Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte contre son syndicat (le « défendeur ») alléguant que ce dernier s’était livré à une pratique déloyale de travail au sens de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») – le plaignant a allégué que le défendeur ne l’avait pas bien conseillé et représenté – il a reproché essentiellement au défendeur ce qui suit : 1) n’avoir pris aucune action pour l’aider lors de ses deux retours progressifs au travail; 2) d’avoir omis de compléter un rapport d’enquête; 3) de ne pas lui avoir fourni un suivi ou d’avoir répondu à ses questions – le défendeur a soulevé une objection préliminaire afin de faire valoir que la plainte était irrecevable et qu’elle devait être rejetée de façon sommaire puisqu’elle n’avait pas été déposée dans le délai de 90 jours prévu par la Loi – la Commission a conclu que la plainte n’avait pas été déposée dans le délai prescrit par la Loi – La Commission a également conclu que la preuve présentée au sujet des événements reprochés qui se sont produits après le délai de 90 jours précédant la plainte, n’étayait pas un cas de représentation inéquitable.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20220329

Dossier: 561-02-41087

 

Référence: 2022 CRTESPF 22

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

STÉPHANE FERGUSON

plaignant

 

et

 

UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS –

SYNDICAT DES AGENTS CORRECTONNELS DU CANADA – CSN

 

défendeur

Répertorié

Ferguson c. Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Claude Guilbault et Alexandre Painchaud, représentants

Pour le défendeur : Franco Fiori, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 7 au 9 septembre 2021 et le 24 février 2022.

Arguments écrits datés du 1er et du 3 mars 2022.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 5 octobre 2019, Stéphane Ferguson (le « plaignant ») a déposé une plainte contre l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (« UCCO-SACC-CSN » ou le « défendeur »). Le plaignant allègue que le défendeur s’est livré à une pratique déloyale de travail au sens de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Le plaignant allègue que le défendeur ne l’a pas bien conseillé et représenté entre le 20 novembre 2017 et le 4 octobre 2019.

[2] Le défendeur a répondu que la plainte n’était pas fondée parce qu’il n’avait pas refusé de conseiller ou de représenter le plaignant. Le défendeur a fourni de bons conseils pendant la période visée par la plainte et a appuyé le plaignant dans toutes ses démarches et ses recours. Selon le défendeur, il s’est acquitté de son obligation en vertu de la Loi, et le plaignant n’a présenté aucune preuve contraire.

[3] Pour les raisons qui suivent, je conclus qu’en ce qui concerne les événements qui se sont produits avant le 6 juillet 2019, la plainte n’a pas été déposée dans le délai de 90 jours prescrit par la Loi. Je conclus également que la preuve présentée au sujet des événements reprochés qui se sont produits après le 6 juillet 2019, (c’est-à-dire dans les 90 jours précédant la plainte), n’étaye pas un cas de représentation inéquitable.

II. Contexte

[4] Le plaignant reproche essentiellement au défendeur les manquements suivants : 1) de n’avoir pris aucune action pour l’aider lors de ses deux retours progressifs au travail, soit de septembre à décembre 2017 et de mai à juillet 2018; 2) d’avoir omis de compléter un « Rapport d’enquête de situation comportant des risques » (rapport LAB 1070) en mai 2018; 3) de ne pas lui avoir fourni un suivi ou d’avoir répondu à ses questions. Sa plainte se lit comme suit :

[…]

Aucune action concrete entreprise par le syndicat UCCO-SACC CSN, dans le traitement de plainte de non respect de mes limitations médical (à deux reprises) par l’employeur (Service Correctionnel Canada), lors de deux (2) retour progressif distinct (PRT). Le premier étant de septembre à decembre 2017. Le deuxième étant de mai à juillet 2018. De plus, ommission de la part du syndicat de completer un rapport (LAB 1070), déjà initié par moi-même, suite à un autre (nouvel) accident de travail, 2 jours après le début du 2 ème PRT, en mai 2018. Malgré toutes mes tentatives, le sundicat (UCCO-SACC-CSN) persiste et prétend qu’il traite toujours mon dossier, mais refuse de me faire un suivi, évite de répondre à mes questions légitimes ainsi que de me démontrer les actions entreprises. Plusieurs éléments de preuves peuvent vous être fournie à votre demande.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[5] La plainte a été déposée le 5 octobre 2019 en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, qui se lit comme suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

 

[6] L’article 185 de la Loi définit une pratique déloyale de travail comme étant tout ce qui est interdit par le paragraphe 186(1) ou (2), l’article 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1) de la Loi. Le plaignant allègue qu’il y a eu violation de l’article 187. Cet article prévoit ce qui suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[7] Le défendeur a soulevé une objection préliminaire. Il a fait valoir que la plainte est irrecevable et qu’elle devait être rejetée de façon sommaire puisqu’elle n’a pas été déposée dans le délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

190 (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

 

[8] À l’audience, les parties ont présenté des faits et des arguments afin de préciser, premièrement, quels sont les faits reprochés au défendeur et, deuxièmement, s’ils se sont produits dans le délai prescrit de 90 jours.

III. Question en litige

[9] Les gestes reprochés au défendeur se sont-ils produits dans le délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi et, si oui, étayent-ils un cas de représentation inéquitable?

IV. Chronologie des événements et résumé des faits

[10] Les parties ont été invitées à fournir un énoncé des faits respectifs. Le plaignant a présenté un tableau qui contient une chronologie de 30 moments clés qui ont marqué ses échanges avec le défendeur entre le 20 novembre 2017 et le 4 octobre 2019. Dans ce tableau, le plaignant présente un survol des principales communications échangées entre le défendeur et lui.

[11] Le défendeur, quant à lui, a produit un énoncé des faits de 68 paragraphes qui liste, étape par étape, action par action, chacune des démarches prises par le défendeur pour prêter assistance au plaignant.

A. Résumé de la preuve

[12] Quatre témoignages ont été présentés dans le cadre de l’audience. Les parties ont aussi présenté en preuve plusieurs cahiers de documents : le Cahier A (20 onglets et 118 pages) contient des documents qui ont été produits en preuve par les parties de façon conjointe; le Cahier B (78 pages numérotées de 1 à 65) contient des documents additionnels introduits par le plaignant; le Cahier C (42 onglets et 190 pages) contient des documents additionnels produits en preuve par le défendeur.

[13] Le plaignant a témoigné en son propre nom à l’audience.

[14] Le défendeur a appelé trois témoins, soit Stéphane Marcotte, agent correctionnel et délégué à la santé et sécurité au travail (SST) du syndicat local UCCO-SACC-CSN du syndical local de l’Établissement de Cowansville; François Ouellette, avocat et, au moment des faits, conseiller syndical d’UCCO-SACC-CSN de la région de Québec; Olivier Rousseau, avocat et, au moment des faits, conseiller syndical d’UCCO-SACC-CSN attitré à la région du Québec.

[15] Le défendeur avait également prévu inviter neuf témoins supplémentaires à l’audience. Afin de réduire la durée de l’audience, le défendeur a été invité à produire des déclarations de témoins à l’avance. Il était prévu que le plaignant aurait l’occasion de contre-interroger à l’audience ces témoins qui ont fourni une déclaration de témoin. Toutefois, après avoir pris connaissance de ces déclarations, le plaignant a précisé qu’il ne souhaitait pas contre-interroger ces personnes. Son seul souhait était de contre-interroger M. Rousseau, et c’est la raison pour laquelle le défendeur a invité ce témoin à témoigner en personne à l’audience.

[16] À l’audience, le défendeur a aussi informé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral ( la « Commission ») qu’il ne ferait pas témoigner un témoin qu’il avait initialement prévu inviter à témoigner, il s’agissait d’une agente correctionnelle. Il a informé la Commission qu’il n’était pas nécessaire que ce témoin produise une déclaration de témoin non plus.

[17] Les six déclarations de témoins qui ont été produites en preuve par le défendeur, avec l’accord du plaignant, sont signées par les personnes suivantes : Maxime Turcotte, délégué en programme de retour au travail (PRT) du syndicat local UCCO-SACC-CSN de l’Établissement de Cowansville; Jonathan Giard, président du syndicat local de l’Établissement de Cowansville; Alexandra Lussier, conseillère syndicale au module de défense des accidentés de la CSN; Anne‑Marie Laurendeau, déléguée en PRT du syndicat local UCCO-SACC-CSN de l’Établissement de Cowansville; Frédérick Lebeau, agent correctionnel et président régional du Québec d’UCCO-SACC-CSN; Mohamed Boussaïd, conseiller syndical au module de défense des accidentés de la CSN. Le plaignant a informé la Commission qu’il ne souhaitait pas contre-interroger ces personnes.

[18] Deux déclarations supplémentaires (rédigées, signées et envoyées à la Commission) n’ont pas été produites en preuve pour le motif qu’elles n’étaient plus nécessaires, selon le défendeur. Il s’agit des déclarations d’une avocate, conseillère syndicale au module de défense des accidentés de la CSN et d’un conseiller syndical qui, au moment des faits, était au module de défense des accidentés de la CSN.

B. Aperçu des témoignages

[19] Le plaignant a expliqué qu’il travaille au Service correctionnel Canada (SCC) depuis 2007. En 2009, il s’est blessé alors qu’il était agent correctionnel à l’Établissement de Port-Cartier. Il n’a pas rempli un rapport d’accident ni produit de réclamation auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) durant cette période.

[20] Il s’est blessé de nouveau en 2016 en tombant dans les escaliers chez lui. Il a été opéré en février 2017.

[21] Le 11 septembre 2017, après une absence de plusieurs mois, il est retourné au travail. Un plan de retour au travail et de mesure d’adaptation a été convenu entre lui, qui était appuyé par le défendeur représenté par Mme Laurendeau, et l’employeur. Il s’agissait d’un retour progressif au travail.

[22] Le plaignant a expliqué qu’à partir du mois d’octobre 2017, l’employeur n’a pas respecté ses limitations fonctionnelles. Le 20 décembre 2017, il a été mis en arrêt de travail pour la raison que sa condition physique se détériorait.

[23] Entre-temps, le 20 novembre 2017, ses prestations de la compagnie d’assurance Sun Life ont cessé à la suite de la présentation d’un rapport de son médecin.

[24] En décembre 2017, le plaignant a reçu l’expertise médicale qu’il avait demandée. L’expertise médicale identifiait la nécessité d’un retour au travail progressif et précisait ses limitations fonctionnelles.

[25] Le 14 mai 2018, après une absence de plusieurs mois, un nouveau plan de retour au travail et de mesure d’adaptation a été convenu entre le plaignant, appuyé par le défendeur représenté par M. Turcotte, et l’employeur. Le plaignant est donc retourné au travail le 14 mai 2018. Il s’agissait d’un retour progressif au travail.

[26] Deux jours plus tard, le 16 mai 2018, le plaignant s’est blessé dans des escaliers en poursuivant un détenu à la course. Il s’est rendu au centre de soins et a rempli un rapport d’accident.

[27] Il a expliqué qu’il a pris quelques jours de congé et est retourné au travail le 19 ou le 20 mai 2018. Or, de nouveau, le travail qu’il s’est fait assigner n’était pas adéquat pour lui à cause de sa condition physique. Il a donc été forcé de prendre un congé de maladie le 23 ou le 24 mai 2018.

[28] Le 4 août 2018, le plaignant a obtenu un billet médical précisant qu’il serait en arrêt de travail définitif. Pour cette raison, de sa propre initiative, il a décidé de présenter le 31 août 2018 une réclamation du travailleur auprès de la CNESST, qui a été reçue le 7 septembre 2018. Cette réclamation concernait la problématique suivante, tel qu’il l’a précisée sur le formulaire : « Retour progressif au travail. Papier médical non respecté par l’employeur (période debout prolongé 4 heures) aggravation de ma condition. » Il a expliqué qu’il a présenté cette réclamation puisque l’employeur avait omis de l’accommoder adéquatement au cours des mois de septembre à décembre 2017 lors de son premier retour au travail.

[29] Le 18 octobre 2018, la CNESST a décidé que sa réclamation au sujet de son retour progressif au travail de septembre à décembre 2017 n’avait pas été produite dans le délai de 6 mois prévu dans le réglementation applicable et que le plaignant n’avait pas présenté de motif raisonnable pour justifier son retard. Le plaignant a été informé qu’il avait un droit de recours de cette décision.

[30] Ce même jour, le plaignant a transmis au défendeur la décision de la CNESST qui lui indiquait qu’elle refusait sa réclamation pour le motif que cette dernière avait été reçue à l’extérieur du délai applicable.

[31] Le 20 octobre 2018, un collègue du plaignant, Claude Guilbault, a envoyé une longue missive au défendeur, à qui il reprochait de ne pas bien servir le plaignant. Il annonçait aussi qu’à partir de cet instant, à la demande du plaignant, il allait le représenter puisqu’il avait reçu un mandat de lui à cet effet.

