Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un vérificateur et examinateur de la taxe d’accise, a déposé neuf griefs – il a allégué que son employeur, l’Agence du revenu du Canada, avait fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il n’a pas tenu compte de l’information médicale et n’a pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité jusqu’à la limite de la contrainte excessive – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination – la demande de l’employeur afin d’obtenir des informations médicales supplémentaires ne constituait pas une preuve de traitement préjudiciable, car elle visait à mettre en œuvre des mesures d’adaptation supplémentaires qui s’appliqueraient à long terme – de plus, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il n’a pris aucune mesure d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son entente de rendement, dans son plan d’amélioration du rendement et dans son évaluation intérimaire – la Commission n’avait pas compétence pour entendre ces griefs et, même si elle avait compétence, les éléments de preuve ne permettaient pas d’établir un traitement préjudiciable, parce que l’employeur a continué d’évaluer son rendement et à mettre en œuvre le plan d’amélioration jusqu’à ce que des mesures d’adaptation plus convenables à long terme soient élaborées – le fonctionnaire s’estimant lésé a également allégué que l’employeur avait enfreint les dispositions de la convention collective lorsqu’il ne lui a pas remboursé les frais de déplacement qu’il avait engagés pour des rendez vous médicaux et lorsqu’il ne lui a pas accordé des heures supplémentaires ou un congé de maladie supplémentaire – l’employeur a remboursé les frais de déplacement, mais ne l’a pas rémunéré pour ses heures supplémentaires – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas droit à des heures supplémentaires ni à un congé de maladie supplémentaire en vertu de la convention collective, puisqu’il n’a pas exécuté un travail pour l’employeur lorsqu’il s’est déplacé aux fins de ses rendez vous médicaux – de plus, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard à la suite d’un autre rapport médical et lorsqu’il l’a placé en congé de maladie non payé en raison de son incapacité – la Commission a conclu qu’une preuve prima facie de discrimination avait été établie – toutefois, la Commission a conclu que l’employeur avait établi que sa conduite discriminatoire découlait d’une exigence justifiée – l’employeur avait une raison opérationnelle légitime de placer le fonctionnaire s’estimant lésé en congé de maladie non payé; il tentait de prendre des mesures d’adaptation à son égard, mais il n’était pas en mesure de trouver un poste qui répondait à ses limitations et restrictions sans s’imposer de contraintes excessives – enfin, le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que son licenciement pour raison d’incapacité médicale était discriminatoire – il a établi une preuve prima facie, mais la Commission a conclu que l’employeur avait établi que sa conduite discriminatoire découlait d’une exigence professionnelle justifiée, puisque la réintégration du fonctionnaire s’estimant lésé et les mesures d’adaptations à son égard lui auraient causé une contrainte excessive.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20220404

Dossiers: 566-34-14861, 14863 à 14867, 38197, 38198, 43727 et 43728

 

Référence: 2022 CRTESPF 27

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Yves Mayrand

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

Agence du revenu du Canada

 

employeur

Répertorié

Mayrand c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Raphaëlle Laframboise-Carignan, avocate

Pour l’employeur : Andréanne Laurin, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 13 au 17 décembre 2021 et le 7 mars 2022.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

[1] Yves Mayrand, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était vérificateur/examinateur de la taxe d’accise (« vérificateur »), à l’Agence du revenu du Canada (l’« Agence » ou l’« employeur »). Le 20 septembre 2021, l’employeur l’a licencié pour des motifs d’incapacité médicale. Le fonctionnaire a déposé un grief dans lequel il a allégué que l’employeur avait mis fin à son emploi en septembre 2021 sans motif valable et qu’il n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité, et ce, jusqu’à la limite de la contrainte excessive. Il a également déposé deux griefs dans lesquels il a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en novembre 2016 et en mars 2017 puisqu’il n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité, et ce, jusqu’à la limite de la contrainte excessive. Il a aussi déposé deux griefs dans lesquels il a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard dans son évaluation du rendement en décembre 2016 et dans son évaluation intérimaire en mars 2017. Il a aussi déposé un grief dans lequel il a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en adoptant un plan d’amélioration du rendement en décembre 2016. Enfin, il a déposé trois griefs dans lesquels il a allégué que l’employeur avait omis de le rembourser pour des frais de transport encourus pour des évaluations médicales.

[2] Les divers griefs ont été renvoyés à l’arbitrage à différentes dates. Les dossiers 566-34-14861, 14863 à 14867 l’ont été le 26 février 2018. Les dossiers 566-34-38197 et 38198 l’ont été le 9 avril 2018. Et les dossiers 566-34-43727 et 43728 l’ont été le 5 novembre 2021. Les premiers griefs ont été renvoyés à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui a plus tard changé son nom.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique « (L.C. 2013 (ch. 40, art. 365) » et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP ») pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; « LRTSPF »).

[4] Pour les raisons présentées ci-dessous, je conclus que l’employeur a franchi le point de la contrainte excessive dans le présent cas et que le licenciement du fonctionnaire pour incapacité médicale était justifié dans les circonstances. Mes conclusions en ce qui concerne les autres griefs sont précisées dans les pages qui suivent.

II. Résumé de la preuve

[5] Les faits pertinents à ces griefs ont été résumés à partir de la preuve documentaire déposée conjointement par les parties, ainsi que les témoignages de Cindy McDonald, qui, de 2011 à 2015, était gestionnaire des vérifications, Bureau des services fiscaux du Centre-Est-de-l’Ontario (« BSF du Centre-Est-de-l’Ontario »); Lori Parris, chef d’équipe, BSF du Centre-Est-de-l’Ontario; David Beamer, directeur adjoint, Vérifications, BSF du Centre-Est-de-l’Ontario; Christine Stewart, directrice par intérim, BSF du Centre-Est-de-l’Ontario et du fonctionnaire.

[6] La convention collective applicable est celle conclue entre l’Agence et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs (la « convention collective »).

[7] Le fonctionnaire a commencé son emploi comme vérificateur au groupe et au niveau SP-05 à l’Agence le 5 juin 2002.

[8] Le fonctionnaire est titulaire de deux baccalauréats de l’Université du Québec, le premier en administration des affaires, spécialisation en finance, et le deuxième en comptabilité. Il est membre des Comptables professionnels agréés de l’Ontario depuis 1994. Après un retour d’un congé de maladie, en 2007, le fonctionnaire a éprouvé des difficultés au niveau de son rendement.

[9] Mme McDonald, qui était alors gestionnaire des vérifications, a expliqué que le fonctionnaire faisait des erreurs de façon répétitive dans ses dossiers de vérification. Cela avait un impact important sur l’employeur puisqu’il effectuait des vérifications des données financières de contribuables canadiens. Éventuellement, l’équipe de gestion a indiqué dans ses évaluations annuelles qu’il ne satisfaisait pas au niveau de rendement requis.

[10] Par la suite, avec l’appui de son syndicat, le fonctionnaire a contesté ses évaluations négatives en alléguant qu’une condition médicale l’affectait. L’équipe de gestion a donc demandé qu’une évaluation médicale de sa condition soit effectuée et communiquée à l’employeur afin qu’il puisse adresser la situation. En même temps, l’équipe de gestion lui a attribué différentes fonctions et tâches de niveau SP-05 sans toutefois observer d’amélioration dans son rendement.

[11] Le fonctionnaire a consulté son médecin de famille à ce sujet et ce dernier l’a référé à Dr Duncan Day, neuropsychologue.

[12] En septembre 2013, à la demande de l’employeur, le fonctionnaire a consulté le Dr Day en clinique privée.

[13] Mme McDonald a expliqué qu’après cette consultation, elle a rencontré des difficultés à obtenir le rapport du Dr Day pour la raison que lorsque le fonctionnaire a pris connaissance du rapport, il a retiré son consentement à ce qu’il soit communiqué à l’employeur.

[14] Le fonctionnaire a expliqué que le rapport du Dr Day contenait des diagnostics. Il ne voulait pas que cette information soit communiquée à l’employeur. Il a demandé au Dr Day de modifier son rapport afin qu’il contienne seulement ses limitations et restrictions puisque l’employeur avait besoin de cette information pour l’accommoder.

[15] Le 24 septembre 2013, le Dr Day a fait parvenir son formulaire d’évaluation de santé au travail (« FEST») à l’employeur. Il y précisait que le fonctionnaire expérimentait des limitations, entre autres, aux trois niveaux suivants, c’est-à-dire au niveau des exigences reliés à des échéanciers, au niveau des exigences sociales/émotionnelles et au niveau des exigences cognitives/mentales. À ce dernier niveau, il avait coché toutes les cases indiquant que le fonctionnaire avait les 14 limitations suivantes :

[Traduction]

1) Vigilance constante, concentration soutenue

2) Travailler selon des directives précises

3) Atteindre des limites ou des normes précises

4) Affectation multiple

5) Résolution de problèmes et prise de décisions

6) Capacité d’adaptation

7) Jugement sûr

8) Attention au détail

9) Supervision minimale et autonome

10) Rétention de renseignements

11) Sens de l’organisation et gestion du temps

12) Sens de l’initiative

13) Raisonnement analytique

14) Communication écrite efficace

 

[16] Le Dr Day indiquait que le fonctionnaire était apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions décrites plus en détails dans la section D de son rapport. Il précisait aussi ce qui suit au sujet de ces limitations ou restrictions : [traduction] « En fonction des résultats de l’évaluation et du traitement, probablement au moins un an, voire plus. »

[17] Les troisième et quatrième paragraphes (« section D ») du rapport seront une référence utilisée par la suite par d’autres médecins. Ces paragraphes se lisent comme suit :

[Traduction]

La modification de l’environnement de travail et du rythme seront des éléments importants de son traitement d’intégration, de formation et d’adaptation au travail. Il aura probablement besoin d’aménagements sur son lieu de travail, en réduisant la charge de travail et en accordant plus de temps pour certaines tâches. Il bénéficiera d’un environnement de travail sans distractions ou du moins avec moins de distractions, ainsi que de l’introduction d’une certaine souplesse dans les délais d’exécution des tâches qui lui sont confiées, dans la mesure du possible. Il serait également utile de préciser par écrit dès le départ toutes les exigences de son poste, telles que les attentes en matière de rendement, les délais, les exigences de qualité, etc. Ces aménagements devront probablement être permanents, mais certaines améliorations sont possibles avec la réadaptation et le traitement.

La question de la permanence ou de la durée de ces problèmes est importante lorsqu’il s’agit de concevoir des aménagements, mais les investigations mentionnées ci-dessus (consultation neurologique, consultation psychiatrique) devraient être effectuées avant toute détermination définitive de la durée. À mon avis, les problèmes de M. Mayrand sur le lieu de travail trouvent leur origine dans un trouble de la personnalité de type A, relativement léger et non diagnostiqué jusqu’à présent. Mais la possibilité d’un trouble du spectre reste également viable (syndrome d’Asperger). La probabilité d’un dysfonctionnement organique du cerveau est minime, mais devrait être examinée plus en détail.

 

[18] Étant donné que le Dr Day précisait qu’une consultation neurologique et qu’une consultation psychiatrique devraient être effectuées, le 22 octobre 2013, Mme McDonald a demandé un deuxième FEST pour obtenir plus d’information quant aux limitations et restrictions du fonctionnaire. L’équipe de gestion croyait que le fonctionnaire allait entreprendre des démarches pour obtenir un diagnostic plus poussé et un traitement.

[19] De son côté, le fonctionnaire a affirmé qu’il n’était pas de l’avis que des renseignements supplémentaires étaient nécessaires. Il n’a donc entrepris aucunes démarches à ce sujet. Il n’en a pas informé l’employeur non plus.

[20] En attendant de connaitre les résultats de ces démarches du fonctionnaire, l’équipe de gestion a choisi, le 19 novembre 2013, d’adopter un plan d’adaptation qui établissait que l’employeur n’imposerait pas de contrainte de temps pour que le fonctionnaire complète ses dossiers et que le fonctionnaire serait placé dans un espace de travail plus silencieux générant moins de distractions.

[21] Mme McDonald a précisé que malgré ces mesures d’adaptation en place, dans son poste de groupe et niveau SP-05, l’équipe de gestion a constaté que le fonctionnaire commettait encore plusieurs erreurs dans ses dossiers de vérification. Par exemple, il ne comptabilisait pas un nombre adéquat de comptes bancaires ou encore il mélangeait les noms et les informations d’un dossier à un autre. L’équipe de gestion a constaté sa faible attention au détail et ses erreurs répétées malgré des consignes claires.

[22] Mme McDonald a expliqué que, le 30 décembre 2013, l’équipe de gestion a rencontré le fonctionnaire et un représentant de l’agent négociateur qui l’accompagnait. Elle a demandé au fonctionnaire de prendre un congé de maladie puisqu’il n’était plus apte à travailler. Le fonctionnaire a refusé. Il a affirmé qu’il était préférable pour lui de travailler. Un résumé de cette rencontre a été préparé par son gestionnaire immédiat, Bruce Pettipas. Il se lit ainsi :

[Traduction]

J’ai rencontré [le fonctionnaire] à 13 h. Je lui ai expliqué que, d’après mon examen du travail qu’il m’avait montré depuis qu’il suivait le plan d’adaptation, je ne pensais pas que cela fonctionnait. Il continuait à faire le même genre d’erreurs que par le passé, et je ne voyais pas d’amélioration dans la qualité de son travail. Je lui ai dit que j’avais discuté de la situation avec Roxanne, Cindy et les RH, et que nous avions décidé que nous ne pouvions plus le garder au travail. Il devait consacrer toute son énergie à se faire diagnostiquer et traiter correctement, afin de pouvoir retourner au travail en bonne santé. J’ai expliqué le fonctionnement de notre régime d’invalidité de longue durée et lui ai dit que je lui fournirais les formulaires, mais qu’il devait rentrer chez lui en congé de maladie. Je lui ai dit que sa santé était la chose la plus importante, et que lorsqu’un médecin certifierait qu'il était apte à retourner au travail, il pourrait le faire. J’ai dit que j’espérais que ce serait bientôt et qu’il pouvait garder sa carte d’accès à l’immeuble pour le jour de son retour.

[…]

[Le fonctionnaire] m’a dit qu’il n’avait pas d’autres rendez-vous chez le médecin.

Je lui ai dit que je pensais que c’était un homme très intelligent, mais que son état, quel qu’il soit, l’empêchait de faire son travail. Je lui ai dit qu’il devait rentrer chez lui et se faire soigner pour pouvoir aller mieux.

[Le fonctionnaire] a nié que quelque chose n’allait pas chez lui, et que j’étais le seul à dire qu’il était malade. J’ai fait remarquer que nous avions le rapport de son médecin, qui disait qu’il avait des limitations pour lesquelles des aménagements étaient nécessaires. J’ai dit que je ne connaissais pas son état exact et que, d’après ce que j’avais compris, il y avait encore du travail de diagnostic à faire, mais que les limitations notées dans les rapports des médecins étaient une indication d’un certain type de problème médical. […]

[Le fonctionnaire] a demandé s’il pouvait continuer à rester au travail pendant qu’il était traité. Je lui ai répondu que non, nous ne pensions pas que c’était une option. Il était inapte à exercer ses fonctions en raison de son état, et la meilleure chose pour lui était de consacrer toute son attention à obtenir un diagnostic complet afin de pouvoir se rétablir et retourner au travail. La chose la plus importante pour lui est de prendre soin de lui-même et de sa santé.

Je lui ai souhaité bonne chance, lui ai serré la main et lui ai dit de prendre soin de lui.

 

[23] Le fonctionnaire a alors consulté son représentant syndical. Ensemble, ils ont convaincu l’employeur de lui permettre de continuer à travailler et, avec l’équipe de gestion, ils ont développé un plan d’adaptation individuel pour lui. Mme McDonald a proposé de lui assigner des tâches administratives de niveau SP-03 en attendant qu’il obtienne un diagnostic plus poussé et un traitement. L’équipe de gestion a donc renouvelé, du 3 février 2014 au 31 mars 2014, le plan d’adaptation en adoptant des mesures supplémentaires. Plus précisément, à partir du 3 février 2014, il s’est vu attribuer des tâches administratives de niveau SP-03.

[24] Il occupera ces tâches jusqu’en septembre 2015. Il était rémunéré au niveau SP-05 pendant ce temps. Les mesures convenues dans le plan étaient les suivantes :

[Traduction]

1) La direction continuera à ne pas exiger l’achèvement du travail [du fonctionnaire], comme nous le faisons actuellement.

2) [Le fonctionnaire] sera déplacé à un autre poste de travail dans une zone plus calme du bureau, où il y aura moins de distractions et d’interruptions. On lui a attribué le poste de travail 215, juste à l’extérieur de la zone anciennement affectée à la Division de l’application de la loi.

3) La direction a changé la charge de travail [du fonctionnaire] au numéro de poste ci-dessus […] et son chef d’équipe est David Webster à compter du 3 février 2014.

4) La direction est en train de se procurer le logiciel WordQ 3 (anglais). (En attendant l’approbation du Programme de technologie adaptée (ATP).

 

[25] Une personne qualifiée a aussi été retenue afin de procéder à une évaluation ergonomique de l’environnement de travail du fonctionnaire. Des changements ont ensuite été apportés à son environnement physique, y compris l’ajout d’équipement et un réaménagement.

[26] L’équipe de gestion attendait, depuis octobre 2013, les résultats d’un diagnostic plus poussé et d’un traitement devant être fourni par le fonctionnaire.

[27] Tout au long de l’année 2014, l’équipe a continué d’observer de sérieuses lacunes dans le rendement du fonctionnaire. Par exemple, dans ses nouvelles tâches, il ne suivait pas les procédures établies ou encore il ne replaçait pas un dossier au bon endroit alors que ceux-ci devaient être classés par ordre alphabétique. À ce moment, son chef d’équipe le guidait dans ses tâches. Il lui a préparé une série de listes de contrôle. Malgré tout, il continuait d’observer de sérieuses lacunes dans son rendement.

[28] Le fonctionnaire n’était pas d’accord de s’être fait attribuer des tâches administratives de niveau SP-03, car, selon lui, ces tâches ne satisfaisaient pas à ses compétences.

[29] N’ayant toujours pas reçu du fonctionnaire de nouvelles informations médicales à son sujet, le 28 août 2014, l’équipe de gestion a demandé pour la deuxième fois que le fonctionnaire subisse une autre évaluation de son aptitude au travail.

[30] Le fonctionnaire a accepté de rencontrer le Dr Richard Riopelle, neurologue. Il s’est dit satisfait de ses consultations avec ce spécialiste.

[31] Entre-temps, en septembre 2014, M. Beamer a débuté dans ses fonctions de directeur adjoint, Vérifications, BSF du Centre-Est-de-l’Ontario. Mme McDonald lui a donné un aperçu de la situation du fonctionnaire.

[32] Le 8 décembre 2014, l’équipe de gestion, qui incluait à ce moment Mme McDonald et M. Beamer, a reçu un FEST complété par le Dr Riopelle. Mme McDonald et M. Beamer ont constaté, avec surprise, que le rapport précisait que le fonctionnaire était apte à travailler sans restriction ni limitation. Il précisait que le fonctionnaire n’expérimentait aucunes limitations aux trois niveaux suivants, c’est-‑à‑dire au niveau des exigences reliées à des échéanciers, au niveau des exigences sociales/émotionnelles et au niveau des exigences cognitives/mentales. De même, il n’avait coché aucune des 14 limitations identifiées par le Dr Day le 24 septembre 2013.

[33] Le Dr Riopelle avait aussi coché la case indiquant qu’il ne consentait pas à être contacté si des clarifications s’avéraient nécessaires.

[34] Selon le rapport qui a été présenté en preuve, à la toute fin du rapport, le Dr Riopelle ou quelqu’un d’autre a ajouté une photocopie d’un extrait du texte de la Section D préparé par le Dr Day le 24 septembre 2013. Cet extrait, qui semblait ne pas être relié au rapport du Dr Riopelle, contenait l’information suivante :

[Traduction]

la probabilité de bénéficier d’un traitement. D’autres facteurs, tels que la barrière de la langue (l’anglais n’est pas sa langue maternelle) et les résultats de dépressions antérieures, peuvent également contribuer à son profil neuropsychologique actuel et, par conséquent, aux problèmes de rendement au travail, mais les résultats actuels ne peuvent être expliqués par ces seuls facteurs. Ainsi, une mauvaise maîtrise de l’anglais et des problèmes antérieurs de dépression ne sont pas, à mon avis, des raisons suffisantes pour expliquer les problèmes de rendement au travail.

La modification de l’environnement de travail et du rythme seront des éléments importants de son traitement d’intégration, de formation et d’adaptation au travail. Il aura probablement besoin d’aménagements sur son lieu de travail, en réduisant la charge de travail et en accordant plus de temps pour certaines tâches. Il bénéficiera d’un environnement de travail sans distractions ou du moins avec moins de distractions, ainsi que de l'introduction d’une certaine souplesse dans les délais d’exécution des tâches qui lui sont confiées, dans la mesure du possible. Il serait également utile de préciser par écrit dès le départ toutes les exigences de son poste, telles que les attentes en matière de rendement, les délais, les exigences de qualité, etc. Ces aménagements devront probablement être permanents, mais certaines améliorations sont possibles avec la réadaptation et le traitement.

 

[35] Selon le témoignage du fonctionnaire, c’est le Dr Riopelle qui a ajouté cet extrait à la fin de son rapport, supposément puisqu’il avait conclu, selon le fonctionnaire, qu’il était « [traduction] apte à travailler avec des limitations/restrictions ». Toutefois, dans son rapport, le Dr Day a clairement coché la case [traduction] « Apte à travailler (capable d’effectuer toutes les tâches) » et non la case « Apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions ».

[36] Ainsi, selon le fonctionnaire, le Dr Riopelle avait « réitéré » les recommandations du Dr Day. Il s’attendait donc à recevoir les mesures d’adaptation suivantes : 1) bénéficier d’une charge de travail réduite et plus de temps pour compléter ses tâches; 2) bénéficier d’un environnement de travail sans distractions ou avec distractions réduites; 3) bénéficier de flexibilité dans les délais pour compléter ses tâches; 4) que toute demande soit claire et par écrit.

[37] Mme McDonald a affirmé que l’équipe de gestion soupçonnait que le fonctionnaire avait lui-même ajouté cet extrait à la fin du rapport du Dr Riopelle, étant donné l’incohérence des deux conclusions apparentes du Dr Riopelle. Toutefois, elle n’avait pas de façon de le vérifier. Elle n’était pas autorisée par le Dr Riopelle à lui demander des clarifications.

[38] En juin 2015, Mme McDonald a changé de fonctions. M. Beamer a continué de s’occuper du dossier du fonctionnaire.

[39] Le fonctionnaire a expliqué que, pendant l’année 2015 et jusqu’au 3 mars 2016, il a continué dans le poste de commis. Toutefois, en septembre 2015, le représentant de l’agent négociateur du fonctionnaire a demandé que le fonctionnaire reprenne les fonctions de son poste de vérificateur.

[40] L’équipe de gestion s’est trouvée contrainte d’honorer cette demande et de respecter la conclusion (signée) du Dr Riopelle selon laquelle le fonctionnaire était apte à travailler sans limitation ni restriction. L’équipe a donc rédigé les attentes de rendement du fonctionnaire pour le poste de SP-05 de septembre 2015 à aout 2016 et les lui a remises. La période d’évaluation et de formation annuelle des vérificateurs de l’Agence est du 1er septembre au 31 août.

