Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

En mai 2017, une formation de la Commission a ordonné la réintégration du fonctionnaire s’estimant lésé à son poste dans Soegard c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 52 – le commissaire qui constituait la formation de la Commission a conservé sa compétence personnelle pour une période de 90 jours « […] pour régler toute question découlant de sa mise en œuvre » – après l’expiration du délai prévu par la loi pour que le commissaire s’acquitte de ses fonctions ou les termine, mais avant l’expiration du délai de 90 jours mentionné dans la décision, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé l’aide du commissaire pour régler de prétendues questions en suspens concernant la mise en œuvre de la décision – avec le consentement des parties, la présidente de la Commission a autorisé l’ancien commissaire à personnellement [traduction] « […] demeurer saisi du grief pour régler toute question découlant de sa mise en œuvre » – une conférence de gestion de cas a été prévue en novembre 2017, mais a ensuite été reportée à la demande des parties – toutefois, l’ancien commissaire n’a eu aucune autre interaction avec les parties – en novembre 2021, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé l’aide de la Commission pour régler de prétendues questions en suspens concernant la mise en œuvre de la décision – la Commission a conclu que l’ancien membre n’avait plus aucun pouvoir personnel pour trancher l’affaire, car tout pouvoir à cet égard ne pouvait pas durer indéfiniment – la Commission a conclu en outre qu’elle n’avait pas compétence elle-même concernant la mise en œuvre de la décision – enfin, la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas fait preuve de diligence dans l’exercice de ses droits.

Demande rejetée.
Clôture du dossier ordonnée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Demande devant la Commission

[1] Dans Soegard c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 52 (la « décision Soegard »), une formation de l’ancienne Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) a rendu une décision réintégrant Jorn Soegard, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »). Dans cette décision, le commissaire de la CRTEFP avait conservé sa compétence pour une période de 90 jours afin de régler toute question découlant de la mise en œuvre de la décision. Il n’est pas rare de laisser aux parties le soin de régler la mise en œuvre d’une mesure corrective ordonnée par un décideur quasi-judiciaire. Ce qui est inhabituel dans ce cas, c’est la façon dont les choses se sont déroulées depuis que cette décision a été rendue.

[2] La décision Soegard a été rendue en mai 2017. Le mandat du commissaire de la CRTEFP qui a rendu la décision a pris fin quelques semaines plus tard. La mise en œuvre de la décision Soegard n’a pas été complète. Les parties ont demandé et obtenu l’autorisation que le commissaire de l’ancienne CRTEFP continue à participer en sa qualité personnelle à la mise en œuvre de cette décision. Toutefois, il n’a fait aucune autre intervention dans le cadre de cette affaire.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

[4] Quelque quatre ans après la décision Soegard, soit le 26 novembre 2021, le fonctionnaire a demandé à la Commission de convoquer les parties à une conférence de gestion de cas pour discuter des questions en suspens dans la mise en œuvre de la décision Soegard. Selon le fonctionnaire, la Commission a encore compétence pour [traduction] « finaliser la décision dans cette affaire » et assurer la mise en œuvre des questions en suspens qu’il a décrites comme les [traduction] « […] conséquences implicites de l’annulation du licenciement » ordonné dans cette décision.

[5] L’administrateur général du Service correctionnel du Canada (le « défendeur ») s’oppose à la demande. Il soutient que la Commission est functus officio, ce qui signifie que son pouvoir de trancher l’affaire a pris fin.

II. Historique du cas

[6] Le 12 mai 2017, le commissaire de la CRTEFP, Michael F. McNamara, a rendu la décision Soegard en tant que formation de la CRTEFP. Les parties pertinentes de l’ordonnance dans cette décision sont les suivantes :

[…]

45 Le grief est accueilli en partie.

46 J’annule le licenciement daté du 19 août 2015.

47 Je réintègre le fonctionnaire avec plein salaire et tous ses avantages à compter du 19 août 2015.

[…]

50 Je demeurerai saisi du présent grief pendant 90 jours à compter de la date de la présente décision pour régler toute question découlant de sa mise en œuvre.