[32] À partir de ce moment, M. Guilbault s’est occupé de présenter une série de demandes au défendeur au nom du plaignant. Tous les deux étaient de l’avis que le défendeur n’assistait pas suffisamment le plaignant et ne faisait pas un bon travail.

[33] Le 20 octobre 2018, le défendeur a aussi informé le plaignant qu’il rédigeait, de son côté, un grief en son nom pour contester le fait que son employeur ne l’avait pas accommodé adéquatement. Le grief pour défaut d’accommodement a été déposé le 24 octobre 2018.

[34] Entre le 20 octobre 2018 et le 12 novembre 2018, le plaignant et le défendeur ont échangé plusieurs courriels. Le 20 novembre 2018, le défendeur a aussi informé le plaignant qu’une communication avait été envoyée à la Sun Life pour l’aider à obtenir des prestations de cette dernière.

[35] Entre le 26 novembre 2018 et le 10 décembre 2018, le plaignant a envoyé plusieurs courriels au défendeur. Dans son courriel du 5 décembre 2018, entre autres, son impatience se fait sentir. Le 6 décembre, le défendeur lui a fourni une mise à jour dans son dossier.

[36] Le 21 décembre 2018, le défendeur a demandé de nouveau au plaignant de fournir de nouveaux documents médicaux pour expliquer les raisons de son actuel arrêt de travail.

[37] Le 12 février 2019, M. Giard, qui à ce moment était président de la section locale d’UCCO-SACC-CSN de l’Établissement de Cowansville, a demandé à son équipe d’accélérer les choses dans le dossier du plaignant. Le conseiller syndical qui a reçu cette demande, M. Bérubé, a communiqué avec M. Rousseau pour établir la meilleure façon d’accélérer les choses. À ce moment, le plaignant était sur le point de s’engager dans une procédure de révision administrative de la décision de la CNESST.

[38] Le 1er mai 2019, la CNESST a rendu une décision à la suite de sa demande de révision dans son dossier de la décision du 18 octobre 2018. La CNESST résumait les faits comme suit :

[…]

Le travailleur est agent correctionnel.

Il est de retour au travail progressivement au mois de septembre 2017. II allègue que les limitations fonctionnelles émises par son médecin n’ont pas été respectées par son employeur. Il aurait été dans une position debout de façon prolongée.

Le 30 juillet 2018, le médecin diagnostique une hernie discale L4-L5 avec radiculopathie L5 et une hernie discale L5-S1. Il indique notamment événement initial de 2009. Aggravation de la condition selon le neurochirurgien.

Le 6 septembre 2018, le travailleur soumet une réclamation à la [CNESST] pour un événement survenu le 20 décembre 2017.

[…]

 

[39] Or, la CNESST a conclu dans sa décision ce qui suit : « La réclamation du travailleur pour l’événement survenu le 20 décembre 2017 a été présentée à la [CNESST] plus de 8 mois après les faits à l’origine de sa réclamation. » Elle précisait sa décision ainsi : « Des éléments au dossier, la [CNESST], en révision, constate que le travailleur a produit sa réclamation le 6 septembre 2018 pour un événement survenu le 20 décembre 2017 et par conséquent, il a produit sa réclamation hors délai. » Elle notait aussi ce qui suit :

[…]

Toutefois, la loi prévoit qu’une personne peut être relevée de son défaut d’avoir soumis sa réclamation dans le délai prévu à la loi, si elle démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

Pour expliquer son retard, le représentant du travailleur [Olivier Rousseau] soumet que c’est le syndicat qui prend en main les démarches auprès de la [CNESST], mais ça n’a pas été fait. Le travailleur était convaincu que les démarches avaient été initiées par le syndicat.

De l’avis de la [CNESST], en révision, le motif invoqué par le représentant du travailleur n’est pas un motif raisonnable permettant de relever le travailleur du défaut d’avoir soumis sa réclamation dans le délai. En effet, le travailleur n’a pas démontré avoir fait preuve de diligence dans la conduite de son dossier. De plus, la négligence du syndicat ne peut être retenue comme un motif raisonnable.

[…]

 

[40] Le 6 mai 2019, le plaignant a demandé encore l’assistance du défendeur. Le défendeur lui a répondu qu’il s’occuperait de son dossier auprès de la CNESST.

[41] Le 29 mai 2019, le plaignant a déposé une autre « plainte contre une association de salariés » contre le défendeur, cette fois-ci auprès du Tribunal administrative du travail (TAT) du Québec pour le motif que le défendeur avait été négligent, n’avait pris aucune mesure pour faire respecter ses limitations médicales et avait négligé d’initier une demande d’indemnisation auprès de la CNESST à la suite de son départ du travail le 20 décembre 2017. Le plaignant a décrit dans le formulaire le tort qu’il a subi, à cause du défendeur, comme suit : « hors délai CSST ».

[42] Le 4 juillet 2019, par l’entremise du Service des relations du travail – CSN, le défendeur informait le plaignant que pour le représenter dans son dossier de la CNESST, il devait signer un mandat autorisant le défendeur à le représenter. Le plaignant n’a pas répondu à cette invitation.

[43] Le 26 septembre 2019, le plaignant a exigé des représentants du défendeur que ces derniers lui communiquent par écrit dans un délai de 10 jours toutes les actions entreprises pour l’aider. Il demandait spécifiquement une mise à jour au sujet du plan de match (le « plan de match »), des démarches prises auprès de la CNESST et des démarches prises relativement au grief qui avait été déposé contre le SCC.

[44] Le 3 octobre 2019, le défendeur a répondu au plaignant.

[45] Le 4 octobre, le plaignant a demandé au défendeur une copie complète de son dossier. Le défendeur lui a répondu le même jour.

[46] Le 5 octobre 2019, le plaignant a déposé sa plainte de représentation inéquitable contre le défendeur. Dans sa plainte, le plaignant reproche au défendeur de n’avoir pris « aucune action concrete [sic] » lors de ses deux retours progressifs au travail, soit de septembre à décembre 2017 et de mai à juillet 2018 et de ne pas avoir complété un rapport d’accident (LAB 1070) en mai 2018. Sa plainte contient aussi l’énoncé qui suit : « Malgré toutes mes tentatives, le sundicat [sic] (UCCO-SACC CSN) persiste et prétend qu’il traite toujours mon dossier, mais refuse de me faire un suivi, évite de répondre à mes questions légitimes ainsi que de me démontrer les actions entreprises. »

[47] Il a alors cessé de répondre aux communications du défendeur, qui lui demandait la permission de le présenter dans sa demande de révision de la décision de la CNESST. À partir de ce moment, il a ignoré toutes les communications du défendeur et réitéré qu’il souhaitait seulement obtenir tout ce qui était inclus dans son dossier qui était en la possession du défendeur.

[48] Le plaignant a expliqué qu’il a trouvé très difficile cette période de sa vie. Il était sans salaire et il se sentait démuni. Son attente était que le syndicat local l’appuie dans toutes ses démarches avec la Sun Life, la CNESST, son grief, etc. Il a témoigné qu’il n’est pas satisfait de l’assistance qu’il a reçue.

[49] C’est principalement en se référant aux documents contenus dans le Cahier du plaignant, qui contient 78 pages numérotées de B1, B2, B3, B3a, etc. jusqu’à B65, que le plaignant s’est engagé à démontrer qu’il s’agit d’un cas de représentation inéquitable.

[50] Il a porté à mon attention les échanges qui le concernent et qui sont inclus aux pages B-1 (14 mars 2018), B-2 (16 mars 2018), B3 et B3a à B3c (plusieurs dates en mars 2018), B4 (date non visible), B5 (14 mai 2018), B6 (16 mai 2018), B7 (28 mai 2018), B8 et B8a (24 et 30 mai 2018), B9 (1er juin 2018), B10 (3 juin 2018), B10a et B10b (horaire), B11 (4 août 2018), B12 (17 octobre 2018), B13 et B13a et B13b (grief daté du 24 octobre 2018 pour défaut d’accommodement), B14 (20 novembre 2018), B15 (26 novembre 2018), B16 (5 décembre 2018), B17 (6 décembre 2018, discussion au sujet de la Sun Life), B18, B18a et B18b (18 octobre 2018 décision de la CNESST), B19 (26 février 2019), B20 (27 février 2019), B21 (27 février 2019), B22 et B22a (15 mars 2019), B23 (12 février 2019), B24, B24a (textos), B25 (14 novembre 2019), B26 et B26a (14 novembre 2019), B27 à B38 (Énoncé de cadre de référence du Comité local mixte de santé et de sécurité au travail), B39 à B65 (Concepts fondamentaux dans le cadre de l’obligation d’adaptation dans la fonction publique du Canada – UCCO-SACC-CSN).

[51] Durant le contre-interrogatoire du plaignant, le représentant du défendeur a porté à l’attention du plaignant chacune des procédures entreprises pour l’aider lors de ses retours progressifs au travail. Ils ont observé ensemble les plans de retour au travail et le grief. Les échanges au sujet de son dossier avec la Sun Life et de son dossier avec la CNESST ont aussi été portés à son attention. Le représentant du défendeur a demandé au plaignant ce qu’il voulait ou souhaitait exactement de la section locale d’UCCO-SACC-CSN. Ce dernier a répondu qu’il ne le savait pas exactement puisqu’il ne connait pas les procédures devant être suivies.

[52] Bien que ce n’est pas mentionné dans sa plainte, durant son contre-interrogatoire, le plaignant a allégué qu’une enquête et un rapport LAB 1070 auraient dû être remplis en décembre 2017 après l’échec de son premier retour progressif au travail. Il avait alors quitté son travail pour le motif que son employeur n’avait pas respecté ses limitations fonctionnelles. Cependant, il a admis qu’il n’avait pas rempli un rapport d’accident à ce sujet.

[53] Son point de vue est que le dossier du syndicat est incomplet puisqu’il ne contient pas de rapport LAB relié à son départ du travail le 20 décembre 2017 et que le rapport LAB relié à son départ du travail le 16 mai 2018 est, selon lui, incomplet.

[54] Il a reconnu qu’il n’a pas rempli, non plus, un rapport d’accident au moment où il a quitté son travail le 20 décembre 2017 pour le motif que son employeur ne respectait pas ses limitations fonctionnelles. Il a cependant rempli un rapport d’accident le 16 mai 2018 avant de quitter son travail.

[55] Le plaignant a insisté qu’au moins deux rapports LAB 1070 bien complétés auraient dû apparaitre dans son dossier détenu par l’employeur, dont il a obtenu une copie, soit un rapport LAB 1070 qui aurait dû, selon lui, être complété par le défendeur en décembre 2017 et un rapport LAB 1070 qu’il a initié en mai 2018 mais qui aurait dû contenir plus d’information. En contre-interrogatoire, le défendeur a porté à l’attention du plaignant l’extrait suivant préparé par son représentant, M. Guilbault. Cet extrait se lit comme suit :

Je t’envoie cette présente car je n’ai pas eu de retour concernant mon courriel que j’ai fait parvenir le 02 novembre dernier. J’ai eu un retour de la part de Stéphane Marcotte le 03 novembre, soit le lendemain, pour me signifier qu’il n’y a pas eu de LAB 1070 d’initié et qu’il n’en aura pas puisque il ne s’agit pas d’un évènement distinct qui s’est passé en établissement. Je n’ai pas répliqué à sa remarque comme les gens concernés peuvent en témoigner. A ce niveau, je suis tout à fait d’accord qu’il ne s’agit pas d’un évènement unique mais d’une série d’événements successifs et intempestifs qui non seulement allait à l’encontre des deux rencontres PRT initiés mais allait à l’encontre de la condition médicale de Stéphane Ferguson. Dans un même élan, il s’agit, selon moi, de dénoncer une pratique qui va à l’encontre du bien être d’un membre CX sur des pratiques qui se sont produites en établissement. Comment la CSST peut conclure et ou savoir que ce non respect du PRT a eu des incidences et des conséquences sur Stéphane Ferguson si rien est initié pour le faire valoir?

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[56] Le plaignant a confirmé que c’est en consultant son dossier détenu par l’employeur qu’il a été motivé à déposer sa plainte de représentation inéquitable contre le défendeur. La raison est qu’il n’a pas trouvé dans le dossier de l’employeur tous les rapports LAB 1070 qu’il espérait y trouver et celui de 2018 qu’il a trouvé était, selon lui, incomplet.

[57] Plus particulièrement, le plaignant a expliqué que lorsqu’il a rempli, le 16 mai 2018, le rapport d’enquête de situation comportant des risques, il a rempli la section 4 du formulaire (« Description des circonstances »). Il a expliqué que personne n’a rempli la section 6 (« Causes directes de la situation comportant des risques »). En ce qui concerne la section 7 (« Mesures correctives qui seront appliquées par l’employeur et date de leur mise en œuvre »), l’employeur a inscrit « N/A » (non applicable, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’enjeu de sécurité à corriger). Enfin, en ce qui concerne la section 9 (« Observations du comité local ou du représentant »), le défendeur a inscrit « Il s’est blessé après avoir couru après un dét. L’officier s’est blessé au genoux et aux tibias. Quelques jour [sic] plus tard douleur bas du dos. » Son représentant, M. Marcotte, a signé le rapport le 1er juillet 2018.

