Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant n’a pas exécuté une tâche pour des motifs liés à la santé et à la sécurité au travail – son employeur lui a imposé une réprimande disciplinaire relativement à l’incident – le plaignant s’est plaint que son employeur a imposé la mesure disciplinaire parce qu’il a refusé de travailler en vertu du Code et qu’il a observé la partie II du Code ou cherché à la faire appliquer – la Commission a reformulé et simplifié les principes énoncés dans Vallée, pour exiger que les questions suivantes soient évaluées, à savoir 1) que le plaignant a observé la partie II du Code ou cherché à la faire appliquer; 2) que le défendeur a pris à l’égard du plaignant une mesure interdite par l’art. 147 du Code; 3) qu’il existe un lien direct entre a) la mesure prise contre le plaignant et b) le fait que le plaignant a observé la partie II du Code ou cherché à la faire appliquer (voir aussi Burlacu c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 51) – la Commission a conclu que, bien que le plaignant n’ait pas officiellement refusé de travailler en vertu de l’art. 128 du Code, la preuve démontre qu’il avait refusé d’exécuter une activité en raison de préoccupations liées à la santé et à la sécurité au travail et que l’employeur en était au courant – la Commission a noté que le par. 133(6) du Code exige que l’employeur prouve qu’aucune mesure de représailles n’a été prise contre le plaignant en raison d’un refus de travailler – la Commission a également noté que le plaignant était tenu d’établir que l’employeur avait pris des mesures de représailles contre lui parce qu’il avait autrement agi en conformité de la partie II du Code ou pour chercher à la faire appliquer – la Commission a noté l’entente des parties selon laquelle les actes du plaignant étaient motivés par des préoccupations liées à la santé et à la sécurité au travail – la Commission a conclu que, malgré les fardeaux de la preuve distincts applicables dans les circonstances, il était plus probable que la réprimande disciplinaire avait été imposée parce que le plaignant avait observé la partie II du Code ou cherché à la faire appliquer, y compris son refus d’exécuter une activité parce qu’il croyait que cette activité constituait un danger.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date: 20220622

Dossier: 560-02-40827

 

Référence: 2022 CRTESPF 52

Loi sur la Commission

des relations de travail et de

l’emploi dans le secteur public

fédéral et Code canadien du

travail

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

SEAN WHITE

plaignant

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Corinne Blanchette, Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN

Pour le défendeur : Elizabeth Matheson, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 7 au 9 décembre 2021,

et arguments écrits déposés les

10 et 21 décembre 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

[1] La présente décision est rendue en même temps que la décision connexe Burlacu c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 51. Ensemble, elles proposent une reformulation et une simplification des principes énoncés dans la décision Vallée c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 52 afin de déterminer si un employeur a violé une interdiction énoncée à l’article 147 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le « Code »).

I. Plainte devant la Commission

[2] Dans la présente affaire, Sean White (le « plaignant ») a fait ce qu’on appelle généralement une « plainte de représailles » aux termes de l’art. 133 du Code. M. White est un agent correctionnel de l’Établissement à sécurité maximale de Kent (« Kent » ou l’« établissement ») du Service correctionnel du Canada (SCC) à Agassiz (Colombie-Britannique). Il a allégué que Meachel Chad, directrice adjointe, Opérations, par intérim à Kent, a pris une mesure disciplinaire à son égard, en contravention de l’art. 147 du Code, parce qu’il a soulevé une question de santé et de sécurité sur le lieu de travail et exercé son droit de refuser de travailler en vertu du Code. Ces dispositions s’inscrivent dans la partie II du Code, qui régit la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique fédérale et dans les milieux de travail sous réglementation fédérale.

[3] À titre de mesures correctives, le plaignant a demandé le retrait de la mesure disciplinaire de tous ses dossiers, une lettre d’excuses, une directive exigeant à Mme Chad de suivre une formation sur le Code et des dommages.

[4] Le Conseil du Trésor est l’employeur du plaignant au sens de la loi : voir l’al. 240c) et la définition du terme « employeur » au par. 2(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2, la « Loi »). Étant donné que l’art. 147 du Code impose une interdiction à un employeur, le Conseil du Trésor est le défendeur qui répond à la plainte.

[5] Dans cette décision, la « Commission » fait référence à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et à ses prédécesseurs.

[6] Je citerai plus en détail les dispositions pertinentes du Code dans les motifs qui suivent, mais à des fins d’introduction, je tiens à faire ressortir les parties suivantes de l’art. 147 :

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

[…]

147 No employer shall dismiss, suspend, lay off or demote an employee, impose a financial or other penalty on an employee, or refuse to pay an employee remuneration in respect of any period that the employee would, but for the exercise of the employee’s rights under this Part, have worked, or take any disciplinary action against or threaten to take any such action against an employee because the employee

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

(c) has acted in accordance with this Part or has sought the enforcement of any of the provisions of this Part.

 

[7] Les questions centrales dans le présent cas sont de savoir si le plaignant observait les dispositions de la partie II du Code ou en assurait l’application, et si le défendeur a pris une mesure interdite par l’art. 147 contre le plaignant par conséquent.

[8] Le 22 avril 2019, une agression au couteau impliquant des détenus de Kent a été commise. Un détenu a été hospitalisé. L’incident a entraîné une fermeture partielle de l’établissement.

[9] Dans la matinée du 24 avril 2019, on a demandé au plaignant, qui travaillait le quart du matin, d’autoriser un détenu sous sa supervision à rencontrer des avocats de l’organisme Prisoner’s Legal Services (PLS). Les parties étaient d’accord pour dire que ces avocats ne sont pas des fonctionnaires. M. White n’a pas permis au détenu de rencontrer les avocats de PLS; il a plutôt pris des mesures pour les informer de l’agression au couteau.

[10] Le plaignant a reçu une réprimande verbale à l’égard des gestes qu’il a posés dans la matinée du 24 avril 2019. Cette réprimande a été documentée dans un courriel daté du 30 avril 2019, qui confirmait certains détails sur celle-ci.

[11] Les parties ont convenu pour dire que la réprimande constituait une mesure disciplinaire.

[12] Le plaignant a fait valoir qu’il avait refusé un travail qu’il croyait être un danger pour la santé et la sécurité, en ne permettant pas à un détenu sous sa supervision de rencontrer les avocats de PLS. Il a également soutenu que, dans les circonstances, il avait pris des mesures raisonnables et nécessaires pour informer les avocats de PLS de ce danger. Il a soutenu avoir fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour ces actes, ce qui contrevient à l’art. 147 du Code. Il estime que la plainte doit être accueillie.

[13] Le défendeur a soutenu que les actes du plaignant ne constituaient pas un refus de travailler. Il a soutenu que la mesure disciplinaire imposée au plaignant n’était pas directement liée à un droit qu’il exerçait en vertu du Code. Le défendeur a soutenu que le Code exigeait au plaignant de signaler au SCC les dangers pour la santé et la sécurité, et pas à des personnes extérieures. Selon le défendeur, le plaignant avait d’autres options que d’échanger des renseignements avec les avocats de PLS. Le défendeur a prétendu que le plaignant avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire parce qu’il avait divulgué des renseignements qu’il n’était pas autorisé à fournir aux avocats de PLS. Le défendeur a soutenu qu’il ne s’agit pas d’une violation de l’art. 147 du Code.

[14] La question de savoir si les actes commis par le plaignant équivalaient à un refus de travailler aux termes de l’art. 128 du Code est importante, car elle détermine où se trouve le fardeau de la preuve dans la présente affaire. Selon le par. 133(6) du Code, lorsqu’un employé dépose une plainte de représailles à l’égard d’un tel refus de travailler, il incombe au défendeur de prouver qu’il n’a pas enfreint l’art. 147.

[15] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les actes posés par le plaignant équivalaient à un refus de travailler aux termes de l’art. 128 du Code. Par conséquent, le défendeur a le fardeau de prouver qu’il n’a pas enfreint l’art. 147 à cet égard.

[16] En outre, M. White n’a peut-être pas fait des choix parfaits en ce qui concerne les actes qu’il a posés le matin du 24 avril 2019, mais il a démontré qu’il les a posés pour observer les dispositions de la partie II du Code ou en assurer l’application. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la mesure disciplinaire prise le 30 avril 2019 était attribuable aux actes que le plaignant a posés conformément au Code et qu’elle enfreint l’art. 147.

II. Résumé de la preuve

[17] Le plaignant a témoigné pour lui-même et a appelé Daniel MacKinnon comme témoin. Voici des renseignements détaillés à leur sujet :

· M. White a commencé son emploi au SCC en juin 2000 et, au moment des événements en question, il travaillait comme agent correctionnel de niveau 2 (CX-02) à Kent. Il a également été délégué syndical de son syndicat, le Syndicat des agents correctionnels du Canada Union of Canadian Correctional Officer (« UCCO-SACC-CSN » ou le « syndicat »). À un moment donné, il a également été coprésident représentant le syndicat du comité de santé et sécurité au travail (le « comité de SST »).

· M. MacKinnon est également un CX-02 à Kent et, au moment des événements en question, il était vice-président de la section locale d’UCCO-SACC-CSN à l’établissement. Au moment de l’audience, il était également le deuxième vice-président régional d’UCCO-SACC-CSN pour la région du Pacifique.

 

[18] Le défendeur a cité les deux témoins suivants :

· Jim Swerhun, qui, au moment des événements en question, occupait un poste d’attache CX-02, mais avait occupé à titre intérimaire un poste de gestionnaire correctionnel pendant environ trois semaines.

· Mme Chad, qui, au moment des événements était la directrice adjointe, Opérations, par intérim à Kent et l’un des deux titulaires de ce poste qui relevait du directeur adjoint.

 

[19] Le résumé de la preuve qui suit est fondé sur les témoignages et les documents déposés en preuve. Les faits non contestés sont résumés sans référence à la source. Pour tout conflit entre les éléments de preuve, je fais particulièrement référence à ce que j’ai entendu de différents témoins.

[20] Dans les sections qui suivent, je résumerai d’abord la chronologie des événements, et d’autres éléments de preuve qui ne s’insèrent pas facilement dans la chronologie.

A. Chronologie des événements

[21] Kent est un établissement à sécurité maximale du SCC en Colombie-Britannique. Il abrite une population générale et sous garde protégée de détenus sous responsabilité fédérale. Les détenus résident dans plusieurs unités différentes. Les unités concernées dans la présente affaire sont Delta et Golf.

[22] Dans la soirée du lundi 22 avril 2019, une agression au couteau impliquant des détenus des unités Delta et Golf a été commise dans la cour. Un détenu a été hospitalisé à la suite de cette agression. Les unités Delta et Golf ont été placées en confinement modifié, ce qui signifie que certaines restrictions ont été imposées aux routines et déplacements des détenus. Ce genre de confinement vise entre autres à permettre les fouilles dans les unités concernées afin de trouver des armes. Le confinement s’est poursuivi jusqu’à midi le jeudi 25 avril 2019.