[41] De septembre 2015 au 3 mars 2016, le fonctionnaire a complété plusieurs formations, y compris de l’autoapprentissage, afin de rafraichir ses connaissances et de mettre à jour ses habiletés en vérification. L’équipe de gestion lui a remis des manuels de vérification et lui a demandé de compléter des formations pertinentes à son emploi par autoapprentissage. Durant cette période, le fonctionnaire n’accomplissait pas les tâches liées à son poste. L’équipe de gestion avait tout de même certaines préoccupations relativement à l’attention qu’il accordait à des détails qui étaient non pertinents.

[42] Le 3 mars 2016, le fonctionnaire est retourné à son poste de vérificateur, SP-05. Il a rencontré sa nouvelle chef d’équipe, Mme Parris. Cette dernière avait reçu le mandat de M. Beamer d’aider le fonctionnaire à reprendre ses tâches de vérificateur. Il était prévu qu’elle agirait comme son mentor et qu’elle l’assisterait sur une base quotidienne. Cette approche permettait qu’il soit jumelé en tout temps avec une vérificatrice expérimentée comme chef d’équipe.

[43] À ce sujet, je note que communément, le poste de chef d’équipe comprend la supervision de huit ou neuf vérificateurs. Toutefois, M. Beamer a expliqué que le fonctionnaire était le seul vérificateur qui se rapportait à Mme Parris. Elle avait le mandat spécifique de réviser avec lui les étapes de vérifications et de s’assurer qu’il puisse travailler de façon autonome par la suite.

[44] Mme Parris a présenté en preuve la description de travail du poste de vérificateur. Les activités principales de ce poste sont les suivantes :

[Traduction]

[…]

Vérifier les déclarations, les livres, les registres, les demandes des contribuables et les documents justificatifs afin de confirmer et d’appliquer l’observation des lois administrées par l’ARC. Préparer des documents de travail, des lettres et des rapports pour appuyer le travail effectué et compiler des renseignements sur les actifs pour aider au recouvrement des dettes des contribuables.

Planifier la façon dont la vérification sera effectuée; examiner les documents et faire des recherches sur les lois, la jurisprudence, les publications et les politiques.

Discuter avec les contribuables et/ou leurs représentants des questions techniques et litigieuses, des (nouvelles) cotisations proposées et des recommandations concernant les pénalités et la renonciation aux intérêts. Favoriser la conformité en encourageant le paiement anticipé.

Identifier et recueillir des données afin d’orienter les questions d’observation (par exemple, l’évitement fiscal, la fraude fiscale, la non-remise et l’inobservation par des tiers) vers les secteurs de programme appropriés.

Présenter et diffuser des renseignements propres aux programmes au public, à d’autres secteurs de l’ARC et aux intervenants externes afin d’encourager l’observation volontaire. Cela peut comprendre la participation à des séances d’information publiques et à des séminaires professionnels.

[…]

 

[45] Mme Parris a expliqué que l’entente de rendement pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 avait été préparée par l’ancien gestionnaire du fonctionnaire, George Deszpoth, et elle-même. Le fonctionnaire a ensuite fait parvenir ses commentaires sur cette entente.

[46] Le 4 mars 2016, l’équipe de gestion, comprenant M. Beamer et Mme Parris, a tenu une rencontre avec le fonctionnaire, qui était accompagné par son représentant syndical. L’équipe a informé le fonctionnaire qu’il reprenait ses fonctions de son poste de vérificateur au groupe et au niveau SP-05 à temps plein. L’équipe lui a expliqué ses objectifs de rendement pour la période d’évaluation du rendement en cours. Il a été informé qu’au cours des prochains mois il travaillerait étroitement avec Mme Parris.

[47] À la demande du fonctionnaire, Mme Parris lui a remis des anciens dossiers caviardés pour qu’il puisse les réviser. Elle lui a également fourni une liste de contrôle qui comprenait des directives précises et permettait un suivi étroit des étapes du processus de vérification. Ceci était fait afin qu’il puisse planifier son emploi du temps. Il était convenu entre les deux personnes que tout le travail du fonctionnaire serait dans un premier temps révisé par Mme Parris avant que le fonctionnaire passe à une prochaine étape ou que les communications soient transmises à un contribuable. Pour mieux l’aider, Mme Parris lui a aussi remis des schémas décisionnels. À ce moment, il avait déjà suivi des cours. Elle a soumis à l’audience la liste de ces cours.

[48] Lors de sa rencontre avec Mme Parris, le fonctionnaire a eu l’impression qu’elle lui demandait de produire un travail sans erreur. Il lui a donc demandé l’accès au logiciel Antidote pour l’aider avec ses erreurs de grammaire et d’orthographe.

[49] Le 7 mars 2016, le fonctionnaire a demandé de nouveau à Mme Parris de lui fournir le logiciel Antidote. Il a indiqué que son orthographe et sa grammaire en anglais ne satisfaisaient pas aux attentes de Mme Parris et que le logiciel l’aiderait à s’améliorer.

[50] Mme Parris a expliqué que l’Agence n’était pas autorisée à acheter des logiciels autonomes, car ils constituaient une violation de licence. Toutefois, ce logiciel pouvait être fourni aux employés de l’Agence qui avaient des déficiences ou des blessures documentées. Elle a expliqué au fonctionnaire que le logiciel était conçu pour les personnes avec des troubles d’apprentissage. Elle a réitéré au fonctionnaire que sa dernière évaluation au dossier, le FEST daté du 8 décembre 2014, confirmait qu’il était apte à travailler sans restriction ni limitation. Plus précisément, le 7 mars 2016, elle lui a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Bonjour Yves, malheureusement, l’Agence du revenu du Canada n’est pas autorisée à acheter des logiciels autonomes, car ils constituent une violation de licence. Vous pouvez certainement vous référer à votre dictionnaire français/anglais ou demander à un collègue bilingue de vous aider à traduire une phrase occasionnelle. Je réviserai également vos documents de travail, vos lettres et vos rapports, et je pourrai vous aider si des erreurs subsistent après que vous avez relu votre propre travail. En outre, lorsque vous travaillez avec Microsoft Word, vous pouvez choisir l’anglais (Canada) comme langue de travail et le logiciel détectera les erreurs d’orthographe et de grammaire les plus courantes. J’espère que cela vous aidera !

 

[51] En réponse à des questions de la part de Mme Parris, les 9 et 14 mars 2016, une représentante de la section des Ressources humaines a informé Mme Parris qu’elle allait faire d’autres recherches au sujet de la demande du fonctionnaire de lui fournir le logiciel Antidote.

[52] Mme Parris a souvent rencontré le fonctionnaire pendant la période de 13 mois allant de mars 2016 à avril 2017 pour lui donner de la rétroaction sur son travail et son rendement. Elle lui a offert cette rétroaction verbalement et par écrit. Elle a identifié beaucoup d’erreurs dans son travail. Elle a pris des notes de toute ses communications avec lui à partir de mars 2016.

[53] Plus précisément, Mme Parris a expliqué qu’entre mars 2016 et mars 2017, elle a attribué sept dossiers de vérification au fonctionnaire. Les deux premiers dossiers étaient identifiés comme des dossiers de formation. Les attentes étaient alors réduites. Dans ces dossiers, l’employeur lui a accordé le droit de consacrer plus de temps, une fois et demie la norme, d’heures directes accordées par dossier de vérifications. Pour les dossiers qui ont suivis, les attentes ont aussi été ajustées au cas par cas, à la suite de sa révision du travail du fonctionnaire. Mme Parris a expliqué qu’il était impossible d’assigner un seul dossier au fonctionnaire jusqu’à ce qu’il soit terminé. La raison est qu’il y a beaucoup de temps morts dans les dossiers où le vérificateur est en attente d’informations supplémentaires du contribuable.

[54] Au cours de cette période d’évaluation du rendement, Mme Parris a observé des lacunes significatives dans le rendement du fonctionnaire. Elle a constaté qu’il commettait des erreurs au niveau des techniques de vérification utilisées, qu’il ne suivait pas les instructions, qu’il ne possédait pas la capacité d’analyser des informations et qu’il n’avait pas le souci du détail. À quelques reprises, elle a aussi constaté des bris de confidentialité et de sécurité relativement aux renseignements de contribuables. Elle a décrit ces erreurs comme de la contamination croisée où des données d’un contribuable se retrouvent par erreur dans le dossier d’un autre contribuable. À chaque fois, elle a pris des mesures pour remédier à ces bris de confidentialité.

[55] Le 7 juin 2016, Mme Parris a exprimé dans un courriel au fonctionnaire des inquiétudes au sujet de son rendement au travail et lui a demandé de participer à un FEST. Elle a expliqué que le fonctionnaire ne consentait pas à un FEST puisque, selon lui, la section des Ressources humaines de l’employeur avait déjà toute l’information sur les mesures d’adaptation requises. La section des Ressources humaines avait toutefois en sa possession le rapport du Dr Riopelle qui le déclarait apte à travailler sans limitation ni restriction.

[56] Étant donné son refus de participer à un FEST, Mme Parris l’a informé qu’elle se voyait contrainte de respecter sa décision et qu’elle n’avait pas d’autres choix que de mettre en place un plan d’amélioration du rendement étant donné qu’il ne satisfaisait pas aux attentes de rendement établies dans son poste.

[57] À ce sujet, Mme Parris a introduit en preuve un document de 190 pages intitulé « Journal de performances » (le « Journal de performances ») qui contient ses observations du rendement ou des difficultés du fonctionnaire et ses échanges avec lui à ce sujet à partir du 3 mars 2016 jusqu’au 24 mars 2017. Elle a aussi pris le temps d’expliquer les erreurs commises par le fonctionnaire qu’elle avait notées dans le Journal de performances. Elle a aussi présenté en preuve des captures d’écrans pour appuyer ses explications. Un exemple qu’elle a donné est que le fonctionnaire ne semblait pas avoir de « filtre social », ce qui avait un impact négatif sur son rendement lorsqu’il interagissait avec des contribuables ou des collègues.

[58] Le 9 août 2016, Mme Parris et le fonctionnaire se sont rencontrés pour discuter d’un plan d’amélioration du rendement. Ce plan d’amélioration du rendement a été mis en place du 11 août 2016 au 31 octobre 2016. Mme Parris a alors fourni au fonctionnaire un suivi immédiat sur le progrès de ses dossiers, y compris les heures directes qu’il y consacrait et le nombre de jours en souffrance qui grandissait dans ses vérifications. Elle l’a encouragé à suivre d’autres formations pertinentes dans son travail, y compris celles intitulées « Le langage clair et simple à l’ARC » et « Communication écrite des vérificateurs ».

[59] Le fonctionnaire a affirmé qu’il estimait que le logiciel Antidote l’aiderait à éviter les fautes de grammaire et d’orthographe. Le 23 août 2016, il en a fait part à Mme Parris.

[60] Mme Parris a expliqué que, sans un FEST, elle ne pouvait pas accepter sa demande. Par contre, elle lui a dit que si un FEST indiquait que le logiciel l’aiderait dans son rendement au travail, elle pourrait le considérer. Le 23 août 2016, elle lui a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Je peux vous assurer que je ne voulais pas vous insulter, vous ou les utilisateurs de ce logiciel, mais malheureusement, l’ARC le considère comme une technologie d’adaptation pour les personnes qui ont besoin d’aide avec la langue française en raison de difficultés d’apprentissage, de troubles du développement ou de dyslexie. Malheureusement, vous ne répondez actuellement à aucun des critères mentionnés ci-dessus. Je vous invite à remplir un formulaire d’évaluation de l’aptitude à l’emploi.

 

[61] Mme Parris a informé le fonctionnaire que ses heures actuelles de travail étaient élevées en comparaison aux heures budgétées. Elle a expliqué que, malgré la latitude considérable dont il jouissait pour effectuer ses tâches dans ses dossiers, son rythme de travail variait considérablement et ne correspondait pas aux objectifs réduits pour l’accommoder. Elle a écrit ses constations dans l’évaluation annuelle du rendement du fonctionnaire pour la période de septembre 2015 à août 2016. Elle et M. Deszpoth, l’ancien gestionnaire du fonctionnaire, ont préparé cette évaluation. Mme Parris avait, entre autres, noté ceci :

[Traduction]

Yves a repris ses fonctions à un rythme beaucoup plus lent que prévu et a montré des difficultés à respecter les délais et à gérer efficacement ses [travaux en cours] et l’achèvement des dossiers, malgré le fait qu’on lui ait fourni un budget temps destiné à le guider dans ses dossiers. Trois dossiers ont atteint le seuil des 180 jours. Les quatre autres dossiers avaient accumulé au moins 150 jours et étaient toujours en phase initiale d’audit au 2016-08-31. Yves a été informé qu’un dossier moyen de son niveau devrait généralement être achevé en 50 à 60 heures, mais un budget de 75 heures lui était accordé pour chacun de ses dossiers, afin de tenir compte du fait qu’il pourrait avoir besoin de plus de temps pour ses premiers dossiers à mesure qu’il redéveloppait ses compétences en matière d’audit. En outre, il s’est vu accordé un temps et demi, soit 112,5 heures, pour ses deux premiers dossiers, traités comme des dossiers de formation. En date du 31 août 2016, ces dossiers de formation étaient à 223 et 309 heures, le plus bas des deux n’étant pas encore au stade de la proposition.

 

[62] Le 1er septembre 2016, Mme Parris a remis une copie de la nouvelle entente de rendement du fonctionnaire pour la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2017. À ce moment, des lacunes significatives dans son rendement avaient été observées et documentées au cours de la période du 11 août 2016 au 31 août 2016. Mme Parris a affirmé que ces lacunes continuaient d’exister lorsqu’elle a rédigé ce rapport.

[63] Le fonctionnaire a alors consenti à participer à un FEST avec son médecin de famille, le Dr John Erb. De son côté, l’équipe de gestion se demandait si la condition médicale du fonctionnaire avait évolué.

[64] En octobre 2016, Mme Parris a préparé une lettre et un FEST à faire remplir par le médecin de famille du fonctionnaire. Elle a communiqué cette information au fonctionnaire pour obtenir sa rétroaction sur l’ébauche de lettre qui contenait un historique de la situation et des questions précises au sujet de sa capacité d’effectuer un travail de vérification. De son côté, le fonctionnaire a fait remplir le FEST par son médecin de famille. Il est possible qu’il ne lui ait pas communiqué l’ébauche de lettre non signée, contenant des questions, datée du 14 octobre 2016 de Mme Parris.

[65] Mme Parris n’avait donc pas encore signé cette lettre. Elle avait d’abord souhaité obtenir les commentaires du fonctionnaire avant de la finaliser. Elle prévoyait envoyer elle-même cette lettre au médecin avec le FEST. Cela n’a cependant pas été possible puisque le fonctionnaire s’est chargé lui-même de demander l’évaluation. Mme Parris a expliqué qu’elle n’était donc pas en mesure de confirmer que le médecin avait pris connaissance de ses questions relativement à l’habilité du fonctionnaire d’accomplir des tâches de vérification.

[66] Le 29 octobre 2016, l’équipe de gestion a reçu une lettre et un rapport d’évaluation FEST daté du 25 octobre 2016 du Dr Erb. Dans son rapport, ce dernier cochait la case « [Traduction] Apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions (capable d’exécuter des fonctions ou de respecter un horaire de travail modifiés ou différents) ». Ensuite, il avait inscrit : [Traduction] « Voir le document joint de l’évaluation d’un neuropsychologue (Dr Day) en 2013. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Si des informations supplémentaires sont nécessaires, veuillez contacter le Dr Day ou renvoyer M. Mayrand pour une réévaluation. ».

[67] En somme, le « document joint » auquel le Dr Erb faisait référence était sa lettre dans laquelle il avait inclus un copié-collé d’un extrait d’une photocopie de la partie D du rapport de Dr Day de 2013, qui se lit comme suit :

[Traduction]

25/10/2016

À annexer au FEST complété le 25 octobre 2016.

Extrait du rapport du docteur Duncan Day, neuropsychologue.

Le 17 septembre 2013

Cet extrait a été annexé au formulaire d’évaluation de l’aptitude au travail rempli par le Dr Day le 17 septembre 2013, qui a été remis à Cindy MacDonald, gestionnaire de la vérification, ARC, Services fiscaux du Centre-Est-de-l’Ontario.

« Bien qu’un rapport neuropsychologique complet ne soit pas joint à ce formulaire.

La modification de l’environnement de travail, et le rythme seront des parties importantes de son traitement d’intégration, de formation et d’adaptation au milieu de travail. Il aura probablement besoin d’aménagements sur son lieu de travail, en réduisant les exigences de la charge de travail et en accordant plus de temps pour certaines tâches. Il bénéficierait d’un environnement de travail sans distractions ou du moins avec moins de distractions, ainsi que de l’introduction d’une certaine souplesse dans les délais d’exécution des tâches qui lui sont assignées, dans la mesure du possible. Il serait également utile de préciser par écrit dès le départ toutes les exigences de son poste, telles que les attentes en matière de rendement, les délais, les exigences de qualité, etc. Ces aménagements devront probablement être permanents, mais certaines améliorations sont possibles avec la réhabilitation et le traitement. »

 

[68] L’équipe de gestion n’était pas certaine que le Dr Day avait reçu sa liste de questions incluses dans sa lettre destinée au médecin au sujet de la capacité du fonctionnaire d’effectuer des tâches de vérifications.

[69] L’équipe de gestion, qui offrait déjà des mesures d’adaptation au fonctionnaire sans qu’il ne s’améliore (moins de dossiers, échéanciers flexibles, etc.) a considéré cette évaluation insuffisante pour mettre en œuvre de nouvelles mesures d’adaptation.

[70] Selon l’équipe de gestion, le Dr Erb ne semblait pas avoir réévalué la condition du fonctionnaire en date de 2016, mais semblait plutôt simplement indiquer que des limitations et restrictions s’imposaient sur la base de l’évaluation faite en 2013. Mme Parris a constaté qu’il était probable que le fonctionnaire n’avait pas communiqué ses questions à son médecin puisque le fonctionnaire s’était dit, au préalable, en désaccord avec le ton des questions. Selon Mme Parris, elle avait expliqué au fonctionnaire qu’elle pouvait modifier les questions avant de finaliser sa lettre. Toutefois, il s’était chargé d’obtenir l’avis médical du Dr Erb sans attendre que la lettre de Mme Parris ne soit signée par cette dernière.

[71] Le 31 octobre 2016, l’équipe de gestion a informé le fonctionnaire qu’elle estimait nécessaire que le plan d’amélioration du rendement reste en place jusqu’à ce que l’employeur puisse évaluer les détails de ses limitations et restrictions. Mme Parris a expliqué qu’elle avait alors préparé le deuxième plan d’amélioration du rendement pour la période du 1er novembre 2016 au 31 janvier 2017. Le plan sera, plus tard, étendu jusqu’au 28 février 2017.

[72] Le fonctionnaire était en désaccord avec la mise en place de ce plan d’amélioration du rendement. Il a inscrit ceci dans le plan :

[Traduction]

Ce plan n’a jamais été discuté puisque le syndicat a stipulé qu’un accommodement devait être mis en place.

J’en ai fait la demande et je suis sans réponse à ce jour. Une personne de votre niveau d’éducation peut lire la lettre fournie par mon médecin. Elle est en langage clair. Les aménagements peuvent commencer à partir de là, je vous ai suggéré d’acheter le logiciel Antidode, c’est un début et une solution simple qui respecte ma dignité en me fournissant un outil qui va améliorer les choses et vous avez dit non.

Vous ne pouvez pas avoir d’attente de rendement et de [plan d’amélioration] avant l’accommodement, c’est contraire à la politique de l’ARC.

[…]

 

[73] Le 10 novembre 2016, le fonctionnaire a fourni à l’employeur une note médicale du Dr Trickey du 8 novembre 2016. Le Dr Trickey recommandait l’utilisation du logiciel Antidote pour le fonctionnaire.

[74] Mme Parris a fait suivre cette note à la représentante des Ressources humaines qui la conseillait à ce sujet. Mme Parris a expliqué que plusieurs questions devaient être considérées par l’employeur à ce sujet, tel que précisé auparavant.

[75] Le 18 novembre 2016, l’équipe de gestion a tenu une réunion avec le fonctionnaire, en présence de son représentant syndical. Mme Parris lui a expliqué que son rendement au cours de la période dévaluation 2015-2016 avait été au niveau 1. Pour cette raison, le deuxième plan d’amélioration du rendement devait être adopté. Mme Parris a répondu aux questions du fonctionnaire sur ses attentes pour la période d’évaluation 2016-2017. Elle a aussi expliqué les raisons pour lesquelles l’équipe de gestion demandait qu’une nouvelle évaluation médicale soit effectuée, soit que l’évaluation du Dr Erb ne contenait pas une mise à jour récente de a condition médicale du fonctionnaire, ni de réponses aux questions de l’employeur. Elle se disait ouverte à apporter certaines modifications à la lettre qui serait adressée au spécialiste qui l’évaluerait à ce sujet, si nécessaire. De plus, elle a expliqué que la note médicale datée du 8 novembre 2016 du Dr Trickey n’indiquait pas de limitations ou de restrictions qui expliquaient la nécessité pour lui d’obtenir le logiciel Antidote.

[76] Je note donc que Mme Parris a pris le temps d’expliquer au fonctionnaire qu’elle avait besoin de clarifications sur ses limitations et restrictions, car la lettre de Dr Erb faisait seulement référence au rapport du Dr Day et ne précisait pas de quelle façon ses limitations et restrictions touchaient ou affectaient ses capacités d’exercer ses fonctions de vérificateur à l’Agence. L’employeur lui demandait ainsi de participer à une nouvelle évaluation médicale avec un spécialiste. Le fonctionnaire, de son côté, refusait de le faire. Dans les circonstances, Mme Parris lui a expliqué qu’elle n’avait pas d’autres choix que de maintenir un plan d’amélioration du rendement.

[77] Le 24 novembre 2016, l’équipe de gestion a finalisé l’entente de rendement qui était en place du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. L’entente comprenait les commentaires de M. Deszpoth, le premier gestionnaire du fonctionnaire pendant cette période, et les commentaires de Mme Parris, la deuxième gestionnaire du fonctionnaire pendant cette période. Il y avait un consensus parmi ces deux gestionnaires que le fonctionnaire rencontrait de sérieuses difficultés à accomplir son travail de vérificateur. Accomplir les tâches de vérifications s’avérait une tâche fort ardue, voire impossible, pour lui. C’était donc la raison pour laquelle il recevait une évaluation de niveau 1, qui signifie que l’employé ne satisfait pas aux objectifs de rendement. Il était précisé dans l’entente que l’employeur avait préparé un plan d’amélioration du rendement.

