Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief à l’égard de son renvoi en cours de stage – l’employeur avait déterminé qu’il ne convenait pas à un emploi d’agent correctionnel – l’employeur a soulevé une objection préliminaire à l’arbitrage du grief – la Commission a noté que, bien qu’elle n’ait pas compétence pour enquêter sur les licenciements effectués en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), y compris les licenciements pendant la période de stage, elle peut examiner les allégations qui, si elles sont prouvées, démontreraient que le renvoi en cours de stage a été fait d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi – l’employeur a établi les éléments nécessaires pour licencier le fonctionnaire s’estimant lésé pendant la période de stage – les allégations du fonctionnaire s’estimant lésé, pour leur part, même si elles avaient été acceptées, ne présentaient pas une cause défendable selon laquelle, en fait, le renvoi en cours de stage était une imposture ou un camouflage visant à dissimuler un licenciement illégal.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20220601

Dossier: 566-02-42395

 

Référence: 2022 CRTESPF 44

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

ENTRE

 

NATHAN HOLOWATY

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

 

Répertoriée

Holowaty c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Edith Bramwell, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui-même

Pour le défendeur : Zackary Campbell, coordonnateur des griefs

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 11 et 19 mai 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

[1] Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Nathan Holowaty, a été embauché comme agent correctionnel (poste classifié au groupe et au niveau CX-01) au Service correctionnel du Canada (SCC). Aux fins de la présente décision, le terme « employeur » désigne le SCC, à qui le Conseil du Trésor a délégué ses pouvoirs d’employeur.

[2] Avant que le fonctionnaire ait terminé sa période de stage d’un an, le SCC a déterminé qu’il n’était pas apte à être employé comme agent correctionnel et l’a licencié.

[3] Le fonctionnaire s’est plaint de son renvoi en cours de stage, affirmant qu’il était injuste, injustifié et non fondé. Il a affirmé que son gestionnaire n’avait soulevé aucune préoccupation au sujet de son rendement au travail. L’employeur a rejeté le grief.

[4] Le fonctionnaire a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») aux fins d’arbitrage. L’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence de la Commission d’entendre le grief parce qu’il porte sur un renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire a déposé des arguments écrits détaillés en réponse à l’objection soulevée par l’employeur.

[5] Pour les motifs qui suivent, l’objection de l’employeur est accueillie. Je conclus que même si les faits allégués par le fonctionnaire dans son grief et ses arguments sont acceptés comme vrais, il n’a pas présenté une cause défendable selon laquelle la Commission a compétence pour entendre son grief.

II. Principes juridiques applicables aux renvois en cours de stage

[6] Avant de me pencher sur les arguments des parties, je pense qu’il serait utile de préciser les principes juridiques qui s’appliquent aux renvois en cours de stage dans l’administration publique centrale.

[7] La Commission est souvent appelée à déterminer si elle a compétence pour trancher les griefs déposés par des employés dont l’emploi a pris fin pendant leur période de stage. L’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») énonce les types de griefs qui peuvent être renvoyés à la Commission, qui peuvent comprendre certains licenciements. Toutefois, comme indiqué par la Cour d’appel fédérale dans sa récente décision Canada (Attorney General) v. Alexis, 2021 FCA 216, la Commission n’a pas compétence pour enquêter sur les licenciements effectués aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP ») conformément à l’alinéa 211a) de la Loi, qui stipule ce qui suit :

211 Les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […]

211 Nothing in section 209 or 209.1 is to be construed or applied as permitting the referral to adjudication of an individual grievance with respect to

(a) any termination of employment under the Public Service Employment Act ….

 

 

[8] La LEFP traite du licenciement par le recours au stage. En particulier, l’alinéa 62(1)a) prévoit que l’administrateur général d’une organisation relevant de l’administration publique centrale a le droit de mettre fin à la période de stage d’un employé, comme l’établit le Conseil du Trésor :

62 (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

Indemnité tenant lieu de préavis

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

62 (1) While an employee is on probation, the deputy head of the organization may notify the employee that his or her employment will be terminated at the end of

(a) the notice period established by regulations of the Treasury Board in respect of the class of employees of which that employee is a member, in the case of an organization named in Schedule I or IV to the Financial Administration Act, or

(b) the notice period determined by the separate agency in respect of the class of employees of which that employee is a member, in the case of a separate agency to which the Commission has exclusive authority to make appointments,

and the employee ceases to be an employee at the end of that notice period.

