Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le choix du processus et dans l’application du mérite relativement à un poste PM 06 au ministère de la Justice – il a également allégué que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son égard fondée sur la race et la couleur – l’intimé a nié qu’il avait abusé de son pouvoir – le plaignant voulait que l’intimé le nomme dans le cadre d’un processus non annoncé parce qu’il faisait partie d’un bassin de candidats qualifiés au groupe et au niveau PM-06 au Commissariat à l’information du Canada (« CIC ») – il a adopté la position selon laquelle l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il ne l’a pas nommé, au moyen d’un processus non annoncé, au poste PM 06 étant donné que sa qualification pour le poste au CIC aurait dû convaincre l’intimé de procéder à sa nomination non annoncée ou au moins de l’ajouter au bassin pour le poste PM 06 sans évaluer ses qualifications – l’intimé a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler ou de contourner le processus annoncé – la Commission a conclu que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination annoncé en fonction de considérations pertinentes, comme la nécessité d’un bassin de candidats qualifiés pour pourvoir les postes vacants prévus – le plaignant a également allégué que l’intimé avait mal noté sa réponse à la question 2 de l’examen – toutefois, la Commission a conclu qu’il n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il l’avait évalué – le plaignant a affirmé en outre qu’il s’identifie comme une personne noire et a allégué que cela avait influencé la décision de l’intimé de ne pas le nommer – bien que le plaignant ait maintenu que sa réponse avait été examinée de près en raison de sa race et de sa couleur, il n’a pas démontré qu’ils étaient un facteur dans le résultat de sa candidature – il a été éliminé parce qu’il n’avait pas satisfait aux critères de mérite essentiels évalués à la question 2 – la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’une preuve prima facie de discrimination n’avait pas été établie – la race et la couleur du plaignant n’étaient pas des facteurs qui ont contribué à son élimination du processus.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20220329

Dossier: EMP-2017-11630

Référence: 2022 CRTESPF 21

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

Ray Davidson

plaignant

 

et

 

Sous-ministre de la Justice

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Davidson c. Sous-ministre de la Justice

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour l’intimé : Marylise Soporan, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras, analyste principal

Affaire entendue par vidéoconférence

les 1er, 2 et 17 février 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] Ray Davidson, le plaignant, a déposé une plainte d’abus de pouvoir au sujet d’un processus de nomination interne annoncé pour le poste PM-06 de chef, Opérations de l’AIPRP (Accès à l’information et protection des renseignements personnels) (le « poste PM-06 ») au Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du ministère de la Justice en 2017. Il alléguait également une discrimination.

[2] Il a allégué que l’intimé avait ignoré sa demande d’embauche en dehors du processus de nomination annoncé. Il voulait que l’intimé le nomme dans le cadre d’un processus non annoncé parce qu’il faisait partie d’un bassin de candidats qualifiés au groupe et au niveau PM-06 au Commissariat à l’information du Canada.

[3] Il allègue également que, dans l’évaluation, l’intimé a mal noté son examen, ce qui a entraîné son élimination du processus de nomination.

[4] Le plaignant affirme en outre qu’il s’identifie comme une personne noire et allègue que cela a influencé la décision de l’intimé de ne pas le nommer pour le poste PM-06. À son avis, il a subi une discrimination fondée sur la race et la couleur dans le cadre de ce processus de nomination.

[5] L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir.

[6] Aucun représentant de la Commission de la fonction publique (CFP) n’a comparu à l’audience. Elle a présenté des arguments écrits dans lesquels elle a discuté de ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la plainte.

[7] Pour les motifs qui suivent, la plainte est rejetée. Il n’a pas été démontré que le choix de l’intimé d’utiliser un processus de nomination annoncé constituait un abus de pouvoir. Il n’a pas non plus été établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il avait corrigé sa réponse à une question d’examen. Enfin, il n’a pas été démontré que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son égard.

II. Questions préliminaires

[8] Au début de l’audience, j’ai informé les parties que je connaissais le nom d’un témoin appelé à témoigner à l’audience au nom de l’intimé. Entre 1996 et 2001, j’étais conseillère juridique au sein du Commissariat à l’information du Canada et, à l’époque, le témoin de l’intimé était un employé du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Les deux commissariats étaient alors situés dans le même immeuble. J’ai informé les parties qu’il était probable que nous nous soyons croisés à un moment donné, mais que nous ne nous connaissons pas personnellement.

[9] J’ai demandé aux parties si elles avaient des préoccupations quant à ma capacité à trancher de façon impartiale les questions dans le présent cas. Elles m’ont informé qu’elles n’avaient aucune réserve quant à mon impartialité.

[10] Dans un autre ordre d’idées, l’article 23 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), confère à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») des pouvoirs généraux pour aider les parties à régler les questions en litige. Ils peuvent prendre la forme de processus, comme des médiations et des discussions de règlement. Selon cet article, la Commission peut « […] aider [les parties] à régler les questions en litige de la façon que la Commission juge indiquée sans qu’il soit porté atteinte à la compétence de cette dernière de trancher les questions qui n’auront pas été réglées ».

[11] Dans le présent cas, j’ai offert aux parties l’option de la médiation le deuxième jour de l’audience, et elles ont accepté. Elles ont donné un consentement signé à cet effet qui comprenait une entente expresse selon laquelle je resterais saisie du dossier si la tentative de règlement de l’affaire par médiation n’aboutissait pas à un règlement. Le consentement signé prévoyait également que « […] tous les renseignements échangés au cours de la séance de médiation devront être divulgués sous toute réserve afin de parvenir à un règlement mutuellement satisfaisant ».

