncé plutôt que d’utiliser un bassin établi de candidats qualifiés provenant d’un processus annoncé antérieur (alinéa 77(1)b)).

[6] Le 11 janvier 2021, l’intimé a présenté une requête en rejet de la plainte au motif que la plaignante se trouvait en dehors de la zone de recours pour déposer une plainte, comme le prévoit l’article 77 de la LEFP.

[7] Selon le par. 77(1) de la LEFP, une personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination. L’alinéa 77(2)b) indique que, dans le cas d’un processus non annoncé, une personne se trouve dans la zone de recours si elle se trouvait dans la zone de sélection du processus. La Commission de la fonction publique (CFP) a le pouvoir, en vertu de l’article 34, de déterminer les zones de sélection, mais elle délègue souvent ce pouvoir aux administrateurs généraux comme l’intimé, conformément au par. 15(1).

[8] Comme l’indique la NNPN, l’intimé a établi la zone de sélection suivante pour ce processus de nomination non annoncé : [traduction] « Les employés de Santé Canada - Direction des médicaments biologiques et radiopharmaceutiques travaillant et occupant un poste dans la région de la capitale nationale. »

[9] La DMBR est l’une des directions de réglementation au sein de la DGPSA.

[10] Dans sa plainte, la plaignante a déclaré qu’elle est employée à Santé Canada à la Direction des médicaments vétérinaires, qui ne faisait pas partie de la zone de sélection. Par conséquent, l’intimé soutient qu’elle était en dehors de la zone de recours et qu’elle n’avait pas le droit de déposer une plainte. L’intimé a fait référence à la décision de l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique dans Umar-Khitab c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 5, selon laquelle il n’y a pas de compétence pour entendre une plainte déposée en vertu de l’article 77 par une personne qui ne fait pas partie de la zone de sélection.

[11] La plaignante s’est opposée à la demande de l’intimé. Tant dans sa plainte que dans sa réponse initiale à la requête en rejet, elle a soutenu que, lorsque l’intimé a établi la zone de sélection, il savait qu’elle pourrait exercer un recours contre la nomination et qu’il a limité la zone de sélection afin de l’exclure indûment de la zone de recours et de lui refuser le droit de déposer une plainte.

[12] Compte tenu de la réponse de la plaignante, la Commission a demandé et obtenu des arguments de sa part, de l’intimé et de la CFP sur la question suivante :

La Commission a-t-elle compétence pour entendre la plainte d’une personne qui se trouve en dehors de la zone de sélection lorsqu’il est allégué que l’administrateur général a restreint la zone de sélection afin de favoriser personnellement la nomination de la personne nommée et d’empêcher la plaignante d’exercer un droit de recours?

 

III. Analyse

[13] La plaignante affirme que, tout au long du processus de nomination, le gestionnaire était motivé par un favoritisme personnel. Elle affirme qu’un processus non annoncé a été mis en œuvre dans le but inapproprié de faciliter la nomination d’un titulaire non qualifié, malgré l’existence de bassins de candidats qualifiés valides et entièrement évalués. La zone de sélection restrictive a été, selon elle, choisie délibérément pour soustraire cette nomination incorrectement motivée à la procédure de plainte de la Commission.

[14] La plaignante fait valoir les éléments suivants à l’appui de ses allégations :

1) La zone de sélection de ce processus était plus restrictive que dans d’autres processus similaires, et l’intimé n’a fourni aucune justification valable pour expliquer cette restriction.

 

2) Selon la plaignante, l’intimé a confirmé qu’à la date de la nomination en question, des bassins « valides » étaient en place, comprenant un total de trois candidats qualifiés issus de deux processus antérieurs, dont les zones de sélection étaient toutes deux plus grandes que la DMBR. L’intimé n’a pas tenu compte de ces bassins de candidats existants, y compris celui provenant d’un processus annoncé en 2015 pour des postes BI-04, dans lequel la plaignante était l’un des deux candidats qualifiés restants lorsque la nomination en question a été effectuée.

 

3) D’autres zones de recours choisies pour des nominations à des postes similaires au sein de la DMBR n’étaient pas aussi restrictives que celle en cause. Ces cinq exemples ont été présentés :

 

I) Un processus annoncé en 2015 pour les postes BI-04 au sein de la DGPSA était ouvert aux [traduction] « personnes employées à Santé Canada occupant un poste à la Direction générale des produits de santé et des aliments dans tout le Canada ».