Compensation in lieu of notice

(2) Instead of notifying an employee under subsection (1), the deputy head may notify the employee that his or her employment will be terminated on the date specified by the deputy head and that they will be paid an amount equal to the salary they would have been paid during the notice period under that subsection.

 

 

[9] En dépit de cet obstacle apparent à la compétence de la Commission en ce qui concerne les griefs de licenciement des employés en stage, la jurisprudence reconnaît depuis longtemps que la Commission a compétence pour examiner les allégations qui, si elles étaient prouvées, démontreraient que le renvoi en cours de stage a été fait de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (voir, par exemple, Wrobel c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2021 CRTESPF 14; Rouet c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 59, au par. 305; Reeves c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 61; Ontario Northland Transportation Commission v. Teamsters Canada Rail Conference Maintenance of Way Employees Division, 2020 CanLII 107424, au par. 62; Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, au par. 109). Comme indiqué ci-dessous, dans Tello :

[…]

[109] […] Dans Penner, à la page 438, la Cour fédérale du Canada faisait référence à « […] une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé ». Les arbitres de grief ont généralement statué qu’un employeur du secteur privé doit avoir un pouvoir discrétionnaire important pour effectuer cette évaluation et un arbitre de grief ne doit pas annuler la décision d’un employeur sauf si la décision est arbitraire, discriminatoire ou rendue de mauvaise foi […]

[110] Si un administrateur général renvoie un employé en cours de stage sans égard à l’objet de la période de stage — autrement dit, si la décision ne repose pas sur l’aptitude de l’employé à occuper un emploi de façon continue — cette décision est arbitraire et peut également être prise de mauvaise foi. Dans un tel cas, le licenciement n’est pas conforme à la nouvelle LEFP.

[…]

 

[10] Tout licenciement arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi ne peut être qualifié adéquatement de renvoi en cours de stage aux termes de l’art. 62 de la LEFP et peut être tranché par la Commission en vertu de l’art. 209 de la Loi. Il convient de noter qu’il n’est pas nécessaire de présenter des allégations de mauvaise foi afin d’établir une cause défendable en ce qui concerne un renvoi en cours de stage; il est bien établi dans la loi qu’il peut y avoir discrimination et arbitraire, même en l’absence d’intention ou de mauvaise foi. Comme la Cour d’appel fédérale l’indique au paragraphe 8 de la décision Alexis, la Commission a également compétence pour entendre les allégations selon lesquelles un prétendu renvoi en cours de stage était en fait un subterfuge ou un camouflage.

[11] Le renvoi en cours de stage se caractérise par les quatre éléments suivants :

l’employé était en période de stage;

la période de stage de l’employé était encore en vigueur au moment du licenciement;

un avis ou une indemnité a été fourni;

le licenciement est attribuable aux préoccupations liées à l’emploi quant au caractère adéquat de l’employé.

 

[12] Les motifs du licenciement liés à l’emploi sont habituellement énoncés dans la lettre de licenciement de l’employé en stage (voir Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, aux paragraphes 12 et 46, et Tello, au par. 111). Lorsque les quatre éléments décrits au dernier paragraphe sont présents, il y a présomption que le licenciement était en fait un renvoi en cours de stage et, par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour trancher l’affaire.

[13] Pour que la Commission ait compétence pour entendre une affaire de renvoi en cours de stage dans de telles circonstances, l’employé doit présenter des allégations factuelles qui, si elles sont prouvées, établiraient que le licenciement était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (y compris un subterfuge ou un camouflage, selon Alexis, au par. 9, et Tello, aux paragraphes 109 et 111). Si le fonctionnaire présente des allégations qui, si elles sont prouvées, montreraient que les prétendues raisons liées à l’emploi n’étaient pas celles qui sous-tendent le licenciement, le fonctionnaire devra prouver l’existence d’une cause défendable. La Commission peut avoir compétence sur la question et examiner les allégations du fonctionnaire.