[12] C’est pourquoi il y a eu une médiation que j’ai facilitée. Toutefois, elle n’a pas été concluante. En l’absence d’un règlement, l’affaire a fait l’objet d’une audience complète et d’une décision sur le fond des questions devant moi.

III. Contexte

[13] Le 12 mai 2017, l’intimé a amorcé un processus de dotation anticipée pour établir un bassin de candidats qualifiés pour le poste PM-06 qui pourrait également être utilisé plus tard pour doter d’autres postes qui pourraient devenir vacants. Le processus était ouvert à toutes les personnes employées dans la fonction publique partout au Canada.

[14] Quatre candidats se sont qualifiés et ont été placés dans le bassin. Le plaignant a été éliminé à l’étape de l’examen. Il n’a pas obtenu la note de passage pour une question d’examen.

[15] Le 21 décembre 2017, l’intimé a affiché l’« Avis de nomination ou proposition d’avis de nomination » pour la nomination de la personne choisie pour le poste.

[16] Le 24 décembre 2017, le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir au sujet de cette nomination à la Commission en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »).

[17] Le plaignant a signifié un avis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) indiquant son intention de soulever une question concernant l’interprétation ou l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; la « LCDP »). Le 10 janvier 2018, la CCDP a fait savoir qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des arguments dans cette affaire.

IV. Questions en litige

[18] La Commission doit trancher les trois questions suivantes :

· L’intimé a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a décidé de ne pas embaucher le plaignant en dehors du processus de nomination annoncé?

· L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a déterminé que le plaignant n’avait pas obtenu la note de passage pour une question d’examen?

· L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de discrimination à l’endroit du plaignant en raison de sa race et de sa couleur?

 

V. Analyse

[19] L’alinéa 77(1)a) de la LEFP prévoit qu’un candidat non retenu dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir dans l’application des critères de mérite. Selon l’alinéa 77(1)b) de la LEFP, la personne qui se trouve dans la zone de recours visée peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée en raison d’un abus de pouvoir découlant du choix entre un processus annoncé ou non annoncé.

[20] Le plaignant a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait abusé de son pouvoir (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 55). Selon le paragraphe 30(1) de la LEFP, les nominations internes ou externes à la fonction publique doivent être fondées sur le mérite, et selon l’alinéa 30(2)a), la nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne à nommer possède les qualifications essentielles, qui sont établies par l’administrateur général.

[21] L’« abus de pouvoir » n’est pas défini dans la LEFP; cependant, le paragraphe 2(4) fournit les directives suivantes : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel ». Comme la présidente Ebbs l’a souligné dans Ross c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2017 CRTEFP 48, au par. 14, le paragraphe 2(4) de la LEFP doit être interprété de façon générale. Il en découle donc que l’expression « abus de pouvoir » ne se limite pas à la mauvaise foi et au favoritisme personnel.

[22] Dans Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 21 et 38, la Cour fédérale a confirmé que la définition d’« abus de pouvoir », au paragraphe 2(4) de la LEFP, n’est pas exhaustive et peut comprendre d’autres formes de conduite inappropriée.

[23] Comme il est souligné dans Tibbs, aux paragraphes 66 et 71, et confirmé dans Agnew c. Sous-ministre des Pêches et des Océans, 2018 CRTESPF 2, au par. 95, un abus de pouvoir peut comprendre un acte, une omission ou une erreur que le législateur n’aurait pas pu envisager dans le cadre du pouvoir discrétionnaire accordé aux personnes détenant un pouvoir délégué de dotation. L’abus de pouvoir est une question de degrés. Pour qu’une telle conclusion soit faite, l’erreur ou l’omission doit être si énorme qu’elle ne peut faire partie du pouvoir discrétionnaire accordé au gestionnaire délégué.

A. L’intimé a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a décidé de ne pas embaucher le plaignant en dehors du processus de nomination annoncé?

[24] Le 16 mai 2017, le plaignant a présenté sa demande pour le processus de dotation annoncé. Dans son courriel à la personne-ressource nommée dans l’annonce de demande d’emploi, il a également demandé d’être [traduction] « […] tiré d’un bassin actif pour un poste de gestionnaire de l’AIPRP au groupe et au niveau PM-06 auprès du Commissariat à l’information, processus de sélection 2016-OCI-IA-055 ».

[25] La question a été examinée au cours de la discussion informelle.

[26] Le plaignant a témoigné que les gestionnaires ont un grand pouvoir discrétionnaire lorsqu’ils embauchent des employés. Il a soutenu que l’intimé a une politique qui permet de nommer des personnes qualifiées d’un autre bassin, mais qu’il n’a pas appliqué cette politique dans son cas. Il a fait remarquer que l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a conclu qu’il pouvait conclure qu’un comité d’évaluation avait abusé de son pouvoir dans un processus de nomination lorsqu’au lieu d’exercer son pouvoir discrétionnaire, il appliquait strictement une ligne directrice, ce qui entravait son pouvoir discrétionnaire (voir Tibbs). Le plaignant a affirmé que l’intimé n’avait jamais appliqué cette politique en ce qui le concerne et que cette approche rigide constituait un abus de pouvoir.

[27] Le plaignant a témoigné qu’au cours de la discussion informelle qui a suivi sa candidature non retenue, il a dit aux représentants de l’intimé que,

le 17 novembre 2016, il s’était qualifié pour un poste PM-06 d’AIPRP au Commissariat à l’information du Canada (le « poste du CIC »). Il a demandé une nomination au poste PM-06 en fonction de ce résultat.

[28] Le plaignant soutient que l’intimé a exercé son pouvoir avec une intention inappropriée. Il soutient que le pouvoir de dotation doit être exercé pour identifier les personnes qualifiées pour des postes de la fonction publique. Le plaignant soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en ignorant mécaniquement et de manière rigide sa demande d’embauche en dehors du processus de dotation annoncé, ce qui était une entrave à son pouvoir discrétionnaire.

