Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief relatif à son licenciement – la capacité de la Commission à trancher les griefs est limitée par l’art. 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) – le grief a été renvoyé à la Commission à titre de mesure disciplinaire, conformément à l’al. 209(1)b) – toutefois, il n’a pas été contesté que le licenciement était motivé par des raisons médicales et n’était pas lié à une mesure disciplinaire – par ailleurs, l’al. 209(1)d) prévoit l’arbitrage à l’égard d’un licenciement effectué pour toute raison qui ne concerne pas un manquement à la discipline ou une inconduite dans le cas d’un employé d’un organisme distinct désigné – un licenciement pour raisons médicales est un tel licenciement – cependant, bien que le Service canadien du renseignement de sécurité soit un organisme distinct, il n’a pas été désigné aux fins de l’al. 209(1)d) – par conséquent, la Commission a déterminé qu’elle n’avait pas compétence pour entendre ce grief.

Grief rejeté pour manque de compétence.

Contenu de la décision

Date : 20220315

Dossier : 566-20-43845

 

Référence : 2022 CRTESPF 17

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

eNTRE

 

K.V.

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

 

employeur

Répertorié

K.V. c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui-même

Pour l’employeur : Christian Demers, avocat

Décision rendue sur la base des documents au dossier et d’arguments écrits déposés

les 1er et 3 février 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] K.V., le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a renvoyé devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») un grief relatif à un licenciement. Il a été licencié de son emploi au Service canadien du renseignement de sécurité (l’« employeur » ou SCRS) le 24 août 2021 pour des raisons médicales.

[2] Le fonctionnaire a soutenu que le licenciement était injuste, car il aurait pu reprendre le travail n’eut été des obstacles créés par la pandémie de COVID-19.

II. Ordonnance de mise sous scellés et d’anonymisation

[3] L’employeur a demandé que tous les documents non caviardés de ce dossier soient scellés et que seules des copies caviardées restent dans les dossiers de la Commission (sans aucune information permettant d’identifier les personnes, y compris les noms). Le fonctionnaire ne s’est pas opposé à cette demande.

[4] J’ai accédé à cette demande de façon interlocutoire, en attendant une décision finale. Étant donné qu’il s’agit de la décision finale dans la présente affaire, je dois maintenant statuer sur la demande de façon permanente.

[5] La Commission respecte le principe de transparence judiciaire et applique le critère de Dagenais/Mentuck (selon Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76) pour déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une ordonnance de confidentialité.

[6] Le critère à respecter pour pouvoir accorder une ordonnance de confidentialité a été énoncé dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41. Il a été récemment reformulé par la Cour suprême du Canada dans Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, dans les termes suivants :

[…]

[38] […] la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité doit établir que :

(1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

(2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

(3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[…]

 

[7] J’estime que les éléments du critère sont satisfaits en l’espèce.

[8] Selon le préambule de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (L.R.C. (1985), ch. C-23; la « Loi sur le SCRS »), le SCRS est l’organisme de renseignement créé par le législateur pour protéger la sécurité nationale du Canada et celle des Canadiens.

[9] L’ordonnance de mise sous scellés demandée par l’employeur vise à protéger l’identité des employés du SCRS. Les caviardages concernent les noms et les renseignements permettant d’identifier les employés du SCRS. Comme l’a déclaré l’employeur, [traduction] « le fait d’identifier publiquement des employés du SCRS par leur nom ne les met pas seulement en danger, il nuit aussi à la capacité des employés et du SCRS d’enquêter sur les menaces à la sécurité du Canada ».

[10] Je tiens également compte du paragraphe suivant de la Loi sur le SCRS :

[…]

(1) Sous réserve du paragraphe (2), nul ne peut sciemment communiquer des informations qu’il a acquises ou auxquelles il avait accès dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la présente loi ou lors de sa participation à l’exécution ou au contrôle d’application de cette loi et qui permettraient de découvrir l’identité d’un employé qui a participé, participe ou pourrait vraisemblablement participer à des activités opérationnelles cachées du Service ou l’identité d’une personne qui était un employé et a participé à de telles activités.