[14] Comme le fait remarquer la Cour au paragraphe 10 de la décision Alexis, cette approche est semblable à celle appliquée par les arbitres du travail dans le secteur privé. Dans le secteur public fédéral et dans le secteur privé, les employeurs disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour évaluer l’aptitude des employés en stage, et il y a peu de marge de manœuvre pour examiner leurs décisions.

[15] Dans le présent cas, le fonctionnaire fait valoir que l’employeur a invoqué de façon factice la LEFP afin de le licencier et qu’en fait, le renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage visant à dissimuler un licenciement par ailleurs illégal. Afin que la Commission ait compétence pour entendre ce grief de licenciement, le fonctionnaire doit alléguer des faits qui, s’ils étaient prouvés, montreraient que l’employeur a invoqué fictivement la LEFP ou que le renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage. Cela établirait une cause défendable.

III. L’employeur a-t-il établi les quatre éléments requis pour licencier le fonctionnaire pendant la période de stage?

[16] L’objection de l’employeur à la compétence comprenait une copie de la lettre de licenciement envoyée par Darcy Emann, directeur du Centre psychiatrique régional des Prairies du SCC, du 16 septembre 2020, qui informait le fonctionnaire de son renvoi en cours de stage. On y indique que le fonctionnaire s’est vu offrir un poste de CX-1 pour une période indéterminée à cet établissement le 10 décembre 2019 et que la nomination est entrée en vigueur le 19 décembre 2019. L’offre précisait qu’il serait tenu de terminer une période de stage d’un an et indiquait que les périodes de stage permettent d’évaluer le rendement et la conduite d’un employé après sa nomination à un poste de l’extérieur de la fonction publique.

[17] La lettre du 16 septembre 2020 confirme que le fonctionnaire était un employé en période de stage qui était toujours en stage à la date de son licenciement. La même lettre l’informe qu’il recevrait une rémunération de deux semaines tenant lieu d’avis de licenciement. Ainsi, les trois premiers éléments requis pour un renvoi en cours de stage sont établis. Le fonctionnaire ne conteste pas ces éléments.

[18] En ce qui concerne le quatrième élément, M. Emann a déclaré dans la lettre que la décision de licencier l’employé entrait en vigueur le 16 septembre 2020 et qu’elle avait été prise pour les raisons suivantes :

[Traduction]

[…]

En prenant ma décision, j’ai examiné les qualifications essentielles de votre poste, qui indiquent clairement les attentes. En prenant ma décision, j’ai pris en considération les facteurs suivants :

Vous n’avez pas démontré les compétences « réflexion approfondie » et « faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action », malgré les efforts de la direction pour vous fournir la formation requise, des services de counseling continus et des directives. Il y a des préoccupations au sujet de votre aptitude à satisfaire à toutes les exigences décrites dans la description de travail et votre entente de rendement et de votre capacité à respecter les politiques, les procédures et les pratiques. Plus précisément, votre capacité de respecter la Directive du commissaire (DC) 566-4 Dénombrements et patrouilles de sécurité, et l’ordre permanent 567-5 (Utilisation des armes à feu au CPR : Procédures de changement, contrôle des armes à feu et des munitions, évaluation de la menace et de risques et chambres portatives de démonstration).

Après avoir examiné tous les éléments ci-dessus, j’ai conclu que vous n’êtes pas apte à être employé comme agent correctionnel (CX-01) au Service correctionnel du Canada et je n’ai donc d’autre choix que de vous renvoyer en cours de stage.

