Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20220505

Dossiers: 566‑02‑11308 et 11309

 

Référence: 2022 CRTESPF 34

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Keith Herbert

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Commission des libérations conditionnelles du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Lui‑même

Pour le défendeur : Joel Stelpstra, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 18, 19, 21 et 22 février et les 12, 14, 15, 18, 25 et 27 mars 2022.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Keith Herbert, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était employé par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC ou l’« employeur ») en tant qu’analyste de la planification stratégique. Dans une lettre datée du 23 avril 2015, on lui a annoncé qu’il était licencié à compter du 22 mai 2015.

[2] Le 24 avril 2015, le fonctionnaire a déposé un grief contre le licenciement, alléguant qu’il avait été continuellement victime de discrimination de la part de l’employeur en raison de sa déficience, en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; LCDP) et de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (CT) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance ») pour le groupe Services des programmes et de l’administration, qui a été signée le 1er mars 2011 et a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective »). À titre de réparation, il réclame ce qui suit dans sa demande :

[Traduction]

[…]

· qu’il soit réintégré immédiatement;

· qu’il fasse l’objet de mesures d’adaptation conformément à la LCDP et à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale du Conseil du Trésor (la « politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation »);

· qu’il soit indemnisé pour toutes les pertes subies, y compris le salaire et les avantages, et toutes les dépenses supplémentaires qui ont découlé du licenciement;

· qu’il reçoive une indemnisation de 20 000 $ pour les préjudices moraux, psychologiques et physiques en raison de la négligence de l’employeur et qu’il reçoive une indemnisation supplémentaire de 20 000 $ pour la discrimination insouciante et délibérée qu’il a subie;

· que l’employeur soit responsable de toutes les répercussions fiscales découlant de toute indemnité accordée dans le cadre de la procédure de grief;

· qu’il soit indemnisé intégralement.

[…]

 

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005‑79) pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », ce qui comprend également ses prédécesseurs), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

[4] Avant son licenciement, le fonctionnaire avait renvoyé d’autres griefs à l’arbitrage devant la Commission (ou à un prédécesseur). J'ai entendu ces grief avec celui visant le licenciement. Après le témoignage à l’audience et au début de l’argumentation, le fonctionnaire a retiré les griefs figurant aux dossiers de la Commission 566‑02‑8688, daté du 2 août 2012; 566‑02‑8689, daté du 12 octobre 2012; 566‑02‑9976, daté du 20 décembre 2013; 566‑02‑11310, daté du 19 décembre 2014. En plus du grief visant le licenciement (les dossiers 566‑02‑11308 et 11309), ces retraits ont laissé les griefs suivants en suspens :

1. le dossier 566‑02‑8829, daté du 14 février 2013;

2. le dossier 566‑02‑8830, daté du 2 août 2012;

3. le dossier 566‑02‑10258, daté du 22 août 2014.

 

[5] Les parties ont demandé que l’audience soit scindée et que la réparation soit tranchée après le prononcé de ma décision sur la responsabilité. J’ai accueilli cette demande.

[6] J’ai entendu l’affaire du 4 au 8 janvier et le 17 janvier, du 8 au 10 août et les 1er et 2 novembre 2016. Le 11 septembre 2018, j’ai rendu une décision concernant les questions de responsabilité dans tous les griefs dont je suis saisi. J’ai rejeté les griefs dans les dossiers 566‑02‑8829, 8830 et 10258, et je les ai accueillis dans les dossiers 566‑02‑11308 et 11309 (voir Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2018 CRTESPF 76).

[7] Les dossiers 566‑02‑11308 et 11309 portent sur le même grief visant le licenciement du fonctionnaire. Tel qu’il est indiqué au paragraphe 383 de la décision 2018 CRTESPF 76, ce grief a été renvoyé à l’arbitrage pour deux motifs distincts, l’un concernant la décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire (en vertu du sous‑al. 209(1)c)(i) de la Loi) et l’autre concernant l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation en réponse à la déficience du fonctionnaire, ce qui était contraire aux articles 17 et 19 de la convention collective (en vertu de l’al. 209(1)a) de la Loi).

[8] Aucune demande de contrôle judiciaire de la décision 2018 CRTESPF 76 n’a été déposée devant la Cour d’appel fédérale (CAF).

[9] La présente décision porte sur la plus récente demande du fonctionnaire, qui souhaite la remise à une date ultérieure de la poursuite de l’audience prévue les 9, 10, du 16 au 20 mai et du 11 au 22 juillet 2022.

[10] Dans les différents documents qu’il a fait parvenir à la présidente de la Commission depuis le 18 février 2022, le fonctionnaire a énoncé six motifs pour justifier la remise à une date ultérieure des dates d’audience prévues :

· un membre des médias souhaite y assister;

· le fonctionnaire a discuté avec l’Association canadienne des libertés civiles, qui pourrait souhaiter agir comme intervenante;

· le sténographe judiciaire du fonctionnaire n’est pas disponible avant septembre 2022;

· le fonctionnaire souhaite obtenir une évaluation de l’aptitude au travail (EAT);

· le fonctionnaire est handicapé;

· le fonctionnaire n’est plus représenté par un conseiller juridique.

 

A. Contexte

[11] Pendant l’audience qui s’est déroulée devant moi en 2016, le fonctionnaire était représenté par un conseiller juridique dont les services avaient été retenus par l’Alliance.

[12] En contre‑interrogatoire, en août 2016, l’avocat de l’employeur a demandé au fonctionnaire de répondre à un certain nombre de questions sur les prestations d’invalidité qu’il avait pu recevoir avant de commencer à travailler à la CLCC. Le fonctionnaire a déclaré qu’en 2007 ou vers cette date, il avait reçu des prestations d’invalidité versées par le fournisseur d’assurance‑invalidité de l’employeur pendant environ un an, période pendant laquelle il ne travaillait pas. Selon ce qu’il avait compris, pour pouvoir retourner au travail, il devait être apte à le faire. Il s’est donc soumis à une EAT effectuée par Santé Canada.

[13] Au paragraphe 425 de la décision 2018 CRTESPF 76, j’ai ordonné aux parties de se consulter l’une l’autre dans les 15 jours suivant la date de la décision et de fournir au greffe de la Commission les dates auxquelles une audience supplémentaire pouvait avoir lieu concernant la question en suspens de la réparation.

[14] Les parties devaient discuter des dates auxquelles elles étaient toutes deux disponibles, ainsi que des questions relatives à la production de documents et aux témoins. Le 24 octobre 2018, l’avocat du fonctionnaire a envoyé un courriel au greffe de la Commission pour l’informer que lui et l’avocat de l’employeur avaient discuté de l’affaire, avaient demandé et obtenu des directives de leurs clients et avaient convenu qu’il y avait lieu de poursuivre la partie de l’audience consacrée à la réparation. Dans le courriel, il a déclaré qu’il était difficile d’estimer le temps qu’il faudrait pour mener l’audience, mais que de trois à cinq jours suffiraient probablement.

[15] Une conférence de gestion des cas (CGC) a eu lieu par téléphone le 2 novembre 2018. Il a alors été question de la date de poursuite de l’audience. Les parties devaient discuter des dates d’audience possibles et en informer le greffe de la Commission. Elles n’y sont malheureusement pas parvenues, et la procédure de détermination de ces dates s’est poursuivie au début de la nouvelle année, y compris une deuxième CGC qui a été tenue le 22 février 2019.

[16] Le 22 février 2019 et encore une fois les 8 et le 14 mars 2019, le greffe de la Commission a proposé aux parties des dates d’audience situées en mai, en septembre et en octobre 2019. Le 25 mars 2019, le greffe de la Commission a confirmé auprès des parties qu’elles étaient toutes deux disponibles pour que la partie de l’audience consacrée à la réparation puisse avoir lieu entre le 30 septembre et le 2 octobre et entre le 21 et le 23 octobre 2019.

[17] Le 27 juin 2019, le fonctionnaire a présenté une plainte contre son agent négociateur, alléguant un manquement au devoir de représentation équitable (la « plainte liée au devoir de représentation équitable »). Cette plainte, même si le fonctionnaire devait ensuite la retirer le 19 juillet 2019, dénonçait le fait que l’agent négociateur n’avait pas demandé une décision provisoire de la Commission concernant la réalisation d’une EAT par Santé Canada.

[18] En juillet 2019, le fonctionnaire a communiqué avec le greffe de la Commission et a présenté des demandes de renseignements concernant la poursuite de l’audience et à l’opportunité de le faire sans avocat, comme l’a indiqué son agent négociateur. Le greffe de la Commission a répondu à ces demandes de renseignements le 22 juillet 2019, déclarant notamment ce qui suit : [traduction] « Si vous envisagez que l’audience se poursuive sans l’aide de l’avocat assigné par votre agent négociateur, je vous encourage à solliciter des conseils juridiques indépendants. »

[19] Le 13 août 2019, l’avocat du fonctionnaire a demandé la notification de citations à comparaître pour deux témoins possibles, soit le psychologue et le psychiatre traitants du fonctionnaire. Les documents ont été produits et envoyés à l’avocat du fonctionnaire. Jointe à la demande était une brève déclaration concernant la preuve au sujet de laquelle ces deux professionnels de la santé témoigneraient.

[20] Le 30 août 2019, un « avis d’audience » faisant état des dates d’audience du 30 septembre au 2 octobre 2019 a été produit et envoyé aux parties. Le 12 septembre 2019, le greffe de la Commission a reçu une lettre dans laquelle Howard Markowitz, un avocat de Toronto (Ontario), disait agir désormais comme avocat du fonctionnaire et demandait la remise à une date ultérieure des jours d’audience en septembre et en octobre 2019.

[21] Après cette demande, j’ai demandé au greffe de la Commission d’étudier les dates et les heures possibles aux fins d’une autre CGC par téléphone. Le 19 septembre 2019, les parties ont été informées de mes disponibilités et il a été établi que la CGC aurait lieu le 25 septembre 2019, à 11 h 30 (HAE) ou à 8 h 30 (HAP), étant donné que j’instruisais une affaire en Colombie‑Britannique cette semaine‑là.

[22] Le 24 septembre 2019, à 18 h 7 et à 18 h 9 respectivement, Me Markowitz a acheminé par courriel et par télécopieur deux documents totalisant 54 pages dactylographiées à simple interligne, intitulés [traduction] « DEMANDE QUE JOHN JAWORSKI SE RÉCUSE et DEMANDE QUE L’AUDIENCE AU SUJET DE LA RÉPARATION SOIT ENREGISTRÉE PAR UN PROFESSIONNEL » (la « demande de récusation ») et [traduction] « La litanie d’erreurs justifiant la demande de récusation de John Jaworski avant l’audience portant sur la réparation et que l’affaire Keith Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2018 CRTESPF 76, soit enregistrée par un sténographe judiciaire certifié pendant ladite audience » (la « litanie d’erreurs »).

[23] La CGC a eu lieu le 25 septembre 2019, à l’heure prévue. Il a été confirmé à ce moment‑là que même s’il représentait le fonctionnaire dans la poursuite de son grief, Me Markowitz n’avait pas reçu le dossier de grief de l’Alliance. J’ai accueilli la demande de remise à une date ultérieure de l’audience prévue le 30 septembre 2019.

[24] Il a été établi que l’audience aurait plutôt lieu du 5 au 8 mai 2020.

[25] Le 21 janvier 2020, Me Markowitz a écrit à la Commission pour lui demander, entre autres, de rendre une ordonnance provisoire exigeant que l’employeur réalise une EAT et prenne les mesures nécessaires pour rétablir la classification de sécurité du fonctionnaire.

[26] Dans une décision rendue le 16 mars 2020, j’ai rejeté la demande de récusation présentée par le fonctionnaire; voir Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2020 CRTESPF 28. Aucune demande de contrôle judiciaire de la décision 2020 CRTESPF 28 n’a été adressée à la CAF.

[27] À peu près au moment où j’ai rendu la décision 2020 CRTESPF 28, le confinement a été ordonné dans l’ensemble du pays en raison de la pandémie de COVID‑19. Par conséquent, la Commission a annulé toutes les audiences qui avaient été prévues jusque‑là (de mars à juillet 2020). Ces annulations incluaient la poursuite de l’audience du fonctionnaire, qui avait été prévue du 5 au 8 mai 2020.

[28] La Commission a recommencé à tenir des audiences à la fin août et au début septembre 2020, par l’entremise des plateformes de vidéoconférence Zoom et Microsoft Teams. Au moment de publier la présente décision, la Commission n’a pas encore repris les audiences en personne.

[29] Des discussions ont été tenues ente les parties et la Commission concernant la remise au rôle et la poursuite de l’audience et, le 30 juin 2020, de nouvelles dates d’audience ont été fixées du 26 au 30 octobre 2020.

[30] Le 15 juillet 2020, le fonctionnaire a envoyé à la présidente de la Commission une autre demande de récusation me concernant. Catherine Ebbs, présidente de l’époque (l’« ancienne présidente »), a rejeté cette demande dans une lettre datée du 6 août 2020 (la « lettre de décision du 6 août »). Elle y déclarait ce qui suit au dernier paragraphe : [traduction] « Toutefois, sauf instruction contraire venant de la Cour d’appel fédérale, Me Jaworski demeurera saisi des questions qui restent à trancher dans le cadre de l’affaire. Toute question liée à l’issue de la présente affaire doit être portée à son attention. »

[31] Aucune demande de contrôle judiciaire de la lettre de décision du 6 août n’a été présentée à la CAF.