[78] Dans sa rétroaction à l’entente, le fonctionnaire a précisé ce qui suit :

[Traduction]

Il est regrettable qu’aucune mesure n’ait été prise concernant ma demande de mesure d’adaptation. […] « L’obligation d’accommodement est une obligation légale (découlant de la Loi canadienne sur les droits de la personne) qui exige que les employeurs éliminent les obstacles qui ont un impact négatif sur les employés […] et qu’ils mettent en œuvre les mesures nécessaires pour permettre à ses employés d’accomplir leurs tâches au mieux de leurs capacités. »

 

[79] Le 29 novembre 2016, le fonctionnaire a déposé son premier grief (numéro de dossier 566-34-14864) [le « grief A »] qui précise ce qui suit :

Je déplore que suite a la lettre reçue de mon médecin de famille reçue en date du 25 octobre 2016 que ma gestionnaire Lori Parris n’a pas appliqué de bonne foi les directives de mon médecin de famille en ce qui concerne les mesures d’accommodation présenter. Que madame, Lori Parris n’a pas suivi les politiques de l’ARC et les Lois fédérales Canadienne en vigueur.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[80] Le 1er décembre 2016, le fonctionnaire a déposé un deuxième grief (numéro de dossier 566-34-14867) [le « grief B »] au sujet de l’entente de rendement 2016-2017. L’énoncé de grief précise ce qui suit :

Madame Parris dans mon entente de rendement de 2016-2017 ne soient pas adaptés au mesure d’adaptation indiquer dans la lettre en date du 25 Octobre 2016 et rédiger par mon médecin de famille. De même que m’a demandé d’accès à un simple outil de travail tel que le logiciel Antidote m’a été refusé le 18 Novembre 2016.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[81] Le fonctionnaire a expliqué que sa situation au travail l’inquiétait beaucoup. Le stress qu’il éprouvait l’affectait non seulement lui, mais toute sa famille, incluant ses trois enfants.

[82] Le 1er décembre 2016, le fonctionnaire a déposé un troisième grief (numéro de dossier 566-34-38198) [le « grief C »] à la suite du plan d’amélioration du rendement 2016-2017. Le grief précise ce qui suit :

Je présente ce grief contre le plan d’amélioration du rendement 2016-2017 fait à mon égard par Lori Parris puisque celui-ci a été préparer [sic] en ignorant la politique de l’ARC sur les mesures d’adaptation et des Lois Fédérales Canadiennes.

 

[83] Le fonctionnaire a, par la suite, consenti à une évaluation avec un spécialiste de son choix situé à Gatineau, au Québec. Lors d’une discussion au sujet du choix du spécialiste, Mme Parris l’a renseigné dans un courriel du 7 décembre 2016 au sujet du remboursement des frais associés à l’évaluation :

[Traduction]

Ce courriel fait suite à notre conversation de ce matin. Malheureusement, la politique Approche à l’intervention précoce et au retour au travail ne couvre pas vos frais de déplacement et d’hébergement pour consulter un spécialiste. Si vous choisissez de consulter le Dr Benzimra, dont le cabinet est situé à Gatineau, au Québec, vous devrez payer les frais associés à vos déplacements pour vous rendre à vos rendez-vous avec lui. L’ARC remboursera toutefois les frais engagés pour effectuer une évaluation médicale par le Dr Benzimra dès que vous fournirez un reçu de paiement du médecin.

Comme je vous l’ai indiqué ce matin, vous avez trois options à votre disposition :

1. Vous pouvez choisir de consulter le Dr Benzimra, et assumer tous les frais de déplacement et d’hébergement que vous pourriez encourir;

2. Vous pouvez choisir de demander une recommandation par l’intermédiaire de Workplace Health and Cost Solutions (WHCS) et l’ARC couvrira les frais de tout déplacement encouru; ou

3. Vous pouvez choisir de reprendre votre traitement avec le Dr Day. Vous devrez encore assumer tous les frais de déplacement, mais ceux-ci seront minimes, car il est situé à Kingston.

[]

 

[84] Le 9 décembre 2016, le fonctionnaire a répondu à Mme Parris, entre autres, ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez ne pas utiliser le nom de mon médecin dans vos courriels. Il s’agit d’une question de confidentialité. Vous pouvez utiliser une terminologie générale, utiliser le nom de John Doe ou m’envoyer un courriel et mettre en copie mon syndicat, si vous devez l’utiliser autrement afin d’obtenir mon consentement.

Je ne vous ai pas donné mon consentement pour divulguer les noms de mes médecins à mon syndicat, comme vous l’avez fait mercredi matin dernier, 7 décembre 2016, lors de notre réunion. J’ai été sidéré par la façon, dont vous semblez à l’aise d’utiliser cette information. Le seul intérêt de mon syndicat est la mesure d’accommodement.

[…]

 

[85] Le fonctionnaire a expliqué qu’il est francophone et qu’il se sentait plus à l’aise de communiquer en français avec un psychologue. Il n’a pas trouvé de psychologue francophone avec la spécialité recherchée à Kingston. Il a donc décidé de rencontrer le Dr Yanev Benzimra, psychologue francophone avec une expertise dans des évaluations médicales, à Gatineau.

[86] Le 20 décembre 2016, le fonctionnaire a déposé un quatrième grief (numéro de dossier 566-34-14865) [le grief D] contre la décision de l’employeur de lui refuser le remboursement des frais de transport qu’il allait encourir pour son évaluation médicale à Gatineau. Son grief précisait ce qui suit :

[…]

Je déplore que la représentante de mon employeur a décidé de ne pas respecter la politique sur les accidents et maladies en ce qui a trait au remboursement des coûts de transports pour aller à Gatineau dans le but de compléter une évaluation médicale.

 

[87] Le 3 janvier 2017, l’employeur a envoyé une lettre et un FEST au Dr Benzimra pour obtenir de l’information supplémentaire au sujet des limitations et restrictions du fonctionnaire.

[88] Le 4 janvier 2017, M. Beamer a informé le fonctionnaire que l’employeur acceptait de rembourser ses frais de transport, de stationnement et ses repas pour la journée de l’évaluation médicale à Gatineau. De plus, il acceptait d’exercer sa discrétion de lui accorder un congé médical de 7,5 heures pour la journée de son évaluation.

[89] Le 2 février 2017, Mme Parris a aussi informé le fonctionnaire qu’en attendant son évaluation FEST du 2 février 2016, son plan d’amélioration du rendement était prolongé jusqu’au 28 février 2017.

[90] Le 2 février 2017, le fonctionnaire a rencontré le neuropsychologue, Charles Leclerc, collègue du Dr Benzimra, à Gatineau. Il a quitté sa maison à Kingston à 6 h 30. Son rendez-vous était à 9 h. Son évaluation s’est poursuivie jusqu’à 17 h 15. Il est arrivé chez lui à Kingston vers 19 h 30.

[91] Par la suite, le fonctionnaire a remis à M. Beamer un relevé des frais de son déplacement. Le fonctinnaire a expliqué qu’il devait effectuer un trajet de 2 heures en voiture pour aller et revenir de Gatineau. Selon lui, l’employeur doit lui payer des heures supplémentaires au taux horaire et demi pour ses heures dépassant 7,5 heures de travail et sa demi-heure de dîner. M. Beamer a confirmé que le fonctionnaire avait réclamé cinq heures de temps supplémentaire pour la journée du 2 février 2017.

[92] Le 13 février 2017, Mme Parris a informé le fonctionnaire que l’employeur ne pouvait pas autoriser le temps supplémentaire pour assister à l’évaluation médicale. Elle a rappelé au fonctionnaire que l’équipe de gestion avait confirmé que les frais de déplacement pouvaient être réclamés selon les politiques de l’employeur et que le temps du fonctionnaire, c’est-à-dire 7,5 heures, ne serait pas imputé dans sa banque de congé de maladie. Elle a aussi précisé ce qui suit par écrit :

[Traduction]

[…] C’était votre décision de chercher un spécialiste dans une autre province, plutôt que de demander une référence à un autre médecin de la région. Les préoccupations de M. Jackson dans son courriel du 16 décembre 2016 à M. Beamer et moi-même étaient que :

a) l’employeur paie les frais de déplacement connexes;

b) l’employeur couvre tous les coûts liés au salaire (vous permette d’utiliser le congé pour rendez-vous médical plutôt que le congé de maladie).

Je crois savoir que ces deux questions ont été abordées dans la lettre de M. Beamer du 4 janvier 2017 à vous et à Adam Jackson, dans lequel il a déclaré que :

a) l’employeur « remboursera les frais de déplacement (déplacement vers/depuis le lieu du rendez-vous, stationnement, repas) pour le jour du rendez-vous »;

b) pour couvrir les coûts liés au salaire, « l’employé sera en congé payé (rendez-vous médical) pour le temps réel passé jusqu’au maximum d’une journée tel que défini par la convention collective ». Votre salaire pour cette journée a été couvert par le congé médical payé.

[…]

 

[93] Le 14 février 2017, le fonctionnaire lui a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Encore une fois, dans le passé, cela n’a jamais été un problème, la direction a payé les frais de transport et le temps de déplacement pour m’envoyer à Ottawa.

Ils ont été proactifs en me proposant la meilleure option et en me donnant une avance. Je comprends que vous pensez que Kingston peut fournir le service, mais il s’agit d’une question médicale et vous n’avez pas d’expertise en la matière puisque vous n’êtes pas un médecin certifié. Oui, c’est mon choix d’aller à Gatineau dans la province de Québec. Je suis désolé que vous le preniez comme ça.

Je respecte votre décision mais je ne suis pas d’accord avec elle. Mon seul recours est de déposer une plainte auprès de nos supérieurs, conformément à la convention collective.

 

[94] Le 16 février 2017, le fonctionnaire a déposé un cinquième grief (numéro de dossier 566-34-14866) [le grief E] contre le refus de l’employeur de lui rembourser ses frais encourus le 2 février 2017, y compris le temps de déplacement au taux des heures supplémentaires. Son grief précisait ce qui suit :

[Traduction]

Je déplore et regrette que mon employeur ait refusé la totalité de mes frais encourus le 2 février 2017, suite à sa demande de remplir l’ « évaluation de l’aptitude au travail (FEST) » conformément à la politique en matière de maladie et d’accident.

 

[95] Entre-temps, le fonctionnaire a informé Mme Parris qu’il devait retourner à Gatineau pour compléter son évaluation médicale. En réponse à sa demande, l’équipe de gestion a réitéré que les frais de déplacement et des heures de congé pour rendez-vous médical payé seraient autorisés, mais pas le temps supplémentaire requis pour se rendre et revenir de son rendez-vous.

[96] M. Beamer a expliqué que le rendez-vous du fonctionnaire avait été fixé au 28 février 2017 à 15 h 30. Dans les circonstances, il a exercé sa discrétion de lui octroyer 4,5 heures de congé médical en compensation pour son déplacement et pour son évaluation survenus pendant sa journée de travail, soit l’équivalent de son temps de 12 h 30 à 17 h. Le temps de déplacement requis était de 2 heures de voiture.

[97] M. Beamer a précisé que le temps écoulé après ses heures normales de travail ne pouvait pas être compté dans le congé médical (code 5300) puisque ce congé s’applique lorsque l’employé s’absente de son travail pendant ses heures normales de travail. Étant donné que le fonctionnaire terminait sa journée habituelle de travail à 17 h, M. Beamer estimait qu’il ne pouvait pas exercer sa discrétion d’appliquer ce congé pour le temps écoulé après 17 h. De plus, il ne pouvait autoriser le paiement en heures supplémentaires de travail du fonctionnaire, rémunéré au taux et demi, pour le temps écoulé après les heures normales de travail puisqu’il n’exerçait pas un travail, tel que stipulé dans la convention collective.

[98] En somme, il pouvait exercer sa discrétion de lui accorder un congé médical en vertu du code 5300 pour les heures écoulées entre 9 h et 17 h, puisque ces heures concordaient avec sa journée habituelle de travail.

[99] Le 27 février 2017, dans un courriel à M. Beamer, le fonctionnaire a demandé ce qui suit : [traduction] « […] serait-il possible de commencer à travailler demain à 10 h au lieu de 9 h? De cette façon, mon temps de trajet normal se terminera à 18 h ou avant et non à 17 h. ».

[100] M. Beamer lui a répondu que ses heures de travail étaient de 9 h à 17 h, donc qu’il ne pouvait pas accorder sa demande. M. Beamer a expliqué qu’il ne se sentait pas à l’aise d’autoriser que ses heures de travail soient modifiées à cette fin seulement.

[101] Le 27 février 2017, Mme Parris a rencontré le fonctionnaire pour discuter de son rendement au milieu de l’exercice. Mme Parris l’a informé qu’il n’atteignait toujours pas ses objectifs. Elle a rappelé au fonctionnaire que le plan d’amélioration du rendement pourrait être mis à jour quand l’employeur recevrait les résultats de l’évaluation médicale. À ce moment, la deuxième rencontre du 28 février 2017 pour compléter son évaluation médicale était prévue. En attendant, elle l’a informé que son plan d’amélioration du rendement était prolongé jusqu’au 31 mars 2017. Elle l’a aussi informé que le nombre important de jours qu’il consacrait à certains dossiers étaient bien au-delà du maximum possible de 180 jours. À ce sujet, je note que l’Agence a adopté une norme de 180 jours pour la prise d’une décision au sujet d’une demande. Le fonctionnaire a trouvé ce moment difficile. Il souhaitait s’améliorer.

[102] Le 28 février 2017, le fonctionnaire est retourné à Gatineau pour compléter
son évaluation. Celle-ci s’est déroulée de 15 h 30 à 17 h 15. Il a expliqué qu’il a pris un congé personnel le matin. Il a quitté son domicile à 11 h 30 pour se présenter à l’avance à son rendez-vous. Cependant, le Dr Leclerc n’a pas été en mesure de le rencontrer avant 15 h 30. Le fonctionnaire devait effectuer un trajet de 2 heures en voiture pour aller et revenir de Gatineau. Selon lui, l’employeur doit lui payer des heures supplémentaires au taux horaire et demi pour les 2,5 heures écoulées après 17 h, soit de 17 h à 19 h 30, qu’il a prises pour revenir à Kingston.

[103] Le 1er mars 2017, le fonctionnaire a déposé un sixième grief (numéro de dossier 566-34-14863) [le grief F] pour contester le refus de l’employeur de lui rembourser des heures supplémentaires lors du 28 février 2017. Il précisait ce qui suit :

[Traduction]

Je déplore et regrette que mon employeur ait refusé la totalité de mes frais encourus le 28 février 2017, suite à sa demande de remplir l’ « évaluation de l’aptitude au travail (FEST) » conformément à la politique en matière de maladie et d’accident.

 

[104] Ce même jour, il a aussi déposé un septième grief (numéro de dossier 566-34-38197) [le grief G] pour contester son évaluation de milieu d’exercice. Son grief précisait ce qui suit : « Je présente ce grief suite au courriel envoyé par ma chef d’équipe intérimaire le 27 février 2017 intituler [sic] « évaluation intérimaire » ».

[105] Le 3 mars 2017, le Dr Leclerc a fait parvenir le FEST à l’employeur. Il informait l’employeur que le fonctionnaire avait des limitations ou restrictions pour des capacités non physiques liées à son travail. Il précisait qu’il était de l’avis « […] [qu’]il existe […] des limitations de base médicale qui impactent le comportement ou les actions de M. Mayrand. » Il précisait aussi que « [l]a nature de la limitation (temporaire ou permanente) demeure à être confirmée par un professionnel de la santé dont c’est le champ d’expertise, ce qui a été communiqué à M. Mayrand. » Il répondait aux questions de l’employeur liées aux limitations et restrictions du fonctionnaire. Il notait, entre autres, ce qui suit :

Dans le contexte de l’évaluation, nous relevons des difficultés d’interprétation de la communication, de même que les défis en expression. Celles-ci peuvent conduire à un raisonnement erroné ou à une mauvaise compréhension des attentes et consignes. Ces défis devront être précisés cependant par un professionnel dont c’est le champ d’expertise. M. Mayrand peut aussi commettre des erreurs d’interprétation, affectant l’analyse et/ou le produit final. Ses réponses à la rétroaction peuvent également être affectées en raison des limites au plan de la pragmatique langagière. Les consignes claire et concrètes, idéalement à l’écrit, peuvent aider dans une certaine mesure, mais ne pallieront pas entièrement à la limitation.

[…]

Oui, il existe à mon avis des limitations de base médicale qui impactent le comportement ou les actions de M. Mayrand. Tel qu’énoncé précédemment, le client a été orienté vers des ressources où une évaluation de sa condition sera complétée, puisque cela est hors de mon champ d’expertise.

[…]

Je confirme que les limitations existent chez le client et qui l’empêchent de rencontrer les échéances.

[…]

À mon avis, ce n’est pas la quantité des dossiers qui dépasse les capacités de M. Mayrand, mais plutôt la nature de certaines tâches associées à ces dossiers. Notamment, les tâches qui sollicitent les capacités d’interprétation (verbale ou écrite), de communication (verbale ou écrite), la production de sommaires/rapports, le jugement de matériel abstrait, la rencontre de délais temporaire serrés, et l’attention au détail dépassent les capacités de M. Mayrand à mon avis. Il en va de l’employeur de déterminer si ce type de tâche peut être accommodé ou retiré des fonctions à accomplir.

[…]

À mon avis, il existe des limitations de base médicale qui impactent la capacité de M. Mayrand à maintenir la continuité dans ses dossiers.

 

[106] Dans le formulaire, le Dr Leclerc précisait que le fonctionnaire expérimentait des limitations, entre autres, aux trois niveaux suivants : au niveau des exigences liées à des échéanciers; au niveau des exigences sociales/émotionnelles; au niveau des exigences cognitives/mentales. À ce dernier niveau, il avait coché toutes les cases contenues dans le rapport indiquant que le fonctionnaire avait les 14 limitations suivantes :

1) Vigilance constante, concentration soutenue

2) Travailler selon des directives précises

3) Atteindre des limites ou des normes précises

4) Affectation multiple

5) Résolution de problèmes et prise de décisions

6) Capacité d’adaptation

7) Jugement sûr

8) Attention au détail

9) Supervision minimale et autonome

10) Rétention de renseignements

11) Sens de l’organisation et gestion du temps

12) Sens de l’initiative

13) Raisonnement analytique

14) Communication écrite efficace

 

[107] Enfin, il avait coché la case « Apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions (capable d’exécuter des fonctions ou de respecter un horaire de travail modifiés ou différents) ».

[108] Mme Parris a expliqué que l’équipe de gestion avait constaté que, dans son rapport, le Dr Leclerc recommandait un suivi médical au fonctionnaire mais qu’en attendant ce suivi, il était en mesure de confirmer certaines informations. Mme Parris a résumé comme suit sa compréhension de ce qu’il a confirmé :

[Traduction]

1) L’ensemble des limitations sont temporaire en attente du suivi médical suggéré au fonctionnaire.
2) Dans le contexte de cette évaluation, il relève les difficultés d’interprétation de la communication, de même que des défis d’expression. Celles-ci peuvent conduire à un raisonnement erroné ou à une mauvaise compréhension des attentes et des consignes.
3) Le fonctionnaire peut commettre des erreurs d’interprétation, affectant l’analyse et/ou le produit final.
4) Les consignes claires et concrètes, idéalement à l’écrit, peuvent aider dans une certaine mesure, mais ne pallieront pas entièrement la limitation.
5) L’évaluation n’est pas en mesure de confirmer que le fonctionnaire est capable d’exercer un bon jugement dans l’exécution de ses tâches.
6) Il existe des limitations de base médicale qui impactent le comportement ou les actions du fonctionnaire.
7) Il existe des limitations qui empêchent le fonctionnaire à rencontrer les échéances.
8) La nature de certaines tâches associées aux dossiers dépasse les capacités du fonctionnaire. Notamment, les tâches qui sollicitent les capacités d’interprétation (verbale ou écrite), de communication (verbale ou écrite), la production de sommaires/rapports, le jugement de matériel abstrait, la rencontre de délais temporaires serrés, et l’attention au détail.
9) Il existe des limitations de base médicale qui impactent la capacité du fonctionnaire à maintenir la continuité dans ses dossiers.

 

[109] Mme Parris a expliqué que l’équipe de gestion réalisait donc qu’il existait des limitations de base médicale qui affectaient la capacité du fonctionnaire à faire son travail. En prenant en considération les limitations et restrictions spécifiques énoncées par le Dr Leclerc, l’équipe a rencontré une difficulté à identifier des mesures d’adaptation qui permettraient d’accommoder le fonctionnaire dans un poste.

[110] Dans les circonstances, M. Beamer a demandé à Mme Parris d’effectuer une analyse des fonctions de chaque poste au BSF du Centre-Est-de-l’Ontario. Ces postes sont équivalents aux postes existants au sein de l’administration centrale de l’Agence. Son objectif était de déceler quelles fonctions pouvaient convenir aux limitations et restrictions identifiées. Cependant, en considérant l’ensemble des limitations et restrictions précisées par le Dr Leclerc, Mme Parris a constaté qu’aucune des fonctions des postes ne permettait de respecter les attributs identifiés.

[111] Elle a présenté en preuve son analyse de tous les postes qu’elle a considérés dans sa recherche d’un poste adapté aux capacités du fonctionnaire. Elle a comparé les exigences de neuf postes potentiels qui varient des groupe et niveau SP-05 à SP-02 au regard des capacités du fonctionnaire. Le poste de groupe et niveau SP-03 qu’elle a analysé concernait un poste de commis au soutien au programme de la conformité. Le poste de SP-02 qu’elle a analysé concernait un poste de commis aux tâches générales.

[112] Elle n’a donc trouvé aucun poste qui pouvait être adapté aux capacités du fonctionnaire. Elle a expliqué qu’en 2014 et 2015, l’employeur avait déjà accepté d’offrir au fonctionnaire des tâches réduites relevant du poste de commis aux tâches générales pour l’accommoder. Malheureusement, l’équipe de gestion avait constaté de sérieuses lacunes dans son travail et dans ses capacités d’accomplir ces tâches. Mme Parris n’a donc trouvé aucun poste potentiel qui satisfaisait à ses capacités.

[113] Je note que les témoins ont confirmé que les tâches associées aux postes SP-02 et SP-03 se chevauchent à l’Agence. Le fonctionnaire a aussi confirmé que, lorsqu’il travaillait pour M. Deszpoth, il accomplissait des tâches rattachées au poste de commis aux tâches générales.

[114] Mme Parris a expliqué que l’équipe de gestion gardait toutefois l’esprit ouvert étant donné que le Dr Leclerc recommandait une évaluation supplémentaire dans un autre champ d’expertise. Elle souhaitait que le fonctionnaire aille chercher des traitements et des soins.

[115] Le 24 mars 2017, M. Beamer a ainsi confirmé dans une lettre au fonctionnaire que l’équipe de gestion avait révisé ses limitations et restrictions identifiées par le Dr Leclerc. Il précisait que l’équipe de gestion s’inquiétait concernant sa capacité d’accomplir les tâches de son poste puisque les erreurs qu’il commettait dans ses dossiers avaient des répercussions sur la crédibilité de l’Agence. Il l’informait de la tentative entreprise par l’équipe de gestion de lui trouver une mesure d’adaptation temporaire. Il l’informait que l’équipe avait à cette fin effectué une analyse de postes pour déterminer s’il y avait d’autres postes disponibles dans la division de l’est-central. Cependant, elle avait conclu qu’aucun des postes examinés ne répondaient à ses limitations et restrictions.

[116] Dans sa lettre, M. Beamer demandait donc au fonctionnaire de participer à une autre évaluation médicale avec le spécialiste recommandé par le Dr Leclerc. Il expliquait que l’équipe de gestion souhaitait prendre en considération une information à jour concernant ses limitations et restrictions. Il indiquait qu’étant donné la sévérité de ses limitations et restrictions, il était maintenant nécessaire que le fonctionnaire reste hors du milieu de travail tant que cette nouvelle évaluation ne soit complétée.