[23] Le mercredi 24 avril 2019, M. White s’est présenté au travail vers 6 h 30, soit au début d’un quart de travail de 16 heures. Il était affecté à l’unité Delta. Il a appris que des avocats de PLS viendraient rencontrer des détenus à Kent ce jour-là. Il a témoigné qu’il a fait état de préoccupations en matière de santé et de sécurité au sujet de la réunion entre des avocats de PLS et des détenus pendant le confinement modifié à un gestionnaire correctionnel nommé Paul Kambo (son gestionnaire correctionnel en service ce jour-là) et à Darrel McKamey (le président de la section locale de son syndicat). Il a témoigné que M. Kambo a demandé s’il voulait refuser aux avocats l’accès aux détenus et qu’il a répondu [traduction] « Non », mais étant donné que l’unité était toujours en confinement et que la fouille n’avait pas été effectuée, il a estimé que des mesures de sécurité supplémentaires devraient être mises en place. Le plaignant a affirmé dans son témoignage que M. Kambo n’avait pas donné suite à ces préoccupations.

[24] Vers 9 h 30 le 24 avril 2019, M. White a reçu un appel d’un autre agent correctionnel, Randy Voth, qui a dit que les avocats de PLS voulaient rencontrer un détenu de l’unité Delta à l’unité Golf.

[25] M. White a témoigné que la demande indiquait [traduction] « d’envoyer » (sans escorte) le détenu de l’unité Delta à l’unité de golf. M. Swerhun a témoigné que la demande indiquait [traduction] « d’emmener » (ou d’escorter) le détenu de l’unité Delta à l’unité de golf.

[26] M. White n’a ni envoyé ni escorté le détenu de l’unité Delta à l’unité Golf. Il est plutôt allé à l’unité Golf lui-même. Il a témoigné que lorsqu’il a franchi les portes, il a vu trois gestionnaires correctionnels, dont M. Swerhun. M. White a témoigné que lui et M. Swerhun ont échangé des salutations, disant deux fois : [traduction] « Bonjour, Jim. Bonjour, Sean. »

[27] Il est allé dans la pièce où les avocats de PLS étaient assis. Selon son témoignage, il a souhaité la bienvenue aux avocats et a expliqué qu’il comprenait qu’ils avaient le droit de voir leurs clients, mais qu’étant donné l’incident de l’agression au couteau et le confinement partiel, l’envoi du détenu de l’unité Delta à l’unité de golf suscitait chez lui des inquiétudes en matière de santé et sécurité. Il a témoigné que les avocats de PLS l’ont remercié. Ils lui ont dit qu’ils n’avaient plus besoin de rencontrer le détenu de l’unité Delta, mais qu’ils souhaitaient ensuite rencontrer un autre détenu.

[28] Après avoir discuté avec les avocats de PLS, M. White est retourné à l’unité Delta.

[29] Selon la version des événements de M. Swerhun, lorsque M. White est entré à l’unité Golf, il a interpellé M. White à deux reprises, s’attendant à ce qu’il s’arrête. Il a témoigné que M. White n’a pas répondu et qu’il l’a plutôt croisé et s’est rendu dans la pièce où se trouvaient les avocats de PLS. Il a dit qu’il avait suivi M. White dans la salle et qu’il avait entendu M. White expliquer l’incident de l’agression au couteau aux avocats de PLS. Il a témoigné qu’il n’avait pas parlé à M. White avant qu’il quitte l’unité Golf.

[30] M. Swerhun a ensuite ordonné à M. Voth d’aller chercher l’autre détenu afin qu’il rencontre les avocats. Il est retourné au bureau des gestionnaires correctionnels, où il a expliqué ce qui était arrivé à M. Kambo, qui lui a dit qu’il devait signaler l’incident.

[31] Le 24 avril 2019, à 10 h 12, M. Swerhun s’est adressé à lui-même un courriel qu’il a ensuite transmis à Mme Chad. Dans ce courriel, il consignait sa version des événements. Il a écrit que lorsque M. White est entré dans l’unité Golf, il l’a croisé et l’a ignoré lorsqu’il l’a interpellé. Il a indiqué que M. White avait parlé aux avocats de PLS [traduction] « […] au sujet de l’incident qui s’était produit dans la cour quelques nuits auparavant, et pour leur sécurité, il estimait qu’ils devraient le savoir ». Il a écrit que M. White [traduction] « a expliqué en détail » l’incident, pendant que les avocats étaient assis et l’écoutaient. Il a aussi écrit que M. White a informé les avocats que le détenu de l’unité Delta [traduction] « […] ne viendra pas parce qu’il ne peut pas être fouillé à nu et qu’il pourrait avoir une arme en sa possession ».

[32] Le 24 avril 2019, à 10 h 45, M. White a également envoyé un courriel à Tysha Owens, directrice adjointe, Opérations, par intérim à ce moment-là, au sujet de l’incident. Il s’est dit préoccupé par le fait que les agents correctionnels n’étaient plus autorisés à assister aux réunions du matin pour obtenir de l’information et aider à résoudre les problèmes. Il s’est dit frustré de devoir attendre et espérer que les gestionnaires correctionnels se rendent dans les unités afin d’échanger de l’information au début des quarts. Il s’est plaint qu’aucun gestionnaire correctionnel n’était venu dans son unité ce matin-là. Il a indiqué qu’il ne croyait pas qu’il était sécuritaire de permettre à un détenu de son unité (Delta) d’assister à une réunion dans une autre unité [traduction] « […] sans que des procédures de sécurité et de sûreté appropriées aient été adoptées ». Il l’a informée que les avocats de PLS avaient compris ses préoccupations et l’avaient remercié. Il a expliqué qu’en écrivant le courriel, on l’a informé qu’il était dégagé de ses fonctions afin d’assister à une réunion au bureau des gestionnaires correctionnels, ce qui, selon lui, allait porter sur cet incident. Il a expliqué qu’il avait agi parce qu’il craignait pour la sécurité et la santé des détenus, du personnel et du public et a conclu en disant ceci : [traduction] « J’ai fait ce que j’étais obligé de faire selon la loi, car je croyais qu’il y avait un risque pour la santé et la sécurité. »

[33] M. White a témoigné qu’après avoir envoyé ce courriel, il a assisté à une réunion dans la zone des visites et de la correspondance à Kent avec M. Swerhun et Mme Chad. Il a témoigné que la réunion s’est poursuivie pendant environ 30 à 45 minutes. Il a dit qu’il s’inquiétait du manque d’information donnée aux agents correctionnels ce matin-là et qu’il avait agi parce qu’il avait des préoccupations en matière de santé et de sécurité. Il a témoigné que Mme Chad s’était dit préoccupée par sa colère et sa frustration, et il l’a assurée qu’il était apte mentalement à retourner au travail. Il a dit qu’elle l’encourageait à [traduction] « prendre une respiration » avant d’agir à l’avenir. Il a témoigné qu’il n’y avait aucune discussion sur une mesure disciplinaire.

[34] M. Swerhun s’est rappelé avoir eu une conversation avec M. White après leur interaction à l’unité Delta, mais ne se souvenait pas clairement d’une réunion dans la zone des visites et de la correspondance avec M. White et Mme Chad. Lorsqu’on l’a questionnée à ce sujet en contre-interrogatoire, Mme Chad ne se souvenait pas de cette conversation. Un courriel écrit le lendemain par Mme Owens fait effectivement référence à une réunion qui a eu lieu entre Mme Chad et M. White, peu après avoir envoyé son courriel, à 10 h 45.

[35] M. White est ensuite retourné à son travail à l’unité Delta. Il a témoigné qu’il avait eu un bref compte rendu avec M. Swerhun, qui s’inquiétait du maintien de leur amitié. M. White a raconté qu’il a dit à M. Swerhun qu’ils étaient encore amis, mais que les agents correctionnels devaient recevoir des renseignements clairs. Il a dit qu’ils n’avaient pas parlé de mesure disciplinaire. Dans son témoignage, M. Swerhun n’a donné aucun détail au sujet de cette réunion.

[36] M. White a témoigné que, dans la soirée du 24 avril 2019, on l’a informé que Mme Chad arrivait avec de la paperasse. À son arrivée, on lui a donné un avis d’audience disciplinaire prévue à 9 h 30 le lendemain. Dans l’avis, on décrivait les actes posés par M. White ce matin-là comme de l’insubordination. Il mentionnait expressément le défaut d’obéir aux ordres (pour avoir contourné le gestionnaire correctionnel par intérim Swerhun) et l’échange de renseignements en contravention de la « Directive du commissaire (DC) 060, Code de discipline », de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. A-1), de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. P-21) et la Politique sur la sécurité du gouvernement, comme motifs d’une éventuelle mesure disciplinaire.

[37] M. White a témoigné que lorsqu’on lui a donné l’avis d’audience disciplinaire, il a dit à Mme Chad qu’il pensait qu’ils avaient déjà discuté de la question. Il a témoigné qu’elle lui avait dit que s’il acceptait une réprimande verbale, [traduction] « cela disparaît ». M. MacKinnon a témoigné qu’il était également présent lors de cette conversation. Il a corroboré la version des événements de M. White et confirmé avoir entendu Mme Chad dire que toute cette situation pouvait disparaître. Il a témoigné qu’il considérait cette déclaration comme une menace de mesure disciplinaire plus sévère si la réprimande verbale n’était pas acceptée. Il a témoigné que M. White estimait qu’il n’avait rien fait de mal et qu’il allait refuser d’accepter la réprimande verbale.

[38] L’avis d’audience disciplinaire indiquait que M. Swerhun en était l’auteur. Toutefois, M. White a témoigné que le matin du 25 avril, M. Swerhun lui avait dit qu’il n’avait pas écrit l’avis. M. Swerhun a également témoigné devant moi qu’il ne l’avait pas écrit. Lorsqu’on lui a demandé en contre-interrogatoire s’il était préoccupé par le fait que son nom figure sur l’avis, il a répondu qu’il n’aimait pas cela. Il ne se rappelait pas ce qu’il avait fait pour faire part de cette préoccupation à l’époque.

[39] Pendant son contre-interrogatoire, Mme Chad a également nié avoir écrit l’avis d’audience disciplinaire. Elle ne se rappelait pas avoir été informée à l’époque que M. Swerhun n’en était pas l’auteur. Elle a toutefois avoué que le numéro de téléphone figurant sur l’avis était son numéro au bureau.

[40] Mme Chad ne se rappelait pas non plus avoir remis l’avis à M. White dans la soirée du 24 avril 2019. Elle ne se rappelait pas l’avoir rencontré. Elle ne se souvenait pas avoir dit que le problème disparaîtrait si M. White acceptait une réprimande verbale. Elle n’était pas d’accord pour dire qu’elle l’avait menacé d’imposer une mesure disciplinaire plus sévère si M. White n’acceptait pas la réprimande verbale.

[41] À un moment donné, le 24 avril 2019, M. White avait reçu un appel afin de lui offrir des heures supplémentaires pour le lendemain. Il avait accepté l’offre au départ. Toutefois, à la suite de la rencontre avec Mme Chad et de la réception de l’avis d’audience disciplinaire, il a annulé son acceptation de l’offre d’heures supplémentaires.