[…]

 

[7] Le mandat de M. McNamara à titre de commissaire de la CRTEFP a pris fin le 31 mai 2017 (voir le décret C.P. 2014-1197, daté du 30 octobre 2014). À l’époque, le par. 8(4) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique prévoyait une période de huit semaines au cours de laquelle M. McNamara pouvait – à la demande de la présidente de la CRTEFP – s’acquitter intégralement des attributions qui auraient été alors les siennes en ce qui concerne toute affaire à laquelle il avait participé en sa qualité de commissaire :

8 (4) Le commissaire qui, pour tout motif autre que la révocation, cesse de faire partie de la Commission peut, sur demande du président et dans un délai de huit semaines après la fin de son mandat, s’acquitter intégralement des attributions qui auraient été alors les siennes en ce qui concerne toute affaire soumise à la Commission dans le cadre d’une instance à laquelle il a participé en sa qualité de commissaire avant la fin de son mandat. Il est alors réputé être un commissaire à temps partiel.

8 (4) A person who ceases to be a member for any reason other than removal may, at the request of the Chairperson, within eight weeks after ceasing to be a member, carry out and complete any duties or functions that they would otherwise have had in connection with any matter that came before the Board while they were still a member and in respect of which there was any proceeding in which they participated as a member. For that purpose, the person is deemed to be a part-time member.

 

[8] Selon le dossier de la Commission, la présidente de la CRTEFP avait demandé à M. McNamara de s’acquitter de ses fonctions dans cette affaire avant le 26 juillet 2017, date à laquelle le délai de huit semaines a expiré.

[9] L’historique de la procédure décrit dans les paragraphes suivants reflète le dossier de la Commission en ce qui concerne cette affaire.

[10] Dans un courriel daté du 28 juillet 2017, le fonctionnaire a demandé à M. McNamara d’exercer la compétence qu’il avait conservée dans la décision Soegard pour aider les parties à régler quatre questions en suspens concernant la mise en œuvre de cette décision. Ces questions portaient sur l’horaire de travail du fonctionnaire, la question de savoir s’il avait droit à des intérêts sur le montant qui lui était dû, la méthode à utiliser pour calculer les heures supplémentaires qu’il aurait effectuées, n’eût été le licenciement, et le paiement rétroactif du salaire et des avantages sociaux.

[11] La demande du fonctionnaire a été présentée après l’expiration du délai prévu par la loi pour que M. McNamara s’acquitte de ses fonctions dans cette affaire, mais avant l’expiration du délai de 90 jours prévu dans la décision Soegard.

[12] Le 9 août 2017, la présidente de la Commission a écrit aux parties pour les informer qu’étant donné que le délai de 90 jours prévu dans la décision Soegard prendrait fin le lendemain et que le délai prévu par la loi pour que M. McNamara s’acquitte de ses fonctions dans cette affaire avait déjà expiré, M. McNamara ne pouvait plus trancher des [traduction] « [...] questions découlant de la mise en œuvre [...] » de la décision Soegard, à moins que les parties ne consentent à sa participation. Les deux parties y ont consenti.

[13] Le 25 octobre 2017, la présidente de la Commission a rendu une ordonnance autorisant [traduction] « […] Michael F. McNamara à demeurer saisi du grief pour régler toute question découlant de sa mise en œuvre ». Le 6 novembre 2017, les parties ont été informées que la présidente avait [traduction] « [...] autorisé M. McNamara à demeurer saisi de cette affaire ».

[14] Une conférence de gestion de cas était prévue en novembre 2017. M. McNamara devait la présider, mais elle a été reportée à la demande des parties. Elles avaient réglé certaines questions en suspens et souhaitaient avoir la possibilité de poursuivre leurs discussions en vue de régler les autres questions.

[15] M. McNamara n’a pas participé davantage à cette affaire.

