Décisions de la CRTESPF

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Date: 20220516

Dossiers: 566-02-43847

et 568-02-44715

 

Référence: 2022 CRTESPF 37

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Mary-Ann Cranton

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Gendarmerie royale du Canada)

 

employeur

Répertorié

Cranton c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une demande visant la prorogation d’un délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Amélie Lavictoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Lisa Greenspoon, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : John Mendonça, analyste, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 12 et 26 janvier 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu

[1] Mary-Ann Cranton, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») est une employée civile de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC »). Le 2 décembre 2021, elle a renvoyé un grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Dans ce grief, elle conteste ce qu’elle décrit comme la décision de son employeur de modifier la nature du congé payé auquel elle avait droit à la suite d’une blessure subie au travail et la méthode de saisie de ce congé quand il a été pris.

[2] Le 12 janvier 2022, le Conseil du Trésor (le « défendeur »), l’employeur légal de la fonctionnaire, a déposé une requête en rejet du grief au motif qu’il est hors délai. Selon le défendeur, le grief a été présenté au premier palier de la procédure interne de règlement des griefs après le délai de 25 jours prévu dans la clause 18.15 de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, arrivée à échéance le 20 juin 2018 (la « convention collective ») et a été rejeté pour ce motif à tous les niveaux de la procédure de règlement des griefs. Dans ses brefs arguments écrits à l’appui de son objection, le défendeur affirme que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence pour entendre le grief au motif qu’il est hors délai.

[3] La fonctionnaire conteste l’allégation du défendeur au sujet du respect des délais. À titre de solution de rechange, elle demande une prorogation du délai en vertu de l’article 61 du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79); le « Règlement »). La Commission a l’habitude d’ouvrir un nouveau dossier dès réception d’une demande de prorogation du délai. Par inadvertance, un nouveau dossier n’a pas été ouvert dans ce cas. Par conséquent, j’ai ordonné l’ouverture d’un dossier pour la demande de prorogation du délai de la fonctionnaire.

[4] Après avoir reçu les arguments écrits de la fonctionnaire au sujet du respect des délais, y compris sa demande de prorogation du délai, la Commission a informé les parties qu’elle avait l’intention de trancher l’objection et la demande de prorogation du délai sur la base d’arguments écrits. Selon l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), la Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience.

[5] La Commission a invité les parties à présenter des arguments écrits supplémentaires et elle a fixé un calendrier pour leur présentation. Aucune des deux parties n’a fourni à la Commission d’arguments écrits supplémentaires. Pour cette raison, la Commission ne bénéficie pas de la position ou des arguments du défendeur relativement à la demande de prorogation du délai de la fonctionnaire. La Commission se trouve donc dans la position difficile de prendre une décision à l’égard de la demande de la fonctionnaire fondée uniquement sur ses arguments. Malgré cela, j’ai conclu que le dossier de la Commission contient suffisamment de renseignements pour me permettre de rendre une décision relativement à l’objection du défendeur et à la demande de la fonctionnaire.

[6] Je suis d’avis que le grief a été présenté après la période de 25 jours prévue dans la convention collective et qu’il est hors délai. À la lumière des arguments présentés par la fonctionnaire pour étayer sa demande de prorogation du délai, je suis d’avis qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’équité d’accorder une prorogation aux termes de l’alinéa 61b) du Règlement.

II. Le grief renvoyé à l’arbitrage

[7] La fonctionnaire est assistante aux services du détachement de la GRC. Le grief renvoyé à la Commission conteste la décision du défendeur de ne plus lui permettre [traduction] « […] de prendre un congé de maladie au besoin sans avoir à saisir le temps dans le SGRH [Système de gestion des ressources humaines] […] », comme il lui permettait jadis de faire.