[42] La réunion disciplinaire proprement dite n’a pas eu lieu comme prévu le 25 avril 2019. Mme Owens et M. White ont échangé des courriels dans la soirée du 25 avril. Mme Owens a écrit qu’elle avait parlé avec Mme Chad et qu’elle reconnaissait comme légitimes les préoccupations du plaignant au sujet du manque de séances d’information des gestionnaires correctionnels. Mme Owens a reconnu sa passion pour le travail. Elle a écrit : [traduction] « Je comprends votre niveau de frustration, mais je vous invite à vous conduire professionnellement même pendant les périodes les plus frustrantes. Je crois que nous pouvons travailler mieux ensemble que dans l’opposition. » Il a répondu qu’il cherchait à discuter de nouveau avec Mme Chad. Mme Owens a répondu qu’elle veillerait à ce qu’un moment soit fixé.

[43] L’audience disciplinaire a pris la forme d’une rencontre entre M. White et Mme Chad le vendredi 26 avril 2019. M. White a témoigné que la réunion était brève, ne dépassant pas 15 minutes, et que le président de la section locale du syndicat était également présent. Il a témoigné qu’ils ont discuté de l’incident qui a impliqué les avocats de PLS et que Mme Chad a répété qu’il devrait se calmer avant d’agir s’il se sentait en colère. Il a témoigné qu’il n’y a eu aucune discussion à la réunion au sujet de l’insubordination, d’une atteinte à la vie privée ou aux dispositions législatives sur l’accès à l’information, ou d’une violation de la politique.

[44] Le témoignage de Mme Chad au sujet de cette réunion portait sur le courriel de suivi qu’elle a envoyé le 30 avril 2019 à M. White et à d’autres, dont M. McKamey et un représentant des relations de travail, en copie conforme. Il se lit comme suit :

[Traduction]

Bonjour, M. White,

Le présent courriel vise à donner suite à la conversation que nous avons eue au sujet de votre confrontation des avocats de PLS pendant qu’ils se trouvaient à l’Établissement de Kent. Au cours de cette interaction, vous avez révélé des renseignements précis sur une situation liée à la sécurité qui se produit à l’Établissement de Kent à des personnes autres que des employés du SCC.

Vous avez avoué avoir agi par colère et frustration et indiqué qu’à l’avenir, vous prendrez un moment pour rassembler vos idées et vos émotions avant d’agir.

Vous avez expliqué que vous n’avez pas entendu votre superviseur direct vous interpeller pour tenter de vous empêcher d’entrer dans la pièce où se trouvaient les avocats de PLS. Vous avez avoué avoir agi ainsi probablement à cause de l’état d’esprit dans lequel vous vous trouviez à l’époque.

Je vous remercie de votre ouverture et de votre volonté de discuter avec moi. Je crois que nous sommes tous deux parvenus à comprendre le comportement que nous nous attendons à ce que vous démontriez à l’avenir.

Ce courriel restera dans votre dossier pendant deux ans. Il ne s’agit pas d’une réprimande écrite, mais d’une réprimande verbale consignée par courriel.

[…]

 

[45] Le lendemain, le 1er mai 2019, l’une des personnes à qui le courriel du 30 avril a été envoyé en copie conforme l’a transmis à une personne d’un niveau supérieur aux Relations de travail, en ajoutant, « Pour le dossier disciplinaire ».

[46] Le 29 juillet 2019, M. White a déposé sa plainte auprès de la Commission.

B. Éléments de preuve supplémentaires

[47] Je mentionnerai six autres éléments de preuve qui sont ressortis des témoignages et qui n’ont pas été abordés dans la chronologie des événements venant d’être présentés.

[48] D’abord, on a demandé à M. White, en contre-interrogatoire, s’il avait effectivement refusé d’amener le détenu de l’unité Delta à l’unité Golf. Il a témoigné qu’au lieu de l’envoyer comme demandé, il s’est rendu là lui-même. On lui a demandé s’il avait dit à la direction qu’il refusait de travailler et il a répondu [traduction] « techniquement non ». On lui a demandé s’il avait utilisé les mots « je ne me sens pas à l’aise » en envoyant le détenu de l’unité Delta et il a répondu [traduction] « Oui ». Il a témoigné qu’il estimait que des protocoles auraient dû être en place pour s’assurer qu’il était sécuritaire de le faire.

[49] En réinterrogatoire, M. White a témoigné qu’il avait dit aux avocats de PLS qu’il n’était pas à l’aise d’envoyer le détenu de l’unité Delta en raison de préoccupations au sujet des risques potentiels pour la santé et la sécurité. Il n’a pas reçu l’ordre d’exécuter la tâche et a indiqué que c’est la raison pour laquelle il n’a pas eu à présenter un refus de travailler officiel aux termes de l’art. 128 du Code. À ce moment-là, les avocats de PLS avaient dit qu’ils n’avaient plus besoin de rencontrer le détenu de l’unité Delta, de sorte qu’aucun ordre (ou refus) n’était nécessaire.

[50] Deuxièmement, Mme Chad a témoigné que Mme Owens lui avait demandé d’enquêter sur l’incident impliquant M. White. Dans l’exercice de son rôle, elle a témoigné qu’elle s’est appuyée principalement sur les renseignements fournis par M. Swerhun. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’aucune enquête disciplinaire n’avait eu lieu. Elle n’a pas parlé aux avocats de PLS. Elle n’a pas demandé à M. White de donner sa version des faits, sauf lors de la discussion avec lui à la réunion disciplinaire du 26 avril. Elle ne se rappelait pas avoir pris des notes.

[51] Elle a également témoigné au sujet de la Directive du commissaire sur la Communication de renseignements (appelée la « DC 701 »), qui stipule qu’il est contraire à la politique d’échanger des renseignements avec des personnes autres que des employés du SCC, sauf dans la mesure autorisée. Elle a témoigné que M. White n’était pas autorisé à échanger des renseignements avec les avocats de PLS comme il l’a fait. Elle a déclaré qu’il aurait été acceptable que M. White communique [traduction] « l’essentiel » de l’incident de l’agression au couteau aux avocats de PLS, mais qu’il leur a donné trop de détails.

[52] Je fais toutefois remarquer que ni M. Swerhun ni Mme Chad n’ont témoigné avec précision des détails que M. White a donnés aux avocats de PLS qu’il n’aurait pas dû leur donner, à leur avis. M. White a témoigné qu’il n’a pas indiqué aux avocats de PLS le nom d’un détenu; ce sont eux qui ont soulevé l’identité d’un détenu en particulier. Ni l’avis d’audience disciplinaire du 24 avril 2019, ni le courriel de Mme Chad du 30 avril 2019 n’indiquent précisément les renseignements que M. White aurait soi-disant communiqués aux avocats de PLS et dont la communication aurait enfreint la politique de l’employeur.

[53] Troisièmement, certains éléments de preuve ont été présentés au sujet des discussions entre UCCO-SACC-CSN et Mme Chad au sujet d’une tentative de règlement de cette affaire après la remise de la réprimande, mais avant le dépôt de la plainte. Ces discussions, qui ont eu lieu par courriel, n’ont pas permis de résoudre l’affaire.

[54] Quatrièmement, je fais remarquer que M. White et M. MacKinnon ont tous deux témoigné au sujet des répercussions négatives qu’une mesure disciplinaire peut avoir sur la santé et la sécurité au sein de l’établissement. Ils ont témoigné qu’il y avait eu un roulement de personnel important à Kent et que M. White était un employé ayant relativement de l’ancienneté. Ils se sont dit préoccupés par l’incidence dissuasive que l’imposition d’une mesure disciplinaire à un employé ayant de l’ancienneté aurait sur les agents subalternes qui entretenaient des préoccupations sur la santé et la sécurité. Le défendeur s’est opposé à ces témoignages, faisant valoir qu’ils soulevaient d’autres allégations qui n’étaient pas comprises dans la portée de la présente plainte. J’ai accepté les questions et j’ai dit que j’entendrais les arguments des parties au sujet de la pertinence de ces témoignages pour les questions dont je suis saisi.

[55] Cinquièmement, je mentionne qu’en contre-interrogatoire, on a renvoyé Mme Chad aux Lignes directrices concernant la discipline du Conseil du Trésor et on l’a interrogée sur les dispositions concernant les réprimandes verbales et écrites. Elle a confirmé que la définition d’une réprimande orale comprend la phrase : « Une réprimande verbale n’est pas versée au dossier de l’employé. » Elle a également confirmé que la définition d’une réprimande écrite comprend la phrase « désigne l’avertissement officiel signifié par écrit à l’employé qui s’est mal conduit ». Elle a également témoigné qu’il est mentionné au septième point à l’annexe A des Lignes directrices ce qui suit : « Un document sur la mesure disciplinaire imposée doit être versé au dossier personnel de l’employé. » Elle a témoigné que seule une note selon laquelle une réprimande verbale avait été faite, et pas le courriel complet du 30 avril 2019, aurait dû être versée au dossier de M. White.

[56] Sixièmement, et finalement, dans ses arguments écrits du 10 décembre 2021, le défendeur a confirmé qu’il n’y avait plus de trace de la réprimande du 30 avril 2019 dans le dossier personnel de M. White. Dans ses arguments écrits du 21 décembre 2021, le plaignant a retiré sa demande de retrait de la mesure disciplinaire de tous ses dossiers et a informé la Commission qu’une déclaration selon laquelle la Commission [traduction] « […] aurait ordonné le retrait de la mesure disciplinaire imposée par le défendeur au plaignant le 30 avril 2019, si elle était encore au dossier […] » suffirait.

III. Motifs

A. Le cadre juridique applicable à la présente plainte

[57] L’interdiction de représailles est énoncée à l’art. 147 du Code, qui se lit comme suit :

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

[…]

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

 

147 No employer shall dismiss, suspend, lay off or demote an employee, impose a financial or other penalty on an employee, or refuse to pay an employee remuneration in respect of any period that the employee would, but for the exercise of the employee’s rights under this Part, have worked, or take any disciplinary action against or threaten to take any such action against an employee because the employee

(c) has acted in accordance with this Part or has sought the enforcement of any of the provisions of this Part.

[Je mets en évidence]

 

[58] La disposition qui permet à un employé de porter plainte pour représailles se trouve à l’art. 133, qui se lit en partie comme suit :

133 (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite [à la Commission] au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

[…]

 

133 (1) An employee, or a person designated by the employee for the purpose, who alleges that an employer has taken action against the employee in contravention of section 147 may, subject to subsection (3), make a complaint in writing to the Board of the alleged contravention.

(3) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 […] sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l’observation du paragraphe 128(6) par l’employé […]

 

(3) A complaint in respect of the exercise of a right under section 128 … may not be made unless the employee has complied with subsection 128(6) … in relation to the matter that is the subject-matter of the complaint.

(5) Sur réception de la plainte, [la Commission] peut aider les parties à régler le point en litige; [si elle] décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l’affaire dans le délai [qu’elle] juge raisonnable dans les circonstances, [elle] l’instruit [elle-même].

(5) On receipt of a complaint made under this section, the Board may assist the parties to the complaint to settle the complaint and shall, if it decides not to so assist the parties or the complaint is not settled within a period considered by the Board to be reasonable in the circumstances, hear and determine the complaint.

(6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 […] sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

(6) A complaint made under this section in respect of the exercise of a right under section 128 … is itself evidence that the contravention actually occurred and, if a party to the complaint proceedings alleges that the contravention did not occur, the burden of proof is on that party.

