Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a travaillé comme fonctionnaire électoral lors de l’élection fédérale de septembre 2021 – il était censé travailler le jour de l’élection, mais à la suite d’un différend avec certains membres du personnel d’Élections Canada, on l’a informé que ses services n’étaient plus requis – le plaignant a déposé un grief contre cette décision de licenciement – le droit de présenter un grief en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) est réservé aux fonctionnaires – la Commission a déterminé que la durée de l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé faisait en sorte qu’il n’était pas inclus dans la définition du terme « fonctionnaire », ce qui lui aurait permis de présenter un grief – une personne employée à titre occasionnel ou pour une durée déterminée (de moins de trois mois) n’est pas un fonctionnaire, et cette personne ne peut pas déposer un grief ni le renvoyer à l’arbitrage – étant donné qu’aucun grief ne peut être présenté par une personne qui n’est pas un fonctionnaire, aucun grief ne peut être renvoyé à l’arbitrage par une telle personne, puisque la présentation d’un grief à tous les paliers requis d’une procédure de règlement des griefs applicable est aussi une condition préalable d’un renvoi à la Commission.

Grief rejeté pour défaut de compétence.

Contenu de la décision

Date : 20220404

Dossier : 566-02-43745

 

Référence : 2022 CRTESPF 26

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

Terry Omer

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Bureau du directeur général des élections)

 

défendeur

Répertorié

Omer c. Administrateur général (Bureau du directeur général des élections)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui-même

Pour le défendeur : Daniel Trépanier

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 10 décembre 2021 et le 23 janvier 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


REASONS FOR DECISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Terry Omer, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a été nommé en vertu de la Loi électorale du Canada (L.C. 2000, ch. 9) pour travailler comme fonctionnaire électoral (agent de service et superviseur de centre de scrutin) lors de la dernière élection fédérale au Canada, qui s’est tenue le 20 septembre 2021. M. Omer a travaillé comme agent de service pendant plusieurs jours en août et septembre 2021 dans la circonscription de Brossard–Saint-Lambert au Québec. Le 16 septembre 2021, la directrice du scrutin de la circonscription, Martine Bélanger, a dit au fonctionnaire que ses services n’étaient plus requis et qu’il ne travaillerait pas comme superviseur de centre de scrutin le jour de l’élection, malgré ses attentes.

[2] M. Omer a déposé un grief contre cette décision de licenciement. Il a soutenu que la discrimination raciale avait constitué un facteur dans la décision. Il a demandé à être rémunéré pour les heures qu’il aurait travaillées comme agent de service les jours de vote par anticipation et comme superviseur de centre de scrutin le jour de l’élection, s’il avait été autorisé à travailler. Le 15 novembre 2021, M. Omer a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

II. Requête visant le rejet du grief

[3] L’administrateur général du Bureau du directeur général des élections (le « défendeur » ou « Élections Canada ») a présenté une requête visant à faire rejeter le présent grief. En vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), seuls les fonctionnaires, tels que définis dans la Loi, peuvent présenter un grief et le renvoyer à la Commission. Le défendeur a fait valoir que le fonctionnaire n’est pas un fonctionnaire au sens de la définition énoncée dans la partie II de la Loi.

[4] M. Omer a répliqué qu’il avait travaillé lors de toutes les élections fédérales depuis 2011. Il a fait valoir qu’il s’agissait d’un emploi intermittent ou à titre occasionnel parce qu’il avait exécuté ses fonctions pendant de nombreuses années, et que, par conséquent, il devrait être considéré comme un fonctionnaire.

III. Contexte

[5] Le fonctionnaire affirme que plusieurs personnes travaillant dans la circonscription de Brossard–Saint-Lambert ont comploté contre lui afin de le priver de la possibilité de travailler comme fonctionnaire électoral. Il croit que sa race, sa couleur et son origine ethnique ont joué un rôle dans son licenciement. Il évoque une situation conflictuelle dans laquelle ses efforts de bonne foi pour s’acquitter de son travail de façon responsable ont simplement été ignorés. À son avis, il a été traité injustement et de façon irrespectueuse.

