Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a échoué à l’examen écrit d’un processus de nomination interne annoncé – il a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite lorsqu’il s’est livré à une partialité à son égard, comme en témoignent le retard important dans la tenue d’une discussion informelle avec lui après son élimination du processus, l’utilisation d’un outil d’évaluation vicié et subjectif et le fait qu’une deuxième évaluation de son examen n’a été effectuée que verbalement, sans aucune trace écrite – la Commission a conclu que s’il existait une preuve d’une erreur ou d’une question particulière dans son évaluation qui aurait pu toucher sa candidature et qui aurait pu être corrigée à l’aide d’une discussion informelle en temps opportun, son argument relatif à l’abus de pouvoir concernant le retard aurait pu être fondé – toutefois, une telle preuve n’existait pas – l’outil d’évaluation n’était ni vicié ni subjectif – le fait de disposer d’une trace écrite de la deuxième évaluation aurait constitué une pratique exemplaire, mais n’est pas obligatoire – il n’existait aucune preuve de partialité.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20220421

Dossier : EMP-2018-11679

 

Référence : 2022 CRTESPF 31

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

Jacques Laporte

plaignant

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Services partagés Canada)

 

intimé

Répertorié

Laporte c. Administrateur général (Services partagés Canada)

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour l’intimé : Marc Séguin, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, au moyen d’arguments écrits

Affaire entendue par vidéoconférence

le 24 février 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Demande devant la Commission

[1] Le plaignant, Jacques Laporte, a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP ») concernant trois nominations qui ont été effectuées dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé (numéro 17-GSS-QC-IA-SMDC-194102) au poste de directeur, au groupe et au niveau CS-05, à Services partagés Canada (SPC). Le plaignant possédait les qualifications requises en matière d’expérience et a été présélectionné, mais a échoué à l’examen écrit. Sa candidature n’a pas été retenue.

[2] Le plaignant a déclaré que l’administrateur général avait abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite. Il a déclaré que la discussion informelle qu’il avait demandée avait été considérablement retardée et qu’elle n’avait donc pas pu être utilisée pour corriger en temps opportun les éventuelles erreurs commises dans le processus. Il a déclaré que l’intimé avait utilisé un guide de notation vicié et rédigé en termes généraux, ce qui laissait une grande place à la subjectivité dans les évaluations. Il a également contesté la légitimité de sa deuxième évaluation, qui n’avait été que verbale, sans aucune trace écrite. Il a allégué que la combinaison de ces questions équivalait à de la partialité dans le processus de sélection, ce qui constitue un abus de pouvoir.

[3] L’intimé a déclaré que le plaignant n’avait tout simplement pas obtenu la note de passage requise pour les critères essentiels que l’examen visait à évaluer. Le retard dans la programmation de sa rétroaction informelle n’était pas délibéré, mais simplement une erreur humaine qui n’a pas eu d’impact sur sa candidature. Le guide de notation n’était pas vicié. Il n’y avait aucune preuve de partialité. Il s’agit simplement d’un cas d’injustice perçue et d’un désaccord avec l’évaluation de l’examen par l’intimé. Il n’y a pas eu d’abus de pouvoir.

[4] Je conclus que l’administrateur général n’a pas abusé de son pouvoir à l’égard de la candidature du plaignant. Par conséquent, je rejette la plainte.

II. Résumé de la preuve

A. Le retard dans la communication de la rétroaction

[5] Le plaignant a fourni des preuves orales et documentaires détaillées concernant le retard dans la réception de sa discussion informelle. Il a été informé qu’il avait échoué à l’examen écrit le 20 octobre 2017. Le même jour, il a demandé une discussion informelle et a envoyé une deuxième demande le 23 octobre 2017. Il a reçu le même jour un accusé de réception de Marie-Claude Jacques, conseillère en ressources humaines, et il a été informé que sa demande était envoyée au gestionnaire évaluateur.

[6] Le 15 novembre 2017, n’ayant pas eu de nouvelles, le plaignant a fait une nouvelle demande et a reçu une réponse le 16 novembre 2017 de la part d’Anise Gallant, adjointe aux ressources humaines, s’excusant pour le retard et l’informant qu’il serait contacté. Cependant, il n’a pas eu d’autres nouvelles.

[7] Le 11 décembre 2017, Theresa Osterhout, directrice principale de la Direction de la gestion des projets, qui avait évalué l’examen du plaignant, a informé les Ressources humaines (RH) que ses discussions informelles avaient toutes été menées à bien. Le 18 décembre 2017, les RH ont assuré le suivi de toutes les demandes de discussion informelle qui n’avaient pas encore été traitées. Soixante-dix-huit des 107 candidats ayant échoué à l’examen avaient demandé des discussions informelles.

[8] Toutefois, ce suivi n’a pas permis de repérer la demande en suspens du plaignant, car les RH avaient indiqué que sa demande avait été traitée, en se fondant sur le rapport de Mme Osterhout. Les RH ne savaient pas que sa demande n’avait jamais été envoyée à Mme Osterhout parce qu’un filtre avait été mis par erreur sur la feuille de calcul des candidats, de sorte que seules les demandes de discussions informelles provenant d’employés de SPC lui ont été envoyées. Comme le plaignant provenait de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), sa demande a été mise de côté.

[9] Le 8 février 2018, le plaignant a vu l’avis de nomination sur le site Web « Emplois GC » et a envoyé un courriel exprimant sa frustration quant au retard de sa discussion informelle. Ce n’est qu’à ce moment-là que les RH ont réalisé que sa demande n’avait jamais été traitée. Mme Jacques a alors informé Mme Osterhout de la situation.

[10] Mme Osterhout a contacté le plaignant le même jour. Ils ont eu une discussion, mais le plaignant n’en était pas satisfait car, selon lui, elle manquait de profondeur et de détails. Son souvenir de la discussion du 8 février 2017 est qu’il était très frustré par SPC et par la façon dont sa discussion informelle avait été retardée. Il y a eu beaucoup plus de discussions à ce sujet que sur le contenu de son examen. Le plaignant s’en souvient différemment et a dit qu’ils avaient discuté de l’évaluation de son examen par Mme Osterhout; cependant, il a reconnu qu’il avait été très contrarié par le retard. Le 9 février 2017, il a demandé une rétraction par écrit, qui a été fournie par Mme Osterhout 12 février 2017.