[29] Francine Farley a été directrice de l’AIPRP au ministère de la Justice de 2008 jusqu’à sa retraite. Elle possède de l’expérience en dotation et a supervisé au moins 30 à 40 processus de dotation au fil des ans. Elle était la gestionnaire déléguée pour le processus de nomination.

[30] Mme Farley a témoigné qu’elle a travaillé dans le domaine de l’AIPRP pendant plus de 20 ans. Elle a expliqué le rôle du poste PM-06 et les raisons pour lesquelles elle a lancé un processus de nomination annoncé. Plusieurs postes PM-06 relevaient d’elle, et il a été décidé qu’il était nécessaire de créer un bassin de candidats qualifiés pour pourvoir les postes PM-06 qui s’ouvraient. Un poste devait être vacant sous peu. Par conséquent, l’intimé a choisi de mener un processus de dotation annoncé afin de créer un bassin de candidats qualifiés pour les postes vacants prévus.

[31] Mme Farley a indiqué qu’elle avait été informée au cours de la discussion informelle de la demande du plaignant d’être nommé au poste PM-06 dans le cadre d’un processus de nomination non annoncé au motif qu’il s’était qualifié pour le poste du CIC le 17 novembre 2016.

[32] Dans son témoignage, Mme Farley a expliqué en détail les raisons pour lesquelles elle n’estimait pas qu’une telle nomination était possible. Elle avait déjà engagé les ressources pour mener le processus de dotation annoncé. Les candidats avaient postulé, avaient été évalués et avaient été jugés qualifiés. Elle n’aurait pas jugé juste pour eux d’annuler le processus pour nommer le plaignant. En outre, elle avait besoin d’un bassin de candidats qualifiés pour les postes à pourvoir.

[33] En outre, elle a expliqué que le fait d’être qualifié pour un certain poste PM-06 ne garantit pas que la personne satisfait aux critères de mérite pour un autre poste PM‑06. Elle a expliqué que les qualifications essentielles varient d’un poste PM-06 à un autre, comme c’était le cas en l’espèce, où certaines qualifications essentielles pour le poste de gestionnaire au Commissariat à l’information (le poste du CIC) étaient différentes de celles pour le poste PM-06 au ministère de la Justice.

[34] Par exemple, elle a expliqué que cinq qualifications d’expérience avaient été évaluées dans le cadre du processus de nomination pour le poste du CIC. Elles ont été résumées comme suit : expérience de l’interprétation des lois, expérience de la prestation de conseils à la direction, expérience de la prestation de conseils sur les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, expérience de la gestion des ressources humaines et expérience du traitement des plaintes déposées en vertu de la loi. Pour le poste PM-06 au ministère de la Justice, quatre qualifications d’expérience ont été évaluées. Ils ont été résumés comme suit : expérience de l’interprétation des lois, expérience de la prestation de conseils à la direction, expérience de l’élaboration de politiques et expérience de la prestation de formation.

[35] Les notes de l’intimé sur la discussion informelle ont été déposées en preuve pendant l’audience. Voici ce qu’elles présentent au sujet de la question du choix du processus :

[Traduction]


[…]

· [Le plaignant] a informé qu’il avait fourni un curriculum vitae de candidature distinct (sans utiliser le Système de ressourcement de la fonction publique) qui comprenait une preuve qu’il était qualifié dans un autre processus PM-06. Il se demande pourquoi nous n’avons pas communiqué avec lui pour une nomination à partir d’un bassin au lieu de poursuivre le processus. On lui a expliqué que l’objectif du processus était de créer un bassin. Que nous avions examiné les candidats au niveau d’abord, tel qu’indiqué dans l’avis, mais parce que le nombre de candidats était faible, il était préférable d’accorder une considération à tous les candidats et de poursuivre un processus de dotation. On a également expliqué que, comme le bassin général de candidats dans ce domaine est limité, le roulement de personnel peut être élevé, que le meilleur résultat possible (un bassin) serait souhaitable pour optimiser le meilleur scénario de trouver le meilleur candidat pour l’emploi. Le candidat a déclaré qu’il renverrait le courriel qu’il avait envoyé au sujet de son curriculum vitae et de son statut qualifié dans un autre bassin.

[…]

 

[36] À la suite de la discussion informelle, le plaignant s’est écrit un courriel, en saisissant ses notes de la réunion. Au sujet du choix du processus, il a écrit ce qui suit :

[Traduction]


[…]

· J’ai demandé à [Mme Farley] pourquoi elle ne m’a pas simplement tiré du bassin PM-06 du CIC, comme je l’ai demandé lorsque j’ai présenté ma demande. Elle a répondu qu’elle ne se souvenait pas avoir reçu cette demande. J’ai indiqué que je lui enverrais une copie. Malgré tout, ils ont indiqué qu’ils avaient d’abord cherché des candidats au niveau, mais qu’ils n’en avaient pas trouvé suffisamment, et qu’ils avaient donc décidé de mener le processus.

[…]

 

[37] Le 25 novembre 2017, le plaignant a écrit à l’intimé. Une chose qu’il a soulevée était ses qualifications pour le poste du CIC. L’intimé a répondu le 29 novembre 2017, en indiquant, en partie, ce qui suit : [traduction] « Comme il en a été question lors de la discussion informelle du vendredi 24 novembre 2017, le processus avait pour but de créer un bassin de candidats, de sorte que les membres du comité ont choisi de tenir compte de tous les candidats au processus de dotation. »

[38] À l’audience, Mme Farley a confirmé que, même si elle avait su à l’étape de la candidature que le plaignant avait demandé l’annulation du processus de dotation annoncé en faveur de sa nomination non annoncée au poste PM-06, elle n’aurait pas fait cette nomination.

