Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a été renvoyée en cours de stage, le 24 juillet 2015, alors qu’elle était une employée de l’Agence de revenu du Canada (l’ « Agence ») – elle a déposé des griefs concernant son évaluation du rendement ainsi que les décisions de ne pas prolonger sa période de stage et de la renvoyer en cours de stage – le 28 mai 2015, l’Agence a été désignée comme organisme distinct en vertu du paragraphe 209(3) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2); la « Loi »), soit avant le licenciement de la fonctionnaire, le dépôt de ses griefs et leur renvoi à l’arbitrage – la Commission a conclu qu’elle avait compétence pour entendre le grief de licenciement en vertu de l’alinéa 209(1)d) et du paragraphe 209(3) de la Loi – la Commission a déterminé que l’employeur avait présenté un motif légitime qui justifiait le licenciement de la fonctionnaire pendant sa période de stage et que la fonctionnaire n’avait pas réussi à réfuter cette preuve – la fonctionnaire n’avait pas établi, non plus, qu’un motif de discrimination illicite ou de la mauvaise foi avaient constitué des facteurs dans la prise de décisions dans le cadre de son stage ou à l’égard de son licenciement.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

 

Date: 20220328

Dossiers: 566-34-12985 à 12987

 

Référence: 2022 CRTESPF 20

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Christine Dargis

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Agence du Revenu du Canada

 

employeur

Répertorié

Dargis c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Kim Patenaude, avocate

Pour l’employeur : Andréanne Laurin, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 25 et 27 janvier, et les 23 et 24 août 2021.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Christine Dargis, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a été renvoyée en période de stage, le 24 juillet 2015, alors qu’elle était une employée de l’Agence de revenu du Canada (l’« Agence » ou l’« employeur »). Son grief (le « grief de licenciement ») a été rejeté au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs.

[2] Le 28 septembre 2016, la fonctionnaire a renvoyé ce grief à l’arbitrage, de même que deux autres griefs liés à une allégation de discrimination, auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »).

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Elle a également modifié la Loi sur les relations de travail dans le fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) pour qu’elle devienne la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (« LRTSPF »).

[4] Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus que la Commission a compétence pour entendre le grief de licenciement en vertu de l’alinéa 209(1)d) et du paragraphe 209(3) de la LRTSPF. L’employeur a présenté un motif légitime qui justifie le licenciement de la fonctionnaire pendant sa période de stage. Je conclus qu’à son tour, la fonctionnaire n’a pas réussi à réfuter cette preuve. Je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi, non plus, qu’un motif de discrimination illicite ou de la mauvaise foi ont constitué des facteurs déterminants dans la prise de décisions dans le cadre de son stage ou à l’égard de son licenciement.

II. Question préliminaire - Confidentialité et ordonnance de mise sous scellés

[5] L’employeur a demandé la mise sous scellés des pièces F-15, F-16 et F-17 puisqu’elles contiennent des renseignements personnels de contribuables. Il s’agit de notes concernant des dossiers de contribuables dans le cadre d’évaluations effectuées par la fonctionnaire. Les notes montrent les interactions de la fonctionnaire avec les contribuables. Je crois que ces courriels sont importants pour montrer le travail qu’elle a réalisé dans le cadre de ces vérifications. Bien que certains renseignements personnels ont été caviardés de ces pièces, les parties ont convenu que ces documents devraient être mis sous scellés, étant donné qu’ils contiennent divers renseignements liés à des contribuables et qu’ils démontrent le travail effectué dans le cadre d’une vérification de leur déclaration de revenus.

[6] Conformément au principe de transparence judiciaire et en suivant le critère « Dagenais/Mentuck » (voir Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76), la mise sous scellés de documents ne sera ordonnée que lorsque leur divulgation causerait un préjudice qui l’emporterait nettement sur les avantages de leur divulgation complète (voir Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70). La Cour suprême du Canada (CSC) a reformulé le critère Dagenais/Mentuck comme suit dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, au par. 53 :

53 […]Une ordonnance de confidentialité […] ne doit être rendue que si :

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

[7] En règle générale, la Commission respecte le principe de transparence judiciaire. Ses audiences et ses dossiers sont publics. Cependant, dans certains cas, la confidentialité devrait être envisagée. La protection des renseignements personnels est l’une des raisons justifiant la confidentialité. Ces renseignements, de même que les notes d’évaluation, n’ont aucune incidence sur la transparence ou la compréhension de la décision. Pourtant, leur divulgation serait susceptible de nuire à des tiers dont les intérêts n’étaient pas représentés à l’audience. Pour ce motif, j’accorde l’ordonnance de mise sous scellés. Je conclus que les effets bénéfiques d’une ordonnance de confidentialité l’emportent dans le présent cas sur l’intérêt public d’une procédure transparente.

[8] Par conséquent, les pièces F-15, F-16 et F-17 sont mises sous scellées.

III. Résumé de la preuve

[9] Les parties se sont entendues pour que l’employeur procède en premier.

[10] À l’audience devant moi, l’employeur a cité à témoigner les personnes suivantes : Marielle St-Louis, gestionnaire, Division des appels; Josée Therrien, qui, au moment des faits en question, était chef d’équipe intérimaire; Jacinthe Bourgeois, vérificatrice; Manon Dubé, directrice, Bureau des services fiscaux du Centre-et-Sud du Québec.

[11] La fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

[12] Le résumé des faits qui suit repose sur les témoignages et les éléments de preuve produits à l’audience. Par souci de cohérence, j’ai réuni les éléments de preuve et je les ai présentés en ordre chronologique.

A. Période de stage

[13] La fonctionnaire a décrit son éducation et son historique de travail sur un certain nombre d’années avant de retourner aux études. Elle a commencé son travail à l’Agence immédiatement après avoir complété des études universitaires en 2014.

[14] En juin 2014, la fonctionnaire a été informée, par téléphone, que sa candidature était retenue pour le poste de SP-04, Apprenant, Programme d’apprentissage en vérification au Bureau des services fiscaux de Trois-Rivières. Son travail commencerait le 2 septembre 2014.

[15] Une lettre datée du 2 juin 2014 confirmait sa nomination et qu’elle devait compléter avec succès la période de stage probatoire à l’ARC. Selon sa lettre d’embauche, il s’agissait d’une période de stage probatoire jusqu’à un maximum de 12 mois. Il était indiqué ce qui suit dans cette lettre :

[…]

Le Programme de dotation de l’ARC exige que les employés embauchés de l’extérieur de l’Agence (à l’exception des employés nommés en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique qui ont complété avec succès la période de stage probatoire) soient en période de stage probatoire jusqu’à un maximum de 12 mois à l’ARC. Cette période de stage probatoire se poursuivra même s’il y a des nominations permanentes ou temporaires subséquentes de l’employé à d’autres postes. Toute période importante au cours de laquelle l’employé n’effectue pas les fonctions du poste ne sera pas comprise dans le calcul de la période de stage probatoire, et la période de stage probatoire sera donc prolongée. Pour les employés nommés dans le cadre d’un programme d’apprentissage approuvé, la période de stage probatoire pourrait être différente. Veuillez-vous référez [sic] au programme d’apprentissage approprié pour plus d’information concernant la période de stage probatoire.

[…]

Les employés handicapés qui ont besoin de mesures d’adaptation au travail devraient en faire part à leur gestionnaire dès que possible pour faire en sorte que les mesures d’adaptation appropriées soient prises dans un délai raisonnable. […]

[…]

 

[16] Le 2 septembre 2014, la fonctionnaire a commencé son travail à titre d’apprenante en vérification, aux groupe et niveau SP-04, dans le cadre du Programme d’apprentissage en vérification (PAV). Elle était assujettie à une période de stage probatoire jusqu’à un maximum de 12 mois.

[17] Les relations d’emploi entre la fonctionnaire et l’employeur étaient régies par la convention collective entre l’Agence et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs, qui expirait le 31 octobre 2016.

[18] Le PAV était un programme de recrutement qui visait à recruter des étudiants de niveau postsecondaire afin de devenir vérificateur pour l’employeur. Il offrait une combinaison de formation structurée en salle, d’expérience pratique et d’encadrement en cours d’emploi. Mme Therrien a présenté en preuve le calendrier des formations offertes de septembre à décembre 2014 dans les bureaux locaux de Brossard, Sherbrooke et Trois-Rivières. La fonctionnaire a reçu sa formation au bureau de Trois-Rivières.

[19] L’évaluation des compétences des apprenants devait avoir lieu après 4 mois, 8 mois et 11 mois. L’apprenant devait aussi effectuer une auto-évaluation après deux et sept mois.

[20] Parmi les objectifs à atteindre dans le cadre du PAV (énumérés dans le Rapport de rendement de l’employé, signé par Mme Therrien, le 19 novembre 2014), les apprenants devaient compléter trois dossiers de vérification de l’impôt sur le revenu de façon autonome pendant la période de stage.

[21] Lors de son témoignage, Mme St-Louis a aussi décrit comment fonctionne le PAV. Le programme est élaboré de façon structurée. Les apprenants passent deux mois et demi en salle de classe. Ensuite, l’apprenant est jumelé à un mentor et lui porte assistance dans ses dossiers. L’apprenant accompagne aussi le mentor lors des entrevues avec les contribuables. Plus tard, l’apprenant reçoit ses propres dossiers. L’apprenant est en probation pendant une période maximale de 12 mois. Dans la période de probation, l’apprenant doit avoir complété 3 dossiers de façon autonome. L’employeur doit prendre une décision au sujet de l’embauche ou non de l’apprenant avant que la période de probation ne soit terminée.

[22] Mme St-Louis a présenté la description de travail d’un apprenant – Programme d’apprentissage en vérification (SP-04). Le travail d’un apprenant y est décrit, de même que les responsabilités et habiletés requises. Le but du travail est de faire des vérifications en appliquant la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.); LIR). L’apprenant doit vérifier les revenus déclarés et les dépenses admissibles. À cette fin, il collige de l’information sur les activités du contribuable. Si une nouvelle cotisation est justifiée, le contribuable a le droit de faire opposition pour contester la nouvelle cotisation conformément aux dispositions de la loi.

[23] Les apprenants utilisent la méthode de vérification indirecte du revenu pour déceler les revenus non déclarés. Ce travail nécessite beaucoup de minutie et sert à établir l’avoir net. Cette méthode constitue la structure de base de l’information vérifiée.

[24] La fonctionnaire a présenté en preuve le calendrier des formations qu’elle a reçues de septembre à décembre 2014. Elle a dit avoir reçu ses deux premiers dossiers au début de novembre 2014, les dossiers « Jean » et « Guy ». Elle ne comprenait pas pourquoi l’employeur lui avait assigné le dossier Jean, qui concernait un garage, puisque rien de particulier ne justifiait une vérification de ce dossier, estimait-elle. Elle a malgré tout travaillé dans ce dossier avec son mentor. Elle a observé son mentor effectuer la première entrevue avec le client et elle a bien compris le déroulement de la procédure. Le deuxième dossier était un dossier de faillite qui impliquait un individu qui demeurait chez sa mère; son entreprise était fermée.

[25] Mme Therrien, pour sa part, était responsable de quatre apprenants et de deux autres employés. Mme Therrien a décrit sa relation avec la fonctionnaire comme étant très bonne.

[26] Elle a expliqué que l’apprenant vérificateur, dans le cadre du PAV, est appelé à effectuer des vérifications de déclarations afin d’assurer l’observation des lois dont l’employeur assure l’application. L’apprenant vérificateur identifie, recueille et analyse les données des contribuables, prépare des documents de travail selon les consignes données lors de la formation offerte au début du programme. L’apprenant vérificateur communique aussi avec les contribuables.

[27] Mme Therrien guidait ses apprenants dans le cadre du programme. Le nombre d’heures que chaque personne consacrait à chaque dossier était noté dans un système. Mme Therrien a expliqué que l’Agence s’attendait à ce qu’un apprenant consacre environ 150 heures à un dossier quand aucune nouvelle cotisation n’était émise ou quand une cotisation minime était émise. Ces dossiers étaient décrits comme de petits dossiers moins complexes que d’autres. Cependant, dans le cas où une nouvelle cotisation élevée était émise, plus d’heures devaient être consacrées au dossier. Les apprenants sous sa responsabilité pouvaient lui poser des questions ou poser des questions à leur mentor.

[28] Mme Therrien a présenté en preuve l’historique de la formation reçue par les apprenants vérificateurs, dont la fonctionnaire. Les cours donnés portaient, par exemple, sur les sujets suivants : « Revenus et dépenses règles fondamentales »; « Techniques d’entrevue »; « Déductions pour amortissement »; « SVP Win notions fondamentales »; « Cotisation fondée sur l’avoir net ». Les apprenants étaient chargés d’établir un arbre de décision approuvé par le chef d’équipe avant de vérifier les dossiers. L’employeur s’attendait à ce que les apprenants utilisent les méthodes et outils mis à leur disposition, comme le tableau croisé dynamique, à des fins d’uniformité.

[29] Mme Therrien a expliqué qu’un module important enseigné aux apprenants vérificateurs était le module « Cotisation fondée sur l’avoir net ». La méthode de travail appelée le tableau croisé dynamique est une méthode qui sert à établir l’avoir net. Cette méthode de travail constitue la structure de base de l’information vérifiée. Mme Therrien a expliqué que cette méthode de travail permettait de diminuer le temps de vérification des dossiers.

[30] Selon Mme Therrien, les apprenants n’avaient pas la discrétion de ne pas utiliser ou appliquer les méthodes de travail enseignées. En fait, l’utilisation de ces outils rendait le travail de vérification plus efficace en réduisant le nombre d’erreurs consacrées aux dossiers.

[31] Elle a confirmé que, dans le cadre du PAV, les apprenants étaient jumelés à des mentors qui leur offraient des conseils et de l’accompagnement. Chaque apprenant pouvait consulter son mentor s’il avait des questions. Dans le présent cas, la fonctionnaire a été jumelée à Mme Bourgeois de septembre à décembre 2014. Par la suite, la fonctionnaire a été invitée à poser ses questions directement à sa chef d’équipe, Mme Therrien.

[32] Mme Bourgeois, la mentore de la fonctionnaire, a expliqué qu’entre septembre et décembre 2014, la fonctionnaire l’a accompagnée chez des contribuables dans deux de ses dossiers déjà amorcés. Puis, Mme Bourgeois a accompagné la fonctionnaire chez des contribuables pour ses entrevues initiales dans deux de ses propres dossiers. Il y avait une bonne collaboration entre elles. Les visites chez les contribuables se sont bien déroulées.