[11] Le 12 février 2017, le plaignant a déposé sa plainte. Une réunion d’échange de renseignements a eu lieu le 21 février 2017, au cours de laquelle Mme Osterhout lui a de nouveau fourni des renseignements sur son examen et sur la manière dont il avait été évalué.

[12] Selon le plaignant, il y a quelque chose qui n’allait pas dans le processus. Il n’a pas allégué que l’ajout du filtre sur la feuille de calcul était autre chose qu’une erreur involontaire. Cependant, il estime que lorsqu’un candidat demande à trois reprises une discussion informelle et que personne ne cherche à savoir pourquoi elle n’a pas été programmée, l’intimé ne peut pas simplement continuer à invoquer l’erreur initiale de la feuille de calcul comme explication. Cette explication lui semblait être une dissimulation de l’erreur initiale. De plus, bien que l’intimé ait présenté des excuses à plusieurs reprises, il a estimé que ces excuses n’avaient aucune valeur s’il ne pouvait pas les faire respecter par l’intimé. Bien qu’il l’ait demandé, la procédure a, selon lui, manqué de transparence.

[13] Le plaignant a déclaré qu’il avait été accrédité en tant que subdélégué pour les processus de dotation à la GRC et que, selon lui, la discussion informelle est une partie importante du processus car elle peut donner l’occasion à un comité d’évaluation de corriger toute erreur en temps opportun, alors que cela peut encore faire une différence.

[14] Le plaignant a également indiqué que, bien qu’il ait reçu les commentaires de Mme Osterhout par écrit lorsqu’il en a fait la demande, il s’agissait presque d’un copier-coller des critères du poste. Elle n’était pas suffisamment précise et n’expliquait pas ce qui était considéré comme les erreurs spécifiques de son examen. Selon lui, il n’a pas pu obtenir les détails appropriés sur les raisons de son échec à l’examen. Il a soutenu que lorsqu’une décision est importante pour une personne, l’obligation d’équité procédurale comprend la fourniture de motifs détaillés (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 57).

[15] Le plaignant a reconnu que le fait de ne pas recevoir une rétroaction informelle en temps opportun ne constituait pas en soi un abus de pouvoir. Cependant, il pense qu’en combinaison avec d’autres problèmes, elle a atteint ce degré.

B. Le guide de notation

[16] Le plaignant a critiqué le guide de notation, qui présente les critères essentiels évalués, la question posée aux candidats pour évaluer les critères et les réponses attendues. Il a souligné la note de bas de page suivante concernant les réponses attendues : [Traduction] « *Les autres réponses jugées acceptables par les membres du comité doivent être prises en compte dans l’évaluation du candidat. » Il s’est interrogé sur le sens de cette phrase, estimant qu’elle était entièrement ouverte, de sorte qu’un candidat pourrait parler de pratiquement n’importe quoi et que cela pourrait être acceptable.

[17] Le plaignant a fait valoir que, pour jeter de l’huile sur le feu, il n’y avait pas un seul évaluateur, mais plusieurs, car il y avait plus de 200 candidats. L’intimé doit s’assurer que plusieurs évaluateurs interprètent l’outil d’évaluation de la même façon, ce qui était impossible étant donné le langage ouvert. À son avis, il s’agit d’une grave faille dans le guide de notation qui a conduit à des évaluations subjectives et, par conséquent, à de la partialité. Il estimait que deux évaluateurs utilisant ce guide ne parviendraient pas aux mêmes résultats.

[18] Lors du contre-interrogatoire, il a été demandé à Mme Osterhout si elle convenait que cette note de bas de page était si large qu’elle invitait à des évaluations vagues et subjectives. Elle a expliqué qu’elle visait à autoriser d’autres sujets et à préciser qu’à partir du moment où les candidats identifiaient un problème et proposaient une stratégie, ils n’étaient pas tenus de se limiter aux réponses acceptables qui avaient été définies. Dès l’élaboration de l’affiche du poste, en passant par l’élaboration des questions d’examen et d’entrevue, les évaluateurs ont fait très attention au type de questions et aux réponses acceptables, car ils savaient qu’un certain nombre de candidats ne venaient pas de SPC et ne connaissaient pas ses détails internes. Cette note de bas de page permettait aux candidats de répondre au scénario de plusieurs manières différentes, pour autant qu’ils puissent répondre aux éléments clés requis.

[19] Le plaignant a également contesté le système de points utilisé pour la notation du critère [traduction] « Capacité à communiquer efficacement par écrit », qui se lit comme suit :

[Traduction]

5 points : Excellent : Aucune faute de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation; le texte est très bien structuré, très bien organisé et logique. Définit les messages, les points importants et les questions de manière claire et concise. Définit les questions complexes de manière claire. Établit la distinction entre l’information essentielle et non essentielle.

4 points : Bien : Une ou deux fautes de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation; le texte est très bien structuré, très bien organisé et logique. Définit très bien les points et les problèmes importants, de manière presque aussi claire et concise que possible. Définit les questions complexes avec un minimum de lacunes. A peu ou pas de problèmes à établir la distinction entre l’information essentielle et non essentielle.

3 points : Passable : Quelques fautes de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation; le texte est bien structuré, bien organisé et logique. Définit bien les messages, les points importants et les questions, mais pas de la manière la plus claire et concise possible. Définit les questions complexes, mais avec quelques lacunes. Quelques problèmes à établir la distinction entre l’information essentielle et non essentielle.

2 points : Faible : Un certain nombre de fautes de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation; le texte est suffisamment structuré, organisé et logique. Définit les messages, les points importants et les questions de manière adéquate. Peine à définir les questions complexes. Comprend avec difficulté la différence entre l’information essentielle et non essentielle.

1 point : Insatisfaisant : Nombreuses fautes de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation; le texte n’est pas suffisamment structuré, organisé ou logique Définit mal les messages, les points importants et les questions. Est incapable de définir les questions complexes. Est incapable d’établir la différence entre l’information essentielle et non essentielle.