[…]

 

[19] Le fonctionnaire a déposé un grief contre cette décision le 22 octobre 2022. L’exposé de son grief se lit comme suit :

[Traduction]

Je conteste la décision de l’employeur du 16 septembre 2020 de mettre fin à mon emploi au SCC. Selon moi, cette décision est injuste, injustifiée et non fondée en fait et en droit. Lorsque j’ai rencontré mon gestionnaire correctionnel avant cette décision, il m’a dit que mon rendement au travail ne soulevait aucune préoccupation, ce qui, à mon avis, témoignait des progrès que j’avais accomplis. De plus, malgré le fait que l’employeur a laissé entendre que j’étais inapte et incompétent pour le poste, on m’a laissé travailler jusqu’à 15 h (presque à la fin de mon quart de travail) avant de me dire qu’on me licenciait. Lorsque j’ai demandé des exemples précis pour comprendre les motifs énumérés dans la lettre de décision de l’employeur, celui-ci était soit réticent, soit incapable de m’en fournir.

 

MESURES CORRECTIVES DEMANDÉES

Je demande que l’on me ramène immédiatement au travail et que l’on me rembourse. Je demande le paiement rétroactif de toutes les sommes d’argent, y compris le salaire, les rajustements de pension, les cotisations au Régime de pensions du Canada, les heures supplémentaires, les primes de poste et de fin de semaine, l’indemnité de CX, les heures de remplacement, l’accumulation de congés de maladie et annuels et toutes les autres avantages sociaux que j’ai perdus, en plus de l’indemnisation pour avantages sociaux perdus que j’ai subie à la suite de la décision de l’employeur, toutes avec les intérêts prévus par la loi. Je demande que ce licenciement soit retiré de mon dossier et que je reçoive des excuses écrites pour la façon dont mon dossier a été traité, comme le fait de me laisser travailler pratiquement jusqu’à la fin de mon quart avant de me licencier et de me laisser croire que mon rendement ne soulevait aucune préoccupation à peine quelques semaines avant mon licenciement. Je demande que ce grief soit transmis directement au troisième palier.

 

 

[20] La réponse de l’employeur au grief a été signée par M. Emann le 3 novembre 2020. Il a fait remarquer qu’une consultation a eu lieu avec le fonctionnaire et son représentant de l’agent négociateur le 29 octobre 2020. Après avoir exposé le grief en entier, M. Emann a fourni les motifs suivants à son rejet :

[Traduction]

[…]

 

On a expliqué à votre représentant syndical avant la consultation sur le grief que ce grief serait entendu au deuxième palier.

Lors de la consultation sur le grief, vous avez déclaré qu’on vous avait dit à divers moments, y compris récemment, que votre rendement ne posait aucun problème et que vous estimiez que votre rendement s’améliorait.

J’en ai discuté avec vous dès le début de votre emploi; les problèmes de rendement étaient évidents et exigeaient à la direction de mettre en œuvre des séances supplémentaires d’encadrement en cours d’emploi. Vous avez obtenu une note réussi (-) à votre évaluation du rendement et le plan de gestion du rendement a été mis en œuvre en avril 2020.

Les préoccupations concernant votre rendement ont continué d’être portées à l’attention de la direction. Plusieurs préoccupations vous ont été présentées les 1er et 17 juin 2020, et des courriels vous ont été envoyés à la suite de ces réunions. Ces préoccupations portaient entre autres sur le contrôle des outils, le fait que vous vous soyez presque enfermés à clé, vous et un autre agent, dans une cellule avec un détenu, et le fait que vous avez ouvert de mauvaises portes à panneaux. Un incident survenu le 16 juin 2020 a soulevé des préoccupations concernant votre manipulation d’armes à feu. D’autres préoccupations ont été portées à l’attention de la direction le 14 juillet 2020 au sujet de votre supervision d’un détenu. Ces préoccupations vous ont également été présentées lors d’une réunion et d’un courriel daté du 15 juillet 2020.

À la suite de ces problèmes de rendement continus, en juin 2020, on vous a confié des tâches propres au rôle d’agent correctionnel pour lesquelles vous ne travailliez pas de façon indépendante ou sans supervision de la part d’autres personnes. Comme il a été expliqué lors de la consultation sur le grief, la direction a alors pris les mesures nécessaires pour procéder à un examen de votre situation en vue d’un renvoi en cours de stage.