[33] Selon Mme Bourgeois, la fonctionnaire travaillait bien et de façon très appliquée. Au sujet du logiciel SVP Win, toutefois, Mme Bourgeois a expliqué que la fonctionnaire omettait d’appliquer les notions fondamentales de l’outil et résistait à utiliser l’outil. Or, Mme Bourgeois lui rappelait que son utilisation était essentielle puisque, à cette époque, les étapes à suivre dans le dossier, soit l’évaluation et le projet de cotisation, n’étaient possibles que si l’outil avait été utilisé. Étant donné sa résistance à utiliser l’outil, Mme Bourgeois n’a pas insisté et la relation d’assistance a pris fin en décembre. La fonctionnaire ne lui posait pas beaucoup de questions.

[34] Mme Therrien a remarqué que, vers la fin décembre 2014, ses apprenants en général n’avaient plus besoin de consulter leur mentor. Dans le cas de la fonctionnaire, sa relation avec Mme Bourgeois avait déjà pris fin pour la raison, se souvient Mme Therrien, que Mme Bourgeois avait insisté auprès de la fonctionnaire qu’elle devait utiliser le logiciel de travail SVP Win. Cependant, cette dernière hésitait à l’utiliser. Elle accomplissait son travail sans utiliser le logiciel. Ainsi, la relation de mentorat entre Mme Bourgeois et la fonctionnaire avait pris fin d’un commun accord.

[35] Mme Therrien a expliqué qu’elle avait alors informé la fonctionnaire de ne pas hésiter à la consulter directement pour être guidée dans son travail. Mme Therrien a expliqué qu’elle invitait tous les apprenants à lui poser des questions lorsqu’ils hésitaient au sujet d’une action à prendre dans leur travail et que sa porte leur était toujours ouverte. Elle a expliqué qu’elle pouvait répondre aux questions le jour même ou peu de temps après. De plus, un esprit d’entraide régnait également parmi l’équipe. Tous les membres de l’équipe travaillaient ensemble et s’entraidaient.

[36] La fonctionnaire a, quant à elle, affirmé qu’elle utilisait le logiciel de travail SVP Win, mais que de toute façon, on lui répétait que nonobstant l’outil ou le logiciel utilisé, c’était le résultat qui comptait. Ce n’est qu’au printemps qu’elle a compris qu’elle devait utiliser le nouvel outil à des fins d’efficacité.

[37] La fonctionnaire a aussi expliqué que les autres apprenants avaient développé une relation plus complice avec leur mentor que celle qu’elle avait avec sa mentore. Elle estime que, si elle avait reçu plus d’accompagnement de sa mentore, cette dernière lui aurait conseillé, à un moment donné, de renvoyer des documents non ordonnés à un contribuable plutôt que d’essayer de les comprendre. Elle n’a pas eu ce conseil et elle a perdu du temps à cause de cela.

B. Évaluation du rendement après quatre mois de stage et auto-évaluations

[38] Le 23 octobre 2014, la fonctionnaire a complété une première auto-évaluation. Elle a identifié les domaines où elle se sentait à l’aise et les domaines pour lesquels elle souhaitait s’améliorer.

[39] Le 19 novembre 2014, Mme Therrien a remis un document contenant les attentes de rendement et les exigences de travail à la fonctionnaire. L’employeur avait les mêmes attentes pour tous les apprenants.

[40] Mme Therrien a complété la première évaluation de la fonctionnaire après ses quatre mois d’emploi à l’Agence. Son évaluation datée du 10 janvier 2015 (signée le 16 janvier par la fonctionnaire) était basée sur le rendement de la fonctionnaire en date du 2 janvier 2015. Cette évaluation a été communiquée à la fonctionnaire. Une partie du constat de Mme Therrien était le suivant :

[…]

Points forts et faiblesses en générales

[…] Christine possède une certaine expérience sur le marché du travail dans plus d’un domaine lui donne une vision différente qui lui permet d’avoir un esprit pragmatique. Christine devra porter attention particulière aux données financières. Je fais référence ici aux résultats émis suite à l’exercice final de l’avoir net.

[…]

Recommandations en vue d’une amélioration

[…] Porter une attention particulière aux différentes données financières et comprendre d’avantage l’avoir net.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[41] Le 27 mars 2015, Mme Therrien a corrigé un dossier d’évaluation produit par la fonctionnaire. Sa grille de correction et ses commentaires ont été déposés en preuve. Elle a mentionné que le dossier contenait des erreurs.

[42] En avril 2015, Mme Therrien a corrigé un deuxième dossier d’évaluation produit par la fonctionnaire. Sa grille de correction et ses commentaires ont été déposés en preuve. Elle a mentionné une fois de plus que le dossier contenait des erreurs.

[43] Le 16 avril 2015, après sept mois d’emploi à l’Agence, la fonctionnaire a complété une seconde auto-évaluation basée sur ses observations en date du 8 avril 2015. Elle en a discuté avec sa gestionnaire. En général, elle notait qu’elle progressait. Dans le document, sous la question « Quelles sont les questions ou les problèmes que je voudrais discuter avec mon chef d’équipe? », elle avait inscrit : « Je suis un petit peu anxieuse à savoir la suite des choses (fermeture de dossier, les échéanciers, le temps que je prends à faire les dossiers […]). »

[44] Le 16 avril 2015, à la demande de Mme Therrien, une autre apprenante qui avait bien maîtrisé les notions de vérification (« VQ ») a offert une formation de deux heures à la fonctionnaire au sujet de la façon d’effectuer les recherches requises. Les sujets révisés ont porté sur ce qui suit : « Analyser les données des comptes bancaires d’un contribuable », la « […] feuille de travail modèle dans le SVP Win […] » et la « Classification des transactions par catégorie pour l’analyse du dépôt ». Mme Therrien a expliqué que cette révision d’éléments de base enseignés antérieurement était nécessaire à cause des lacunes identifiées dans le travail de la fonctionnaire. Cette séance a été appréciée par la fonctionnaire.

[45] Par la suite, Mme Therrien a corrigé un troisième dossier d’évaluation produit par la fonctionnaire. Sa grille de correction et ses commentaires ont été déposés en preuve. Elle a expliqué que le dossier contenait des erreurs étant donné que l’évaluation produite par la fonctionnaire reposait sur une base erronée.

[46] L’employeur a introduit en preuve un document intitulé « Informations supplémentaires suite à des vérifications de dossiers à Christine ». Ce document contient un sommaire des erreurs notées par Mme Therrien lors de sa correction des dossiers de la fonctionnaire.

[47] Le 2 mai 2015, Mme Therrien a informé verbalement la fonctionnaire qu’elle devait augmenter la cadence dans ses vérifications. Elle lui a dit qu’elle pouvait réussir à le faire et de ne pas hésiter à venir la consulter au besoin.

[48] Le 22 mai 2015, la fonctionnaire a demandé à Mme Therrien un nouveau dossier dans lequel elle pourrait commencer une évaluation, car un délai inattendu retardait son évaluation dans son dossier sous étude et ses autres dossiers étaient avancés.

C. Évaluation après la période de 8 mois

[49] Le rapport d’évaluation du rendement de la fonctionnaire, qui évalue son rendement après huit mois de travail, donc jusqu’au 2 mai, a été finalisé le 2 juin 2015. Dans ce rapport, Mme Therrien indiquait que la fonctionnaire satisfaisait aux attentes pour l’aptitude suivante : « Communication interactive efficace ». Mme Therrien indiquait toutefois que la fonctionnaire ne satisfaisait qu’en partie aux attentes pour les aptitudes suivantes : « Adaptabilité », « Planification, organisation et/ou contrôle des résultats », « Vérification » et « Législation, politiques et procédures ».

[50] Dans le rapport, l’employeur précisait ce qui suit sous « Raisonnement analytique » :

[…] Christine fait beaucoup de travail dans ses dossiers. Elle pose beaucoup d’hypothèses avant d’arriver à une conclusion. Ce qui me porte à croire qu’elle rencontre une certaine difficulté au niveau de l’application de son raisonnement analytique. Elle doit se mettre dans la peau du vérificateur, ceci l’aidera à délaisser le rôle de la tenue de livre. Elle devrait être en mesure de s’améliorer considérablement pour les derniers 3 mois.

[…]

 

[51] Dans le rapport, Mme Therrien précisait ce qui suit sous « Planification, organisation et/ou contrôle des résultats » :

Est-ce que Christine :

· semble capable de cerner les exigences et d’utiliser les ressources disponibles (humaines - c.-à-d. soi-même ou autres personnes et autres ressources) pour atteindre les objectifs le mieux possible? Je constate que Christine a de la difficulté. J’ai comme l’impression qu’elle n’applique pas ce qu’elle a appris lors de ces formations. […]

· semble capable de planifier et d’organiser son travail et le travail des autres? C’est difficile pour elle. Actuellement un seul dossier est fermé. Elle travaille avec un inventaire réduit. Mais je pense que pour les 3 prochains mois elle sera capable de s’améliorer considérablement.

[…]

 

[52] Dans le rapport, Mme Therrien précisait ce qui suit sous « Recommandations en vue d’une amélioration » :

[…]

[…] Pour les 3 mois qui restent nous allons travailler sur la compréhension de l’analyse des dépôts, l’analyse des retraits et de l’avoir net. D’ailleurs [VQ], un membre de l’équipe, aide Christine pour l’analyse des dépôts. Christine doit venir me voir plus souvent pour que l’on puisse diminuer ses heures dossiers et se concentrer sur le travail à faire, sans en faire trop. Elle peut se reprendre d’ici la fin août.

Christine devrait prendre des notes pour éviter de demander la même information plus d’une fois.

[…]

 

[53] Lors de cette rencontre du 2 juin 2015, selon la fonctionnaire, Mme Therrien l’a rassurée en lui disant : « Écoute, je vais t’aider et tu vas passer, moi je veux te signer. » Mme Therrien a confirmé qu’elle souhaitait aider la fonctionnaire. Cependant, il lui fallait remonter une courbe raide d’apprentissage. Après huit mois, elle n’avait pas encore émis un projet de cotisation et elle ne maîtrisait pas l’avoir net et la méthode d’évaluation indirecte du revenu malgré tous les enseignements fournis. De plus, conformément aux attentes de rendement annoncées au début du stage, il lui fallait finaliser trois dossiers dans un délai de trois mois.

[54] Mme Therrien a par la suite continué de réviser et de corriger le travail accompli par la fonctionnaire dans ses dossiers.

[55] La fonctionnaire, quant à elle, considérait qu’elle avait bien fait progresser ses six dossiers en cours. Elle avait complété un dossier et selon elle, deux autres étaient en voie d’être complétés. Or, l’évaluation qu’elle a reçue le 2 juin 2015 l’a beaucoup inquiétée. Elle souhaitait faire carrière à l’Agence. Elle a donc jugé opportun de consulter une représentante de l’agent négociateur. Selon la fonctionnaire, le fait que Mme Therrien devait vérifier ou corriger ses dossiers retardait sa progression dans son travail.

[56] La fonctionnaire s’est aussi questionnée à savoir si son trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) pouvait être la cause de ses difficultés au travail. Elle a réalisé de même que les discussions qui se tenaient près de son cubicule pouvaient la distraire et qu’il serait bénéfique pour elle de travailler dans un endroit plus calme. Elle a alors décidé de dévoiler qu’elle souffrait d’une condition médicale.

D. Condition médicale

[57] Le 3 juin 2015, la fonctionnaire a indiqué pour la première fois à sa chef d’équipe, Mme Therrien, qu’elle souffrait d’une condition médicale, soit le TDAH. En discutant avec Mme Therrien, la fonctionnaire et Mme Therrien ont convenu qu’il serait bénéfique pour la fonctionnaire de travailler dans un espace de travail plus calme. Mme Therrien en a parlé à Mme St-Louis.

[58] Mme St-Louis s’est questionnée au sujet des mesures d’adaptation à prendre. Elle a donc demandé conseil auprès des Relations de travail. Un représentant de cette section l’a alors informée qu’un formulaire devait être rempli. Il s’agissait d’un formulaire qui permet à l’employeur de demander au médecin de l’employé de fournir des précisions à des fins de mesures d’adaptation au travail. L’équipe de gestion a donc jugé opportun de demander à la fonctionnaire l’autorisation de communiquer avec son médecin afin de connaître les limitations engendrées par sa condition.

[59] Le lendemain, le 4 juin 2015, l’employeur a aussi fourni un nouvel espace de travail à la fonctionnaire. Mme St-Louis a expliqué qu’un représentant des Services technologiques devait passer au bureau ce jour-là, le 4 juin. Ce dernier ne se rendait dans le bureau de Trois-Rivières qu’une fois par mois. L’équipe de gestion a donc saisi l’occasion de lui demander de transférer l’équipement informatique de la fonctionnaire dans un endroit plus calme identifié par l’équipe de gestion.

[60] Donc, ce matin du 4 juin, en arrivant au bureau, la fonctionnaire a constaté avec surprise que son ordinateur avait été déplacé dans un autre cubicule. Elle a expliqué qu’elle s’était sentie humiliée et embarrassée par ceci puisqu’elle n’avait pas été prévenue de ce changement. Mme St-Louis a expliqué que l’équipe de gestion n’avait pas eu le temps d’informer la fonctionnaire de ce changement, mais qu’il s’agissait d’une action prise pour l’aider.

[61] Par la suite, en ouvrant son ordinateur, la fonctionnaire a pris connaissance d’un courriel de Mme Therrien à son équipe qui rappelait à l’équipe d’utiliser un timbre de voix approprié étant donné l’espace commun de travail et une remarque qu’elle avait reçue que des échanges verbaux pouvaient déranger les autres. La fonctionnaire a estimé que ses collègues pouvaient faire le lien entre le déménagement de son poste de travail à un autre endroit et la remarque faite que des échanges verbaux pouvaient déranger les autres. Cela a amplifié son humiliation. Elle a estimé que les autres la blâmeraient pour cette remarque.

[62] La fonctionnaire avait aussi retrouvé sur sa chaise de bureau un document intitulé « Évaluations médicales, Fiche d’information pour les employés » avec une note manuscrite : « Viens me voir. »

[63] La fonctionnaire a jugé opportun de consulter la représentante de l’agent négociateur, Sylvie Masse, aussi présidente de la section locale du syndicat, à ce sujet. Cette dernière lui a conseillé de lire le formulaire et de prendre un rendez-vous pour rencontrer son médecin.