 

[20] Le plaignant a estimé qu’il n’y avait pas de réelle distinction entre des descripteurs tels que [traduction] « bien structuré » et [traduction] « très bien structuré » ou [traduction] « bien organisé » et [traduction] « très bien organisé ». Il a dit que si quelque chose est bien fait, c’est bien fait, et qu’on ne peut pas faire mieux que [traduction] « bien ».

[21] Il a également soutenu que la mention [traduction] « Excellent » sur 5 points était la seule note qui n’était pas subjective parce qu’elle était fondée sur l’absence totale d’erreurs. Cependant, les désignations [traduction] « Bien », [traduction] « Passable », [traduction] « Faible » et [traduction] « Insatisfaisant » n’étaient pas claires et se prêtaient à une notation subjective et, par conséquent, partiale. Les descripteurs du nombre de fautes de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation n’étaient pas quantifiés avec précision, mais utilisaient plutôt des termes tels que [traduction] « Une ou deux », [traduction] « Peu », [traduction] « Un certain nombre » ou [traduction] « Beaucoup ». Comme son examen comportait 4 fautes de ce type, il pouvait être noté comme [traduction] « Bien », [traduction] « Passable », [traduction] « Faible » ou [traduction] « Insatisfaisant », en fonction de l’évaluateur. Il a suggéré que les évaluateurs ne relèvent pas tous la même chose et que tous ne notent pas les petites erreurs, comme un espace avant un point ou une majuscule manquante. Il ne s’agit pas non plus du genre de fautes que le correcteur orthographique de Microsoft Word aurait pu repérer.

[22] En réponse à l’argument du plaignant selon lequel il n’existe pas de dossier montrant les questions qui auraient pu être soulevées ou les commentaires qui auraient pu être donnés au sujet de la clarté du guide de notation lors de son élaboration, Mme Osterhout a répondu qu’elle pouvait seulement dire qu’il était très similaire à d’autres guides de notation qu’elle avait utilisés, à la fois en ce qui concerne sa construction et son niveau de détail. Elle a également indiqué que le système de points de 1 à 5 (insatisfaisant à excellent) utilisé pour évaluer la capacité à communiquer efficacement par écrit est un système normalisé.

C. Rédaction des documents et préparation en vue de l’évaluation

[23] Mme Osterhout a témoigné de sa participation importante à des processus de dotation au cours de sa carrière, qui comprenait tout, des postes d’étudiants et des postes à durée déterminée aux affectations intérimaires et aux postes à durée indéterminée à tous les niveaux des classifications CS et EX-01. Elle a participé à de nombreux processus de dotation collective comme celui-ci, dont l’objectif était d’établir un bassin de candidats qualifiés qui pourrait être utilisé pour doter des postes comportant des rôles et des responsabilités similaires.

[24] Elle a déclaré que le nombre d’évaluateurs participant à un processus de dotation dépend de la taille et de l’ampleur du processus. Il y en a généralement trois au minimum, mais il en faut davantage pour les présélections importantes ou les volets d’examens multiples. Un processus comptant plus de 50 candidats requiert généralement plus d’évaluateurs. Étant donné qu’une grande partie du travail est effectuée en plus des tâches quotidiennes habituelles, il est souvent nécessaire de faire appel à des évaluateurs supplémentaires afin de répartir le travail. Dans la présente affaire, 12 à 18 évaluateurs y ont participé. Ils occupaient des postes EX-02 et EX-03 ou étaient des représentants des RH.

[25] La participation de Mme Osterhout comprenait l’examen du guide de notation et des documents, ainsi que sa participation à la présélection et à la formulation des réponses attendues pour l’examen écrit et l’entrevue. Elle a expliqué que pour s’assurer que plusieurs évaluateurs sont sur la même longueur d’onde dans un processus de sélection, ils se réunissent généralement plusieurs fois pour discuter et planifier la manière dont les évaluations seront effectuées. L’objectif est d’assurer une compréhension commune de ce qui sera nécessaire. L’étape suivante consiste à passer en revue des échantillons de candidatures et à évaluer des échantillons d’examens. Tout le monde fournit des commentaires, et il y a beaucoup de discussions et de questions sur ce qui sera ou ne sera pas acceptable.

[26] Ce processus a suivi la procédure habituelle. Après les réunions initiales, les évaluateurs ont participé à des revues d’échantillons d’examens, en examinant les critères qu’ils évalueraient. Ils ont examiné et discuté en détail la qualité des réponses afin d’être le plus possible sur la même longueur d’onde lors de leurs évaluations.

[27] Le processus n’exige pas une seconde évaluation dans tous les cas; si un examen a clairement échoué, il n’est pas nécessaire de procéder à un second examen. Toutefois, si un évaluateur notait un examen discutable, par exemple un examen proche de la note de passage, il demandait à un deuxième évaluateur de le revoir. Une deuxième évaluation pouvait également être demandée pour d’autres raisons. Par exemple, Mme Osterhout a demandé la révision d’un examen effectué en français pour s’assurer qu’elle n’avait pas manqué de nuances linguistiques, le français n’étant pas sa langue maternelle.

[28] De l’avis de Mme Osterhout, tous les évaluateurs ont évalué les examens à peu près de la même façon, en raison de la préparation, des discussions, des revues et de la possibilité d’obtenir une deuxième opinion si un évaluateur n’était pas entièrement à l’aise avec le résultat pour une raison quelconque.

D. Évaluation de l’examen du plaignant

[29] Il s’agissait d’un examen à faire à la maison. Les candidats avaient 24 heures pour répondre à une question de type scénario qui consistait à rédiger une note d’information à l’intention d’un sous-ministre adjoint (SMA). Les critères à évaluer étaient notés sur une échelle de 1 à 5, 3 étant la note de passage. Ces critères étaient les suivants :

[Traduction]

C1 – Connaissance des priorités, des politiques et des initiatives du gouvernement du Canada dans les domaines de la GI-TI et du rôle de SPC, des autres ministères et des organismes centraux.