[32] Le 13 août 2020, le fonctionnaire a déposé une demande afin que la lettre de décision du 6 août soit déposée auprès de la Cour fédérale en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. La demande a été traitée par la vice‑présidente de l’époque, Margaret Shannon, et a été refusée dans la décision Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2020 CRTESPF 89. Aucune demande de contrôle judiciaire de la décision 2020 CRTESPF 89 n’a été adressée à la CAF.

[33] Le 9 septembre 2020, Me Michel Girard, qui avait été l’avocat de l’employeur tout au long de l’affaire, a écrit à la Commission et à l’avocat du fonctionnaire pour les informer qu’il n’était plus l’avocat de l’employeur et a demandé que les dates d’audiences des 26 au 30 octobre 2020 soient remises pour permettre au nouvel avocat de se familiariser avec le dossier. Le fonctionnaire s’est opposé à la demande de remise au motif que le délai l’obligerait à demander des dommages et des dépens majorés. J’ai déterminé qu’une courte remise dans les circonstances serait acceptable et j’ai accédé à la demande. J’ai déterminé que l’audience aurait plutôt lieu du 1er au 4 décembre et du 7 au 10 décembre 2020, et les 5 et 6 janvier 2021. Me Joel Stelpstra était le nouvel avocat de l’employeur.

[34] En ce qui concerne la poursuite de l’audience, le fonctionnaire avait demandé que la Commission autorise la présence d’un sténographe judiciaire certifié, à ses frais. Cette demande a été accueillie.

[35] Le 9 novembre 2020, l’avocat de l’employeur a acheminé à la formation de la Commission une lettre datée du 6 novembre 2020 sollicitant une ordonnance de production d’un certain nombre de documents liés au dossier d’invalidité du fonctionnaire à la Sun Life du Canada, Compagnie d’Assurance‑Vie (« Sun Life »; la « demande de production du 9 novembre »). Les documents joints à cette demande comprenaient des copies de lettres datées du 31 août 2020 et du 28 octobre 2020 que l’avocat de l’employeur avait adressées à l’avocat du fonctionnaire concernant la production de documents sur la poursuite de l’audience, y compris des demandes antérieures figurant au dossier d’invalidité de la Sun Life.

[36] Dans la lettre du 31 août 2020 et dans celle du 28 octobre 2020, l’avocat de l’employeur demandait des renseignements médicaux à jour de la part des professionnels de la santé que le fonctionnaire consultait ou avait consultés, ainsi que le dossier d’invalidité de la Sun Life. Voici les passages pertinents figurant dans chacune des lettres :

[Traduction]

 

[Lettre du 31 août 2020 :]

[…]

i. Sun Life

Selon ce que nous comprenons, M. Herbert continue de recevoir des prestations d’invalidité. Nous avons reçu de la part de son ancien avocat une copie de son dossier de la Sun Life, à jour en date du 10 avril 2019. Veuillez nous fournir une copie de son dossier à jour de la Sun Life, avec tous les renseignements ultérieurs au 10 avril 2019. […]

[…]

 

[Lettre du 28 octobre 2020 :]

[…]

1. Sun Life

Dans notre demande du 31 août 2020, nous avons demandé une version à jour du dossier de la Sun Life concernant votre client, y compris tous les renseignements médicaux. En réponse, nous avons reçu une lettre datée du 1er avril 2020 avisant M. Herbert qu’il cesserait de recevoir des prestations d’invalidité le 7 juin 2020. Il n’y a aucun autre document. […]

[…]

 

[Lettre du 6 novembre 2020 :]

1. Ordonnance de production adressée à la Sun Life du Canada, Compagnie d’Assurance‑Vie, concernant le dossier d’invalidité complet de Keith Herbert pour la période du 1er avril 2019 jusqu’à ce jour.

Le fonctionnaire a dit avoir l’intention de faire valoir qu’il devrait recevoir une rémunération rétroactive à compter de la date de licenciement. Son aptitude au travail et son statut au regard des prestations d’invalidité de longue durée entreront manifestement en jeu pour déterminer la réparation appropriée. En outre, les motifs de la décision récente de la Sun Life de mettre fin à ces prestations seront pertinents et importants pour établir la responsabilité de l’employeur en matière de dommages.

[…]

2. Ordonnance de production contre Keith Herbert visant les dossiers médicaux complets du Dr Moustgaard, du Dr Browne, Appletree Medical Clinic, et tout autre dossier médical n’ayant pas encore été fourni à l’employeur.

Les dossiers demandés sont pertinents et importants pour déterminer l’aptitude au travail du fonctionnaire en tout temps depuis son licenciement, ainsi que pour comprendre le fondement de toute opinion médicale concernant cette aptitude au travail, y compris la décision de la Sun Life de mettre fin aux prestations d’invalidité. […]

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[37] En réponse à la demande de production du 9 novembre, l’avocat du fonctionnaire a écrit à la Commission le 10 novembre 2020 (la « lettre du 10 novembre »). Le passage pertinent de la lettre est reproduit ci-après :

[Traduction]

 

[…]

QUESTION no 2 – Ordonnance de production.

[…]

Au contraire, l’obligation de réintégration qu’avait la CLCC restait la même, peu importe si M. Herbert était actuellement apte au travail ou non. La CLCC était tenue, quoi qu’il en soit, de redonner à M. Herbert la situation d’emploi qu’il avait avant le licenciement.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[38] Un courriel du fonctionnaire à l’intention de Me Markowitz daté de la veille à 9 h 32 était joint à la lettre du 10 novembre, et en fait partie. Le passage pertinent de ce courriel est le suivant :

[Traduction]

 

[…]

J’ai fait un suivi auprès de la Sun Life il y a deux minutes,

Le 29 avril 2020, j’ai présenté une demande d’accès à l’information pour obtenir mon dossier complet de [nom du représentant de la Sun Life supprimé].

[…]

Comme vous le savez, mes prestations d’invalidité ont pris fin le 7 juin 2020. Vous le savez, car je vous ai demandé s’il y avait lieu de demander une prolongation. Vous avez mentionné que je ne peux pas être apte à retourner au travail et continuer de toucher des prestations d’invalidité.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[39] Le 13 novembre 2020, j’ai rendu deux ordonnances concernant la production de documents. La première exigeait que le fonctionnaire produise à l’employeur tous les dossiers médicaux qui pouvaient exister et qui n’avaient pas été divulgués auparavant, y compris, sans toutefois s’y limiter, les dossiers de son psychologue traitant, de son psychiatre traitant et des professionnels de la santé. Dans la deuxième ordonnance, je demandais à la Sun Life de fournir à l’avocat de l’employeur son dossier d’invalidité complet concernant le fonctionnaire.

[40] L’audience a repris le 1er décembre 2020. Après un retard dû à des problèmes techniques que semblait avoir l’avocat du fonctionnaire, et après que l’avocat du fonctionnaire et le fonctionnaire se sont rencontrés pour discuter, l’audience a commencé. J’ai demandé aux parties s’il y avait des questions préliminaires. À ce moment‑là, l’avocat du fonctionnaire a demandé l’ajournement de l’audience (remise) pour un certain nombre de raisons auxquelles l’employeur s’est opposé. L’une des raisons était que le fonctionnaire pensait qu’une EAT pouvait avoir lieu à tout moment. Le fonctionnaire a ensuite demandé un bref ajournement, puis son avocat et lui se sont réunis de nouveau pour discuter, après quoi la demande de remise a été retirée.

[41] L’avocat du fonctionnaire a ensuite déposé une requête concernant la portée de la poursuite de l’audience au sujet de la réparation, afin que puissent être réexaminés des éléments de preuve et des questions déjà traités. Après avoir entendu les arguments à ce sujet, j’ai ajourné l’audience pour la journée. Je suis revenu le lendemain avec une décision par laquelle je rejetais la requête, en précisant que les motifs de ce refus seraient fournis dans la décision écrite qui serait rendue au terme de l’audience.

[42] Après que j’ai rendu ma décision, le fonctionnaire et son avocat ont demandé et obtenu un bref ajournement pour discuter de certains points. À leur retour, ils ont demandé que l’audience soit remise à une date ultérieure, afin de réfléchir à la possibilité de demander le contrôle judiciaire de ma décision concernant la requête non accueillie. L’avocat de l’employeur a demandé un bref ajournement pour discuter de la demande avec son client. À son retour, il a fait savoir que l’employeur ne s’y opposait pas. J’ai ajourné l’audience pendant une brève période pour examiner la demande, puis j’ai accordé la remise à une date ultérieure.

B. Le 26 janvier 2022 et par la suite

[43] Le fonctionnaire a demandé le contrôle judiciaire de ma décision concernant la portée des éléments de preuve (voir le dossier de la CAF no A‑3‑21). L’affaire a été entendue par la CAF le 18 janvier 2022 et rejetée avec motifs le 24 janvier 2022 (voir Herbert v. Canada (Attorney General), 2022 FCA 11).

[44] Le 26 janvier 2022, le greffe de la Commission a envoyé un courriel aux avocats des parties pour connaître leurs disponibilités pour la poursuite de l’audience aux mois de février, de mars, d’avril et de mai 2022. Les avocats avaient jusqu’au 2 février 2022, à 16 h 30 (HNE), pour répondre. Entre‑temps, la Commission a fixé la poursuite de l’audience pour les semaines du 11 au 22 juillet 2022.

[45] À 11 h 22, le 3 février 2022, en l’absence de réponse de l’une ou l’autre partie, le greffe de la Commission a envoyé un autre courriel aux avocats des parties pour leur rappeler que leur réponse était attendue la veille. Me Stelpstra a répondu immédiatement, à 11 h 35, pour faire connaître les disponibilités de l’employeur. Me Markowitz n’a pas répondu, que ce soit en son propre nom ou pour le compte du fonctionnaire, et le fonctionnaire n’a rien envoyé non plus. Comme je l’expliquerai plus loin dans la présente décision, la correspondance du 26 janvier 2022 de la Commission a été transmise le jour-même au fonctionnaire par son avocat.

[46] N’ayant pas eu de nouvelles du fonctionnaire ou de son avocat à la suite de deux courriels les invitant à fournir leurs disponibilités, la Commission a donc fixé les dates d’audience les plus proches compte tenu des disponibilités de la formation de la Commission et de l’employeur. En plus des dates en juillet 2022, les dates des 9 et 10 mai et de la semaine du 16 mai 2022 ont été retenues pour la poursuite de l’audience.

[47] Le 10 février 2022, l’avocat de l’employeur a mentionné avoir pris acte des dates prévues par la Commission en juillet 2022 et il a demandé qu’elles soient déplacées en septembre 2022, car cela ne convenait pas, sans autres précisions. La formation de la Commission a refusé de changer les dates.

[48] Le 11 février 2022, à 11 h 25, le greffe de la Commission a écrit ce qui suit aux parties :

[Traduction]

 

[…]

Le commissaire affecté aux dossiers m’a demandé d’informer les parties de ce qui suit :

Le 26 janvier 2022, les parties ont été invitées à fournir leurs disponibilités pour les mois de février, de mars, d’avril et de mai 2022, afin que puisse se poursuivre l’audience sur la réparation dans les dossiers susmentionnés. Les parties avaient jusqu’au 2 février 2022 pour répondre.

La Commission a reçu les disponibilités de l’employeur le 3 février 2022. Elle n’a reçu aucune réponse du représentant du fonctionnaire.

La Commission avait entre‑temps réservé les semaines du 11 et du 18 juillet 2022, en attendant une réponse des parties.

Le 10 février 2022, l’avocat de l’employeur a envoyé une correspondance pour dire que les dates de juillet 2022 ne convenaient ni pour l’avocat ni pour les témoins.

Étant donné que l’avocat de l’employeur avait donné des disponibilités en mai 2022, la Commission est prête à reporter les dates au 9 et 10 mai 2022 et à la période du 16 au 20 mai 2022. À l’heure actuelle, la Commission n’est pas prête à communiquer les dates de juillet. Toutefois, elle sera prête à réexaminer la demande de modification des dates de juillet quand les parties auront fourni des précisions à ce sujet.

Je rappelle que dans la correspondance du 26 janvier 2022, les parties ont également été invitées à préciser si des questions en suspens concernant la réparation ont été réglées et si d’autres demeurent non réglées au regard des griefs.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[49] Le vendredi 11 février 2022, à 17 h 32, Me Markowitz a informé la Commission et l’avocat de l’employeur qu’il ne représentait plus le fonctionnaire. Il semble que le fonctionnaire ait reçu une copie de ce courriel, à l’adresse électronique qui est au dossier de la Commission et au moyen laquelle le greffe a communiqué avec succès avec le fonctionnaire. Une copie du courriel que la Commission a envoyé aux parties le 11 février à 11 h 25 était jointe au courriel envoyé par Me Markowitz ce jour-là.