[64] Le 4 juin 2015, Mme Therrien a demandé à la fonctionnaire par courriel si elle avait pris connaissance du formulaire d’évaluation médicale et si elle donnait son consentement pour que l’employeur communique avec son médecin traitant.

[65] Le même jour, la fonctionnaire a répondu comme suit au courriel de Mme Therrien suivant les conseils de Mme Masse :

[…]

Merci de m’avoir changé de place afin de m’aider à passer au travers cette étape, je vois déjà toute une différence!

J’ai lu le document pour l’approbation de contacter mon médecin et je ne pense pas que mon trouble m’empêche d’exécuter les tâches relatives à mon emploi.

Par contre, j’ai besoin de plus d’efforts pour me concentrer dans certaines circonstances, comme lorsque des collègues parlent entre eux de sujets hors travail. Là mon attention est portée ailleurs plus facilement.

Je ne crois pas que mon médecin me limiterait à effectuer mes tâches de vérificatrice mais elle serait d’accord avec le fait que vous m’avez changé de place dans le but de retrouver un esprit de travail calme et propice à la concentration.

J’aimerais parler à mon médecin traitant tout d’abord avant d’effectuer d’autres changements.

[…]

 

[66] Ce jour-là, Mme Therrien a fait parvenir son horaire pour les deux prochaines semaines à son équipe, y compris les apprenants. Elle a indiqué la possibilité qu’elle prenne un congé à partir de la semaine du 15 juin avec un retour prévu le 25 juin.

[67] Le 5 juin 2015, Mme Therrien a écrit de nouveau à la fonctionnaire en précisant que sa réponse n’était pas très claire et qu’elle semblait être un refus de sa part que l’employeur consulte son médecin traitant. Elle a estimé qu’il était alors de son devoir d’informer la fonctionnaire que, dans les circonstances, les conditions du stage s’appliquaient telles qu’elles avaient été énoncées au début du stage et qu’elle s’attendait à ce que la fonctionnaire satisfasse aux objectifs de rendement avant la fin de sa période de stage. Le courriel précisait aussi que, dans l’éventualité où elle n’atteignait pas ses objectifs de rendement, elle pouvait être renvoyée durant la période de stage.

[68] La fonctionnaire a pris connaissance du courriel à la fin de la journée à son retour au bureau après avoir rencontré un client. Elle était bouleversée par le courriel et elle a commencé à pleurer. Mme Therrien l’a entendu pleurer et elle est venue la voir, lui demandant pourquoi elle était encore au bureau. Elle l’a amené dans un bureau fermé afin de lui parler et elle lui a dit qu’elle ne s’attendait pas à ce que la fonctionnaire soit encore au bureau. Mme Therrien croyait que la fonctionnaire verrait le courriel seulement le lundi matin. Selon la fonctionnaire, Mme Therrien lui aurait dit : « Ne t’en fais pas, tu vas passer. Viens me voir au besoin. Prends lundi de congé, repose-toi. »

[69] Mme St-Louis, en commentant cette situation, a ajouté que la lettre d’embauche précisait que la personne qui requiert des mesures d’adaptation a le devoir d’en informer l’employeur. L’équipe de gestion nécessitait donc que la fonctionnaire fasse sa part afin que des mesures d’adaptation appropriées puissent être prises. En particulier, la lettre précisait ce qui suit :

[…]

Les employés handicapés qui ont besoin de mesures d’adaptation au travail devraient en faire part à leur gestionnaire dès que possible pour faire en sorte que les mesures d’adaptation appropriées soient prises dans un délai raisonnable. […]

[…]

 

[70] Mme St-Louis a ajouté qu’après avoir pris connaissance du courriel de la fonctionnaire du 4 juin 2015, l’employeur a conclu que la fonctionnaire ne souhaitait pas de mesures d’adaptation supplémentaires. C’est pourquoi les conditions du stage étaient inchangées. L’équipe de gestion souhaitait que la fonctionnaire soit informée de cela.

[71] Le lundi 8 juin 2015, la fonctionnaire a pris une journée de congé de maladie.

[72] Le 9 juin 2015, la représentante syndicale, Mme Masse, a demandé à rencontrer Mme St-Louis, gestionnaire intérimaire, afin de discuter de la situation de la fonctionnaire.

[73] Une rencontre a eu lieu le 10 juin 2015.

[74] Le 10 juin 2015, Mme Therrien a confirmé à son équipe qu’elle serait en congé du 14 au 24 juin 2015. Un collègue à elle, un vérificateur, « D.G. », était disponible pour répondre aux questions des apprenants. Mme Therrien précisait dans son courriel toutefois que D.G. ne réviserait aucun dossier pendant cette période.

[75] Mme Therrien n’était donc pas au bureau pendant cette période.

[76] Le 12 juin 2015, la fonctionnaire a demandé deux dossiers supplémentaires.

[77] Le 15 juin 2015, la fonctionnaire a rendu visite à Mme St-Louis pour lui parler de ses difficultés au travail. Mme St-Louis a rédigé des notes à la suite de cette rencontre qu’elle a envoyées à Mme Therrien étant donné son rôle de chef d’équipe. Mme St-Louis a noté les sujets discutés et à aborder au retour du congé de Mme Therrien. Un des points concernait l’avoir net (lié à la méthode de vérification indirecte) et la capacité de la fonctionnaire de faire cette analyse. Mme St-Louis a eu l’impression que la fonctionnaire blâmait sa superviseure pour ses difficultés au travail.

[78] À ce sujet, Mme St-Louis a expliqué que l’équipe de gestion avait constaté, depuis la première évaluation effectuée après quatre mois, que la fonctionnaire faisait plutôt de la tenue de livre alors que le rôle d’un évaluateur est d’utiliser des méthodes indirectes afin de trouver des erreurs et de déterminer si les dépenses et entrées faites par le contribuable sont appropriées.

[79] Au sujet de sa rencontre avec Mme St-Louis, la fonctionnaire a indiqué qu’elle comprenait l’avoir net. La seule difficulté était que Mme Therrien n’avait pas eu le temps de vérifier son dossier.

[80] Le 16 juin 2015, la fonctionnaire a demandé à Mme Therrien par courriel où en était la correction de ses dossiers. Elle a précisé aussi qu’elle avait demandé le 22 mai 2015 un nouveau dossier.

[81] Mme Therrien a expliqué à l’audience qu’une procédure est suivie avant qu’un vérificateur ne se voit assigner un nouveau dossier. Ce n’est pas elle qui assigne les dossiers. En somme, une équipe spécifique de l’Agence a cette responsabilité spécifique et dispose de 10 jours ouvrables pour assigner un dossier à un employé. Cette équipe effectue une évaluation de la complexité des dossiers avant de les assigner aux employés appropriés.

[82] Il n’est pas clair si un nouveau dossier a été assigné à la fonctionnaire au début juin. Toutefois, Mme Therrien a corrigé le dossier sous étude de la fonctionnaire pendant son congé afin de le lui remettre dès son retour au bureau. Elle a expliqué qu’un délai régulier de trois ou quatre semaines s’écoule en général avant qu’un dossier corrigé ne soit remis à un apprenant étant donné le nombre élevé de dossiers traités chaque semaine. Mme Therrien a également expliqué qu’elle effectue plusieurs corrections des dossiers au cours de leur progression, et c’est pourquoi il y a beaucoup de dossiers à corriger. Par exemple, elle effectue une correction d’un dossier à l’étape de la planification, une autre correction à l’étape de l’énoncé du projet et une autre correction à l’étape de la finalisation de la cotisation.

[83] À son retour du congé le 25 juin 2015, Mme Therrien a donc informé la fonctionnaire qu’elle avait corrigé son dossier pendant son congé parce qu’elle commençait à prendre du retard dans sa correction. En faisant cette correction, Mme Therrien a été en mesure de vérifier si la qualité du travail de la fonctionnaire s’était améliorée depuis qu’elle avait reçu des formations supplémentaires en avril 2015. La tendance se poursuivait, elle avait de la difficulté à intégrer les notions enseignées.

[84] Mme Dubé, quant à elle, a expliqué que l’équipe de gestion avait ainsi pris connaissance au début du mois de juin du fait que la fonctionnaire avait un TDAH. Elle a exprimé qu’elle avait constaté dans son travail qu’une personne pouvait très bien exercer des fonctions de vérification même si elle avait un TDAH mais qu’il était important d’accommoder les besoins de la personne. L’équipe de gestion a donc souhaité offrir toute mesure d’adaptation nécessaire à la fonctionnaire.

[85] Toutefois, la fonctionnaire n’a pas fourni plus d’information à l’équipe de gestion à ce sujet, à part son souhait de travailler dans un endroit tranquille. L’équipe de gestion lui a donc offert un endroit de travail tranquille. N’ayant pas connaissance d’autres limitations fonctionnelles, l’équipe de gestion n’a pris aucune autre mesure. L’équipe a ainsi estimé que les diverses attentes de rendement communiquées aux apprenants, qui comprennent la capacité de travailler de façon efficace et autonome, s’appliquaient aussi à la fonctionnaire.

E. Dépôt du premier grief

[86] Le 23 juin 2015, la fonctionnaire a déposé un grief concernant son évaluation du rendement datée du 2 mai 2015 qui lui avait été communiquée le 2 juin 2015. Dans son grief, elle précisait ce qui suit sur son évaluation : « […] incomplète puisque l’employeur ne m’a pas fourni les moyens pour que j’atteigne les objectifs […] » Entre autres, elle demandait que l’employeur « […] prenne tous les moyens pour [qu’elle] atteigne les objectifs[,] mette en place des mesures d’adaptation […] [et] prolonge la période d’évaluation […] ».

F. Progression dans le stage

[87] Le 25 juin 2015, Mme Therrien, à la suite de sa correction d’une évaluation effectuée par la fonctionnaire, a demandé à cette dernière d’effectuer certaines corrections précisées dans le courriel.

[88] Mme Therrien a expliqué qu’à ce moment, en juin 2015, deux des quatre apprenants sous sa responsabilité avaient déjà complété sept à huit dossiers chacun de façon autonome. La fonctionnaire, cependant, n’avait pas progressé dans ses dossiers de cette façon. Son travail présentait des lacunes. Elle n’avait pas intégré la formation reçue et les consignes données. Elle répétait donc les mêmes erreurs en ce qui concerne l’application de la méthode de vérification indirecte du revenu. En somme, le travail effectué par la fonctionnaire s’apparentait à une tenue de livre comptable, ce qui n’était pas requis ou utile dans les circonstances.

[89] Le 26 juin 2015, Mme Therrien a accompagné la fonctionnaire chez un contribuable afin d’observer son travail dans le deuxième dossier qui lui avait été assigné. Mme Therrien a validé qu’avant d’entreprendre le trajet chez le contribuable avec la fonctionnaire, elle avait prévenu cette dernière de ne pas lui parler du grief.

[90] Selon la fonctionnaire, Mme Therrien lui avait dit, avant de partir, de ne pas lui parler du grief et qu’elle avait également considéré l’option de prendre deux voitures. Selon la fonctionnaire, cette riposte de Mme Therrien l’a mise mal à l’aise. Elles ont cependant choisi de faire le trajet dans la même voiture. Lors de la visite, la situation s’est envenimée. Les contribuables n’ont pas collaboré, ils ont été menaçants envers les deux représentantes de l’Agence et par conséquent, Mme Therrien n’a pu observer le travail de la fonctionnaire dans le cadre d’un rendez-vous initial chez un client. Mme Therrien a confirmé que jusque-là, elle n’avait jamais observé une telle animosité de la part de contribuables.

[91] La fonctionnaire a expliqué qu’elle avait été totalement secouée par l’agressivité des contribuables. Elle et Mme Therrien ont quitté les lieux de façon abrupte. Par la suite, la fonctionnaire s’est retrouvée dans un état de choc important. Elle était en état de choc et paralysée par la violence et l’animosité manifestées par les contribuables ce jour-là. Cet état a perduré.

[92] Cette journée, le 26 juin 2015, représente la dernière journée lors de laquelle la fonctionnaire était présente au travail. La fonctionnaire a laissé sa représentante syndicale, Mme Masse, s’occuper par la suite de son cas. Son médecin lui a diagnostiqué une dépression.

G. Premier certificat médical

[93] Le 3 juillet 2015, la fonctionnaire a fourni à l’employeur un certificat médical daté du 17 juin 2015. Ce certificat recommandait simplement quatre mesures d’adaptation sans préciser la nature des limitations ou restrictions de la fonctionnaire si elle en avait.

[94] Mme St‑Louis a témoigné que cette note lui semblait étonnante puisque les mesures d’adaptation étaient inhabituelles. Les mesures d’adaptation recommandées reflétaient les mesures correctives qu’elle demandait dans son grief du 23 juin 2015 déposé pour contester son évaluation du rendement. Les mesures demandées étaient les suivantes : 1) prendre des dispositions pour que l’employée obtienne le support prévu par l’atteinte de ses objectifs; 2) fournir des directives claires et précises; 3) donner une rétroaction au fur et à mesure pour que l’employée puisse faire les corrections; 4) fournir un milieu de travail avec moins de stimulations afin d’augmenter sa concentration.

[95] Mme St-Louis a témoigné que ces éléments, à part le dernier, étaient tous appliqués dans le cadre du programme de stages des apprenants. La formation offerte aux apprenants, le mentorat, la correction de leurs dossiers, la guidance, tout cela constituait l’appui régulier offert aux apprenants pendant le stage. Par la suite, les apprenants devaient satisfaire aux objectifs du programme. Enfin, relativement au quatrième élément, l’employeur avait déjà offert à la fonctionnaire un emplacement de travail tranquille.

[96] À cause de la nature inhabituelle du certificat médical, Mme St-Louis a jugé opportun de vérifier l’authenticité de celui-ci. Le 6 juillet 2015, le médecin de la fonctionnaire a confirmé l’authenticité du certificat.

[97] Mme Dubé a insisté que l’équipe de gestion n’avait jamais obtenu de limitations fonctionnelles de la part du médecin de la fonctionnaire. Mme Dubé a pris connaissance du certificat médical reçu le 3 juillet 2015. Selon elle, ce certificat ne comportait pas de limitations fonctionnelles. Toutes les mesures demandées dans la note étaient des mesures qui étaient déjà en place dans le programme, sauf le dernier élément (travailler dans un endroit tranquille).

H. Deuxième certificat médical et demande de prolongation du stage

[98] Le 7 juillet 2015, la fonctionnaire a obtenu un certificat médical de son médecin qui lui prescrivait un « [c]ongé médical [à] réévaluer le 10 août [20]15 ».