Compétences en leadership :

· Créer une vision et une stratégie

· Collaborer avec les partenaires et les intervenants

CA1 – Capacité à communiquer efficacement par écrit.

 

1. C1– Connaissance des priorités, des politiques et des initiatives du gouvernement du Canada dans les domaines de la GI-TI et du rôle de SPC, des autres ministères et des organismes centraux

[30] Pour évaluer ce critère, les évaluateurs devaient comprendre où le candidat situait la question et ce qu’elle signifiait pour le SMA. Un directeur doit cerner le contexte pour la haute direction; par exemple, comment il s’aligne sur le discours du Trône, les priorités du greffier du Conseil privé, les lettres de mandat aux présidents et aux sous‑ministres, et, à ce moment-là, les priorités énoncées dans Objectif 2020. Bien que la question puisse être quotidienne pour le directeur, elle doit être située dans le contexte global pour le SMA.

[31] Mme Osterhout a précisé ses commentaires sur la notation et l’évaluation et a expliqué comment la notation était alignée sur le guide de notation. Elle a déclaré que la note d’information du plaignant avait été rédigée à un niveau très élevé qui ne fournissait pas suffisamment de clarté pour cerner les problèmes, les risques et les options. Il n’y avait pas non plus de notion de calendrier, de coûts ou d’impacts de l’une ou l’autre des recommandations proposées. Il y avait beaucoup de points, chacun manquant de profondeur, et il lui a semblé que cela ressemblait davantage à une présentation PowerPoint, dans laquelle un présentateur développerait chaque point. Une note d’information n’a pas de présentateur pour la développer ou la clarifier et doit contenir suffisamment d’informations pour que le SMA puisse agir immédiatement en fonction de cette information.

[32] Mme Osterhout a déclaré qu’elle l’avait examinée à plusieurs reprises pour essayer d’établir des liens, mais qu’elle ne voyait pas où elle s’inscrivait dans le contexte plus large du SMA, pour qui elle avait été rédigée. Bien qu’il ait fait référence à Objectif 2020, les points sans lien et sans détail étaient problématiques. Par exemple, le mandat unique de la GRC a été mentionné, mais il n’y avait pas d’explication sur la façon dont cela créait un problème pour le passage à un système de courriel commun, qui était le contexte de la note d’information.

[33] Elle a souligné que le SMA est responsable de 43 organisations et qu’il aurait une connaissance générale des mandats de chacune d’elles, mais qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il les comprenne toutes avec le genre de détails requis par la question soulevée dans la note d’information. En contre-interrogatoire, le plaignant a laissé entendre à Mme Osterhout qu’à son avis, un SMA devrait connaître les mandats de ses clients et ne devrait pas avoir besoin d’une explication du mandat unique de la GRC. Elle a expliqué qu’il est toujours préférable de pécher par excès de prudence et de ne jamais faire cette supposition.

[34] L’examen du plaignant a été noté 0-1 pour le critère des connaissances essentielles C1.

2. Compétences clés en matière de leadership : créer une vision et une stratégie, et collaborer avec les partenaires et les intervenants

[35] L’examen a également été conçu pour évaluer ces deux compétences en matière de leadership, qui supposent de comprendre les buts et objectifs de SPC et ce vers quoi il souhaite que les clients évoluent. L’examen du plaignant ne montrait pas clairement le problème, les options et les solutions, ni une voie claire pour les atteindre. Trois options ont été identifiées, mais pas les risques liés au choix de l’une ou l’autre, la manière dont elles s’alignent sur la vision et la stratégie de SPC, ou les impacts sur tous les partenaires et intervenants qui pourraient être touchés. Une stratégie aurait dû être proposée en tenant compte des jalons de haut niveau, des coûts et des prochaines étapes – une approche par étapes indiquant ce qui serait fait et qui devrait être à la table.

[36] La note du plaignant était de 2 pour la compétence clé en leadership [traduction] « Créer une vision et une stratégie », et le commentaire sommaire de Mme Osterhout était [traduction] « Pas clairement articulé ». Pour la compétence en leadership [traduction] « Collaborer avec les partenaires et les intervenants », sa note était également de 2, et le commentaire était [traduction] « Aucune référence claire à la collaboration ».

3. Capacité à communiquer efficacement par écrit

[37] Pour cette capacité, les évaluateurs recherchaient un document très clair et bien pensé, rédigé de manière appropriée pour le niveau du SMA et fournissant le type d’information dont un SMA aurait besoin pour agir, convoquer une réunion ou fournir une réponse. Il fallait faire des phrases complètes, sans fautes de grammaire, d’orthographe, de ponctuation ou de syntaxe (ou très peu), tout en évitant les acronymes et le jargon technique. Il fallait comprendre que le fait d’écrire à la haute direction est différent de celui d’écrire au personnel; il y a un changement dans le type de communication requis. Le langage utilisé doit être clair, concis et précis afin qu’un SMA puisse comprendre rapidement et clairement ce qu’il en est de la question à traiter.

[38] Mme Osterhout a indiqué qu’elle avait eu du mal à comprendre la syntaxe et la grammaire de l’examen du plaignant. Les écrits destinés à la haute direction doivent être parfaits. Voir des fautes pendant la lecture est une distraction qui nuit à une bonne compréhension. On perd le sens de ce qui est écrit. Elle a donné comme exemples plusieurs coquilles et une phrase longue et difficile à suivre dans l’examen du plaignant. À son avis, sa note d’information n’aurait jamais été transmise à un SMA; elle aurait été examinée et renvoyée pour corrections. Le plaignant a obtenu une note de 2 pour la capacité essentielle à communiquer efficacement par écrit.

[39] En contre-interrogatoire, on lui a demandé si elle pensait que tous les évaluateurs considéraient que les petites coquilles étaient importantes. Mme Osterhout a répondu qu’ils étaient tous du même avis et que ce type de question avait été soulevé au cours de l’une des revues. La discussion avait porté sur le fait qu’il s’agissait spécifiquement d’un exercice de rédaction et qu’il était destiné à un SMA. Les évaluateurs avaient tous été soumis au [traduction] « stylo rouge », c’est-à-dire que les documents écrits sont examinés et renvoyés pour correction avant d’être remis à un SMA. Elle a déclaré qu’il était ancré dans leur esprit que les petites coquilles étaient importantes; elles sont vérifiées encore et encore, et, par conséquent, elles sautent aux yeux.