[16] De novembre 2017 jusqu’à la communication du fonctionnaire de novembre 2021 demandant une conférence de gestion de cas, la Commission est restée sans nouvelles des parties.

III. Les positions des parties

[17] Le fonctionnaire soutient que les parties sont en discussion depuis que la décision Soegard a été rendue. Aucune des parties n’a agi comme si cette décision avait été pleinement mise en œuvre. Selon lui, les changements de représentants des relations de travail du défendeur, sa maladie et son absence du lieu de travail ont contribué à l’absence de progrès dans le règlement des questions en suspens et au retard dans la demande de poursuite de l’intervention de la Commission dans cette affaire.

[18] Le fonctionnaire demande des précisions sur l’ordonnance qui, selon lui, ne dépassent pas le cadre de la décision Soegard. Il allègue que, sur les quatre questions en suspens dans la mise en œuvre de la décision Soegard en 2017, lorsque les parties ont sollicité la participation continue de M. McNamara, deux restent en suspens : le paiement des intérêts qui lui sont dus et la méthode de calcul de l’indemnisation pour les possibilités manquées d’accomplir des heures supplémentaires. Il soutient que, bien que la décision Soegard ne reflète pas ses arguments sur la question de la réparation, une indemnisation pour [traduction] « [...] la perte de salaire, d’avantages sociaux, d’heures de remplacement, de possibilités perdues de faire des heures supplémentaires, d’accumulations de congés, de droits à pension avec intérêts » a été demandée à l’audience devant M. McNamara. En annulant le licenciement, M. McNamara avait l’intention de placer le fonctionnaire dans la position dans laquelle il se serait trouvé s’il n’avait pas été licencié. Bien que cela ne figure pas dans la décision, la méthode de calcul des possibilités d’heures supplémentaires perdues et le paiement d’intérêts sont des conséquences implicites de la réintégration du fonctionnaire. Il s’agit de questions liées à la mise en œuvre de la décision Soegard et qui relèvent de la compétence conservée par la Commission. Selon le fonctionnaire, la doctrine du functus officio favorise, plutôt qu’elle n’empêche, l’intervention de la Commission pour s’assurer que la décision Soegard est correctement mise en œuvre.

[19] À l’appui de sa position, le fonctionnaire mentionne les cas suivants : Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, Toronto (City) v. C.U.P.E., Local 416 (2002), 113 L.A.C. (4th) 282, et la participation de la présente Commission concernant la mise en œuvre de son ordonnance dans Lyons c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 122.

[20] En plus de ce qui précède, le fonctionnaire soutient que la présidente de la Commission a autorisé la participation continue de M. McNamara. L’ordonnance de la présidente ne comportait pas de date de fin ni de durée totale pendant laquelle M. McNamara resterait saisi de l’affaire. Selon lui, l’ordonnance ne contenait aucune indication que la Commission examinerait sa demande de juillet 2017 concernant la participation de M. McNamara abandonnée avec le temps. Il invite la Commission à interpréter l’ordonnance en utilisant les principes généraux d’interprétation et à reconnaître qu’il n’y a pas de limite à la durée pendant laquelle M. McNamara était autorisé à exercer sa compétence dans cette affaire.

[21] Le défendeur s’oppose à la demande de conférence de gestion de cas. Il fait valoir que la Commission est functus officio pour deux raisons.

[22] Premièrement, il fait valoir que la période initiale de 90 jours pendant laquelle M. McNamara a conservé sa compétence est expirée depuis longtemps. Bien que le défendeur ait accepté que M. McNamara soit affecté au règlement des questions en suspens en novembre 2017, il soutient qu’il n’a jamais consenti à ce que la Commission reste saisie de l’affaire indéfiniment. La Commission ne peut pas conserver une compétence à perpétuité; elle n’a pas non plus envisagé de se réserver la compétence pendant plus de quatre ans. Le défendeur n’aurait pas consenti à une telle extension de la compétence conservée. Il soutient qu’il lui faudrait exprimer à nouveau son consentement pour que M. McNamara ou un autre commissaire ait compétence sur cette affaire.