[99] Le 14 juillet 2015, la représentante syndicale de la fonctionnaire, Mme Masse, a demandé, au nom de la fonctionnaire, une prolongation de la période de stage compte tenu de son absence imprévue pour une raison médicale.

[100] Mme Dubé, qui est la directrice du Bureau des services fiscaux du Centre-et-Sud du Québec, a été consultée dans le présent dossier lorsqu’est venu le temps de décider si l’employeur souhaitait prolonger ou non le stage de la fonctionnaire. Mme Dubé a sous sa responsabilité environ 500 employés. C’est elle qui est consultée au sujet de la décision d’embaucher ou de renvoyer les fonctionnaires en période de stage.

[101] Mme Dubé a expliqué qu’elle a finalement décidé de ne pas prolonger le stage. Elle a expliqué qu’après avoir discuté de la question avec Mme St-Louis, Mme Therrien et un représentant des Relations de travail, l’équipe de gestion avait décidé que l’employeur avait bénéficié de suffisamment de temps, en l’occurrence 10 mois, pour évaluer le rendement de la fonctionnaire dans le cadre de son stage.

[102] Elle a ajouté que le programme de stage intégrait une formation et une procédure d’évaluation des compétences des apprenants. Dans le déroulement de la procédure, l’équipe de gestion estimait que les 10 mois de travail de la fonctionnaire constituaient une période de pratique professionnelle raisonnable, laquelle avait permis de vérifier ses compétences. Les évaluations effectuées aux termes des 4 et 8 mois de travail démontraient déjà clairement que la fonctionnaire ne détenait pas les compétences attendues d’un vérificateur. L’équipe de gestion estimait donc qu’il n’était pas nécessaire de prolonger la période de stage pour permettre que l’évaluation initialement prévue après 11 mois de travail soit effectuée. Selon l’équipe de gestion, une prolongation de la période de stage n’aurait rien changé, les lacunes identifiées lors de chaque évaluation démontraient que la fonctionnaire ne détenait pas les compétences attendues d’un vérificateur.

[103] Le 17 juillet 2015, Mme Dubé a donc informé Mme Masse qu’après vérification, elle souhaitait l’informer que l’employeur ne prolongerait pas la période de stage probatoire de la fonctionnaire. Bien que la fonctionnaire eût estimé qu’une période de stage probatoire est automatiquement prolongée pendant un congé de maladie, après vérification, Mme Dubé l’informait que cela n’était pas le cas. L’employeur exerce une discrétion à ce sujet.

[104] Mme St-Louis, quant à elle, a expliqué qu’elle avait recommandé que la période de probation de la fonctionnaire ne soit pas prolongée puisqu’elle était de l’avis que plusieurs tentatives avaient été faites pour l’aider dans l’accomplissement de ses tâches. Sa chef d’équipe, Mme Therrien, l’avait régulièrement aidée. De plus, une personne de l’équipe du programme (« CP ») lui avait présenté de nouveau le contenu d’enseignements passés pour l’aider. De même, une collègue, VQ, lui avait aussi présenté de nouveau le contenu d’enseignements passés. Or, toute l’assistance personnalisée n’avait pas porté ses fruits auprès de la fonctionnaire.

[105] Selon Mme St-Louis, la problématique était que la fonctionnaire n’intégrait pas la différence entre une vérification comptable et une vérification fiscale. L’objectif de son travail n’était pas de faire la liste de toutes les factures d’un contribuable lors d’une vérification, mais bien d’utiliser la méthode de vérification indirecte du revenu pour déceler les revenus non déclarés. Malgré les efforts déployés pour l’aider, l’employeur n’avait pas noté chez la fonctionnaire la capacité ou le potentiel d’effectuer ce travail. Ainsi, une prolongation du stage ne donnerait rien de plus, selon l’équipe de gestion. Selon Mme St-Louis, l’employeur possédait tous les éléments requis pour prendre une décision informée au sujet du stage.

I. Renvoi en période de stage

[106] Mme St-Louis a expliqué qu’elle avait la responsabilité de présenter une recommandation à Mme Dubé au sujet de l’embauche ou du renvoi des stagiaires en période de stage selon leur rendement. Dans le cas des stagiaires sous la responsabilité de Mme Therrien, Mme St-Louis avait régulièrement échangé avec cette dernière au sujet de leur rendement. Mme St-Louis a recommandé à Mme Dubé que la fonctionnaire ne soit pas embauchée.

[107] Mme Dubé a expliqué qu’elle était d’accord avec cette recommandation pour les raisons suivantes : elle a estimé que la période de 10 mois d’observation du rendement de la fonctionnaire lui permettait de prendre une décision éclairée au sujet de ses compétences comme vérificatrice dans le cadre de son stage; elle s’était familiarisée avec la synthèse préparée par Mme St-Louis et le rapport d’évaluation marquant les huit mois d’emploi de la fonctionnaire (daté du 2 juin).

[108] Selon Mme Dubé, la problématique notée au sujet de ses compétences était sérieuse. Elle a expliqué que le travail de l’apprenant nécessite que ce dernier effectue un raisonnement analytique afin de comprendre une situation en la réduisant à ses plus simples éléments et en déterminant les conséquences, les questions ou les problèmes en procédant par étapes. Toutefois, la fonctionnaire faisait beaucoup de travail inutile dans ses dossiers. Ainsi, elle avait de la difficulté à mener à terme ses vérifications.

[109] En particulier, elle ne maîtrisait pas la notion de l’avoir net. Or, un vérificateur doit être capable d’assimiler les notions qui sont importantes dans son travail. De plus, étant donné les constants changements législatifs, les vérificateurs doivent être capables d’assimiler de nouvelles données rapidement, à défaut de quoi leur travail sera truffé d’erreurs.

[110] En somme, la planification des vérifications de la fonctionnaire laissait à désirer, de même que son raisonnement analytique et sa compréhension des règles à suivre. Malgré les rappels à cet effet, le jumelage et la formation supplémentaire offerte, elle ne retenait pas les informations importantes et ne démontrait pas les compétences que le vérificateur doit détenir.

[111] Dans tous les cas, a expliqué Mme Dubé, une décision devait être prise avant l’expiration de la période probatoire de 12 mois. Étant donné le rendement insatisfaisant de la fonctionnaire après 10 mois de travail, Mme Dubé a décidé que le renvoi de la fonctionnaire était la décision à prendre. Elle n’a pas pris en considération le fait que la fonctionnaire avait un TDAH. Sa décision était uniquement basée sur son rendement insatisfaisant.

[112] Dans une lettre datée du 24 juillet 2015, la fonctionnaire a donc été informée qu’elle était renvoyée en période de stage en raison de son rendement insatisfaisant. La date de prise d’effet de ce renvoi était le 7 août 2015 à la fin de son horaire de travail. Cette lettre était signée par le directeur par intérim du Bureau des services fiscaux du Centre-et-Sud-du-Québec, le remplaçant de Mme Dubé à ce moment-là, étant donné qu’elle était en congé. Mme Dubé a expliqué qu’elle avait elle-même pris la décision de renvoyer la fonctionnaire. Toutefois, étant donné son absence, son remplaçant a signé la lettre de renvoi.

J. Les deux griefs suivants

[113] Le 14 août 2015, la fonctionnaire a déposé deux autres griefs, l’un à l’encontre de la décision de ne pas prolonger sa période de stage et l’un à l’encontre de la décision de la renvoyer en période de stage. Dans ces deux griefs, la fonctionnaire a allégué un motif de discrimination.

[114] Le 27 juillet 2016, les deux griefs, ainsi que le grief déposé le 23 juin 2015, ont été rejetés au palier final de la procédure de règlement des griefs.

[115] La fonctionnaire, représentée par son syndicat, a renvoyé les trois griefs à l’arbitrage le 27 septembre 2016.

K. Le troisième certificat médical

[116] La fonctionnaire a obtenu un certificat médical daté du 5 août 2015. Ce certificat apporte une clarification au sujet du certificat médical du 7 juillet 2015. Le 7 juillet 2015, le médecin notait avoir recommandé un congé médical à partir du 7 juillet et une réévaluation le 10 août. En date du 5 août, le médecin a recommandé un congé médical pour une période indéterminée.

IV. Résumé de l’argumentation

[117] Les parties ont demandé à la Commission la permission de ne pas aborder les questions de réparation et d’application des mesures d’atténuation lors de cette audience. Elles ont demandé qu’une prorogation soit accordée à cette fin, si nécessaire. J’ai accédé à cette demande.

A. Pour l’employeur

[118] L’employeur a d’abord abordé la question du renvoi en période de stage, qui inclut aussi une allégation de discrimination. Il a ensuite abordé les questions de discrimination supplémentaires concernant l’évaluation du 2 juin 2015 de la fonctionnaire et la décision de ne pas prolonger son stage.

[119] L’employeur a fait valoir qu’une période de stage permet à l’employeur d’évaluer si un employé possède les aptitudes requises pour occuper le poste visé. Il a porté à mon attention trois décisions à ce sujet : Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, au par. 34 (« Kagimbi (CF) ») (confirmée par Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 74); Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, aux paragraphes 107 et 109; Wrobel c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2021 CRTESPF 14, au par. 98. J’ai révisé ces décisions et les suivantes qui ont été portées à mon attention.

[120] L’employeur a fait valoir que la Commission a une compétence limitée sur les renvois en période de stage. Tant que l’employeur établit un motif légitime lié à l’emploi pour renvoyer un employé, un arbitre de grief ne peut intervenir. À ce sujet, il a porté à mon attention les décisions suivantes : Kagimbi (CF), au par. 32; Lavoie c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 124, au par. 89; Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145, au par. 129.

[121] L’employeur a fait valoir qu’il a présenté des éléments de preuve, dont des témoignages clairs de Mmes St-Louis et Therrien, qui démontrent de manière convaincante qu’il a mis fin au stage de la fonctionnaire en raison de lacunes importantes dans son rendement. L’employeur n’était pas satisfait de son travail. La fonctionnaire commettait des erreurs au niveau de la précision des données financières et elle ne comprenait pas le processus d’analyse nécessaire au travail d’un vérificateur.

[122] Par ailleurs, selon lui, la fonctionnaire ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que sa condition de TDAH constituait un motif de renvoi en période de stage.

[123] L’employeur a précisé que la fonctionnaire avait été embauchée dans le cadre d’un programme d’apprenants en vérification. Elle était soumise à une période de stage dans son travail. Plusieurs personnes lui ont fourni une formation et une assistance, dont Mmes Bourgeois et Therrien. Ces témoins ont expliqué que la fonctionnaire avait reçu une formation approfondie sous la forme de cours en classe pendant plusieurs semaines au début du programme. Il s’agissait d’une formation étendue sur plusieurs mois au cours desquels différents enseignants lui ont enseigné les différents aspects de son travail. Mme Bourgeois a rempli, quant à elle, un rôle de mentor auprès de la fonctionnaire. Mme Therrien a aussi rempli le rôle de surveillante et d’accompagnatrice de la fonctionnaire.

[124] Le 19 novembre 2014, Mme Therrien lui a expliqué les attentes de rendement dans le programme. Ces attentes de rendement ont été déposées en preuve. Le 16 janvier 2015, la fonctionnaire a reçu sa première évaluation. Les réussites et lacunes dans son travail étaient identifiées. Le 8 avril 2015, dans son auto-évaluation, la fonctionnaire s’est aussi dit satisfaite de l’appui et de l’encadrement qu’elle recevait de ses pairs. Étant donné ses difficultés dans l’exécution de ses tâches, la fonctionnaire a reçu une formation supplémentaire les 16 et 28 avril 2015. Le 2 juin 2015, Mme Therrien a remis à la fonctionnaire une évaluation du rendement. Cette évaluation notait les lacunes dans son travail ainsi que le fait qu’elle accusait du retard dans ses dossiers.

[125] L’employeur a précisé que, le 3 juin 2015, la fonctionnaire a informé Mme Therrien pour la première fois qu’elle était atteinte d’un TDAH. Elle lui a dit que le fait de travailler dans un endroit plus calme pourrait possiblement l’aider. Mme Therrien lui a donc proposé de déplacer son poste de travail dans un endroit plus calme, ce à quoi la fonctionnaire a acquiescé. Le 4 juin 2015, on a déplacé la fonctionnaire dans un environnement plus calme.

[126] L’employeur a précisé qu’il avait aussi demandé à la fonctionnaire, à ce moment-là, la permission de communiquer avec son médecin traitant afin d’évaluer si des mesures d’adaptation supplémentaires étaient nécessaires. La fonctionnaire avait répondu qu’elle ne pensait pas que son TDAH l’empêchait d’exécuter ses tâches et qu’elle ne croyait pas que son médecin limiterait les tâches de vérification qu’elle pouvait accomplir.

[127] Le 23 juin 2015, la fonctionnaire a déposé un grief contestant son évaluation du rendement du 2 juin 2015. Sa dernière journée au travail a été le 26 juin 2015.

[128] L’employeur a précisé que Mme Therrien avait régulièrement donné des conseils à la fonctionnaire par rapport à son travail de vérification et corrigé son travail de vérification. Les rapports déposés en preuve démontrent que les plans de travail préparés par la fonctionnaire faisaient régulièrement l’objet de commentaires et de conseils.

[129] Le 3 juillet 2015, l’employeur a reçu un certificat médical suggérant que la fonctionnaire avait droit à un traitement spécial à cause de son TDAH et que quatre mesures d’adaptation pouvaient être prises.

[130] L’employeur estimait que ces quatre mesures avaient déjà été offertes à la fonctionnaire.

[131] Le 24 juillet 2015, l’employeur a remis la lettre de renvoi à la fonctionnaire.

[132] Le 14 août 2015, la fonctionnaire a déposé ses deux autres griefs afin de contester un refus de prolonger sa période de probation et la décision de mettre fin à son emploi.

[133] L’employeur a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence sur les seules questions de l’évaluation du rendement ou de ne pas prolonger sa période de probation. Cependant, parce qu’elle allègue qu’il y a eu discrimination pendant la période de probation, la Commission peut examiner la question de savoir si l’employeur a agi de mauvaise foi et si un motif de discrimination était à la source de l’évaluation du rendement en partie négative ou à la source de la décision de ne pas prolonger son stage.

[134] Plus précisément, l’employeur a fait valoir que, dans le cadre d’un renvoi en période de stage, la compétence de la Commission se limite à examiner si le renvoi en période de stage constituait un subterfuge ou un camouflage, ou a été fait de mauvaise foi ou de façon discriminatoire. Toutefois, la Commission ne peut pas procéder à un examen du mérite du renvoi.