 

[59] La disposition prévue au par. 133(6) est importante parce qu’elle transfère le fardeau de la preuve au défendeur, dans une situation où un plaignant a exercé son droit de refuser d’exercer une activité raisonnablement perçue comme dangereuse. Ce droit se trouve à l’art. 128, qui se lit en partie comme suit :

128 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

[…]

128 (1) Subject to this section, an employee may refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity, if the employee while at work has reasonable cause to believe that

 

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[…]

(c) the performance of the activity constitutes a danger to the employee or to another employee.

(6) L’employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe (1) […] fait sans délai rapport sur la question à son employeur.

[…]

 

(6) An employee who refuses to use or operate a machine or thing, work in a place or perform an activity under subsection (1) … shall report the circumstances of the matter to the employer without delay.

(7.1) Saisi du rapport fait en application du paragraphe (6), l’employeur fait enquête sans délai en présence de l’employé. Dès qu’il l’a terminée, il rédige un rapport dans lequel figurent les résultats de son enquête.

[…]

(7.1) The employer shall, immediately after being informed of a refusal under subsection (6), investigate the matter in the presence of the employee who reported it. Immediately after concluding the investigation, the employer shall prepare a written report setting out the results of the investigation.

 

[60] Le mandat de la Commission d’entendre les plaintes déposées en application de l’art. 133 du Code est énoncé à l’art. 240 de la Loi, qui prévoit que la Commission traite les plaintes déposées en application de l’art. 133 du Code à l’égard de la fonction publique fédérale et peut ordonner à l’employeur de remédier à la situation en application de l’art. 134 du Code. Je présenterai le libellé de l’art. 134 plus loin dans les présents motifs.

[61] Les autres différends prévus à la partie II du Code à l’égard de la fonction publique ne relèvent pas du mandat de la Commission. Par exemple, si un employé refuse de faire un travail qu’il estime dangereux et que son employeur détermine qu’il n’y a pas de danger, l’employé ne peut pas interjeter appel (en application des articles 128 et 129) devant la Commission.

[62] Cette distinction, même si elle est claire d’un point de vue juridique, peut parfois présenter des défis en pratique.

[63] Dans certains cas, le même ensemble d’événements et de faits sous-jacents pourrait donner lieu à deux processus de plaintes différents qui soulèvent des questions juridiques distinctes et sont tranchés par des décideurs différents.

[64] Même si je n’ai pas à les trancher dans le contexte de cette plainte en particulier, les arguments invoqués au sujet de la réprimande verbale imposée à M. White se rapportent néanmoins aux droits et aux responsabilités des employés et des employeurs qu’un autre décideur pourrait devoir trancher dans le cadre d’une procédure distincte prévue dans le Code.

[65] Par exemple, comme je le préciserai plus loin dans les motifs de la décision, M. White a expliqué les gestes qu’il a posés le matin du 24 avril en ce qui concerne ce qu’il croyait être ses responsabilités en tant qu’employé en vertu du Code (art. 126; je parlerai plus précisément de l’art. 126 plus loin dans les présents motifs). Son explication de la raison pour laquelle il a parlé directement aux avocats de PLS était ancrée dans son évaluation de la façon dont l’établissement a manqué à ses responsabilités en matière de santé et de sécurité (art. 125; je parlerai plus précisément de l’art. 125 plus tard dans les présents motifs).

[66] À leur tour, comme je le préciserai aussi plus loin dans les motifs de la décision, les arguments du défendeur dépendent au moins en partie de la contestation de l’interprétation faite par M. White à l’égard de ses responsabilités en vertu de l’art. 126 du Code et ses arguments quant à ce que M. White aurait dû faire, à part parler directement aux avocats de PLS.

[67] Dans la mesure où ces arguments se rapportent à l’affaire dont la Commission est saisie, je dois au moins soupeser leur importance pour la présente plainte, même si je n’ai peut-être pas à me pencher sur leur bien-fondé.

[68] Ma tâche se limite à déterminer si le défendeur a violé l’art. 147 du Code et, le cas échéant, de rendre toute ordonnance jugée appropriée et nécessaire en vertu de l’art. 134.

[69] Le critère standard appliqué par la Commission dans les plaintes concernant l’art. 133 du Code a été établi dans Vallée, au par. 64, qui se lit comme suit :

64 Le plaignant devait donc démontrer :

1. qu’il a exercé ses droits en vertu de la partie II du [Code] (l’article 147);

2. qu’il a subi des représailles (articles 133 et 147 du [Code]);

3. que ces représailles sont de nature disciplinaire telles que définies dans le [Code] (l’article 147);

4. qu’il existe un lien direct entre l’exercice de ses droits et les mesures subies.

 

[70] Les parties n’ont pas contesté le fait que le critère exposé dans Vallée est le critère approprié à appliquer par la Commission, quoique le plaignant a soutenu que la jurisprudence a quelque peu évolué au cours des 15 années qui ont suivi sa publication.

[71] Compte tenu du libellé de l’art. 147, ainsi que des faits et des questions en jeu dans le présent cas, je conclus que certains des critères exposés dans Vallée sont élaborés de manière trop étroite. Le libellé du premier et du quatrième critère de Vallée est trop étroit et se concentre sur l’« exercice des droits » en vertu de la partie II du Code. La première partie de l’art.147 parle effectivement de l’exercice des droits, mais la dernière partie de cet article interdit les représailles lorsqu’un employé « […] a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer » (voir l’al. 147c)). L’enquête relative aux premier et quatrième critères de Vallée doit donc englober toute action menée afin d’observer les dispositions de la partie II du Code ou de chercher à les faire appliquer, et pas seulement celles qui impliquent l’exercice des droits.

[72] Je fais remarquer que le troisième critère de Vallée est également plus étroit que le libellé de l’art. 147, qui ne parle pas seulement de représailles, mais de menaces de représailles. À cet égard, il est également important de mentionner que toutes les représailles ne sont pas de nature pécuniaire. Comme l’a soutenu le plaignant, la disposition vise généralement à encourager les employés à faire part de leurs préoccupations en matière de santé et de sécurité sans crainte de représailles. Je suis d’accord avec le principe énoncé dans Chaves c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 45, dans lequel la Commission a conclu comme suit, au par. 72 :

[72] […] L’esprit et l’objectif du [Code] visent à assurer un lieu de travail sûr pour les employés, et les dispositions du [Code] qui permettent de « donner l’alerte » perdraient tout leur sens si l’employeur était autorisé à prendre des mesures à l’endroit d’un employé tant que ces mesures n’entraînent pas de sanction pécuniaire pour celui-ci.

 

[73] Dans les circonstances qui m’ont été présentées, et à la lumière du libellé de l’art. 147 du Code, je trouve plus utile de reformuler et de simplifier les principes exposés dans Vallée et Chaves comme suit :

1. Le plaignant a-t-il observé les dispositions de la partie II du Code ou cherché à en assurer l’application (article 147)?

2. Le défendeur a-t-il pris une mesure interdite par l’article 147 du Code à l’égard du plaignant (articles 133 et 147)?

3. Existe-t-il un lien direct entre a) les mesures prises contre le plaignant et b) l’observation des dispositions de la partie II du Code ou le fait de chercher à en assurer l’application par le plaignant?

 

[74] Dans la présente affaire, le défendeur a reconnu que le deuxième critère est satisfait, en ce sens qu’il a pris des mesures contre M. White, sous la forme d’une réprimande disciplinaire.

[75] Les questions à trancher sont donc de savoir si le premier et le dernier critère sont satisfaits.

B. Fardeau de la preuve

[76] La première question à trancher est de savoir si le plaignant a exercé un droit de refuser un travail dangereux en vertu de l’art. 128 du Code. La réponse à cette question déterminera qui a le fardeau de la preuve à cet égard.

[77] Le par. 133(6) du Code se lit comme suit :

133 (6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou […], sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

133 (6) A complaint made under this section in respect of the exercise of a right under section 128 … is itself evidence that the contravention actually occurred and, if a party to the complaint proceedings alleges that the contravention did not occur, the burden of proof is on that party.

 

[78] Le droit de refuser de travailler est énoncé au par. 128(1) du Code. Cet article permet le refus de travailler dans un certain nombre de situations, y compris le refus « […] d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que […] l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé ». Lorsqu’un employé refuse de travailler, il doit avoir respecté les exigences prévues au par. 128(6) afin d’exercer son droit de porter plainte pour représailles en vertu du par. 133(1) à la suite de ce refus de travailler (voir le par. 133(3)). Le par. 128(6) se lit comme suit :

128 (6) L’employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe (1) […] fait sans délai rapport sur la question à son employeur.

 

128 (6) An employee who refuses to use or operate a machine or thing, work in a place or perform an activity under subsection (1) … shall report the circumstances of the matter to the employer without delay.

[Je mets en évidence]

 

[79] Par conséquent, afin de déterminer où se situe le fardeau de la preuve en ce qui concerne l’allégation de représailles à la suite d’un refus de travailler, je dois déterminer si M. White a refusé d’exécuter une tâche conformément au par. 128(1) du Code et si l’exigence énoncée au par. 128(6), soit de faire sans délai rapport sur la question à son employeur, a été respectée.

[80] Le plaignant a soutenu qu’il n’y a pas de « mots magiques » à utiliser quand on présente un refus de travailler (voir Noel c. VIA Rail Canada Inc. (1986), 64 di 17 (CCRT) et LeClair c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 49, aux paragraphes 117 et 123). Il a fait valoir que les gestes qu’il a posés dans la matinée du 24 avril 2019 équivalaient à un refus de travailler, même s’il n’a pas utilisé ces mots.

[81] Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas de mots magiques à utiliser pour refuser de travailler, et la majeure partie de la preuve déposée est favorable au plaignant. Dans la matinée du 24 avril 2019, il a dit à M. Kambo qu’il avait des préoccupations en matière de santé et de sécurité au sujet de la réunion des avocats de PLS avec des détenus de l’unité Delta. Il n’a pas permis au détenu de l’unité Delta de se rendre à l’unité Golf lorsqu’on lui a demandé de le faire. Il s’est rendu lui-même et a expliqué aux avocats de PLS pourquoi il estimait dangereux d’envoyer le détenu de l’unité Delta.

[82] M. White et M. Swerhun ont présenté des comptes rendus quelque peu différents de leurs interactions à l’unité Golf, mais il est également clair que M. Swerhun, alors gestionnaire correctionnel par intérim, a entendu la conversation de M. White avec les avocats de PLS. Le rapport par courriel de M. Swerhun sur la rencontre indiquait que M. White avait fait état de préoccupations au sujet de la sécurité des avocats de PLS qui rencontraient le détenu de l’unité Delta. Même si M. Swerhun n’occupait le poste de gestionnaire correctionnel que de façon intérimaire, il était à l’époque un représentant de l’employeur.

[83] Enfin, lorsque M. White est retourné à l’unité Delta, il a écrit un courriel à Mme Owens, une représentante principale de l’employeur, précisant qu’il [traduction] « […] ne [croyait] pas qu’il était sécuritaire de permettre à un détenu de [son] unité d’y assister sans que des procédures de sûreté et de sécurité appropriées aient été adoptées ».

[84] Bref, M. White a refusé d’exécuter une tâche (envoyer ou amener le détenu de l’unité Delta à l’unité Golf), car il n’a pas exécuté cette tâche et il a satisfait aux exigences prévues au par. 128(6) du Code, qui prévoit que l’employé « […] fait sans délai rapport sur la question à son employeur ».