[39] L’objectif du processus de nomination annoncé était de créer un bassin de personnes qualifiées pour les postes futurs. Voici le texte de l’offre d’emploi :

[…]

*** PROCESSUS ANTICIPATOIRE *** Un bassin de candidats partiellement ou entièrement qualifiés pourrait être établi et pourrait être utilisé pour combler des postes semblables au sein du ministère de la Justice Canada ayant des durées variées telles que indéterminée, intérimaire/prolongation intérimaire, déterminée, affectation/détachement, mutation, etc.) des profils linguistiques variés (bilingue impératif CBC/CBC ou CCC/CCC) et conditions d’emplois variées, et ce selon le poste à combler.

Les employés, dans le même groupe et le même niveau ou l’équivalent, pourront être considérés pour une mutation ou affectation/détachement. Si aucune mutation ou affectation/détachement n’est faite, tous(toutes) les postulant(e)s seront considéré(e)s dans le processus de nomination annoncé.

[…]

 

[40] L’article 33 de la LEFP énonce aussi ce qui suit : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. » Ainsi, l’intimé avait le pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé.

[41] La position du plaignant est que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a omis de le nommer, au moyen d’un processus non annoncé, au poste PM-06. Son argument est que sa qualification pour le poste du CIC aurait dû convaincre l’intimé de procéder à sa nomination non annoncée ou au moins de l’ajouter au bassin pour le poste PM-06 sans évaluer ses qualifications.

[42] Cependant, l’intimé a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler ou de contourner le processus annoncé et de nommer le plaignant de cette façon. Le choix du processus a été fait avant l’annonce du processus ou la réception des candidatures. L’intimé a choisi un processus de nomination annoncé pour créer un bassin de candidats qualifiés afin de pourvoir les postes vacants prévus, ce qui était une considération pertinente pour choisir un processus de nomination annoncé.

[43] La Commission et le Tribunal ont examiné à maintes reprises l’abus de pouvoir, notamment dans Tibbs, au par. 70 :

70 Comme l’a soulevé la plaignante dans ses arguments, Jones et de Villars, supra, ont dégagé cinq catégories d’abus énoncés dans la jurisprudence. Comme le font remarquer ces savants auteurs à la page 171, ces mêmes principes généraux de droit administratif s’appliquent à toutes les formes de décisions discrétionnaires administratives. Les cinq catégories d’abus sont les suivantes :

1. Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (incluant dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes).

2. Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents).

3. Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises).

4. Lorsque le délégué commet une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

5. Lorsqu’un délégué refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité à examiner des cas individuels avec un esprit ouvert.

 

[44] Le choix par l’intimé d’un processus de nomination annoncé ne reflète pas un abus de pouvoir. Rien ne prouve l’existence de mauvaise foi ou d’une fin illégitime.

Mme Farley connaissait les postes vacants prévus et elle a choisi un processus annoncé pour créer un bassin de candidats qualifiés pour ces postes PM-06. Il s’agissait là d’une considération sérieuse et pertinente. Rien ne prouve l’existence d’un souhait d’exclure le plaignant. La décision a été prise avant l’annonce du processus et avant la réception des candidatures. Il n’y a aucune suggestion d’une vision erronée de la loi ou d’un esprit fermé.

[45] De plus, dans Abi-Mansour c. Président de la Commission de la fonction publique, 2016 CRTFP 53, lorsqu’elle a été confrontée à une allégation similaire, la Commission a conclu que « […] l’intimé n’a aucunement l’obligation de choisir un candidat d’un autre bassin, dans un autre ministère, où les personnes ont été sélectionnées selon un ensemble différent d’exigences liées aux études ». Dans ce cas, la Commission a ajouté que le fait de tenir un processus annoncé de façon à ce qu’une possibilité de nomination puisse être offerte à plus d’un candidat ne constitue pas un abus de pouvoir.

[46] Il n’en demeure pas moins que le plaignant s’est qualifié dans un processus différent pour occuper un poste au sein d’un autre organisme fédéral. L’intimé n’était pas tenu d’examiner le processus d’évaluation du poste du CIC pour déterminer si les qualifications et les résultats de son évaluation répondaient à ses exigences.

[47] Dans Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64, M. Kane a soutenu qu’il avait le droit d’être nommé à un poste reclassifié sans tenir compte d’un processus annoncé. En rejetant l’argument, la Cour a soutenu au paragraphe 8 que :
« […] M. Kane plaidait en faveur d’une restriction […] de l’employeur qui ne concorde ni avec les objectifs de la [LEFP] ni avec le texte de celle
ci ».

[48] De même, dans ce cas, l’intimé n’était pas obligé d’abandonner son choix d’un processus de nomination annoncé. Le plaignant ne pouvait restreindre l’exercice par l’intimé de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 33 de la LEFP en se fondant simplement sur sa qualification pour un poste similaire ailleurs.

[49] Je ne trouve aucune preuve que l’intimé a appliqué des lignes directrices rigides, qu’il a entravé son pouvoir discrétionnaire ou qu’il n’a pas fait preuve d’ouverture d’esprit lorsqu’il a pris sa décision de poursuivre le processus de nomination annoncé.

[50] D’après la preuve, je conclus que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire de mener un processus de nomination annoncé en fonction de considérations pertinentes, en particulier la nécessité d’un bassin de candidats qualifiés pour pourvoir les postes vacants prévus.

[51] Selon l’article 33 de la LEFP, l’intimé a été autorisé à exercer son pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé et un processus de nomination non annoncé. Je ne suis pas convaincue que l’intimé a exercé incorrectement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a choisi de procéder à un processus de nomination annoncé.