 

II) Un processus annoncé en 2017 pour un poste BI-04 était ouvert à tous les employés de Santé Canada, de l’Agence de la santé publique du Canada et du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés qui occupaient un poste dans la région de la capitale nationale.

 

III) La personne nommée dans la présente affaire occupait le poste d’évaluateur EPPTUH à titre intérimaire depuis septembre 2019. La zone de sélection de cette nomination intérimaire non annoncée était [traduction] « les employés de Santé Canada – Direction générale des produits de santé et des aliments travaillant et occupant un poste dans la région de la capitale nationale », qui est plus large que la zone utilisée pour la nomination pour une période indéterminée de la personne nommée en 2020.

 

IV) Un processus non annoncé d’octobre 2020 pour une nomination intérimaire de niveau BI-05 avait pour zone de sélection tous les employés de Santé Canada travaillant et occupant un poste dans la région de la capitale nationale.

 

V) La DMBR a lancé un autre processus de nomination BI-04 annoncé en juin 2021. Ce processus était ouvert aux personnes employées par Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments et le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés occupant un poste dans la région de la capitale nationale.

 

4) La personne nommée n’a pas été évaluée correctement et les outils d’évaluation utilisés étaient partiaux, peu fiables et injustes.

 

5) Pour déterminer la zone de sélection, l’intimé n’a pas suivi la Politique sur la zone de sélection de Santé Canada d’avril 2016 ni l’Instrument de délégation et de responsabilisation en matière de nomination (« IDRN ») de la CFP.

 

 

[15] En résumé, la plaignante signale plusieurs faits allégués qui pourraient, s’ils étaient prouvés, permettre de conclure que la nomination était motivée par le favoritisme personnel et que la zone de sélection a été établie de manière à soustraire la nomination motivée de manière inappropriée à l’examen de la Commission.

[16] Pour que ces allégations puissent être entendues et examinées, il faut d’abord que la plaignante ait eu le droit de déposer une plainte devant la Commission, ce qui est la question même en litige. Malgré les nombreux arguments qu’elle a présentés et qui pourraient, s’ils étaient prouvés, indiquer un possible abus de pouvoir, il est indéniable qu’elle se trouvait en dehors de la zone de sélection et que, par conséquent, conformément au libellé clair du par. 77(2) de la LEFP, elle ne se trouvait pas dans la zone de recours. Si l’on s’en tient à une lecture simple, il est évident que la Commission n’aurait pas le pouvoir de statuer sur sa plainte.

[17] Sur quelle base la plaignante soutient-elle que la Commission a compétence? Elle soutient que, si l’art. 77 de la LEFP établit les motifs de plainte et la zone de recours, il ne traite pas des circonstances dans lesquelles il est allégué que la zone de recours elle-même a été établie pour des raisons inappropriées qui constituent un abus de pouvoir, notamment pour éviter tout recours. Elle demande à la Commission de ne pas s’en tenir à la description que fait l’intimé de ce qui s’est passé, mais de déterminer si les faits sont compatibles avec cette description.

[18] La plaignante indique que ce type de détermination est courant dans l’histoire des litiges en vertu de la LEFP car, dans de nombreux cas, les intimés ont tenté d’éviter les recours en caractérisant les mesures de dotation d’une certaine façon ou en tentant de limiter les droits de recours d’un employé. Les tribunaux ont toujours conclu que ce n’est pas ce que l’intimé déclare qui est déterminant, mais ce qui s’est réellement passé dans l’affaire. En l’espèce, compte tenu de l’affirmation de la plaignante selon laquelle la zone de recours n’a pas été établie de bonne foi et qu’il s’agissait simplement d’un subterfuge par lequel l’abus de pouvoir interdit a été réalisé, alors, conformément aux buts et à l’objet plus larges de la LEFP, elle doit se voir accorder le droit de déposer une plainte.

[19] À l’appui de cet argument, la plaignante a fait référence aux décisions de la Cour suprême du Canada dans Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503, et Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489, qui portaient sur une version antérieure de la LEFP avant sa réforme importante en 2003. Dans ces affaires, la Cour a précisé que, pour déterminer l’application du principe du mérite et du droit d’appel (le mécanisme de recours de l’époque), il faut examiner la décision de l’employeur de façon objective, en tant que question de fait, et non pas en fonction de ce que l’employeur aurait pu vouloir ou comprendre qu’il faisait en droit.