[85] Toutefois, je dois tenir compte de l’argument du défendeur selon lequel les actes de M. White ne constituaient pas un refus de travailler aux termes de l’art. 128 du Code. Il a soutenu qu’en vertu du Code, l’employé doit clairement indiquer qu’il existe un danger, afin qu’un employeur puisse savoir que le par. 128 est en jeu. Il a fait valoir que cela ne s’est pas produit. Il a noté que M. White n’avait pas présenté un refus de travailler à un gestionnaire avant de quitter l’unité Delta. Il s’est rendu à l’unité Golf lui-même et n’a pas signalé son refus de travailler aux trois gestionnaires correctionnels qu’il a rencontrés. Au lieu de cela, il a parlé directement aux avocats de PLS, qui ne sont pas des employés du SCC. Il a également avoué en contre‑interrogatoire qu’il n’avait pas « techniquement » signalé un refus de travailler à un gestionnaire.

[86] Après que M. White se soit entretenu avec les avocats de PLS, ces derniers lui ont indiqué qu’ils n’avaient plus besoin de rencontrer le détenu de l’unité Delta. Comme il l’a lui-même indiqué dans son témoignage, il n’était plus nécessaire d’organiser la réunion parce que les avocats n’avaient plus besoin de rencontrer le détenu de l’unité Delta. Il a dit que si les gestionnaires correctionnels de l’unité Golf lui avaient ordonné d’envoyer le détenu, il [traduction] « aurai[t] pu signaler un refus de travailler complet aux termes de l’art. 128 », comme l’a mentionné le défendeur.

[87] Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’art. 133 du Code, dans laquelle il a prétendu avoir exercé son droit de refuser de travailler tel qu’il est énoncé à l’art. 128 du Code. Lorsqu’une plainte est déposée à l’égard de représailles découlant d’un refus de travailler, le fardeau de la preuve incombe au défendeur. La Commission l’a clairement affirmé dans White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel Canada), 2013 CRTFP 63 (« White 2013 »), au par. 138, qui se lit comme suit :

138 Conformément au paragraphe 133(6) du Code, une fois présentée, la plainte constitue une preuve de survenance de la contravention; il incombe alors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire. Le fardeau initial de la preuve incombe au plaignant, qui n’a qu’à prouver qu’il a présenté une plainte en vertu du paragraphe 133(1) du Code et que la plainte découle de l’exercice de son droit en vertu de l’article 128 ou 129 du Code.

 

[88] Dans les décisions White 2013, Nash c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 4, Green c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2017 CRTEFP 17, Sousa-Dias c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 62, et Vanegas c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTEFP 60, la Commission a imposé une obligation initiale aux plaignants de prouver qu’ils avaient déposé des plaintes en vertu du paragraphe 133(1) du Code à la suite d’un droit exercé en vertu de l’article 128 ou de l’article 129. Une fois ce fardeau initial déchargé, la Commission a appliqué aux défendeurs le fardeau inversé de prouver que les contraventions à l’article 147 n’avaient pas eu lieu.

[89] Dans la présente affaire, le plaignant s’est acquitté de son fardeau initial. Le matin du 24 avril 2019, M. White a été invité à envoyer ou escorter un détenu de l’unité Delta à l’unité Golf. Il n’a pas exécuté cette tâche. Il est plutôt allé à l’unité Golf lui-même. Même s’il a initialement fait part de ses préoccupations au sujet de la sécurité directement aux avocats de PLS, et pas aux trois gestionnaires correctionnels qui se trouvaient là, il a communiqué ses préoccupations en présence d’au moins un gestionnaire correctionnel, M. Swerhun. La preuve démontre clairement que M. Swerhun a entendu la conversation entre M. White et les avocats de PLS. Ensuite, peu de temps après le retour de M. White à son unité de travail, il a écrit un courriel à Mme Owens et a déclaré qu’il [traduction] « […] ne pensai[t] pas qu’il était sécuritaire de permettre à un détenu de mon unité d’y assister sans que des procédures de sûreté et de sécurité appropriées aient été adoptées ».

[90] La preuve dont je suis saisi montre clairement qu’en fait, M. White a refusé d’exécuter une tâche (envoyer ou amener le détenu de l’unité Delta à l’unité Golf), car il n’a pas exécuté cette tâche. La preuve incontestée dans le présent cas démontre aussi de façon convaincante qu’il a exprimé à de nombreux représentants du défendeur ses préoccupations au sujet de la santé et de la sécurité au travail et qu’il l’a fait de façon suffisamment claire pour répondre aux exigences prévues au par. 128(6) du Code, qui indique que l’employé « […] fait sans délai rapport sur la question à son employeur […] » : voir Kinhnicki c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 52, au par. 44.

[91] Bien sûr, une fois que les avocats de PLS n’ont plus besoin de rencontrer le détenu de l’unité Delta, il n’était plus nécessaire de poursuivre le processus de refus de travailler. Toutefois, le fait que le refus de travailler a effectivement pris fin presque aussi vite qu’il a commencé ne devrait pas modifier la conclusion selon laquelle un refus de travailler a effectivement eu lieu.

[92] Étant donné que j’ai conclu que les gestes posés par M. White le matin du 24 avril constituaient effectivement un refus de travailler en vertu de l’art. 128 du Code, le défendeur assume le fardeau de la preuve inversé, énoncé au par. 133(6), d’établir qu’aucune contravention à l’art. 147 n’a eu lieu.

[93] Par conséquent, il incombe au défendeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le SCC n’a pas imposé la réprimande au plaignant parce qu’il avait exercé son droit de refuser de travailler.

[94] Cela dit, il incombe toujours au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, la partie de sa plainte dans laquelle il allègue avoir été victime de représailles pour avoir observé les dispositions de la partie II du Code ou cherché à en assurer l’application, parce que l’inversion du fardeau de la preuve énoncée au par. 133(6) ne s’applique pas à cette partie.

C. Les gestes posés par M. White pour observer les dispositions de la partie II du Code ou en assurer l’application

[95] M. White a soutenu qu’en plus du refus de travailler en vertu de l’art. 128 du Code, ses gestes étaient également ancrés dans d’autres responsabilités prévues dans le Code.

[96] Le plaignant a fait valoir qu’après avoir fait part de ses préoccupations à M. Kambo le matin du 24 avril 2019, l’établissement aurait dû prendre des mesures afin de veiller à la mise en place de protocoles pour toute réunion entre les avocats de PLS et les détenus. Il a soutenu qu’il devait poser ces gestes en vertu du Code, parce que l’employeur a les responsabilités suivantes :

· à l’al. 125(1)y) : « de veiller à ce que la santé et la sécurité des employés ne soient pas mises en danger par les activités de quelque personne admise dans le lieu de travail »;

· à l’al. 125(1)z.02) « de répondre sans délai à tout rapport fait au titre de l’alinéa 126(1)g) »;

· à l’al.125(1)(z.14) : « de prendre toutes les précautions nécessaires pour que soient portés à l’attention de toute personne — autre qu’un de ses employés — admise dans le lieu de travail les risques connus ou prévisibles auxquels sa santé et sa sécurité peuvent être exposées […] »;

 

[97] Le plaignant a témoigné que le matin du 24 avril 2019, M. Kambo n’est jamais revenu à l’unité Delta pour répondre aux préoccupations qu’il avait soulevées au début de son quart. Aucun autre gestionnaire correctionnel n’est venu à l’unité. M. White croyait qu’aucun gestionnaire correctionnel n’avait informé les avocats de PLS du danger possible d’une rencontre avec le détenu de l’unité Delta. M. Swerhun a témoigné qu’il ne savait pas si les avocats de PLS avaient été informés du confinement.

[98] Le plaignant a soutenu que les gestes qu’il a posés dans la matinée du 24 avril 2019 étaient conformes aux obligations des employés en vertu du Code de faire ce qui suit :

· à l’al. 126(1)c) : « de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sa propre sécurité, ainsi que celles de ses compagnons de travail et de quiconque risque de subir les conséquences de ses actes ou omissions » [je mets en évidence];

· à l’al. 126(1)g) : « de signaler à son employeur tout objet ou toute circonstance qui, dans un lieu de travail, présente un risque pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses compagnons de travail ou des autres personnes à qui l’employeur en permet l’accès » [je mets en évidence] […];

 

[99] Le défendeur a soutenu que, en vertu de l’al. 126(1)g) du Code, les obligations de M. White se limitaient à faire rapport à l’employeur. Cet article ne lui donnait pas le droit ou la responsabilité de signaler le danger présumé aux avocats de PLS, qui n’étaient même pas des employés du SCC.

[100] Le défendeur a également soutenu que les obligations de M. White en vertu de l’al. 126(1)c) du Code se limitent à prendre les « mesures nécessaires ». M. White avait d’autres options que de parler directement aux avocats. Il aurait pu signaler un refus de travailler officiel. Le défendeur a fait valoir que M. White aurait pu simplement dire aux avocats de PLS qu’il s’inquiétait du fait d’envoyer le détenu de l’unité Delta sans révéler que l’arme provenait du détenu de l’unité Delta. Le défendeur a soutenu que si les gestes qu’il a posés n’étaient pas nécessaires, le plaignant n’exerçait aucun droit en vertu de l’al. 126(1)c) du Code, et il ne peut y avoir de lien entre l’exercice de ces droits et la mesure disciplinaire administrée. Le défendeur a prétendu que si les gestes posés par M. White n’étaient pas nécessaires, sa plainte devrait être rejetée.

[101] Le défendeur a fait valoir que la Commission n’a pas à trancher l’allégation selon laquelle l’employeur n’a pas respecté ses obligations prévues à l’art. 125 du Code. La plainte dont la Commission est saisie porte sur l’art. 133. Le défendeur affirme qu’une plainte concernant l’art. 125 ferait l’objet d’un processus différent.

[102] Comme il a été mentionné plus tôt, le rôle de la Commission en ce qui a trait à la détermination des questions touchant le Code se limite aux articles 133 (et par extension, à l’art. 147) et 134. Une allégation selon laquelle un employeur n’a pas respecté ses obligations en vertu de l’art. 125 ne serait pas présentée à la Commission. Une allégation selon laquelle un employé s’est mal conduit en ce qui concerne les responsabilités des employés prévues à l’art. 126 ne serait pas non plus présentée à la Commission, à moins que les allégations ne soient liées à une plainte en vertu de l’art. 133, comme elles le sont ici.

[103] Comme il a aussi été mentionné précédemment, je dois au moins soupeser les arguments des parties au sujet de l’application des articles 125 et 126 afin de déterminer si M. White observait les dispositions de la partie II du Code ou cherchait à en assurer l’application.

[104] Il est approprié ici de mentionner qu’à quelques moments pendant l’audience, M. White a interrompu le défendeur pendant ses questions ou sa plaidoirie en demandant, en fait ce qu’il aurait dû faire différemment. Au cours de l’audience, je l’ai informé que l’audience n’était pas le lieu approprié pour ses interruptions, et j’ai suggéré qu’il parle à son représentant pendant une pause.