[52] Enfin, j’observe que, même si l’intimé aurait pu fournir une réponse plus rapide au plaignant relativement à sa demande relative à une nomination non annoncée lorsqu’il a présenté une demande pour le poste PM-06, cette omission ne constitue pas un abus de pouvoir.

[53] En conclusion, le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination annoncé dans le présent cas.

B. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a déterminé que le plaignant n’avait pas obtenu la note de passage pour une question d’examen?

[54] Le plaignant estime que l’intimé a mal noté sa réponse à la question 2 de l’examen administré dans le cadre de ce processus.

[55] La question 2 demandait : « Quel est le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor dans l’application de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels? » Cette question visait à évaluer le critère de mérite essentiel de la connaissance des mandats et des rôles des organismes centraux en ce qui concerne l’AIPRP. La réponse prévue était la suivante :

[Traduction]


[…]

· Soutenir le président du CT qui est responsable en partie de l’administration de la Loi[.] Administrer la Politique sur l’accès à l’information, la Politique sur la vie privée et la protection des données et la Politique d’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

· Fournir des conseils, de l’aide et des directives stratégiques aux institutions pour assurer l’application uniforme des lois, des règlements et des politiques.

· Élaborer des politiques et des lignes directrices.

· Autres réponses acceptables.

 

[56] Voici la réponse du plaignant, transcrite textuellement de son examen :

[Traduction]


Il incombe au Secrétariat du Conseil du Trésor :

de publier le répertoire annuel qui décrit les institutions fédérales;

d’examiner et de publier les mises à jour des institutions fédérales dans Info Source;

d’aviser les membres de la collectivité d’AIPRP des mises à jour apportées aux instruments politiques;

de travailler étroitement avec l’École de la fonction publique du Canada afin de déterminer dans quelle mesure les éléments de connaissance touchant la politique sur l’AIPRP seront intégrés aux cours de formation indispensable.

 

[57] La note de passage pour la question 2 a été établie à 3 sur 5. Le plaignant a reçu une note de 2 sur 5 pour sa réponse. Selon l’échelle de cotation, cela indique une réponse faible, dans laquelle les [traduction] « qualifications du candidat sont insuffisantes dans certains aspects de cet élément. Certains des points/critères principaux n’ont pas été abordés. Quelques faiblesses graves ou un grand nombre de faiblesses mineures ont été constatées. »

[58] Mme Farley a expliqué que les éléments clés recherchés dans la réponse d’un candidat proviennent du Manuel d’accès à l’information (le « Manuel »). Elle a indiqué que ces éléments sont de fournir un soutien au président du Conseil du Trésor, de fournir des conseils sur le terrain aux institutions fédérales et d’élaborer des politiques et des outils pour les institutions.

[59] Elle a expliqué qu’il est essentiel que le titulaire du poste PM-06 soit au courant de ces trois éléments importants du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Ils sont précisés dans le Manuel et sont utilisés régulièrement par ceux qui travaillent sur le terrain.

[60] Mme Farley a expliqué la note du plaignant. Il a présenté les activités du SCT énumérées à la section 8.1 de la Politique sur l’accès à l’information pour soutenir les trois rôles. En mettant l’accent sur les activités au niveau de l’application, il ne comprenait pas le rôle général du SCT dans le contexte de l’accès et de la protection des renseignements personnels. Par conséquent, la réponse a été jugée faible et n’a reçu que 2 points.

[61] Mme Farley a également présenté les réponses de quatre candidats qualifiés à la question 2, chacun d’eux ayant obtenu tous les points pour avoir présenté les principaux éléments du rôle du SCT. En voici la teneur.

[62] JF, un des candidats, a répondu ceci :

[Traduction]


Bien que le président du Conseil du Trésor soit un ministre désigné pour l’application de certains articles de la Loi (avec le ministre du ministère de la Justice), la Division des politiques de l’information et de la protection des renseignements personnels du Secrétariat du Conseil du Trésor aide le président à élaborer des instruments de politique, à offrir des possibilités de formation et à appuyer la communauté de l’AIPRP. De plus, ils sont responsables de la publication annuelle d’InfoSource et de sa mise à jour. Ils veillent également à ce que la Politique sur l’accès à l’information demeure à jour et informent les institutions des changements. Enfin, ils communiquent régulièrement avec l’École de la fonction publique du Canada pour les informer des changements apportés à la Politique afin que les cours offerts sur la Loi sur l’accès à l’information soient pertinents.

 

[63] Voici un extrait de la réponse d’AS, un des candidats, qui a obtenu tous les points pour cette question :

[Traduction]


[…]

La Division des politiques de l’information et de la protection des renseignements personnels du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada aide le président du Conseil du Trésor à s’acquitter de ses fonctions. À cette fin, la Division élabore des instruments stratégiques, offre des possibilités de formation et de perfectionnement professionnel et fournit des conseils et du leadership à la communauté de l’AIPRP. À cet égard, le Secrétariat du Conseil du Trésor est chargé de donner des directives et une orientation aux institutions fédérales en ce qui concerne l’administration de la Loi sur l’accès à l’information et l’interprétation de la présente politique.

[…]

 

[64] Cette réponse comprenait également la liste des activités figurant dans la réponse du plaignant.

[65] CA, un des candidats, a répondu en partie comme suit :

[Traduction]


Le président du Conseil du Trésor est chargé de superviser l’application pangouvernementale de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En vertu de ce pouvoir, le SCT a élaboré des politiques et des lignes directrices relatives aux deux lois qui s’appliquent à toutes les institutions fédérales afin d’assurer l’application uniforme et correcte de la Loi dans l’ensemble du gouvernement.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor aide le président à s’acquitter de ses fonctions. Le SCT travaille en étroite collaboration avec toutes les institutions fédérales pour élaborer des instruments de politique, des lignes directrices, de la formation et des possibilités de perfectionnement professionnel.