[58] M. Marcotte, qui est un agent correctionnel, a témoigné à l’audience. Il a expliqué qu’au moment des faits, il était délégué à la SST du syndicat local UCCO-SACC-CSN de l’Établissement de Cowansville.

[59] Il a expliqué que le travail qu’il avait accompli dans le dossier du plaignant comprenait de coordonner les tâches entre les différents acteurs dans le dossier, de monter le dossier et de faire le suivi du dossier auprès du plaignant. Il a aussi parlé au plaignant du Programme d’aide aux employés.

[60] Plus précisément, il a expliqué qu’il avait assisté le plaignant dans ses diverses demandes et réclamations auprès de la Sun Life et de la CNESST. Le défendeur a aussi déposé un grief au sujet du non-respect par l’employeur de ses limitations fonctionnelles entre septembre et décembre 2017.

[61] M. Marcotte a expliqué qu’il avait eu de nombreux échanges avec le plaignant. Il a déposé en preuve une copie de plus d’une centaine de textes qu’ils ont échangés lui et le plaignant entre le 23 mars et le 28 octobre 2018, et ce à toute heure de la journée, le soir comme le week-end.

[62] De plus, il a expliqué avoir parlé au téléphone avec le plaignant et l’avoir rencontré au moins une dizaine de fois, entre le 11 septembre et le 18 décembre 2017.

[63] M. Marcotte a expliqué que, le 22 mars 2018, la demande du plaignant auprès de la Sun Life a été refusée par cette dernière. Dans les jours qui ont suivis, M. Marcotte a alors été impliqué dans la préparation d’un plan de match visant à aider le plaignant dans ses différentes démarches. Ce dernier n’avait plus de revenus et tentait d’y remédier.

[64] Les objectifs du plan de match étaient donc de régler le litige avec la Sun Life, de comprendre l’origine de la situation depuis la blessure initiale de 2009 du plaignant à la suite de l’incident survenu à l’Établissement de Port-Cartier, de vérifier s’il s’agissait d’un cas de santé et sécurité au travail relié à son accident en 2009 (puisque sa condition s’était détériorée entre septembre et décembre 2017 à la suite de son retour progressif au travail), et de prévenir toute répétition de situations difficiles pour lui.

[65] Ainsi, le 24 mars 2018, M. Marcotte a fait parvenir le plan de match par courriel au plaignant. Le plan précisait clairement qui était responsable de quoi. Le rôle de chacune des six personnes devant l’aider était précisé par écrit. M. Marcotte a expliqué ce que chaque représentant du défendeur devait et a accompli pour le bénéfice du plaignant à la suite de l’application du plan.

[66] M. Marcotte a précisé que de son côté, le plaignant avait, selon le plan de match établi, les tâches suivantes à accomplir : « Fournir tous les documents demandés »; « Faire la chronologie des événements depuis l’opération »; « Faire vérifier les éléments disponibles sur l’origine de la blessure suite à un incident survenu à l’établissement de Port-Cartier »; « Demandé [sic] les limitations médicales actuel [sic] (éventualité d’un PRT) ». Or, M. Marcotte a précisé qu’au fil du temps, le plaignant n’a pas fourni les documents demandés ou qu’il les a fournis en retard et au compte goutte, ce qui a ultimement compliqué le dossier.

[67] Tel qu’il était prévu dans le plan, au cours du mois d’avril 2018, M. Marcotte a continué de coordonner les tâches dans les divers dossiers du plaignant et de s’assurer du développement des choses. Il a, par exemple, effectué des démarches, avec l’assistance de Caroline Langis, pour faire bouger le dossier du plaignant auprès de la Sun Life. Il a aussi vérifié l’admissibilité du plaignant à d’éventuelles prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[68] Le 6 avril 2018, M. Marcotte a envoyé un courriel à M. Rousseau qui, au moment des faits, était conseiller syndical d’UCCO-SACC-CSN attitré à la région du Québec. Le courriel était intitulé « Petite question dossier S Ferguson ». Il informait M. Rousseau que Mme Langis, l’une des six personnes identifiées pour aider le plaignant dans le plan de match, lui avait dit avoir fait tout en son pouvoir auprès de la Sun Life, mais que la difficulté rencontrée était de prouver que la blessure actuelle du plaignant datait d’une intervention à Port-Cartier en 2009, puisque cette blessure n’avait pas été documentée à l’époque. M. Marcotte indiquait aussi : « [N]ous pourrons voir jusqu’où ici ils n’ont pas respecté les limitations imposées par le Dr à son retour en sept. 2017. »

[69] M. Marcotte, de son côté, a fait des démarches pour obtenir des rapports et les transmettre au plaignant qui étaient intitulés « appels nominaux ». Ces rapports visaient à illustrer les postes occupés précédemment par le plaignant, afin d’établir des liens entre les tâches à effectuer et son incapacité de les effectuer à cause de son invalidité. Les périodes de travail couvertes par ce qu’il a appelé les appels nominaux couvraient les périodes suivantes : 1) du 30 mai 2016 au 31 décembre 2016; 2) du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017; 3) du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018; 4) du 28 août 2017 au 22 décembre 2017. Ces données devaient servir à étayer la prétention du plaignant selon laquelle les gestionnaires correctionnels n’avaient pas respecté ses limitations médicales prévues dans ses billets médicaux durant son plan de retour au travail de septembre à décembre 2017.

[70] Le 15 mai 2018, M. Marcotte a aussi fait des démarches auprès d’un représentant de CORCAN afin de lui demander de vérifier la possibilité d’un transfert d’emploi pour le plaignant.

[71] M. Marcotte a porté à mon attention les responsabilités rattachées au rôle de délégué à la SST, qui sont décrites à la section 9.29 du document de constitution d’UCCO-SACC-CSN. Un devoir mentionné sous g) est d’« assister les membres dans leur dossier d’appel en santé-sécurité et les aider à compléter la documentation pertinente […] ».

[72] M. Marcotte a expliqué que le souhait du défendeur à ce sujet était, tel que précisé dans le plan de match, de : « [v]érifier le dossier [du plaignant] depuis la blessure initial suite à un incident survenu à l’établissement de Port-Cartier [en 2009] »; « [c]omprendre ce qui s’est passé et s’assurer que ça ne puisse pas se répéter avec un autre employé dans le futur »; « [v]érifier si ce n’est pas un cas de SST suite au PRT du mois de septembre ». Toutefois, pour entreprendre ces actions, le plaignant devait préalablement fournir toute documentation qu’il trouverait au sujet de sa blessure de 2009. Il n’a rien trouvé à ce sujet, toutefois.

[73] Au sujet des rapports LAB 1070 recherchés par le plaignant dans son dossier, M. Marcotte a fourni un éclairage à ce sujet. Il a expliqué que l’employeur initie un rapport LAB 1070 et a la charge de le faire parvenir à Emploi et Développement social Canada (EDSC). M. Marcotte a expliqué qu’un employé qui subit un accident ou une blessure au travail, doit d’abord se rendre au centre de soins pour qu’une déclaration d’accident de travail soit complétée par un infirmier, puis acheminée au Directeur adjoint, Services de gestion (« DASG »). Un membre de l’équipe du DASG informe alors le gestionnaire de l’employé de l’accident et lui demande de remplir un formulaire LAB 1070 et de le lui retourner. Ce LAB 1070 est ensuite acheminé au Comité local mixte de santé et sécurité afin qu’une enquête soit effectuée dans laquelle le LAB 1070 est révisé. Ces étapes terminées, le LAB 1070 est acheminé à EDSC par voie électronique.

[74] M. Marcotte a expliqué la raison sous-jacente à la préparation d’un rapport LAB 1070. Il s’agit d’identifier les dangers relativement à la santé et sécurité au travail. Par exemple, si un employé glisse et se blesse puisqu’un trajet qu’il doit emprunter au travail n’est pas déneigé, il s’agit d’une question de santé et de sécurité au travail. Plus particulièrement, il a porté à mon attention la première note des instructions contenues dans le formulaire. Cette note précise le genre de situation concernée par la santé et sécurité au travail et précise ce qui suit : « La partie II du Code canadien du travail stipule au paragraphe 125(1)(c) que l’employeur doit faire enquête sur toutes les situations comportant des risques. »

[75] M. Marcotte a aussi porté à mon attention des explications qu’il a obtenues de l’équipe du DASG au sujet de la procédure à suivre relativement à la présentation d’un rapport LAB 1070. L’extrait qu’il a porté à mon attention se lit comme suit :

[…]

Dernière question, qui a la responsabilité de monter un dossier CSST, l’employeur, l’employé ou le syndicat? Qui le transmet à la CSST?

La première étape consiste à ce que l’employé consulte un médecin au besoin. Si tel est le cas, l’employé a la responsabilité d’en aviser son gestionnaire et de lui remettre l’attestation médicale (formulaire 1936) complété par le médecin. L’employé doit également compléter la réclamation du travailleur (formulaire 1939). Dès qu’il est avisé (dès qu’il reçoit l’attestation médicale), l’employeur se charge de rapatrier ces documents dans un seul dossier et de l’acheminer à l’adresse courriel ‘NC-FWCS-SFIAT-CLAIMS-RECLAMATIONS-GD@HRSDC-RHDCC.GC.CA’ ainsi qu’au bureau régional des accidents de travail, c’est-à-dire à l’adresse ‘Accidents.GEN-QUE@CSC-SCC.GC.CA’.

Une déclaration d’accident de travail n’égale pas nécessairement un dossier CNESST. L’employé doit compléter la documentation à cet effet et consulter un médecin s’il juge que c’est approprié.

Le syndicat n’a pas de responsabilité à cet égard.

 

[76] M. Marcotte a expliqué que, le 16 mai 2018, le plaignant s’est rendu au centre de soins à la suite de sa blessure aux genoux et aux tibias causée par sa poursuite d’un détenu, pour qu’une déclaration d’accident de travail soit complétée par un infirmier. Par la suite, la procédure a été suivie et M. Marcotte a complété la section 9 du rapport et signé celui-ci le 1er juillet 2018.

[77] M. Marcotte a ajouté que la procédure habituelle avait été suivie même si le plaignant semblait s’être blessé pour le motif qu’il avait couru et non pas puisqu’un enjeu de santé ou sécurité au travail avait été présent.

[78] Entre-temps, le plaignant a impliqué M. Guilbault dans ses dossiers. M. Guilbault était l’ancien président du syndicat local. Le 4 octobre 2018, le plaignant a envoyé un courriel à une représentante de l’employeur et à M. Marcotte et a précisé dans son courriel ce qui suit :« […] par l’entremise de ce courriel, j’aimerais rajouter Claude Guilbeault [sic] à mon dossier […] ».

[79] Le 20 octobre 2018, M. Marcotte a reçu le long courriel de reproches de M. Guilbault. M. Guilbault annonçait qu’il était mandaté pour représenter le plaignant. M. Marcotte s’est senti attaqué et critiqué par M. Guilbault malgré toutes les heures qu’il avait consacrées à aider le plaignant entre le 23 mars et le 28 octobre 2018.

[80] M. Marcotte a parlé des changements survenus au sein du syndicat local peu avant cette époque. Il a expliqué que tout l’exécutif du syndicat local précédent avait démissionné de façon précipitée, ce qui avait nécessité l’élection d’un nouvel exécutif. M. Guilbault était l’ancien président de l’exécutif local et avait présenté de nouveau sa candidature comme président, mais il n’avait pas été élu. Or, selon M. Marcotte, M. Guilbault est resté impliqué de façon informelle dans certains dossiers par la suite, comme dans les dossiers du plaignant. Or, cela a nui au travail des nouveaux représentants élus. M. Marcotte, quant à lui, avait été élu par acclamation comme délégué à la SST du syndicat local.

[81] M. Marcotte a expliqué que, lorsqu’il s’était trouvé sans revenus, le plaignant avait fait appel au défendeur pour que celui-ci l’aide à trouver un revenu puisqu’il était sans revenu et vulnérable. Il ne souhaitait pas à l’origine déposer un grief pour dénoncer la situation auprès de l’employeur. C’est seulement plus tard, en septembre 2018, que le plaignant a communiqué son désir de déposer un grief au sujet du non-respect par l’employeur de ses limitations fonctionnelles entre septembre et décembre 2017. Avant cette date, il souhaitait seulement poursuivre ses démarches entreprises auprès de la Sun Life et de la CNESST pour combler son manque de revenus.