Vous avez soulevé des préoccupations au sujet de la lettre de décision indiquant des préoccupations au sujet des compétences « faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action », car vous ne croyez pas que cette évaluation est équitable. Dans le contexte de cette décision, vous avez été encadré et avez participé à des discussions continuellement dans le cadre du processus du plan d’action depuis votre nomination. Malheureusement, vous continuez d’avoir du mal à retenir et à mettre en œuvre ce qu’on vous avait dit, ce qui démontre votre incapacité d’avoir une réflexion approfondie. Malgré le temps considérable passé à vous encadrer et à vous formuler des commentaires, vous n’avez pas pris les mesures ou eu l’initiative nécessaires pour améliorer votre rendement dans la mesure requise, ce qui démontre que vous ne respectez pas la compétence « faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action ».

Il est clair que, malgré les tentatives déployées par la direction afin de vous encadrer et de vous conseiller en ce qui a trait à votre rendement, des préoccupations ont continué d’être soulevées au point qu’il était nécessaire de prendre la décision de vous renvoyer en cours de stage. Vous avez soulevé des préoccupations quant au fait que nous ayons attendu jusqu’à la fin de votre quart le 16 septembre 2020 pour vous informer de la décision. Cette réunion s’est tenue en fonction des disponibilités du calendrier et la décision a été communiquée rapidement une fois parachevée.

Compte tenu des renseignements susmentionnés, je dois vous informer que votre grief et les mesures correctives demandées sont rejetés.

 

[21] Comme il ressort de la lettre de licenciement et de la décision sur la réponse au grief, l’employeur a exposé une série de questions et de préoccupations graves au sujet du rendement du fonctionnaire pendant sa période de stage, notamment :

le contrôle des outils;

la manipulation des armes à feu;

le fait de s’être presque enfermé à clé avec un autre agent dans une cellule avec un détenu;

l’ouverture des mauvais panneaux de portes;

des préoccupations concernant la surveillance d’un détenu;

des préoccupations quant à sa capacité à faire preuve d’initiative et à être orienté vers l’action;

les difficultés à retenir et à mettre en application ce qu’on lui a dit;

l’incapacité d’avoir une réflexion approfondie;

le défaut de prendre les mesures ou eu l’initiative nécessaires pour améliorer son rendement dans la mesure requise.

 

[22] Certaines de ces préoccupations ont également été décrites comme des défauts du fonctionnaire de respecter la Directive du commissaire (DC) 566-4 Dénombrements et patrouilles de sécurité, et l’ordre permanent 567-5 (Utilisation des armes à feu au CPR : Procédures de changement, contrôle des armes à feu et des munitions, évaluation de la menace et de risques et chambres portatives de démonstration).

[23] Par conséquent, en ce qui concerne le quatrième élément, je suis convaincue que l’employeur a fourni une lettre détaillée au fonctionnaire précisant les motifs du licenciement liés à l’emploi. Ces motifs ont également été précisés dans la réponse au grief fournie par l’employeur. Le fonctionnaire n’a pas nié avoir reçu la lettre de licenciement et la réponse au grief.

IV. Les allégations du fonctionnaire, même si on les croyait, constituent-elles une cause défendable selon laquelle le renvoi en cours de stage était en fait un subterfuge ou un camouflage visant à dissimuler un licenciement illégal?

[24] La Commission a invité le fonctionnaire à fournir sa position en réponse à l’objection de l’employeur à l’égard de la compétence, et il a déposé des arguments écrits le 19 mai 2021. Il a parlé en détail des préoccupations que l’employeur avait soulevées au sujet de son rendement, en indiquant qu’il considère les plaintes contre lui comme insignifiantes et faciles à corriger et que beaucoup d’entre elles sont hors contexte.