[8] Aux fins de la décision relative à l’objection et à la demande de prorogation du délai à cette étape préliminaire de la procédure, j’ai considéré les allégations factuelles de la fonctionnaire comme vraies. Elle affirme qu’elle s’est blessée au travail. On ignore la date de cette blessure. Elle soutient qu’elle a signalé l’incident à la direction et qu’elle a rempli les formulaires nécessaires pour permettre au défendeur de signaler l’incident et d’amorcer une demande auprès de la Commission des accidents du travail (« CAT »). Elle allègue que le défendeur n’a pas signalé l’incident et déposé les documents, ce qui l’a empêchée de présenter une demande auprès de la CAT en raison de la négligence du défendeur. Pendant plusieurs années après sa blessure, le défendeur lui a permis de prendre un congé pour accident de travail plutôt que de l’obliger à prendre un congé de maladie. Le congé pour accident de travail pris n’était pas saisi dans le SGRH.

[9] Dès septembre 2016, la fonctionnaire a été informée que le défendeur souhaitait qu’elle cesse de présenter son congé comme congé pour accident de travail et qu’elle le présente comme un congé de maladie.

[10] Le 7 février 2018, la fonctionnaire a assisté à une réunion au cours de laquelle elle a été informée qu’à partir de ce moment, elle était tenue de présenter son congé en tant que congé de maladie et qu’elle ferait l’objet de mesures disciplinaires si elle ne se conformait pas à ces exigences. Elle a envoyé un courriel à son gestionnaire et a demandé d’obtenir la décision par écrit.

[11] Le 9 février 2018, la fonctionnaire a reçu la réponse suivante de son superviseur :

[Traduction]

Je comprends votre frustration. Je la comprends vraiment. Mais, en résumé, je n’ai pas le pouvoir de vous accorder des congés gratuits tous les jours, peu importe à quel point je juge que vous le méritez. Si la GRC n’a pas fait ce qu’elle devait faire et que vous avez droit à une mesure d’adaptation ou à une indemnisation quelconque, j’espère sincèrement que vous l’obtiendrez. Cependant, cela ne viendra pas de qui que ce soit à mon niveau.

 

[12] La fonctionnaire fait valoir qu’après avoir reçu la réponse écrite de son superviseur, elle a pris des mesures afin de trouver le membre de la direction ayant le pouvoir décisionnel du niveau suivant afin qu’elle puisse présenter sa demande à une personne ayant le pouvoir de l’accorder. Le 5 mars 2018, elle a envoyé un courriel à cette personne afin de demander l’autorisation de continuer de se prévaloir du congé pour accident de travail.

[13] Le 29 mars 2018, n’ayant reçu aucune réponse et [traduction] « […] craignant que si elle attendait encore [avant d’obtenir une réponse], elle n’ait plus le temps de déposer son grief », la fonctionnaire a déposé un grief.

[14] Le défendeur a rejeté le grief au motif qu’il était hors délai à tous les niveaux de la procédure de règlement des griefs. Il fait valoir qu’à compter du 7 février 2018, la fonctionnaire avait eu connaissance de l’action qui avait donné lieu à son grief. Selon la clause 18.15 de la convention collective, elle avait 25 jours à compter de cette date pour déposer son grief. Il a été déposé des semaines après le délai prévu dans la convention collective.

[15] La fonctionnaire fait valoir que son grief respecte le délai s’il est évalué en fonction de la date à laquelle elle a envoyé sa demande à un membre de la direction ayant le pouvoir de l’approuver, c’est-à-dire le 5 mars 2018. Elle fait valoir qu’une fois que son superviseur l’a informée qu’il n’avait pas le pouvoir d’accepter sa demande de mesure d’adaptation, elle a agi de façon raisonnable en présentant sa demande à une personne ayant le niveau de pouvoir requis. Elle a fait preuve de diligence dans ses efforts afin de trouver cette personne et il était justifié qu’elle attende pendant une période raisonnable pour obtenir une réponse.