[105] Avec le recul, il serait facile de considérer que les gestes posés par M. White dans la matinée du 24 avril 2019 n’étaient pas parfaits. Il aurait pu signaler un refus de travailler officiel au lieu de quitter l’unité Delta. Il aurait pu s’arrêter quand il est entré dans l’unité Golf et parler à M. Swerhun. Il aurait pu insister pour que M. Swerhun explique aux avocats de PLS pourquoi le détenu de l’unité Delta ne devrait pas être envoyé ou amené. Quand il a parlé aux avocats de PLS, il aurait pu en dire moins qu’il ne l’a fait.

[106] En toute justice envers le plaignant, je devrais mentionner ici que le SCC avait aussi d’autres options à sa disposition. M. Kambo ou un autre gestionnaire correctionnel aurait pu répondre aux préoccupations que le plaignant avait soulevées auprès de M. Kambo au début de son quart. M. Kambo ou l’un des autres gestionnaires correctionnels auraient pu répondre de façon proactive à la demande des avocats de PLS de rencontrer les détenus. M. Swerhun aurait pu intervenir plus directement au lieu de simplement suivre M. White dans la salle où se trouvaient les avocats et de ne rien dire, puisqu’il était gestionnaire correctionnel par intérim et représentant de la direction.

[107] Il n’est toutefois pas utile de se demander quelles autres options auraient été offertes à M. White ou au SCC afin de déterminer si le plaignant observait les dispositions de la partie II du Code ou cherchait à en assurer l’application et si la réprimande disciplinaire constituait une mesure de représailles pour les gestes que le plaignant a posés le 24 avril 2019.

[108] Ce qui importe, c’est que, dans les circonstances, M. White estimait que les avocats de PLS devaient être au courant de l’existence d’un danger possible. Une agression au couteau avait été commise. Un détenu avait été envoyé à l’hôpital. La situation était encore en évolution, puisque les unités Delta et Golf étaient toujours sous confinement modifié.

[109] De toute évidence, M. White était frustré de constater qu’aucun gestionnaire correctionnel ne semblait prendre le contrôle de la situation. Aucun gestionnaire correctionnel n’avait veillé à ce que les agents correctionnels reçoivent de l’information.

[110] M. White a peut-être agi avec une colère ou une frustration plus grandes qu’idéalement. Mais dans la mesure où il a agi par colère ou par frustration, ses gestes étaient motivés par sa préoccupation à l’égard de la santé et de la sécurité. Les parties s’entendent sur ce point.

[111] Bref, à l’époque, M. White estimait qu’il était raisonnable et nécessaire de parler aux avocats de PLS. Même si le défendeur croit peut-être que ses gestes n’étaient pas raisonnables et nécessaires, les parties s’entendent sur le fait que le plaignant croyait qu’il y avait un problème de santé et de sécurité. Il a pris des mesures pour régler la question qui, selon lui, étaient conformes à ses droits et responsabilités en vertu du Code. Le matin du 24 avril 2019, il a fait part de ses préoccupations à M. Kambo. Il s’est entretenu avec les avocats de PLS, qui relèvent de la catégorie des « autres personnes à qui l’employeur en permet l’accès […] » mentionnée à l’al. 126(1)g) du Code, et ce, en présence de M. Swerhun. Après la fin de la rencontre avec les avocats de PLS, il a décrit ses préoccupations dans le courriel envoyé à la directrice adjointe par intérim Owens. Elle a reconnu ces préoccupations. La Commission n’a pas à déterminer si ces mesures étaient les bonnes ou les meilleures à prendre. Il croyait que son employeur ne prenait pas les mesures qu’il aurait dû prendre et que ses gestes visaient à observer les al. 126(1)c) et g) ou à chercher à en assurer l’application.

[112] Peut-être que dans une situation factuelle différente, où les gestes posés par un employé n’appartenaient manifestement pas à l’éventail des mesures raisonnables, je pourrais tirer une conclusion différente. En l’espèce, à la lumière de l’analyse ci-dessus, et comme les parties s’entendent sur le fait que le plaignant exerçait ce qu’il estimait être ses responsabilités en vertu du Code pour assurer la santé et la sécurité des employés, des détenus et des avocats de PLS, je conclus que le plaignant observait les dispositions de la partie II du Code ou cherchait à en assurer l’application relativement à ce que les deux parties ont accepté comme une question de santé et de sécurité. Cela aussi répond au premier critère exposé dans Vallée que j’ai reformulé et simplifié plus tôt dans la présente décision.

D. Existe-t-il un lien direct entre la réprimande donnée par Mme Chad et le fait que M. White observait les dispositions de la partie II du Code ou cherchait à en assurer l’application?

[113] Comme il a été mentionné plus tôt, dans la présente affaire, le défendeur a accepté que le deuxième volet du critère Vallée reformulé et simplifié est respecté, en ce sens qu’il a pris des mesures contre M. White, sous la forme d’une réprimande disciplinaire.

[114] J’en viens maintenant au cœur de cette affaire, soit la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, la réprimande disciplinaire a été accordée parce que le plaignant a refusé de travailler ou a agi autrement afin d’observer les dispositions de la partie II du Code de chercher à en assurer l’application. Je le répète, la dernière étape exposée dans Vallée, reformulée et simplifiée plus tôt dans la présente décision, exige qu’il y ait « […] un lien direct entre a) les mesures prises contre le plaignant et b) l’observation des dispositions de la partie II du Code ou le fait de chercher à en assurer l’application par le plaignant ». Dans le présent cas, cette exigence se rapporte au lien de causalité entre la réprimande du 30 avril 2019 et les gestes posés par le plaignant le 24 avril 2019.

[115] Le plaignant a soutenu qu’il y avait un lien évident entre la réprimande disciplinaire qu’il a reçue le 30 avril 2019 et les gestes qu’il a posés le matin du 24 avril 2019. Les parties s’entendent sur le fait qu’il exerçait ce qu’il estimait être ses responsabilités en vertu du Code pour assurer la santé et la sécurité des employés, des détenus et des avocats de PLS. Il a soutenu qu’il avait pris ces mesures parce qu’on lui demandait d’envoyer le détenu de l’unité Delta à l’unité Golf, et ce, même s’il avait fait part de ses préoccupations à M. Kambo. Selon lui, sa décision de s’entretenir avec les avocats de PLS était à la fois raisonnable et nécessaire. Il croit que le SCC lui a imposé une mesure disciplinaire pour ces gestes, ce qui contrevient à l’art. 147 du Code.

[116] Le plaignant a soutenu que la Commission devrait rejeter l’argument du défendeur selon lequel la mesure disciplinaire a été imposée pour d’autres raisons, parce qu’il n’a pas établi l’existence d’une autre cause pour la mesure disciplinaire. Il a soutenu que le processus disciplinaire qu’utilisait le SCC était si problématique qu’il équivalait à un recours artificiel, un subterfuge ou un camouflage. Il a soutenu que si le SCC avait d’autres raisons légitimes de lui imposer une mesure disciplinaire, il les aurait clairement exprimées dans son avis de mesure disciplinaire et tout au long du processus disciplinaire. Il a soutenu que l’employeur n’a pas établi précisément ce que le plaignant a fait de mal.

[117] Le plaignant a soutenu que les dispositions du Code visent à faire en sorte que les employés se sentent libres de signaler des menaces perçues pour la santé et la sécurité du milieu de travail, sans crainte de représailles. Il a soutenu qu’il était un agent correctionnel ayant une ancienneté importante dans le milieu de travail et que la mesure disciplinaire qu’il a reçue ne devrait pas être maintenue, car elle a eu un effet dissuasif sur les autres employés.

[118] À l’appui de ses arguments, le plaignant m’a porté à plusieurs cas dans lesquels des plaintes en vertu de l’art. 133 du Code avaient été accueillies dans ce qui, selon lui, était une situation analogue (voir Noel, au par. 15; LeClair; Martin-Ivie c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 40, aux paragraphes 73 à 75; Grogan c. Chemin de fers nationaux du Canada (1986), 67 di 183 (CCRT); Chaney c. Auto Haulaway Inc., 2000 CCRI 47, aux paragraphes 30 à 32).

[119] Le défendeur a soutenu que M. White n’agissait pas conformément aux obligations qui lui incombaient en vertu du Code. Le défendeur a soutenu qu’il n’était pas raisonnable et nécessaire pour lui d’informer directement les avocats de PLS d’un danger potentiel. Le défendeur a soutenu qu’il avait échangé avec les avocats de PLS des renseignements qu’il n’était pas autorisé à échanger et qu’il n’avait pas à échanger, étant donné le danger perçu. Le défendeur a soutenu que la mesure disciplinaire que le plaignant a reçue n’était pas attribuable aux gestes qu’il a posés en vertu du Code. Selon le défendeur, la réprimande disciplinaire imposée était attribuable au non-respect des ordres de M. Swerhun et aux renseignements que le plaignant a communiqués aux avocats.

[120] Le défendeur a soutenu que la Commission n’est pas tenue en vertu du Code de déterminer si un employeur a des motifs raisonnables de justifier la mesure disciplinaire qu’il impose ou si cette mesure disciplinaire était raisonnable. Il a déclaré que si la preuve ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, que la réprimande disciplinaire était liée à un geste posé en vertu du Code, la seule question à se poser est de savoir si l’employeur avait des motifs (et non pas seulement des motifs valables) d’imposer la mesure disciplinaire (voir Anderson c. IMTT-Québec Inc., 2011 CCRI 606, au par. 91). Dans le présent cas, il l’a fait, et la plainte devrait être rejetée, a soutenu le défendeur.

[121] À l’appui de ses arguments, le défendeur m’a présenté plusieurs cas dans lesquels des plaintes en vertu de l’art. 133 ont été rejetées dans ce qu’il a prétendu être des situations analogues (voir Pezze c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources naturelles), 2020 CRTESPF 37, aux paragraphes 44 et 45; Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement et du Changement climatique), 2018 CRTESPF 78, au par. 613; Nash, au par. 77). Le défendeur a soutenu que, dans chacun de ces cas, la Commission a conclu que la mesure disciplinaire imposée n’était pas liée à l’exercice des droits en vertu du Code, mais à d’autres motifs.

[122] Le défendeur a également soutenu que, dans Pezze (au par. 42), la Commission a confirmé que la proximité dans le temps entre l’administration de la mesure disciplinaire et l’exercice d’un droit en vertu du Code ne constitue pas, en soi, la preuve d’une violation de l’art. 147.

[123] Le défendeur a également soutenu que, même si la plainte dans Martin-Ivie a été accueillie, la Commission a reconnu que la mesure disciplinaire imposée par l’employeur liée au code de conduite de celui-ci ne constitue pas une violation du Code, en s’exprimant comme suit, au par. 59 :

59 Si l’affaire s’était arrêtée là, je n’aurais aucun scrupule à statuer en faveur du défendeur. Le fait d’instituer une enquête afin d’examiner un cas possible de contravention à une politique de l’employeur ne constitue pas en soi, à mon avis, une menace d’imposition de mesures disciplinaires. Un employeur jouit certes du droit d’imposer des mesures disciplinaires envers un employé qui contrevient à ses politiques. La plaignante ne peut alors utiliser comme prétexte l’exercice de ses droits en vertu du Code pour éviter des mesures disciplinaires découlant d’une violation du code de conduite de l’employeur de sa part.