[50] Jusqu’au 4 avril 2022, la Commission ignorait que, dans un courriel daté du 26 janvier 2022, à 16 h, Me Markowitz avait transmis au fonctionnaire le courriel du greffe de la Commission daté du 26 janvier 2022 (dans lequel le fonctionnaire était invité à donner ses disponibilités aux dates d’audience proposées en février, en mars, en avril et en mai 2022) et informé le fonctionnaire qu’il ne le représentait plus. Ce fait a été communiqué à la Commission le 4 avril 2022, car il faisait partie des renseignements joints à des documents acheminés par courrier électronique à différents membres du personnel du greffe de la Commission, dans ce qui semble être une requête écrite que le fonctionnaire avait déposée devant la CAF pour obtenir une ordonnance de prorogation du délai de dépôt d’une demande de contrôle judiciaire visant les dates d’audience et mon courriel du 16 février 2022 dans lequel je disais ne pas remettre l’audience à une date ultérieure.

[51] Le 26 janvier 2022, le courriel de Me Markowitz auquel était joint le courriel du greffe de la Commission daté du 26 janvier 2022 énonçait ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Vous trouverez ci-joint le courriel de la Commission.

Je vais les informer que je ne pourrai malheureusement plus vous représenter pour la suite de l’audience sur la réparation, et que vous aurez donc besoin d’un délai beaucoup plus long pour vous permettre de retenir les services d’un nouvel avocat ou pour vous représenter vous‑même, ainsi que pour obtenir votre propre EAT indépendante.

[…]

 

[52] Le samedi 12 février 2022, l’avocat de l’employeur a écrit à la Commission pour l’informer des questions qui, selon lui, étaient toujours en suspens relativement à la réparation. Il précisait aussi que l’employeur était disponible aux dates d’audience de mai, mais qu’il souhaitait déplacer les dates de juillet 2022 en septembre 2022. Voici ce que l’employeur estimait être les questions en suspens concernant la réparation :

[Traduction]

 

[…]

L’employeur fait valoir que les questions qui restent à trancher relativement à la réparation sont assez étroites. Lorsqu’il a été licencié, M. Herbert n’était pas apte au travail. Peu de temps après était approuvée sa demande de prestations d’invalidité et, par la suite, sa demande de PIRPC [prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada]. Santé Canada a récemment évalué M. Herbert et conclu qu’il n’est pas apte à retourner au travail en quelque capacité que ce soit, et que sa déficience est probablement permanente. Par conséquent, il n’existe aucune question réelle concernant la réintégration ou la perte de salaire. La seule question qui reste à trancher est le montant approprié des dommages en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Nous nous attendons à ce que M. Herbert ne souscrive pas à notre position, et nous avons notamment été informés que M. Herbert conteste le pronostic de Santé Canada concernant un retour au travail.

[…]

 

[53] Le courriel de Me Markowitz du 11 février 2022 et la lettre de Me Stelpstra du 12 février 2022 auraient tous les deux été reçus et examinés par le greffe de la Commission le jour ouvrable suivant, soit le lundi 14 février 2022, date à laquelle ils auraient été portés à mon attention.

[54] Le 15 février 2022, à 11 h 50, à ma demande, le greffe de la Commission a écrit au fonctionnaire et à Me Stelpstra pour accuser réception d’un avis selon lequel Me Markowitz ne représentait plus le fonctionnaire et, par conséquent, il leur a acheminé la plus récente correspondance que la Commission avait reçue de l’avocat de l’employeur, les 10 et 12 février 2022, ainsi que la correspondance du 11 février 2022 de la Commission. Il a été rappelé aux parties que l’audience devait se poursuivre les 9 et 10 mai, du 16 au 20 mai et du 11 au 22 juillet 2022.

[55] Le 15 février 2022, le fonctionnaire a envoyé deux courriels à la Commission, le premier à 13 h 09 et le deuxième à 13 h 16. Dans le courriel de 13 h 09, le fonctionnaire répondait entre autres à la lettre du 12 février 2022 de l’avocat de l’employeur et affirmait ne pas avoir reçu certains documents concernant une EAT apparemment réalisée par Santé Canada. Concernant le courriel du 11 février de Me Markowitz, il déclarait ne pas avoir [traduction] « congédié » Me Markowitz et disait lui avoir laissé des messages vocaux. La dernière ligne du courriel était la suivante : [traduction] « Compte tenu des facteurs énumérés ci‑dessus, il est prématuré de retenir les dates proposées par mon employeur et par la Commission. »

[56] Le deuxième courriel envoyé par le fonctionnaire le 15 février 2022, à 13 h 16 (le « courriel du 15 février à 13 h 16 »), était un transfert du courriel précédent, envoyé à 13 h 09, auquel était ajouté ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

En ce qui concerne le courriel ci‑dessous, je demande à Me Markowitz de m’appeler à mon numéro de téléphone fixe. Aussi, en ce qui a trait au courriel ci-dessous, pour des raisons de logistique liée à mon dossier, je demande des dates en septembre. Si les questions logistiques devaient être réglées avant, je communiquerai avec le tribunal.

[…]

 

[57] La formation de la Commission a interprété le courriel du 15 février à 13 h 16 comme étant une demande de remise de l’audience à une date ultérieure. Le 16 février 2022, à 15 h 22, le greffe de la Commission a envoyé aux parties un courriel dans lequel il communiquait ma réponse à la demande de report des dates d’audience. Le courriel énonçait ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

La demande de report des dates d’audience en septembre 2022, comme l’a demandé l’employeur auparavant, est rejetée.

Les parties ne sont pas sans savoir que la formation de la Commission a rendu sa décision sur la responsabilité au regard des griefs le 11 septembre 2018, soit il y a quelque 41 mois.

Avant que soit rendue la décision du 11 septembre 2018, durant les jours d’audience, les parties avaient demandé à la formation de la Commission de scinder la question et d’aborder la réparation à une date ultérieure, une fois que la question de la responsabilité aurait été tranchée. Les parties ont expliqué à la formation qu’elles faisaient cette demande pour avoir l’occasion de convenir elles‑mêmes d’une réparation, à défaut de quoi il reviendrait à la formation de trancher la question.

Le paragraphe 425 de la décision ordonnait aux parties de se consulter l’une l’autre dans les 15 jours suivant la date de la décision et de fournir à la Commission les dates auxquelles l’audience pouvait reprendre afin que soit tranchée la question de la réparation.

La Commission a compris que les parties s’étaient consultées l’une l’autre, mais il semble qu’elles ne se soient pas entendues sur une solution et, par conséquent, la Commission et son greffe leur ont demandé de convenir des dates auxquelles l’audience pouvait reprendre afin d’aborder la question de la réparation.

En mars 2019, des dates ont été fixées à la fin septembre et en octobre 2019. Le 12 septembre 2019, le greffe de la Commission a été informé que le fonctionnaire n’était plus représenté par son agent négociateur et ses avocats et qu’il avait retenu les services de son propre avocat, Me Markowitz. Ce dernier a demandé que les dates d’audience prévues à la fin septembre et en octobre 2019 soient reportées, étant donné que ses services venaient tout juste d’être retenus. La remise a été accordée.

De nouvelles dates d’audience ont été fixées pour mai 2020. Ces dates ont été reportées à la faveur de la décision de la Commission d’annuler en bloc les dates d’audience allant de la mi‑mars à la fin de juillet 2020, en réponse à la première vague de la pandémie de COVID‑19.

De nouvelles dates ont été fixées du 26 au 30 octobre 2020. Or l’avocat de l’employeur a été remplacé et, à la demande de l’employeur, un court délai a été accordé et l’audience a été reportée afin qu’elle ait lieu du 1er au 4 et du 7 au 10 décembre 2020, ainsi que les 5 et 6 janvier 2021.

Le 1er décembre, au début de la poursuite de l’audience, le fonctionnaire a demandé une remise de l’affaire à une date ultérieure, puis a retiré cette demande. Il a ensuite déposé une requête pour que soit élargie la portée des éléments de preuves admis aux fins d’examen de la question de la réparation. La Commission a entendu les arguments et a rejeté la requête, précisant qu’elle fournirait les motifs connexes dans sa décision écrite sur la réparation. Le fonctionnaire a ensuite demandé la remise de l’audience, le temps qu’il demande le contrôle judiciaire de cette décision interlocutoire. L’employeur ne s’est pas opposé à cette demande, qui a été accueillie. La demande de contrôle judiciaire du fonctionnaire a été présentée et entendue par la Cour d’appel fédérale le 18 janvier 2022. Elle a été rejetée le 24 janvier 2022.

Les dates en mai et en juillet sont suffisamment éloignées pour permettre aux parties de se préparer pour l’instruction, vu la longue période écoulée, et il semble que les mêmes questions relatives à la réparation demeurent en suspens.

Les parties sont avisées que la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral autorise à une formation de la Commission de rendre des ordonnances concernant la production de documents.

De plus, les parties peuvent avoir recours aux services de règlement des différends (SRD) de la Commission, qui peuvent les aider à parvenir à un règlement mutuellement acceptable des questions en suspens.

En outre, les parties pourraient souhaiter tenir une conférence de règlement présidée par un autre commissaire avant l’audience, ce qui pourrait encore une fois les aider à parvenir à un règlement.

Si les parties souhaitent se prévaloir des services de médiation de la Commission ou d’une conférence de règlement, elles sont priées d’en faire la demande dans les plus brefs délais, car les dates d’audience ne seront pas reportées pour permettre à ces démarches de suivre leur cours.

[…]

 

[58] Le samedi 19 février 2022, à 7 h, le fonctionnaire a envoyé au greffe de la Commission un courriel qui semblait être le transfert d’un courriel antérieur daté du vendredi 18 février 2022, à 17 h 33. Le greffe de la Commission n’a au dossier aucun courriel daté du 18 février 2022, à 17 h 33. Le seul signe de ce courriel est le message joint au courriel du 19 février 2022, à 7 h. Toujours le samedi 19 février 2022, à 12 h 33 cette fois, le fonctionnaire a envoyé un autre courriel dans lequel il faisait suivre l’intégralité du courriel envoyé à 7 h, y compris le courriel apparemment envoyé le vendredi 18 février, à 17 h 33. Par souci de simplicité dans les présents motifs, j’appellerai ce courriel le [traduction] « courriel du 18 février ». La question de savoir si le courriel du 18 février a été reçu le vendredi à 17 h 33 ou le samedi n’est pas pertinente, car aucun de ces courriels n’a vraisemblablement été vu ou transmis avant le lundi 21 février 2022.

[59] Dans tous les courriels envoyés le samedi 19 février 2022, y compris le courriel du 18 février, le fonctionnaire demandait au greffe de la Commission d’envoyer sa correspondance à la présidente actuelle de la Commission, Edith Bramwell (la « présidente »).

[60] Le courriel du 18 février est assez long, alors que les deux courriels qui y sont joints sont assez courts. Le courriel du 18 février énonce plusieurs éléments. Il y est notamment confirmé que le fonctionnaire est au courant que l’audience est prévue pour les 9 et 10 mai, du 16 au 20 mai et du 11 au 22 juillet 2022. Il y est également affirmé ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Je vous demande de lire personnellement le présent courriel et d’y répondre afin que vous ayez une idée de ce qui se passe à la base de votre organisation.

Je vous demande également d’auditer mon dossier papier pour avoir une idée de la façon dont vos subalternes ont traité mon dossier.

Par le présent courriel, j’accuse réception du courriel du tribunal daté du 17 février 2022.

Tel qu’il est mentionné sur le site du tribunal, lorsqu’une partie demande une remise des dates d’audience, elle doit fournir des motifs clairs, convaincants et logiques. Voici donc ces motifs :

Par le présent courriel, je vous demande également respectueusement de choisir des dates d’audience ultérieures au mois de septembre, pour les raisons énoncées dans le présent courriel. Je demande des dates d’audience plus éloignées, mais je ne peux vraiment pas donner à ce stade plus de détails que ce qui est énoncé directement ci‑dessus. Il y a de nombreuses tâches administratives à accomplir avant que je puisse m’engager avec certitude à respecter des dates d’audience.

Comme vous le savez sans doute, les dates d’audience mentionnées dans le courriel le plus récent de la Commission sont les 9 et 10 mai; du 16 au 20 mai, du 11 au 22 juillet 2022.

Comme l’a souligné son avocat, mon employeur est au courant que les lettres produites par Santé Canada sont fondamentalement viciées.

En fait, ce qui a été produit par Santé Canada ne répond même pas aux exigences d’une EAT, conformément aux précisions énoncées par mon employeur dans sa lettre de demande d’une EAT.

Il s’agit de la première raison pour laquelle je ne peux pas m’engager à respecter les dates d’audience.

Me Markowitz a également informé mon employeur que je demanderai une véritable EAT, car la jurisprudence a établi que j’ai le droit d’avoir une véritable EAT en place avant de comparaître devant le tribunal.

Il s’agit de la deuxième raison pour laquelle je ne peux pas m’engager à respecter les dates d’audience.

En vérifiant mon dossier, le directeur constatera que j’ai obtenu l’autorisation d’embaucher un sténographe judiciaire certifié pour l’audience portant sur la réparation. De plus, à la lecture de mes observations dans mon dossier papier, les raisons pour lesquelles j’ai demandé l’autorisation d’embaucher un sténographe judiciaire certifié seront manifestes.