[16] Si la Commission conclut que le grief est hors délai, la fonctionnaire demande une prorogation du délai en vertu de l’article 61 du Règlement. Elle soutient que son grief est fondé, qu’elle a fait preuve de diligence dans l’application de ses droits et qu’elle avait le droit de tenter d’obtenir une réponse définitive du défendeur avant de déposer son grief. Le retard de plus de deux semaines à présenter son grief est attribuable aux efforts qu’elle a déployés pour obtenir une décision d’un gestionnaire ayant le pouvoir d’accepter sa demande. De plus, elle fait valoir que l’injustice dont elle serait victime si elle ne pouvait pas poursuivre son grief à l’arbitrage l’emporterait sur le préjudice causé au défendeur si une prorogation du délai était accordée. Le défendeur ne serait pas désavantagé par sa capacité de présenter ses arguments ou de convoquer des témoins.

[17] Comme il a déjà été mentionné, le défendeur n’a pas présenté d’arguments écrits relativement à la demande de prorogation du délai de la fonctionnaire.

III. Analyse

A. Respect des délais

[18] La fonctionnaire invite la Commission à interpréter les faits du présent cas d’une manière similaire à l’interprétation qu’elle a adoptée dans Chalmers c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2021 CRTESPF 63, et à conclure que le grief respecte les délais.

[19] La décision Chalmers est différente du présent cas.

[20] Dans Chalmers, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à son employeur de réexaminer une décision antérieure concernant son admissibilité au congé parental à la lumière d’un nouveau développement important. On l’avait également informée que l’employeur attendait une interprétation officielle de la convention collective, sur laquelle il s’appuierait pour son réexamen.

[21] Devant la Commission, les parties dans ce cas ne s’entendaient pas sur la mesure qui avait déclenché le grief, et une objection a été soulevée concernant le respect des délais. L’employeur a soutenu que la période de 25 jours pour présenter un grief avait commencé à courir dès qu’il avait indiqué à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il ne croyait pas qu’elle avait droit à un congé parental. La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que le délai avait commencé à courir seulement à la date à laquelle elle avait été informée de la réponse définitive de l’employeur, c’est-à-dire après avoir reçu une interprétation de la convention collective du Conseil du Trésor.

[22] La Commission a conclu qu’il était raisonnable pour la fonctionnaire s’estimant lésée d’attendre une réponse définitive de son employeur avant de déposer un grief parce que la position de l’employeur aurait pu changer. Cette conclusion était fondée sur des faits précis et reposait sur des éléments de preuve d’une nouvelle évolution importante récemment portés à l’attention de l’employeur ainsi que sur la conclusion de la Commission selon laquelle l’employeur avait amené la fonctionnaire s’estimant lésée à croire qu’il attendait une interprétation définitive de la convention collective, ce qui pouvait influer sur sa décision.

[23] Contrairement à Chalmers, dans le présent cas, l’employeur n’a pas déployé d’efforts continus pour examiner et réexaminer une position antérieure. En outre, il n’est pas raisonnable de dire que la fonctionnaire attendait une réponse définitive de son employeur. Peut-être était-elle en désaccord avec celle-ci, mais elle avait reçu la décision claire et définitive du défendeur le 7 février 2018. Même si son superviseur lui a dit qu’il n’avait pas le pouvoir d’accepter sa demande de mesure d’adaptation, on ne peut pas dire que sa réponse a créé une attente légitime qu’une décision différente allait ou pouvait être rendue si la demande de la fonctionnaire était présentée à une personne ayant un niveau de pouvoir supérieur.

[24] Dans le présent cas, on ne peut pas dire que la fonctionnaire avait une attente semblable à celle dont l’existence a été prouvée dans Chalmers. Insatisfaite de la décision du défendeur et de la réponse reçue de son superviseur, la fonctionnaire a décidé de retarder la présentation d’un grief pendant qu’elle cherchait un décideur ayant un plus grand pouvoir. Ses arguments écrits indiquent qu’elle était consciente de l’importance de respecter les délais pour présenter un grief. Sa décision d’attendre et de poursuivre d’autres voies de recours l’a amenée à déposer son grief plus de deux semaines après la limite de 25 jours.

[25] Je n’accepte pas l’invitation de la fonctionnaire à me fonder sur l’analyse présentée dans Chalmers afin d’utiliser la date du 5 mars 2018 comme point de départ pour calculer la période de 25 jours et pour rendre une décision quant au respect des délais.