[40] Le plaignant a suggéré à Mme Osterhout, lors du contre-interrogatoire, qu’un examen écrit dans des délais serrés crée une possibilité de commettre des fautes. Elle a répondu qu’à son avis, une période de 24 heures offrait suffisamment de temps pour l’examen et la révision.

[41] Enfin, le plaignant a demandé à Mme Osterhout le nombre approximatif de notes d’information qu’elle avait rédigées au cours de sa carrière. Elle a déclaré avoir rédigé, contribué à la rédaction et révisé des notes d’information pendant presque toute sa carrière, sauf pour des postes très subalternes. Elle a également mené des discussions avec ses équipes sur ce que l’on attendait d‘une note d’information. Lorsqu’on lui a demandé de préciser combien elle en avait rédigé, elle a répondu bien plus de 50, probablement plus de 100. Elle a déclaré qu’elle avait travaillé pendant 4 à 5 ans pour le Conseil du Trésor sur une initiative très médiatisée, avec 130 organisations, en fournissant constamment des notes d’information et en aidant d’autres ministères à préparer des notes d’information pour leurs cadres supérieurs. Son travail sur les notes d’information s’est poursuivi jusqu’à la fin de sa carrière, et de toutes celles qu’elle a rédigées ou sur lesquelles elle a travaillé, environ 75 % sont allées au niveau du SMA ou du sous-ministre.

E. La deuxième évaluation verbale

[42] Le plaignant a déclaré que, d’après son expérience, si quelqu’un échoue à un examen, il doit être soumis à un deuxième évaluateur. Il ne devrait jamais y avoir qu’un seul évaluateur, car cela peut conduire à de la partialité. À son avis, même si nous essayons d’éviter d’être partial, c’est dans la nature humaine; il est donc important d’avoir deux évaluateurs, pour éviter toute partialité ou perception de celle-ci.

[43] L’examen du plaignant n’a pas été envoyé pour une deuxième évaluation. Cependant, après avoir appris qu’il avait échoué, il en a demandé une. Son examen a été envoyé à Dany Bernier, directeur principal, Direction de la gestion des projets, qui est arrivé à la même conclusion que Mme Osterhout. Le plaignant a allégué que M. Bernier avait reçu les notes d’évaluation et les commentaires de Mme Osterhout plutôt que son examen et le guide de notation. Il estime que M. Bernier n’a pas pu éviter d’être influencé par ceux-ci. Le plaignant a déclaré qu’un deuxième évaluateur ne devrait jamais avoir les notes et les commentaires du premier évaluateur.

[44] De plus, lorsqu’il a demandé à voir l’évaluation de M. Bernier, on lui a répondu qu’il n’y avait rien par écrit. À son avis, compte tenu de l’ensemble de la LEFP et de ce qu’il a appris dans le cadre de la formation des subdélégués, un objectif important du processus de sélection de la fonction publique est d’éliminer toute perception de partialité. Si c’est le cas, il se demande comment l’intimé a pu ne rien avoir par écrit en ce qui concerne la deuxième évaluation.

[45] En contre-interrogatoire, le plaignant a demandé à Mme Osterhout si M. Bernier avait reçu ses notes d’évaluation. Elle a répondu que M. Bernier avait reçu une copie propre. Le plaignant n’a pas indiqué pourquoi il pensait que M. Bernier aurait pu avoir les notes d’évaluation de Mme Osterhout, et aucune preuve n’a été présentée pour suggérer que c’était le cas. Le plaignant a suggéré, par le biais d’une question à Mme Osterhout, que si M. Bernier avait fait sa propre évaluation, il aurait eu ses propres notes, mais il n’y en avait aucune. Mme Osterhout a répondu qu’elle avait eu une discussion avec M. Bernier, qui a déclaré verbalement que l’examen n’était pas réussi, qu’il n’y avait pas assez d’éléments ou de points abordés et qu’il ne pouvait pas soutenir la réussite de l’examen.

[46] De l’avis du plaignant, cette façon de faire ne tient pas compte du principe important de la transparence. Si M. Bernier ne consignait rien par écrit, il n’y avait donc rien à mettre en corrélation pour montrer pourquoi les deux évaluations avaient abouti exactement au même résultat, ce qui suggère de la partialité.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[47] Le plaignant a fait valoir que l’absence de rétroaction détaillée en temps opportun et l’utilisation d’un guide de notation vicié et subjectif ont suscité une crainte raisonnable de partialité, qui constituait un abus de pouvoir. Il a renvoyé à Gignac c. Sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, aux paragraphes 64 et les suivants, concernant l’obligation d’agir de façon impartiale et sans crainte raisonnable de partialité dans les processus de nomination.

[48] L’article 47 de la LEFP prévoit une discussion informelle, qui peut offrir à l’évaluateur l’occasion de corriger tout problème ou toute erreur. Cette discussion nécessite une rétroaction en temps opportun, afin de pouvoir reconnaître que les choses n’ont pas été faites correctement et de pouvoir prendre la décision d’annuler et de recommencer (voir Lirette c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 42, au paragraphe 35).

[49] Le risque d’une notation incohérente était élevé dans ce processus, car il y avait un grand nombre d’évaluateurs et de nombreuses façons d’interpréter un guide de notation au libellé aussi large. Un outil d’évaluation doit tester ce qui doit être évalué, et si l’outil est vicié, le résultat ne peut pas être considéré comme raisonnable ou juste (voir Chiasson c. Sous‑ministre de Patrimoine canadien, 2008 TDFP 27, au paragraphe 50).

[50] Le plaignant a fait valoir que, d’après la jurisprudence, la LEFP et ce qu’il a glané dans le cadre de sa formation en subdélégation, tous les candidats ont le droit d’être évalués de façon uniforme; tout le monde devrait être traité de la même façon (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8). Si le processus s’écarte de ce principe en utilisant un outil d’évaluation vicié, le processus est entaché de partialité. Comme l’a dit le plaignant, [traduction] « si l’évaluation contient des lacunes, il n’est pas difficile de déduire qu’elle était partiale ».