[117] Une réunion a été organisée ce même jour, le 24 mars 2017, et celle-ci a réuni l’équipe de gestion et le fonctionnaire. Le fonctionnaire a été informé de son nouveau statut d’employée « en congé de maladie ». M. Beamer a encouragé le fonctionnaire à s’occuper de son bien-être. M. Beamer souhaitait que le fonctionnaire puisse recevoir des soins appropriés et reprendre son travail.

[118] L’équipe de gestion a demandé au fonctionnaire de consentir à l’évaluation médicale recommandée par le Dr Leclerc. M. Beamer a remis au fonctionnaire le formulaire à remplir pour présenter une demande au Régime d’assurance-invalidité. Ce jour-là, M. Beamer a accompagné le fonctionnaire jusqu’à son bureau pour qu’il puisse lui transmettre les dossiers qui devaient être réassignés. Cette journée s’est avérée être une triste et difficile journée à la fois pour le fonctionnaire et pour M. Beamer.

[119] Le fonctionnaire a expliqué qu’il s’était senti « congédié » et envoyé à la maison. Il était découragé. Il s’est senti humilié. Il a été invité à remettre sa carte d’accès à l’équipe de gestion. Il était abasourdi.

[120] Le fonctionnaire a utilisé ses crédits de congé de maladie. Il a été en congé de maladie à compter du 27 mars 2017, en attendant l’évaluation par le spécialiste recommandé par le Dr Leclerc. M. Beamer a expliqué que l’équipe de gestion lui avait avancé des crédits de congé de maladie pour couvrir la période de carence de 13 semaines en attendant qu’il reçoive des prestations d’assurance-invalidité de la Sun Life en juin 2017. Par la suite, le fonctionnaire a été soumis à un congé sans solde, mais il pouvait avoir droit à des prestations d’assurance-invalidité. Le fonctionnaire a confirmé que l’employeur avait appliqué le solde de sa banque de congés de maladie jusqu’à son expiration le 26 juin 2017.

[121] Le fonctionnaire s’est dit démoli. Il a, malgré tout, entrepris une recherche d’emploi. Sa situation familiale s’est dégradée. Ce fut une période très difficile pour lui. Il a insisté qu’il pouvait travailler et qu’il souhaitait travailler.

[122] Le 24 mars 2017, le fonctionnaire a déposé son huitième grief (numéro de dossier 566-34-14861) [le grief H]. Il précisait ce qui suit : [traduction] « Je formule le grief que l’employeur ne m’a pas accommodé sur la base du FEST reçu du Dr Leclerc. »

[123] Ce même jour, il a aussi déposé un neuvième grief (numéro de dossier 566-34-14862) [le grief I] dans lequel il précisait ce qui suit : [traduction] « Je formule un grief concernant la lettre datée du 24 mars 2017, émise par le directeur adjoint des vérifications, car il s’agit d’un licenciement déguisé. » Ce dernier grief a toutefois été retiré le 28 janvier 2022 par le fonctionnaire.

[124] Le fonctionnaire a été en congé de maladie non payé à compter du 26 juin 2017, jusqu’à la date de son licenciement, le 21 septembre 2021.

[125] Le 12 avril 2017, M. Beamer a confirmé dans une lettre envoyée au fonctionnaire que l’employeur avait besoin d’une nouvelle évaluation médicale par le spécialiste recommandé par le Dr Leclerc pour établir les mesures d’adaptation nécessaires pour qu’il puise retourner au travail. L’objectif de l’employeur était de voir si le fonctionnaire était apte à travailler et il demandait que le FEST et les réponses aux questions de l’employeur soient envoyés avant le 24 mai 2017.

[126] Le 15 mai 2017, en remplissant le formulaire de demande d’assurance‑invalidité, le fonctionnaire a coché la boîte de réponse « non » à la question : [traduction] « Le médecin a-t-il recommandé un changement ou certaines restrictions concernant le type de travail que vous pourriez faire? » De même, à la question [traduction] « Que vous a dit votre médecin au sujet du retour au travail? », le fonctionnaire a inscrit ce qui suit : [traduction] « C’est bon et ce sera bénéfique pour moi. »

[127] Le 24 mai 2017, M. Beamer a écrit au fonctionnaire pour lui demander de confirmer le nom et l’adresse du spécialiste qui devait compléter l’évaluation de son aptitude au travail. De plus, il lui demandait d’expliquer la raison pour laquelle il souhaitait revoir le Dr Leclerc à cette fin, étant donné que le Dr Leclerc le référait à un spécialiste dans un autre domaine.

[128] M. Beamer n’a pas reçu de réponse à sa question.

[129] Le 2 juin 2017, M. Beamer a rempli la partie à remplir par l’employeur dans la demande d’assurance-invalidité présentée par le fonctionnaire.

[130] Le fonctionnaire ne souhaitait pas être réévalué et il a demandé au Dr Leclerc, dans un courriel daté du 3 octobre 2017, de lui communiquer son opinion quant à la nécessité qu’il rencontre d’autres spécialistes qui pouvaient évaluer son état.

[131] Dans une lettre du 4 octobre 2017, le Dr Leclerc a fourni des précisions sur la situation et a répondu qu’un suivi en psychiatrie demeurait bénéfique si des défis persistaient. Son opinion était la suivante :

[…]

Lors de l’évaluation neuropsychologique auprès de Mr. Mayrand, nous avons établi qu’au plan cognitif, il présentait un fonctionnement normal, sans carences significatives. En revanche, nous avions suspecté des défis qui pouvaient nuire à son fonctionnement social, relationnel et vocationnel, et à cet effet, il avait été référé vers une spécialiste dont le champ d’expertise permettait de poursuivre en partie ce volet de l’évaluation. De ce que je comprends, une évaluation de type dépistage fut conduite, sans que cette dernière ne révèle de particularités. Pour de plus amples informations à l’égard de cette seconde évaluation, je vous réfère donc à la spécialiste en question (je laisserai le soin à Mr. Mayrand de vous partager cette information et de fournir le consentement adéquat pour que vous puissiez communiquer avec l’experte en question). Finalement, comme je l’indiquais au client, un suivi en psychiatrie demeurait bénéfique à mon avis, si des défis persistaient. Au moment de produire la présente missive, je ne suis pas au courant si cette avenue fut explorée.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[132] Le fonctionnaire a précisé que, le 13 avril 2017, il avait en fait consulté le Dr Rouillard, psychologue. Il n’a cependant jamais informé l’employeur de son rendez-vous, ni du résultat de son évaluation médicale.

[133] M. Beamer a expliqué qu’il a reçu la lettre du 4 octobre 2017 contenant la mise à jour du Dr Leclerc. Ce dernier écrivait qu’une évaluation de type dépistage avait été effectuée, sans que cette évaluation ne révèle des particularités. Il référait l’employeur au fonctionnaire pour obtenir son consentement afin d’obtenir les résultats de cette deuxième évaluation. Puis, le Dr Leclerc ajoutait qu’un suivi en psychiatrie serait bénéfique si des défis persistaient.

[134] Mme Stewart a commencé à cette époque dans ses fonctions de directrice adjointe, Vérifications, BSF du Centre-Est-de-l’Ontario.

[135] Le 3 janvier 2018, Mme Stewart a écrit au fonctionnaire pour l’inviter à faire parvenir à l’employeur l’évaluation médicale à laquelle le Dr Leclerc faisait référence dans sa lettre datée du 4 octobre 2017.

[136] Elle n’a pas reçu de réponse à sa demande.

[137] Le 26 janvier 2018, Mme Stewart a reçu une lettre du fonctionnaire. Il a demandé l’autorisation d’appliquer à des postes chez des cabinets de services professionnels.

[138] Le fonctionnaire a précisé que, le 12 mars 2018, il a consulté le médecin retenu par la Sun Life pour l’évaluer, le Dr Gilles Fleury, psychiatre. Il n’a cependant pas informé l’employeur de son évaluation médicale, ni des résultats de cette évaluation.

[139] Il a expliqué qu’après plusieurs mois de recherche d’emploi, il a obtenu, le 16 avril 2018, un poste à temps plein d’agent de ressources à l’Association canadienne-française de l’Ontario, Conseil régional des Mille-Îles (« ACFOMI »). Il a expliqué quelles étaient ses tâches dans ce poste. Ces tâches comprenaient entre autres la responsabilité d’offrir un support individualisé aux clients à chaque étape de leur recherche d’emploi, d’offrir du coaching, de faire l’entrée de données, de voir à l’élaboration de statistiques et de créer des rapports contenant des analyses. L’ACFOMI lui a fourni le logiciel Antidote à sa demande. Il n’a pas demandé de mesures d’adaptation.

[140] Le 25 avril 2018, Hank Koudsi, directeur, BSF du Centre-Est-de-l’Ontario, a répondu au fonctionnaire qu’il n’y avait pas de conflit entre les activités du poste d’agent avec l’ACFOMI et les activités de son poste à l’Agence.

[141] Le 8 mai 2018, Mme Stewart a écrit au fonctionnaire pour lui rappeler qu’elle cherchait à obtenir de l’information sur ses restrictions et limitations. Elle lui a communiqué l’importance de tenir l’employeur à jour sur son état de santé. À ce moment, elle l’informait que le gestionnaire de son dossier d’invalidité à la Sun Life lui avait fait savoir que le fonctionnaire avait participé à une évaluation médicale en mars 2018 et qu’un rapport final avait été préparé. Elle rappelait au fonctionnaire, comme l’équipe de gestion l’avait fait dans ses lettres datées du 24 mai 2017 et du 3 janvier 2018, que la demande d’évaluation médicale était disponible et qu’elle serait remise dès la réception du nom du médecin qui procéderait à son évaluation médicale. L’objectif de l’employeur était d’envoyer la demande d’évaluation au spécialiste dès que possible.

[142] Elle n’a pas reçu de réponse à sa demande.

[143] Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait pas informé l’employeur de ses rendez-vous avec le Dr Rouillard et le Dr Fleury. Il a expliqué que son médecin de famille avait déjà informé l’employeur dans le passé qu’il était apte à travailler. Donc, il ne voyait pas l’intérêt de le rappeler à l’employeur.

[144] Pendant ce temps, selon le fonctionnaire, il n’y avait pas de changement significatif à sa condition médicale qui nécessitait une mise à jour à la suite du dernier FEST. Malgré tout, il en a discuté avec son médecin de famille.

[145] Le 26 mai 2018, le Dr Erb a rédigé une lettre qui confirmait que l’état de santé du fonctionnaire n’avait pas changé depuis le mois de mars 2017 et que les mesures d’adaptation demandées dans son FEST daté d’octobre 2016 s’appliquaient toujours. Il a remis cette lettre au fonctionnaire.

[146] Le 29 mai 2018, la Sun Life a informé le fonctionnaire que sa demande de prestations d’invalidité de longue durée était refusée en raison du fait que la compagnie ne détenait aucune preuve médicale indiquant qu’il ne pouvait pas travailler. La Sun Life notait que l’arrêt de travail découlait de la demande de l’employeur. Cette lettre n’a pas été communiquée à l’employeur. La lettre comprenait l’extrait suivant :

[…]

Les renseignements au dossier font clairement la démonstration que la raison principale de votre arrêt de travail est à la demande de votre employeur. Nous avons bien lu le rapport de l’évaluation effectuée par monsieur Charles Leclerc, neuropsychologue en date du 2 février 2017 et n’avons trouvé aucune évidence d’une quelconque condition médicale de nature psychiatrique pour appuyer votre arrêt de travail. Nous avons toutefois pris la décision d’obtenir l’avis d’un médecin expert psychiatre lequel confirme qu’au niveau du diagnostic, il retient un trouble dépressif majeure en rémission complète et soutenue. Il ajoute qu’il n’y a pas de limitation ou restriction majeure psychiatrique identifiées lors de son évaluation.

L’ensemble de tous les renseignements au dossier en plus du résultat du rapport de l’expert a été révisé par l’un de nos partenaires de la santé psychiatre confirmant le résultat de l’expert.

[…]

 

[147] Le 30 mai 2018, Mme Stewart a reçu une communication du fonctionnaire qui lui communiquait la lettre datée du 26 mai 2018 du Dr Erb. Dans cette lettre, ce dernier notait que l’état de santé du fonctionnaire n’avait pas changé depuis le mois de mars 2017 et que les mesures d’adaptation demandées dans son FEST d’octobre 2016 s’appliquaient toujours.

[148] Le 7 août 2018, Mme Stewart a écrit au fonctionnaire. Elle l’a informé que l’information du Dr Erb datée du 26 mai 2018 n’était pas suffisante et ne confirmait pas ses restrictions et limitations à ce jour.

[149] En guise de rappel, dans son rapport d’évaluation FEST daté du 25 octobre 2016, le Dr Erb avait coché la case [traduction] « Apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions (capable d’exécuter des fonctions ou de respecter un horaire de travail modifiés ou différents) ». Ensuite, il avait inscrit : [traduction] « Voir le document joint de l’évaluation d’un neuropsychologue (Dr Day) en 2013 ». Il avait également ajouté : « Je n’ai rien d’autre à ajouter. Si des informations supplémentaires sont nécessaires, veuillez contacter le Dr Day ou renvoyer M. Mayrand pour une réévaluation. »

[150] De nouveau, en guise de rappel, à cette époque, l’équipe de gestion n’avait pas été en mesure de vérifier si le Dr Day avait reçu sa liste de questions au sujet de la capacité du fonctionnaire d’effectuer des tâches de vérifications. Souvenons-nous que dans sa lettre, le Dr Erb avait inclus un copié-collé du paragraphe suivant venant de l’évaluation du Dr Day datée du 17 septembre 2013 :

[Traduction]

25/10/2016

À annexer au FEST complété le 25 octobre 2016.

Extrait du rapport du docteur Duncan Day, neuropsychologue.

Le 17 septembre 2013

Cet extrait a été annexé au formulaire d’évaluation de l’aptitude au travail rempli par le Dr Day le 17 septembre 2013, qui a été remis à Cindy MacDonald, gestionnaire de la vérification, ARC, Services fiscaux du Centre-Est-de-l’Ontario.

« Bien qu’un rapport neuropsychologique complet ne soit pas joint à ce formulaire.

La modification de l’environnement de travail, et le rythme seront des parties importantes de son traitement d’intégration, de formation et d’adaptation au milieu de travail. Il aura probablement besoin d’aménagements sur son lieu de travail, en réduisant les exigences de la charge de travail et en accordant plus de temps pour certaines tâches. Il bénéficierait d’un environnement de travail sans distractions ou du moins avec moins de distractions, ainsi que de l’introduction d’une certaine souplesse dans les délais d’exécution des tâches qui lui sont assignées, dans la mesure du possible. Il serait également utile de préciser par écrit dès le départ toutes les exigences de son poste, telles que les attentes en matière de rendement, les délais, les exigences de qualité, etc. Ces aménagements devront probablement être permanents, mais certaines améliorations sont possibles avec la réhabilitation et le traitement. »

 

[151] Mme Stewart a expliqué que l’équipe de gestion, qui, à ce moment-là, avait déjà offert des mesures d’adaptation au fonctionnaire en 2014, 2015 et 2016, sans qu’il ne s’améliore, avait considéré cette évaluation comme insuffisante pour mettre en œuvre de nouvelles mesures d’adaptation. Selon l’employeur, le Dr Erb n’avait pas réévalué la condition spécifique du fonctionnaire 2016, mais avait plutôt indiqué que des limitations et restrictions s’imposaient sur la base de l’évaluation médicale faite en 2013. Mme Stewart a donc souhaité offrir au fonctionnaire de coordonner une évaluation de son aptitude au travail par l’intermédiaire du fournisseur en matière de services de santé de l’Agence.

[152] Le 27 septembre 2018, Mme Stewart a ainsi fait parvenir une lettre au fonctionnaire l’informant que, pour le moment, l’équipe de gestion ne connaissait pas ses intentions. Elle rappelait au fonctionnaire que l’équipe de gestion avait été informée que la Sun Life avais pris la décision finale qu’il était apte à travailler. Mme Stewart lui rappelait qu’en mars 2017, toutefois, l’équipe de gestion avait de sérieuses inquiétudes quant à sa capacité d’exercer un travail à l’Agence. Tant dans son poste de vérificateur que dans son poste de commis aux tâches générales, il avait rencontré de sérieuses difficultés. Elle l’informait donc que, s’il s’estimait prêt à retourner au travail, de le confirmer et qu’un FEST serait demandé. Il avait soit le choix de communiquer le nom du médecin de son choix pour ce FEST, soit d’envisager de se présenter pour une expertise médicale indépendante dans le but de cerner les mesures d’adaptation nécessaires.

[153] Le 10 octobre 2018, le fonctionnaire a fait parvenir une lettre à Mme Stewart qui incluait une lettre de Dr Erb datée du 5 octobre 2018. Le contenu de la lettre du Dr Erb était le suivant :

[Traduction]

M. Mayrand a demandé cette lettre.

Son état de santé n’a pas évolué de manière significative depuis mars 2017. Les accommodements demandés dans le FEST d’octobre 2016 seraient inchangés.

 

[154] Le fonctionnaire a expliqué qu’il était en bonne santé. Il trouvait incompréhensible la position de l’employeur. Il souhaitait travailler.

[155] Le 23 janvier 2019, Mme Stewart et le fonctionnaire se sont échangé des courriels concernant une mise à jour sur son état de santé.

[156] Le 3 février 2019, le fonctionnaire a fait suivre à Mme Stewart une nouvelle note du Dr Erb datée du 1er février 2019. Cette note précisait encore que l’état de santé du fonctionnaire n’avait pas changé depuis mars 2017 et que les mesures d’adaptation recommandées en octobre 2016 étaient toujours applicables.

[157] Le 12 mars 2019, Mme Stewart, dans une lettre, a remercié le fonctionnaire pour l’information médicale qu’il lui avait présentée. Elle présentait dans sa lettre de plusieurs pages un historique de toutes les difficultés rencontrées par l’employeur depuis qu’il éprouvait des problèmes de santé. Elle l’informait que des informations suffisantes et à jour devaient être fournies avant toute tentative de retour au travail. Elle avait pris l’initiative de signer la lettre devant être remise au médecin qui complèterait le FEST du fonctionnaire et cette lettre était incluse à sa lettre afin que le fonctionnaire puisse lui-même l’apporter au spécialiste pour simplifier la situation.

[158] En avril 2019, le fonctionnaire a été promu au poste d’agent de finance au sein de l’ACFOMI. À partir de ce moment, ses responsabilités ont progressées pour inclure toutes les tâches liées à la rémunération des employés. Il a expliqué qu’il s’était vu confier la clé d’un classeur verrouillé. Il a expliqué que rien n’échappait à sa directrice et que cette dernière corrigeait et approuvait son travail. Il a insisté qu’aucune erreur n’était permise dans la paye des employés et les deux s’assuraient de l’exactitudes des données. Il a aussi commencé à s’occuper d’un budget. Il a précisé qu’il ne bénéficiait d’aucune mesure d’adaptation dans ce poste puisqu’il n’en avait pas besoin. Son rendement au travail ne causait pas de problème puisque sa directrice lui fournissait une rétroaction immédiate sur son rendement, ce qui lui facilitait la vie.

[159] Le fonctionnaire a expliqué qu’il n’avait pas jugé opportun d’informer l’Agence qu’il avait été promu à l’ACFOMI.

[160] Le 15 juin 2019, le fonctionnaire a, de nouveau, fait suivre une note médicale datée du 14 juin 2019 du Dr Erb. Ce dernier confirmait de nouveau que l’état de santé du fonctionnaire n’avait pas changé et que les mesures d’adaptation recommandées en octobre 2016 étaient toujours en vigueur.

[161] Le 29 juillet 2019, Mme Stewart a fait parvenir au fonctionnaire une lettre qui lui rappelait qu’il était en conge non payé pour raison de blessure ou maladie depuis le 26 juin 2017. Cette lettre contenait les options ou choix qu’il avait et les instruments de politique de l’Agence applicables. La lettre indiquait qu’il devait informer l’employeur de son choix avant le 31 août 2019 pour résoudre la question de son congé non payé. Les options qui lui étaient offertes étaient les suivantes :

a. Retraite pour raisons médicales […] [;]
b. Retraite (raisons autres que médicales) […] [;]
c. Démission […][;]
d. Retour au travail, sous réserve d’une évaluation médicale à jour
identifiant les limitations et restrictions […].

 

[162] Le 21 août 2019, le fonctionnaire a informé Mme Stewart qu’il avait choisi l’option du retour au travail. Il a expliqué que son salaire à l’Agence était plus intéressant que son salaire à l’ACFOMI.

[163] Mme Stewart a reçu cette lettre et croyait qu’il prendrait les mesures nécessaires pour fournir l’information demandée par l’employeur étant donné que l’option de retour au travail était accompagnée de la condition qu’il obtienne une évaluation médicale à jour identifiant ses limitations et restrictions. Il avait déjà toute l’information nécessaire en main, c’est-à-dire, le formulaire et les questions de l’employeur.

[164] Aucun développement ne s’est produit au cours de la période qui a suivie.

[165] Le 21 octobre 2019, M. Deszpoth, directeur adjoint intérimaire qui remplaçait Mme Stewart, a informé le fonctionnaire que s’il ne faisait parvenir aucune information à l’employeur d’ici le 21 novembre 2019, il recommanderait le retrait de l’option de retour au travail.

[166] Le 3 décembre 2019, M. Deszpoth a écrit au fonctionnaire pour faire un autre suivi. Il a prolongé la date d’échéance pour fournir les renseignements nécessaires au 3 janvier 2020 en indiquant de nouveau qu’à défaut de recevoir les informations demandées, l’option de retour au travail serait retirée.

[167] Le 6 décembre 2019, M. Deszpoth et Mme Stewart ont reçu une lettre et un rapport FEST du Dr Erb. Ce dernier confirmait de nouveau que l’état de santé du fonctionnaire n’avait pas changé depuis mars 2017 et que les mesures d’adaptation recommandées en octobre 2016 (celles de 2013) n’avaient pas changées. Il recommandait que le logiciel Antidote (version 10) soit fourni au fonctionnaire. Il confirmait que l’évaluation médicale de 2013 avait été fournie à l’employeur et que cette dernière avait précisé les mesures d’adaptation nécessaires. Dans le FEST, le Dr Erb précisait que le fonctionnaire expérimentait des limitations, entre autres, aux trois niveaux suivants : au niveau des exigences liées à des échéanciers; au niveau des exigences sociales/émotionnelles; au niveau des exigences cognitives/mentales. À ce dernier niveau, il avait coché toutes les cases contenues dans le rapport indiquant que le fonctionnaire avait les 14 limitations suivantes :

[Traduction]

1) Vigilance constante, concentration soutenue

2) Travailler selon des directives précises

3) Atteindre des limites ou des normes précises

4) Affectation multiple

5) Résolution de problèmes et prise de décisions

6) Capacité d’adaptation

7) Jugement sûr

8) Attention au détail

9) Supervision minimale et autonome

10) Rétention de renseignements

11) Sens de l’organisation et gestion du temps

12) Sens de l’initiative

13) Raisonnement analytique

14) Communication écrite efficace

 

[168] Le 6 février 2020, Mme Stewart a écrit au fonctionnaire. Elle a précisé que le Dr Erb n’avait pas répondu aux questions de l’employeur relativement à la capacité du fonctionnaire d’exercer les tâches de vérificateur à l’Agence. Elle demandait que le Dr Erb réponde aux questions qui étaient comprises dans la lettre datée du 12 mars 2019 qui comprenait l’historique de la situation et les questions. Elle demandait que le Dr Erb paraphe chaque page de la lettre, et que le fonctionnaire signe et retourne le formulaire de consentement. La date d’échéance fixée pour accomplir ces tâches était le 16 mars 2020. Mme Stewart a informé le fonctionnaire que l’employeur n’acceptait pas les renseignements fournis par le Dr Erb datés du 6 décembre 2019 pour la raison que l’information fournie n’était pas suffisante. Elle a informé le fonctionnaire que, s’il ne se conformait pas à tous les aspects de la demande de l’employeur, ce dernier procéderait à la suppression de l’option de retour au travail.