[135] L’employeur a ajouté que le programme pour les apprenants constituait un tout. Dans le cadre de ce programme, l’évaluation du rendement, le refus de prolonger la période de stage et le renvoi en période de stage sont liés. De plus, un événement a mené à l’autre et le tout constitue une suite logique des choses. Ainsi, une décision a entraîné une autre décision, et ainsi de suite. En somme, selon l’employeur, il y a trois questions en litige à trancher dans le présent cas. Ces trois questions sont les suivantes :

1) Un motif de discrimination est-il l’un des facteurs ayant mené à la décision du 2 juin 2015 que la fonctionnaire ne satisfaisait qu’en partie aux attentes du programme?

2) Un motif de discrimination est-il l’un des facteurs ayant mené à la décision de ne pas prolonger sa période de stage?

3) L’employeur a-t-il mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour des motifs liés à son emploi ou la fonctionnaire a-t-elle démontré qu’il s’agissait d’une discrimination, de mauvaise foi, de camouflage ou d’un subterfuge?

 

[136] Il a fait valoir qu’en ce qui concerne la troisième question, l’employeur doit, de prime abord, établir que le renvoi était lié à l’emploi et non à un autre motif. Il a fait valoir qu’il avait satisfait aux quatre éléments liés à la condition de probation suivants :

1) que la fonctionnaire était en probation;

2) que la période de probation était toujours en vigueur au moment du licenciement;

3) que la fonctionnaire a reçu un préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis;

4) que la fonctionnaire a reçu une lettre indiquant les raisons pour lesquelles elle avait été renvoyée en période de probation.

 

[137] Ensuite, il a fait valoir que la fonctionnaire avait le fardeau de la preuve et devait démontrer que la décision était un subterfuge, un camouflage, qu’elle était prise de mauvaise foi ou fondée sur un motif de discrimination.

[138] À ce sujet, il a porté à mon attention les décisions suivantes : Currie c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 10, aux paragraphes 47 à 49; Kirlew c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 28, au par. 130; Malik c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 64, aux paragraphes 121 et 122; Wrobel, au par. 96; Kagimbi (CF), au par. 29.

[139] Il a fait valoir que la preuve de camouflage, de subterfuge ou de mauvaise foi doit être réelle (voir Kirlew, au par. 133). La bonne foi est toujours présumée en premier (voir Lavoie, au par. 88 et Tello, au par. 127).

[140] Selon l’employeur, afin de pouvoir conclure que la discrimination était un facteur dans sa décision, la fonctionnaire doit établir une preuve prima facie de discrimination, c’est-à-dire une preuve qui porte sur les allégations, et que si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en sa faveur en l’absence d’une réplique de l’employeur. Il a précisé que la Commission avait jugé que trois critères devaient être démontrés à cette fin : 1) que la personne possède une caractéristique constituant un motif de discrimination illicite prévu dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP); 2) que la personne a subi un traitement préjudiciable; 3) qu’il existait un lien entre ces deux éléments (voir Kirlew, aux paragraphes 131 et 141 et Wrobel, au par. 107).

[141] L’employeur a fait valoir qu’il avait démontré que sa décision de renvoyer la fonctionnaire était fondée sur un motif lié à l’emploi. Il a précisé que Mme St-Louis avait expliqué que la fonctionnaire ne se mettait pas dans la peau d’un vérificateur et qu’elle faisait plutôt de la tenue de livre. Mme Therrien a confirmé cela en ajoutant que la fonctionnaire commettait les mêmes erreurs de façon répétitive plutôt que des analyses. Vers la mi-avril, Mme Therrien a commencé à avoir des inquiétudes au sujet de son rendement et c’est pourquoi elle lui a offert des formations supplémentaires avec VQ. Il a été démontré que la fonctionnaire avait aussi des outils ou des solutions à sa disposition, y compris le manuel de formation et l’option de poser des questions à ses collègues. Les objectifs de formation et de rendement lui avaient clairement été communiqués en novembre, et l’une des attentes était que l’apprenant complète la vérification de trois dossiers de façon autonome. La fonctionnaire n’a pas réussi à satisfaire à cet objectif. De plus, il était clair qu’elle n’était pas en voie de satisfaire à cet objectif dans l’intervalle de deux mois (la période qu’il restait au stage avant son départ en congé de maladie).

[142] Mme Dubé a expliqué qu’elle avait pris la décision de renvoyer la fonctionnaire après avoir pris en considération ses évaluations répertoriées et après avoir eu des discussions avec son équipe de gestion. Elle avait suffisamment d’éléments pour conclure que son rendement n’était pas suffisant et qu’elle ne serait pas en mesure de renverser la tendance dans un intervalle de deux mois. Selon elle, les évaluations démontraient qu’elle n’était pas en mesure d’intégrer les notions enseignées depuis 10 mois. Elle avait constaté les mêmes lacunes dans son rendement depuis le mois de janvier. Sa difficulté à comprendre et à accomplir le travail à effectuer était problématique étant donné les constants changements apportés aux politiques, aux règlements et à la LIR.

[143] Selon l’employeur, Mme Dubé a expliqué que la condition de TDAH de la fonctionnaire n’avait pas eu d’impact sur sa décision puisque le certificat médical qui avait été reçu recommandait certaines mesures d’adaptation, mais qu’il n’indiquait aucune limitation au niveau de son travail. De plus, les trois premières mesures d’adaptation demandées étaient déjà en place depuis le début de son stage et la quatrième l’était depuis le 4 juin 2015, date à laquelle son poste de travail avait été relocalisé. Donc, son évaluation était appropriée et juste. L’employeur a fait valoir que la preuve démontre clairement que ses quatre témoins avaient des préoccupations légitimes au sujet du travail de la fonctionnaire et que le TDAH de cette dernière n’était pas un facteur.

[144] L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire ne s’était pas acquittée de son fardeau de la preuve. Elle n’a pas démontré l’existence d’un subterfuge, de camouflage, de mauvaise foi ou de discrimination. Elle n’a pas fait une preuve prima facie de discrimination. Selon lui, les allégations de discrimination ne sont pas crédibles, elles ont été faites tardivement, lorsque la fonctionnaire a constaté qu’elle pouvait perdre son emploi.

[145] En fait, lors de son embauche, elle avait été invitée à faire part à l’employeur de toutes mesures d’adaptation nécessaires. Elle n’a fait mention de rien. Plus tard, malgré ses difficultés à comprendre une méthode principale d’évaluation, elle n’a pas fait mention de son TDAH. Ce n’est que lorsqu’elle a constaté qu’il était possible qu’elle perde son emploi dans le cadre de son évaluation qu’elle a soulevé sa déficience. Le 2 juin 2015, l’employeur ne connaissait pas la déficience de la fonctionnaire. Aucun lien ne peut ainsi être fait entre sa condition et l’évaluation.

[146] L’employeur a précisé qu’un TDAH n’est pas visible. Il doit en être informé pour en être au courant. Or, dans le présent cas, lorsque la fonctionnaire a dévoilé son TDAH, elle a aussi informé l’employeur qu’elle ne croyait pas que sa condition avait des répercussions sur son rendement. À l’audience, la fonctionnaire a aussi affirmé qu’elle ne croyait pas que son TDAH avait eu des répercussions sur ses études universitaires.

[147] Dans les circonstances, comme aucune limitation n’a été identifiée dans le certificat médical au sujet de l’exécution du travail de la fonctionnaire, et que selon cette dernière, son TDAH n’affectait pas sa capacité d’effectuer son travail, l’employeur a fait valoir qu’il était en mesure d’évaluer de façon juste les aptitudes de la fonctionnaire.

[148] L’employeur a aussi précisé qu’il existe des contradictions dans les témoignages présentés à l’audience. Il a fait valoir que la Commission doit évaluer la crédibilité des témoins et que le critère applicable est celui énoncé dans Faryna v. Chorny, 1951 CanLII 252 (C.A. C.-B.), qui est énoncé au paragraphe 137 de Souaker. Ainsi, le témoignage retenu doit être celui qui est le plus compatible avec la prépondérance des probabilités et « […] qu’une personne pratique et bien renseignée reconnaîtrait aisément comme raisonnable dans ce lieu et dans ces conditions […] ».

[149] Ici, selon l’employeur, il y a quatre contradictions entre les témoignages devant la Commission.

[150] La première contradiction porte sur les témoignages qui varient au sujet de l’utilisation du logiciel SVP Win. Selon l’employeur, tant Mme Therrien que Mme Bourgeois ont affirmé que la fonctionnaire n’utilisait pas le logiciel. La fonctionnaire a dit le contraire. Selon l’employeur, les témoignages des témoins de l’employeur sont plus crédibles. En particulier, Mme Bourgeois n’a aucune motivation à mentir, l’issue de la question n’a aucune répercussion sur elle. Selon l’employeur, les témoins ont expliqué que l’utilisation du logiciel limitait le nombre d’erreurs dans les dossiers. C’était pourquoi l’employeur estimait important que les vérificateurs l’utilisent et il était contreproductif que la fonctionnaire ne l’utilise pas.

[151] La deuxième contradiction porte sur les aide-mémoire préparés par Mme Therrien, décrits par la fonctionnaire comme ses propres aide-mémoire. Selon l’employeur, les documents indiquent d’eux-mêmes qu’ils contiennent les recommandations et questions de Mme Therrien au sujet du travail de la fonctionnaire.

[152] La troisième contradiction porte sur les méthodes de travail de la fonctionnaire. Cette dernière a affirmé qu’elle avait été informée qu’elle pouvait utiliser la méthode de travail qu’elle préférait. Mme Therrien a cependant affirmé que la fonctionnaire ne comprenait pas la méthode du tableau croisé dynamique et l’avoir net, et que son travail nécessitait l’utilisation de cette méthode. Selon Mme Therrien, cette méthode était préférée à des fins d’uniformité. Cette méthode devrait être utilisée puisque l’employeur a le droit d’établir les méthodes de travail requises pour une tâche.

[153] La quatrième contradiction concerne l’échange entre la fonctionnaire et Mme Therrien après le dépôt de son premier grief. Selon l’employeur, la Commission doit se demander si, lors de cet échange, Mme Therrien a riposté à la fonctionnaire de façon à la mettre mal à l’aise. Selon l’employeur, ce n’était pas le cas. Immédiatement après, la fonctionnaire et Mme Therrien ont convenu de se rendre ensemble dans la même voiture chez un contribuable, et les deux s’y sont rendues ensemble. De plus, selon l’employeur, le dépôt d’un grief fait partie d’un cadre de travail normal dans la fonction publique.

[154] Concernant sa décision de refuser de prolonger la période de stage, l’employeur a fait valoir que la fonctionnaire n’avait pas prouvé que sa condition de TDAH avait joué un rôle dans cette décision. Il a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence en ce qui a trait à la gestion du processus de stage (voir Malik, au par. 123). L’employeur a fait valoir qu’il n’avait aucune obligation de prolonger la période de stage s’il estimait qu’il avait suffisamment d’information pour évaluer les compétences de la fonctionnaire (voir Souaker, au par. 153).

[155] Selon l’employeur, l’équipe de gestion a expliqué pourquoi, après 10 mois d’emploi, c’est-à-dire à la fin juin 2015, elle était en mesure de déterminer que la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux objectifs de son poste dans le programme.

[156] Subsidiairement, l’employeur a fait valoir qu’il n’avait commis aucune discrimination et qu’il avait rempli son obligation de prendre des mesures d’adaptation. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est ni absolue ni illimitée. L’employé doit faire sa part dans la recherche d’un compromis raisonnable (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, aux paragraphes 22 et 38).

[157] Le certificat médical du 17 juin 2015 recommandait quatre mesures d’adaptation. Trois des mesures ont été offertes à la fonctionnaire dès son arrivée et pendant toute la période de sa probation. La preuve documentaire le démontre. De plus, son médecin n’avait identifié aucune limitation concernant les tâches qu’elle pouvait effectuer. Puis, la quatrième mesure a été mise en place dès que la fonctionnaire en a parlé – et avant que le certificat médical ne le demande. Son poste de travail a été relocalisé dans un endroit plus calme. Or, la fonctionnaire n’a pas expliqué pourquoi sa liste de mesures d’adaptation n’avait pas été fournie plus tôt (voir Currie, aux paragraphes 23 et 56).

[158] L’employeur a fait valoir que ses témoins avaient expliqué que, malgré la relocalisation du poste de travail de la fonctionnaire, l’équipe de gestion n’avait pas constaté d’amélioration dans son rendement dans le mois qui a suivi.

[159] L’employeur estime donc qu’il a rempli son obligation d’offrir des mesures d’adaptation à la fonctionnaire. Malgré ces mesures en place, la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux objectifs de rendement, et il était clair qu’elle ne serait pas en mesure de les satisfaire dans la période qu’il restait au stage. Il a donc choisi de mettre fin à son emploi en période de stage.

[160] Ainsi, l’employeur a fait valoir qu’il avait établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour des raisons liées uniquement à l’emploi. Selon lui, la fonctionnaire ne s’est pas acquittée de son fardeau. Elle n’a pas démontré un lien entre sa condition et son évaluation du rendement et la décision de la renvoyer en période de stage.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[161] La fonctionnaire a précisé être en accord avec les questions en litige présentées par l’employeur et les divers fardeaux de la preuve applicables déjà présentés. Elle ne conteste pas que la Commission a une compétence limitée sur les renvois en période de stage.

[162] Les trois griefs ont une allégation de discrimination et le dernier grief conteste le renvoi en période de stage. La fonctionnaire a choisi d’aborder toutes les questions ensemble (l’évaluation du rendement du 2 juin, le refus de prolonger la période de stage et le renvoi en période de stage) puisque l’évaluation du 2 juin a déclenché les décisions suivantes.

[163] La fonctionnaire a aussi porté à mon attention l’article 19 de sa convention collective qui vise l’élimination de la discrimination.