[…]

Pour que je sois en mesure d’embaucher un sténographe judiciaire, mes dates d’audience doivent être situées en septembre ou plus tard. Je sais cela, parce que lorsque j’ai voulu retenir les services du sténographe judiciaire à l’origine, on m’a clairement dit que celui-ci n’était pas disponible dans l’immédiat. Les services de sténographie judiciaire ne pourraient pas être offerts si l’audience a lieu au début de mai, et probablement pas non plus en juillet.

Même avant d’envisager l’idée d’embaucher un sténographe judiciaire, je devrai avoir une véritable EAT en place et non ce qui a été produit par Santé Canada.

Une autre considération logistique est le fait qu’après chaque décision rendue par le tribunal, j’ai discuté des faits avec un journaliste local au téléphone. Je voudrais l’inviter à assister à l’audience sur la réparation, conformément au « principe de transparence judiciaire ». […]

[…]

De plus, avant Noël, j’ai discuté de mon cas avec l’Association canadienne des libertés civiles. J’aimerais coordonner mon audience pour que l’Association puisse faire des observations à titre de partie intervenante si elle le souhaite.

Je n’ai pas auparavant mentionné les questions de logistique liées à mon droit de me prévaloir des mécanismes de recours officiels énumérés dans le présent courriel, en ce que les parties sont au courant de tous ceux‑ci, et je me serais donc attendu à ce que ma demande de dates d’audience en septembre soit accueillie.

En d’autres termes, en tant qu’employé licencié injustement, je pensais que la procédure commencerait de façon légitime et qu’on me demanderait d’abord quand je pourrais assister à mon audience.

Toutefois, je fournis ici les aspects logistiques pour lesquels je demande des dates d’audience qui devront probablement se situer après septembre 2022.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[61] Les courriels du samedi 19 février 2022, à 7 h et à 12 h 33, qui faisaient suivre celui du 18 février, ne fournissaient aucune raison supplémentaire pour justifier la demande de remise de l’audience, outre le courriel joint du 18 février.

[62] Le 21 février 2022, à 14 h 22, le fonctionnaire a rédigé un autre courriel à l’intention de la présidente. Toutefois, ce courriel portait en grande partie sur la portée de la poursuite de l’audience et n’a rien ajouté à la demande de remise énoncée dans le courriel du 18 février. La seule référence concernant la demande de remise était formulée ainsi vers la fin du courriel :

[Traduction]

 

[…]

Ces demandes sont présentées en réponse aux dates d’audience initialement proposées, au sujet desquelles Me Jaworski a communiqué avec le directeur. Je suis dans l’impossibilité de respecter ces dates, pour les raisons que j’ai communiquées de façon claire, convaincante et logique.

[…]

 

[63] Dans une lettre datée du 4 mars 2022 et envoyée par courriel au fonctionnaire le même jour, à 15 h 30, la présidente a accusé réception des courriels du fonctionnaire et a souligné que j’avais examiné et rejeté la demande de remise à une date ultérieure. Elle lui a confirmé que les décisions à l’égard de son grief étaient rendues par la formation de la Commission chargée de l’entendre. Elle a également fait référence au souhait du fonctionnaire d’avoir un sténographe judiciaire à l’audience et lui a dit que cette décision incombait également à la formation de la Commission chargée d’instruire l’affaire. Elle a souligné que cette demande avait été présentée antérieurement (à ses frais) et qu’elle avait été accueillie, et elle lui a dit que la Commission serait peut-être en mesure de prendre les dispositions nécessaires et de payer les frais liés à un sténographe judiciaire à l’audience si la demande en était faite à la formation de la Commission et si je décidais qu’une telle mesure était appropriée dans les circonstances.

[64] Le dimanche 6 mars et le lundi 7 mars 2022, le fonctionnaire a envoyé un courriel à la présidente. La seule différence entre les deux courriels est qu’il semble que l’avocat de l’employeur n’avait pas été inclus dans le courriel du 6 mars 2022. Dans ces courriels, le fonctionnaire aborde un certain nombre d’éléments, sans toutefois soulever la question de la demande de remise à une date ultérieure ou de la demande d’un sténographe judiciaire.

[65] Le vendredi 11 mars 2022, à 15 h 48, le fonctionnaire a envoyé un courriel au greffe de la Commission ainsi qu’à l’adjointe exécutive de la présidente et a demandé que le courriel et le document joint soient transmis au directeur du greffe et à la présidente. Le document était intitulé [traduction] « Réponse au courriel du directeur du greffe daté du 9 mars 2022 ». La seule correspondance transmise au fonctionnaire le 9 mars 2022 était un courriel envoyé aux parties à ma demande, à 9 h 18, afin de les informer que la Commission souhaitait connaître leurs disponibilités aux fins de la tenue d’une CGC. Le courriel invitait tout simplement les parties à fournir leurs disponibilités pendant les semaines du 14 au 18 mars, du 21 au 25 mars et du 28 mars au 1er avril 2022, en précisant que les parties devaient fournir leurs disponibilités au plus tard à 16 h le vendredi 11 mars 2022.

[66] Avant cette date, j’avais interrogé les parties au sujet de leurs disponibilités en vue d’une CGC, car le fonctionnaire avait soulevé la question dans un courriel envoyé le 17 février 2022, à 12 h 11. Dans ce courriel, il a décrit ce qui semble être la dissolution de sa relation avocat‑client avec Me Markowitz. En ce qui concerne la tenue d’une CGC, il a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Étant donné ce qui précède, je me demande s’il revient à la Commission de tenir une conférence de gestion des cas par MS Teams ou par téléphone, à laquelle les parties, y compris Me Markowitz, doivent assister pour que les questions concernant mon audience sur la réparation, dont la représentation, soient réglées.

[…]

 

[67] Le même jour (le 17 février 2022), en réponse à la demande du fonctionnaire qui souhaitait la tenue d’une CGC, un courriel avait été envoyé aux parties pour les inviter à communiquer leurs disponibilités au cours des deux semaines suivantes (du 21 février au 4 mars 2022). De plus, on peut lire ce qui suit dans le courriel que le greffe de la Commission a envoyé aux parties pour connaître leurs disponibilités en vue de la tenue d’une CGC :

[Traduction]

 

[…]

La formation de la Commission saisie de l’affaire est prête à convoquer une conférence de gestion des cas pour discuter du déroulement de la poursuite de l’audience. […]

En ce qui concerne les questions soulevées par le fonctionnaire au sujet de sa relation avocat‑client avec Me Markowitz, la Commission n’a aucun pouvoir en la matière, et cela ne relève pas de sa compétence.

Ni la Commission ni le greffe de la Commission ne peuvent fournir des conseils à l’égard de cette relation.

Comme il a informé la Commission qu’il ne représente plus le fonctionnaire, Me Markowitz ne sera convoqué à aucune conférence de gestion des cas.

[…]

 

[68] L’avocat de l’employeur a répondu à la première demande de disponibilités aux fins de la tenue d’une CGC, mais pas le fonctionnaire, d’où la nécessité du courriel de suivi du 9 mars 2022.

[69] Le samedi 12 mars 2022, à 7 h 51, le fonctionnaire a envoyé au greffe de la Commission un courriel faisant référence au courriel et à la pièce jointe du 11 mars 2022, et il y a joint encore une fois un document qui semble être le même que celui qui était joint au courriel du 11 mars 2022, intitulé [traduction] « Réponse au courriel du directeur du greffe daté du 9 mars 2022 ».

[70] Le document intitulé [traduction] « Réponse au courriel du directeur du greffe daté du 9 mars 2022 » comprend neuf pages à simple interligne. Même si le fonctionnaire soulève un certain nombre de sujets dans ce document, et même s’il fait référence à sa demande de remise d’audience à une date ultérieure, il ne fournit aucun renseignement supplémentaire quant à la raison pour laquelle la remise devrait être accordée, outre ceux figurant dans le courriel du 18 février. Le fonctionnaire parle des étapes à suivre pour demander une remise et il fait référence aux politiques de la Commission à cet égard, comme elles sont énoncées sur le site Web de cette dernière. Le fonctionnaire fait ensuite référence à la politique de la Commission sur les mesures d’adaptation et il affirme avoir une incapacité causée par un trouble dépressif majeur et un trouble d’anxiété généralisée.

[71] À la cinquième page de ce document, au cinquième paragraphe, le fonctionnaire déclare ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Comme le sait Me Jowarski [sic], j’ai besoin d’une véritable évaluation de l’aptitude au travail (EAT). Il faudra du temps pour en obtenir une. Il s’agit d’une autre des raisons pour lesquelles je demande une remise, afin que je puisse subir une véritable EAT.

Je souligne que mon incapacité est actuellement en veilleuse et donc que j’ai un bon niveau de fonctionnement.

[…]

 

[72] Le fonctionnaire a en outre affirmé qu’il tentait de trouver quelqu’un pour le représenter. Étant d’avis que son incapacité était susceptible d’être exacerbée s’il était forcé d’assister à une audience à laquelle il n’était pas préparé, il a demandé une remise de l’audience à une date ultérieure, à titre de mesure d’adaptation. Il a ensuite demandé une remise jusqu’après septembre 2022 [traduction] « car c’est le temps qu’il faudra pour mettre en place une EAT légitime ».

[73] À la page 6 du document [traduction] « Réponse au courriel du directeur du greffe datée du 9 mars 2022 », au paragraphe 6, le fonctionnaire me reproche de ne pas avoir exercé ou de ne pas souhaiter exercer mes fonctions selon les paramètres d’une audience juste et équitable et, par conséquent, il demande que la présente affaire soit confiée à un autre commissaire, à titre de mesure d’adaptation. Le fonctionnaire soulève ensuite de nouveau sa demande de récusation initialement adressée à l’ancienne présidente. À la page 9 du document, les paragraphes 5 et 6 énoncent ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Je demande également que la présidente fournisse une réponse à ma demande de remise pour tenir compte de ma déficience et du fait que des dates d’audience qui ne seraient pas ultérieures à septembre 2022 risquent d’exacerber ma déficience, compte tenu des questions logistiques à régler.

En raison de ce que j’ai vécu avec M. Jaworski et du fait que ce dernier voulait me faire participer à une audience alors que cela n’était pas faisable, sans tenir compte des motifs clairs, convaincants et logiques que j’ai communiqués à l’appui de ma demande de remise, je demande que la présidente donne suite à ma demande et que l’instance soit confiée à un autre commissaire, afin de ne pas exacerber ma déficience.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[74] Le lundi 14 mars 2022, le fonctionnaire a transmis un certain nombre de courriels à l’adjointe exécutive de la présidente ainsi qu’au greffe de la Commission, afin de dire qu’il comprenait qu’il devait procéder au moyen de requêtes pour communiquer ses demandes de remise, d’ajournement et de mesure d’adaptation liée à sa déficience. Son premier courriel indiquait qu’il communiquerait ces requêtes plus tard le même jour. Il a ensuite déclaré qu’après avoir reçu les requêtes, la présidente pourrait communiquer avec lui pour lui poser toute question qu’elle pouvait avoir. Le fonctionnaire a ensuite envoyé d’autres courriels, en transmettant sa requête en formats Word et PDF. Dans le courriel accompagnant la requête en format PDF, il précise envoyer le document dans ce format pour que tous deux puissent signer une version que personne ne pourrait modifier. Le document à l’appui de la requête, qu’il soit en format Word ou en format PDF, comptait un peu plus de 23 pages à simple interligne (le « document à l’appui de la requête du 14 mars »).

[75] En examinant le document à l’appui de la requête du 14 mars, précisément la partie que le fonctionnaire a intitulée [traduction] « PARTIE VI – Ordonnances demandées », on compte 12 (ou 13, selon la façon dont le document est lu) paragraphes dans lesquels le fonctionnaire dit demander la remise de l’audience alors prévue les 9 et 10 mai, du 16 au 20 mai et du 11 au 22 juillet 2022. Une grande partie du document à l’appui de la requête vise à demander que la présidente confie le dossier à un autre commissaire, et une grande partie de ce qui y est affirmé semble concerner la raison pour laquelle une remise de l’audience devrait être accordée, le fonctionnaire étant d’avis que je suis partial et que j’ai adopté une forme de représailles contre lui. Le document porte également en détail sur une mesure d’adaptation à prendre en réponse à une déficience. Dans le document, le fonctionnaire mentionne que ces deux affirmations sont également des raisons de remettre l’audience à une date ultérieure.

[76] Le 15 mars 2022, la présidente a écrit au fonctionnaire pour accuser réception des correspondances qu’il lui avait adressées par courriel les 6, 7, 9, 10, 11 et 14 mars 2022. Elle a affirmé ce qui suit en ce qui concerne le fait que le fonctionnaire lui demandait d’examiner mes décisions et de confier l’affaire à quelqu’un d’autre :

[Traduction]

 

[…]

Dans les courriels, vous demandez que la décision par laquelle le commissaire John Jaworski a refusé votre demande de remise et qui vous a été communiquée dans un courriel provenant du greffe de la Commission soit publiée sur le site Web de la Commission afin que vous puissiez présenter une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour d’appel fédérale. Les décisions concernant les demandes de remise ne sont pas habituellement publiées sur le site Web de la Commission. En outre, les décisions de la Commission n’ont pas à être publiées pour pouvoir faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour.