[169] Dans une lettre du 7 mars 2020, le Dr Erb a informé l’employeur qu’il avait pris connaissance de la lettre du 6 février 2020 de Mme Stewart adressée au fonctionnaire. Il précisait d’une part qu’il n’avait pas reçu la lettre du 12 mars 2019, et donc qu’il n’avait pas eu l’occasion de répondre aux questions qu’elle contenait. D’autre part, il informait l’employeur qu’il avait examiné la lettre du 6 février 2020 de manière approfondie et qu’il l’informait que les questions demandées par l’employeur dépassaient son champ d’expertise. Il a recommandé qu’une autre évaluation médicale soit complétée par un neuropsychologue. Et il a ajouté ceci en terminant :

[Traduction]

[…]

M. Mayrand a été adressé à un autre spécialiste par le Dr Leclerc. (Je pense qu’il s’agissait d’un psychologue, plutôt que d’un médecin spécialiste, mais je n’en suis pas sûr). M. Mayrand m’informe que cette personne ne lui a pas fourni de rapport écrit, et je n’ai pas d’autres informations de ce spécialiste. Je ne suis donc pas en mesure d’assurer la liaison avec ce spécialiste. Je n’ai pas non plus connaissance de spécialistes "médicaux" dans la communauté qui seraient en mesure d’effectuer une évaluation pertinente, autre qu’un neuropsychologue ou un psychologue spécialisé dans les problèmes spécifiques au travail.

Il n’y a pas eu de traitement depuis son évaluation par le Dr Leclerc. Je crois que M. Mayrand aurait probablement besoin d’une autre évaluation neuropsychologique afin de déterminer la nature actuelle de ses restrictions et limitations, et si celles-ci sont permanentes ou temporaires.

Encore une fois, cela ne fait pas partie de ma sphère d’expertise. Je n’ai pas de commentaire à faire sur le nombre d’heures que devrait prendre M. Mayrand pour remplir un dossier. Il serait inapproprié pour moi de suggérer un délai. Je ne voudrais pas qu’un vérificateur fasse des commentaires sur le temps que je devrais consacrer à l’examen et au traitement de mes dossiers. Je ne voudrais pas qu’un vérificateur commente le temps que je devrais passer à examiner et à évaluer un patient souffrant d’un problème médical.

 

[170] En raison de la pandémie liée à la COVID-19, une période de temps s’est écoulée avant que l’équipe de gestion assure un suivi à ce sujet.

[171] Le 3 juin 2020, Mme Stewart a pris connaissance de la lettre du Dr Erb datée du 7 mars 2020.

[172] Le 2 juillet 2020, Mme Stewart a écrit au fonctionnaire. Elle l’a informé des attentes de l’employeur qu’il consulte un spécialiste afin de déterminer son aptitude à reprendre son travail. De plus, elle l’a informé que les renseignements fournis dans le
rapport du Dr Erb daté du 7 mars 2020 étaient insuffisants pour étudier la possibilité d’un retour au travail. Mme Stewart lui a demandé que le Dr Erb le réfère à un spécialiste et que, si le Dr Erb n’était pas en mesure de le référer à un spécialiste, elle lui offrait de coordonner une évaluation de son aptitude au travail par l’intermédiaire du fournisseur en matière de services de santé de l’Agence. Elle lui demandait une réponse à ce sujet avant le 27 juillet 2020.

[173] Le 24 juillet 2020, le fonctionnaire a reçu une lettre de remerciement de l’Agence puisque, dans le cadre de son emploi à l’ACFOMI, il avait agi comme bénévole à l’égard du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt 2020. Il a aussi présenté à l’audience le certificat d’appréciation qu’il avait reçu à ce sujet, de même qu’un autre certificat d’appréciation pour avoir agi de nouveau l’année suivante comme bénévole à l’égard du programme pour l’année 2021.

[174] Le 24 juillet 2020, Mme Stewart a reçu une lettre du Dr Erb. Il avisait l’employeur que le fonctionnaire acceptait de consulter le Dr Leclerc pour une autre évaluation. Il invitait donc l’employeur à communiquer directement avec le Dr Leclerc pour lui poser ses questions liées aux aptitudes du fonctionnaire.

[175] Le 26 août 2020, Mme Stewart a écrit au Dr Leclerc afin de lui demander de répondre à des questions supplémentaires afin de clarifier ses réponses antérieures. Un questionnaire était inclus dans sa demande.

[176] Le 20 octobre 2020, le fonctionnaire a rencontré le Dr David Joubert, psychologue, qui travaillait au même cabinet-conseil que le Dr Leclerc. C’est le Dr Joubert qui a complété son évaluation médicale. Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait trouvé difficile plus tard de lire les résultats des analyses effectuées et décrites par le Dr Joubert dans son rapport.

[177] Le 12 novembre 2020, Mme Stewart a reçu le rapport du Dr Joubert.

[178] En somme, il concluait qu’étant donné les limitations fonctionnelles multiples du fonctionnaire par rapport aux différentes tâches de son poste, il jugeait qu’il demeurait incapable de performer dans ce poste à un niveau satisfaisant pour son employeur. Il précisait qu’advenant l’impossibilité pour l’employeur de l’affecter à des tâches ou un poste qui allait possiblement augmenter les chances d’améliorer son rendement, il recommandait qu’une discussion entre l’employeur et l’employé au sujet d’une retraite médicale soit considérée.

[179] Ses réponses aux deux premières questions posées par l’équipe de gestion donnaient un aperçu global de la situation à l’employeur. Voici comment le Dr Joubert se prononçait sur ces questions :

[Traduction]

1. […] veuillez indiquer si certaines des limitations et restrictions temporaires identifiées par le Dr Leclerc en 2017 sont maintenant de nature permanente, en fonction de votre évaluation et de toute autre évaluation de spécialiste réalisée. […]

[…]

L’évaluation psychologique actuelle converge avec les conclusions du Dr Leclerc sur de nombreux points. Les résultats de la présente évaluation ont mis en évidence des schémas cognitifs et comportementaux caractérisés par la méfiance, la rigidité, le manque de perspicacité, des difficultés de communication verbale ainsi que des déficits dans la capacité à discriminer les aspects essentiels et superflus des situations, en particulier lorsque celles-ci comportent un certain degré d’ambiguïté. Ces difficultés de fonctionnement de M. Mayrand sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur son rendement au travail ainsi que sur sa capacité à accomplir des tâches en temps opportun.

2. Recommandez-vous à M. Mayrand de suivre une rééducation ou un traitement ? Si cela est recommandé à M. Mayrand à l’heure actuelle, veuillez indiquer la durée de ce traitement.

Comme mentionné ci-dessus, les limitations et restrictions qui ont été identifiées sont permanentes plutôt que temporaires. Une amélioration éventuelle de l’une ou l’autre de ces limitations n’est pas impossible dans le contexte d’efforts importants de la part de M. Mayrand pour améliorer sa flexibilité cognitive et comportementale. Ceci étant dit, il convient de noter que, compte tenu de la nature stable et chronique de ces difficultés, ainsi que de la tendance à la rigidité observée, il n’y a pas lieu de s’attendre à une amélioration. Par ailleurs, la position de M. Mayrand est que les problèmes au travail sont en grande partie la responsabilité de l’employeur, dans la mesure où ce dernier a omis de mettre en place des accommodements raisonnables à son égard. En résumé, M. Mayrand estime qu’il est victime d’une initiative de vengeance visant à le chasser du lieu de travail. Il ne fait évidemment pas partie de notre mandat de prendre position dans le conflit qui oppose l’employé à l’employeur, ni de déterminer la véracité de diverses déclarations.

Une participation active à un programme de remédiation menant à un changement positif et stable exige une reconnaissance et une prise de conscience de sa contribution personnelle au problème. […]

Actuellement, nous ne voyons pas beaucoup de motivation chez l’employé pour prendre part à une telle programmation étant donné qu’il ne semble pas en voir la nécessité. Sa position semble être que la principale solution au conflit vécu avec l’employeur réside dans la fourniture du logiciel Antidote, accompagné d’un transfert vers un autre superviseur. Ceci en dépit du fait que certaines difficultés sont présentes depuis 2006. […]

En somme, compte tenu des limitations fonctionnelles ayant un impact sur plusieurs aspects du fonctionnement actuel de M. Mayrand au travail, nous considérons qu’il n’est actuellement pas en mesure de mener son travail d’une manière conforme aux attentes de l’employeur. Par conséquent, si les efforts de remédiation échouent et si l’employeur n’est pas en mesure de l’affecter à un autre poste mieux adapté à ses capacités et à ses limitations, il est recommandé d’évoquer avec l’employé la possibilité d’une retraite médicale.

3. (le cas échéant) Si M. Mayrand a déjà suivi un traitement, veuillez indiquer la date à laquelle le traitement a été achevé et commenter le succès du plan de traitement en ce qui concerne à sa capacité actuelle à remplir les fonctions de son poste.

Sur la base des informations disponibles, il ne semble pas que M. Mayrand ait pris part à une [sic] quelconque programme de réadaptation substantiel depuis l’évaluation du Dr Leclerc (2017).

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[180] Son rapport apporte par la suite de nombreuses autres précisions. Puis, en résumé, le Dr Joubert a offert les recommandations suivantes à l’employeur :

· Dans le contexte du poste actuel, fournir l’accès au logiciel Antidote, tel que demande par l’employé, de façon à faciliter la qualité de la production écrite.

· Dans le contexte du poste actuel, si possible, prioriser une gestion de dossier séquentielle (un par un) plutôt que simultanée, de façon à éviter à l’employé d’avoir à diviser son attention entre plusieurs dossiers à la fois, particulièrement si ceux-ci sont de nature complexe.

· Dans le contexte du poste actuel, favoriser l’établissement d’une relation de travail saine en organisant des rencontres régulières en face à face (si possible), de façon à résoudre tout problème existant quant aux tâches assignées, et permettre à l’employé de faire part de ses préoccupations. Il est également recommandé que ces rencontres incluent une personne tenant lieu de médiateur, de façon à faciliter un bon déroulement des séances.

· Dans le contexte du poste actuel, favoriser la participation à un ou des programmes de remédiation touchant les sphères cognitive, comportementale et vocationnelle, par exemple une psychothérapie de format structuré visant à développer des capacités d’introspection, de flexibilité et de structuration au plan cognitif. La participation peut être facilitée via une flexibilité dans l’horaire de travail, par exemple.

· Usage d’un mentor interne ou d’un coach professionnel externe afin d’aider Monsieur à analyser certains défis quotidiens vécus et mieux gérer certaines situations de travail;

· Explorer avec Monsieur, de façon collaborative, la possibilité d’affectation ou de transfert dans un poste/tâches correspondant davantage à ses forces et limitations au plan cognitif, interpersonnel et comportemental (voir commentaires à la question 2).

· Dans la mesure que Monsieur retourne à son poste actuel, on recommande que l’employeur évalue si des parties de son travail peuvent être faites différemment afin de remédier à ses limites de jugement, interprétation, travail en équipe et habiletés interpersonnelles. Par exemple, réduire au maximum les échanges interpersonnels lors de la gestion d’un dossier de vérification (ex : moins de contacts directs avec les clients) pourraient mener à une réduction de perte de temps. Un autre exemple serait d’explorer si Monsieur pouvait être affecté principalement uniquement aux parties des vérifications effectuées avec lesquelles il semble avoir plus de facilite et faire moins d’erreurs (ex : il pourrait peut-être jouer un rôle dans lequel il soutient les parties du travail des investigations effectués par un collègue).

· Si indiqué, discuter avec l’employé de la pertinence d’une retraite médicale. Cette option pourrait être considérée dans l’éventualité de l’échec des mesures de remédiation discutées ci-haut.

· Il est recommandé que la discussion concernant les options possibles soit initiée dès que l’employeur aura pris connaissance de la présente évaluation, et a développé une stratégie pour faciliter cette discussion (p.ex., identifier un médiateur pouvant aider à identifier des options possibles).

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[181] Le fonctionnaire a donné à l’audience son avis au sujet de ces recommandations formulées par le Dr Joubert. Il a d’abord indiqué qu’il avait informé le Dr Joubert qu’il était en désaccord avec certains de ses commentaires dans le rapport. Le fonctionnaire était de l’avis que le Dr Joubert avait incorrectement pris en considération les informations qu’il avait obtenues de l’employeur. Selon lui, l’employeur n’a jamais été de bonne foi.

[182] Selon la perspective du fonctionnaire, il ne croyait pas que l’employeur pourrait agir de bonne foi et l’accommoder. Ainsi, il a expliqué qu’il ne croyait pas que l’employeur lui fournirait le logiciel Antidote, il ne croyait pas qu’il soit possible de lui assigner un seul dossier à la fois, étant donné les temps d’attente dans chaque dossier. Il ne croyait pas non plus qu’un médiateur pouvait aider à dénouer l’impasse, cependant il reconnaissait que cette solution n’avait pas été retenue.

[183] Il a ajouté qu’un autre indice de la mauvaise foi de l’employeur était le fait que l’employeur ne lui avait pas offert une psychothérapie de format structuré tel que soulevé dans la 4e recommandation du Dr Joubert. De même, l’employeur ne lui avait pas offert un mentor interne ou un coach professionnel externe (5e recommandation du Dr Joubert). Il a exprimé que l’employeur n’avait pas retenu non plus l’option de l’affecter ailleurs ou de le transférer dans un autre poste (6e recommandation du Dr Joubert). Il ne lui a pas offert de jouer un rôle différent non plus dans l’équipe de vérification (7e recommandation du Dr Joubert). Enfin, la 8e recommandation touchait la pertinence d’une retraite médicale et la 9e recommandation visait à encourager les parties à initier une discussion dès que possible.

[184] Le fonctionnaire a expliqué à l’audience qu’il était de l’avis que ses griefs et ses réponses aux demandes d’information de l’employeur démontraient hors de tout doute qu’il pouvait travailler. L’employeur avait tort de refuser son retour dans ses tâches de vérification. En somme, il a estimé que la voie de l’arbitrage de ses griefs était sa seule option pour se sortir de cette impasse. Selon lui, la Commission confirmerait éventuellement que l’employeur refusait à tort de lui fournir une mesure d’adaptation raisonnable.

[185] Mme Stewart a conclu qu’un retour au travail du fonctionnaire ne serait pas possible dans un avenir prévisible. Elle a expliqué pourquoi les recommandations faites par le Dr Joubert pour faciliter le retour au travail du fonctionnaire n’étaient, en somme, pas possibles.

[186] Mme Stewart a précisé qu’elle était consciente que des mesures d’adaptation avaient été mises en place depuis 2013, mais que ces mesures n’avaient pas porté leurs fruits. Entre autres, des tâches simplifiées relevant d’un poste différent de groupe et niveau SP-03 avaient été assignées au fonctionnaire en 2014 et 2015 pour faciliter ses chances de succès, en vain. Puis, à la demande du fonctionnaire, l’employeur avait accepté qu’il reprenne ses tâches de vérifications dans son poste de groupe et niveau SP-05 avec l’assistance d’un chef d’équipe jouant le rôle de mentor auprès de lui à temps plein. Cette personne s’était dévouée en offrant son aide au fonctionnaire, en l’orientant et en le guidant afin qu’il apprenne à travailler de façon autonome. Toutefois, cela avait été fait en vain. De même, un nombre restreint de dossiers lui avaient été assignés et les échéanciers pour compléter ses vérifications avaient été repoussés, en vain.

[187] Malgré toutes ces mesures, le fonctionnaire n’avait pas été en mesure de produire un travail acceptable. Mme Stewart a donc estimé que l’ajout d’un médiateur n’aurait probablement pas remédié aux problèmes. De façon continuelle, malgré toute la flexibilité qui lui était accordée pour compléter ses dossiers, malgré le nombre restreint de dossiers qui lui étaient assignées, malgré tous les enseignements que lui offrait Mme Parris, son travail s’avérait inexact, truffé d’erreurs et peu fiable. Ces erreurs risquaient de nuire à l’efficacité et à la crédibilité de l’Agence.

[188] En particulier, Mme Stewart a expliqué qu’un engagement de l’Agence envers les contribuables est de garantir la confidentialité de leurs informations qu’elle a en sa possession. Or, parmi les erreurs que le fonctionnaire commettait par inattention ou à cause de ses problèmes cognitifs, certaines s’avéraient être des erreurs décrites comme de la contamination croisée où des données d’un contribuable se retrouvent par erreur dans le dossier d’un autre contribuable. Ces erreurs avaient un impact réel sur l’Agence. Mme Stewart a expliqué que l’Agence devait éviter les effets négatifs et répercussions de ces erreurs sur sa crédibilité. Permettre ce genre d’erreurs empêcherait en effet de garantir l’efficacité et la crédibilité de l’Agence.

[189] Comme Mme Parris, Mme Stewart a précisé au sujet de l’approche séquentielle et la suggestion que le fonctionnaire traite un seul dossier à la fois jusqu’à ce qu’il soit terminé, que cette approche n’était pas possible. La raison est qu’il y a beaucoup de temps morts dans les dossiers où le vérificateur attend des informations supplémentaires du contribuable. Pendant ces temps d’attente, l’employeur demande aux vérificateurs d’exercer leurs tâches dans d’autres dossiers. De même, un commis aux dossiers ne peut s’occuper du suivi d’un seul dossier à la fois jusqu’à ce qu’il soit complété. Cette approche serait improductive et incompatible avec la pratique de l’Agence qui consiste à travailler efficacement et productivement.

[190] Mme Stewart a aussi expliqué qu’en 2014, le plan d’adaptation qui avait été adopté prévoyait que le poste de travail du fonctionnaire soit déplacé à un autre poste de travail dans une zone plus calme du bureau, où il y aura moins de distractions et d’interruptions. Ceci avait été fait. L’employeur avait aussi accordé au fonctionnaire le choix de l’emplacement. S’il n’avait pas trouvé ce choix avantageux pour lui, c’était à lui de le dire. L’employeur souhaitait qu’il puisse travailler dans un endroit tranquille.

[191] Elle a aussi expliqué qu’elle considérait à cette époque que la supervision constante du travail du fonctionnaire serait ardue si ce dernier n’était pas sur place avec son chef d’équipe qui l’accompagnait dans ses tâches. Plus précisément, lorsqu’il exerçait des taches de vérification ou autres, son chef d’équipe, ou son superviseur lorsqu’il occupait le poste de commis, consacrait beaucoup de temps à travailler avec lui et lui communiquait des conseils sur une base constante.

[192] Mme Stewart n’a pas retenu l’option de favoriser la participation du fonctionnaire à un programme de remédiation touchant les sphères cognitives, comportementale et vocationnelle. Le Dr Joubert donnait l’exemple d’une psychothérapie de format structuré visant à développer des capacités d’introspection, de flexibilité et de structuration au plan cognitif. À ce sujet, elle a simplement mentionné que le fonctionnaire affirmait que tout allait bien, qu’il travaillait sans difficulté. Il semblait être dans le déni de la réalité et donc fermé à toute option de services, soins ou traitement. Il s’agissait d’un sujet difficile pour lui.

[193] Mme Stewart a aussi expliqué qu’elle avait révisé attentivement l’analyse de poste effectuée en 2017 par Mme Parris. Elle a aussi tenté de trouver des tâches dans le cadre de ces postes que le fonctionnaire pouvait accomplir. Or, elle n’a rien trouvé. Chacune des tâches exigeait l’exercice de jugement et d’attention. Il n’était pas possible, ainsi, de regrouper des tâches pour former un poste sur mesure pour le fonctionnaire.

[194] Mme Stewart a aussi précisé que l’Agence ne pouvait exiger des organismes et ministères appartenant à la fonction publique qu’ils tentent de trouver un poste dans leurs organismes ou ministères à un employé de l’Agence. Une raison, entre autres, est que l’Agence n’est pas gouvernée par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13).

[195] Enfin, au sujet du logiciel Antidote, Mme Stewart a expliqué qu’un logiciel comparable lui avait été offert au préalable, en 2014, le logiciel WordQ 3. Elle a expliqué que la compatibilité des logiciels avec le système d’exploitation utilisé par l’Agence n’est pas automatique et doit être analysée avant qu’un logiciel ne soit distribué. C’est aussi une question de licence d’exploitation. C’est la raison pour laquelle WordQ 3 avait d’abord été offert au fonctionnaire. À ce point-ci, l’équipe de gestion aurait pu entreprendre d’autres démarches pour tenter d’obtenir l’autorisation de fournir le logiciel Antidote au fonctionnaire. Toutefois, l’équipe de gestion était fort consciente que les difficultés d’attention, d’analyse, de jugement et d’apprentissage du fonctionnaire ne se limitaient pas à sa façon d’écrire.

[196] Ainsi, Mme Stewart s’est résolue à prendre les mesures de suivi qui convenaient le mieux pour l’Agence, soit licencier le fonctionnaire pour la raison que cela représenterait une contrainte excessive de le garder à son service. Mme Stewart a précisé que cela ne signifiait pas que l’Agence le considérait inapte à travailler, mais qu’une mesure d’adaptation supplémentaire causerait une contrainte excessive et nuirait considérablement à la crédibilité et la viabilité des services de l’Agence.

[197] Le 2 juin 2021, elle a donc fait parvenir une lettre d’options au fonctionnaire, en y joignant les instruments de politique de l’Agence pertinents. Les options offertes au fonctionnaire pour résoudre son congé non payé étaient les suivantes, et elle demandait que le fonctionnaire l’informe de son choix avant le 7 juillet 2021 :

a) Retraite pour raisons médicales […].
b) Retraite (raisons autres que médicales) […].
c) Démission […].

 

[198] Le fonctionnaire a consulté son représentant syndical. Selon le fonctionnaire, ce dernier lui a conseillé de ne pas répondre à la lettre de Mme Stewart. Son représentant se chargerait de déposer un grief pour lui.

[199] Le fonctionnaire a continué à travailler à titre d’agent de finance au sein de l’ACFOMI et n’a pas répondu à Mme Stewart.

[200] Le 29 juillet 2021, Mme Stewart a écrit au fonctionnaire l’informant que, si elle ne recevait pas sa décision quant à la résolution de son congé non payé avant le 15 août 2021, il pouvait être congédié pour des raisons non disciplinaires.

[201] Elle n’a pas reçu de réponse de sa part.