[51] Le plaignant a en outre soutenu qu’il n’avait pas à démontrer une partialité réelle, mais qu’il devait en avoir la perception. En outre, il n’y avait tout simplement pas de transparence dans le processus, ce qui a été mis en évidence par le fait que le deuxième évaluateur n’a rien fourni par écrit.

B. Pour l’intimé

[52] L’intimé a noté que le plaignant avait le fardeau de la preuve dans cette affaire (voir Tibbs, au paragraphe 55) et qu’il ne s’en était pas acquitté. La Commission, ses prédécesseurs et les tribunaux se sont prononcés à maintes reprises sur ce qui constitue un abus de pouvoir (voir Tibbs, aux paragraphes 56 à 65, et Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684). Il ressort clairement de l’ensemble de la LEFP qu’il faut démontrer plus que des erreurs pour justifier une telle allégation.

[53] Le plaignant a allégué que l’outil de notation était vicié, ce qui a entraîné une certaine forme de partialité. Cependant, lors du contre-interrogatoire, il a confirmé qu’il n’avait jamais rencontré ni Mme Osterhout ni M. Bernier et qu’il ne les connaissait pas. Il n’avait aucun antécédent avec l’un ou l’autre des évaluateurs qui pourrait indiquer de la partialité.

[54] Le critère de partialité que la Commission utilise normalement se trouve dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, 1976 CanLII 2 (CSC). Il est important de rappeler ce critère, tel qu’il est énoncé dans Gignac au paragraphe 72, comme suit :

72 […] Il consiste à déterminer si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez le décideur. Il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y a eu partialité, celle-ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente […]

 

[55] Rien dans la preuve n’indique que l’outil d’évaluation était vicié. Mme Osterhout a longuement expliqué ce qu’elle considérait comme des lacunes dans la réponse du plaignant à l’examen et comment et pourquoi il avait échoué aux critères de connaissance et de capacité. Son témoignage était exhaustif; elle a été capable d’identifier précisément les erreurs et de faire les liens avec le guide de notation pour justifier les notes attribuées.

[56] Un abus de pouvoir est plus qu’une simple injustice perçue (voir Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14, au paragraphe 50). Cette affaire concerne une injustice perçue. Voir également Portree, aux paragraphes 54 à 56, où il est indiqué que le désaccord d’un plaignant avec la décision d’un évaluateur ne signifie pas qu’il y a eu un abus de pouvoir. En fait, il n’est pas rare qu’un plaignant soit en désaccord avec une telle décision (voir Johnston c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2014 TDFP 1, au paragraphe 87).

[57] L’intimé a reconnu que la discussion informelle a été fournie tardivement, mais qu’en fin de compte, le plaignant a reçu un appel téléphonique de Mme Osterhout et ses commentaires écrits, comme il l’avait demandé. Elle lui a également fourni une rétroaction lors de la réunion d’échange de renseignements. En tout, il a eu trois séances de rétroaction.

[58] Peut-être qu’une partie de l’injustice perçue a résulté du retard. Mme Osterhout a déclaré dans son témoignage que, lors de leur première discussion, le plaignant était contrarié par le retard dans la tenue de la discussion informelle, qu’il a abordée plus que le contenu de son examen. Toutefois, rien ne prouve que ce retard a nui à sa participation au processus de sélection. Voir Gabon c. Sous-ministre d’Environnement Canada, 2012 TDFP 29, au paragraphe 72, qui indique que le retard dans la programmation d’une discussion informelle ne constitue pas un abus de pouvoir.

[59] Comme l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) l’a souligné dans Henry c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 10, aux paragraphes 61 et 62, et dans Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, aux paragraphes 74 à 76, les discussions informelles ne sont pas obligatoires. Elles peuvent donner l’occasion de corriger des erreurs dans le processus, mais ne sont pas censées fournir une occasion de réévaluation. En l’espèce, il n’y avait aucune preuve d’une erreur à corriger.

IV. Motifs de décision

A. La rétroaction était inopportune, mais elle n’a pas eu d’incidence sur le résultat

[60] L’article 47 de la LEFP permet à l’employeur d’offrir à un candidat dont la candidature n’a pas été retenue pour une nomination une discussion informelle sur sa candidature, sur demande. Ce n’est pas obligatoire; plutôt, l’intimé « peut » en tenir une. L’article 47 se lit comme suit :

Discussions informelles

47 À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

Informal discussion with employee

47 Where a person is informed by the Commission, at any stage of an internal appointment process, that the person has been eliminated from consideration for appointment, the Commission may, at that person’s request, informally discuss its decision with that person.

 

 

Dans

61 […] l’article 47 de la LEFP, qui porte sur la discussion informelle, n’est pas normatif […]

62 Le Tribunal encourage fortement les ministères à tenir des discussions informelles avec les candidats dont la candidature n’a pas été retenue, même si, aux termes de la LEFP, il ne s’agit pas d’une étape obligatoire dans le processus de plainte.

 

[62] Dans Gabon, le TDFP a déclaré ce qui suit :

72 Durant l’audience, la plaignante a soulevé une allégation en indiquant que la discussion informelle n’avait pas été tenue en temps opportun. Elle a affirmé qu’elle avait écrit un courriel au président du comité d’évaluation le 23 décembre 2009, puis qu’elle avait réécrit à ce sujet en juin 2010. Le président du comité a reconnu qu’il n’avait pas consulté le courriel en temps opportun. Cependant, il a organisé une rencontre peu de temps après que son oubli lui a été signalé. Il aurait certes été préférable que le président du comité réponde à la demande de rencontre plus rapidement, mais en l’espèce, la tenue tardive d’une discussion informelle ne constitue pas un abus de pouvoir selon l’article 77(1)a) de la LEFP. Voir, par exemple, la décision Agboton c. le président de la Commission de la fonction publique, 2010 TDFP 0013.