[23] Selon le défendeur, la demande dont la Commission est actuellement saisie ne vise pas l’exécution de l’ordonnance de la CRTEFP rendue dans la décision Soegard. Le fonctionnaire tente plutôt de rouvrir la procédure afin d’obtenir une décision quant à la responsabilité du défendeur à l’égard de questions qui n’ont pas été abordées dans cette décision. La Commission est functus officio pour ce qui est de rendre toute ordonnance supplémentaire et, si le fonctionnaire veut assurer l’exécution de l’ordonnance rendue dans la décision Soegard, il peut déposer cette ordonnance auprès de la Cour fédérale, conformément à l’article 234 de la LRTSPF et à l’article 35 de la LCRTESPF.

[24] Deuxièmement, le défendeur soutient que la Commission est functus officio parce que les questions que le fonctionnaire qualifie de non réglées ne faisaient pas partie de la compétence conservée dans la décision Soegard en ce qui concerne la réintégration du fonctionnaire avec « plein salaire et tous ses avantages ». Ce qui a été plaidé devant la CRTEFP ou ce qui lui a été demandé n’est pas pertinent pour la question de la compétence conservée dans le contexte de la mise en œuvre d’une décision. La compétence de la Commission est déterminée par ce qui a été ordonné. La décision Soegard n’ordonne pas le paiement d’heures supplémentaires et d’intérêts et ne traite pas de ces questions. Le défendeur soutient qu’en l’absence d’une ordonnance ordonnant spécifiquement le paiement d’heures supplémentaires, alors qu’aucune heure supplémentaire n’a été effectuée, ou exigeant le paiement d’intérêts, aucune de ces questions ne peut être considérée comme incluse dans le sens ordinaire et clair des termes « [j]e réintègre [...] avec plein salaire et tous ses avantages » ou « [j]’annule le licenciement » utilisés dans la décision Soegard.

IV. Analyse

[25] Les circonstances de l’espèce sont inhabituelles.

[26] Une décision définitive et exécutoire a été rendue dans cette affaire en mai 2017. Le mandat de M. McNamara en tant que commissaire de la CRTEFP a pris fin le même mois. Plus de quatre ans plus tard, le fonctionnaire demande à la Commission de convoquer les parties à une conférence de gestion de cas dans le but d’obtenir une ordonnance clarifiant ce qu’il décrit comme des questions en suspens dans la mise en œuvre de la décision Soegard.

[27] J’estime que le pouvoir de M. McNamara de traiter cette affaire a pris fin et que la Commission n’a aucun pouvoir à l’égard de la mise en œuvre de la décision Soegard.

[28] Étant donné que la réserve de compétence de 90 jours de M. McNamara dans la décision Soegard et le délai de 8 semaines prévu à l’époque dans la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique sont expirés depuis longtemps, la seule source de compétence restante possible que le fonctionnaire peut invoquer est l’ordonnance de la présidente d’octobre 2017.

[29] L’ordonnance de la présidente n’autorisait pas l’intervention de M. McNamara en tant que « formation » de la Commission, au sens du paragraphe 37(1) de la LCRTESPF; elle n’autorisait pas non plus la Commission ou un autre commissaire à être saisi de cette affaire. Cette ordonnance autorisait M. McNamara, en sa qualité personnelle, à exercer la compétence qu’il avait conservée dans la décision Soegard; voir le paragraphe 223(2) de la LRTSPF.

[30] Il aurait peut-être été plus prudent que l’ordonnance de la présidente précise une durée ou une date limite avant laquelle M. McNamara devait exercer cette compétence, mais elle ne l’a pas fait. Plus de quatre ans se sont écoulés depuis l’ordonnance de la présidente et la dernière participation de M. McNamara dans cette affaire.