À plusieurs reprises dans vos courriels, vous demandez également que j’examine les décisions et les ordonnances rendues par M. Jaworski dans votre dossier, dont les demandes de remise, et que j’affecte une autre personne à votre dossier. Comme l’ancienne présidente de la Commission, Catherine Ebbs, l’a écrit à votre avocat, Me Howard Markowitz, le 6 août 2020, les ordonnances et les décisions de la Commission sont définitives. Si une partie n’est pas satisfaite d’une décision ou d’une ordonnance de la Commission, elle peut demander un contrôle judiciaire auprès de la Cour d’appel fédérale (veuillez prendre connaissance de la copie de la lettre de l’ancienne présidente, ci-jointe). De plus, je ne vois aucune raison d’affecter un autre commissaire à votre cas, surtout étant donné que M. Jaworski a déjà rendu la décision sur le fond concernant vos griefs et que les prochaines audiences prévues portent sur la question qui reste à trancher concernant la réparation.

En bref, à titre de présidente, je ne peux ni examiner ni annuler les décisions rendues par un commissaire saisi d’une affaire. La même réponse sera donnée pour toute nouvelle demande qui me serait adressée pour que j’examine, corrige ou modifie autrement les décisions du commissaire Jaworski vous concernant ou pour que je nomme une autre personne pour instruire l’affaire. Toute requête relative à votre dossier doit être adressée à M. Jaworski aux fins d’examen.

[…]

 

[77] Le 15 mars 2022, le fonctionnaire a envoyé trois autres courriels à la présidente par l’intermédiaire du greffe de la Commission et de l’adjointe exécutive de la présidente. Il y faisait de nouveau référence à ses requêtes. Dans le premier courriel envoyé ce jour-là à 7 h 59, il a de nouveau joint une copie du document à l’appui de la requête du 14 mars et il a demandé que les décisions visant ses requêtes portent l’en‑tête [traduction] « du Tribunal » plutôt que d’être publiées sur le site Web de la Commission. Dans le deuxième courriel envoyé à 11 h 55, il demandait à la présidente, et non à un subalterne ou à un représentant désigné, de fournir une réponse à ses requêtes. À 12 h 15 ce jour-là, il a envoyé un dernier courriel pour demander encore une fois que la présidente fournisse des décisions.

[78] Une CGC a eu lieu par vidéoconférence le vendredi 18 mars 2022. À ce moment‑là, le fonctionnaire a confirmé qu’il n’existait aucune question documentaire en suspens. Au cours de la CGC, il a été question des requêtes envoyées à la présidente. Pendant la discussion, le fonctionnaire a indiqué ne pas avoir la lettre que lui avait adressée la présidente le 15 mars 2022. Je la lui ai lue. J’ai répété à plusieurs reprises au fonctionnaire que la présidente ne se prononcerait pas sur ses requêtes. J’ai également demandé au greffe de la Commission de lui envoyer de nouveau la lettre de la présidente datée du 15 mars 2022 et de confirmer qu’il l’avait reçue. Cela fut fait et le greffe de la Commission a confirmé que le fonctionnaire avait reçu la lettre du 15 mars 2022 à un moment donné entre la fin de la CGC (qui a pris fin à 10 h) et le début de l’après‑midi. J’ai également répété à plusieurs reprises pendant la CGC que je serais heureux d’entendre et de trancher les requêtes. Toutefois, le fonctionnaire a déclaré qu’il ne souhaitait pas que je le fasse.

[79] De plus, au cours de la CGC, le fonctionnaire a fait allusion à la question de sa représentation juridique, déclarant plus d’une fois [traduction] « vous savez à quel point il est difficile de trouver un avocat honnête ». Il n’a fourni aucun autre renseignement sur les démarches qu’il avait faites, le cas échéant, pour trouver un conseiller juridique.

[80] Le 18 mars 2022, après la CGC et après que le greffe avait transmis la lettre de la présidente du 15 mars 2022, le fonctionnaire a envoyé un courriel à l’adjointe exécutive de la présidente, lui demandant de porter ce courriel à l’attention de la présidente. Dans ce courriel, le fonctionnaire discute des courriels qu’il a reçus et il semble songer aux courriels et aux lettres devant être considérés comme des décisions ou des ordonnances et devant être vues comme exécutoires ou pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Il a ensuite demandé que lui soient renvoyés certains courriels que lui avait adressés le greffe de la Commission et qui portaient la date du 18 mai 2022 ou du 21 mars 2022 et incluaient mon nom. Il a ensuite déclaré ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

La raison pour laquelle je demande que la décision soit datée prospectivement à aujourd’hui ou à lundi est que, comme je l’ai mentionné dans le document transmis vendredi dernier, lorsque j’ai reçu l’un des deux premiers documents mentionnés ci‑dessus, le commissaire n’avait pas tenu compte des motifs clairs, convaincants et logiques que j’ai donnés pour justifier une remise et un ajournement.

Cependant, avant cela, j’aimerais que le commissaire tienne réellement compte des motifs clairs, convaincants et logiques pour lesquels je demande une remise ou un ajournement.

Je l’ai mentionné aujourd’hui et également pendant la conférence de gestion de cas avec le commissaire.

Vu ce qui précède et l’omission de prendre en compte les raisons pour lesquelles j’ai demandé une remise ou un ajournement, le commissaire a porté atteinte à mon droit d’être entendu et, par conséquent, a contrevenu aux deux lois habilitantes du tribunal.

Cela revient essentiellement à dire qu’il a contrevenu à la primauté du droit.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[81] Le samedi 19 mars 2022, le fonctionnaire a envoyé un courriel à l’adjointe exécutive de la présidente ainsi qu’au greffe de la Commission, et ce, à deux reprises (à 11 h 05 et à 13 h 52). Était joint à ces courriels celui du 18 mars 2022. Le dimanche 20 mars 2022, à 12 h 27, le fonctionnaire a encore une fois envoyé un courriel à l’adjointe exécutive de la présidente et au greffe de la Commission. Dans ce courriel étaient également joints ceux des 18 et 19 mars. Il a de nouveau demandé que les courriels soient portés à l’attention de la présidente. Dans ce courriel, en plus de soulever un certain nombre d’éléments concernant le document à l’appui de la requête du 14 mars, il énonce ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

En ce qui concerne les requêtes qui ont été envoyées à la présidente, la Loi indique clairement que celles‑ci relèvent de sa compétence. Toutefois, la présidente a fait savoir qu’elle ne répondrait pas aux ordonnances que j’ai demandées.

Je le dis en toute déférence.

Tel qu’il en a été question avec le commissaire Jowarski [sic] pendant la réunion de gestion de cas, je ne veux pas qu’il donne une réponse aux requêtes, en ce sens que la présidente aurait dû y répondre.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[82] Le lundi 21 mars 2022, à 7 h 10, le fonctionnaire a envoyé un courriel au greffe de la Commission et à l’adjointe exécutive de la présidente et y a joint une copie de ses courriels antérieurs des 18, 19 et 20 mars 2022. Ce courriel fait également mention d’un certain nombre d’éléments, mais il ne fournit pas de nouveaux motifs pour justifier une remise. Un peu plus tard, à 7 h 16, le fonctionnaire a de nouveau envoyé un courriel au greffe de la Commission et à l’adjointe exécutive de la présidente et a transmis les courriels antérieurs de 7 h 10 et des 18, 19 et 20 mars 2022. Ce courriel ne comprenait aucun élément supplémentaire concernant la demande de remise.

[83] Le 24 mars 2022, la présidente a envoyé une troisième lettre au fonctionnaire. Celle-ci a été transmise par courrier électronique. Les parties pertinentes de ce courriel énoncent ce qui suit concernant la demande de remise :

[Traduction]

 

[…]

Le 15 mars 2022, je vous ai envoyé une réponse à différents courriels reçus entre le 6 et le 14 mars 2022. La plupart de ces courriels reprenaient les mêmes points ou revenaient sur des préoccupations auxquelles j’ai déjà répondu dans ma lettre du 4 mars 2022 qui vous a été communiquée.

Comme je vous l’ai expliqué encore une fois dans ma lettre du 15 mars 2022, je ne peux ni examiner ni annuler les décisions de la formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral qui instruit actuellement l’affaire, composée du commissaire John Jaworski. Toute requête ou autre demande concernant votre dossier en cours doit lui être adressée aux fins d’examen, y compris les demandes de remise.

[…]

· Je ne peux pas trancher votre demande de remise ni toute autre demande dans cette affaire. Vous devez adresser vos demandes au commissaire, M. Jaworski, qui a reçu une copie de mes réponses que je vous ai communiquées.

[…]

 

[84] Le vendredi 25 mars 2022 et encore une fois le dimanche 27 mars 2022, le fonctionnaire a envoyé cinq courriels au greffe de la Commission et à l’adjointe exécutive de la présidente, dont quatre le 27 mars 2022 à 11 h 28, à 11 h 55, à 12 h 27 et à 14 h 25. Des courriels antérieurs envoyés le même jour étaient souvent joints à chacun, de sorte que le dernier courriel envoyé à 14 h 25 comprenait également tous les courriels envoyés plus tôt ce jour-là. La seule référence à la question de la remise dans ces courriels était faite dans le courriel de 11 h 55. La voici :

[Traduction]

 

[…]

Je fais également remarquer qu’en ce qui concerne le choix des dates d’audience, le commissaire a porté atteinte à mon droit d’être entendu en contrevenant à deux lois du Parlement et au Code de valeurs et éthique du secteur public. Il l’a fait à deux reprises dans une décision sur le choix des dates d’audience.

[…]

 

[85] Le lundi 28 mars 2022, à 11 h 44, le fonctionnaire a envoyé un autre courriel au greffe de la Commission et à l’adjointe exécutive de la présidente. Celui-ci contenait une copie de son courriel du 25 mars 2022 et du courriel du 27 mars 2022, à 11 h 55.

[86] Le 29 mars 2022, le fonctionnaire a envoyé cinq courriels au greffe de la Commission en plus de laisser un message vocal. Certains courriels ont également été envoyés à l’adjointe exécutive de la présidente. Aucun ne comportait d’observations supplémentaires concernant la demande de remise faite par le fonctionnaire.

[87] Le 7 avril 2022, j’ai ordonné que la Commission retienne les services d’un sténographe judiciaire qui participerait à l’audience. Les parties en ont été informées ce jour‑là.

[88] L’employeur n’a fourni aucune réponse aux documents du fonctionnaire.

II. Motifs

[89] La Commission n’est pas tenue d’accorder des remises.

[90] La Commission a une politique concernant les remises. Elle est publiée sur le site Web de la Commission et énonce ce qui suit :

La présente politique décrit la procédure pour demander la remise d’une audience prévue. […]

[…]

DEMANDE DE REMISE D’AUDIENCE

Idéalement, la demande de remise doit être faite le plus tôt possible une fois que les dates d’audience sont connues. Plus le jour de l’audience approche, plus la demande de remise fera l’objet d’un examen attentif de la part de la Commission. Toute demande de remise doit être justifiée par des motifs clairs, logiques et convaincants.

[…]

4. La partie demandant la remise doit fournir des motifs clairs, logiques et convaincants pour justifier sa demande. L’autre ou les autres parties (de l’audience) peuvent prendre la demande en considération et décider si elles souhaitent se prononcer. La Commission déterminera ensuite si elle accorde ou non la demande de remise.

[…]

MOTIFS

La Commission accordera une remise qu’en présence de motifs clairs, logiques et convaincants. À titre de guide pour les parties, les situations suivantes NE constituent généralement PAS une raison suffisante pour accorder une remise :

· Le souhait mutuel des parties pour une remise.

· Le fait que l’affaire n’a pas été reportée auparavant.

· Le fait que les parties affirment que le cas sera probablement réglé si la remise est accordée.

· Si un témoin, une partie ou un avocat n’est pas disponible (sauf dans des circonstances exceptionnelles) après avoir été avisé raisonnablement à l’avance.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[91] L’expression « clairs, logiques et convaincants » donne une ligne directrice à la partie qui demande une remise de l’audience. Les mots « clairs et logiques » signifient que le motif doit être communiqué de manière à ce que la Commission comprenne pourquoi la remise est demandée. D’autre part, le terme « convaincant » tient à l’importance devant être accordée au motif. En bref, pour que le motif présenté soit convaincant, il doit être de nature à persuader qu’il y a lieu de remettre l’audience.

[92] Par exemple, une partie qui demande le report d’une audience d’une semaine pourrait déclarer avoir besoin d’une remise parce qu’elle a un autre engagement prévu au même moment. Il ne s’agit pas d’un motif clair et logique (sans tenir compte pour l’instant du caractère convaincant) de reporter une audience. Toutefois, si la même partie dit avoir un rendez‑vous chez le dentiste le matin du premier jour d’audience, il s’agirait d’un motif à la fois clair et logique, mais peut-être pas convaincant. Si le rendez‑vous concerne un nettoyage qui peut facilement être reporté, on ne peut dire que le motif est convaincant. Toutefois, si le rendez‑vous concerne une chirurgie d’urgence parce que la personne a reçu une rondelle de hockey sur la bouche la veille et qu’elle a subi des dommages graves à la mâchoire, aux dents et à la bouche, le critère du caractère convaincant serait probablement rempli.