[25] À titre d’exemple, il a écrit au sujet d’une plainte concernant sa capacité à effectuer une inspection de sécurité en sept points d’un pistolet. Alors qu’il chargeait une ronde dans la chambre, il n’était pas certain qu’elle entrait, et il a donc pensé qu’il était plus prudent d’éjecter les munitions et de les recharger. Il a reconnu que si une personne l’avait regardé, elle se serait peut-être demandé ce qu’il faisait et possiblement rapporté ce qu’il faisait, mais il a soutenu que ses actes étaient entièrement réfléchis et intentionnels, afin d’assurer le plus haut niveau de sécurité publique. S’il y avait des erreurs, elles étaient sans importance et faciles à corriger.

[26] Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas certain de ce qui constituait précisément une violation de la DC 566-4, mais il croit que cela pourrait être lié au fait qu’il a demandé où se trouvait une détenue alors qu’il prenait la relève d’un autre agent en poste, alors qu’il était évident que celle-ci était présente et dormait. Le fonctionnaire a expliqué qu’il ne l’a pas immédiatement vue parce qu’elle était dissimulée et soutient que, de toute façon, cette erreur de communication était très banale.

[27] En ce qui a trait à l’incident où il s’est presque enfermé à clé avec un autre agent dans une cellule avec un détenu, il a indiqué que la porte n’était même pas près de verrouiller ou d’être complètement fermée. Comme l’a déclaré le fonctionnaire dans son exposé du 19 mai 2021 à la Commission, il n’a pas réalisé à quel point cela avait rendu les autres agents nerveux, car il était un nouvel employé. Le fonctionnaire estime que cette plainte de l’autre agent était banale et qu’elle constituait pour lui une expérience d’apprentissage.

[28] Le fonctionnaire a reconnu qu’il devait apprendre d’autres choses. Il a oublié une fois de verrouiller toutes les cellules en effectuant un dénombrement le midi. Encore une fois, comme l’a déclaré le fonctionnaire dans son exposé du 19 mai 2021 à la Commission, il [traduction] « a reconnu » l’erreur et en a tiré les leçons. Ses actes n’ont eu aucune conséquence.

[29] Dans le même exposé, le fonctionnaire affirme qu’il a également reconnu son erreur lorsque des plaintes selon lesquelles il avait ouvert les mauvaises portes à panneaux avaient été formulées, au début de son emploi. Il a finalement appris à mieux faire fonctionner les portes, et à aucun moment il n’a ouvert une porte d’une manière qui a entraîné une situation ou un incident dangereux. Finalement, toute lacune qu’il avait eue a été corrigée.

[30] Le fonctionnaire a fait remarquer qu’après avoir fait l’objet d’un plan de gestion du rendement à la suite de l’examen initial des plaintes liées au travail à son encontre au cours de ses premiers mois au travail, il avait neuf éléments à améliorer et que, lors de ses dernières rencontres avec son gestionnaire, Todd Gaudet, on lui a dit qu’aucun problème dont M. Gaudet devait lui parler n’avait été soulevé. On a confirmé au fonctionnaire que M. Emann avait pris la décision de le renvoyer en cours de stage seul, sans consulter M. Gaudet, ce que le fonctionnaire juge injuste, car il estimait qu’il faisait de bons progrès par rapport à son plan.

[31] Le fonctionnaire a conclu ses arguments écrits en fournissant une série d’exemples illustrant ses bons coups pendant son emploi, y compris la découverte de contrebande lors d’une perquisition et l’initiative de fournir aux détenus leurs repas et de les emmener à l’extérieur pour le temps qui leur est alloué dans la cour, ce que d’autres agents avaient négligé de faire. Il a accompli son travail de son mieux, n’a jamais été en retard, n’a pris aucun congé et a établi un excellent rapport avec les détenus. Compte tenu de ses progrès, il a été choqué d’être licencié.

[32] Dans un courriel qu’il a envoyé le 10 mai 2021 à la Commission, dans lequel le fonctionnaire s’est surtout dit consterné que son agent négociateur ait retiré son appui à son grief, il a également soutenu que les erreurs énumérées dans la décision de M. Emann étaient mineures et qu’elles avaient été corrigées. Il a soutenu qu’il n’y avait pas de raison juste de le [traduction] « renvoyer ».