[31] La doctrine du functus officio existe pour permettre le caractère définitif d’une procédure en marquant un point final définitif à celle-ci; une décision définitive. Sous réserve de certaines exceptions, lorsqu’il rend une décision finale, le décideur a épuisé sa compétence. Si ce décideur s’est réservé le droit d’exercer sa compétence pendant une certaine période, la doctrine s’applique une fois cette période écoulée, à moins que la réserve de compétence ne soit prolongée.

[32] J’estime que la doctrine du functus officio s’applique en l’espèce. Bien que la doctrine doive être appliquée avec souplesse en ce qui concerne les décisions des tribunaux administratifs (voir Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, à la page 862), il y a des limites à ce que cette souplesse peut permettre.

[33] L’ordonnance de la présidente ne peut pas être interprétée de façon si large qu’elle continue de conférer à M. McNamara un pouvoir sur cette affaire plus de 52 mois après le prononcé de cette ordonnance et plus de 58 mois après le prononcé de la décision sur le fond. Conclure le contraire irait à l’encontre de l’esprit et de l’intention de l’ordonnance et reviendrait à dire que la Commission conserve sa compétence à perpétuité, ce qu’elle ne peut pas faire; voir Canadian Union of Public Employees, Local 2855 v. Ontario Library Services - North (2002), 114 L.A.C. (4th) 322. Cette conclusion ne serait pas non plus conforme à la pratique de la Commission ni à l’objectif législatif visant à assurer le règlement efficace des différends relatifs aux conditions d’emploi, tel qu’il est énoncé dans le préambule de la LRTSPF.

[34] La présidente a autorisé la participation continue de M. McNamara à la mise en œuvre de la décision Soegard. Toutefois, cette compétence ne peut pas être absolument illimitée, et l’analyse visant à déterminer si la compétence est épuisée est spécifique au contexte et à la manière dont elle a été conservée ou prolongée. La compétence ne dépend pas uniquement du fait que les parties n’ont pas encore réglé les questions découlant de la mise en œuvre d’une ordonnance de la Commission.

[35] L’autorisation par la présidente de la participation de M. McNamara dépendait du consentement des parties, comme en témoignent la correspondance du 9 août 2017 de la Commission aux parties et le texte même de l’ordonnance. Accepter l’interprétation du fonctionnaire selon laquelle l’ordonnance de la présidente n’est pas assortie d’un délai conduirait à un résultat déraisonnable, injuste et contraire à l’objectif d’efficacité de la LRTSPF dans le règlement des différends en matière de relations de travail.

[36] Le consentement du défendeur a été donné peu de temps après que la décision Soegard ait été rendue et dans un contexte précis. Si j’acceptais la position du fonctionnaire, ce consentement serait réputé perpétuel et contraignant pour le défendeur quelque quatre années plus tard, malgré l’absence de toute indication selon laquelle le défendeur avait l’intention de donner un tel consentement illimité. Le fonctionnaire aurait le droit de saisir la Commission d’une question non réglée qui ferait partie d’une ordonnance de la Commission quelque 5, 10 ou 15 ans après que cette ordonnance a été rendue. Ni les arguments écrits des parties ni les documents déposés par le fonctionnaire à l’appui de sa demande ne laissent entendre que les parties s’attendaient – en 2017 – à ce que la Commission rende une ordonnance donnant compétence à M. McNamara pour une période aussi longue.

[37] La Commission et les parties à un différend en matière de relations de travail ont le droit de s’attendre à ce qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable pour régler les questions qui restent en suspens dans la mise en œuvre des décisions de la Commission. La jurisprudence invoquée par le fonctionnaire ne lui est guère utile. Ces cas se distinguent facilement, soit en raison de leurs faits, soit en raison du degré élevé de diligence dont les parties à ces affaires ont fait preuve pour faire valoir leurs droits et assurer la mise en œuvre intégrale des décisions de la Commission. Le passage du temps rend cette affaire unique.