[93] Il va sans dire que chacun des motifs invoqués pour reporter une audience doit être évalué en fonction de son bien‑fondé, compte tenu des circonstances de l’espèce.

[94] Dans les différents documents qu’il a transmis à la présidente, depuis le courriel du 18 février, le fonctionnaire a énoncé les six motifs suivants pour justifier le report des dates d’audience prévues :

· un membre des médias souhaite y assister;

· le fonctionnaire a discuté avec l’Association canadienne des libertés civiles, qui pourrait souhaiter agir comme intervenante;

· le sténographe judiciaire du fonctionnaire n’est pas disponible avant septembre 2022;

· le fonctionnaire n’est plus représenté par un conseiller juridique;

· le fonctionnaire souhaite obtenir une EAT;

· le fonctionnaire est handicapé.

 

[95] Avant de me pencher sur ces motifs, je tiens à aborder deux allégations formulées par le fonctionnaire concernant le choix des dates d’audiences, à savoir :

1. la Commission n’a pas donné au fonctionnaire la possibilité de faire connaître ses disponibilités aux fins du choix des dates d’audience;

2. la Commission n’a pas tenu compte des motifs clairs, logiques et convaincants énoncés dans sa première demande de remise.

 

A. La Commission n’a pas donné au fonctionnaire la possibilité de faire connaître ses disponibilités aux fins du choix des dates d’audience

[96] La Commission n’est pas tenue de consulter les parties au sujet des dates d’audience, et la majorité d’entre elles sont fixées sans leur avis.

[97] Le paragraphe 102(1) du Règlement prévoit que la Commission doit fournir aux parties un avis d’audience au moins sept jours avant la date fixée pour la tenue de celle‑ci. Dans le présent cas, le fonctionnaire a été avisé 87 jours avant. La Commission a pour pratique de fournir un avis d’audience officiel qui énonce les détails de l’audience 30 jours avant le premier jour de l’audience.

[98] Même si elle n’était pas tenue de s’enquérir des disponibilités des parties avant de fixer les dates de la poursuite de l’audience, son greffe l’a fait par courriel le 26 janvier 2022, en demandant aux parties de fournir leurs disponibilités afin que se poursuive l’audience en février, mars, avril et mai 2022. Entre‑temps, la Commission a fixé des dates d’audience pour deux semaines en juillet 2022, car c’était là où elle en était dans l’organisation de son calendrier à ce moment‑là.

[99] Un délai de réponse d’une semaine a été accordé aux parties. Aucune n’avait répondu à la date butoir du 2 février 2022. Dans un courriel envoyé le 3 février, les parties se sont vu rappeler leur retard. L’avocat de l’employeur a répondu immédiatement en fournissant les dates auxquelles l’employeur était disponible et non disponible. Aucun renseignement n’a été fourni par le fonctionnaire ou son conseiller juridique et, par conséquent, le 9 février 2022, les dates d’audience du 9 et 10 mai et de la semaine du 16 mai 2022 ont été fixées, en plus des dates de juillet 2022. Ces dates ont été communiquées aux parties par courriel le 11 février 2022, à 11 h 25.

[100] Le 11 février 2022, à 17 h 32, Me Markowitz a informé le greffe de la Commission qu’il ne représentait plus le fonctionnaire. Jusqu’au 4 avril 2022, la Commission ignorait que Me Markowitz avait informé le fonctionnaire qu’il ne le représenterait plus, et ce dans un courriel transmis le 26 janvier 2022, à 16 h, moment auquel il a également transmis au fonctionnaire le courriel que le greffe de la Commission avait envoyé aux parties le même jour pour les inviter à communiquer leurs disponibilités.

[101] Le fonctionnaire a déclaré dans plusieurs documents de correspondance adressés à la présidente que la Commission, que ce soit moi en tant que formation de la Commission ou le greffe de la Commission en mon nom, ne lui a pas demandé son avis avant de fixer les dates de la poursuite de l’audience; ce qui est manifestement faux.

[102] Dans un courriel envoyé à l’avocat du fonctionnaire le 26 janvier 2022, la Commission a demandé au fonctionnaire de formuler ses commentaires. Il incombait à l’avocat du fonctionnaire d’aborder cette question avec lui. Il ressort des documents produits récemment par le fonctionnaire que son avocat lui a transmis cette demande le 26 janvier 2022. Le greffe de la Commission a accordé un délai de réponse aux parties. Or ni le fonctionnaire ni son avocat n’a répondu. En fait, l’avocat du fonctionnaire a informé le greffe de la Commission qu’il ne représentait plus le fonctionnaire seulement après que les dates d’audience avaient été fixées et communiquées aux parties, en réponse au courriel que le greffe a envoyé aux parties le 11 février 2022 pour les informer des dates d’audience. Seize jours s’étaient alors écoulés depuis que les parties avait été invitées à fournir leurs commentaires, et aussi depuis que le fonctionnaire en avait été informé, car son avocat lui avait écrit par courriel à ce sujet le même jour, l’informant du même coup qu’il ne le représenterait plus. Le fait qu’il était au courant de la demande de la Commission n’a été communiqué ni au greffe de la Commission, ni à la présidente, ni à moi, avant qu’il ne produise cette information dans un dossier de requête écrit à l’intention de la CAF, qui a été fourni au greffe de la Commission plus de deux mois après les faits, soit le 4 avril 2022.

B. La Commission n’a pas tenu compte des motifs clairs, logiques et convaincants énoncés dans la première demande de remise du fonctionnaire.

[103] Dans ses nombreux courriels envoyés à la présidente, qui comprenaient des demandes de remise les dates d’audience, le fonctionnaire a affirmé que je n’ai pas tenu compte des motifs clairs, logiques et convaincants qu’il m’avait présentés pour que j’accepte sa première demande de remise. Cela est faux.

[104] Le 15 février 2022, le fonctionnaire a envoyé deux courriels, un premier à 13 h 09 et un deuxième à 13 h 16. Dans ces courriels, il ne demande pas réellement une remise. Il affirme simplement qu’il est prématuré de fixer des dates d’audience.

[105] La première question abordée dans le courriel de 13 h 09 concerne une EAT et donne à penser que le fonctionnaire ne souscrit pas aux conclusions qui y sont énoncées. Il n’y a aucun autre renseignement sur cette EAT, et je ne peux que conclure qu’elle a été effectuée à une date inconnue par la Commission et avec le consentement du fonctionnaire. Il est par ailleurs mentionné que le fonctionnaire avait un différend avec son avocat. Dans le courriel de 13 h 16, le fonctionnaire affirme ensuite que pour des raisons de [traduction] « logistique liée à [son] dossier, [il] demande des dates en septembre ». J’ai interprété cela comme une demande de remise de la part du fonctionnaire.

[106] La demande du fonctionnaire est loin d’être claire ou logique. Au mieux, elle fait vaguement allusion à un problème possible avec son conseiller juridique. Dans le courriel, à ce moment‑là, il nie que la relation avec Me Markowitz a été dissoute. Cette situation factuelle est loin d’être claire et elle n’est pas du tout convaincante. Si la relation n’était pas dissoute, comme le fonctionnaire l’évoque, cela ne constitue certainement pas un motif de ne pas procéder à l’audience.

[107] Encore une fois, concernant le différend au sujet de l’EAT auquel le fonctionnaire a fait allusion, les renseignements communiqués par le fonctionnaire ne me donnent pas, en tant que formation de la Commission saisie de l’affaire, de renseignements suffisants pour conclure qu’il existe un motif clair, logique et convaincant de remettre l’audience à une date ultérieure. Au mieux, les renseignements fournis confirment qu’il pourrait exister un différend concernant une EAT dans un dossier qui tient et tenait surtout à l’aptitude au travail du fonctionnaire depuis aussi loin que 2012, comme il en sera question plus en détail ci-après.

C. Les motifs pour lesquels le fonctionnaire, après le 18 février 2022, demande une remise

1. Un membre des médias souhaite y assister

[108] La Commission respecte le principe de transparence judiciaire. Ses audiences sont ouvertes au public. Tout membre du public ou des médias qui le souhaite a le droit d’y assister. Il en est de même dans le cas du fonctionnaire. Toutefois, la Commission ne planifiera pas une audience pour accommoder un membre des médias ou du public. Elle n’est pas non plus tenue de le faire. Il ne s’agit pas d’un motif convaincant de reporter une audience.

2. Le fonctionnaire laisse entendre que l’Association canadienne des libertés civiles pourrait souhaiter agir comme intervenante

[109] Si l’Association canadienne des libertés civiles souhaite agir comme intervenante dans le cas du fonctionnaire, il lui incombe de prendre les mesures qu’elle juge nécessaires pour ce faire. La possibilité qu’une personne ou une organisation demande à agir comme intervenante dans le cadre d’une instance ne constitue pas un motif convaincant de reporter une audience. En date de la présente décision, aucune partie n’a demandé à agir comme intervenante dans la présente affaire.

3. Le sténographe judiciaire du fonctionnaire n’est pas disponible avant septembre 2022

[110] En règle générale, les audiences de la Commission se font sans recours aux services de sténographie judiciaire. Même si la Commission tient ses audiences de manière quasi judiciaire, elle n’a généralement pas recours à ces services pour consigner mot à mot les témoignages présentés, et elle n’y avait pas recours par le passé non plus. La formation de la Commission qui instruit l’affaire et les parties prennent leurs notes elles-mêmes.

[111] Après que j’ai rendu la décision 2018 CRTESPF 76, avant de reprendre l’audience dans la présente affaire en décembre 2020 et en même temps que le dépôt de sa première demande de récusation (septembre 2019), le fonctionnaire a demandé que la Commission autorise la poursuite de son audience en présence d’un sténographe judiciaire, à ses frais. J’ai accueilli cette demande. Lorsque l’audience a repris le 1er décembre 2020, un sténographe judiciaire dont les services avaient été retenus par le fonctionnaire était présent.

[112] Le fonctionnaire affirme ce qui suit dans le courriel du 18 février : [traduction] « Pour que je sois en mesure d’embaucher un sténographe judiciaire, mes dates d’audience doivent être situées en septembre ou plus tard. […] Les services de sténographie judiciaire ne pourraient pas être offerts si l’audience a lieu au début mai, et probablement pas non plus en juillet. » Le fonctionnaire n’a fourni aucun véritable élément de preuve quant à la disponibilité ou à la non‑disponibilité du sténographe judiciaire. Cela dit, et quoi qu’il en soit, la présidente a mentionné au fonctionnaire que s’il me présentait une demande concernant le recours à un sténographe judiciaire, je serais tenu d’y répondre.

[113] Étant donné que j’avais déjà permis au fonctionnaire de retenir les services d’un sténographe judiciaire à ses frais, comme il le demandait, j’aurais maintenu que cela valait encore. Toutefois, l’instance dont est saisie la Commission ne devrait pas être indûment retardée parce que le fonctionnaire n’a pas assez de ressources pour payer le sténographe judiciaire. Dans ces circonstances, j’ai décidé qu’afin de faciliter la tenue de l’audience et d’éviter tout délai attribuable à une particularité d’un service de sténographie judiciaire ou aux ressources financières limitées du fonctionnaire, la Commission prendra les dispositions nécessaires pour retenir et payer les services de sténographie judiciaire, sans frais pour le fonctionnaire ou l’employeur. Cette décision a été communiquée aux parties le 7 avril 2022.

4. Le fonctionnaire souhaite obtenir une EAT

[114] Après son licenciement, le fonctionnaire a demandé et a commencé à recevoir des prestations d’invalidité du fournisseur d’assurance‑invalidité de l’employeur, la Sun Life.

[115] Le 26 janvier 2022, le greffe de la Commission a envoyé un courriel contenant deux questions à l’intention des parties, dont une concernant les points qui demeuraient en suspens relativement à la réparation. L’avocat de l’employeur a répondu dans une lettre datée du 12 février 2022, affirmant ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

L’employeur fait valoir que les questions qui restent à trancher relativement à la réparation sont assez étroites. Lorsqu’il a été licencié, M. Herbert n’était pas apte au travail. Peu de temps après était approuvée sa demande de prestations d’invalidité et, par la suite, sa demande de PIRPC. Santé Canada a récemment évalué M. Herbert et conclu qu’il n’est pas apte à retourner au travail en quelque capacité que ce soit, et que sa déficience est probablement permanente. […]

[…]

Nous nous attendons à ce que M. Herbert ne souscrive pas à notre position, et nous avons notamment été informés que M. Herbert conteste le pronostic de Santé Canada concernant un retour au travail.

[…]

 

[116] Le fonctionnaire a répondu par courriel du 15 février, à 13 h 16, déclarant ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Me Stelpstra affirme qu’au moment de mon licenciement injustifié je n’étais « pas apte au travail ». Il sait que cette affirmation est inexacte, car deux évaluations annuelles réalisées avant mon licenciement injustifié étaient positives et il n’existait aucun rapport médical compatible avec son affirmation.

Ces facteurs jouent dans la détermination de la réparation et des dommages à accorder.