[…]

 

[66] Cette réponse comprenait également la liste des activités figurant dans la réponse du plaignant.

[67] MN, un des candidats, a répondu en français comme suit :

Le SCT est le Ministre délégué et responsable de l’administration des deux lois, ATIA et PA à l’échelle du gouvernement. Il écrit les directives, lignes directrices et politiques nécessaires à l’application des deux lois et de leur règlement. Il prescrit les formulaires à être utilisés dans l’administration des deux lois. Il recueille les statistiques pour évaluer la conformité sous les deux lois et s’occupe du programme de décentralisation d’Info Source auprès des institutions fédérales assujetties aux deux lois en développant les exigences relatives à la publication décentralisée. Il révise les fichiers de renseignements personnels nouveaux et modifiés et leur attribut un numéro d’enregistrement. Il publie les bulletins info source – statistiques et info source – sommaires des décisions de la cour fédérale. Il détermine aussi la forme et le contenu des rapports à être présentés au Parlement.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[68] Cette réponse a également obtenu 5 points sur 5.

[69] Mme Farley a déclaré que, si le plaignant avait au moins présenté les renseignements disponibles dans la Politique sur l’accès à l’information, elle lui aurait accordé suffisamment de points pour l’accepter. Toutefois, sa réponse ne mentionnait pas les éléments les plus importants du rôle attribué au SCT. Par conséquent, elle ne pouvait légitimement lui accorder suffisamment de points pour passer.

[70] Les réponses des candidats qualifiés se distinguent de la réponse du plaignant. Chaque réponse démontrait que les personnes qualifiées offraient des réponses très complètes en présentant le rôle de façon explicite.

[71] La réponse du plaignant était différente; il n’a pas répondu à la question, puisqu’il n’a pas abordé le rôle du SCT dans le contexte énoncé. Il a fourni une réponse au niveau micro couvrant les activités au niveau de l’application. Par conséquent, le comité d’évaluation a jugé que la réponse était inadéquate et il n’a pas obtenu suffisamment de points pour l’obtenir.

[72] Le rôle de la Commission n’est pas de réévaluer les qualités d’un candidat parce qu’il n’est pas d’accord avec une réponse donnée. Il est plutôt de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de nomination, comme dans l’évaluation faite par le comité d’évaluation.

[73] Je conclus que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé avait abusé de son autorité lorsqu’il l’a évalué.

C. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de discrimination à l’endroit du plaignant en raison de sa race et de sa couleur?

[74] Le plaignant a expliqué que le greffier du Conseil privé avait lancé un appel à l’action pour résoudre la discrimination. Le message reconnaissait la discrimination, ses effets très réels sur les personnes de couleur et les problèmes systémiques. Selon le plaignant, les tribunaux doivent aussi être intelligents.

[75] Le plaignant a expliqué que la discrimination est subtile, mais que les effets sont concrets. Il estime que le grand pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires est utilisé pour favoriser les personnes blanches.

[76] Le plaignant a indiqué que la Commission pouvait conclure qu’un comité d’évaluation avait abusé de son pouvoir dans un processus de nomination lorsqu’au lieu d’exercer son pouvoir discrétionnaire, il appliquait strictement une ligne directrice, ce qui entravait son pouvoir discrétionnaire.

[77] Le plaignant a soutenu que la lutte contre le racisme dans les institutions fédérales est reconnue comme une priorité par les dirigeants de la fonction publique. À son avis, le pouvoir discrétionnaire du gouvernement est toujours exercé de la même façon, pour favoriser les personnes blanches. Il a fait valoir que le fait que le comité d’évaluation exerce toujours son pouvoir discrétionnaire en faveur des personnes blanches est une façon d’appliquer strictement une ligne directrice. Ainsi, il entrave son pouvoir discrétionnaire. À son avis, il s’agit d’une preuve prima facie de discrimination à son encontre. C’est une sorte de barrière qui désavantage les personnes de couleur.

[78] Le plaignant a demandé à Mme Farley si un candidat qualifié était noir. Elle a répondu qu’un candidat qualifié s’était auto-identifié comme une personne de couleur.

[79] Le plaignant a suggéré à Mme Farley qu’elle avait l’obligation de le sélectionner puisqu’il était une personne de couleur qui s’était identifiée en tant que telle lorsqu’il avait présenté une demande pour le poste PM-06. Cela est conforme à l’avis d’offre d’emploi, qui encourage un candidat à indiquer s’il est une femme, un Autochtone, une personne handicapée ou un membre d’un groupe de minorités visibles.

[80] Mme Farley a répondu que l’intimé ne peut pas choisir un candidat uniquement en se fondant sur l’auto-identification. Pour le poste PM-06, un candidat devait d’abord posséder les qualifications essentielles du poste.

[81] À l’appui de l’allégation de discrimination, le plaignant a fait valoir qu’au cours de la discussion informelle, l’intimé avait affirmé qu’il avait plagié sa réponse à la question 2.

[82] Selon le plaignant, lors de la discussion informelle, les représentants de l’intimé lui ont mentionné que plusieurs candidats semblaient avoir copié et collé le texte de leurs réponses. L’intimé l’a également informé que, finalement, le comité d’évaluation avait décidé de ne pas poursuivre cette enquête. Tous les candidats ont été évalués et aucun n’a été éliminé.