[38] Le dossier de la Commission montre que, depuis le 9 août 2017, le fonctionnaire sait que M. McNamara a cessé d’être commissaire de la CRTEFP. Bien que le fonctionnaire ait demandé en juillet 2017 à M. McNamara d’exercer la compétence qu’il avait conservée dans la décision Soegard et qu’il ait eu connaissance de l’ordonnance d’octobre 2017 autorisant M. McNamara à continuer d’être saisi de l’affaire, il semble avoir supposé que M. McNamara resterait disponible indéfiniment ou que la Commission affecterait simplement un autre commissaire à l’affaire. On ne peut pas dire qu’il ait agi avec diligence en demandant l’aide de la Commission pour régler ses différends en suspens avec le défendeur. Plus de quatre ans se sont écoulés avant que le fonctionnaire ne prenne des mesures pour informer la Commission de l’état de la mise en œuvre de l’ordonnance de la CRTEFP et pour solliciter son aide.

[39] Bien que le fonctionnaire ait identifié les changements de représentants et sa maladie comme des facteurs ayant contribué à l’absence de progrès dans le règlement de ses différends en suspens avec le défendeur, il n’allègue pas que ces facteurs l’ont empêché de demander – à tout moment avant le 26 novembre 2021 – que M. McNamara épuise sa compétence sur la mise en œuvre de la décision Soegard. Il n’a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle il n’a pris aucune mesure entre novembre 2017 et novembre 2021 pour tenir la Commission au courant de l’état des discussions entre les parties ou pour l’informer d’un besoin ou d’un intérêt continu pour la participation de M. McNamara au règlement des questions découlant de la mise en œuvre de la décision Soegard. Il ne semble pas avoir ressenti d’urgence à s’assurer que M. McNamara reste disponible pour exercer sa compétence.

[40] Comme il a été expliqué précédemment, la seule source de compétence possible que le fonctionnaire pourrait invoquer est l’ordonnance de la présidente autorisant M. McNamara, en sa qualité personnelle, à exercer la compétence qu’il avait conservée dans la décision Soegard. Cette ordonnance ne saurait être lue hors contexte. Lorsqu’elle est lue à la lumière de la pratique de la Commission, du préambule de la LRTSPF, des attentes des parties à l’époque et de la jurisprudence interdisant la conservation de la compétence à perpétuité, je conclus que M. McNamara est functus officio. Sa compétence est épuisée. La Commission n’a pas de pouvoir sur la mise en œuvre de la décision Soegard. En outre, j’estime que le fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence pour faire valoir ses droits et demander à M. McNamara d’exercer sa compétence afin de régler les questions découlant de la mise en œuvre de la décision Soegard.

[41] À la lumière de ma conclusion selon laquelle la compétence est épuisée, il n’est pas nécessaire que je décide si les questions que le fonctionnaire a soulevées font partie de l’ordonnance rendue dans la décision Soegard.

[42] La demande du fonctionnaire voulant que la Commission épuise sa compétence pour régler les questions découlant de la mise en œuvre de la décision Soegard est rejetée. Par conséquent, sa demande de conférence de gestion de cas est rejetée.

[43] Pour tous ces motifs, j’ordonne que le dossier de la Commission 566-02-11845 soit fermé.

[44] Malgré la fermeture du dossier de la Commission, les parties peuvent néanmoins demander l’aide des Services de médiation et de règlement des différends de la Commission pour régler les questions encore en suspens entre elles. En outre, si l’exécution de l’ordonnance de la Commission dans Soegard devait poser problème, l’article 234 de la LRTSPF et l’article 35 de la LCRTESPF prévoient la possibilité de déposer une ordonnance de la Commission auprès de la Cour fédérale, dans des circonstances précises.

[45] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[46] La Commission déclare que la compétence visant à régler les questions découlant de la mise en œuvre de l’ordonnance rendue dans Soegard c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 52, est épuisée.

[47] La demande de conférence de gestion de cas dans le dossier de la Commission 566-02-11845 est rejetée.

[48] La Commission ordonne que le dossier de la Commission 566-02-11845 soit fermé.

Le 30 mars 2022.

Traduction de la CRTESPF

 

Amélie Lavictoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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