[6] Le fonctionnaire a commencé à travailler pour Élections Canada vers la fin d’août 2021. Une certaine confusion entourait son horaire, car le superviseur n’avait pas été avisé que le fonctionnaire devait commencer à travailler. Ce dernier a travaillé quatre jours au vote par anticipation, soit du 10 au 13 septembre 2021. Au cours de cette période, des conflits sont survenus avec ses collègues et ses supérieurs. Selon le fonctionnaire, ces conflits étaient attribuables à l’incompétence de ces personnes ainsi qu’à son désir de tout faire correctement. Les conflits se sont envenimés à un tel point que le 16 septembre 2021, Mme Bélanger a congédié le fonctionnaire.

IV. Analyse

[7] Les fonctionnaires électoraux sont nommés par le directeur du scrutin en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi électorale du Canada, qui prévoit ce qui suit :

32 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et 33(2) et (3), après la délivrance du bref, le directeur du scrutin nomme, conformément aux instructions du directeur général des élections, les fonctionnaires électoraux qu’il estime nécessaires pour l’exercice dans la circonscription des attributions que la présente loi confère aux fonctionnaires électoraux.

 

[8] Même si le fonctionnaire était considéré comme étant un employé de la fonction publique, la durée de son emploi fait en sorte qu’il n’est pas inclus dans la définition du terme « fonctionnaire », ce qui lui permettrait de présenter un grief. La partie 2 de la Loi, qui traite des griefs, prévoit ce qui suit dans la définition de « fonctionnaire » :

206 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

fonctionnaire Personne employée dans la fonction publique, à l’exclusion de toute personne :

a) […]

b) […]

c) […]

d) […]

e) employée à titre occasionnel;

f) employée pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois;

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[9] Il est clair que la durée de l’emploi du fonctionnaire auprès d’Élections Canada était de moins de trois mois.

[10] Le fonctionnaire cite Broekaert c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 90, pour illustrer un cas où des personnes employées à titre occasionnel ont été considérées comme des fonctionnaires. Il s’agit d’une lecture erronée de Broekaert. Dans ce cas, les fonctionnaires avaient été employés à titre occasionnel avant de devenir des employés nommés pour une période déterminée, puis des employés nommés pour une période indéterminée. Il ne faisait aucun doute qu’ils étaient en droit de présenter un grief, en tant que fonctionnaires. Comme l’arbitre de grief l’a écrit dans cette décision :

[…]

[23] Ainsi, les griefs déposés par un employé occasionnel ne pourraient faire l’objet d’un arbitrage parce que les employés occasionnels sont exclus de la définition de « fonctionnaire » donnée dans la LRTFP [la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35; LRTFP), l’ancienne Loi] […]

[…]

 

[11] La question à trancher dans ce cas était celle de savoir si la durée de l’emploi à titre occasionnel avait eu une incidence sur le calcul des augmentations d’échelon une fois que la personne était devenue fonctionnaire. Il était clair que le droit de déposer un grief dépendait du statut de fonctionnaire, selon la définition prévue par la Loi (la LRTFP à l’époque).

[12] Comme un employé à titre occasionnel ou un employé nommé pour une période déterminée (moins de trois mois) n’est pas un fonctionnaire en vertu de la Loi, cette personne ne peut pas déposer un grief ni le renvoyer à l’arbitrage. Le droit de présenter un grief en vertu de l’article 208 est réservé aux fonctionnaires. Étant donné qu’aucun grief ne peut être présenté par une personne qui n’est pas un fonctionnaire, aucun grief ne peut être renvoyé à l’arbitrage par une telle personne, puisque la présentation d’un grief à tous les paliers requis d’une procédure de règlement des griefs applicable est aussi une condition préalable d’un renvoi à la Commission (voir le paragraphe 209(1) et l’article 225).

[13] Le fonctionnaire cite aussi Grant c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 59, à l’appui de son allégation de discrimination.

[14] Comme la Commission n’a pas compétence pour trancher le grief, elle n’est pas l’instance adéquate pour présenter des allégations de discrimination. En vertu du paragraphe 226(2) de la Loi, la Commission peut entendre une allégation de discrimination si cette allégation est soulevée dans un grief; autrement, rien dans la Loi ne donne le pouvoir à la Commission de l’entendre.

[15] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[16] Le grief est rejeté pour défaut de compétence.

Le 4 avril 2022.

Traduction de la CRTESPF

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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