[164] Elle a de même porté à mon attention la décision Reeves c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 61, aux paragraphes 171 à 174 et 194. Dans cette décision, la Commission a conclu que l’employeur n’avait pas donné d’explication raisonnable pour le mauvais traitement subi par le fonctionnaire s’estimant lésé. Les motifs indiqués dans la lettre de renvoi en période de stage n’étaient pas suffisants pour justifier la décision qui y figurait, étant donné que la période d’apprentissage n’était pas terminée, que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé était en fait en train de s’améliorer, et qu’un autre apprenti avait eu le droit de passer un examen pertinent une deuxième fois. La Commission, dans cette décision, a aussi conclu à l’existence d’une discrimination, plus précisément, que la discrimination raciale avait dû au moins être un facteur pour construire une image aussi négative du fonctionnaire s’estimant lésé. La Commission avait constaté l’absence d’explication pour les actes de l’employeur et l’animosité évidente de certains gestionnaires. Elle avait ajouté que l’employeur n’aurait pas dû mettre fin à la période de stage du fonctionnaire s’estimant lésé avant la date prévue initiale, et il n’aurait pas dû lui refuser la possibilité de réessayer l’examen pertinent une deuxième fois.

[165] Selon la fonctionnaire, les faits dans le présent cas s’apparentent à ceux dans Reeves. Selon elle, il n’y avait aucune raison liée à l’emploi pour la renvoyer en période de stage. Elle m’a renvoyée au critère qui est résumé au paragraphe 174 de Reeves, qui se lit comme suit : « Par conséquent, la question en litige est de savoir si le renvoi du fonctionnaire en période de stage était lié à l’emploi. » Dans cette affaire, la Commission a aussi énoncé au paragraphe 172 ce qui suit : « Je conclus qu’il est approprié que je sois saisie du présent grief dans la mesure où son motif est la dérogation à l’article 19 de la convention collective, l’article sur l’élimination de la discrimination. »

[166] Pour appuyer son argument qu’il est approprié que la Commission soit saisie du présent grief dans la mesure où son motif est la dérogation à l’article 19 de la convention collective, l’article sur l’élimination de la discrimination, la fonctionnaire a aussi porté à mon attention la décision Souaker. Dans cette décision, la Commission a conclu qu’elle avait compétence pour disposer du grief de M. Souaker et que son grief avait été valablement renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTSPF.

[167] La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur avait décidé de la licencier pour les motifs précisés dans la lettre du 24 juillet 2015. Or, elle a fait valoir que même si la Commission concluait que ces motifs satisfaisaient aux critères énoncés dans Tello et, à ce titre, permettent de s’acquitter du fardeau principal, soit de prouver que la décision de licencier la fonctionnaire se fondait sur des motifs liés à l’emploi, cela ne met pas fin à l’examen de la question. Il reste à décider s’il y a eu mauvaise foi.

[168] Elle a fait valoir que le licenciement n’avait pas été fait pour un motif légitime lié à l’emploi, mais bien de mauvaise foi. Elle a fait valoir que cette conclusion découle des observations suivantes.

[169] Premièrement, elle a noté que l’évaluation du 2 juin 2015 était tardive puisqu’elle couvrait la période se terminant le 2 mai 2015. La période de probation initiale de 12 mois a donc été réduite ici d’un mois, ce qui est une période significative sur 12 mois. Ce retard a fait en sorte que l’employeur n’a pas laissé suffisamment de temps à la fonctionnaire pour satisfaire aux exigences du programme. De façon semblable, l’évaluation du 2 janvier 2015 remise le 10 janvier, a aussi enlevé une semaine à la fonctionnaire pour s’améliorer.

[170] Deuxièmement, elle a noté que l’employeur ne lui avait pas fourni les moyens pour atteindre les objectifs du programme. Dans une évaluation, l’employeur a écrit que le travail effectué par la fonctionnaire s’apparentait à une tenue de livre comptable, ce qui n’était pas requis ou utile en vérification. Or, elle a fait valoir qu’il y avait eu un manquement au niveau de l’encadrement et du soutien qu’elle avait reçu. Sa description de travail précisait que l’apprenant devait se référer à son guide et qu’un soutien lui serait offert. Cependant, sa mentore, Mme Bourgeois, n’était pas souvent au bureau, puisqu’elle effectuait souvent des vérifications sur la route.

[171] Mme Therrien était aussi très occupée et ne disposait pas de temps pour la guider. Ainsi, la fonctionnaire n’a pas bénéficié d’un soutien et d’un suivi. L’équipe de gestion ne s’est pas assurée qu’elle était sur la bonne voie. Elle a été laissée à elle-même.

[172] Pour appuyer son allégation que l’employeur ne lui avait pas fourni les moyens pour atteindre ses objectifs, la fonctionnaire a aussi fait valoir que ses notes aux dossiers incluses dans les formulaires T2020 remplis pour chaque dossier énumèrent chaque action qu’elle a prise dans chaque dossier. Elle a fait valoir que ces documents ne prouvent pas qu’elle a reçu un soutien régulier de sa superviseure. Elle a noté que, bien que l’employeur a fait valoir que ces notes précisent toutes les fois qu’elle a consulté sa superviseure, ces notes ne prouvent pas que Mme Therrien l’a conseillée tout au long de ses vérifications. Plutôt, ces notes indiquent simplement qu’elle a présenté chaque correspondance à sa superviseure avant de l’envoyer aux différents contribuables.

[173] Pour appuyer davantage son allégation que l’employeur ne lui a pas fourni les moyens pour atteindre ses objectifs, la fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait demandé l’assistance d’un autre mentor que Mme Bourgeois, parce qu’elle estimait qu’elle ne recevait pas autant d’aide que les autres apprenants. Par exemple, la fonctionnaire a expliqué qu’un autre mentor lui aurait conseillé de renvoyer des documents non ordonnés au contribuable plutôt que d’essayer de les comprendre. Or, Mme Bourgeois ne lui a pas fait cette suggestion.

[174] Troisièmement, au sujet de la méthode de travail exigée par l’employeur, la fonctionnaire a fait valoir que le tableau croisé dynamique était une nouvelle méthode de travail utilisée par les nouveaux vérificateurs, et que cette méthode n’était pas utilisée encore par les vérificateurs plus expérimentés. Or, lorsqu’elle a travaillé dans les dossiers de Mme Bourgeois, elle a dû utiliser l’ancienne méthode que Mme Bourgeois utilisait puisque ce n’est que plus tard que Mme Bourgeois a reçu la formation à ce sujet. La fonctionnaire avait reçu l’instruction qu’elle pouvait utiliser la méthode de travail qu’elle préférait dans ses propres dossiers.

[175] Quatrièmement, la fonctionnaire a fait valoir que l’employeur avait tardé à lui offrir une supervision adéquate. Elle a fait valoir que le témoignage de Mme Therrien confirmait ceci. Plus précisément, Mme Therrien, dans son témoignage, a affirmé que ce n’était qu’au mois d’avril, soit au septième mois de la période de stage, qu’elle avait commencé à avoir des inquiétudes au sujet du rendement de la fonctionnaire.

[176] Ceci démontre, selon la fonctionnaire, qu’elle n’a pas reçu une supervision adéquate. Si elle avait été encadrée de façon appropriée, ses difficultés (qu’elle ne conteste pas) auraient été cernées plus tôt. Elle a ajouté que ce n’est que les 16 avril et 28 avril qu’elle a reçu des formations supplémentaires au sujet de la méthode du tableau croisé dynamique et de l’avoir net. Ce n’est qu’à cette date que l’employeur s’est aperçu que la fonctionnaire n’avait pas assimilé cette matière enseignée au début de son stage.

[177] Pour appuyer davantage son allégation que l’employeur a tardé à lui offrir une supervision adéquate, la fonctionnaire a fait valoir que la façon dont elle effectuait certaines de ses tâches n’avait pas encore été évaluée dans l’évaluation qu’elle a reçue le 2 juin 2015. Plus précisément, dans cette évaluation, Mme Therrien a noté pour certains éléments, du fait qu’elle n’était pas assez avancée dans son dossier, « impossible à évaluer ». Il s’agit d’un autre indice, selon la fonctionnaire, qu’elle n’a pas été encadrée suffisamment pendant son stage.

[178] De même, la fonctionnaire a critiqué les délais trop longs dans la correction des dossiers. Par exemple, le dossier appelé le « dossier Jean », qu’elle a remis le 20 février 2015, n’a mené à une rencontre que le 27 mars 2015.

[179] La fonctionnaire a noté que, dans son rapport d’évaluation après huit mois d’emploi, Mme Therrien a précisé qu’une amélioration considérable était requise. Or, elle a fait valoir qu’elle n’avait pas reçu l’occasion de s’améliorer après le 2 mai 2015. À partir de cette date, l’employeur ne lui a fourni aucun plan d’amélioration, aucun nouvel outil ou aucun encadrement supplémentaire.

[180] Or, la fonctionnaire a fait valoir que l’employeur devait lui fournir, en plus des outils, du temps afin d’améliorer son rendement. Mme Therrien avait l’espoir que la fonctionnaire puisse s’améliorer, mais aucun encadrement supplémentaire ne lui a été offert. Pourtant, elle a noté que, selon le document intitulé « Procédures sur la gestion du rendement », daté du 1er avril 2015, sous la section 5.4, l’employeur avait les obligations suivantes :

5.4 Gestion du rendement des employés en période de stage probatoire

Les gestionnaires doivent surveiller et évaluer activement le rendement d’un employé pendant la période de stage probatoire.

Au début du stage probatoire de l’employé, le gestionnaire doit faire ce qui suit :

• expliquer le rendement nécessaire pour atteindre un niveau 3 de rendement;

• informer un employé en stage probatoire qu’une surveillance continue et une évaluation de rendement officielle en fin de stage probatoire seront utilisées pour déterminer si l’employé est qualifié pour continuer à occuper le poste pour lequel il a été embauché;

• s’assurer que les employés reçoivent la formation, les outils et le soutien nécessaires pour satisfaire aux exigences du poste.

Si les résultats de rendement de l’employé sont inférieurs au niveau 3, le gestionnaire doit faire ce qui suit :

informer immédiatement l’employé;

• fournir à l’employé une occasion raisonnable d’améliorer son rendement.

Si les efforts déployés pour aider un employé à améliorer son rendement ne réussissent pas à rehausser le rendement jusqu’au niveau 3 requis, le gestionnaire doit communiquer avec un conseiller en gestion du rendement afin d’obtenir de l’orientation.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[181] La fonctionnaire a fait valoir qu’elle avait dévoilé son TDAH et son besoin de travailler dans un endroit plus tranquille puisqu’elle avait été sous le choc, le 2 juin 2015, de recevoir son évaluation qui était en partie négative. Selon elle, son rendement s’était amélioré. Elle a fait valoir que, le 4 juin 2015, elle n’avait eu que très peu de temps pour considérer la demande de l’employeur qui souhaitait consulter son médecin afin de savoir si des mesures d’adaptation étaient nécessaires étant donné sa condition.

[182] Selon la fonctionnaire, le courriel de Mme Therrien daté du 5 juin 2015, qui l’informait qu’à défaut de présenter des limitations particulières elle devait satisfaire aux objectifs et aux conditions du programme, démontre que l’employeur ne lui a pas fourni une chance raisonnable de s’améliorer.

[183] Elle a fait valoir qu’à partir du moment où elle a dévoilé son TDAH, l’employeur a changé d’attitude à son égard. Selon elle, Mmes St-Louis et Therrien se sont fermées à son égard. Dans son courriel du 15 juin, Mme St-Louis offrait un compte rendu de sa rencontre avec la fonctionnaire à Mme Therrien. Selon la fonctionnaire, Mme St-Louis était sur la défensive. Elle notait ce qui suit de la fonctionnaire : « […] veut nous faire porter le blâme. » Par la suite, le 25 juin 2015, Mme Therrien l’avait questionnée au sujet de certaines de ses dépenses tout en faisant parvenir une copie conforme de ce message à Mme St-Louis.

[184] La fonctionnaire a insisté sur le fait qu’elle demandait à ce moment que l’employeur lui assigne des dossiers supplémentaires étant donné que son dossier était en attente de correction. Donc, il était difficile pour elle d’améliorer son rendement.

[185] Elle a aussi fait valoir que, le 26 juin 2015, lorsque Mme Therrien l’a accompagnée lors d’une visite chez un contribuable, cet accompagnement était tardif. C’est pourquoi elle n’avait pas été évaluée pour cette tâche auparavant.

[186] Au sujet de la prolongation demandée de sa période de stage, la fonctionnaire a fait valoir que la lettre d’embauche prévoyait qu’une prolongation était accordée lorsque l’employé n’effectue pas les fonctions de son poste. Puisque sa dernière journée au travail était le 26 juin 2015, l’employeur aurait dû, selon elle, lui accorder une prolongation de sa période de stage. Son absence à partir de ce moment était motivée par des congés annuels et un congé de maladie.

[187] La fonctionnaire a fait valoir que dans Gill c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 55, aux paragraphes 112 à 118 et 139 à 144, la Commission a abordé une question similaire. Elle a conclu que l’employeur avait licencié le fonctionnaire s’estimant lésé sans motif valable puisque son stage avait été prolongé 41 jours après la fin prévue de sa période de stage et qu’il avait été licencié le jour suivant.

[188] La fonctionnaire a fait valoir que dans son cas, à la suite de la relocalisation de son poste de travail, l’employeur devait évaluer son rendement de nouveau pour voir si des améliorations étaient survenues. Or, la fonctionnaire n’a eu que très peu de temps pour s’améliorer entre le 4 et le 26 juin 2015.

[189] Elle a ajouté qu’une prolongation de sa période de stage n’imposait aucune contrainte excessive à l’employeur. Le seul motif que l’employeur a donné pour ne pas prolonger sa période de stage est que l’équipe de gestion ne pensait pas qu’elle pouvait s’améliorer de façon suffisante avant la fin des 12 mois. Toutefois, selon elle, la période d’évaluation n’était ni suffisante, ni raisonnable.

[190] Selon la fonctionnaire, lorsqu’elle a dévoilé son TDAH et obtenu l’assistance d’une représentante syndicale, l’employeur a pris sa décision de ne pas prolonger sa période de stage et de la licencier.

[191] La fonctionnaire a porté à mon attention le paragraphe 138 de Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et Océans), 2015 CRTEFP 58. Ce paragraphe se lit comme suit :

[138] Même si la jurisprudence est très claire quant à l’obligation de l’employeur d’énoncer les motifs de son insatisfaction quant aux aptitudes de l’employé, le motif lié à l’emploi de l’employeur doit reposer sur quelque chose. Bien que je convienne qu’il n’est pas nécessaire que l’employeur établisse une preuve prima facie de cause juste pour le renvoi en cours de stage, il doit tout de même présenter un motif légitime. Il ne suffit pas de signaler simplement ce que l’on pourrait normalement considérer comme un motif lié à l’emploi à titre de motif de renvoi, sans qu’il y ait un fondement quelconque à l’appui de ce motif. Lorsqu’il n’y a aucun fondement pour appuyer le motif allégué, cela constitue une preuve d’un subterfuge ou d’un camouflage et, effectivement, d’un acte de mauvaise foi et indique que l’employeur s’est appuyé de façon factice sur les dispositions de la LRTFP concernant le renvoi en cours de stage.