[202] Le 17 septembre 2021, Mme Stewart s’est résignée à licencier le fonctionnaire. Elle a expliqué qu’elle avait pris en considération les éléments suivants : la nature des limitations identifiées; l’indisponibilité d’un poste pouvant satisfaire à ses limitations; l’avis du Dr Joubert à savoir que les limitations ne s’amélioreraient pas dans un avenir prévisible; sa conclusion que l’accès au logiciel Antidote ne serait pas suffisant pour améliorer la situation; les risques en ce qui concerne la crédibilité de l’Agence de remplir son mandat; l’importance de préserver l’état de santé et de bien-être en milieu de travail des personnes interagissant régulièrement avec le fonctionnaire; la nécessité de combler son poste vide depuis quatre ans. Elle lui a communiqué que son licenciement entrait en vigueur le 20 septembre 2021.

[203] Le 23 septembre 2021, le fonctionnaire a déposé un dernier grief contestant son licenciement (numéros de dossier 566-34-43727 et 566-34-43728) [grief J]. Ce grief se lit comme suit :

Je dépose un grief au motif de la décision par l’employeur de procéder à mon licenciement en vigueur à compter du 20 septembre 2021, ainsi que la lettre de licenciement datée du 17 septembre 2021. Cette mesure est discriminatoire et elle contrevient à l’article 19 – Élimination de la discrimination de ma convention collective et de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi qu’aux politiques sur l’obligation d’adaptation de l’employeur.

 

[204] Le fonctionnaire a expliqué qu’à la fin septembre 2021, il a quitté l’ACFOMI. Il a commencé un nouvel emploi le 18 octobre 2021 avec ASM Global (Leon’s Centre) comme comptable. Il s’est dit être très heureux dans ce travail. Il a affirmé qu’il est un employé actif et productif. Il a présenté en preuve l’annonce du poste qu’il occupe pour présenter les tâches qu’il accomplit dans son travail. Ce sont entre autres les tâches suivantes : assister le directeur dans la préparation des états financiers (mensuels, annuels, sur demande, etc.); saisir les écritures de journal dans le système comptable; effectuer des analyses et des rapprochements sur les comptes du grand livre. Il ne bénéficie d’aucune mesure d’adaptation dans son travail.

[205] Le fonctionnaire a affirmé à l’audience que la décision de l’employeur de le licencier avait eu un impact financier direct sur lui. Entre autres, il a perdu les avantages sociaux qui lui étaient accordés auparavant. Il a aussi ressenti les conséquences négatives du licenciement au niveau psychologique.

[206] Selon le fonctionnaire, le poste qu’il occupe actuellement est plus exigeant que le poste SP-03 qu’il a occupé à l’Agence de février 2014 à septembre 2015. Si l’employeur lui avait offert ce poste de niveau SP-03 de 2017 à 2021, il l’aurait accepté. Selon lui, si son rendement n’était pas acceptable dans ce poste en 2014 et 2015, c’est pour la raison que l’employeur ne l’avait pas accommodé adéquatement.

A. Résumé des griefs du fonctionnaire :

· Dans le grief daté du 29 novembre 2016, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité, à la suite d’un billet médical qu’il avait reçu le 25 octobre 2016 [grief A].

· Dans le grief daté du 1er décembre 2016, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son entente de rendement pour l’année 2016-2017 [grief B].

· Dans le grief daté du 1er décembre 2016, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son plan d’amélioration du rendement adopté pour l’année 2016-2017 [grief C].

· Dans le grief daté du 20 décembre 2016, il a allégué que l’employeur avait refusé de rembourser des frais de transport qu’il avait encourus pour une évaluation médicale à Gatineau [grief D].

· Dans le grief daté du 16 février 2017, il a allégué que l’employeur avait refusé de rembourser des frais qu’il avait encourus le 2 février 2017 [grief E].

· Dans le grief daté du 1er mars 2017, il a allégué que l’employeur avait refusé de rembourser des frais qu’il avait encourus le 28 février 2017 [grief F].

· Dans le grief déposé le 1er mars 2017, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son évaluation intérimaire du 27 février 2017 [grief G].

· Dans le grief déposé le 24 mars 2017, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité [grief H].

· Dans son grief déposé le 24 mars 2017, il a allégué avoir subi un congédiement déguisé. Il a retiré ce grief le 28 janvier 2022 [grief I – grief retiré].

· Dans son grief déposé le 24 septembre 2021, il a contesté son licenciement datant du 20 septembre 2021 [grief J].

 

B. Résumé de l’argumentation

[207] L’employeur a porté à mon attention les principes clés en matière de discrimination et de mesures d’adaptation énoncés dans les décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Duval, 2019 CAF 290, aux paragraphes 21, 22, 25, 41 et 42; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, aux paragraphes 22 et 38 (« McGill »); Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, aux paragraphes 14 à 21; Nadeau c. Agence du Revenu du Canada, 2017 CRTESPF 27, aux paragraphes 43,44 et 49 à 52.

[208] Il a aussi porté à mon attention les principes clés en matière d’interprétation de la convention collective énoncés dans les décisions suivantes : Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17, aux paragraphes 22, 29, 38 et 40; Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51; Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragraphes 25 à 28.

[209] Il a, de même, porté à mon attention les principes clés en matière de licenciement pour motif non disciplinaire énoncés dans les décisions suivantes : English-Baker c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 24, aux paragraphes 91 et 93 à 95; Lavoie c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 1, aux paragraphes 147, 153, 156, 158 à 161, 170, 176, 177, 179, 184 et 187; Sioui c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 44, aux paragraphes 75, 76, 82, 88 et 91.

[210] Il a, également, porté à mon attention les principes clés en matière d’évaluation du rendement et de plan d’amélioration énoncés dans les décisions suivantes : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177, aux paragraphes 63 et 65; Charest c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2017 CRTESPF 18, au par. 35.

[211] L’employeur a fait valoir que, pour établir une preuve prima facie, ce qui signifie à première vue, de discrimination, le fonctionnaire devait démontrer : 1) qu’il possède une caractéristique constituant un motif de discrimination illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; « LCDP ») (une caractéristique protégée contre la discrimination); 2) qu’il a subi un traitement préjudiciable; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61).

[212] L’employeur a reconnu d’emblée son obligation de prendre des mesures d’adaptation dans le présent cas, mais a fait valoir qu’il ne lui était pas possible d’accommoder la fonctionnaire sans subir une contrainte excessive.

[213] Il a fait valoir que, lorsque la Commission conclut qu’il existe une preuve prima facie de discrimination, il incombe à l’employeur d’établir que son application de la norme était justifiée. Dans McGill, la Cour suprême du Canada a réitéré le critère en trois volets établis dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [1999] 3 R.C.S. 3, aux paragr. 54 et 62) (« Meiorin ») comme suit (aux paragr. 13) :

13 Il est bien établi que l’employeur doit justifier la norme qu’il cherche à appliquer en démontrant :

(1) qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

(2) qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

(3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

(Meiorin, par. 54)

 

[214] L’employeur a fait valoir que tous les griefs devraient être rejetés pour les raisons énoncées ci-dessous. Il a rappelé que le grief I avait été retiré.

Grief A

Allégation de non-accommodement à la suite du premier FEST du Dr Erb.

Le fonctionnaire a été accommodé. Il ne satisfait pas au 2e critère nécessaire pour établir une preuve prima facie de discrimination, c’est-à-dire, le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il avait subi un traitement préjudiciable.

Griefs B, C et G

Entente de rendement 2016-2017, plan d’amélioration du rendement et Évaluation intérimaire du 27 février 2017

La Commission n’a pas compétence pour entendre ces griefs visant des évaluations du rendement et un plan d’amélioration du rendement (voir Charest) De plus, l’employeur a agi de bonne foi en adressant le rendement insatisfaisant du fonctionnaire.

 

Griefs D, E et F

Non-remboursement de certains frais encourus

D’une part, ces griefs sont sans objet étant donné le remboursement des frais de kilométrage, des repas et des frais associés aux évaluations médicales du fonctionnaire. De plus, l’employeur a exercé sa discrétion de lui accorder un congé payé de 7,5 heures pour rendez-vous médical (code 5300) le 2 février et un congé payé de 4,5 heures (code 5300) pour rendez-vous médical le 28 février.

D’autre part, le fonctionnaire n’avait pas droit à des heures supplémentaires puisqu’il est prévu dans la convention collective - dans la définition d’heures supplémentaires - qu’il s’agit de « […] travail autorisé qu’il ou elle [le fonctionnaire] exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire […] ». Dans le présent cas, le fonctionnaire n’exécutait pas un travail. De plus, l’article 28.01 prévoit que « Les heures supplémentaires effectuées lors de cours, de séances de formation, de conférences et de séminaires ne sont rémunérées conformément au présent article que si l’employé-e est tenu par l’Employeur d’y assister ». Cette liste n’inclut pas les congés médicaux. Par déduction, outre ces heures qui peuvent être rémunérées lorsque l’employé se déplace pour assister à des cours ou formation, seules les heures passées à exécuter un travail peuvent être rémunérées selon la définition des « heures supplémentaires » contenue dans la convention collective. En somme, le fonctionnaire n’a pas accompli un travail supplémentaire, il était en congé.

Subsidiairement, le fonctionnaire a bénéficié de congés discrétionnaires (congés médicaux payés) et il s’agissait d’une mesure d’adaptation raisonnable.

Grief H

Allégation de non-accommodement à la suite du FEST du Dr Leclerc et d’avoir soumis le fonctionnaire à un congé sans solde forcé.

 

L’employeur a établi que son application de la norme était justifiée. Il a satisfait aux trois volets établis dans Meiorin (au par. 54) comme suit : 1) il a adopté la norme (placé en congé de maladie en attendant les résultats du spécialiste) dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause (les devoirs de l’Agence); 2) il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; 3) la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.

Il a démontré qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le fonctionnaire sans que l’employeur subisse une contrainte excessive. L’Agence était exposée à des risques importants en ce qui concerne sa capacité et son devoir de remplir son mandat.

Avant que le fonctionnaire ne soit placé en congé de maladie, Mme Parris a effectué une analyse de poste. Cette analyse confirmait que le fonctionnaire n’avait pas la capacité d’exercer les fonctions de ces divers postes.

De son côté, le fonctionnaire n’a pas fait tout ce qu’il pouvait faire pour réduire les répercussions de sa déficience sur son travail (voir Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970). Il a tardé à fournir une information médicale récente et à communiquer ces informations à l’employeur.

Grief J

Licenciement

L’employeur a pris en considération le FEST du 12 novembre 2020 du Dr Joubert et ses réponses à ses questions. L’employeur était conscient que le Dr Joubert, dans son rapport, avait évalué le fonctionnaire comme étant apte à travailler avec des limitations et restrictions. Bien que le Dr Joubert a offert des recommandations pour aider les parties à trouver une solution pour le retour au travail du fonctionnaire, Mme Stewart a expliqué pourquoi chacune de ces propositions n’était pas envisageable. Par exemple, il n’était pas possible d’assigner un seul dossier à la fois au fonctionnaire étant donné les temps morts dans les dossiers. Aussi, le fonctionnaire avait déjà bénéficié de l’aide d’un mentor à temps plein pendant une longue période. Le témoignage de Mme Stewart présente de façon exhaustive les raisons pour lesquelles les propositions ne sont pas possibles. Elle a pris en considération de nouveau les postes qui existent au BSF du Centre-Est-de-l’Ontario, qui reflètent les postes existant au sein de l’administration centrale de l’Agence, et leur adéquation à l’égard des limitations et restrictions du fonctionnaire. Elle n’a trouvé aucune équation.

Le fonctionnaire a été licencié parce qu’il n’avait pas la capacité d’accomplir un travail à l’Agence et qu’il était improbable qu’il puisse travailler dans un avenir prévisible. L’employeur a satisfait aux trois volets établis dans Meiorin. La norme, le licenciement, a été adoptée dans le but lié à l’exécution des devoirs de l’Agence; l’employeur croyait sincèrement que cela était nécessaire; et cela était raisonnablement nécessaire pour réaliser les devoirs de l’Agence.

 

[215] Le fonctionnaire, quant à lui, a fait valoir que l’employeur avait continuellement failli à son obligation de lui offrir des mesures d’adaptation. L’information médicale qu’il a présentée pendant cette période où il a déposé ses griefs précisait qu’il était apte à travailler avec des limitations ou restrictions. Or, l’employeur a conclu à tort qu’il était incapable de travailler. En vérité, il travaillait depuis trois ans à l’extérieur de l’Agence.

[216] Le fonctionnaire a porté à mon attention la clause 19.01 de la convention collective, les articles 7 et 15 de la LCDP, ainsi que plusieurs dispositions de documents internes de l’Agence, à savoir l’article 6.1 de la Directive sur l’intervention précoce et le retour au travail (version 2.0), l’article 6.2 de la Directive sur l’intervention précoce et le retour au travail (version 2.1), les articles 5.2.1 et 5.3.4 des Procédures sur l’obligation d’adaptation (version 2.0), l’article 6.1 de la Directive sur la gestion du rendement et la reconnaissance (version 7.1), l’article 5.1.5 des Procédures sur la gestion du rendement et la reconnaissance (version 8.1) et le paragraphe intitulé « incapacité médicale » des Principes sur la cessation d’emploi et la rétrogradation pour motifs non-disciplinaires.

[217] Il a aussi porté à mon attention les principes clés en matière de discrimination et d’accommodement énoncés dans les décisions suivantes : Moore, au par. 33; Meiorin, aux paragraphes 54, 62 et 65; Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 41, aux paragraphes 132, 148 et 149; Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, au par. 14; Rogers c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 101, aux paragraphes 89, 91 à 93, 96, 97, 99 et 100; Giroux c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 102, aux paragraphes 138, 141, 145 et 153.

[218] En particulier, il a précisé que le paragraphe 54 de Meiorin précise la méthode en trois volets pour déterminer si une norme discriminatoire à première vue est une exigence professionnelle justifiée.

[219] Il a aussi porté à mon attention les principes clés en matière d’interprétation de la convention collective énoncés dans les décisions suivantes : Landry c. la Bibliothèque du Parlement, [1993] C.R.T.F.P.C. no 90; et Campione c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 161, au par. 89. De plus, il a fait référence aux clauses 25.06b), 28.01, 32.02 et 32.05 de la convention collective.

[220] Le fonctionnaire a confirmé que le grief I avait été retiré et il a fait valoir que tous ses griefs devraient être accueillis pour les raisons énoncées ci-dessous. Il a demandé d’être réintégré à l’Agence.

Grief A

Allégation de non-accommodement à la suite du premier FEST du Dr Erb.

Le fonctionnaire satisfait aux 3 critères nécessaires pour établir une preuve prima facie de discrimination : 1) le fonctionnaire avait une déficience et il a été déclaré apte à travailler avec des limitations et restrictions; 2) l’employeur ne lui a offert aucune mesure d’adaptation pour le motif qu’il considérait les limitations et restrictions établies en 2013 par le Dr Day non récentes, bien qu’elles aient été réitérées en 2016 dans le FEST du Dr Erb; 3) la raison pour laquelle le fonctionnaire rencontrait des difficultés dans son travail est parce qu’il n’était pas accommodé. L’employeur a contrevenu aux articles 5.2.1 et 5.3.4 des Procédures sur l’obligation d’adaptation. De plus, le logiciel WordQ 3 qui lui avait été offert, plutôt que le logiciel Antidote demandé, était inadéquat. De plus, le fonctionnaire ne trouvait pas que l’endroit où il travaillait était calme. L’employeur n’était pas flexible avec lui puisqu’il n’acceptait pas qu’il dépasse la norme de 180 jours pour compléter un dossier. Son devoir était d’engager une discussion avec lui pour trouver les mesures d’adaptation adéquates pour lui.

Griefs B, C et G

Entente de rendement 2016-2017, plan d’amélioration du rendement et Évaluation intérimaire du 27 février 2017

La Commission a compétence pour entendre ces griefs puisque l’employeur a fait preuve de discrimination illicite dans ces évaluations du rendement et ce plan d’amélioration du rendement. Il a ainsi contrevenu à la clause 19.01 de la convention collective.

Il a présenté une preuve prima facie de discrimination : 1) le fonctionnaire avait une déficience et il a été déclaré apte à travailler avec des limitations et restrictions; 2) l’employeur ne lui a offert aucune mesure d’adaptation; 3) la raison pour laquelle le fonctionnaire rencontrait des difficultés dans son travail est parce qu’il n’était pas accommodé.

La première évaluation du rendement (grief B) fait suite à la décision de l’employeur d’ignorer les limitations et restrictions identifiées dans le FEST de 2013 et réitérée par le Dr Erb en 2016.

De même, le plan d’amélioration du rendement (grief C) fait suite à la décision de l’employeur d’ignorer les limitations et restrictions identifiées dans le FEST de 2013 et réitérée par le Dr Erb en 2016.

L’évaluation intérimaire (grief G) fait aussi suite à la décision de l’employeur d’ignorer les limitations et restrictions identifiées dans le FEST de 2013 et réitérée par le Dr Erb en 2016.

L’employeur a contrevenu à l’article 5.1.5 des Procédures sur la gestion du rendement et la reconnaissance.

Le comportement de l’employeur était offensant et représentait un véritable affront à la dignité du fonctionnaire.

Griefs D, E et F

Non-remboursement de certains frais encourus

Certaines heures que le fonctionnaire a consacrées à se rendre à Gatineau et en y revenir pour son évaluation ne lui ont pas été payées. Le fonctionnaire avait droit à des heures supplémentaires puisqu’il était autorisé par l’employeur à obtenir l’évaluation médicale le 2 février et il s’est absenté de sa maison à cette fin de 6 h 30 à 19 h 30. De ces 13 heures, 7,5 heures lui ont été payées (congé pour rendez-vous médical). L’employeur doit le compenser au taux des heures supplémentaires (au taux et demi) pour les 5 heures restantes, en considérant qu’il a pris 30 minutes de temps libre pour son dîner.

Le fonctionnaire était aussi autorisé par l’employeur à obtenir l’évaluation médicale du 28 février. Son rendez-vous était à 15 h 30. Il s’est absenté de sa maison à cette fin de 11 h 30 (il espérait devancer son rendez-vous de 15 h 30 à 13 h 30, mais cela ne s’est pas produit) à 19 h 30. De ces 8 heures, 4,5 heures lui ont été payées (congé pour rendez-vous médical).

L’employeur doit le compenser au taux des heures supplémentaires (au taux et demi) pour les 2,5 heures écoulées après 17 h, soit de 17 h à 19 h 30, qu’il a prises pour revenir à Kingston.

Dans l’alternative, le fonctionnaire requiert que 5,5 heures lui soit accordées pour son congé médical (plutôt que 4,5) pour le motif que sa journée de travail, ce jour-là, pouvait se terminer à 18 h. Dans cette situation, il n’aurait pas été obligé de prendre 3 heures de congé personnel le matin, mais seulement 2 heures.

Plus précisément, les dispositions de la convention collective à considérer sont les suivantes : clauses 32.02, 32.05, 25.06b) et 28.01.

En particulier, la clause 25.06b) de la convention collective prévoit que « la journée normale de travail est de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h ».

Grief H

Allégation de non-accommodement à la suite du FEST du Dr Leclerc et d’avoir soumis le fonctionnaire à un congé sans solde forcé.

L’employeur n’a pas établi que son application de la norme était justifiée. Il n’a pas satisfait aux trois volets de Meiorin (au par. 54). En particulier : 1) il n’a pas adopté la norme (placé en congé de maladie en attendant les résultats du spécialiste) dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause (les devoirs de l’Agence); 2) il n’a pas adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; 3) la norme n’était pas raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but lié au travail.

Premièrement, l’évaluation dévoilait qu’il était apte à travailler avec des limitations et restrictions. Il en aurait eu la capacité s’il avait été accommodé adéquatement et qu’il avait reçu le logiciel Antidote au lieu d’être renvoyé à la maison.

Deuxièmement, accommoder le fonctionnaire au lieu de le renvoyer à la maison aurait été une autre façon de réaliser le but légitime lié au travail (les devoirs de l’Agence).

Troisièmement, il n’était pas raisonnable de renvoyer le fonctionnaire à la maison. En l’accommodant, l’Agence aurait pu accomplir ses devoirs.

L’analyse de poste que l’employeur a faite était insuffisante. Il a évalué ces postes en fonction des tâches normales de ces postes, et non en fonction de tâches adaptées au fonctionnaire.

L’employeur avait l’obligation de suivre l’approche suivante avant de soumettre le fonctionnaire à un congé sans solde forcé. En considérant que le fonctionnaire était apte à travailler avec certaines limitations et restrictions, il devait évaluer s’il pouvait accomplir :

  • a) Les tâches de son poste substantif? Sinon :

  • b) Les tâches modifiées de son poste substantif? Sinon :

  • c) Les tâches d’un poste de groupe et niveau plus bas? Sinon :

  • d) Les tâches modifiées d’un poste de groupe et niveau plus bas? Sinon :

  • e) Les tâches découlant de différents postes?

Il n’a pas suivi cette approche. Il aurait été possible pour l’employeur de composer avec le fonctionnaire sans que l’employeur ne subisse une contrainte excessive.

Une norme élevée s’applique lorsqu’un employeur soutient que les mesures d’adaptation imposeraient une contrainte excessive à cause de coûts excessifs ou d’enjeux de santé ou sécurité. L’employeur n’a déposé aucune preuve à cet égard.

Il n’a pas, non plus, considéré lui accorder un congé payé. Le soumettre à un congé sans solde forcé n’était pas une option valable tant que les autres options n’avaient pas été exercées.

De son côté, le fonctionnaire a rempli ses obligations, il a consulté Dr Rouillard, le psychologue recommandé par le Dr Leclerc, et il a répondu à toutes les demandes de renseignements de l’employeur (voir leurs communications échangées entre le 3 janvier 2018 et le 24 juillet 2020).

En somme, le fonctionnaire a démontré au spécialiste de la Sun Life qu’il était apte à travailler. Il s’est trouvé un emploi à l’extérieur de l’Agence où il travaille depuis à temps plein sans mesures d’adaptation.

Grief J

Licenciement

Le Dr Joubert, dans son rapport daté du 12 novembre 2020, a évalué le fonctionnaire comme étant apte à travailler avec des limitations et restrictions. Il a offert des recommandations pour aider les parties à trouver une solution pour son retour au travail. Le fonctionnaire a expliqué dans son témoignage qu’aucune de ces recommandations n’a été tentée. Il n’était pas suffisant pour l’employeur de prétendre que le travail qu’il accomplissait risquait de compromettre la crédibilité de l’Agence.

L’employeur n’a pas établi que son application de la norme était justifiée. Il n’a pas satisfait aux trois volets de Meiorin (au par. 54) : 1) il n’a pas adopté la norme (le licenciement) dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause (les devoirs de l’Agence); 2) il n’a pas adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; 3) la norme n’était pas raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but lié au travail.

L’employeur n’a rien fait pour accommoder le fonctionnaire. L’évaluation dévoilait qu’il était apte à travailler avec des limitations et restrictions. Il ne lui a pas offert le logiciel Antidote, ni tenté quoi que ce soit avant de le licencier pour incapacité.

L’analyse de poste faite en 2017 était insuffisante. Il a évalué ces postes en fonction des tâches normales de ces postes et non en fonction de tâches qui pouvaient être adaptées au fonctionnaire. Aussi, il aurait dû élargir sa recherche d’un poste adapté au fonctionnaire.