[82] M. Marcotte a expliqué que, lorsque le plaignant l’a avisé de son souhait de déposer un grief, le défendeur a accepté d’en déposer un en son nom pour dénoncer la situation auprès de l’employeur. Ce grief a été déposé le 24 octobre 2018. M. Marcotte a précisé qu’il avait expliqué au plaignant que le délai de prescription pour déposer un grief était de 25 jours. Toutefois, dans le présent cas, le défendeur acceptait de faire valoir que bien que les difficultés de mesures d’adaptation dataient de l’année précédente, le grief n’était pas hors délai étant donné l’existence d’un défaut continu de la part de l’employeur d’accommoder le plaignant.

[83] Le 2 novembre 2018, M. Marcotte a envoyé un courriel aux personnes concernées afin de confirmer le dépôt du grief au nom du plaignant.

[84] Le 3 novembre 2018, M. Marcotte a envoyé un courriel à MM. Guilbault et Rousseau. Il s’agissait d’une réponse au courriel qui est intitulé : « Partage d’information et demande orientation syndical régional [sic]. » M. Marcotte répondait à M. Guilbault ce qui suit :

[…]

Je dois te dire qu’il n’y a pas de Lab 1070 et qu’il n’y en aura pas puisqu’il est impossible de relier l’arrêt à un incident spécifique en un lieu et en temps précis. C’est une séries de mauvaise décision (non-respect du PRT) qui ont mené à l’arrête de travail et c’est pour ça que l’on a fait un grief.

Donc, si Olivier me dit le contraire on en fera un.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[85] M. Rousseau a aussi été invité à témoigner à l’audience. Il est avocat et conseiller syndical d’UCCO-SACC-CSN pour la région du Québec. La région du Québec compte 11 pénitenciers fédéraux. M. Rousseau apporte son assistance dans les dossiers les plus complexes.

[86] M. Rousseau a expliqué que son rôle dans le présent dossier était de conseiller et d’assurer le soutien juridique dans le dossier. Il a justement été consulté à cause de la complexité du dossier.

[87] Le 13 mars 2018, M. Giard (qui était président de la section locale d’UCCO-SACC-CSN de l’Établissement de Cowansville) lui a envoyé un courriel intitulé « Dossier SunLife difficile ». M. Giard y sollicitait son appui dans le dossier du plaignant pour obtenir des compensations de la Sun Life.

[88] M. Rousseau avait de l’expérience dans ce domaine. Il avait dans le passé été en mesure d’aider plusieurs membres ayant des problèmes avec la Sun Life. Il a expliqué que, lorsqu’un membre lui communique les documents médicaux nécessaires, il peut faire des représentations auprès de la Sun Life. Dans le présent cas, le plaignant rencontrait des difficultés dans ses échanges avec la Sun Life. Il était sans revenus depuis le 19 novembre 2017, et la Sun Life était sur le point de réévaluer son dossier.

[89] M. Rousseau a précisé que le défendeur était prêt à assister le plaignant avec sa réclamation auprès de la Sun Life, bien que cela ne soit pas dans son champ d’activités.

[90] Le 16 mars, M. Rousseau a donc demandé à recevoir une procuration du plaignant qui lui permettrait de parler aux représentants de la Sun Life. Il a aussi demandé au plaignant de lui fournir les informations de bases, c’est-à-dire les billets médicaux et les lettres de la Sun Life.

[91] Le 22 mars 2018, le plaignant a signé la procuration et envoyé certains documents à M. Rousseau. Toutefois, M. Rousseau a constaté que ces documents n’étaient pas suffisants pour démontrer l’inaptitude au travail du plaignant.

[92] Ce même jour, le 22 mars 2018, la demande de compensations du plaignant auprès de la Sun Life a été refusée. M. Rousseau a échangé avec le plaignant. Ce dernier l’a informé qu’il souhaitait faire reconnaître son accident de travail datant de 2009. M. Rousseau lui a demandé de fournir toute documentation qu’il pouvait trouver à ce sujet et de la lui acheminer.

[93] Dans le plan de match élaboré le 24 mars 2018 pour aider le plaignant, un objectif identifié était de régler le litige avec la Sun Life. Selon le plan, M. Rousseau était l’une des personnes identifiées pour l’aider. Selon le plan, le plaignant avait la charge, quant à lui, de fournir les documents nécessaires démontrant son inaptitude à travailler. M. Rousseau a réitéré que le problème était que sa demande était reliée à un accident de travail datant de 2009 qui n’avait pas été déclaré. Selon le plaignant, ses douleurs au dos de 2017 résultaient de sa blessure de 2009.

[94] M. Rousseau a précisé que le plaignant ne souhaitait pas déposer un grief contre son employeur à ce moment-là. Il cherchait plutôt une assistance financière.

[95] Le 6 avril 2018, M. Marcotte a envoyé un courriel à M. Rousseau. Il indiquait que Mme Langis, une autre personne identifiée dans le plan, avait affirmé avoir fait tout en son pouvoir auprès de la Sun Life et que la difficulté était de prouver que la blessure du plaignant datait d’une intervention à Port-Cartier qui n’avait pas été dûment documentée à l’époque.

[96] Le 25 mai 2018, le plaignant a fourni la lettre de refus de la Sun Life à M. Rousseau. Il a expliqué qu’il n’avait pas été en mesure d’obtenir le rapport de l’imagerie par résonnance magnétique et qu’il ne l’obtiendrait pas avant quelques mois.

[97] En mai 2018, M. Rousseau a effectué plusieurs démarches auprès de la Sun Life afin de faire reconnaître le dossier du plaignant. Le traitement du dossier était ralenti par la nécessité pour le plaignant d’obtenir des documents médicaux exigés par la Sun Life et du changement d’agente de traitement à la Sun Life.

[98] Le plaignant n’a pas présenté à M. Rousseau de documents concernant son accident de 2009. Il n’en a pas trouvé. Quant aux documents médicaux requis pour qu’il puisse obtenir des prestations de la Sun Life, il ne les a pas fournis à M. Rousseau en temps opportun. Il tardait à lui envoyer ces documents parce qu’il ne les avait pas encore obtenus ou oubliait de les envoyer.

[99] Au début d’octobre 2018, le plaignant a demandé que M. Guilbault soit ajouté comme son représentant dans son dossier. M. Guilbault a donc entrepris des démarches parallèles auprès de la Sun Life.

[100] Le vendredi 20 octobre 2018, M. Guilbault a envoyé son long courriel de reproches aux représentants du défendeur. M. Rousseau en a pris connaissance le soir même. Peu après, il a répondu au plaignant en indiquant que la rédaction du grief était en cours, mais qu’elle avait été ralentie car il attendait un résumé des faits du plaignant. Il demandait si la version relatée par M. Guilbault était précise. M. Rousseau a expliqué que les faits relatés par M. Guilbault constituaient du ouï-dire. Généralement, il ne se fie pas à du ouï-dire pour rédiger un grief. Concernant la représentation du plaignant par M. Guilbault, M. Rousseau rappelait au plaignant que certaines tâches sont réservées aux délégués élus. Il précisait ce qui suit :

[…]

Concernant la représentation, Claude Guilbault peut effectuer certaines tâches alors que d’autres sont réservées aux délégués syndicaux (comité PRT, auditions disciplinaires, etc.).

Également, il faut évider [sic] d’avoir plusieurs représentants qui défendent des positions pouvant être contradictoires. Par conséquent, il importe de savoir si Claude est mandaté, s’il doit agir sans aide syndicale et si tu as quelque attente envers le syndicat.

[…]

 

[101] Le 20 octobre 2018, le plaignant a remercié M. Rousseau pour sa réponse rapide et lui a répondu qu’il avait pris connaissance des appels nominaux (horaires), que les faits relatés par M. Guilbault pouvaient être utilisés et il concluait comme suit : « Pour ce qui est du syndicat, je ne veux surtout pas vous enlever votre travail mais je veux seulement inclure Claude à mon dossier car c’est lui qui veille sur mes intérêts durant mon absence du travail. »

[102] Le 28 octobre 2018, M. Guilbault a envoyé un courriel à M. Rousseau. Ce courriel était intitulé : « Demande dinformation sur fin de salaire Stéphane Ferguson ». M. Guilbault indiquait avoir reçu une copie du grief déposé au nom du plaignant. Il soulignait que le délai pour l’audition pouvait être de plusieurs années.

[103] Le 30 octobre 2018, M. Rousseau a envoyé un courriel à M. Guilbault. Cet envoi était une réponse au courriel intitulé : « Demande dinformation sur fin de salaire Stéphane Ferguson ». M. Rousseau réitérait que le grief avait été déposé par le défendeur, malgré la prescription du recours (le délai est de 25 jours, alors que les difficultés de la mesure d’adaptation datent de lannée précédente). Il précisait avoir expliqué ceci au plaignant et que le défendeur avait choisi de déposer le grief pour dénoncer la situation auprès de l’employeur. M. Rousseau rappelait aussi être en attente de documents du plaignant et que le défendeur était prêt à l’assister pour sa réclamation auprès de la Sun Life, bien que cela ne soit pas dans le champ d’activités du défendeur. Il précisait aussi que ce dernier était prêt à demander une révision de la décision de la CNESST.

[104] Le vendredi 2 novembre 2018, M. Guilbault a envoyé un courriel à M. Rousseau. Ce courriel était intitulé : « Partage dinformation et demande orientation syndical régional [sic] ». C’est M. Marcotte qui a répondu à cette demande d’information le 3 novembre 2018. Il a clarifié qu’il n’existait pas de rapport Lab 1070 relié au départ du travail du plaignant le 20 décembre 2017. Ce dernier a envoyé sa réponse à MM. Guilbault et Rousseau.

[105] Le 12 novembre 2018, M. Guilbault a envoyé un long courriel à M. Lebeau (président régional du Québec à UCCO-SACC-CSN), avec en copie conforme le plaignant et Éric Thibault (1er vice-président national d’UCCO-SACC-CSN). Ce courriel était intitulé : « Demande de position syndical [sic] UCCO SACC CSN. » M. Guilbault se plaignait que le plaignant n’avait pas reçu de réponse à son courriel du 2 novembre adressé à M. Rousseau.

[106] Dans son courriel, M. Guilbault ajoutait qu’il était le représentant désigné du plaignant depuis le 30 octobre dernier, que le défendeur n’aidait pas adéquatement le plaignant depuis le 3 novembre 2018 et que, depuis 2017, il n’avait « [r]ien […] fait pour l’aiguiller, l’orienter et ou répondre à ses craintes, interrogations et apaiser son anxiété ».

[107] M. Rousseau a expliqué qu’il attendait toujours une chronologie des faits qui devait être préparée par le plaignant. Ce dernier lui répondait qu’il y travaillait. Toutefois, M. Rousseau constatait que M. Guilbault s’acharnait à « monter un dossier » contre le défendeur. M. Rousseau, malgré tout, a continué d’assister le plaignant.

[108] Le 14 novembre 2018, le plaignant a fourni un nouveau document à M. Rousseau. Il précisait ce qui suit : « […] je te fais parvenir la demande de consultation [en ergothérapie] et le dernier papier médical de mon chirurgien pour voir ce que tu peux faire de ton côté avec la Sunlife. » Le document du chirurgien n’établissait pas de lien, toutefois, avec l’accident du plaignant de 2009.

[109] Le 18 novembre 2018, le plaignant a demandé à M. Rousseau s’il avait communiqué avec la Sun Life.

[110] Le 20 novembre 2018, M. Rousseau a écrit au plaignant pour confirmer qu’il avait présenté une demande de révision à la Sun Life. De plus, M. Rousseau informait le plaignant qu’un membre de la CSN pouvait lui fournir des conseils pour préparer son audience devant la CNESST.

[111] À ce sujet, M. Rousseau a précisé que, lorsqu’un employé se blesse et qu’il ne peut plus travailler, il lui revient de présenter une réclamation du travailleur à la CNESST. Le défendeur n’a pas le mandat de présenter ces réclamations. Toutefois, le département spécialisé dans les litiges devant le Tribunal administratif du travail (TAT) à la CSN, le module de la défense des accidentés, peut fournir des conseils à l’employé qui se prépare pour une audience. Le module peut aussi accepter de représenter un employé. Dans le présent cas, le plaignant avait le fardeau d’expliquer pourquoi il n’avait pas présenté sa réclamation dans le délai de six mois qui s’appliquait.

[112] Le 26 novembre 2018, le plaignant a demandé à M. Rousseau s’il avait reçu une réponse de la Sun Life. Depuis son envoi du 20 novembre, M. Rousseau n’avait pas reçu de réponse de la Sun Life. M. Rousseau pensait avoir appelé le plaignant pour lui répondre que non.

[113] Le 5 décembre 2018, le plaignant a de nouveau écrit à M. Rousseau en lui reprochant de ne pas répondre à ses demandes.

[114] Depuis le 20 octobre 2018, M. Rousseau constatait que le plaignant et M. Guilbault contestaient chacun des gestes du défendeur. Pourtant, le défendeur ne refusait aucune demande du plaignant et l’aidait dans toutes ses démarches, même lorsque cela ne relevait pas du mandat du défendeur.