 

[124] Le défendeur a également fait ressortir cette conclusion au paragraphe 622 de Walker :

622 L’exercice par une personne de ses droits prévus au [Code] n’est pas un bouclier contre un comportement déplacé. La protection contre les représailles ne porte pas sur l’inconduite sans lien. La question est celle de savoir s’il y a un lien entre la mesure disciplinaire et l’exercice de ses droits en vertu de la partie II du [Code]. L’exercice des droits en vertu de l’art. 128 du [Code] doit être la cause immédiate de la mesure disciplinaire imposée […]. Il ne suffit pas de montrer que la mesure disciplinaire a été imposée; la fonctionnaire doit également démontrer qu’un lien existe entre la mesure disciplinaire et l’exercice des droits en vertu de l’art. 128 […] ce qu’elle n’a pas fait.

 

[125] En examinant la preuve dont je suis saisi, je constate qu’il y a deux versions très différentes de ce qui s’est passé et de la raison pour laquelle M. White a fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Ces différences impliquent non seulement l’interprétation des événements, mais aussi de nombreux aspects des événements eux-mêmes. En particulier, je note ce qui suit :

1. M. White a témoigné qu’on lui avait demandé d’« envoyer » le détenu de l’unité Delta à l’unité Golf, tandis que M. Swerhun a déclaré qu’il avait demandé à M. Voth de communiquer avec M. White et d’« amener » le détenu de l’Unité Delta.

2. M. White et M. Swerhun ont présenté des versions très différentes de leurs interactions à l’unité Golf : le premier a témoigné qu’ils s’étaient salués deux fois, et le second a déclaré qu’ils n’avaient échangé aucun mot.

3. Même si l’avis d’audience disciplinaire indique que M. Swerhun en est l’auteur, il a nié l’avoir écrit, tout comme Mme Chad. Ni l’un ni l’autre ne pouvait expliquer qui l’avait effectivement écrit.

4. M. White et M. MacKinnon ont témoigné que Mme Chad avait encouragé M. White à accepter une réprimande verbale afin que tout disparaisse, ce qu’ils considéraient comme une menace d’une mesure disciplinaire plus importante. Mme Chad ne s’est pas souvenue avoir dit que [traduction] « tout disparaîtrait ». Elle n’était pas d’accord pour dire qu’elle avait menacé de prendre une mesure disciplinaire plus grave.

 

[126] Si la question dont je suis saisi était de savoir si la mesure disciplinaire imposée à M. White était fondée, je devrais peut-être lutter avec chacune de ces divergences et déterminer quelle version des événements je trouve plus crédible. Mais il ne s’agit pas d’un grief lié à une mesure disciplinaire. (Je mentionne entre parenthèses que même si c’était le cas, je n’aurais pas compétence parce qu’il s’agit simplement d’une réprimande, et non d’une question disciplinaire pouvant être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.)

[127] La question que je dois trancher est plutôt de savoir si la réprimande disciplinaire a été imposée parce que M. White avait refusé de travailler ou qu’il observait les dispositions de la partie II du Code ou cherchait à en assurer l’application.

[128] Indépendamment des fardeaux de preuve précis qui s’appliquent dans le présent cas, c’est-à-dire si le défendeur a prouvé que la réprimande disciplinaire n’a pas été imposée à cause du refus de M. White de travailler ou si M. White a prouvé que la réprimande disciplinaire a été imposée parce qu’il observait les dispositions de la partie II du Code ou cherchait à en assurer l’application, je trouve plus probable que non que la réprimande a été imposée parce que M. White a posé les gestes en question le matin du 24 avril 2019. Comme je l’ai déjà conclu, il a posé ces gestes pour observer les dispositions de la partie II du Code ou chercher à en assurer l’application, et ces gestes comprenaient son refus d’exécuter une tâche parce qu’il croyait que l’exécution de cette tâche constituait un danger.

[129] Il n’est pas contesté que M. White ait soulevé des préoccupations en matière de santé et de sécurité auprès de son gestionnaire, M. Kambo, le matin du 24 avril 2019. Il en a également parlé au président de la section locale de son syndicat. Lorsqu’il s’est rendu à l’unité Golf et a parlé aux avocats de PLS, il leur a dit qu’il le faisait en raison de ses préoccupations en matière de santé et de sécurité. Peu importe si le détenu de l’unité Delta devait être envoyé ou amené, dans les deux cas, M. White s’inquiétait de l’absence de protocoles de sécurité. M. White n’a pas suivi les instructions qui lui avaient été données et sa décision de le faire était motivée par les préoccupations en matière de santé et de sécurité qu’il avait déjà communiquées à M. Kambo. Comme il a déjà été mentionné, les parties s’entendent sur le fait que le plaignant croyait qu’il y avait un problème de santé et de sécurité et qu’il a pris des mesures qu’il croyait conformes à ses droits et responsabilités en vertu du Code pour régler ce problème.

[130] Peu importe si M. White a parlé directement à M. Swerhun ou pas, M. Swerhun a clairement entendu ce qui a été dit aux avocats de PLS. Il a ensuite résumé dans son courriel que M. White avait parlé aux avocats de PLS, car il craignait pour leur santé et leur sécurité.

[131] Le courriel que M. White a envoyé à Mme Owens à la suite de l’interaction qui s’est déroulée à l’unité Golf indique clairement que sa discussion avec les avocats de PLS était motivée par ce qu’il croyait être ses obligations légales en matière de santé et de sécurité. Les éléments de preuve montrent qu’après avoir reçu ce courriel, Mme Owens a demandé à Mme Chad d’enquêter sur la situation, et Mme Chad a entrepris d’obtenir la version des événements de M. Swerhun. Une brève réunion a eu lieu dans la zone des visites et de la correspondance entre M. White, Mme Chad et M. Swerhun. Mme Chad et M. Swerhun ne se souviennent pas en détail de cette réunion, mais M. White en gardait un souvenir clair. À la suite de ces événements, Mme Chad a entamé une procédure disciplinaire contre M. White qui a abouti à son courriel du 30 avril 2019.

[132] En bref, cette preuve appuie la conclusion de l’existence d’un lien de causalité entre la mesure disciplinaire imposée à M. White et tous les gestes qu’il a posés pour observer les dispositions de la partie II du Code ou chercher à en assurer l’application.

[133] Le défendeur a soutenu que la réprimande disciplinaire avait été imposée pour d’autres motifs et qu’elle n’était pas liée aux gestes posés par M. White en ce qui concerne la santé et la sécurité, mais plutôt à des violations de la politique du SCC.

[134] Devant deux versions différentes de la raison pour laquelle M. White a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, je dois déterminer, selon la prépondérance des probabilités, la version la plus crédible. C’est-à-dire que je devrais déterminer quelle version est plus cohérente, ou en meilleure harmonie, avec la prépondérance des probabilités à la lumière de tous les éléments de preuves dont je dispose : voir Faryna v. Chorny, 1951 CanLII 252 (C.A C.-B.).

[135] La version du défendeur aurait pu être plus plausible, n’eût été plusieurs incohérences dans le processus suivi par le SCC. Je vais en faire ressortir six.

[136] Premièrement, personne ne pouvait expliquer qui a effectivement écrit l’avis d’audience disciplinaire remis à M. White dans la soirée du 24 avril 2019. Il a été émis sous le nom de M. Swerhun, mais celui-ci a nié l’avoir écrit le matin du 25 avril 2019, selon M. White. Il a aussi nié l’avoir écrit devant moi. L’avis contient le numéro de téléphone au bureau de Mme Chad, mais elle a également nié l’avoir écrit et n’a pas pu expliquer qui l’a écrit.

[137] Si le SCC avait une raison claire d’imposer une mesure disciplinaire à M. White pour violation de ses politiques, il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’il puisse déterminer l’auteur de l’avis convoquant une audience disciplinaire.

[138] Deuxièmement, aucune enquête disciplinaire approfondie n’a été menée. Mme Chad a témoigné qu’elle s’est entièrement appuyée sur le résumé des événements de M. Swerhun. Elle ne se souvient pas de la rencontre qu’elle a eue avec M. White dans la zone des visites et de la correspondance. Selon M. White, cela ne constituait pas une réunion de recherche des faits. Mme Chad a témoigné qu’elle n’avait pas interrogé les avocats de PLS.

[139] Si le SCC avait une raison claire d’imposer une mesure disciplinaire à M. White pour violation de ses politiques, il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’il ait enquêté sur la violation présumée et établi les faits à l’origine de cette violation.

[140] Troisièmement, et peut-être à cause de l’absence d’enquête, même après trois jours d’audience, je n’arrive pas encore à comprendre précisément ce que M. White a dit aux avocats de PLS qui allait trop loin, selon Mme Chad. La réprimande du 30 avril 2019 indique qu’il [traduction] « a révélé des renseignements précis sur une situation de sécurité à des personnes qui ne sont pas des employés du SCC », sans dire ce qu’étaient ces renseignements. Le témoignage de Mme Chad semble sous-entendre qu’il a révélé l’identité du détenu de l’unité Delta, qui aurait poignardé un autre détenu. Toutefois, elle ne l’a pas dit de façon précise dans son témoignage. Plus important encore, M. Swerhun, qui était le seul témoin à comparaître devant moi qui aurait pu entendre ce que M. White a dit, n’a pas indiqué précisément ce qui avait été dit dans son témoignage. Comme il a été mentionné, M. White a nié avoir communiqué le nom du détenu aux avocats de PLS. Il a témoigné que c’est eux qui lui ont révélé le nom du détenu.

[141] Dans l’ensemble, je peux conclure qu’il est possible qu’il soit devenu clair, au cours de la conversation entre M. White et les avocats de PLS, que le détenu de l’unité Delta était celui qui avait poignardé le détenu de l’unité Golf. Toutefois, la probabilité que M. White ait clairement communiqué ces renseignements est une autre question. Si le SCC avait une raison claire d’imposer une mesure disciplinaire à M. White pour une violation de ses politiques, il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’il puisse établir clairement que c’est M. White qui a donné ce renseignement aux avocats de PLS, au lieu d’inviter la Commission à déduire que les avocats de PLS n’auraient pas pu arriver à cette conclusion par eux-mêmes. Après tout, M. Swerhun a entendu la conversation et il était alors l’un des gestionnaires du défendeur. M. White a témoigné qu’il n’a pas indiqué aux avocats de PLS le nom d’un détenu et que ce sont eux qui ont soulevé l’identité d’un détenu en particulier. Le défendeur n’a pas produit d’éléments de preuve suffisamment clairs, cohérents et convaincants pour contredire le témoignage du plaignant sur ce point.

[142] Quatrièmement, on trouve des incohérences dans les descriptions que fait l’employeur de la façon dont M. White aurait enfreint les politiques ou le code de conduite du SCC. L’avis d’audience disciplinaire indiquait deux questions. La première portait sur le défaut d’obéir aux ordres légitimes d’un employé supérieur (c’est-à-dire de ne pas s’arrêter pour parler à M. Swerhun après qu’on le lui a soi-disant demandé). La deuxième concernait l’échange non autorisé de renseignements en violation du Code de discipline, DC 060, de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur l’accès à l’information et de la Politique sur la sécurité du gouvernement.