[…]

 

[11] Je ne crois pas qu’il y ait d’autres mesures à prendre pour protéger l’identité des employés du SCRS, sauf mettre les documents sous scellés et placer des copies caviardées dans le dossier de la Commission. Aux fins de la présente décision, prise exclusivement pour des motifs de compétence, il n’est pas nécessaire d’identifier les personnes qui travaillent ou ont travaillé au SCRS. Par conséquent, les effets bénéfiques de l’ordonnance, qui protège l’identité des employés du SCRS, l’emportent sur tout effet néfaste. L’incidence de l’ordonnance de confidentialité est minime pour l’intelligibilité de cette décision ou pour la compréhension du dossier devant la Commission.

[12] Une ordonnance sera émise en conséquence. Les documents non caviardés seront scellés et remplacés par des copies caviardées dans le dossier de la Commission (sans aucune information permettant d’identifier les personnes, y compris les noms et coordonnées des employés du SCRS), et le fonctionnaire sera désigné comme étant « K.V. ».

III. La compétence de la Commission

[13] De sa propre initiative, la Commission a soulevé la question de sa compétence pour entendre le grief.

[14] Seuls certains griefs individuels peuvent être renvoyés à l’arbitrage devant la Commission en vertu de l’art. 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2 ; la « Loi »). L’article 209 prévoit quatre types de griefs arbitrables : a) l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale; b) une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire; c) s’il s’agit d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale, le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant ou pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite ou la mutation sans le consentement; et d) dans le cas des fonctionnaires d’un organisme distinct, la rétrogradation ou le licenciement pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, si l’organisme distinct a été désigné par un décret du gouverneur en conseil.

[15] L’employeur est un organisme distinct figurant dans l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11). Il n’a pas été désigné aux fins de l’alinéa 209(1)d) de la Loi.

[16] Il ressort clairement du grief et des documents qui l’accompagnent que le licenciement a été effectué pour des raisons médicales et non pour un manquement à la discipline ou une inconduite.

[17] Les parties ont été invitées à présenter leurs arguments sur la question. L’employeur a déclaré que la Commission n’avait pas compétence. Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur lui avait indiqué que son recours était auprès de la Commission, et il a fourni un courriel à l’appui de cette affirmation.

IV. Décision

[18] Malheureusement, le conseil était erroné. La capacité de la Commission à trancher ce grief est limitée par l’article 209 de la Loi. Le fonctionnaire a renvoyé le grief à la Commission à titre de mesure disciplinaire, conformément à l’alinéa 209(1)b). Toutefois, il n’a pas été contesté que le licenciement était motivé par des raisons médicales et n’était pas lié à une mesure disciplinaire. Par ailleurs, l’alinéa 209(1)d) prévoit l’arbitrage à l’égard d’un licenciement effectué pour toute raison qui ne concerne pas un manquement à la discipline ou une inconduite dans le cas d’un employé d’un organisme distinct désigné. Un licenciement pour raisons médicales est un tel licenciement. Cependant, encore une fois, bien que le SCRS soit un organisme distinct, il n’a pas été désigné aux fins de l’alinéa 209(1)d) de la Loi.

[19] Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour entendre ce grief. Bien que la Commission ne puisse pas entendre ce grief, il se peut que le fonctionnaire ait d’autres possibilités de recours.

[20] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[21] Le grief est rejeté pour manque de compétence.

[22] Il est ordonné de mettre sous scellés tous les documents non caviardés de ce dossier et de les remplacer par des copies caviardées (ne contenant aucune information permettant d’identifier les personnes, y compris les noms et les coordonnées des employés du SCRS).

Le 15 mars 2022.

Traduction de la CRTESPF

 

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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