 

[192] La fonctionnaire a donc fait valoir que, sans aucun motif légitime, l’employeur ne pouvait pas la licencier. Pour ces raisons, elle demande que la Commission déclare qu’il est approprié qu’elle soit saisie du présent grief dans la mesure où son motif est la dérogation à l’article 19 de la convention collective, l’article sur l’élimination de la discrimination, que le renvoi était arbitraire et discriminatoire et en violation de l’article 19 de la convention collective.

V. Réplique

[193] L’employeur a répliqué que les décisions de l’équipe de gestion ne traduisent pas un changement d’attitude à l’égard de la fonctionnaire et du dévoilement de son TDAH. Plutôt, l’équipe de gestion possédait tous les éléments requis pour prendre une décision éclairée et raisonnable au sujet de son stage. Au cours de ses 10 mois de travail à l’Agence, elle n’avait pas progressé suffisamment dans son travail pour être en mesure de satisfaire, d’ici la fin de la période de 12 mois, à l’objectif du programme qui consistait à compléter 3 dossiers de façon autonome. Il s’agissait d’une conclusion raisonnable dans les circonstances.

[194] L’employeur a aussi répliqué que Gill se distingue du présent cas puisque le Règlement fixant la période de stage et le délai de préavis en cas de renvoi au cours de la période de stage (DORS/2005-375) ne s’applique pas à l’Agence.

VI. Motifs

[195] La Commission tire son autorité de la LRTSPF. L’alinéa 209(1)d) et le par. 209(3) prévoient ce qui suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire […] peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

[…]

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

[…]

 

[196] Dans leurs observations, les parties se sont entendues sur les divers fardeaux de preuve applicables, en particulier le fardeau selon lequel l’employeur n’aurait qu’à satisfaire aux quatre éléments liés à la condition de probation, soit les quatre éléments suivants: 1) la fonctionnaire était en probation; 2) la période d’essai était toujours en vigueur au moment du licenciement; 3) la fonctionnaire a reçu un préavis; 4) elle a reçu une lettre expliquant les raisons pour lesquelles elle a été renvoyée en période de probation. Selon cette logique, il incomberait alors à la fonctionnaire de démontrer que la décision était un subterfuge, un camouflage, qu’elle était prise de mauvaise foi ou fondée sur un motif de discrimination.

[197] Pourtant, je ne suis pas certaine qu’il s’agisse du cadre d’analyse approprié pour cette question. Cette méthode d’analyse, formulée dans Tello au paragraphe 111, a été développée en ce qui concerne les griefs de licenciement présentés par des fonctionnaires de l’administration publique centrale. L’affaire Tello analysait l’impact de l’article 211 de la LRTSPF dans l’analyse des fardeaux de preuve. L’article 211 prévoit que les licenciements en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; « LEFP ») y compris les renvois en période de stage (articles 61 et 62 de la LEFP) ne peuvent être renvoyés à la Commission pour arbitrage.

[198] Cependant, l’Agence n’est pas assujettie à la LEFP. De plus, elle a été désignée le 28 mai 2015 (DORS/2015-118), en vertu du paragraphe 209(3) de la LRTSPF. En guise de rappel, le par. 209(3) prévoit que le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct. En retour, l’alinéa (1)d) prévoit qu’un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur son licenciement (imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite) s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

[199] L’Agence a été désignée comme organisme distinct avant le licenciement de la fonctionnaire le 24 juillet 2015, avant le dépôt de ses griefs les 23 juin et 14 août 2015, et avant le renvoi de ses griefs à l’arbitrage le 28 septembre 2016. Cette désignation signifie que ses griefs concernant son licenciement au sein de l’Agence peuvent être renvoyés à la Commission, qu’ils soient liés à la discipline (al. 209(1)b) de la LRTSPF) ou pour toute autre raison (par. 209(3)).

[200] Par conséquent, il n’est pas évident que le cadre d’analyse applicable à l’administration publique centrale, tel qu’énoncé dans Tello, s’applique aux circonstances de la présente affaire. L’Agence a bel et bien été désignée comme organisme distinct avant les événements survenus dans ce dossier.

[201] Pour découvrir quelle est la démarche analytique appropriée, il peut être opportun de se souvenir que l’approche élaborée dans Tello résultait du fait que la nouvelle disposition (l’article 61 de la LEFP, entré en vigueur en 2005) visant les personnes nommées comme stagiaires, supprimait l’exigence selon laquelle le renvoi en période de stage devait être motivé. L’article 61, qui s’applique à un fonctionnaire de l’administration publique centrale, prévoit ce qui suit :

61 (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

[…]

 

[202] La Commission, dans Tello, en a déduit que ce changement dans la loi signifiait que le fardeau de la preuve d’un administrateur général était réduit. L’administrateur général n’avait plus le fardeau de présenter un motif justifiant le renvoi en période de stage. Il n’avait qu’à satisfaire aux quatre éléments liés à la condition de probation (voir le paragraphe 196).

[203] Il n’y a pas de dispositions semblables à l’article 61 de la LEFP et à l’article 211 de la LRTSPF qui s’appliquent à l’Agence. Nous savons que, selon les paragraphes 12(2) et (3) et l’article 12.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; « LGFP »), les licenciements effectués par l’Agence doivent être motivés. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

12 (2) Sous réserve des conditions que fixe le gouverneur en conseil, chaque administrateur général d’un organisme distinct et chaque administrateur général désigné par le gouverneur en conseil en vertu de l’alinéa 11(2)b) peut, à l’égard du secteur de l’administration publique fédérale dont il est responsable :

[…]

c) établir des normes de discipline et prescrire des mesures disciplinaires, y compris le licenciement, la suspension, la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et les sanctions pécuniaires;

d) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou qu’une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur de toute personne employée dans la fonction publique.

[…]

12(3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

[…]

12.1 L’article 11.1 et le paragraphe 12(2) s’appliquent sous réserve de toute loi fédérale et de tout texte d’application de celle-ci concernant les attributions d’un organisme distinct.

[…]

 

[204] Je note donc que la norme d’un motif déterminé s’applique dans les affaires assujetties aux paragraphes 12(2) et (3) de la LGFP et que cette exigence n’est pas modifiée par la loi habilitante de l’Agence. L’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (L.C. 1999, ch. 17; « LARC ») prévoit que l’Agence peut mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire. Cet alinéa se lit comme suit :

(1) L’Agence peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines :

[…]

g) prévoir, pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

[…]

 

[205] Étant donné que le fondement analytique élaboré dans Tello ne s’applique pas en ce qui concerne l’Agence, il en découle que le cadre analytique qui était en place avant les changements apportés à la LEFP (les changements apportés par la nouvelle version de l’article 61) s’applique. Cela signifie qu’en plus de satisfaire aux quatre éléments liés à la condition de probation (voir le paragraphe 196), l’employeur a à présenter un motif justifiant le licenciement, ici, dans le cadre du stage.

[206] Le fardeau incombera par la suite à la fonctionnaire de démontrer qu’aucun motif ne justifiait son licenciement dans le cadre de son stage. En d’autres mots, son fardeau ne sera pas nécessairement d’établir que son licenciement reposait artificiellement sur l’alinéa 51(1)g) de la LARC, un subterfuge ou un camouflage (c’est-à-dire que la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à ses aptitudes) (voir Tello au par. 111), mais plutôt il sera d’établir qu’il n’y avait pas un « motif légitime lié à l’emploi » justifiant son licenciement pendant la période de stage.

[207] Bien que la distinction entre le cadre analytique que les parties ont proposé et ce que je propose puisse sembler subtile, elle n’en est pas moins significative. Il y a un transfert du fardeau.

[208] Ceci étant dit, pour les raisons expliquées ci-dessous, je conclus que l’employeur a rencontré son fardeau supplémentaire et qu’il a présenté un motif qui justifie le licenciement de la fonctionnaire pendant sa période de stage. Je conclus qu’à son tour la fonctionnaire n’a pas réussi à réfuter cette preuve.

A. Question 1 : L’employeur a-t-il démontré que la fonctionnaire était encore en période de stage et que son licenciement était motivé?

[209] Pour les raisons qui suivent, je reconnais que l’employeur a satisfait non seulement aux quatre éléments de base liés à la condition de probation (voir le paragraphe 196) mais aussi qu’il a présenté des motifs valables liés à l’emploi pour justifier le licenciement.

[210] En ce qui concerne les quatre premiers éléments, je note ce qui suit. Premièrement, entre le 2 septembre 2014 et le 7 août 2015, la fonctionnaire était en probation à titre d’apprenante et son poste était classé dans le groupe et au niveau SP-04 du PAV.

[211] Deuxièmement, la période de stage était toujours en vigueur lorsque la fonctionnaire a été licenciée le 7 août 2015. Comme il est indiqué dans sa lettre d’offre, elle était soumise à une période de stage probatoire jusqu’à un maximum de 12 mois à l’Agence. De plus, la lettre de renvoi du 24 juillet 2015 informait la fonctionnaire que son emploi avait pris fin en période de stage.

[212] Troisièmement, le 24 juillet 2015, la fonctionnaire a reçu un préavis officiel que son emploi prenait fin le 7 août 2015.

[213] Quatrièmement, la lettre du 24 juillet 2015 indiquait pourquoi elle avait été licenciée en période de probation. Elle comprenait ce qui suit :

[…]

Le 2 juin 2014, vous receviez une lettre d’embauche vous assignant au poste d’apprenant, Programme d’apprentissage en vérification à nos bureaux de Trois-Rivières. Cette lettre spécifiait que vous étiez en période de stage probatoire pour une période de 12 mois, et ce, à partir du 2 septembre 2014. Cette période fournit à l’employeur la possibilité d’évaluer l’aptitude à l’emploi des nouveaux employés par rapport au poste pour lequel ils ont été embauchés.

En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par le Commissaire de l’Agence du revenu du Canada, au terme de l’article 51(1) g) de la Loi de l’Agence du revenu du Canada, je vous informe donc par la présente de votre renvoi en période de stage. Cette décision est motivée par le fait que vous n’ayez pu atteindre les objectifs de rendement exigés par votre poste, et ce, malgré les rencontres et les suivis pour tenter de rétablir la situation.

[…]

 

[214] En l’espèce, je dois aussi examiner quelle preuve l’employeur a présentée à l’appui de sa prétention que la fonctionnaire n’atteignait pas les objectifs de rendement exigés par son poste de stagiaire en vérifications.

[215] Selon la preuve de l’employeur, la fonctionnaire a reçu une formation qui s’est étalée sur plusieurs semaines, de l’assistance d’une mentore, et de l’aide de sa superviseure et de ses collègues pour être en mesure de remplir ses fonctions d’apprentis vérificatrice correctement. À partir du mois d’avril 2015, l’équipe de gestion a documenté dans plusieurs rapports d’évaluation ses préoccupations selon lesquelles la fonctionnaire rencontrait des difficultés dans l’application de son raisonnement analytique. Mme Therrien, Mme St-Louis et Mme Dubé ont toutes aussi témoigné qu’elles avaient constaté que le travail de la fonctionnaire comportait des erreurs, que la qualité de son travail était irrégulière et qu’en bout de ligne, il ne se révélait pas être valide et fiable. Elles ont expliqué que le raisonnement analytique est une compétence de base des vérificateurs, mais que cette compétence était moins développée chez la fonctionnaire. J’accepte ces témoignages comme étant crédibles.

[216] Plus précisément, la preuve révèle que les méthodes de la vérification indirecte du revenu et du tableau croisé dynamique qui servent à déceler les revenus non déclarés et à établir l’avoir net ont été enseignées à la fonctionnaire à son arrivée dans son poste. Son travail nécessitait l’utilisation de ces méthodes de travail. Les témoins de l’employeur ont affirmé et documenté que la fonctionnaire n’appliquait pas correctement ces méthodes de travail, ce qui affectait la qualité de ses analyses. Ainsi, les 16 avril et 28 avril 2015, elle a reçu des formations supplémentaires à ce sujet.

[217] Malgré cela, jusqu’à la fin juin 2015, Mme Therrien a constaté, en corrigeant le travail de la fonctionnaire, que ses difficultés à ce niveau persistaient. La fonctionnaire avait de la difficulté à intégrer ces notions et à présenter des analyses adéquates.

[218] Les attentes de l’employeur dans le cadre du PAV avaient clairement été communiquées à la fonctionnaire. Je n’ai aucune raison de croire que ces attentes de rendement n’étaient pas justifiées. Avant de sélectionner un nouvel employé dans une organisation, cette dernière peut souhaiter connaître les forces et faiblesses de son employé potentiel et évaluer ses compétences. Ici, l’employeur a estimé que les compétences en raisonnement analytique de la fonctionnaire ne correspondaient pas aux compétences requises pour effectuer le travail d’un vérificateur.

[219] Il est vrai que la preuve est contradictoire quant au niveau d’aide et d’assistance qui a été offert à la fonctionnaire. D’une part, cette dernière affirme ne pas avoir reçu d’assistance. D’autre part, la documentation et les témoignages des représentants de l’employeur indiquent qu’ils ont rencontré la fonctionnaire à plusieurs reprises au cours de sa période de probation pour corriger son travail et examiner son rendement.

[220] De plus, l’employeur a présenté en preuve les attentes de rendement du PAV remises à la fonctionnaire le 19 novembre 2014 et la description de travail de l’apprenant - Programme d’apprentissage en vérification (SP-04), qui présente les activités et fonctions à accomplir. Dès le mois d’avril 2015, il a prévenu la fonctionnaire que ses analyses étaient déficientes et qu’elle devait intégrer les méthodes de travail enseignées.

[221] Ainsi, l’employeur a porté à son attention ses difficultés au niveau de son raisonnement analytique. Il l’a informée qu’il était essentiel qu’elle délaisse le rôle de tenue de livre pour adopter un rôle de vérification.

[222] De plus, l’employeur a démontré que les méthodes de travail enseignées devaient être intégrées par les apprenants pour que ces derniers puissent se déployer de façon optimale et effectuer les tâches et activités de vérification qui sont au cœur de la mission de l’Agence. En particulier, les témoins de l’employeur ont affirmé que la méthode du tableau croisé dynamique devait être utilisée à des fins d’uniformité. Je note que l’employeur a le droit d’établir les méthodes de travail requises pour une tâche.