[115] M. Rousseau a précisé que depuis qu’il n’était plus président de l’exécutif local, M. Guilbault critiquait chacun des gestes de l’exécutif local de l’Établissement de Cowansville. Selon M. Rousseau, il s’agissait d’une chicane politique alimentée par M. Guilbault. Toujours selon M. Rousseau, M. Guilbault se présentait comme celui qui défend la veuve et l’orphelin et du même coup, il critiquait de façon virulente chaque initiative et chaque démarche entreprise par l’exécutif local de l’Établissement de Cowansville.

[116] M. Rousseau a pris connaissance plus tard que, le 4 janvier 2019, le plaignant s’était occupé lui-même de fournir un rapport médical à la Sun Life. Ce n’est que le 26 février 2019 que le plaignant a fourni ce rapport à M. Rousseau. M. Rousseau constatait qu’il n’était pas bien outillé pour l’aider puisque le plaignant ne lui envoyait pas les documents demandés en temps opportun.

[117] Le 27 février 2019, le plaignant lui a fait suivre des documents de la Sun Life et de son médecin de famille. Ce même jour, M. Rousseau a appelé le plaignant. Par la suite, il a informé le plaignant qu’il avait laissé un message à la représentante de la Sun Life.

[118] Le 1er mars 2019, le plaignant lui a demandé s’il y avait du nouveau dans son dossier.

[119] Le 6 mars 2019, le plaignant a envoyé un courriel à M. Rousseau. Il était extrêmement frustré après avoir reçu un appel de la représentante de la Sun Life. M. Rousseau a dit comprendre sa frustration. Il était extrêmement frustré de constater le manque d’appui de la Sun Life.

[120] Le 15 mars 2019, le plaignant a fourni une note médicale supplémentaire à M. Rousseau. Ce dernier l’a envoyée par télécopieur le jour même à la Sun Life.

[121] Finalement, le 8 avril 2019, M. Rousseau a reçu un appel d’un représentant de la Sun Life qui confirmait que sa demande de prestation était acceptée. Il a immédiatement informé le plaignant de ce développement positif.

[122] En fin de compte, M. Rousseau a précisé que le plaignant n’avait jamais remercié les représentants du défendeur qui lui avaient fourni une aide pendant cette période difficile. Malgré tous les reproches reçus, le défendeur a aidé le plaignant sans protester.

[123] M. Ouellette est avocat. Il a aussi été invité à témoigner à l’audience. Au moment des faits, il était conseiller syndical d’UCCO-SACC-CSN de la région de Québec.

[124] Il a expliqué que, le 26 septembre 2019, le plaignant a demandé aux représentants du défendeur de lui communiquer par écrit, dans un délai de 10 jours, toutes les actions entreprises dans son dossier. M. Lebeau a transféré ce courriel à M. Ouellette afin d’obtenir son appui dans le traitement du dossier.

[125] Le 3 octobre 2019, M. Ouellette a répondu au plaignant en précisant qu’il était conseiller syndical de la région du Québec et qu’il avait été invité à fournir un appui dans son dossier. Il lui a fourni des informations sur les sujets de la Sun Life (il confirmait que le dossier était réglé), la CNESST (il confirmait que le dossier était en ordre et avait été transféré au module de la défense de la CSN – le dossier était en attente de dates de procès) et le grief (il confirmait que le grief était au dernier palier de la procédure de grief et qu’ensuite il serait transféré à la Commission). M. Ouellette a confirmé que le mois suivant, le grief a été renvoyé à la Commission à l’intérieur du délai applicable.

[126] Le 4 octobre 2019, le plaignant lui a fait parvenir un courriel, ainsi qu’à M. Lebeau et M. Thibault. Dans son courriel, le plaignant se plaignait de la réponse à son courriel de M. Ouellette. Il reprochait à l’exécutif local de ne pas détenir un dossier complet concernant le LAB 1070 et une preuve de la part du défendeur que la condition médicale du plaignant découlait du non-respect de ses limitations par l’employeur. Il ajoutait que le litige avec la Sun Life était réglé, mais que le mérite ne revenait pas au défendeur. Il précisait aussi que le département spécialisé dans les litiges devant le TAT à la CSN, le module de la défense des accidentés, acceptait de le représenter.

[127] M. Ouellette a constaté que, le 4 octobre 2019, M. Lebeau avait répondu au plaignant qu’il avait lui-même transféré son courriel à M. Ouellette. M. Ouellette a reçu une copie conforme de ce message. M. Lebeau donnait son numéro de téléphone pour le joindre et expliquait la difficulté vécue par le défendeur en raison de l’interférence de M. Guilbault dans son dossier. Enfin, M. Lebeau rappelait au plaignant que le défendeur était toujours présent pour lui, mais qu’il pouvait renoncer à cette représentation s’il le souhaitait.

[128] Le 5 octobre 2019, le plaignant a déposé sa plainte de représentation inéquitable.

[129] M. Ouellette a aussi précisé qu’il revient aux membres de présenter leur réclamation initiale à la CNESST et lorsque la demande est refusée, l’équipe de la CSN spécialisée dans la défense des accidentés peut les représenter s’ils le souhaitent.

[130] M. Ouellette a clarifié que le département spécialisé à la CSN dans les litiges devant le TAT, le module de la défense des accidentés, acceptait de représenter le plaignant, malgré son analyse que les chances de succès étaient minces.

[131] Ainsi, une collègue de M. Ouellette, qui travaille pour le Service de santé, sécurité et d’environnement pour la CSN, a communiqué à deux reprises avec le plaignant, l’invitant à lui fournir le mandat de représentation qui aurait permis au défendeur de le représenter lors de son audition devant le TAT.

[132] Le 14 novembre 2019, cette collègue a écrit à M. Ouellette afin de lui demander s’il pouvait faire un suivi auprès du plaignant, car elle était sans nouvelles du plaignant qui n’avait pas répondu à ses deux invitations.

[133] Ce même jour, M. Ouellette a demandé au plaignant de préciser s’il souhaitait fournir un mandat de représentation au défendeur pour une audition devant le TAT ou s’il souhaitait plutôt que M. Guilbault le représente.

[134] Encore une fois, le 22 novembre 2019, M. Ouellette a envoyé un courriel au plaignant, en réitérant sa demande. Malgré tout, il n’a pas reçu de réponse de sa part.

[135] M. Ouellette a porté à mon attention les responsabilités rattachées au rôle de délégué à la SST, qui sont décrites à la section 9.29 du document de constitution d’UCCO-SACC-CSN. Un devoir mentionné sous g) est d’« assister les membres dans leur dossier d’appel en santé-sécurité et les aider à compléter la documentation pertinente […] ».

[136] M. Ouellette a expliqué que le défendeur assiste ses membres dans leur dossier d’appel lorsqu’il reçoit un mandat de représentation pour une audition devant le TAT. Par contre, ce mandat n’a pas été reçu dans le présent cas.

[137] M. Ouellette a aussi précisé que le défendeur n’a pas la responsabilité d’assister ses membres dans leurs réclamations auprès de la Sun Life puisque cela ne relève pas du champ d’activités du défendeur. Toutefois, dans le présent cas, une aide a été apportée au plaignant pour faciliter les choses. Les responsabilités qui relèvent du champ d’activités du défendeur concernent les conditions de travail et le dépôt de griefs.

C. Aperçu des déclarations de témoins

[138] M. Turcotte est agent correctionnel et, au moment des faits, était un représentant d’UCCO-SACC-CSN. Il a apporté une assistance au plaignant avec ses plans de retour au travail et de mesures d’adaptation. Il est un collègue du plaignant.

[139] Plus précisément, il a assisté le plaignant avec son plan de retour au travail daté du 14 mai 2018. Dans son témoignage écrit, M. Turcotte a donné un aperçu de son implication dans le dossier :

[…]

Je me suis impliqué dans l’élaboration de 2 programmes de retour au travail concernant Stéphane et j’ai agi conformément à mon mandat [Dépôt en pièces des plans de retour au travail et de mesure d’adaptation, ainsi que des documents de statuts et règlements constitutifs d’UCCO-SACC-CSN]. Stéphane avait alors communiqué avec moi. Il voulait revenir au travail. Il n’avait plus de revenus. La Sunlife ne le reconnaissait pas. Il avait des difficultés financières. Il fallait qu’il revienne au travail. Il avait des maux de dos importants. C’est un gars costaud. Sa situation s’aggravait. Même s’il était assis chez lui, il avait mal au dos. Mais au niveau financier, il devait vraiment revenir au travail. Le mot qui me vient est « désespéré. » Il risquait la faillite.

On s’est préparés lui et moi, puis on est allés rencontrer l’employeur ensemble durant la rencontre d’élaboration du PRT. L’employeur était réticent face à nos demandes. Il ne voulait pas créer de précédent au niveau des travaux légers et ne voulait pas non plus trop déplacer d’autres CX et créer des divisions internes.

Avant la rencontre, on avait parlé de son billet médical. Il m’avait dit qu’il ne voulait pas faire des 12 heures. Il avait même de la difficulté à endurer des quarts de 3 heures. Plusieurs postes ne lui étaient pas possibles, non plus.

Dans un pavillon, on a généralement 2 CX2, accompagnés par 1 CX1. Selon l’ordre de poste, le CX1 reste dans le contrôle. Il n’a pas à faire des rondes. Ça lui permet d’éviter des contacts avec les détenus et de devoir faire des rondes qui pourraient lui engendrer des difficultés. Entre les rondes, les 2 autres CX lui permettraient de bouger un peu, de prendre une marche et tout. Alors, on s’est arrangés pour qu’il soit CX 1 au contrôle dans le pavillon 9.

Ça ne faisait pas l’unanimité, chez les membres. Le Syndicat a dû se battre pour que ça passe auprès des membres. Certains agents correctionnels étaient mécontents qu’un agent soit présent, mais qu’il ne puisse pas intervenir en cas d’urgence. Les agents correctionnels, on est vraiment moins nombreux que les détenus, alors ça cause de l’inquiétude.

D’un point de vue syndical, on a fait valoir à l’ensemble que de toute façon, nous avons toujours besoin d’une personne dans le contrôle; que la sécurité du groupe ne serait pas menacée. On leur a aussi fait comprendre qu’il fallait être solidaire et de se mettre à la place de Stéphane.

Il a ainsi fait son retour au travail dans ces conditions. Stéphane voulait travailler. Quand on était ensemble, il était content de mes services, les conditions lui convenaient. Je suis allé le revoir après son retour au travail. Il était content, tout avait l’air bien. Je dirais qu’il était soulagé d’avoir une paie à nouveau et content d’être de retour au travail. Il était satisfait de ses conditions.

En plus de l’accommoder au niveau du poste, on a réussi à l’accommoder au niveau de l’horaire. Monsieur Ferguson fait normalement des horaires de 12 heures. C’était trop pour lui. On a réussi à obtenir un horaire de 8 heures. Le premier PRT dans lequel je l’ai assisté est date du 14 mai 2018.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[140] M. Turcotte a aussi précisé dans sa déclaration qu’un incident est survenu le 16 mai 2018. Il décrit cet incident et la suite des choses comme suit :

[…]

Mais là, peu de temps après son retour au travail, le 16 mai 2018, Stéphane n’a malheureusement pas respecté les limitations de son PRT. Je n’étais pas présent. Je ne peux pas témoigner de ce qui s’est passé. Chose certaine, il a quitté son poste et a couru après un détenu. L’objectif de son PRT était justement qu’il reste dans le contrôle. Je ne sais pas pourquoi l’incident est survenu. Il faudrait le demander à lui.

Suite à cet événement, M. Ferguson est tombé en accident de travail pendant environ 2 semaines. Stéphane Marcotte est celui qui s’est occupé de s’assurer que le LAB 1070 soit effectué.

Avant de revenir à nouveau au travail, l’employeur a organisé une autre rencontre de Plan de retour au travail. M. Ferguson a communiqué directement avec l’employeur. Il avait fait parvenir ses billets médicaux directement. Je me suis présenté au PRT et j’ai pu constater que le nouveau billet médical était beaucoup plus détaillé et limitatif. L’employeur était représenté par Sylvie Gagnon. Sylvie Gagnon a proposé un poste CX 2, à l’entrée des visiteurs et à la détention. C’est un poste supérieur à celui que détenait M. Ferguson. Une autre personne était aussi en PRT. Ainsi, je l’ai bien assisté au cours du second PRT, daté du 1er juin 2018.