 

[63] Une discussion informelle peut être très utile. Le candidat peut apprendre pourquoi sa candidature n’a pas été retenue, ce qui peut être une information utile lorsqu’il postule pour de futures nominations. De plus, comme l’a soutenu le plaignant, elle peut également fournir une occasion de corriger toute erreur dans le processus. À cette fin, bien sûr, la rapidité avec laquelle cette discussion est tenue est importante.

[64] Je suis d’accord avec le plaignant pour dire que l’erreur de feuille de calcul, bien qu’involontaire, n’a pas été examinée et corrigée en temps opportun. Étant donné qu’il a soulevé la question auprès de l’intimé, elle aurait dû l’être. Il n’y avait aucune preuve pour étayer son soupçon qu’il s’agissait d’une dissimulation de l’erreur initiale. Cependant, aucune explication adéquate n’a été fournie quant à la raison pour laquelle sa discussion informelle n’a pas été programmée avant plusieurs mois, même après qu’il a eu soulevé la question.

[65] Par conséquent, bien que la tenue d’une discussion informelle ne soit pas obligatoire, s’il y avait eu des preuves d’une erreur ou d’un problème spécifique qui aurait pu avoir une incidence sur sa candidature et qui aurait pu être corrigé par une discussion informelle en temps opportun, son argument d’abus de pouvoir concernant le retard aurait pu être fondé.

[66] Cependant, il n’y avait pas de telles preuves. Il n’a signalé aucune erreur ou aucun problème, comme des informations manquantes dans sa candidature ou des informations qui n’avaient pas été prises en compte et qui auraient pu être corrigées. Il a soutenu que l’outil et le processus d’évaluation étaient viciés, ce qui a entraîné des erreurs dans l’évaluation de son examen, selon lui, mais j’estime qu’il n’y en avait pas.

[67] Dans Henry, au paragraphe 60, citant la décision Rozka, le TDFP a indiqué ce qui suit :

60 Bien que les discussions informelles fournissent l’occasion au comité d’évaluation de corriger des erreurs, elles ne supposent aucune obligation de réévaluer les qualifications d’un candidat. Le Tribunal s’est penché sur la question de la discussion informelle dans l’affaire Rozka :

[76] La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si l’on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

[Je mets en évidence]

 

[68] Le caractère inopportun de la rétroaction que le plaignant a reçue n’est certainement pas un modèle de pratiques exemplaires et cela n’aurait pas dû se produire. Toutefois, ce point était théorique en l’espèce, car il n’avait aucune incidence sur l’issue du processus de sélection dans son cas. Il a simplement eu le désir compréhensible d’avoir l’occasion d’exprimer son désaccord avec l’évaluation de son examen et de plaider pour une meilleure évaluation. En fait, il espérait être réévalué, mais le but d’une discussion informelle n’est pas de réévaluer un candidat, en particulier en l’absence de toute erreur.

[69] Le retard dans la tenue de la discussion informelle n’a pas donné lieu à un abus de pouvoir et n’en constitue pas la preuve.

B. Aucune lacune dans le guide de notation ou le processus d’évaluation

[70] L’argument du plaignant selon lequel le guide de notation était vicié et subjectif parce qu’il permettait la possibilité de différents types de réponses à l’examen n’était pas fondé. Mme Osterhout a expliqué que cette flexibilité avait pour but d’éviter d’éliminer par inadvertance des candidats ne faisant pas partie de SPC. Comme il ne faisait pas partie de SPC, le plaignant était le type même de candidat qui aurait pu bénéficier de cette approche.

[71] Bien évidemment, il est toujours possible d’avoir certains écarts dans les évaluations des différents évaluateurs. Les évaluateurs sont des êtres humains, avec leur propre cerveau et leur propre façon de voir le monde. Aucun système ne peut garantir que différents évaluateurs noteront tous les aspects d’un examen exactement de la même manière.

[72] Cependant, l’importante collaboration des évaluateurs dans l’élaboration et la révision des documents, les discussions et les débats sur les détails de ce qui serait exigé, les évaluations d’exemples d’examens et la possibilité de demander un deuxième évaluateur en cas de doute ont sans aucun doute contribué à atteindre l’objectif d’une évaluation uniforme. Le témoignage de Mme Osterhout était détaillé, crédible et convaincant. Il a démontré que l’intimé a fait tout son possible pour s’assurer que tous les évaluateurs étaient sur la même longueur d’onde, qu’ils avaient une compréhension solide et commune de ce qui était requis et qu’ils étaient bien équipés pour évaluer les examens de la manière la plus cohérente possible.

[73] L’objection du plaignant à l’encontre d’un système de points standard et simple pour évaluer la compétence en rédaction n’est pas non plus fondée. Il a fait valoir qu’il n’y a pas de réelle distinction entre un texte écrit bien structuré et un texte écrit très bien structuré. Selon lui, si quelque chose est bien fait, c’est bien fait; on ne peut pas faire mieux que ça.

[74] Cette suggestion n’est pas fondée. Il existe une différence évidente entre bien écrire et très bien écrire. Il y a une différence évidente entre bien et excellent. Quoi qu’il en soit, le plaignant a reçu une note de 2 sur 5 pour sa compétence en rédaction, ce qui n’est ni bien ni excellent.

[75] Le plaignant a également fait valoir que le guide de notation était subjectif parce qu’il ne comportait pas de quantification spécifique du nombre d’erreurs acceptable pour chaque note. Il estimait que pour cette raison, ses quatre fautes de grammaire, d’orthographe et de ponctuation auraient pu être notées [traduction] « Insatisfaisant », [traduction] « Faible », [traduction] « Passable » ou [traduction] « Bien », selon l’évaluateur. Il semblait penser que Mme Osterhout n’était qu’une correctrice acharnée qui avait un œil de faucon pour repérer les petites erreurs qu’un autre évaluateur aurait pu pardonner ou même ne pas remarquer. En outre, à son avis, un guide de notation aussi vicié et subjectif permettait un large éventail d’opinions sur l’importance de la grammaire, de l’orthographe et de la ponctuation.