[26] La fonctionnaire a été informée de la décision du défendeur concernant son admissibilité au congé le 7 février 2018. Cette décision était définitive et entrait en vigueur immédiatement. C’est la source du grief dont la Commission est saisie en l’espèce. Le délai de 25 jours établi dans la convention collective doit être calculé à partir du 7 février 2018. Si la fonctionnaire avait voulu poursuivre ses efforts visant à obtenir une décision favorable de la part d’un autre décideur employé par le défendeur, il aurait été plus sage de protéger d’abord ses droits en déposant un grief.

[27] Les fonctionnaires s’estimant lésés ne peuvent pas décider eux-mêmes de ne pas tenir compte des délais établis dans une convention collective pour demander une décision à un autre décideur. Il irait à l’encontre de la convention collective et de l’esprit et à l’intention de la Loi d’accepter une telle thèse.

[28] La raison d’être de la procédure interne de règlement des griefs énoncée dans la convention collective est de fournir un mécanisme par lequel une contestation de la décision ou de l’action d’un employeur est soumise aux fins d’examen et de réexamen par des personnes ayant un pouvoir de plus en plus important. Si elle avait déposé son grief dans les 25 jours suivant la date à laquelle elle a été informée de la décision du défendeur du 7 février 2018, la fonctionnaire aurait obtenu ce qu’elle avait demandé, à savoir des décisions concernant sa demande de mesure d’adaptation de la part de personnes ayant des niveaux de pouvoir croissants. Malheureusement, elle ne l’a pas fait.

[29] Le grief est hors délai.

B. La demande de prorogation du délai

[30] Conformément à l’alinéa 61b) du Règlement, la Commission peut, par souci d’équité, accorder une prorogation du délai prescrit par une procédure de grief énoncée dans une convention collective pour la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable.

[31] Le délai de 25 jours prévu dans la convention collective a été négocié par les parties à cette convention. L’alinéa 61b) du Règlement permet à la Commission de proroger ce délai; toutefois, la prorogation des délais établis dans une convention collective devrait demeurer l’exception. Ces demandes sont accueillies avec parcimonie afin de ne pas déstabiliser le régime de relations de travail créé par la Loi et l’entente entre les parties (voir Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 31).

[32] La décision Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, énonce les critères qui guident la Commission lorsqu’elle examine les demandes présentées aux termes de l’article 61 du Règlement. Ces critères sont les suivants :

le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;

la durée du retard;

la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;

l’équilibre entre l’injustice causée au fonctionnaire s’estimant lésé et le préjudice que subit le défendeur si la prorogation est accordée;

les chances de succès du grief.

 

[33] Tous les critères n’ont pas nécessairement à avoir un poids égal lorsqu’il s’agit de décider si la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire et accorder une prorogation du délai. Ils peuvent être appliqués de façon souple, en fonction des faits et par souci d’équité. Ce sont les circonstances d’un cas qui déterminent l’importance à accorder à l’un ou l’autre des cinq critères.

[34] Le premier critère est un point de départ important. Si l’on considère la prorogation d’un délai comme une exception à la convention collective conclue par les parties, on accorderait rarement une prorogation par souci d’équité en l’absence d’une raison claire, logique et convaincante justifiant retard.

[35] La fonctionnaire a justifié le retard. Cependant, la raison n’est pas logique et convaincante. Elle n’allègue pas une erreur, un oubli ou une ignorance du processus. Dans ses arguments écrits, elle indique qu’elle savait qu’elle était liée par un délai pour déposer son grief. Ce retard était plutôt attribuable à sa décision de retarder délibérément le dépôt d’un grief pendant qu’elle demandait à un décideur ayant un niveau de pouvoir supérieur.

[36] Les circonstances ne justifiaient pas une telle ligne de conduite. Comme il a été expliqué précédemment, je ne peux conclure qu’il était raisonnable pour elle de retarder le dépôt de son grief; je ne peux pas non plus conclure que la réponse de son superviseur a créé une attente légitime qu’une décision différente allait ou pouvait être rendue si la demande de la fonctionnaire était présentée à une personne ayant un niveau de pouvoir supérieur.