Encore une fois, il a fallu un accommodement au niveau de l’horaire. Le poste a l’entrée, est organisation en fonction de 2 secteurs jumelés ensemble. Ça permet de faire de meilleurs horaires. Par contre, théoriquement, 3 agents sont assignés à une des sections (entrée et détention.), mais Stéphane ne pouvait pas rencontrer les cadres horaires établis. Ainsi, on a accommodé son poste et son horaire pour qu’il retourne au travail. Normalement, ces postes sont de 9-16-9 (un quart de 9 heures et l’autre de 16 heures.) Ça fait 34 heures. Tu as ensuite 2 jours OFF. Ce n’est pas nécessairement des semaines de 40 heures. Tu fais parfois des plus grosses semaines et compenses ensuite.

Encore une fois, Stéphane était bien content. On lui a obtienu un horaire de 8 heures par jour, pour 2 jours off. Il faisait donc des semaines de 5-2. Ça lui donnait un 40 heures régulier et prévisible et il évitait de faire des journées de plus de 8 heures. En plus, c’est une promotion, car en temps normal, il est CX1 et n’a pas fait les concours de CX2.

Après la signature de ce PRT, je ne l’ai pas recroisé directement et il n’a pas communiqué avec moi. C’est la sous-directrice (Marie Claudine Béland) qui est par la suite venue me voir. Elle m’a annoncé que Stéphane était retourné en arrêt de travail. Stéphane ne m’avait avisé de rien. Il ne m’a pas remis de papier ensuite.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[141] Au sujet de la prétention du plaignant que le syndicat a omis de compléter le rapport de LAB 1070 en mai 2018, M. Turcotte a répondu ce qui suit dans sa déclaration : « Je ne vois pas ce qui manque dans ce LAB 1070. Le LAB 1070 est bien rempli. C’est l’employeur qui initie le rapport. Du côté syndical, on voit bien que le rapport est fait. »

[142] La déclaration de M. Turcotte contient aussi la réponse suivante à la question à savoir s’il est possible que le plaignant a seulement pris connaissance du reproche qu’il fait au défendeur en date du 4 octobre 2019 :

[…]

[…] Le LAB 1070 est envoyé à la CNESST. Quand tu te blesses, tu donnes tes documents à l’employeur, qui envoie les papiers à la CNESST. La CNESST communique avec toi. Tu es sensé avoir accès à tous les dossiers te concernant à toutes les étapes. Je ne vois pas comment ils auraient pu prendre connaissance des raisons de leur plainte en octobre 2019 et je ne vois pas ce que ça pourrait infirmer quant à mon implication. J’étais présent pour 2 PRT, j’ai appuyé Stéphane et j’aurais été disponible s’il m’avait informé de quoi que ce soit qui n’aurait pas respecté ses PRT. Je n’ai jamais été informé d’une quelconque irrégularité.

[…]

 

[143] Dans sa déclaration, M. Turcotte a aussi expliqué que le plaignant ne l’avait pas sollicité pour exercer un recours contre l’employeur et qu’il avait choisi d’être représenté par son ami, M. Guilbault. Cet extrait de la déclaration se lit comme suit :

[…]

[…] il n’a jamais communiqué avec moi directement pour obtenir mon aide. Dans les 2 cas de PRT, j’ai su le problème par l’employeur. Pour le premier PRT, on s’est rencontrés avant de s’asseoir avec l’employeur, mais pas dans le 2ieme cas. Tout avait toujours l’air correct, pis après, j’ai appris par l’employeur que quelque chose n’allait pas, bien plus tard. Dans les 2 situations, cela s’est passé de la même façon. Je n’ai jamais été hésitant pour l’assister. Il m’aurait fait plaisir de l’assister encore plus. Je voulais l’aider. S’il m’avait demandé de l’appuyer autrement, je l’aurais fait ou l’aurais référé à la bonne personne.

L’employé n’est pas non plus obligé de venir voir le syndicat. À un moment donné, Stéphane a choisi de se faire représenter par Claude Guilbault. Ça fait quand même assez longtemps que Claude s’implique dans son dossier. Personnellement, j’ai respecté son choix. Mon parcours a été fait sous 3 présidences différentes. Il y a eu Francine Boudreau, Nancy Ouellette, puis Jonathan Giard. Entre Nancy et l’arrivée de Jonathan, Claude a démissionné de son mandat, puis n’a pas été réélu. Je n’ai pas été représentant pendant le mandat de Claude. À un moment, j’ai été informé que Stéphane voulait passer par Claude, même s’il n’était plus dans le syndicat. J’ai respecté son choix, comme dans n’importe quelle autre situation où un membre préfère être assisté par quelqu’un d’autre. De mon côté, mon dernier mandat s’est terminé vers mars 2021. J’ai décidé de ne pas me présenter à nouveau. Autrement, j’ai toujours conservé une relation professionnelle et cordiale avec tous mes collègues et avec Stéphane aussi. Je dois admettre que j’ai été surpris du revirement de situation.

J’ai toujours aimé défendre mes collègues, faire valoir des droits, m’assurer de nous défendre contre l’employeur, qui aime souvent tirer la couverte de son côté et interpréter un texte noir sur blanc à sa façon. Je trouvais ça important d’éviter que nos conditions s’effritent, mais avec les années, on finit par mettre beaucoup de temps et d’effort personnel. C’est parfois très lourd sur la vie privée. Déjà que la job d’agent n’est pas particulièrement joyeuse, ça alourdit de ramener les problèmes de tes collègues à la maison. J’ai fini mon dernier mandat, pis j’ai décidé de mettre mes priorités ailleurs.

[…]

 

[144] M. Giard est un agent correctionnel et, au moment des faits, était le président de la section locale d’UCCO-SACC-CSN.

[145] Au sujet de la constitution du syndicat local, il a offert les explications suivantes dans sa déclaration écrite :

[…]

Par la suite [en 2016], il y a eu des problèmes au sein de l’exécutif local de Cowansville, ce qui a nécessité l’intervention du Régional c’est-à-dire, la représentation d’UCCO-SACC-CS N au niveau de la province du Québec. Claude Guilbault a alors démissionné de son poste. Il y a eu des élections entre Claude Guilbault, Dany Duval et moi. J’ai remporté les élections et suis donc devenu président de la section locale d’UCCO-SACC-CSN à Cowansville de décembre 2016 (voire début 2017) à mars 2021. Les dates ne sont peut-être pas exactes, mais c’est à peu près ça.

[…]

 

[146] M. Giard a expliqué dans sa déclaration que son rôle, lorsqu’il était président, était de « […] représenter les membres de Cowansville auprès de la direction ainsi qu’auprès de la Région ». Son rôle était aussi de communiquer avec les élus régionaux ainsi qu’avec les représentants de la CSN dans le cas de dossiers plus complexes.

[147] En ce qui concerne le dossier du plaignant, il a déclaré s’être référé à M. Rousseau, dans son rôle de conseiller syndical, et M. Lebeau, dans son rôle de président-région du Québec, pour mieux l’appuyer. Il a expliqué dans sa déclaration que, lorsque le plaignant lui écrivait, il transférait ses courriels à la région « […] car son dossier nous importait et que je voulais qu’il reçoive les meilleurs services ».

[148] M. Giard est aussi intervenu de la façon suivante pour aider le plaignant :

[…]

[…] Stéphane est venu me voir une fois dans le bureau syndical pour me dire qu’il trouvait son retour difficile et que les gestionnaires en place n’avaient pas respecté son PRT (celui de juillet 2018). Je lui ai fait mention que l’on interviendrait et prendrait les moyens à notre disposition pour faire respecter son PRT, mais que c’était aussi son devoir à lui de ne pas accepter de faire des tâches contraires à son PRT. Il faut qu’il vienne nous voir dès que le gestionnaire ne suit pas son PRT pour éviter qu’il ne se blesse. Nous, on ne peut pas savoir ce qui se passe, s’il ne nous dit rien et c’est l’employeur, pas nous qui décide des taches effectuées par les agents. La fois où il est venu dénoncer un manque de respect de son PRT. j’etais allé voir le gestionnaire en charge pour lui dire cette journée-là les limitations de Stéphane. Je suis même allé prendre sa place sur son poste de surveillance des travaux pour lui donner une pause. Je n’étais pas son délégué PRT et Stéphane ne m’avait pas fourni le document, mais j’étais quand même intervenu pour lui.

Aussi, les quelques fois qu’il venait me voir, il me parlait de ce que Claude Guilbault lui disait. Claude Guilbault a été président local pendant un mi-mandant, mais il a toujours continué à défendre des dossiers des membres, malgré sa démission et qu’il n’ait pas été réélu. Je disais à Stéphane de venir chercher conseil auprès de nous et que j’allais, au besoin, chercher de l’aide au niveau de la région. Il sortait du bureau et allait tout de suite voir Claude Guilbault, à chaque fois il le faisait.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[149] Au sujet du rapport de LAB 1070, ce témoin a précisé ce qui suit :

[…]

[…] C’est un rapport d’enquête de situation comportant des risques. Le fédéral utilise le rapport pour signaler une situation ou un employé est blessé. que ce soit mineur ou majeur. Le rôle du représentant SST syndical est de prendre connaissance de la situation, et d’y aller de ses observations pour s’assurer que le rapport est conforme.

[…]

 

[150] Au sujet de l’allégation du plaignant que le syndicat a omis de compléter le rapport de LAB 1070 en mai 2018, M. Giard a répondu ce qui suit :

[…]

[…] Cette affirmation est fausse. Vous avez le document en preuve qui est signé par notre représentant SST en date du 1er juin 2018, Stéphane Marcotte. Je ne vois pas de quelle omission il est question. La section du syndicat est remplie. Comme on peut voir dans les instructions concernant un LAB 1070, on a rempli notre section et c’est l’employeur qui remplit le reste. Dans tous les cas, même s’il y avait eu une omission dans le LAB 1070, je ne vois pas ce que cela changerait à la situation à l’invalidité de Stéphane. Le rapport est effectué après qu’un accident de travail a eu lieu. Suite à l’accident, le travailleur va voir le centre de soins et ensuite va voir son médecin ou va à l’urgence s’il y a lieu. Et par la suite s’enclenche tous les papiers de la CNESST, dont la déclaration du travailleur que l‘employé doit remplir lui-même.

[…]

 

[151] M. Giard fournit aussi l’éclairage suivant au sujet de la situation :

[…]

[…] En aucun temps les services n’ont été refusé [sic] à Stéphane. Le dossier nous a fait passer beaucoup de temps en dehors des heures de travail, dans divers courriels, messages, plans ainsi que réunion téléphonique pour que son dossier soit traité en priorité par notre conseiller de la CSN. Nous avons mis des efforts dans le dossier. Je l’ai aussi croisé dans la vie de tous les jours et nous discutions du dossier sur mon temps personnel. Mais de ce que j’ai pu observer, depuis le début du dossier, Stéphane était en contact constant avec l’exécutif précédent, car il venait me voir après avoir consulté Claude. Des courriels montrent que Claude Guilbault s’impliquait dans le dossier de Stéphane, mais il y a eu aussi plein d’autres interventions de sa part auprès des membres. C’était comme si on cherchait toujours à nous prendre en défaut.

[…]

[…] Il est difficile de se faire accuser de mauvaise foi ou de discrimination, alors qu’on a mis de notre temps personnel pour aider. Au final, je veux dire que je suis un agent correctionnel, pas un avocat ou un spécialiste des accidents de travail, j’ai exécuté mon devoir syndical en donnant tout ce que je pouvais et en allant chercher toute l’aide mise à ma disposition.

[…]

 

[152] M. Lebeau est un agent correctionnel et le président régional du Québec d’UCCO-SACC-CSN. Il a aussi fourni une déclaration de témoin. Il a précisé dans celle-ci qu’il a à sa charge 11 pénitenciers au Québec. Au sujet de ce dossier, il a déclaré ce qui suit :

[…]

[…] Dans ce dossier, je m’assurais que ce dossier soit pris en charge correctement au niveau local. Il s’agit d’un dossier complexe et nous avions un accès très limité à M. Ferguson. Je m’assurais que notre section locale et que notre conseiller syndical attitré à la région du Québec fasse [sic] un suivi rigoureux compte tenu de la situation financière précaire de M. Ferguson.

[…]

 

[153] M. Lebeau a décrit la problématique dans ce dossier de la façon suivante :

[…]

[…] Il aurait fallu que M. Ferguson accepte nos interventions. Il aurait pu s’entourer de personnes très dévouées, compétentes, qui ont des solides qualifications.

Le dossier de M. Ferguson a toujours été sur la liste de priorité du local de Cowansville et dès que la régional a été informé de possibilités d’interventions, on était présents. Sauf que, à chaque fois où nous avions des suivis à recevoir de M. Ferguson ou de Claude Guilbault (qui était son « représentant »), ils nous arrivaient avec des documents incomplets ou encore on ne les recevait pas, mais on avait tout-à-coup une plainte comme de quoi on ne faisait rien. À ma connaissance, M. Ferguson aurait pu participer plus activement avec le syndicat local et plus tôt en fonction de ses délais.