[20] La plaignante soutient que la Commission ne devrait pas être liée par la simple affirmation de l’intimé concernant [traduction] « la nature d’un processus de sélection ». Une approche large et téléologique de la LEFP doit être adoptée, à la lumière des questions sérieuses en jeu, y compris un abus de pouvoir et de procédure flagrant de la part de l’intimé, et la Commission peut et doit examiner sa plainte.

[21] Cependant, il n’est pas clair que Doré et Brault abordent la question en litige en l’espèce. Dans les deux cas, la question qui se posait à la Cour était de savoir si le fait d’ordonner à un employé d’effectuer d’autres tâches constituait une affectation, comme l’employeur l’avait décrite, ou une nomination à un nouveau poste, comme les plaignants l’ont fait valoir avec succès. La Cour a conclu qu’en fait, une nomination avait été effectuée et, comme l’intimé l’a correctement indiqué dans ses arguments, elle a confirmé que le droit de recours qui existait dans cette version de la LEFP était disponible parce que la condition pour l’exercer était remplie — une nomination avait été effectuée.

[22] Il n’y a pas d’interprétation factuelle similaire à faire dans la présente affaire. La plaignante ne faisait pas partie de la zone de sélection établie en vertu de l’art. 34. Le paragraphe 77(2) est explicite — les personnes qui ne font pas partie de la zone de sélection n’ont pas le droit de déposer une plainte. L’actuelle LEFP ne confère à la Commission aucune compétence pour examiner les plaintes déposées par des personnes qui ne font pas partie de la zone de sélection.

[23] La plaignante néglige ce fait en soutenant qu’aucun principe d’interprétation des lois ne permettrait à la Commission de décliner sa compétence sur un sujet dont le législateur a clairement voulu qu’elle examine. Elle reconnaît dans ses arguments que la détermination de la zone de sélection par l’intimé est une décision que la Cour fédérale peut contrôler par voie judiciaire. Toutefois, elle fait valoir que [traduction] « [...] le législateur n’avait sûrement pas l’intention que des questions de cette nature soient examinées dans le cadre de la procédure de contrôle judiciaire [...] ».

[24] Toutefois, le pouvoir de la Commission découle de ses lois habilitantes et elle ne peut pas simplement s’arroger la compétence dans des domaines que le législateur ne lui a pas attribués simplement parce qu’il aurait été possible de lui accorder ce pouvoir. La loi est claire et sans équivoque — si la personne ne se trouve pas dans la zone de sélection, elle n’a pas le droit de déposer une plainte en vertu de l’art. 77.

[25] La plaignante affirme que le législateur aurait pu expressément refuser le recours dans des circonstances comme celles de l’espèce et que le fait qu’il ne l’a pas fait démontre que le recours lui est ouvert. Elle fait référence au par. 77(3) de la LEFP, qui précise que « [l]a Commission [...] ne peut entendre les allégations portant quil y a eu fraude dans le processus de nomination ou que la nomination ou la proposition de nomination a résulté de lexercice dune influence politique ». Elle fait valoir que, lorsque le législateur exclut spécifiquement certaines questions, d’autres questions connexes ne sont pas exclues. Elle soutient que ces autres questions incluraient les types d’allégations qu’elle a faites dans la présente affaire. Le législateur les aurait ajoutés à la liste du par. 77(3) s’il avait voulu les exclure.

[26] La question qui se pose à la Commission en l’espèce n’est pas de savoir quelles questions peuvent lui être présentées, mais plutôt qui est habilité à lui présenter une plainte. Le paragraphe 77(3) prévoit qu’une plainte en matière de dotation en vertu de l’art. 77 (c’est-à-dire présentée par quelqu’un qui se trouve dans la zone de recours) ne peut pas inclure une allégation de fraude ou d’influence politique. Cette disposition n’a aucune incidence sur qui peut déposer une plainte, mais plutôt sur ce que la personne habilitée à déposer une plainte peut alléguer et faire valoir.

[27] La plaignante a également semblé soutenir qu’en émettant une ordonnance de production de renseignements (OPR) plus tôt dans le processus de plainte, la Commission a laissé entendre qu’il pourrait y avoir des preuves indiquant que [traduction] « [...] l’établissement du recours est entaché et donc douteux ». Il serait incohérent que la Commission décline sa compétence après avoir ordonné plus tôt la « divulgation ». Une demande d’OPR est un mécanisme permettant à une partie d’obtenir, avant une audience, des informations qui pourraient être pertinentes pour sa plainte. Elle permet à la partie requérante d’avoir les informations nécessaires pour faire valoir ses arguments. Dans le cas de la plaignante, la Commission a déterminé que l’information qu’elle cherchait était sans doute pertinente pour lui permettre de répondre à la requête en rejet de l’intimé. La décision n’était en aucun cas déterminante quant à la compétence de la Commission sur la question.