[33] D’après la lettre de l’employeur informant le fonctionnaire de son renvoi en cours de stage et dans sa décision de rejeter le grief, et d’après les déclarations du fonctionnaire dans ses arguments, il est évident qu’il a commis des erreurs au cours de son emploi qui, du moins du point de vue de l’employeur, n’ont jamais été corrigées de façon satisfaisante. La décision de la direction au grief en date du 3 novembre 2020 mentionne de multiples cas où le fonctionnaire a reçu des conseils relativement à son rendement. Il n’a pas contredit le contenu de ces documents. Dans la même décision, on indique qu’en juin 2020, on lui a assigné des tâches de sorte qu’il [traduction] « ne travaillait pas de façon indépendante ou sans supervision de la part d’autres », et la direction a alors pris des mesures pour procéder à un examen en vue d’un renvoi en cours de stage. Encore une fois, cette information n’est pas contredite. Le fonctionnaire peut prétendre qu’il progressait bien en ce qui a trait à l’amélioration de son rendement, mais il n’a pas nié que les incidents et les erreurs qui ont donné lieu à l’insatisfaction justifiée de l’employeur quant à son aptitude à l’emploi se soient produits. Ils constituent des motifs liés à l’emploi qui justifient le renvoi en cours de stage.

[34] Dans un courriel daté du 10 mai 2021, le fonctionnaire affirme que l’employeur n’avait pas de [traduction] « motif valable » de le licencier. Il n’est toutefois pas nécessaire d’avoir un motif valable pour licencier un employé en cours de stage. Aucun de ses arguments ou allégations ne laisse entendre que les motifs invoqués par l’employeur pour le renvoyer en cours de stage étaient fondés sur l’invocation factice de la LEFP afin de le licencier ou qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage visant à dissimuler autrement un licenciement illégal.

[35] La seule suggestion du fonctionnaire à cet effet se trouve dans le dernier paragraphe de ses arguments écrits du 19 mai 2021, où il déclare ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’étais très motivé de pouvoir travailler avec les délinquants et soutenir la mission du SCC. J’étais passionné par mon travail et je sentais que l’éthique de travail que j’ai apporté à l’organisation n’aurait pas dû être anéantie comme elle l’a été. Je crois que j’ai été traité de façon inacceptable dans la fonction publique fédérale canadienne et que mon renvoi était un subterfuge. Voilà les raisons pour lesquelles ma cause doit être entendue dans le processus d’arbitrage.

[Je mets en évidence]

 

[36] Outre l’affirmation sans équivoque dans la phrase mise en évidence selon laquelle le renvoi était un subterfuge, aucun fait allégué dans le grief ou dans les arguments du fonctionnaire ne laisse entendre que la décision de l’employeur était fondée sur autre chose que le mécontentement quant à son aptitude à l’emploi. Le fonctionnaire peut croire que ses erreurs et les plaintes formulées à son sujet étaient insignifiantes et qu’il était sur la bonne voie pour améliorer son rendement, mais l’employeur pensait manifestement le contraire. L’employeur a considéré les erreurs comme graves et le fonctionnaire n’a allégué aucun fait ou incident, même pour sous-entendre que la décision de l’employeur de le congédier pendant la période de stage était liée à des éléments autres que des raisons liées à l’emploi.

[37] En résumé, même si tous les faits allégués par le fonctionnaire sont considérés comme vrais, je conclus qu’il n’a pas présenté une cause défendable selon laquelle le renvoi en cours de stage était fondé sur une invocation factice de la LEFP ou qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage d’un licenciement par ailleurs injustifié.

[38] Par conséquent, l’art. 211 de la Loi s’applique et le grief ne peut être renvoyé à la Commission aux fins d’arbitrage.

[39] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[40] Le grief est rejeté.

Le 1er juin 2022.

Traduction de la CRTESPF

Edith Bramwell,

une formation de la Commission des relations de travail et

de l’emploi dans le secteur public fédéral

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