Il faut dire qu’il y avait plusieurs niveaux qui représentaient M. Ferguson. Claude Guilbault a été président. En cours de mandat, j’étais allé rencontrer son exécutif avec 2 autres membres du régional pour l’appuyer. Par contre, il semblait qu’une réélection aiderait à s’assurer de ses appuis, mais ça n’a pas fonctionné et son mandat s’est donc terminé. Malgré ça, il a continué à s’impliquer, comme dans le dossier de M. Ferguson. Personnellement, je veux juste trouver des solutions pour les membres, mais dans le dossier de M. Ferguson, je trouvais ça difficile de trouver comment les satisfaire et on ne savait pas qui était sollicité pour quel service et l’information ou la documentation ne se rendaient pas au syndicat. C’était difficile de savoir comment intervenir, alors que Claude Guilbault était le « représentant », pour ensuite se faire dire qu’on ne fait rien, ou qu’on agit de façon discriminatoire.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[154] Il a aussi précisé que, dans leur organisation, le plan de retour au travail est géré au niveau local, car c’est ce niveau qui peut intervenir et qui connaît le milieu de travail. Il a fourni de plus amples détails à ce sujet :

[…]

[Question :] Essentiellement, le Plaignant reproche au syndicat les manquements suivants : Aucune action entreprise lors de 2 retours progressifs, soit de septembre à décembre 2017 et de mai à juillet 2018; puis une omission de compléter le rapport LAB 1070 en mai 2018. Commentaires, réponse, défense?

Réponse: il faudrait valider avec notre conseiller de l’époque et la section locale pour les aspects plus spécifiques. Par contre, je peux témoigner de la période où le régional a été impliqué. Du côté du régional, on avait de la difficulté à obtenir les documents et la confiance de M. Ferguson. Avant d’aller en audition devant le TAT ou en arbitrage de griefs, il faut attendre une date de cour et il faut avoir un mandat, mais c’est Claude Guilbault qui agit comme son représentant depuis 2018. On aurait voulu pouvoir défendre M. Ferguson plus vite, mais on ne peut pas fixer nous-mêmes les dates des tribunaux. Aujourd’hui, on se retrouve en 190, avant d’aller en arbitrage, même si on était prêt à le défendre.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[155] Au sujet du fait que la plainte a été déposée le 5 octobre 2019 alors qu’un plaignant dispose de 90 jours pour déposer une plainte de représentation inéquitable, le témoin a déclaré ce qui suit en réponse à la question de savoir s’il est possible que le plaignant a pris connaissance des motifs de reproche en date du 4 octobre 2019 :

[…]

Réponse: C’est impossible dans ce dossier. Le dossier de M. Ferguson a toujours été traité avec attention et a été appuyé par UCCO-SACC-CSN à tous les paliers de services.

Sauf que M. Ferguson a porté plainte malgré tout et indique les mêmes reproches depuis bien avant octobre 2019. Depuis le début de nos échanges par courriel, le plaignant nous accuse des mêmes affaires, qu’on ne ferait rien (voir les courriels transmis.)

[…]

 

[156] En conclusion, il a précisé que, selon ses vérifications, dans le dossier de M. Ferguson, le défendeur était prêt à l’appuyer dans tous ses recours, mais il a eu de la difficulté à obtenir les mandats.

[157] Mme Lussier est une conseillère syndicale à la CSN, plus précisément au Service de santé-sécurité et d’environnement. Elle a déclaré ce qui suit :

[…]

[…] Je ne suis pas intervenue directement dans le dossier, car il avait été pris en charge par Marie-Pier Dupuis-Langis. Après vérifications auprès de ma collaboratrice de l’époque, nos notes au dossier indiquent que 3 tentatives avaient été effectuées pour obtenir un mandat de représentation de la part du travailleur, sans coopération de sa part. Chose certaine nous n’aurions jamais hésité à prendre fait et cause pour lui, si nous avions obtenu le mandat nécessaire.

[…]

 

[158] Mme Laurendeau est une agente correctionnelle et, au moment des faits, elle était impliquée auprès des membres victimes d’accidents de travail. Elle a résumé ses échanges avec le plaignant comme suit :

[…]

Réponse: Nous nous sommes parlé à plusieurs reprises. Nous avons parlé par exemple au téléphone et souvent en personne. Nous avons aussi eu des communications écrites, mais je n’ai pas mes accès du pénitencier.

Il y a eu des échanges assez fréquents, mais lorsque Stéphane venait me voir, c’était à la dernière minute. Il venait me voir avec une situation, me donnait une bribe d’informations, puis je n’en entendais plus parler. C’était souvent même après les faits, qu’il venait me voir. Autrement, j’avais une bonne relation avec lui, c’était respectueux, sans problème. On avait des échanges que je considérais sympathiques. Je suis surprise que ça retourne de cette façon. J’ai toujours été disponible lorsqu’il venait me voir et j’aurais continué à l’aider jusqu’à ce que je débute le télétravail, s’il l’avait voulu.

Le problème est aussi que nos moyens étaient limités. Le début de sa blessure a eu lieu à Port-Cartier. Personnellement, je n’ai jamais reçu les documents. Je lui en demandais, mais il ne nous fournissait pas la documentation, puis revenait plus tard en disant qu’on ne faisait rien. Mais lorsque je recevais les documents, je les traitais toujours. Autrement, son dossier était aussi traité par Cécile Gendron, une agente administrative. Je n’ai pas reçu de plainte de Stéphane sur ce sujet.

[…]

 

[159] Elle a aussi résumé son implication dans le dossier du plaignant comme suit :

[…]

[…] Je l’avais rencontré pour lui dire de venir nous voir. Je lui ai demandé de nous apporter ses dossiers, ses preuves, en tout temps. Par exemple, lorsqu’il est allé faire de la surveillance de chantier, il n’est pas venu nous voir sur-le-champ. J’ai entendu parler de son histoire, uniquement après son retour au travail, après qu’il ait fait de la surveillance de chantier et soit retourné en invalidé.

Pourtant, on l’explique à tout coup. On dit à tous nos membres, quand on fait leur papier, que si nos boss ne respectent pas les limitations, qu’ils viennent voir le syndicat tout de suite. On peut alors intervenir.

Il reste que je suis surprise de la toute la tournure des événements. Je pensais que j’avais une relation très correcte avec. J’ai toujours été disponible et il m’aurait fait plaisir de continuer, d’intervenir au moment opportun, de déposer des griefs. C’a ne m’a jamais été demande.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[160] M. Boussaïd, quant à lui, est un conseiller syndical depuis mars 2019. Il a décrit comme suit ses tâches dans sa déclaration : « […] analyser les dossiers des accidentés au travail qui sont en contestation, représenter les travailleurs à la CNESST et au TAT, plaider les dossiers en contestation devant le TAT. »

[161] Il a été impliqué dans le dossier entre le 6 mai 2019 et le 28 mai 2019. Il a décrit son intervention dans ce dossier comme suit :

[…]

De mémoire ce travailleur avait une décision (révision administrative) de la CNESST qui refusait sa réclamation, car le travailleur avait effectué ses démarches hors délai.

Dans le cadre des responsabilités que j’avais à l’époque, je l’ai aidé à analyser son dossier et faire une contestation au TAT malgré qu’il ait été hors délai. Je sais qu’il avait magasiné certains services par la suite, mais à ma connaissance, tous les conseillers consultés auraient été prêts à prendre son dossier en charge, bien qu’il soit en défaut. L’enlignement de notre module est que nous comprenons la détresse des gens et nous voulons les aider.

Au fil de notre interaction, il désirait être également assisté de Claude Guilbault, qui avait été un élu du syndicat local et avait donc déjà été son représentant pendant un certain temps. Comme il semblait y avoir un conflit avec le nouvel exécutif du syndicat local, j’ai décidé de les aider davantage dans leurs différents dossiers, même si cela n’était pas mon rôle, plutôt que de référer M. Ferguson au syndicat local de Cowansville.

Comme M. Ferguson semblait aussi faire confiance à M Guilbault, il voulait que celui-ci continue de le représenter au TAT. Je lui expliqué à l’époque qu’on ne peut pas être deux procureurs dans le même dossier.

Il semblait satisfait de l’analyse faite de son dossier à la fin de la rencontre du 22 mai 2019. Je lui avais laissé mes coordonnées l’invitant à me contacter en cas d’autres questions en lien avec son dossier CNESST. Pour ce qui est de la tension qu’ils m’avaient manifesté à l’encontre du syndicat local de Cowansville (ça revenait constamment lors de la rencontre), je les ai mis directement en contact avec le conseiller syndical d’UCCO-SACC-CSN pour la région du Québec (François Ouellette) pour leur permettre de passer outre et éviter les interactions avec le local. J’ai aussi discuté avec François pour m’assurer que le dossier était bien pris en compte et le plus rapidement possible. (Voir courriel du 28 mai en François Ouellette et moi.) Cette démarche aussi semblait appréciée.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[162] La question suivante a été posée à M. Boussaïd. : « Le Plaignant vous a-t-il sollicité pour exercer un recours contre l’employeur dans ce dossier ou d’autres dossiers? Y’a-t-il d’autres griefs, litiges ou recours déposés concernant le Plaignant? » En réponse à cette question, il a soumis ce qui suit : « Non, mais bien honnêtement, à ma connaissance, nous étions prêts à prendre son dossier à tous les niveaux. Il semblait toujours y avoir une réticence par rapport à ce que nous pouvions faire. »

[163] En conclusion, M. Boussaïd a offert l’éclairage suivant :

[…]

Je comprenais que la constitution du dossier de M. Ferguson n’était pas évidente et que celui-ci était hors délai devant la CNESST. Il y avait aussi une confusion là-dessus, car le service que nous offrons débute à partir de la révision devant le TAT. Je leur ai expliqué cet aspect : que les syndicats CSN ne sont pas impliqués avant cette étape. C’est le travailleur qui effectue les démarches initiales. Il peut recevoir un appui, mais le syndicat n’offre pas de tel service. À mon avis, tout ce litige résulte d’une mauvaise compréhension de la technicité du dossier. Différents niveaux de représentation du syndicat se voient reprocher des situations qu’ils ne contrôlent pas.

[…]

 

V. Arguments des parties

[164] Le 1er novembre 2019, le défendeur a présenté une requête en rejet sommaire de la plainte en raison du non-respect des délais précisés au paragraphe 190(2) de la Loi. La Loi énonce que les plaintes prévues au paragraphe 190(1) doivent être présentées dans le délai de 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant avait, ou aurait dû avoir, connaissance des faits y ayant donné lieu.

[165] À cette même date, le défendeur avait demandé qu’une médiation soit effectuée pour permettre aux parties de se parler.

[166] Le 26 novembre 2019, la médiation n’a pas été conclusive.

[167] Le 13 décembre 2019, la Commission a tenu une conférence téléphonique avec les parties et a demandé au plaignant d’indiquer quels événements avaient eu lieu à l’intérieur du 90 jours. Le plaignant a été invité à fournir ces informations par écrit selon un calendrier établi.

[168] Le 14 janvier 2020, le plaignant a fourni une explication écrite selon laquelle la faute de représentation inéquitable aurait été découverte à l’intérieur des 90 jours de la plainte.

[169] Dans les circonstances, la Commission a informé les parties qu’elle prendrait l’objection sous réserve, puisqu’il s’avérait nécessaire d’analyser la preuve.

[170] Dans le cadre d’une conférence de gestion des cas tenue le 18 février 2022, le défendeur a réitéré son objection pour le motif que les événements allégués se situent en-dehors du délai de 90 jours. Selon lui, par exemple, le plaignant ne peut pas invoquer que certains « soupçons » ou preuves de fautes, par exemple, que « rien n’a été fait », ont été découverts dans les 90 jours.

[171] Les 1et et 3 mars 2022, les parties ont présenté des arguments par écrit à la Commission au soutien de leur position respective. J’ai pris connaissance de ces arguments écrits.

[172] En résumé, le plaignant a fait valoir qu’il était en communication permanente avec le défendeur (le syndicat) et que, pour cette raison, sa plainte devait être considérée comme opportune. Pendant tout ce temps, le syndicat s’est montré peu coopératif. Il a été privé du soutien, du suivi et de la défense de ses intérêts auxquels il avait droit. Le syndicat n’a pas veillé à ce que ses plans de retour au travail respectent ses limitations médicales ou que celles-ci soient respectés par l’employeur. Le syndicat ne l’a jamais informé de ses droits auprès de la CNESST, ni de la nécessité de déposer une réclamation dans les délais. Le syndicat n’a jamais coopéré et ainsi, ne l’a jamais conseillé adéquatement. Le plaignant a fait valoir que malgré les affirmations du syndicat, aucun travail sérieux n’a été entrepris en son nom.

[173] En résumé, le défendeur a fait valoir que les aspects de la plainte portant sur les allégations d’inaction du syndicat concernant les plans de retour au travail de 2017 et 2018 étaient hors délai. Au plus tard, le plaignant a eu connaissance ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance des circonstances des plans de retour au travail le 20 octobre 2018. La plainte a été déposée le 5 octobre 2019.