[223] L’employeur a aussi présenté les évaluations du travail de la fonctionnaire qui décrivent les lacunes rencontrées dans son travail. Il a pris la décision de la renvoyer en période de stage parce qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du PAV. Il a estimé qu’il détenait assez d’information pour décider, de façon éclairée, qu’elle n’était pas en mesure de compléter avec succès les exigences du programme. Son embauche était conditionnelle à la réalisation de cet objectif.

[224] En somme, j’estime que l’employeur a présenté une preuve convaincante que la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire reposait sur une insatisfaction réelle éprouvée au niveau de ses aptitudes d’exercer les responsabilités de vérificatrice à l’Agence. Il a donc présenté un motif lié à l’emploi qui justifie son licenciement dans le cadre de son stage.

B. Question 2 : La fonctionnaire a-t-elle établi qu’il n’y avait pas de motifs justifiant son licenciement dans le cadre de son stage?

[225] Le fardeau passe alors à la fonctionnaire de démontrer que la décision de mettre fin à son emploi en période de stage ne reposait pas sur un motif justifiant son licenciement. Elle tentera ainsi de démontrer que l’employeur n’a pas présenté un motif de bonne foi qui justifie son licenciement parce qu’elle ne possède pas, selon lui, les aptitudes nécessaires pour exercer les fonctions de son poste.

[226] La fonctionnaire a cherché à me convaincre que son rendement au travail était acceptable et que toute déficience de sa part était due à des circonstances imputables à l’employeur. Selon elle, elle ne devrait pas être considérée imputable de ses difficultés dans ses tâches de vérification et je devrais supposer que ses difficultés étaient causées par l’employeur, qu’il était de mauvaise foi ou que son renvoi en période de stage était un subterfuge ou un camouflage.

[227] Toutefois, la mauvaise foi ne peut être présumée en droit; elle doit être prouvée.

[228] Dans le présent cas, la preuve ne me permet pas de conclure que les erreurs relevées dans le travail de la fonctionnaire n’étaient pas réalistes ou que l’employeur n’a pas agi raisonnablement. Une preuve abondante au dossier révèle que la fonctionnaire rencontrait des difficultés dans l’application de son raisonnement analytique et que cela engendrait des irrégularités dans son travail.

[229] Je ne doute pas que la fonctionnaire est une personne de confiance. Toutefois, j’estime que sa perspective selon laquelle elle n’a pas bénéficié d’une formation suffisante et d’un encadrement suffisant est nourrie d’une attente trop élevée. Je suis d’avis qu’elle a reçu une formation de base approfondie au début du programme, ainsi qu’une aide acceptable par la suite. Toutefois, la preuve révèle que son rendement ne satisfaisait pas aux attentes du PAV.

[230] La fonctionnaire est en désaccord avec les conclusions de ses évaluations. Elle a affirmé que, si elle avait été encadrée de façon appropriée, ses difficultés auraient été cernées plus tôt. Selon elle, elle éprouvait quelques difficultés mais elle n’a pas reçu une aide adéquate et en temps opportun.

[231] Je dois donc évaluer la crédibilité des témoins et déterminer la version des faits qui m’apparaît la plus probable pour l’ensemble des éléments de preuve. Les parties m’ont renvoyée aux critères énoncés dans Faryna.

[232] Une analyse de l’ensemble de la preuve me permet de conclure que la version des faits présentée par les témoins de l’employeur est plus vraisemblable et plus probable que celle de la fonctionnaire. Selon moi, le dossier repose sur une preuve vérifiable présentée par l’employeur que la fonctionnaire rencontrait des difficultés dans l’application de son raisonnement analytique et ne satisfaisait pas aux exigences du PAV.

[233] En somme, l’employeur a établi qu’il avait des préoccupations importantes au sujet de son rendement. Il a démontré que, malgré toute la formation qu’il lui avait offerte, elle éprouvait de la difficulté à maîtriser les notions enseignées et à effectuer des analyses fiables. Cette preuve présente un motif éprouvé de bonne foi quant à ses aptitudes d’exercer les fonctions de son poste.

[234] En somme, après avoir analysé l’ensemble de la preuve, j’estime que la perspective de la fonctionnaire selon laquelle son rendement au travail était acceptable malgré les difficultés rencontrées et que toute défaillance de sa part était imputable à l’employeur n’est pas conforme à la prépondérance de la preuve. Au contraire, les évaluations de la fonctionnaire déposées en preuve et les témoignages des représentants de l’employeur concordent sur le fait que la fonctionnaire n’était pas en voie de satisfaire aux attentes du PAV.

[235] À ce sujet je note que les apprenants devaient compléter trois dossiers de vérification de l’impôt sur le revenu de façon autonome pendant la période de stage. Toutefois, la fonctionnaire avait de la difficulté à mener à terme ses vérifications puisqu’elle faisait beaucoup de travail inutile dans ses dossiers et ses analyses étaient déficientes. Bien qu’en juin 2015 d’autres apprenants sous la responsabilité de Mme Therrien avaient déjà complété sept à huit dossiers chacun de façon autonome, la fonctionnaire se montrait incapable d’en compléter trois. Ses analyses n’étaient pas valides et fiables. C’est en fonction de cette constatation que l’équipe de gestion a conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du PAV.

[236] Par conséquent, je conclus que des preuves vérifiables et valables ont été présentées en appui au motif invoqué pour justifier le licenciement de la fonctionnaire. Cette dernière n’a pas réussi à réfuter ces preuves. Elle n’a pas démontré que la décision de l’employeur de la licencier pendant sa période de stage n’était pas motivée de bonne foi et fondée sur son rendement insatisfaisant en période de stage.

C. Question 3 : La fonctionnaire a-t-elle établi que son licenciement et la décision de ne pas prolonger son stage étaient discriminatoires?

[237] J’ai conclu qu’il y avait un motif justifiant le licenciement de la fonctionnaire en période de stage. Par contre, le licenciement ne saurait être justifié si un motif illicite de discrimination était un facteur dans cette décision.

[238] La fonctionnaire a fait valoir que son renvoi était discriminatoire. La Commission peut, pour instruire toute affaire dont elle est saisie, interpréter et appliquer la LCDP (al. 226(2)a) de la LRTSPF). Selon l’article 7 de la LCDP, le fait de refuser de continuer d’employer ou de défavoriser un individu fondé sur un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire.

[239] Pour établir une preuve prima facie de discrimination, la fonctionnaire devait démontrer : 1) qu’elle possède une caractéristique constituant un motif de discrimination illicite en vertu de la LCDP (une caractéristique protégée contre la discrimination); 2) qu’elle a subi un traitement préjudiciable; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61). Je constate ce qui suit.

[240] En ce qui concerne le premier critère de Moore, la fonctionnaire a affirmé souffrir d’un TDAH. Je note que ni le premier certificat médical, ni le deuxième, ni le troisième qu’elle a présentés à l’employeur n’indiquent qu’elle souffre d’un TDAH. Toutefois, l’employeur n’a pas remis en question son allégation.

[241] Deuxièmement, la fonctionnaire a subi un traitement préjudiciable lié à son emploi lorsqu’elle a été licenciée et lorsqu’il a été décidé un peu avant son licenciement que sa période de stage ne serait pas prolongée. À ce sujet, la fonctionnaire a commencé son stage le 2 septembre 2014. Environ 10 mois et demi plus tard, le 14 juillet 2015, sa représentante syndicale a demandé, en son nom, une prolongation de la période du stage compte tenu de son absence imprévue pour une raison médicale.

[242] Je constate donc que les deux premiers critères de Moore sont satisfaits. Une déficience telle que le TDAH est une caractéristique constituant un motif de discrimination illicite en vertu de la LCDP (l’article 3). Puis, le licenciement et la décision de ne pas prolonger sa période de stage sont des traitements préjudiciables.

[243] Le troisième élément n’est pourtant pas satisfait dans le présent cas. J’estime que même si les faits allégués sont dignes de foi, ils ne permettent pas d’établir que la caractéristique protégée (son TDAH) a constitué un facteur dans la manifestation des effets préjudiciables.

[244] Dans Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, l’employé en question a allégué que sa dépendance aux drogues, ce qui constitue une déficience, était un facteur dans son congédiement. La Cour suprême du Canada a conclu, au para. 39, que le lien entre une dépendance et le traitement préjudiciable ne peut être tenu pour acquis; il doit reposer sur une preuve.

[245] En l’espèce, la fonctionnaire devait établir un lien entre sa déficience et son licenciement d’une part, et un lien entre sa déficience et la décision de ne pas prolonger son stage d’autre part. J’estime que même si la fonctionnaire souffre d’un TDAH, rien ne permet d’établir un lien entre sa déficience et son licenciement d’une part, et entre sa déficience et la décision de ne pas prolonger son stage d’autre part. Elle a elle-même, en fait, écrit à l’employeur qu’elle ne pensait pas que son TDAH l’empêchait d’exécuter ses tâches et qu’elle ne croyait pas que son médecin limiterait les tâches de vérification qu’elle pouvait accomplir.

[246] Je suis consciente que le 17 juin 2015, son médecin a recommandé certaines mesures d’adaptation de nature générale (c’est-à-dire de lui offrir le support prévu dans le programme, des directives claires et précises, de la rétroaction, ainsi qu’un milieu de travail avec moins de stimulations). Ces seules recommandations générales ne me permettent pas d’établir un lien de causalité entre sa déficience et son licenciement ou entre sa déficience et la décision de ne pas prolonger son stage. Mme Dubé a expliqué que, dans le cadre du PAV, l’employeur avait la responsabilité de prendre une décision au sujet de la réussite ou de l’échec de l’apprenant dans le programme avant l’expiration de la période probatoire de 12 mois.

[247] Si la fonctionnaire estimait que son TDAH avait des répercussions sur son rendement au travail, comme elle l’a prétendu à l’audience, elle se devait d’être proactive et de faire tout ce qu’elle pouvait faire pour réduire ces répercussions sur son travail. Tel que nous enseigne la décision de la Cour suprême dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970, l’employé qui a besoin d’un accommodement en raison d’un handicap doit le faire savoir à l’employeur et au syndicat, en expliquant les raisons de sa demande. L’employé doit faire preuve de souplesse et collaborer à la recherche de solutions. Il doit agir de manière raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne peut pas s’attendre à une solution parfaite à son problème et qu’il doit accepter un résultat raisonnable.

[248] Dans le présent cas, la fonctionnaire aurait pu fournir les renseignements nécessaires à son employeur dès le début de son stage ou dès que possible, si effectivement sa déficience entraînait des répercussions sur son rendement au travail.

[249] En outre, je note que la première fois que la fonctionnaire a soulevé son TDAH et son souhait de travailler dans un endroit plus tranquille, le 3 juin 2015, l’employeur lui a fourni un endroit plus tranquille pour travailler. Il lui a aussi demandé si d’autres mesures étaient nécessaires, et il lui a demandé l’autorisation de communiquer avec son médecin afin de connaître ses limitations fonctionnelles engendrées par sa condition, s’il en existait. La fonctionnaire lui a répondu qu’elle ne croyait pas être limitée autrement par sa condition (elle souhaitait seulement travailler dans un environnement calme) et qu’elle en parlerait à son médecin traitant.

[250] Pour toutes ces raisons, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi un lien entre sa déficience et son renvoi en période de stage, ni entre sa déficience et la décision de ne pas prolonger son stage.

[251] En somme, je conclus que la fonctionnaire ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que son renvoi et la décision de ne pas prolonger son stage étaient discriminatoires.

D. Question 4 : La fonctionnaire a-t-elle établi que son évaluation du 2 juin 2015 était discriminatoire?

[252] La Commission a compétence pour entendre le grief de la fonctionnaire visant son licenciement en vertu de l’alinéa 209(1)d) et du paragraphe 209(3) de la LRTSPF. Il n’est pas clair que la Commission a compétence pour entendre son grief visant son évaluation du rendement datée du 2 juin 2015 en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF (ce serait le cas s’il était établi que son évaluation du rendement constituait une mesure disciplinaire) (voir Charest c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2017 CRTESPF 18).

[253] De toute façon, même si j’avais compétence pour instruire le grief de la fonctionnaire visant son évaluation, je conclurais que la fonctionnaire n’a pas établi que son évaluation était discriminatoire. Ce ne sont pas les deux premiers critères de Moore qui ne sont pas satisfait encore une fois, c’est le troisième critère.

[254] En ce qui concerne le premier critère, la fonctionnaire a affirmé souffrir d’un TDAH et l’employeur n’a pas remis en question son allégation. Deuxièmement, son évaluation en partie négative pourrait être associée à un traitement préjudiciable. Toutefois, tel que mentionné dans les paragraphes précédents, la fonctionnaire n’a pas établi que sa déficience, son TDAH, avait des répercussions sur son rendement au travail. Même si la fonctionnaire souffre d’un TDAH, rien ne permet d’établir un lien de entre sa déficience et son évaluation du rendement. Par conséquent, le troisième critère énoncé dans Moore n’a pas été satisfait.

[255] En conclusion, si la Commission avait compétence pour instruire ce grief, je conclurais que la fonctionnaire n’a pas démontré que son évaluation du rendement était discriminatoire.

VII. Conclusion

[256] Je conclus que l’employeur a présenté un motif légitime qui justifie le licenciement de la fonctionnaire pendant sa période de stage. La fonctionnaire n’a pas réussi à réfuter cette preuve. Je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi non plus qu’un motif de discrimination illicite ou de la mauvaise foi ont constitué des facteurs déterminants dans la prise de décision dans le cadre de son stage ou à l’égard de son licenciement.

[257] Enfin, il est regrettable que la fonctionnaire n’ait pas réussi à satisfaire aux exigences du PAV. L’idéal aurait été, bien sûr, qu’elle puisse se déployer avec aisance dans le travail de vérification, mais cela ne s’est pas produit. Parfois, un revers est un contretemps nécessaire qui conduit à un changement de cap et d’activités. Je n’ai aucun doute que la fonctionnaire, avec toutes ses capacités, s’est réorientée avec succès vers une autre activité gratifiante.

[258] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VIII. Ordonnance

[259] Les griefs portant les numéros de dossier 566-34-12985, 12986 et 12987 sont rejetés.

[260] J’ordonne la mise sous scellés des pièces F-15, F-16 et F-17.

Le 28 mars 2022.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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