[83] Le plaignant a affirmé qu’étant une personne de couleur, l’intimé l’a soupçonné de plagiat, même s’il pouvait prouver que sa réponse à la question 2 n’était pas identique au texte qu’il a utilisé, qui est disponible sur Internet. Il a suggéré que ceux qui ont effectivement collé certaines parties de leurs textes n’ont pas été accusés de plagiat, probablement parce qu’ils n’étaient pas des personnes de couleur.

[84] À l’appui de son argument, le plaignant a fourni la réponse écrite de l’intimé à l’allégation de discrimination, qui a été déposée en vertu du paragraphe 24(1) du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6). En voici un extrait :

[Traduction]


[…]

[…] le plaignant a été informé que sa réponse à la question 2 de l’examen écrit était très semblable au matériel de référence et qu’elle aurait pu être considérée comme une réponse copiée/collée. Cela étant dit, les représentants du Ministère ont informé le plaignant qu’une décision avait été prise de noter sa réponse au lieu de la considérer comme invalide. En fait, une décision similaire a été prise pour d’autres candidats qui se trouvaient dans la même situation […]

[…]

 

[85] Le résumé de la discussion informelle par l’intimé a également été déposé en preuve. Il se lit comme suit :

[Traduction]


[…]

· Le candidat a été informé que, par ailleurs, conformément à l’intention de la discussion informelle de fournir aux candidats autant d’information qui pourrait les servir comme expérience d’apprentissage pour les aider dans les processus futurs, la réponse qu’il a fournie à la question 2 était très similaire à l’information sur le site Web. Nous avons comparé la copie qu’il avait apportée avec lui (les mêmes points que ceux présentés ci‑dessous) côte à côte avec sa réponse à l’examen et nous avons démontré que les deux étaient très semblables. Le simple fait de changer le temps de verbe pourrait faire en sorte que cela puisse être perçu comme un copier-coller d’une réponse. On lui a montré ce sondage sur la participation à l’examen et les instructions fournies. Il a dit qu’il ne s’en souvenait pas, mais qu’il croyait que le copier et le coller dans le système (FluidSurveys) n’était pas possible et qu’il n’avait donc pas omis de suivre les instructions d’examen, puisque les instructions d’examen disaient copier et coller, pas taper. Il a expliqué que taper des réponses à l’examen pouvait également être considérée comme la même pratique. En ce qui concerne la question de savoir si sa réponse pouvait être perçue comme une réponse invalide en raison de la possibilité qu’elle soit « copier-coller », la question selon laquelle les instructions auraient pu être suffisamment claires n’a pas été remise en question davantage, mais la note de 2/5 demeurerait toutefois.

[…]

 

[86] L’article 7 de la LCDP énonce que constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur le motif de distinction illicite, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer une personne. L’article 3 inclut la race et la couleur parmi les motifs de distinction illicite.

[87] Afin d’établir que l’intimé a commis un acte discriminatoire, le plaignant doit présenter une preuve prima facie (à première vue) de discrimination, notamment, une preuve qui « […] porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (tiré de Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536).

[88] Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, le plaignant devait démontrer : 1) qu’il possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination; 2) qu’il a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Voir Moore c. ColombieBritannique (Éducation), 2012 CSC 61. Un plaignant n’est pas tenu de prouver que l’intimé avait l’intention de faire de la discrimination, puisque la discrimination peut comporter plusieurs facteurs. De plus, cette pratique n’est habituellement pas affichée ouvertement. Par conséquent, un décideur doit être attentif à la « subtile odeur de discrimination » (voir, par exemple, Turner c. Agence des services frontaliers du Canada, 2020 TCDP 1.)

[89] En ce qui concerne le premier point, il est clair qu’en tant que personne qui s’auto-identifie comme Noire, le plaignant a une caractéristique protégée contre la discrimination fondée sur la race et la couleur.

[90] Deuxièmement, le plaignant a subi un effet préjudiciable concernant son emploi lorsqu’il n’a pas été jugé qualifié pour le poste PM-06.

[91] En ce qui concerne le troisième élément, le plaignant affirme qu’il a été accusé de plagiat, ce qui, selon lui, a été un facteur dans son échec à la question 2 de l’examen écrit pour le poste PM-06. L’intimé affirme qu’il l’a informé de sa réponse à titre d’encadrement.

[92] Dans l’invitation écrite, les candidats ont été informés que « LE PLAGIAT ENTRAINE UNE ÉLIMINATION IMMÉDIATE DU PROCESSUS DE SÉLECTION [le passage en évidence l’est dans l’original] ». De plus : « Les réponses du type copier/coller ne seront pas considérées valides [le passage en évidence l’est dans l’original]. »

[93] L’intimé a fait remarquer que la réponse du plaignant à la question 2 était très semblable au texte figurant à la section 8.1 de la Politique sur l’accès à l’information :


 

[94]  

Traduction de la réponse du plaignant à la question 2

Section 8.1 de la Politique sur l’accès à l’information

Il incombe au Secrétariat du Conseil du Trésor :

 

 

 

 

de publier le répertoire annuel qui décrit les institutions fédérales;

 

 

d’examiner et de publier les mises à jour des institutions fédérales dans Info Source;

 

 

 

 

d’aviser les membres de la collectivité d’AIPRP des mises à jour apportées aux instruments politiques;

 

 

 

de travailler étroitement avec l’École de la fonction publique du Canada afin de déterminer dans quelle mesure les éléments de connaissance touchant la politique sur l’AIPRP seront intégrés aux cours de formation indispensable.