Comme Me Stelpstra le sait également, mon employeur m’a licencié injustement pour un supposé « rendement insatisfaisant », et il ne m’a pas licencié [injustement] parce que je n’étais pas apte au travail, comme il l’affirme.

[…]

Me Stelpstra a toutefois raison de dire que [sic] produite par Santé Canada est fondamentalement viciée, car il lui a signalé ce fait.

Par conséquent, malgré l’affirmation de Me Stelpstra, il existe une question réelle concernant la réintégration (comme il l’a déclaré dans sa lettre) et la perte de salaire.

[…]

 

[117] Dans le courriel du 15 février, à 13 h 16, le fonctionnaire a déclaré [traduction] « Comme l’a souligné son avocat, mon employeur est au courant que les lettres produites par Santé Canada sont fondamentalement viciées. » Je n’ai pas vu le rapport de Santé Canada auquel fait référence Me Stelpstra, et ce rapport n’a pas été fourni à la Commission. Tout ce que j’ai vu et ce qui a été transmis au greffe de la Commission est la lettre du 12 février 2022 dans laquelle l’employeur affirme qu’il (un rapport récent de Santé Canada) existe, que le fonctionnaire n’était pas en mesure de retourner au travail à quelque titre que ce soit et que sa déficience est probablement permanente.

[118] Je n’ai eu connaissance d’aucune correspondance ni d’aucune discussion entre l’avocat de l’employeur et l’ancien avocat du fonctionnaire à ce sujet. Je n’ai vu aucun des documents que mentionne le fonctionnaire dans le courriel du 15 février, à 13 h 16 qui laisse entendre que l’avocat de l’employeur a dit que les lettres produites par Santé Canada sont fondamentalement viciées.

[119] Le fonctionnaire a également déclaré ce qui suit dans le courriel du 15 février, à 13 h 16 : [traduction] « Même avant d’envisager l’idée d’embaucher un sténographe judiciaire, je devrai avoir une véritable EAT en place et non ce qui a été produit par Santé Canada. »

[120] Le grief relatif au licenciement et les griefs sur lesquels je me suis prononcé dans la décision 2018 CRTESPF 76 découlaient du constat, par l’employeur, que le fonctionnaire avait du mal à réaliser des tâches liées à son poste d’attache depuis aussi longtemps que l’exercice 2011‑2012, ce qui concerne en gros son aptitude à accomplir les tâches du poste. En raison de ce que l’employeur considérait comme certains problèmes, le fonctionnaire a été muté à un poste PM‑03, tout en conservant sa rémunération aux groupe et niveau d’attache.

[121] En août 2012, le fonctionnaire a présenté à l’employeur une lettre que son psychologue avait produite pour signaler un problème de santé mentale susceptible de nécessiter une mesure d’adaptation. Au cours de l’audition en 2016, un grand nombre d’éléments de preuve ont été déposés concernant les évaluations effectuées, la santé du fonctionnaire, la capacité du fonctionnaire d’accomplir les tâches liées à son poste d’attache et la question de la mesure d’adaptation.

[122] Ce qui a finalement donné lieu au licenciement du fonctionnaire est une série d’événements, le premier étant le fait que le fonctionnaire, entre janvier et août 2015, s’opposait à la tenue d’une évaluation de santé. Même s’il existait un différend quant au type exact d’évaluation ou d’examen devant être effectué, il ressort clairement des éléments de preuve que le fonctionnaire s’est opposé à la demande au départ. Plus tard, il l’a acceptée et y a consenti et, plus tard encore, il a déposé un grief à cet égard. L’employeur a quant à lui fait droit au grief, ce qui a enclenché une autre procédure dans le cadre de laquelle il incombait au fonctionnaire de démontrer sa capacité d’exercer de manière satisfaisante les fonctions et les responsabilités de son poste d’attache, ce qu’il n’a pas fait, ce qui a en fin de compte mené à son licenciement (voir 2018 CRTESPF 76).

[123] En bref, la présente affaire porte depuis le début, d’une façon ou d’une autre, sur la capacité du fonctionnaire d’accomplir les tâches de son poste, et le débat concernant le grief relatif au licenciement a porté tout particulièrement sur l’omission du fonctionnaire de participer à une évaluation médicale. L’aptitude au travail du fonctionnaire ou les mesures d’adaptation prises par l’employeur en réponse aux difficultés éprouvées par le fonctionnaire au travail étaient au cœur des griefs dont j’ai été saisi au début de l’instruction, en janvier 2016, et les faits remontent à l’exercice 2011‑2012.

[124] Aux paragraphes 411, 412, 417 et 418 de la décision 2018 CRTESPF 76, j’ai affirmé ce qui suit :

411 En fin de compte, plutôt que de mener une EAT rigoureuse et complète, l’employeur s’est adapté au grief du fonctionnaire et, plutôt que de recueillir des renseignements médicaux et sur les mesures d’adaptation dont il avait besoin (qui, à l’audience, a admis être nécessaires), a déterminé qu’il rendrait une décision quant à l’emploi du fonctionnaire et à la mesure d’adaptation en fonction de renseignements médicaux désuets et à sa contribution à une autoévaluation de ses compétences et habilités. Ce processus a été profondément vicié et voué à l’échec.

412 Le fonctionnaire a contesté une autre EAT sous forme d’une EMI ou d’une évaluation neuropsychologique et a déposé un grief à l’encontre de l’obligation d’en subir une. Cela dit, il a souffert du trouble dépressif majeur que l’employeur savait lui causait d’importants problèmes cognitifs. Je n’ai aucun doute que vu les problèmes de santé mentale dont il était atteint, le fonctionnaire n’était probablement pas la bonne personne à juger ce qu’il pouvait faire ou son niveau de compétence. Pourtant, c’est ce que l’employeur a fait, à la lumière de ce fait et en affirmant qu’il ne pouvait pas évaluer les compétences du fonctionnaire et la mesure d’adaptation sans une autre évaluation par un spécialiste.

[…]

417 Il est impossible d’évaluer si le fonctionnaire aurait pu retourner à son poste d’attache d’APS, avec ou sans une mesure d’adaptation, ou s’il avait pu combler un autre poste vacant ou poste à la CNLC parce que l’employeur a consenti au grief concernant l’obligation de subir une autre EAT (sous toute forme que ce soit) à la lumière de savoir que les renseignements qu’il avait dans son dossier étaient insuffisants pour lui permettre de prendre les décisions nécessaires pour répondre à ses besoins en matière d’emploi et d’adaptation (s’il y a lieu). Plutôt que de faire ce qui était nécessaire, il a adopté la voie de la facilité.

418 Peut‑être que le fonctionnaire aurait pu être retourné à son poste d’APS ou peut‑être sa déficience est telle qu’il n’aurait simplement pas été en mesure d’exécuter le travail requis du poste ou de tout poste à la CNLC. Toutefois, il est impossible de répondre à cette question parce que le processus n’a pas été suivi et, par conséquent, l’employeur a manqué à son obligation dans le cadre du processus d’adaptation.

[…]

 

[125] L’omission de l’employeur de procéder à une évaluation au printemps 2015 constituait non seulement la raison du licenciement, mais également, selon le fonctionnaire, ce qui devrait m’amener à rendre une décision favorable à son égard. Dans la décision 2018 CRTESPF 76, j’ai résumé les arguments des deux parties. Les arguments du fonctionnaire quant à son licenciement sont résumés en partie aux paragraphes 273 et 274, qui énoncent ce qui suit :

273 En janvier 2015, l’employeur voulait que le fonctionnaire participe à une autre EAT [EMI], qui ne lui semblait pas nécessaire. Il a déposé un grief à l’encontre de l’employeur qui, à son tour, a agi de mauvaise foi et a décidé qu’il renoncerait à l’évaluation et qu’il rendrait des décisions fondées sur les renseignements dont il disposait.

274 Le témoignage de Mme Gaudet sur ce point est essentiel. Elle a déclaré que l’employeur ne pouvait pas rendre une décision sur les mesures d’adaptation en l’absence d’une nouvelle EAT [EMI], qui n’a jamais été effectuée. […]

 

[126] Au début de l’audience, dans son exposé introductif, l’avocat du fonctionnaire a déclaré que le fonctionnaire demande des dommages au lieu d’être réintégré et que ces dommages soient évalués à compter de la date de licenciement jusqu’à la date de sa retraite prévue de la fonction publique. L’avocat de l’employeur m’a répété ce point dans son argumentation finale. À un moment donné après que j’ai rendu la décision 2018 CRTESPF 76, au moins dès janvier 2020, le fonctionnaire, par l’intermédiaire de son conseiller juridique, a demandé à la Commission d’ordonner que l’employeur procède à une EAT.

[127] Le 9 novembre 2020, en vue de la poursuite de l’audience le 1er décembre 2020, l’avocat de l’employeur a demandé une ordonnance de production du dossier d’invalidité du fonctionnaire auprès de la Sun Life. À l’appui de cette demande, l’avocat de l’employeur a joint trois lettres (datées du 31 août, du 29 octobre et du 6 novembre 2020) qui avaient été envoyées depuis le bureau de cet avocat. L’avocat du fonctionnaire a répondu à la Commission dans une lettre datée du 10 novembre 2020 (la lettre du 10 novembre) et envoyée à la Commission par courrier électronique le même jour. Les parties pertinentes de ces lettres, qui ont été reproduites plus tôt dans la présente décision, indiquent clairement que l’aptitude au travail du fonctionnaire et ses prestations d’invalidité liées à son aptitude (ou inaptitude) au travail étaient au cœur des préoccupations des parties depuis au moins l’été 2020, le fonctionnaire ayant déclaré ce qui suit à son avocat dans un courriel daté du 9 novembre 2020 : [traduction] « Comme vous le savez, mes prestations d’invalidité ont pris fin le 7 juin 2020. Vous le savez, car je vous ai demandé s’il y avait lieu de demander une prolongation. Vous avez mentionné que je ne peux pas être apte à retourner au travail et continuer de toucher des prestations d’invalidité. »

[128] Ce qui ressort du courriel est que même avant la fin des versements de prestations d’invalidité, au moins en juin 2020, le fonctionnaire discutait de la stratégie de demander des prestations d’invalidité prolongées, compte tenu de ce que cela impliquait concernant son aptitude au travail.

[129] Le 11 février 2022, date à laquelle les parties ont été informées des dates d’audience de mai 2022, plus de 40 mois (presque 3,5 ans) s’étaient écoulés depuis que j’avais rendu ma décision sur la responsabilité (2018 CRTESPF 76). Durant tout ce temps, le fonctionnaire était représenté par un conseiller juridique principal. L’aptitude au travail du fonctionnaire et la réalisation d’une EAT sont au cœur de la présente affaire depuis le début. Il est très clair que le fonctionnaire et son représentant juridique ont, à un moment donné, décidé de ne pas faire de démarches pour que le fonctionnaire obtienne sa propre EAT, selon les peu nombreux documents présentés par le fonctionnaire.

[130] Rien n’empêchait le fonctionnaire d’obtenir sa propre EAT. En demandant à Santé Canada d’effectuer une EAT, l’employeur aurait eu à obtenir le consentement du fonctionnaire et aurait été tenu de faire un historique général du problème et de fournir des renseignements sur l’emploi et le milieu de travail. Bien souvent, ces aspects sont des questions en litige et font l’objet de négociations pendant le processus d’EAT. Le fonctionnaire aurait pu utiliser ces renseignements pour obtenir sa propre EAT. Il semble qu’il s’est plutôt contenté d’attendre les résultats de l’EAT de l’employeur.

[131] Ils espéraient peut‑être qu’une autre EAT obtenue par l’employeur lui serait favorable. Toutefois, ils auraient dû tenir compte du fait qu’il y avait une possibilité que l’évaluation ne soit pas favorable, surtout vu l’historique de l’affaire et les éléments de preuve déjà présentés au cours de l’audition de 2016, qui a donné lieu à la décision 2018 CRTESPF 76.

[132] De plus, même si le fonctionnaire a déclaré avoir besoin d’une autre EAT, il n’a fourni à la Commission aucun renseignement qui donnerait à penser qu’une EAT était réalisable tout court ou réalisable pendant la période que créerait le report d’audience qu’il demandait. En se fondant sur les rares renseignements à cet égard, s’il en est, si la Commission accueille la demande et qu’aucune EAT n’est réalisée d’ici septembre ou octobre 2022, cela donnera inévitablement lieu à une autre demande de remise de l’audience à une date que l’on ne connaît pas. De plus, rien ne dit que si la Commission reporte davantage l’audience, en considération de la tentative du fonctionnaire d’obtenir une autre EAT, et que si l’évaluation ne satisfait pas le fonctionnaire, cela aurait pour résultat qu’il présenterait une autre demande de remise.

5. Le fonctionnaire est handicapé

[133] À la page 11 du document à l’appui de la requête du 14 mars, le fonctionnaire déclare qu’il est atteint d’un [traduction] « trouble dépressif majeur récurrent et d’un trouble d’anxiété généralisée ». Il affirme en outre que je sais qu’il en souffre. Il affirme également qu’il n’a plus de problème de consommation d’alcool et déclare ensuite que son état dépressif et son trouble d’anxiété sont en veilleuse.