L’employeur avait l’obligation de suivre l’approche suivante. En considérant que le fonctionnaire était apte à travailler avec certaines limitations et restrictions, il devait évaluer s’il pouvait accomplir :

a) Les tâches de son poste substantif? Sinon :

b) Les tâches modifiées de son poste substantif? Sinon :

c) Les tâches d’un poste de groupe et niveau plus bas? Sinon :

d) Les tâches modifiées d’un poste de groupe et niveau plus bas? Sinon :

e) Les tâches découlant de différents postes qu’il peut accomplir?

Il n’a pas suivi cette approche. Il aurait été possible pour l’employeur de composer avec le fonctionnaire sans que l’employeur ne subisse une contrainte excessive.

Une norme élevée s’applique lorsqu’on soutient que les mesures d’adaptation imposeraient une contrainte excessive à cause de coûts excessifs ou d’enjeux de santé ou sécurité. Aucune preuve à cet égard n’a été déposée.

Cela n’aurait rien couté au niveau financier à l’employeur d’assigner des tâches adaptées au fonctionnaire.

En fin de compte, même si le rendement du fonctionnaire dans un autre poste aurait pu être insatisfaisant, cette option n’a pas été essayée. Donc, le fonctionnaire ne saura jamais s’il aurait pu réussir dans un travail adapté à ses limitations et restrictions.

III. Motifs

[221] Les parties ont demandé à la Commission la permission de ne pas aborder les questions de réparation et d’application des mesures d’atténuation lors de cette audience. Elles ont demandé qu’une prorogation soit accordée à cette fin, si nécessaire. J’ai accédé à cette demande.

[222] Les parties ont présenté un certain nombre de décisions à l’appui de leurs positions. J’ai lu chacune de cellesci. Toutefois, je ne mentionnerai que celles qui revêtent une importance particulière aux fins de cette analyse.

A. Question 1 : L’employeur a-t-il fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans le grief A?

[223] Dans le grief A, le fonctionnaire a allégué que l’employeur a fait preuve de discrimination illicite pour le motif que l’employeur n’a pas honoré l’information médicale du 25 octobre 2016. À l’audience, il a fait valoir que le défaut de l’employeur de l’accommoder à la suite de sa transmission de l’information médicale datée du 25 octobre 2016 était discriminatoire.

[224] L’article 19 de la convention collective se lit comme suit :

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

[…]

 

[225] Je note que les articles 5.2.1 et 5.3.4 des Procédures sur l’obligation d’adaptation se lisent comme suit :

5.2 Étape 2 : Recueillir et évaluer les renseignements pertinents

Une fois qu’un besoin d’adaptation a été déterminé, le gestionnaire fera ce qui suit :

5.2.1 Étudier avec l’employé ou le candidat le type de mesure d’adaptation nécessaire, reconnaissant que des renseignements supplémentaires peuvent être nécessaires;

[…]

5.3 Étape 3 : Élaborer, proposer, consigner et mettre en œuvre des options d’adaptation

[…]

5.3.4 Fournir des mesures d’adaptation provisoires en attendant qu’une solution plus convenable à long terme soit élaborée;

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[226] Rappelons que le fonctionnaire bénéficiait déjà de mesures d’adaptation provisoires en attendant qu’une solution plus convenable à long terme soit élaborée. En guise de rappel, des mesures d’adaptation étaient en place depuis le 19 novembre 2013, mais ces mesures n’avaient pas porté leurs fruits. Entre autres, des tâches simplifiées relevant d’un poste différent de groupe et niveau SP-03 lui avait été assignées en 2014 et 2015 pour lui permettre d’accomplir un travail valable, en vain.

[227] L’employeur avait ensuite en décembre 2014 reçu des informations médicales qui précisaient qu’il était apte à travailler sans limitation ni restriction. L’employeur avait donc consenti qu’il reprenne ses tâches de vérifications dans son poste de groupe et niveau SP-05. L’employeur avait toutefois estimé avantageux de lui offrir l’assistance d’un chef d’équipe jouant le rôle de mentor auprès de lui à temps plein. Cette personne s’était dévouée en offrant son aide au fonctionnaire, en l’orientant et en le guidant afin qu’il apprenne à travailler de façon autonome. Toutefois, cela avait été en vain. De même, un nombre restreint de dossiers lui étaient assignés et les échéanciers pour compléter ses vérifications étaient flexibles, en vain.

[228] C’était une solution plus convenable à long terme que l’employeur recherchait alors. Au moment où le fonctionnaire a déposé ce grief, l’employeur jugeait insatisfaisantes les informations médicales qu’il avait nouvellement présentées. C’est pourquoi, à ce moment, il estimait qu’il était incapable de mettre en œuvre la solution convenable recherchée à long terme. L’employeur ne connaissait pas cette solution et avait besoin de la collaboration du fonctionnaire pour l’aider à la trouver. Les différentes mesures d’adaptation provisoires continuaient de s’appliquer. Selon l’employeur, ces mesures n’avaient pas pour objet de cimenter un statut quo mais d’être des amortisseurs judicieux qui s’adaptent à l’évolution de la situation. L’employeur recherchait, ainsi, une solution à long terme.

[229] Selon le fonctionnaire, toutefois, l’employeur ne lui offrait pas un niveau suffisant de mesures d’adaptation.

[230] La Commission peut, pour instruire toute affaire dont elle est saisie, interpréter et appliquer la LCDP (al. 226(2)a) de la LRTSPF)). Selon l’article 7 de la LCDP, le fait de refuser de continuer d’employer ou de défavoriser un individu fondé sur un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire.

[231] L’employé qui se plaint de ne pas avoir été accommodé doit d’abord présenter une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination, c’est-à-dire une preuve prima facie de discrimination. Ainsi, ne pas accommoder un employé n’équivaut pas automatiquement à la conclusion qu’il y a eu discrimination.

[232] Pour établir une preuve prima facie de discrimination, le fonctionnaire doit démontrer : 1) qu’il possède une caractéristique constituant un motif de discrimination illicite en vertu de la LCDP (une caractéristique protégée contre la discrimination); 2) qu’il a subi un traitement préjudiciable; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore).

[233] Dans le présent cas, dans son rapport du 25 octobre 2016, le Dr Erb a coché la case [traduction] « Apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions (capable d’exécuter des fonctions ou de respecter un horaire de travail modifiés ou différents) ». Ensuite, il a inscrit : [traduction] « Voir le document joint de l’évaluation d’un neuropsychologue (Dr Day) en 2013. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Si des informations supplémentaires sont nécessaires, veuillez contacter le Dr Day ou renvoyer M. Mayrand pour une réévaluation. »

[234] Le fonctionnaire a partagé cette information avec l’employeur. L’employeur a estimé que ces informations ne lui permettaient pas d’élaborer une solution plus convenable à long terme. L’équipe de gestion, qui offrait déjà des mesures d’adaptation au fonctionnaire sans qu’il ne s’améliore (moins de dossiers, échéanciers flexibles, assistance continuelle, etc.) a considéré ces informations insuffisantes pour mettre en œuvre des mesures d’adaptation supplémentaires qui s’appliqueraient à long terme.

[235] L’équipe de gestion avait constaté que le médecin de famille du fonctionnaire n’avait pas répondu à ses questions. Il ne semblait pas avoir réévalué la condition spécifique du fonctionnaire en date de 2016, mais semblait plutôt avoir simplement indiqué que des limitations et restrictions s’imposaient sur la base de l’évaluation faite par le spécialiste en 2013. Mme Parris avait constaté qu’il était probable que le fonctionnaire n’avait pas communiqué ses questions au sujet de sa capacité de remplir à ce moment des fonctions spécifiques (comme exercer son jugement ou prêter attention aux détails). Il s’était dit en désaccord avec le ton de ses questions. Sans attendre que la lettre ne soit signée, il s’était chargé d’obtenir l’avis médical du Dr Erb.

[236] Mme Parris a pris le temps, le 18 novembre 2016, d’expliquer au fonctionnaire qu’elle avait besoin de clarifications sur ses limitations et restrictions, car la lettre du Dr Erb faisait seulement référence au rapport du Dr Day et ne précisait pas de quelle façon ses limitations et restrictions touchaient ou affectaient ses capacités d’exercer ses fonctions de vérificateur à l’Agence à long terme. De plus, elle a expliqué que la note médicale datée du 8 novembre 2016 du Dr Trickey n’indiquait pas de limitation ou de restriction qui expliquerait la nécessité pour le logiciel Antidote. L’employeur lui a donc demandé qu’il participe à une nouvelle évaluation médicale avec un spécialiste.

[237] Le fonctionnaire n’était pas du même avis et a refusé, à ce moment, de consulter un spécialiste. Dans les circonstances, l’équipe de gestion a estimé qu’elle n’avait pas d’autres choix que d’aller de l’avant avec le plan d’amélioration du rendement.

[238] Je conclus que le fonctionnaire n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination. Bien que je sois de l’avis qu’il possède une caractéristique constituant un motif de discrimination illicite en vertu de la LCDP, ici une déficience, je suis de l’avis qu’il ne satisfait pas aux 2e et 3e critères nécessaires pour établir une preuve prima facie de discrimination. Selon moi, le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il a subi un traitement préjudiciable fondé sur sa déficience.

[239] Dans son rapport, le Dr Erb a coché la case [traduction] « Apte à travailler avec certaines limitations ou restrictions (capable d’exécuter des fonctions ou de respecter un horaire de travail modifiés ou différents) ». Ensuite, il a inscrit : [traduction] « Voir le document joint de l’évaluation d’un neuropsychologue (Dr Day) en 2013. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Si des informations supplémentaires sont nécessaires, veuillez contacter le Dr Day ou renvoyer M. Mayrand pour une réévaluation. »

[240] Lorsque le fonctionnaire l’a permis, l’équipe de gestion s’est assurée d’envoyer directement sa lettre contenant ses questions au spécialiste. Elle a demandé au spécialiste son avis afin de savoir si le fonctionnaire avait la capacité d’accomplir ses tâches de vérificateur ou d’autres tâches à l’Agence.

[241] Aucune des preuves présentées n’établit que le fonctionnaire a subi un traitement préjudiciable lié au fait que l’employeur a demandé des informations supplémentaires au spécialiste.

[242] Je conclus donc qu’il n’a pas été démontré que l’employeur a fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans le grief A.

B. Question 2 : L’employeur a-t-il fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans les griefs B, C et G?

[243] Dans le grief B, le fonctionnaire a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son entente de rendement pour l’année 2016-2017.

[244] Dans le grief C, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son plan d’amélioration du rendement adopté pour l’année 2016-2017.

[245] Dans le grief G, il a allégué que l’Agence n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de son incapacité dans son évaluation intérimaire du 27 février 2017.

[246] Selon l’employeur, la Commission n’a pas compétence pour entendre ces griefs visant des évaluations du rendement et un plan d’amélioration du rendement (voir Charest). De plus, selon l’employeur, il a agi de bonne foi en adressant le rendement insatisfaisant du fonctionnaire.

[247] Selon le fonctionnaire, la Commission a compétence pour entendre ces griefs puisque l’employeur a fait preuve de discrimination illicite dans ces évaluations du rendement et ce plan d’amélioration du rendement. Il a ainsi contrevenu à la clause 19.01 de la convention collective.

[248] Selon lui, 1) il avait une déficience et il a été déclaré apte à travailler avec des limitations et restrictions; 2) il a subi un traitement préjudiciable du fait que l’employeur a ignoré les limitations et restrictions établies en 2013 par le Dr Day et réitérées en 2016 par le Dr Erb; 3) la raison pour laquelle il rencontrait des difficultés dans son travail et qu’il a été soumis à ces évaluations négatives et à ce plan d’amélioration du rendement est parce que sa condition médicale n’était pas accommodée.

[249] Selon lui, l’employeur a contrevenu à l’article 5.1.5 des Procédures sur la gestion du rendement et la reconnaissance. Cet article se lit comme suit :

5.1.5 Discussion sur les besoins de l’employé
Les employés ont la responsabilité de préciser leurs besoins et défis.

Les gestionnaires doivent aider les employés à répondre à leurs attentes de rendement :

· en menant des conversations bidirectionnelles avec eux pour leur permettre de préciser leurs besoins;
· en veillant à l’offre de ressources appropriées afin de faire ce qui suit :

• satisfaire aux exigences du poste;
• démontrer leur plein potentiel;
• être engagés dans leur travail.

[…]

 

[250] Selon le fonctionnaire, le comportement de l’employeur a été offensant et a représenté un véritable affront à sa dignité.

[251] Je comprends que le fonctionnaire est de l’avis que l’employeur aurait dû suspendre ses évaluations du rendement en attendant que des mesures d’adaptation plus convenables à long terme soient élaborées.

[252] Il n’est pas clair que la Commission a compétence pour entendre ces griefs B, C et G en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF. Ce serait le cas s’il était établi que les évaluations du rendement et le plan constituaient des mesures disciplinaires (voir Charest).

[253] Ainsi, comme il est mentionné dans Bahniuk, la portée de la compétence de la Commission est limitée sur ces questions. La compétence de la Commission se limite à la convention collective et ne s’étend pas à l’appréciation de l’évaluation du rendement elle-même.

[254] Plus précisément, dans Bahniuk, la Commission a conclu que sa compétence est limitée à la détermination de la question à savoir si l’employeur avait agi de mauvaise foi en refusant au fonctionnaire s’estimant lésé un congé de rendement de gestion. Dans ce contexte, la mauvaise foi signifierait que l’employeur n’avait fondé son évaluation du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé sur aucun fait. La Commission notait également que, quant à savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé méritait la cote qu’il avait reçue, cette question ne relevait pas de la compétence de la Commission.

[255] Il n’est donc pas clair que la Commission a compétence pour instruire ces griefs. De toute façon, même si j’avais compétence pour le faire, je conclurais que le fonctionnaire n’a pas établi que ses évaluations du rendement et le plan d’amélioration du rendement étaient discriminatoires ou révélaient de la mauvaise foi.

[256] En ce qui concerne les trois éléments de Moore, ce n’est pas le premier critère de cette décision qui n’a pas été satisfait, ce sont les deuxième et troisième critères.

[257] En ce qui concerne le premier critère, le fonctionnaire a démontré qu’il souffre d’une déficience. Toutefois, il n’a pas démontré qu’il a subi un traitement préjudiciable du fait que l’employeur a continué d’évaluer son rendement et de lui fournir un plan d’amélioration en attendant que des mesures d’adaptation plus convenables à long terme soient élaborées.

[258] Rappelons qu’à ce moment, l’employeur estimait qu’il était incapable de mettre en œuvre la solution convenable recherchée à long terme. Bien que des mesures d’adaptation provisoires continuaient de s’appliquer, l’employeur cherchait une solution viable et avait besoin de la collaboration du fonctionnaire pour l’aider à la trouver.

[259] Lorsque le fonctionnaire l’a permis, l’équipe de gestion a demandé au spécialiste son avis afin de savoir si le fonctionnaire avait la capacité d’accomplir ses tâches de vérificateur ou d’autres tâches à l’Agence.

[260] Ainsi, aucune des preuves présentées ne démontre que le fonctionnaire a subi un traitement préjudiciable du fait que l’employeur a continué d’évaluer son rendement et de lui fournir un plan d’amélioration en attendant que des mesures d’adaptation plus convenables à long terme soient élaborées.

[261] En conclusion, même si j’avais compétence pour instruire ces griefs, je conclurais que le fonctionnaire n’a pas démontré que l’employeur a fait preuve de discrimination illicite ou de mauvaise foi pour les raisons invoquées dans les griefs B, C et G.

C. Question 3 : L’employeur a-t-il violé les dispositions de la convention collective pour les raisons invoquées dans les griefs D, E et F?

[262] Ces griefs visent le non-remboursement de certains frais que le fonctionnaire a encourus.

[263] Les clauses 25.06b), 28.01, 32.02 et 32.05 de la convention collective se lisent comme suit :

25.06 Sauf indication contraire dans les paragraphes 25.09, 25.10 et 25.11 :

[…]

b) la journée normale de travail est de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h.

[…]

28.01 Les heures supplémentaires effectuées lors de cours, de séances de formation, de conférences et de séminaires ne sont rémunérées conformément au présent article que si l’employé-e est tenu par l’Employeur d’y assister.

[…]

32.02 La rémunération que prévoit le présent article n’est pas versée pour le temps que met l’employé-e à se rendre à des cours, à des séances de formation, à des conférences et à des séminaires, sauf s’il est tenu par l’Employeur d’y assister.

[…]

32.05 Aux fins des paragraphes 32.04 et 32.06, le temps de déplacement pour lequel l’employé-e est rémunéré est le suivant :

a) si l’employé-e utilise les transports en commun, le temps compris entre l’heure prévue de départ et l’heure d’arrivée à destination, y compris le temps de déplacement normal jusqu’au point de départ, déterminé par l’Employeur;

b) si l’employé-e utilise un moyen de transport privé, le temps normal, déterminé par l’Employeur, qu’il lui faut pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail;

c) si l’employé-e demande de partir à une heure différente et/ou d’utiliser un autre moyen de transport, l’Employeur peut acquiescer à sa demande, à condition que la rémunération du temps de déplacement ne dépasse pas celle qu’il ou elle aurait touchée selon les instructions initiales de l’Employeur.

[…]

 

[264] Selon l’employeur, ces griefs sont sans objet étant donné le remboursement du taux de kilométrage, des repas et des frais associés aux évaluations médicales du fonctionnaire. De plus, l’employeur a exercé sa discrétion pour lui accorder un congé payé de 7,5 heures pour rendez-vous médical (code 5300) le 2 février et un congé payé de 4,5 heures (code 5300) pour rendez-vous médical le 28 février.

[265] D’autre part, il a fait valoir que le fonctionnaire n’avait pas droit à des heures supplémentaires.

[266] Je reconnais d’abord qu’en janvier 2017, l’équipe de gestion a confirmé au fonctionnaire que ses dépenses pour son déplacement à Gatineau le 2 février seraient remboursées et que son temps de travail requis pour assister à l’évaluation médicale serait enregistré comme congé pour rendez-vous médical jusqu’à concurrence de 7,5 heures. Ainsi, il n’aurait pas à utiliser sa banque de congés de maladie. Un congé médical payé de 7,5 heures lui a donc été accordé (code 5300) pour le 2 février. Plus tard, un congé médical payé de 4,5 heures lui a été accordé pour son rendez-vous du 28 février.

[267] Il reste en litige 5 heures que le fonctionnaire a consacrées le 2 février à son déplacement et 2,5 heures que le fonctionnaire a consacrées le 28 février à son déplacement.

[268] Je suis d’accord avec l’employeur que le fonctionnaire n’avait pas droit à des heures supplémentaires puisqu’il est prévu dans la définition des « heures supplémentaires » que cela désigne « dans le cas d’un employé-e à temps plein, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire […] ». En l’espèce, le fonctionnaire n’accomplissait pas un travail pour l’employeur. Il consultait le spécialiste de son choix à Gatineau, qui était à une distance de deux heures de route environ en voiture de Kingston.

[269] Bien qu’il fût tenu par l’employeur de consulter un spécialiste, le fonctionnaire a reçu le choix de consulter un spécialiste dans sa région. Il a choisi de consulter un spécialiste dans une autre région puisqu’il souhaitait s’adresser en français au spécialiste. Je comprends cette situation. Toutefois, la convention collective n’adresse pas ce genre de situation spécifique.

[270] Plutôt, la clause 28.01 de la convention collective prévoit ce qui suit : « Les heures supplémentaires effectuées lors de cours, de séances de formation, de conférences et de séminaires ne sont rémunérées conformément au présent article que si l’employé-e est tenu par l’Employeur d’y assister. » Cette liste n’inclut pas les congés médicaux. Par déduction, les heures consacrées à une activité autre que se rendre ou revenir de cours ou de séances de formation ou de conférences ou de séminaires à la demande de l’employeur, ne sont pas rémunérées selon cette disposition.

[271] Je ne peux donc pas accorder la demande du fonctionnaire que l’employeur le compense au taux des heures supplémentaires (au taux et demi) pour les 5 heures de son temps consacrées à son déplacement le 2 février et pour les 2,5 heures de son temps consacrées à son déplacement le 28 février.

[272] Dans l’alternative, le fonctionnaire requiert que 5,5 heures lui soit accordées pour son congé médical (plutôt que 4,5) pour le motif que sa journée de travail, le 28 février, aurait pu se terminer à 18 h. Si cela avait été le cas, il n’aurait pas été obligé de prendre 3 heures de congé personnel le matin, mais seulement 2 heures. En particulier, la clause 25.06b) de la convention collective prévoit que « la journée normale de travail est de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h ».

[273] J’estime que M. Beamer a exercé sa discrétion de ne pas accorder la demande du fonctionnaire pour des motifs valables. Le fonctionnaire a demandé que sa journée de travail ce jour-là commence à 10 h et se termine à 18 h. M. Beamer lui a répondu que ses heures de travail habituelles étaient de 9 h à 17 h, donc qu’il ne se sentait pas à l’aise d’autoriser le changement de son horaire à une fin spécifique qui ne visait pas à lui permettre d’exercer un travail au sens de la convention.

[274] La cause 25.06b) prévoit que la journée normale de travail est de 7,5 heures consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h. Puisque la preuve révèle que la journée normale de travail du fonctionnaire se situait entre 9 h et 17 h, je suis de l’avis que M. Beamer avait un motif valable pour ne pas lui accorder sa demande de modifier ses heures de travail à la seule fin d’étirer son congé pour rendez-vous médical.

[275] Je conclus donc qu’il n’a pas été démontré que l’employeur a violé les dispositions de la convention collective pour les raisons invoquées dans les griefs D, E et F.

D. Question 4 : L’employeur a-t-il fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans le grief H?

[276] Le grief H contient une allégation de non-accommodement à la suite du FEST du Dr Leclerc et d’avoir soumis le fonctionnaire à un congé de maladie sans solde.

[277] Selon le fonctionnaire, l’employeur n’a pas satisfait aux trois volets de Meiorin (au par. 54).

[278] Il a aussi fait valoir que l’analyse de postes que l’employeur a faite était insuffisante puisque l’employeur avait évalué ces postes en fonction des tâches normales de ces postes et non en fonction de tâches adaptées au fonctionnaire.

[279] Selon lui, l’employeur avait l’obligation de suivre l’approche suivante avant de soumettre le fonctionnaire à un congé de maladie sans solde. En considérant que le fonctionnaire était apte à travailler avec certaines limitations et restrictions, il devait évaluer s’il pouvait accomplir :

1) Les tâches de son poste substantif? Sinon :

2) Les tâches modifiées de son poste substantif? Sinon :

3) Les tâches d’un poste de groupe et niveau plus bas? Sinon :

4) Les tâches modifiées d’un poste de groupe et niveau plus bas? Sinon :

5) Les tâches découlant de différents postes?

 

[280] Je conclus d’abord qu’une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la LCDP a été établie. L’employeur a placé le fonctionnaire en congé de maladie parce qu’il n’avait pas, selon lui, la capacité de travailler à l’Agence. Le fonctionnaire n’avait pas la capacité de travailler à l’Agence parce qu’il souffrait d’une déficience. L’employeur connaissait la déficience du fonctionnaire et sa déficience est la raison qu’il a été placé en congé de maladie. La preuve révèle donc que sa déficience a directement contribué au fait d’être placé en congé de maladie. Il s’agit là d’une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la LCDP.