 

8.1 Il incombe au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) de fournir une orientation politique et des lignes directrices aux institutions fédérales concernant l’application de la Loi et l’interprétation de cette politique. Et à cette fin, le SCT :

· publie un répertoire annuel qui décrit les institutions fédérales ainsi que leurs responsabilités, programmes et fonds de renseignements;

· examine et publie les révisions aux chapitres d’Info Source concernant les institutions fédérales, établit les formulaires à utiliser dans l’administration de la Loi et détermine la forme et le fond des rapports au Parlement;

· avise tous les membres de la collectivité d’Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) des mises à jour apportées aux instruments politiques;

 

· travaille étroitement avec L’École [sic] de la fonction publique du Canada afin de déterminer dans quelle mesure les éléments de connaissance touchant la Politique sur l’accès à l’information seront intégrés aux cours de formation indispensable, aux programmes et aux instruments d’évaluations du savoir qui sont requis.

 

[95] L’intimé a fait valoir qu’il a utilisé à bon escient la discussion informelle pour encadrer le plaignant de manière à promouvoir son succès futur. À cet égard, il s’est appuyé sur le Guide en matière de discussions informelles de la CFP, qui stipule qu’une discussion informelle peut offrir une telle occasion.

[96] L’intimé a également mentionné le critère tiré de Shakes c. Rex Pak Ltd, (1981), 3 C.H.R.R. D/1001, tel qu’il a été formulé dans Abi-Mansour, au par. 76. L’un des éléments du critère est que le plaignant, bien que qualifié, a été rejeté pour un poste. Toutefois, en l’espèce, le plaignant n’était pas qualifié pour occuper le poste pour les raisons discutées précédemment concernant l’évaluation de la question 2.

[97] Après examen de la preuve, il est clair que la réponse du plaignant a été jugée suffisamment semblable en ce qui a trait au format et au libellé pour attirer l’attention de l’intimé, mais que toute préoccupation relative au plagiat a été éliminée lorsque la décision a été prise d’accepter sa réponse et de l’évaluer. Selon la preuve, d’autres réponses semblables d’autres candidats ont également été acceptées et évaluées.

[98] Bien que le plaignant maintienne que sa réponse a été examinée de près en raison de sa race et de sa couleur, il n’a pas démontré qu’ils étaient un facteur dans le résultat de sa candidature. Il a été éliminé parce qu’il n’a pas satisfait aux critères de mérite essentiels, en se fondant sur le fond de sa réponse à la question 2.

[99] À l’appui de son allégation de discrimination, le plaignant a également présenté des éléments de preuve de sa recherche d’emploi et a demandé à la Commission de déduire qu’il a été victime d’une discrimination raciale systémique. Par exemple, il a mentionné un processus de nomination annoncé annulé et des avis pour une douzaine de nominations non annoncées à des postes PM-05 et PM-06 à partir de 2010. Il a affirmé que le processus annoncé annulé avait été annulé afin de nommer une personne dans le cadre d’un processus non annoncé. Son but était de démontrer que de nombreuses personnes avaient été nommées dans le cadre d’un processus non annoncé.

[100] Comme le Tribunal l’a expliqué dans Ben Achour c. le Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2012 TDFP 24, le plaignant doit établir un lien entre la preuve circonstancielle et la preuve de discrimination individuelle à son endroit :

[…]

75 Même si le Tribunal jugeait qu’il y avait suffisamment de preuve circonstancielle pour établir l’existence d’un acte discriminatoire, les plaignants doivent quand même démontrer qu’il existe un lien entre cette preuve circonstancielle et la preuve de discrimination individuelle à leur égard afin qu’une preuve à première vue de discrimination puisse être établie. Voir les décisions suivantes : Swan c. Forces armées canadiennes, (1994) 25 C.H.R.R. 312, para. 30 (T.C.D.P.), Hill c. Air Canada, 2003 TCDP 9, para. 133, Chopra c. Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bienêtre social), 2001 CanLII 8492 (T.C.D.P.), para. 211 (Chopra TCDP). Ainsi, la question que le Tribunal doit trancher est celle à savoir si les distinctions fondées sur des motifs illicites ont été des facteurs par rapport à ce processus de nomination. Ultimement, les plaignants doivent établir un lien entre la preuve d’un acte discriminatoire et l’expérience particulière des plaignants. Voir Ogunyankin c. Queen’s University, 2011 HRTO 1910 (CanLII), para. 221.

[...]

 

[101] L’affirmation sans équivoque du plaignant selon laquelle il y a eu discrimination systémique, sans plus, ne m’amène pas à conclure que la discrimination systémique a été un facteur dans le processus de nomination.

[102] Étant donné que les éléments de preuve n’appuient pas une conclusion selon laquelle la race ou la couleur a été un facteur dans l’effet défavorable, il s’ensuit que la troisième partie du critère pour une preuve prima facie de discrimination n’a pas été établie.

[103] Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’une preuve prima facie de discrimination n’a pas été établie. La race et la couleur du plaignant n’étaient pas des facteurs qui ont contribué à son élimination du processus. Il n’était pas suffisant pour lui de simplement prétendre qu’il avait été traité injustement. L’allégation devait être étayée par des éléments de preuve suggérant que la discrimination fondée sur la race et la couleur était un facteur de l’injustice alléguée.

[104] J’ajouterais que le fait que le plaignant ne satisfait pas aux critères de mérite essentiels pour le poste PM-06 l’empêcherait également d’être nommé à ce poste, que le processus soit annoncé ou non. Cela irait à l’encontre de l’article 30 de la LEFP, qui exige que toutes les nominations soient fondées sur le mérite. L’« appel à l’action » déposé en preuve n’a pas créé d’exception au principe du mérite.

[105] Par conséquent, le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir. Le plaignant a été éliminé du processus parce qu’il n’a pas satisfait au critère de mérite essentiel évalué à la question 2, et non en raison de sa race ou de sa couleur.

VI. Conclusion

[106] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[107] La plainte est rejetée.

Le 29 mars 2022.

Traduction de la CRTESPF

 

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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