[134] Comme il est mentionné dans la décision 2018 CRTESPF 76, un grand nombre d’éléments de preuve m’ont été fournis sous la forme de rapports et de dossiers médicaux ainsi que lors de témoignage des professionnels des soins de santé, au sujet des problèmes de santé qui façonnent la déficience du fonctionnaire. Toutefois, le fait d’être atteint d’une déficience ne signifie pas nécessairement qu’une mesure d’adaptation doit être prise, et il se peut aussi que l’état d’une personne change au fil du temps. Étant donné que, dans son document à l’appui de la requête du 14 mars, le fonctionnaire a affirmé que son état dépressif et son anxiété sont en veilleuse, il semble qu’aucune mesure d’adaptation ne soit nécessaire pour l’instant et, par conséquent, aucune telle mesure ne sera ordonnée.

[135] En outre, le fonctionnaire semble utiliser cette demande liée à sa déficience comme un prétexte pour m’écarter en tant que formation de la Commission chargée de poursuivre l’instruction de l’affaire et de trancher le grief dont je suis saisi.

[136] Comme je l’ai mentionné dans la présente décision, le 24 septembre 2019, celui qui était l’avocat du fonctionnaire à l’époque, Me Markowitz, a transmis à la Commission la demande de récusation et la litanie d’erreurs (54 pages dactylographiées à simple interligne). Cela a mené à la décision 2020 CRTESPF 28. Par la suite, le fonctionnaire a transmis d’autres documents, courriels et lettres à l’ancienne présidente afin de lui demander qu’elle me retire la suite de la présente affaire, ce qui a donné lieu à la lettre de décision du 6 août. À ce jour, depuis son courriel du 18 février, il a envoyé à la présidente actuelle un grand nombre de documents portant sur divers sujets, dont la demande que je ne poursuive pas l’instruction de la présente affaire n’en est pas la moindre. La présidente actuelle a écrit au fonctionnaire trois fois depuis le 18 février 2022 et lui a dit qu’elle n’interférait pas.

[137] Une grande partie de ces documents véhiculent un discours que le fonctionnaire a construit en affirmant à répétition que j’ai un préjugé contre lui et que je mène ce qu’il décrit comme une campagne de représailles. Ce message ressort aussi de sa demande de récusation (qui a donné lieu à la décision 2020 CRTESPF 28) et de sa demande précédente adressée à l’ancienne présidente (qui a mené à la lettre de décision du 6 août). C’est dans ce même esprit que le fonctionnaire demande maintenant une mesure d’adaptation en raison de sa déficience. Il déclare que sa déficience sera exacerbée si l’audience a lieu devant moi et si elle n’est pas remise à une date ultérieure.

[138] Le fonctionnaire n’a déposé aucun élément de preuve ni aucun argument qui étayerait cette allégation selon laquelle son état s’aggravera. En outre, le prétendu fondement de ses allégations de partialité a été rejeté dans la décision 2020 CRTESPF 28. Il a tenté de revoir le processus de récusation en demandant à l’ancienne présidente d’attribuer l’affaire à quelqu’un d’autre, ce qu’elle a refusé dans la lettre de décision du 6 août. Le fonctionnaire avait l’option de demander un contrôle judiciaire, ce qu’il a choisi de ne pas faire. Il a de nouveau demandé à la présidente actuelle de confier l’affaire à quelqu’un d’autre, et elle a également refusé. Il n’a pas demandé de contrôle judiciaire de cette décision. Il semble qu’il invoque maintenant sa déficience pour demander de nouveau mon retrait, après que les tentatives qu’il a faites au moyen des mécanismes appropriés n’ont pas porté fruit. Ce dernier effort est également dénué de fondement.

[139] La demande de remise de l’audience pour cause de déficience du fonctionnaire est rejetée.

6. Le fonctionnaire n’est plus représenté par un conseiller juridique

[140] Dans Sioui c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 16, la question des demandes de remise liées particulièrement à la représentation juridique devant la Commission a été tranchée. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[…]

27 Les principes qui s’appliquent au droit à l’avocat s’appliquent également en ce qui a trait à une demande de remise d’audience pour retenir les services d’un avocat. Ce droit n’est pas absolu. Tout comme le droit à la représentation, le tribunal a une grande discrétion (voir à ce sujet : Meunier c. Luc Jean, Extermination 7/24, [2000] D.T.T.Q. no 118).

28 Les tribunaux ont à plusieurs reprises été confrontés à des demandes de remise reliées au droit d’être représenté par avocat. Me Denis Lemieux dans son ouvrage intitulé Droit public et administratif, Collection de droit 2004‑2005, École du Barreau du Québec, vol. 7, 2004 (cité dans Mario Boily c. Armoires Orléans 2005 QCCRT 609), s’exprime comme suit :

[…]

Une personne pourra demander un ajournement ou une suspension de l’instance afin d’obtenir un délai raisonnable pour exercer pleinement son droit à une défense pleine et entière. Cette demande pourra se fonder sur la nécessité de prendre connaissance de certains faits nouveaux, de demander l’assistance d’un avocat ou de produire des témoins ou des documents. Un organisme administratif jouira d’un pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de rejeter une telle demande d’ajournement. Toutefois, un refus d’ajournement pourra être illégal s’il en résultait un préjudice irréparable pour la personne concernée, sans que ce préjudice ne découle de sa propre négligence ou de celle de son procureur.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

29 Je partage les propos de la juge Handman dans Autobus scolaire Fortier Inc. c. Syndicat des chauffeurs d’autobus scolaires, région de Québec (CSD), [2000] D.T.T.Q. no118 concernant les limites raisonnables du droit de remise pour retenir les services d’un procureur :

 

[18] Le droit à la représentation par avocat, par contre, n’est pas absolu. Il appartient au tribunal d’apprécier, suivant les circonstances et la nature du litige, si une remise est nécessaire à une défense pleine et entière ou s’il s’agit d’un moyen qui n’est qu’abusif. Un tribunal inférieur, étant maître de sa procédure, détient une discrétion à cet égard. Seul le refus arbitraire d’ajournement peut entraîner un déni de justice et justifier l’intervention judiciaire. […]

30 Par conséquent, le droit à la représentation par avocat n’étant pas un droit absolu, je dois tenir compte du sérieux des motifs justifiant la demande de remise, y compris s’il s’agit d’une manœuvre visant à retarder le déroulement des procédures, l’impératif de temps, l’intérêt des parties à bénéficier d’une procédure rapide et efficace et l’économie générale de la Loi.

[…]

 

[141] Dans Chow c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2006 CRTFP 71, la Commission s’est également penchée sur la question de demandes de remise, ce qui faisait également intervenir la question du changement de représentant juridique, en déclarant ce qui suit :

[…]

[55] L’arbitre de grief a toute latitude pour diriger et définir la procédure d’arbitrage de grief pourvu qu’il respecte l’obligation d’audition équitable. Il possède notamment le pouvoir d’accorder un ajournement (Canadian Labour Arbitration, Third Edition, par MM. Brown et Beatty, au paragraphe 3:2300). Sous le régime de l’ancienne Loi, le pouvoir de l’arbitre de grief de définir la procédure d’audience découlait des droits et pouvoirs généraux qui lui sont conférés par le paragraphe 96.1 :

96.1 L’arbitre de grief a, dans le cadre de l’affaire dont il est saisi, tous les droits et pouvoirs de la Commission, sauf le pouvoir réglementaire prévu à l’article 22.

[56] Divers facteurs influent sur l’exercice du pouvoir d’accorder une remise d’audience, mais la principale tâche est d’évaluer le préjudice que l’accueil ou le rejet de la demande causerait aux parties (Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 3:2340).

[57] L’argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée pour obtenir la remise de l’audience repose essentiellement sur sa conviction qu’elle a le droit d’être conseillée ou représentée par un avocat. Le rejet de ses demandes, prétend-elle, équivaudrait à lui refuser les conseils ou la représentation juridiques dont elle estime avoir besoin et qu’elle était en droit d’exiger pour l’audience des 20 et 21 février 2006. La possibilité qu’elle subisse un préjudice est très réelle. Il se peut que les contestations de ma compétence soulèvent des points de droit et d’autres questions complexes qu’une personne non représentée aurait de la difficulté à saisir et qui dépassent probablement les capacités de la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans ces conditions, j’estime qu’un arbitre de grief doit se montrer particulièrement circonspect, en se gardant de contraindre une employée non représentée à poursuivre la procédure à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de procéder autrement.

[58] Cela étant dit, il est néanmoins crucial de reconnaître que l’affaire en cause oppose deux parties. Pour trancher sur la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée, je dois comprendre et évaluer le préjudice que le remise ou non-remise de l’audience pourrait causer à chaque partie en tenant compte de leurs intérêts et droits respectifs pour décider comment procéder. J’estime que je dois également prendre en considération l’intérêt public, en veillant à ce que la procédure de règlement des griefs prévue par l’ancienne Loi produise des résultats sans retards excessifs et ne tombe pas en discrédit.

[59] […] Il m’est impossible de ne pas tenir compte des multiples lettres, observations et décisions de procédure remontant à 2002 que renferme le dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée, et qui établissent le contexte de l’audience. Je trouve dans ce dossier et dans les arguments des parties des raisons de rejeter la demande de remise de l’audience.

[…]

 

[142] Ce n’est pas la première fois le fonctionnaire a des divergences avec son conseiller juridique. La première fois, c’était à la mi‑septembre 2019, juste avant la poursuite de l’audience prévue à la fin septembre et au début octobre 2019. À ce moment‑là, la Commission a accordé une remise au fonctionnaire, l’une des raisons étant que Me Markowitz, le nouvel avocat du fonctionnaire, ne disposait pas du dossier du fonctionnaire, même si ses services avaient été retenus.

[143] Toutefois, même s’il s’agissait de la première véritable rupture que le fonctionnaire avait avec son conseiller juridique, il est important de comprendre la relation, en ce qu’il ne s’agissait pas d’une simple relation avocat‑client directe entre le fonctionnaire et ses avocats. Le fonctionnaire était en fait représenté par son agent négociateur, l’Alliance, qui a à son tour retenu les services de Me Stehr, puis de Me McGee, qui ont tous deux assisté à la première partie de l’audience ayant mené à la décision 2018 CRTESPF 76. Même si cette relation a pris fin officiellement à un moment donné en septembre 2019, le fonctionnaire avait auparavant déposé une plainte liée au devoir de représentation équitable contre l’Alliance, le 27 juin 2019. Il a retiré cette plainte le 19 juillet 2019. En fait, après avoir déposé et retiré cette plainte, il a demandé au greffe de la Commission de le renseigner sur la possibilité qu’il se représente lui‑même pendant la poursuite de l’audience.

[144] La deuxième rupture avec son conseiller juridique semble avoir eu lieu le 26 janvier 2022, soit 102 jours avant le début de la poursuite de l’audience, qui est prévue le 9 mai 2022. Même si la Commission n’était pas au courant de la fin de la relation à ce moment‑là, le fonctionnaire lui le savait certainement, tout comme Me Markowitz, et il leur incombait d’en informer la Commission. Aucun ne l’a fait avant le vendredi 11 février 2022, date à laquelle Me Markowitz a envoyé un courriel au greffe de la Commission, à 17 h 32.

[145] Au moment de la présente décision, le fonctionnaire a eu plus de 90 jours pour retenir les services d’un nouvel avocat. Le fonctionnaire n’a fourni aucun renseignement sur les tentatives qu’il a faites pour trouver un nouveau conseiller juridique. Le fonctionnaire a proposé que l’audience soit reportée à une date postérieure à septembre 2022. Que se passera‑t-il si le fonctionnaire n’a pas de représentation juridique à ce moment‑là ou s’il n’obtient jamais de représentation juridique? Il s’agit-là du même raisonnement circulaire que le fonctionnaire a présenté à l’égard de l’EAT.

[146] Le grief remonte à près de sept ans. La première partie de l’audience a commencé il y a plus de six ans. J’ai rendu ma décision concernant la responsabilité il y a près de quatre ans. Le fonctionnaire a manifestement éprouvé des difficultés à se faire représenter tout au long de la procédure, après avoir rompu les liens avec deux conseillers juridiques différents. Je reconnais qu’il peut y avoir des points de droit et d’autres questions complexes pouvant être difficiles à saisir pour un fonctionnaire non représenté et qui dépassent probablement les capacités du fonctionnaire, comme il est mentionné dans Chow. Toutefois, il y a eu des retards importants dans le déroulement de la présente affaire, retards que le fonctionnaire m’a accusés, dans sa demande de récusation, d’avoir créés délibérément pour lui porter préjudice. Même si aucune partie n’était responsable du report attribuable à la pandémie, il reste que la présente affaire a été remise à quatre reprises. Compte tenu de tous les motifs invoqués par le fonctionnaire pour obtenir une remise de l’audience, il ressort des éléments de preuve que les actes du fonctionnaire ne sont rien d’autre qu’une tentative supplémentaire de retarder l’instruction de l’affaire, et que la remise qu’il demande pour retenir les services d’un nouveau conseiller juridique ne constitue rien de plus qu’un autre prétexte du même genre.

[147] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


III. Ordonnance

[148] La demande de remise de l’audience est rejetée.

Le 5 mai 2022.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.