[76] Le témoignage de Mme Osterhout indiquait clairement que tous les évaluateurs étaient sur la même longueur d’onde à ce sujet, qu’ils en avaient discuté spécifiquement et qu’ils étaient tous familiers avec le [traduction] « stylo rouge », c’est-à-dire l’examen minutieux qui a lieu avant que les notes d’information ne soient remises aux SMA. Comme elle l’a dit, la note d’information du plaignant n’aurait pas été transmise à un SMA; elle aurait été renvoyée pour être corrigée.

[77] Il est regrettable de constater que, malgré l’importance que le plaignant accorde à l’obtention d’une rétroaction, il ne semble pas la recevoir avec un esprit ouvert afin d’en tirer profit lors de futurs processus de sélection. En fin de compte, il a reçu trois fois des rétroactions instructives et utiles, mais il semble n’en avoir accepté aucune et continue de suggérer que les erreurs d’orthographe, de grammaire et de syntaxe dans une note d’information destinée à un SMA ne devraient pas être considérées comme si importantes.

C. Aucune preuve de partialité

[78] Le TDFP a examiné une allégation d’abus de pouvoir fondée sur la partialité dans Gignac. Il a noté que la Cour suprême du Canada avait statué que l’obligation bien établie d’agir équitablement dans les affaires touchant les droits, les privilèges et les intérêts d’une personne s’applique aux décisions administratives, compte tenu de leurs contextes législatif, institutionnel et social (voir Baker, au paragraphe 28). Les décisions relatives à la dotation en personnel dans le secteur public ont une incidence considérable sur les possibilités de carrière et les revenus des personnes, et donc sur leur vie, et sont clairement le type de décisions administratives auxquelles la Cour a fait référence dans Baker.

[79] De plus, le contexte législatif d’une plainte en matière de dotation comprend spécifiquement un devoir d’équité dans les pratiques d’emploi. Le préambule de la LEFP identifie les pratiques d’emploi équitables et transparentes comme des valeurs clés caractérisant la dotation dans la fonction publique. La Commission de la fonction publique (CFP) a élaboré des lignes directrices et des pratiques d’emploi que les administrateurs généraux doivent respecter afin de s’assurer que les évaluations sont équitables et que les processus de nomination sont impartiaux. Le Guide de mise en œuvre des Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP précise qu’il est important qu’un processus soit équitable et qu’il soit perçu comme tel et indique que les membres du comité d’évaluation doivent minimiser toute apparence de partialité.

[80] Le critère permettant de déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité dans le contexte de la dotation en personnel est énoncé dans Gignac et est bien exprimé dans Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33, au paragraphe 26, comme suit : « […] si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation, la Commission peut conclure à l’existence d’un abus de pouvoir. »

[81] Le plaignant a précisé qu’il n’alléguait pas de partialité de la part de Mme Osterhout, de M. Bernier ou de toute autre personne. À son avis, c’est plutôt toute la chaîne des événements, y compris l’absence de rétroaction informelle appropriée et en temps opportun, l’utilisation d’un guide de notation vicié et le manque de détails et de documents pour justifier les résultats de son examen raté, en particulier l’absence d’une deuxième évaluation écrite, qui a vicié l’ensemble du processus.

[82] J’estime qu’il n’y a pas de preuve de partialité fondée sur la chaîne des événements, comme il est allégué. La seule lacune dans la procédure a été le retard dans la discussion informelle, ce qui ne permet pas, dans ces circonstances, de soutenir une allégation de partialité. Le guide de notation ou le processus d’évaluation ne comportait aucune lacune qui pourrait suggérer de la partialité.

[83] En outre, la suggestion du plaignant selon laquelle il doit toujours y avoir une deuxième évaluation n’est pas fondée, même si je suis d’accord avec lui pour dire que s’il y en a une, elle devrait être documentée. Mme Osterhout a témoigné que la pratique était d’obtenir des commentaires écrits d’un deuxième évaluateur uniquement s’il n’était pas d’accord avec la première évaluation. À mon avis, les pratiques exemplaires imposeraient de disposer d’un document écrit, mais ce n’est pas une obligation et l’absence d’un tel document ne suggère pas, en soi, la partialité.

[84] En l’absence de toute preuve du contraire, je conclus que le rapport verbal de M. Bernier à Mme Osterhout était simplement une façon efficace de faire un rapport. De plus, compte tenu des efforts déployés par l’intimé pour assurer la cohérence des évaluations, il n’est pas surprenant que la deuxième évaluation soit similaire à la première. Ce résultat montre que le guide de notation a réussi à produire deux évaluations similaires du même examen, le résultat même que le plaignant a soutenu comme étant impossible en raison de ce qui était, selon lui, le langage vague et ouvert du guide de notation.

[85] Bien que l’existence d’une documentation écrite sur la deuxième évaluation aurait permis de mieux consigner les conclusions de M. Bernier, son absence n’implique pas de partialité et ne constitue pas une erreur grave qui équivaudrait à un abus de pouvoir (Tibbs, au paragraphe 73).

V. Conclusion

[86] Il n’y avait pas de manque de détails pour justifier les résultats de l’examen raté du plaignant, comme il est allégué. Les commentaires écrits de Mme Osterhout étaient très instructifs quant à la raison pour laquelle le plaignant n’a pas réussi. Son témoignage à l’audience était exhaustif et détaillé, et il a clairement justifié la raison pour laquelle son examen a été évalué comme il l’a été.

[87] L’outil d’évaluation n’était pas vicié. Il contenait tous les éléments requis, et l’efficacité de son utilisation a été renforcée par la préparation collaborative de plusieurs évaluateurs, qui visait spécifiquement à produire un degré élevé de cohérence dans les évaluations.

[88] Il n’y avait pas de preuve de partialité due à des lacunes dans le processus. La seule lacune dans le processus était la rétroaction tardive. Cette erreur regrettable et l’incapacité de l’intimé à la corriger en temps opportun n’auraient pas dû se produire, mais elles n’ont pas eu d’incidence sur le résultat de la candidature du plaignant. Cependant, cette erreur a manifestement exacerbé sa frustration à l’égard du processus et l’a peut-être amené à percevoir de la partialité et de l’injustice là où il n’y en avait pas.

[89] Je conclus qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir de la part de l’intimé.

[90] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[91] La plainte est rejetée.

Le 21 avril 2022.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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