[281] La question vise donc la justification de l’employeur relativement à l’acte discriminatoire. L’employeur peut présenter une défense fondée sur le l’alinéa 15(1)c) de la LCDP qui prévoit que son comportement ne sera pas considéré comme discriminatoire. Il devra établir que son refus à l’égard de tout emploi découle d’exigences professionnelles justifiées.

[282] Il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’un employé constituent pour l’employeur une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (le paragraphe 15(2) de la LCDP).

[283] Je conclus, pour les raisons suivantes, que l’employeur a prouvé que sa conduite discriminatoire découle d’une exigence professionnelle justifiée.

[284] Les paragraphes 98 à 100 de Santawirya c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2018 CRTESPF 58 sont instructifs à cet égard. Une demande de contrôle judiciaire a été déposée devant la Cour d’appel fédérale (dossier de la cour : A-248-18) et la demande a été accordée, mais elle ne remet pas en question ces paragraphes. La demande de contrôle judiciaire visait la réparation accordée à la fonctionnaire s’estimant lésée. Les paragraphes 98 à 100 se lisent donc comme suit :

98 Dans Meiorin et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 (« Grismer »), la Cour suprême du Canada a fait valoir que la discrimination par suite d’un effet préjudiciable peut se produire lorsqu’une règle apparemment neutre, appliquée de façon égale à tous, engendre des effets préjudiciables sur certains groupes de personnes ayant une caractéristique qui constitue un motif de distinction illicite. La solution est d’appliquer la règle de façon plus individualisée.

99 Dans le cas de Mme Meiorin, la règle consistait en une norme d’essai que les pompiers forestiers devaient respecter. Les éléments de preuve ont démontré que les femmes, en raison de leur capacité pulmonaire, auraient beaucoup de difficulté à satisfaire à la norme. La Cour a déterminé que cette norme élevée n’était pas nécessaire pour s’assurer que Mme Meiorin soit en mesure de s’acquitter de ses tâches de pompier forestier.

100 Dans le cas de M. Grismer, on lui a refusé un permis de conduire en raison d’un grave défaut de vision. La règle semblait rationnelle; toutefois, elle n’était pas nécessaire pour M. Grismer. Au fil des ans, il avait adopté des stratégies de conduite qui faisaient en sorte qu’il était un conducteur sécuritaire, malgré ses problèmes de vision.

 

[285] Dans Santawirya, la Commission a conclu qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle la prise de mesures d’adaptation pour la fonctionnaire s’estimant lésée aurait exposé l’employeur à des contraintes excessives.

[286] En l’espèce, j’estime que la preuve révèle que la prise de mesures d’adaptation afin de garder le fonctionnaire au travail aurait exposé l’employeur à des contraintes excessives.

[287] L’employeur a démontré que son application de la norme était justifiée. La norme en l’espèce peut être décrite comme la nécessité de soumettre un employé à un congé de maladie à défaut de pouvoir accommoder son état de santé sans causer de contrainte excessive.

[288] Selon moi, il a satisfait aux trois volets établis dans Meiorin (au par. 54) comme suit : 1) il a adopté la norme (la nécessité de soumettre un employé à un congé de maladie à défaut de pouvoir accommoder son état de santé sans causer de contrainte excessive) dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause (les devoirs de l’Agence); 2) il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement que cela était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; 3) la norme était raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.

[289] La preuve révèle qu’en 2013, et par la suite, l’équipe de gestion avait reçu une série d’évaluations d’aptitude au travail pour confirmer la capacité du fonctionnaire à exercer les fonctions de son poste en raison de ses problèmes de rendement. Plusieurs de ces évaluations avaient identifié des limitations et des restrictions médicales.

[290] L’employeur avait toutefois reçu des informations médicales en décembre 2014 qui précisaient que le fonctionnaire était apte à travailler sans limitations ou restrictions. Malgré cela, l’équipe de gestion avait continué d’observer de sérieuses lacunes dans son rendement.

[291] Pendant plusieurs mois avant son départ en congé de maladie, l’équipe avait observé des lacunes dans son rendement en ce qui a trait à sa capacité d’exécuter les fonctions de son poste. Entre autres, il éprouvait des difficultés importantes à appliquer ses compétences analytiques à sa charge de travail quotidienne, ce qui faisait que son produit fini était incorrect et peu fiable.

[292] Plus précisément, l’équipe de gestion avait observé que, souvent, le fonctionnaire n’était pas en mesure de comprendre et de traiter les communications verbales avec précision, même lorsqu’elles étaient suivies d’instructions écrites qui lui étaient fournies. Ces difficultés conduisaient parfois à un exercice incorrect du jugement. L’équipe avait aussi constaté qu’il n’était pas en mesure de suivre ou d’appliquer les politiques et procédures standards de l’Agence dans le cadre de ses fonctions.

[293] L’équipe avait également observé que le fonctionnaire avait du mal à maintenir la continuité dans ses documents de travail et dans l’ensemble de ses dossiers. De plus, elle avait constaté qu’il n’avait pas la concentration nécessaire pour accomplir les étapes requises pour terminer un document de travail. Par moments, il ne reportait pas des détails importants dans ses documents de travail.

[294] À la demande de l’équipe de gestion, le fonctionnaire a donc subi une évaluation médicale le 2 février 2017, avec Dr Leclerc, un spécialiste, afin d’obtenir des renseignements à jour sur ses limitations et ses restrictions. Le FEST, rempli et signé le 2 mars 2017 par le Dr Leclerc, confirmait que le fonctionnaire avait des limitations et des restrictions.

[295] Le Dr Leclerc a identifié les limitations et restrictions temporaires suivantes :

· Les limitations empêchent le fonctionnaire de respecter les échéances. Temps supplémentaire pour respecter les échéances nécessaires.

· Limitations dans la capacité d’interpréter des instructions verbales et écrites et de communiquer verbalement et par écrit de façon efficace. Cela affecte le jugement, la résolution des conflits et la réponse aux commentaires.

· La capacité d’adaptation, le souci du détail, les compétences en matière d’organisation et de gestion du temps, et la capacité à communiquer sont limitées.

· Limites en termes de communication écrite efficace et d’attention aux détails. Qualité du travail pourrait être améliorée par l’installation d’un logiciel de correction d’épreuves (p. ex. Antidote).

· Limites au niveau du travail en équipe et du jugement.

· Limites en termes de pragmatique linguistique. Des instructions claires et concises, idéalement par écrit, peuvent aider dans une certaine mesure, mais ne compenseront pas entièrement ces limites.

· Limites dans la capacité d’interpréter un message, ce qui pourrait affecter la capacité du fonctionnaire à bien traiter et considérer l’information à traiter.

· Limitations affectant le comportement du fonctionnaire ou ses actions.

· Incapacité d’effectuer des tâches qui nécessitent des compétences en interprétation (verbale ou écrite), ou en communication (verbale ou écrite), la rédaction de résumés/rapports, l’évaluation de matériel abstrait, le respect de délais serrés et temporaires, ou l’attention aux détails.

· Limitation de la capacité à rester cohérent dans ses dossiers.

 

[296] Le formulaire FEST rempli et la lettre faisaient état de la recommandation du Dr Leclerc de procéder à une autre évaluation médicale dans un domaine d’expertise spécifique qui n’était pas le sien. Ces documents indiquaient que le fonctionnaire avait été orienté vers le spécialiste approprié qui déterminerait si les limitations temporaires identifiées étaient permanentes ou non. De plus, le Dr Leclerc avait également précisé que bien que certains services (soins ou traitement) puissent être offerts, la nature et la durée devaient être déterminées par le professionnel compétent.

[297] À ce moment, il était devenu clair pour l’employeur que le fonctionnaire n’avait pas la capacité d’accomplir ses tâches de vérification. L’équipe de gestion souhaitait lui fournir une mesure d’adaptation appropriée, en tenant compte de ses limitations et de ses restrictions. À cette fin, Mme Parris a effectué une analyse de postes autres que le sien afin d’envisager la possibilité de lui offrir un autre poste qui pouvait être considéré comme une mesure d’adaptation temporaire et raisonnable.

[298] À la suite de cette analyse de postes, l’équipe de gestion n’avait trouvé aucun poste au BSF du Centre-Est-de-l’Ontario qui satisfaisait aux limitations et restrictions du fonctionnaire. Mme Parris a expliqué à l’audience que chacune des tâches de chaque poste nécessitait l’exercice de jugement et l’attention aux détails.

[299] Sur la base de ces constatations, ainsi que de la nature et de la gravité des limitations et restrictions du fonctionnaire, l’équipe de gestion a informé le fonctionnaire, le 24 mars 2017, qu’il devait rester à l’écart du milieu de travail jusqu’à ce qu’il ait subi une évaluation médicale par le spécialiste recommandé par le Dr Leclerc. Une fois cette évaluation médicale complétée, l’employeur pourrait examiner les renseignements supplémentaires que le spécialiste fournirait.

[300] La preuve révèle donc que l’employeur a évalué si le fonctionnaire pouvait accomplir les tâches de son poste substantif. Il ne le pouvait pas. L’employeur a évalué s’il pouvait accomplir les tâches modifiées de son poste substantif. Il ne le pouvait pas. L’employeur a évalué s’il pouvait accomplir les tâches d’un poste de groupe et niveau plus bas. Il ne le pouvait pas. L’employeur a évalué s’il pouvait accomplir les tâches modifiées d’un poste de groupe et niveau plus bas. Il ne le pouvait pas. L’employeur a donc estimé nécessaire de le soumettre à un congé de maladie en attendant de connaitre les résultats de la prochaine évaluation.

[301] Rappelons qu’en 2014 et 2015, l’employeur avait déjà accepté d’offrir au fonctionnaire des tâches réduites relevant du poste de commis aux tâches générales pour l’accommoder. Malheureusement, l’équipe de gestion avait constaté de sérieuses lacunes dans son travail et dans ses capacités d’accomplir ces tâches. Les témoins ont confirmé que les tâches associées aux postes SP-02 et SP-03 se chevauchent à l’Agence. Le fonctionnaire a aussi confirmé que lorsqu’il travaillait pour M. Deszpoth, il accomplissait des tâches rattachées au poste de commis aux tâches générales de groupe et niveau SP-02, bien qu’il occupât un poste de groupe et niveau SP-03.

[302] Ainsi, la preuve révèle ce que n’est qu’en dernier recours que l’employeur a soumis le fonctionnaire à un congé de maladie sans solde. Selon moi, l’employeur a démontré qu’il n’avait pas d’autres choix. Il lui était impossible de le laisser dans son poste, de lui offrir un autre poste ou d’autres tâches étant donné la nature de ses limitations et restrictions. La preuve révèle que les tâches de chacun des postes de l’Agence requièrent l’exercice du jugement et l’attention aux détails. Puis, toutes les mesures d’adaptation déjà offertes (moins de dossiers, échéanciers flexibles, assistance continuelle, etc.) l’avaient été en vain.

[303] Il reste à voir si l’employeur a démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins du fonctionnaire constituaient pour lui une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[304] À ce sujet, tous les témoins de l’employeur ont expliqué que le maintien du fonctionnaire dans un poste, même en lui offrant des mesures d’adaptation, nuisait considérablement à la crédibilité et la viabilité des services de l’Agence.

[305] La preuve révèle qu’un engagement de l’Agence envers les contribuables est de garantir la confidentialité de leurs informations qu’elle a en sa possession. Or, parmi les erreurs que le fonctionnaire commettait par inattention ou à cause de ses problèmes cognitifs, certaines s’avéraient être des erreurs résultant de contaminations croisées. Il s’agit de situations où des données d’un contribuable se retrouvent par erreur dans le dossier d’un autre contribuable. Mme Stewart a expliqué que l’Agence devait éviter les effets négatifs et les répercussions de ces erreurs.

[306] La preuve révèle que l’Agence était exposée à des risques importants liés à sa capacité et son devoir de remplir son mandat. L’Agence ne peut prendre le risque de nuire considérablement à sa crédibilité et à l’efficacité de ses opérations. Il s’agit, en l’espèce, de coûts importants en termes de temps, d’efficacité opérationnelle et de perte de crédibilité.

[307] J’estime ainsi que l’employeur a démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins du fonctionnaire constituaient pour lui une contrainte excessive en matière de coûts.

[308] Je conclus donc qu’il n’a pas été démontré que l’employeur a fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans le grief H.

E. Question 5 : L’employeur a-t-il fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans le grief J?

[309] Dans le grief J, le fonctionnaire a allégué que son licenciement était discriminatoire.

[310] Selon l’employeur, il a été licencié parce qu’il n’avait plus la capacité d’accomplir un travail à l’Agence et qu’il était improbable qu’il puisse y travailler dans un avenir prévisible.

[311] En ce qui concerne ce licenciement, la Commission tire son autorité de l’alinéa 209(1)d) et du par. 209(3) de la LRTSPF. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire […] peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

[…]

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

[…]

 

[312] L’Agence est un organisme distinct selon le paragraphe 11(1) et l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; « LGFP »).

[313] L’Agence a été désignée le 28 mai 2015 (DORS/2015-118), en vertu du paragraphe 209(3) de la LRTSPF, soit avant le licenciement du fonctionnaire le 21 septembre 2021 et avant le dépôt de son grief le 5 novembre 2021.

[314] Selon les paragraphes 12(2) et (3) et l’article 12.1 de la LGFP, les licenciements effectués par l’Agence doivent être motivés. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

12(2) Sous réserve des conditions que fixe le gouverneur en conseil, chaque administrateur général d’un organisme distinct et chaque administrateur général désigné par le gouverneur en conseil en vertu de l’alinéa 11(2)b) peut, à l’égard du secteur de l’administration publique fédérale dont il est responsable :

[…]

d) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou qu’une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur de toute personne employée dans la fonction publique.

[…]

12(3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

[…]

12.1 L’article 11.1 et le paragraphe 12(2) s’appliquent sous réserve de toute loi fédérale et de tout texte d’application de celle-ci concernant les attributions d’un organisme distinct.

[…]

 

[315] Je note donc que la norme d’un motif déterminé s’applique dans les affaires assujetties aux paragraphes 12(2) et (3) de la LGFP et que cette exigence n’est pas modifiée par la loi habilitante de l’Agence. L’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (L.C. 1999, ch. 17; « LARC ») prévoit que l’Agence peut mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire. Cet alinéa se lit comme suit :

(1) L’Agence peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion des ressources humaines :

[…]

g) prévoir, pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et préciser dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

[…]

 

[316] Le fonctionnaire a été licencié en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la LARC pour incapacité médicale. Il s’agit de déterminer si ce licenciement était justifié. Le licenciement ne saurait être justifié si un motif illicite de discrimination était un facteur dans cette décision.

[317] Je conclus d’abord qu’une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la LCDP a été établie. L’employeur a licencié le fonctionnaire parce qu’il n’avait plus, selon lui, la capacité de travailler à l’Agence. Le fonctionnaire n’avait pas la capacité de travailler à l’Agence parce qu’il souffrait d’une déficience. L’employeur connaissait la déficience du fonctionnaire et sa déficience est la raison qu’il a été licencié. La preuve révèle donc que sa déficience a directement contribué à son licenciement. Il s’agit là d’une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la LCDP.

[318] La question vise donc la justification de l’employeur relativement à l’acte discriminatoire. Il doit établir que son refus à l’égard de tout emploi découle d’exigences professionnelles justifiées. Tel que mentionné précédemment, il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’un employé constituent pour l’employeur une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[319] Je conclus, pour les raisons suivantes, que l’employeur a prouvé que sa conduite discriminatoire découle d’une exigence professionnelle justifiée. La preuve révèle que la réintégration du fonctionnaire et la prise de mesures d’adaptation auraient exposé l’employeur à des contraintes excessives.

[320] L’employeur a démontré que son application de la norme était justifiée. La norme en l’espèce peut être décrite comme la nécessité de licencier un employé à défaut de pouvoir accommoder son état de santé sans causer de contrainte excessive.

[321] Selon moi, il a satisfait aux trois volets établis dans Meiorin (au par. 54) comme suit : 1) il a adopté la norme (la nécessité de licencier un employé à défaut de pouvoir accommoder son état de santé sans causer de contrainte excessive) dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause (les devoirs de l’Agence); 2) il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; 3) la norme était raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.

[322] Je note que le paragraphe intitulé « incapacité médicale » des Principes sur la cessation d’emploi et la rétrogradation pour motifs non-disciplinaires inclut l’extrait suivant :

[…]

· dans le cas d’un employé qui a été examiné par des médecins qualifiés et qui est jugé « apte à travailler avec certaines réserves », des efforts ont été faits pour accommoder l’état de santé de l’employé sans causer de contrainte excessive compte tenu des questions de santé, de sécurité et de coût. Les efforts peuvent inclurent une rétrogradation à une position qui satisfait aux limitations et restrictions identifiées de l’employé;

[…]

 

[323] L’historique des faits expose les raisons pour lesquelles l’employeur en est arrivé à cette décision qu’il était nécessaire de licencier le fonctionnaire à défaut de pouvoir accommoder son état de santé sans causer de contrainte excessive.

[324] La preuve révèle que du 19 novembre 2013 au 24 mars 2017, l’employeur avait accommodé le fonctionnaire. En 2013, l’employeur avait adopté le plan d’adaptation qui établissait, entre autres, qu’il ne lui imposerait pas de contrainte de temps pour qu’il complète ses dossiers de vérification. Malgré ces mesures d’adaptation en place dans son poste de groupe et niveau SP-05, l’équipe de gestion avait constaté qu’il commettait encore plusieurs erreurs dans ses dossiers.

[325] Ainsi, à partir du 3 février 2014, le fonctionnaire s’était vu attribuer des tâches administratives de niveau SP-03. Tout au long de l’année 2014, l’équipe de gestion avait cependant continué d’observer de sérieuses lacunes dans son rendement.

[326] L’employeur avait ensuite reçu en décembre 2014 des informations médicales qui indiquaient que le fonctionnaire était apte à travailler sans limitation ni restriction. Malgré cela, l’équipe de gestion avait continué d’observer de sérieuses lacunes dans son rendement.

[327] Jusqu’au 24 mars 2017, l’équipe avait donc observé des lacunes dans son rendement. Ces lacunes concernaient sa capacité d’exécuter les fonctions de son poste. Un vérificateur du niveau du fonctionnaire a une charge de travail de 12 à 15 dossiers et complète un dossier moyen en 50 à 60 heures. La charge de travail assignée au fonctionnaire avait été réduite à 5 dossiers parce qu’il prenait plus de cinq fois le temps moyen pour terminer ses dossiers. Malgré cela, il n’arrivait pas à les compléter. Les raisons étaient nombreuses. Le Journal de performances révèle ses difficultés de rendement entre le 3 mars 2016 et le 24 mars 2017.

[328] Un exemple d’une difficulté qu’il rencontrait était le suivant. Lorsque Mme Parris révisait et corrigeait son travail, il apportait souvent des modifications à ces dossiers, même s’ils avaient déjà été approuvés. Par la suite, il en résultait des inexactitudes dans ses dossiers. De même, elle découvrait que des données d’un contribuable se retrouvaient par erreur dans le dossier d’un autre contribuable. Chaque fois, elle devait prendre des mesures pour remédier à ces bris de confidentialité.

[329] Sur la base de ces constatations, ainsi que de la nature et de la gravité des limitations et restrictions du fonctionnaire, l’équipe de gestion l’avait informé, le 24 mars 2017, qu’il devait rester à l’écart du milieu de travail jusqu’à ce qu’il ait subi une évaluation médicale par le spécialiste recommandé par le Dr Leclerc.

[330] Plus tard, il avait accepté de rencontrer le Dr Joubert.

[331] C’est ainsi que l’employeur a pris en considération le FEST du 12 novembre 2020 du Dr Joubert et ses réponses à ses questions. Dans son évaluation, ce dernier concluait que le fonctionnaire avait des limitations fonctionnelles multiples par rapport aux différentes tâches de son poste. Il jugeait que le fonctionnaire demeurait incapable de performer dans ce poste à un niveau satisfaisant. Son avis était que les limitations ne s’amélioreraient pas dans un avenir prévisible. Il notait de même le manque de volonté du fonctionnaire à vouloir remédier à la situation.

[332] Cette évaluation confirmait aussi que le fonctionnaire n’avait pas reçu de traitement à la suite de son évaluation datée du 2 mars 2017.

[333] La preuve révèle que l’équipe de gestion a examiné en détail le rapport du Dr Joubert. Elle a conclu que son retour au travail n’était pas possible dans un avenir prévisible. Mme Stewart a expliqué pourquoi chacune des recommandations faites par le Dr Joubert pour faciliter son retour au travail n’était pas possible. Elle a présenté des raisons claires, logiques et valables qui justifient chacune de ses conclusions. Les raisons du licenciement sont aussi précisées dans la lettre du 21 septembre 2021.

[334] La preuve révèle, de plus, que Mme Stewart a révisé attentivement l’analyse de poste effectuée en 2017 par Mme Parris. Elle a aussi tenté d’identifier des tâches relevant de ces postes que le fonctionnaire pourrait accomplir. Or, elle n’a rien trouvé. Chacune des tâches exigeait l’exercice de jugement et d’attention. Il n’était pas possible, ainsi, de regrouper des tâches pour former un poste sur mesure pour le fonctionnaire.

[335] Ainsi, la preuve révèle ce que n’est qu’en dernier recours que l’employeur a décidé de licencier le fonctionnaire. Selon moi, il a démontré qu’il n’avait pas d’autres choix.

[336] Il reste à voir si l’employeur a démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins du fonctionnaire constituaient pour lui une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[337] La preuve révèle que l’employeur a fait des efforts au cours de la période de 2013 à 2017 pour accommoder l’état de santé du fonctionnaire. Il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire face à ses obligations et pour contribuer à un dénouement favorable dans cette affaire. Toutefois, les défis engendrés par les difficultés d’attention, d’analyse, de jugement et d’apprentissage du fonctionnaire avaient des répercussions non seulement sur sa façon d’écrire, mais aussi sur sa façon d’effectuer ses vérifications des données des contribuables et ses autres tâches à l’Agence. Il commettait des erreurs importantes.

[338] L’Agence était exposée à des risques importants en ce qui concerne sa capacité et son devoir de remplir son mandat. L’Agence devait éviter les effets négatifs et les répercussions de ces erreurs sur sa crédibilité et l’efficacité de ses opérations. Il s’agit, en l’espèce, de coûts importants en termes de temps, d’efficacité opérationnelle et de perte de crédibilité.

[339] J’estime donc que l’employeur a démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins du fonctionnaire constituaient pour lui une contrainte excessive en matière de coûts.

[340] Lorsqu’un employé n’est pas en mesure de travailler dans un avenir raisonnablement prévisible en raison d’une maladie ou d’une incapacité et qu’aucune mesure d’adaptation raisonnable ne peut être prise à son égard, le critère de la détermination de la contrainte excessive est satisfait et on ne peut parler de discrimination illicite (voir Hydro-Québec, au para. 18).

[341] Ainsi, je conclus que l’employeur a présenté un motif qui justifiait le licenciement du fonctionnaire. Il n’a donc pas été démontré que l’employeur a fait preuve de discrimination illicite pour les raisons invoquées dans le grief J.

[342] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[343] Les griefs sont rejetés.

Le 4 avril 2022.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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