[37] Dans les circonstances du présent cas, le fait de conclure que la raison invoquée par la fonctionnaire est logique et convaincante aux fins de l’octroi d’une prorogation du délai approuverait un contournement délibéré de la procédure de règlement des griefs négociée par les parties. Cela irait également à l’encontre de l’objectif législatif visant à assurer le règlement efficace des différends relatifs aux conditions d’emploi, tel qu’il est énoncé dans le préambule de la Loi.

[38] Le critère de diligence raisonnable énoncé dans Schenkman n’est pas favorable non plus à la fonctionnaire.

[39] En ce qui concerne les allégations factuelles que la fonctionnaire a formulées, il m’est impossible de conclure qu’elle a agi avec diligence raisonnable. Elle savait qu’il y avait un délai pour déposer un grief et ne prétend pas qu’elle ignorait que ce délai était de 25 jours.

[40] Au lieu de déposer son grief peu de temps après la réunion au cours de laquelle elle a été informée de la décision du défendeur et donc de protéger ses droits, elle a cherché un autre décideur. Rien n’indique qu’elle a rapidement communiqué avec son agent négociateur pour obtenir des conseils sur la façon de procéder. Il convient de mentionner qu’il a fallu 18 jours ouvrables à la fonctionnaire pour trouver le décideur à qui elle enverrait sa demande de réexamen et de mesure d’adaptation. Elle n’a fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles il lui a fallu 18 jours pour trouver une personne ayant un plus grand pouvoir de décision. Après avoir communiqué avec cette personne, elle a attendu 17 jours ouvrables supplémentaires pour obtenir une réponse avant de déposer son grief. Ce n’est que lorsqu’elle a compris qu’il était possible qu’aucune décision ne soit rendue et qu’elle a commencé à s’inquiéter de ne pas respecter le délai qu’elle a déposé son grief.

[41] On ne peut pas dire qu’elle a fait preuve de diligence dans l’exercice de ses droits conformément à la procédure de règlement des griefs énoncée dans la convention collective. Il est un principe bien reconnu en matière de relations de travail que lorsqu’une procédure de règlement des griefs officielle existe et est assujettie à une extinction normative, une partie doit protéger son droit officiel en déposant un grief avant d’emprunter d’autres voies ou des voies informelles en vue de régler un différend (voir Pomerleau c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international), 2005 CRTFP 148).

[42] En ce qui concerne les autres critères énoncés dans Schenkman, je suis d’avis que la durée du retard n’est pas insurmontable. Il est d’un peu plus de deux semaines.

[43] Il m’est impossible, à cette étape de la procédure, de tirer une conclusion quant à la chance de succès du grief.

[44] Le préjudice causé à la fonctionnaire serait sans doute plus grand que celui causé au défendeur si la prorogation du délai était refusée. Toutefois, dans les circonstances du présent cas, la raison du retard et l’absence de diligence raisonnable de la part de la fonctionnaire font pencher la balance en son désavantage.

[45] Après avoir pondéré les critères énoncés dans Schenkman dans le présent cas, je crois qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’équité de proroger le délai prévu dans la convention collective pour déposer un grief. La fonctionnaire n’a pas présenté une raison claire, logique et convaincante pour justifier le retard. Son manque de diligence raisonnable à l’égard du grief est un autre facteur qui m’amène à conclure qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’équité d’accorder une prorogation du délai.

[46] J’accepte l’objection de l’employeur en raison du retard et rejette la demande de prorogation du délai présentée par la fonctionnaire.

[47] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[48] L’objection du défendeur quant au respect des délais est accueillie.

[49] La demande de prorogation du délai présentée par la fonctionnaire est rejetée.

[50] J’ordonne la fermeture du dossier de grief portant le numéro 566-02-43847.

Le 16 mai 2022.

Traduction de la CRTESPF

Amélie Lavictoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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