[174] Il a ajouté que la Loi énonce au paragraphe 190(2) qu’une plainte doit être déposée dans les 90 jours après que le plaignant a eu connaissance ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance des circonstances. L’interprétation stricte du délai est appuyée par des décisions de la Commission, notamment Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78. Les éléments de preuve documentaire et orale démontrent clairement la connaissance des événements par le plaignant et ses contacts réguliers avec le syndicat défendeur tout au long de 2017 et 2018. Une période bien supérieure à 90 jours s’est écoulée entre les événements et la plainte du 5 octobre 2019. Comme la Loi est claire, la Commission n’a aucune compétence sur ces aspects de la plainte.

[175] Il a aussi fait valoir, quant à la préoccupation du plaignant concernant le niveau de soutien insuffisant qu’il aurait reçu dans ses démarches auprès de la Sun Life et de la CNESST, que le défendeur n’a aucun devoir de représenter les intérêts d’un membre auprès de l’un ou l’autre. Aucune obligation de ce genre n’est formulée. Il m’a référée aux décisions Millar c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 68 et Abeysuriya c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 26, pour le motif que ces décisions précisent que l’obligation envers un membre ne va pas au-delà de celle décrite dans la convention collective, la constitution de l’UCCO-SACC-CSN et la Loi. Le seul fait que le défendeur ait volontairement aidé le plaignant auprès de la Sun Life ou de la CNESST n’a pas créé une nouvelle obligation à son égard au sens de la Loi.

[176] Le défendeur nie toute forme de discrimination, décision arbitraire, mauvaise foi ou pratique déloyale à l’encontre du plaignant. Il a fait valoir que la preuve ne permet pas de conclure à la mauvaise foi ou à l’arbitraire dans l’exécution par le syndicat défendeur de son devoir envers le plaignant. Ses actions ont été réfléchies et raisonnables. Il n’y a aucune preuve à l’appui des affirmations du plaignant.

VI. Motifs

[177] Le paragraphe 190(2) de la Loi énonce que les plaintes prévues au paragraphe 190(1) doivent être présentées dans un délai de 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant avait, ou aurait dû avoir, connaissance des faits y ayant donné lieu.

[178] Je note que la Commission a affirmé à maintes reprises le caractère obligatoire du paragraphe 190(2) de la Loi. Il s’ensuit que la Commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de proroger ce délai. La Commission a seulement la compétence de déterminer la date à laquelle le délai de 90 jours commençait, « […] ou en d’autres mots, la date à laquelle la plaignante a eu, ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte, ce qui est purement une question de faits » (voir Mohid c. Brossard, 2012 CRTFP 36, au paragr. 36).

[179] La Commission a reçu la plainte le 5 octobre 2019. D’après le paragraphe 190(2) de la Loi, cela signifie que la plainte doit porter sur des mesures ou des circonstances dont le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance dans les 90 jours précédents ou, dans ce cas-ci, à partir du 6 juillet 2019. Les mesures ou circonstances attribuables au défendeur qui se sont produites avant cette date, et dont le plaignant avait connaissance, ne peuvent faire l’objet de la présente plainte, car elles sont hors délai (voir Ennis c. Meunier‑McKay et Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2012 CRTFP 30, aux paragraphes 29 et 30, et Perron c. Syndicat des Douanes et de l’Immigration, 2013 CRTFP 13, au paragr. 23).

[180] Il y a donc lieu, d’abord, de déterminer le moment où le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des circonstances qui ont donné lieu à sa plainte. Ensuite, il faut déterminer s’il a déposé sa plainte dans les 90 jours suivant cette date. Il s’agit de questions factuelles.

[181] D’abord, en ce qui concerne le moment où le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des circonstances qui ont donné lieu à sa plainte, ce dernier a fait valoir qu’étant donné son implication constante avec le syndicat de 2017 jusqu’en octobre 2019, tous les éléments de sa plainte devraient être considérés comme opportuns.

[182] Je ne suis pas d’accord. La Loi exige qu’une plainte de représentation inéquitable soit déposée dans les 90 jours qui suivent un évènement particulier. Je note que quelques fois un événement particulier s’est produit dans la période de 90 jours visée par la plainte et que des incidents reliés, qui ne tombent pas dans les 90 jours de la plainte, se sont aussi produits. Cependant, ces incidents reliés ne peuvent pas faire l’objet de la plainte. Ils offriront un contexte seulement aux éléments visés par la plainte. En d’autres mots, ils ne seront pas considérés comme des événements particuliers qui étendent la portée de la plainte à une plus grande période que la période de 90 jours.

[183] Ensuite, quels sont les événements particuliers qui se sont produits dans les 90 jours précédant la plainte de représentation inéquitable déposée par le plaignant?

[184] En l’espèce, je note qu’il existe deux événements qui se sont produits entre le 6 juillet et le 5 octobre 2019. Il s’agit de deux courriels que le fonctionnaire a envoyés au défendeur, le premier le 26 septembre 2019, et le deuxième le 4 octobre 2019.

[185] En guise de rappel, le 26 septembre 2019, le plaignant a exigé du défendeur qu’il lui communique par écrit dans un délai de 10 jours toutes les actions entreprises pour l’aider. Le 3 octobre 2019, le défendeur a répondu au plaignant. Il lui a fait parvenir l’information qu’il demandait et une mise à jour au sujet de son dossier à la Sun Life, de son dossier de la CNESST et de son grief. Le 4 octobre, le plaignant a écrit à nouveau au défendeur pour lui demander une copie complète de son dossier. Il estimait, entre autres, que le rapport LAB 1070 qu’il avait reçu était incomplet. Puisque le défendeur estimait lui avoir déjà communiqué une copie complète de son dossier, M. Lebeau lui a répondu, ce même jour, en lui donnant son numéro de téléphone pour qu’il puisse l’appeler. Le plaignant a plutôt choisi de déposer, le 5 octobre 2019, sa plainte de représentation inéquitable.

[186] Je conclus que ces deux courriels que le fonctionnaire a envoyés au défendeur le 26 septembre et le 4 octobre 2019 sont des événements particuliers qui se sont produits dans la période visée par la plainte. Je conclus toutefois que ces deux événements particuliers ne révèlent pas une situation de représentation inéquitable et que le défendeur a contrevenu à l’article 187 de la Loi.

[187] En d’autres mots, ces réponses du défendeur n’étayent pas un cas de représentation inéquitable, mais démontrent plutôt, selon moi, une maturité accrue de la part du défendeur qui a persisté dans ses démarches pour assister le plaignant malgré toutes les critiques qu’il formulait à son encontre. En fait, la preuve révèle un nombre considérable de communications échangées pendant cette période entre les parties.

[188] De plus, il est clairement établi qu’une grande latitude est accordée aux agents négociateurs en matière de représentation. Tel qu’il est noté dans Nkwazi c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 93, au paragr. 34 :

[34] Depuis Gagnon [Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527], la CRTEFP et les autres commissions de travail ont rendu de nombreuses décisions relativement au devoir de représentation équitable. Le seuil pour établir un manquement à ce devoir est élevé et il est rare que le bien-fondé de telles plaintes soit démontré. Tel qu’il est énoncé dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, au paragr. 38 :

[38] Les cas cités s’accordent avec le principe général qui se dégage de la jurisprudence sur le devoir de représentation équitable, à savoir qu’il faut accorder une très grande latitude aux agents négociateurs en matière de représentation. La barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire – ou discriminatoire ou de mauvaise foi – est placée très haut à dessein. […]

 

[189] Ainsi, je conclus que les événements postérieurs au 6 juillet 2019 n’étayent pas un cas de représentation inéquitable.

[190] J’ai déjà conclu, en ce qui concerne les événements antérieurs au 6 juillet 2019, que la plainte n’a pas été déposée dans le délai de 90 jours prescrit par la Loi. Dans les circonstances, je n’ai pas à examiner s’ils révèlent une situation de représentation inéquitable. Je tiens à préciser, toutefois, que même si j’étais autorisée à le faire, je conclurais qu’ils n’étayent pas un cas de représentation inéquitable. Voici pourquoi.

[191] En premier lieu, le plaignant reproche au défendeur de n’avoir pris « aucune action concrète » lors de ses deux retours progressifs au travail, soit de septembre à décembre 2017 et de mai à juillet 2018.

[192] Selon moi, le plaignant ne dénonce pas de gestes répréhensibles sérieux dans sa plainte. Il prétend sans fondement que le défendeur n’a pris « aucune action concrète » lors de ses deux retours progressifs au travail. Or, cette simple affirmation n’est pas appuyée par la preuve. Au contraire, la preuve révèle un nombre important d’actions prises pour l’aider lors de ses deux retours au travail.

[193] En particulier, le premier plan de retour au travail et de mesure d’adaptation qui a été convenu le 7 septembre 2017 a impliqué le plaignant, la représentante syndicale qui l’accompagnait (Mme Laurendeau), et l’employeur. Les signataires étaient le plaignant, Mme Laurendeau, la gestionnaire déléguée et la déléguée des Ressources humaines.

[194] Le deuxième plan de retour au travail et de mesure d’adaptation qui a été convenu le 14 mai 2018 a impliqué le plaignant, le représentant syndical qui l’accompagnait (M. Turcotte), et l’employeur. Les signataires étaient le plaignant, M. Turcotte, la gestionnaire déléguée et la déléguée des Ressources humaines.

[195] Le troisième plan de retour au travail et de mesure d’adaptation qui a été convenu le 1er juin 2018 a impliqué le plaignant, le représentant syndical qui l’accompagnait (M. Turcotte), et l’employeur. Les signataires étaient le plaignant, M. Turcotte, la gestionnaire déléguée et la déléguée des Ressources humaines.

[196] S’il n’y avait eu aucune action entreprise pour préparer les retours au travail du plaignant, Mme Laurendeau et M. Marcotte n’auraient pas signé les plans. M. Marcotte a aussi expliqué qu’il avait vérifié avec le plaignant si l’entente respectait ses limitations fonctionnelles. Il a aussi expliqué que lorsque le membre n’est pas à l’aise avec le contenu du plan, il arrive qu’il n’y ait pas d’entente. Dans le présent cas, le plaignant a choisi d’apposer sa signature sur les plans.

[197] De même, les différents témoins du défendeur ont expliqué que lorsqu’un gestionnaire assigne des tâches qui sont incompatibles avec ce qui a été convenu dans le plan, le plaignant doit en informer son représentant syndical le plus tôt possible. Or, dans le présent cas, ce n’est que beaucoup plus tard que le plaignant a porté à l’attention du défendeur que des tâches qu’il devait effectuer étaient incompatibles avec ce qui avait été convenu dans le plan.

[198] En deuxième lieu, le plaignant reproche au défendeur de ne pas avoir complété un rapport d’accident (LAB 1070) en mai 2018. Cette simple affirmation n’est pas appuyée par la preuve. Au contraire, la preuve démontre que le rapport existe. Le défendeur a complété la section relevant de son ressort et a signé le rapport. Il a donc rempli son devoir. De plus, je note que la preuve présentée à ce sujet révèle que lorsqu’un employé se blesse et qu’il ne peut plus travailler, il lui revient de présenter une réclamation du travailleur à la CNESST. Le défendeur n’a pas le mandat de présenter cette réclamations en son nom.

[199] En troisième lieu, le plaignant allègue dans sa plainte que le défendeur a refusé de lui faire un suivi, a évité de répondre à ses questions et de lui démontrer les actions qu’il avait entreprises. Le plaignant a présenté différents courriels, envoyés au défendeur ou reçus de lui. Selon moi, ces courriels n’appuient aucunement l’allégation du plaignant. Ils révèlent plutôt que le défendeur a fourni une représentations, des conseils est des réponses à ses questions. Il a aussi accepté de déposer un grief en son nom contre l’employeur.

[200] En somme, si j’avais compétence pour instruire la plainte au sujet des événements antérieurs au 6 juillet 2019, je conclurais que le plaignant n’a pas établi que le défendeur a contrevenu à l’article 187 de la Loi. Il n’a pas démontré que les gestes posés par le défendeur et décrits dans cette décision illustrent une conduite arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. La preuve révèle plutôt que le plaignant et son représentant, M. Guilbault, ont cherché, par le biais de cette plainte, à nuire à la crédibilité de l’exécutif local du syndicat de l’Établissement de Cowansville. La preuve révèle que le défendeur a fait preuve de maturité en continuant de fournir une représentation au plaignant alors que ce dernier lui reprochait chacun de ses gestes. Selon moi, il a su tenir bon malgré le climat de travail difficile.

[201] Dans les circonstances, les allégations du plaignant n’étayent pas un cas de représentation inéquitable. Je conclus qu’il n’a pas été démontré que le défendeur a contrevenu à l’article 187 de la Loi.

[202] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[203] La plainte est rejetée.

Le 29 mars 2022.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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