[28] La plaignante a fait allusion au fait que, dans certaines de ses décisions, la Commission s’est interrogée sur les circonstances relatives à la détermination de la zone de sélection et sur la question de savoir si elle était motivée par le favoritisme, en faisant référence, par exemple, à Kavanagh c. Président de Services partagés Canada, 2017 CRTESPF 38.

[29] Toutefois, dans ce cas et dans d’autres cas similaires, il n’y avait aucun doute sur le fait que le plaignant se trouvait dans la zone de recours. Les éléments de preuve relatifs à la détermination de la zone de recours ont été examinés afin de déterminer s’ils étayaient les allégations d’abus de pouvoir, y compris l’exercice d’un favoritisme personnel. La preuve n’a pas été invoquée pour établir qu’une personne qui ne se trouvait pas dans la zone de sélection pour une nomination non annoncée pouvait néanmoins avoir le droit de déposer une plainte.

[30] Comme il a été mentionné précédemment, une personne qui n’est pas dans la zone de sélection d’un processus de nomination non annoncé n’est pas nécessairement sans recours. Les personnes qui ne peuvent pas déposer de plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP peuvent néanmoins demander le contrôle judiciaire d’une nomination et des décisions qui y ont mené, y compris la détermination de la zone de sélection.

[31] Il peut également exister d’autres voies de recours en vertu de la LEFP pour corriger les actions prétendument inappropriées ou mal motivées d’une autorité déléguée.

[32] La plaignante a fait remarquer que la délégation par la CFP aux administrateurs généraux de son pouvoir de déterminer la zone de sélection est régie par l’IDRN. La CFP a expliqué dans ses arguments que l’IDRN identifie les pouvoirs que les administrateurs généraux peuvent subdéléguer, les conditions de la délégation et la responsabilité. La CFP a ajouté qu’en vertu de sa Politique de nomination et de l’IDRN, elle s’assure que les administrateurs généraux respectent les exigences des lois et des politiques. Ainsi, la détermination de la zone de sélection par un administrateur général n’est pas exempte de tout examen de la part de la CFP. Quoi qu’il en soit, il est clair que le législateur a choisi de ne pas confier à la Commission le rôle d’examiner ces déterminations.

[33] De même, la CFP a le pouvoir de traiter les allégations de fraude. Selon l’art. 69 de la LEFP, la CFP peut mener une enquête sur un processus de nomination si elle a des motifs de croire qu’il y a eu fraude (voir Seck c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 314, où la Cour d’appel fédérale a défini de façon générale la fraude dans le processus de nomination).

[34] Il n’appartient pas à la Commission de déterminer lequel de ces recours, le cas échéant, peut être disponible en l’espèce. Toutefois, il est clair que le législateur n’a pas donné à la Commission le pouvoir de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir lors de l’établissement de la zone de sélection. Le mandat de la Commission, en vertu du par. 88(2) de la LEFP, se limite à l’examen et au règlement des plaintes déposées en vertu du par. 65(1) et des art. 74, 77 et 83 de la Loi. Ces articles ne permettent pas de déposer une plainte concernant l’établissement d’une zone de sélection. Lorsque des preuves ont été admises en ce qui concerne la mauvaise foi dans l’établissement d’une zone de sélection, c’est généralement parce que ces preuves ont été utilisées pour appuyer une allégation concernant des questions pour lesquelles la Commission a compétence, comme une allégation d’abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé. Toutefois, avant même d’entendre ces preuves, le plaignant doit d’abord disposer d’un droit de recours devant la Commission.

[35] Pour toutes les raisons susmentionnées, je conclus que la plaignante se trouvait en dehors de la zone de sélection et qu’elle n’avait pas le droit de présenter un recours à la Commission en vertu de l’art. 77 de la LEFP. La Commission n’a pas compétence pour examiner cette plainte.

[36] La Commission accueille la requête de l’intimé visant à rejeter la plainte.

[37] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[38] La requête de l’intimé est accueillie et la plainte est rejetée.

Le 10 mars 2022.

Traduction de la CRTESPF

 

Edith Bramwell,

une formation de la Commission des relations de travail

et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.