[143] L’avis d’audience disciplinaire ne mentionne pas la DC 701, Communication de renseignements, du commissaire du SCC, sur laquelle le défendeur a cherché à s’appuyer pour la présente audience.

[144] La preuve non contredite du plaignant était qu’il n’a pas été question des violations présumées de la politique de l’employeur lors de la réunion disciplinaire qui s’est déroulée le 26 avril 2019. M. White a témoigné que la réunion a duré 15 minutes et qu’elle n’incluait aucune discussion sur la DC 701, Communication de renseignements, du commissaire du SCC. Mme Chad ne se souvenait que de peu de détails sur cette réunion.

[145] En outre, la plupart des éléments de preuve indiquent que la principale préoccupation de l’employeur était le ton et le comportement de M. White dans sa façon de rencontrer les avocats de PLS. Selon le témoignage de M. White, tel était le thème principal de la conversation qu’il a eue avec Mme Chad et M. Swerhun dans la zone des visites et de la correspondance le 24 avril 2019. C’était aussi le message dominant dans la réponse de Mme Owen au courriel de M. White le 25 avril, qui l’a exhorté à se [traduction] « […] conduire professionnellement même pendant les périodes les plus frustrantes […] ». Enfin, la réprimande du 30 avril a également abordé cette question, lorsque Mme Chad a écrit ce qui suit à M. White : [traduction] « Vous avez avoué avoir agi par colère et frustration et indiqué qu’à l’avenir, vous prendrez un moment pour rassembler vos idées et vos émotions avant d’agir. »

[146] J’accepte que M. White ait pu agir par frustration, mais je n’ai entendu aucun témoignage sur son ton et son comportement, ni de sa part ni de celle de M. Swerhun. Je n’ai pas non plus entendu de preuve établissant un lien entre son ton et son comportement et les violations des politiques du SCC ou de son code de conduite. L’avis d’audience disciplinaire ne disait rien sur cette question.

[147] Cinquièmement, je note le manque total de clarté dans l’explication du SCC sur le genre de réprimande dont il s’agissait. Le courriel de Mme Chad indiquait qu’il ne s’agissait pas d’une réprimande écrite, mais d’une réprimande verbale consignée par courriel. Elle a toutefois reconnu que les Lignes directrices sur la discipline du Conseil du Trésor stipulent que les réprimandes verbales ne sont pas formulées par écrit. Lorsqu’on lui a demandé si une réprimande verbale consignée plus tard par courriel était conforme aux politiques disciplinaires de l’employeur, Mme Chad a témoigné que, lorsqu’un employé reçoit une réprimande verbale, une note est versée à son dossier afin de consigner qu’une réprimande verbale avait été donnée, sans donner de détails.

[148] Cependant, le courriel de Mme Chad du 30 avril 2019 indiquait : [traduction] « Ce courriel restera dans votre dossier pendant deux ans. » Dans le courriel qui le transfère aux Relations de travail le 1er mai 2019, on peut lire : [traduction] « Pour le dossier disciplinaire. » Mme Chad a témoigné qu’elle estimait devoir écrire le courriel pour qu’il reste dans le dossier pendant deux ans [traduction] « au cas où cela se reproduirait ». En l’absence d’éléments de preuve plus clairs quant à ce qui a été versé au dossier de M. White, je conclus qu’il s’agissait du courriel dans son ensemble.

[149] Cette ambiguïté quant à la nature de la réprimande a mené le plaignant à dire qu’il s’agissait d’une [traduction] « réprimande verbale écrite » dans sa plainte déposée devant la Commission. Toutefois, il s’agit clairement de plus qu’une réprimande verbale, surtout parce qu’il semble que le courriel au complet a été versé au dossier de M. White. Il est tout aussi clair que le courriel ne fait pas le lien entre les gestes ou le comportement de M. White et toute violation présumée des politiques, directives ou lois du SCC, contrairement à ce qu’indique l’avis d’audience disciplinaire du 24 avril 2019. Cela ne correspond donc pas à ce que l’on pourrait attendre d’une réprimande écrite. Cette ambiguïté mine encore davantage l’explication de l’employeur quant aux raisons pour lesquelles M. White a fait l’objet d’une mesure disciplinaire.

[150] Sixièmement, je mentionne qu’aucun élément de preuve ne m’a été présenté afin d’établir que le SCC a répondu aux préoccupations de M. White en matière de santé et de sécurité après les événements en question, que ce soit par des discussions avec lui, avec la direction ou avec le comité mixte de SST. S’il l’avait fait, le processus disciplinaire aurait peut-être pu être interprété comme un processus distinct qui n’avait rien à voir avec la question de la santé et de la sécurité. Comme je n’ai entendu aucun élément de preuve suggérant que l’une ou l’autre de ces mesures ont été prises, l’argument du défendeur selon lequel la mesure disciplinaire a été imposée pour d’autres motifs perd encore plus de poids.

[151] En résumé, le processus disciplinaire comportait plusieurs incohérences qui me rendent incapable de conclure que la mesure disciplinaire a été imposée en raison d’une violation présumée des normes disciplinaires. Le défendeur n’a pas été en mesure de démontrer que la réprimande disciplinaire était fondée sur une violation des politiques, directives ou lois du SCC.

[152] Dans Martin-Ivie, la Commission a fait remarquer que les employeurs devraient être en mesure d’imposer des mesures disciplinaires contre ses employés en cas de violation de ses politiques, en précisant : « Le fait d’instituer une enquête afin d’examiner un cas possible de contravention à une politique de l’employeur ne constitue pas en soi, à mon avis, une menace d’imposition de mesures disciplinaires » (au paragraphe 59). Toutefois, comme c’est le cas en l’espèce, dans Martin‑Ivie, la Commission n’a pas trouvé de preuve à l’appui de la théorie selon laquelle la mesure disciplinaire imposée était liée à une politique de l’employeur.

[153] Je dois noter que le plaignant a présenté des arguments sur les raisons pour lesquelles les politiques et les codes de conduite de l’employeur ne peuvent être utilisés pour outrepasser les dispositions du Code. Comme j’ai conclu qu’aucun lien clair n’avait été établi entre la réprimande disciplinaire et les politiques, directives ou lois de ce genre, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’examiner ces arguments.

[154] Le 30 avril 2019, l’employeur de M. White lui a imposé une mesure disciplinaire, même s’il savait parfaitement que les mesures qu’il a prises pour informer les avocats de PLS d’un danger ont été prises parce qu’il avait des préoccupations en matière de santé et de sécurité. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que le critère final de Vallée est respecté et que la réprimande disciplinaire est attribuable aux gestes posés par M. White le 24 avril 2019, car il était convaincu qu’il y avait un problème de santé et de sécurité à Kent et que ses gestes étaient conformes à ses droits et responsabilités en vertu du Code. Par conséquent, je conclus que la réprimande écrite indiquée dans le courriel de Mme Chad du 30 avril 2019 violait l’art. 147 du Code. L’employeur n’aurait pas dû l’imposer.

E. Le redressement approprié

[155] Lorsque la plainte a été déposée, les mesures correctives demandées en vertu de l’art.134 du Code comprenaient la radiation de la réprimande disciplinaire de tous les dossiers du plaignant, une lettre d’excuses, une demande qui obligeait Mme Chad à suivre une formation complémentaire sur le Code et des dommages.

[156] Quand il a comparu devant moi, le plaignant a soutenu que la Commission devrait ordonner le retrait du courriel du 30 avril 2019 non seulement de son dossier personnel, mais aussi de tous les dossiers de l’employeur, y compris les systèmes de courriel.

[157] En ce qui a trait aux dommages, le plaignant a soutenu que la Commission devrait inclure dans la réparation exigée le paiement des heures supplémentaires qu’il aurait effectuées le 25 avril 2019. Il a soutenu qu’il a annulé ce quart uniquement parce que l’employeur avait entamé le processus disciplinaire en lui fournissant un avis d’audience disciplinaire. Le plaignant a fait remarquer que la Commission avait accordé le paiement d’heures supplémentaires dans LeClair (voir le par. 156).

[158] Le défendeur a fait valoir que si j’accepte la plainte, seule une déclaration devrait être faite. Il ne devrait pas être ordonné de payer le quart de travail supplémentaire annulé par M. White. Le plaignant a pris la décision de refuser ce quart de sa propre initiative; le SCC ne lui a pas demandé de l’annuler. Le défendeur a soutenu qu’aucun fait ne lie la réprimande disciplinaire et l’annulation du quart.

[159] Les pouvoirs de redressement de la Commission sont énoncés au par. 134(1) du Code, qui se lit comme suit :

134 (1) S’il décide que l’employeur a contrevenu à l’article 147, [la Commission] peut, par ordonnance, lui enjoindre de mettre fin à la contravention et en outre, s’il y a lieu :

 

134 (1) If, under subsection 133(5), the Board determines that an employer has contravened section 147, the Board may, by order, require the employer to cease contravening that section and may, if applicable, by order, require the employer to

a) de permettre à tout employé touché par la contravention de reprendre son travail;

(a) permit any employee who has been affected by the contravention to return to the duties of their employment;

b) de réintégrer dans son emploi tout ancien employé touché par la contravention;

(b) reinstate any former employee affected by the contravention;

c) de verser à tout employé ou ancien employé touché par la contravention une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu contravention;

 

(c) pay to any employee or former employee affected by the contravention compensation not exceeding the sum that, in the Board’s opinion, is equivalent to the remuneration that would, but for the contravention, have been paid by the employer to the employee or former employee; and

d) d’annuler toute mesure disciplinaire prise à l’encontre d’un employé touché par la contravention et de payer à celui-ci une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la sanction pécuniaire ou autre qui lui a été imposée par l’employeur.

(d) rescind any disciplinary action taken in respect of, and pay compensation to any employee affected by, the contravention, not exceeding the sum that, in the Board’s opinion, is equivalent to any financial or other penalty imposed on the employee by the employer.

 

[160] À la suite de l’audience, le défendeur a confirmé qu’aucun dossier disciplinaire n’était conservé dans le dossier personnel de M. White à cette date.

[161] Je suis d’accord avec le plaignant pour dire que si la réprimande disciplinaire du 30 avril 2019 avait été inscrite au dossier, je l’aurais annulée et j’aurais ordonné au défendeur de la retirer. Je fais remarquer que le plaignant a confirmé dans ses arguments écrits du 21 décembre 2021 qu’il serait satisfait d’une déclaration de la Commission à cet effet.

[162] Afin d’indemniser M. White pour le quart supplémentaire du 25 avril 2019, je dois conclure qu’il aurait travaillé ce quart « n’eût été » la réprimande disciplinaire qu’il a reçue. Il ne m’en a pas convaincu. Dans la soirée du 24 avril 2019, le plaignant a volontairement annulé son acceptation de faire des heures supplémentaires. Je peux facilement distinguer cela de la situation dans LeClair, où les heures supplémentaires perdues étaient attribuables au comportement de l’employeur. Dans le présent cas, M. White a fait son propre choix. En outre, il a fait ce choix après avoir reçu l’avis d’audience disciplinaire. Il n’avait pas encore fait l’objet d’une mesure disciplinaire.

[163] Même s’il ne l’a pas fait valoir en détail, à un moment donné, le plaignant a laissé entendre que la Commission pourrait ordonner l’affichage de cette décision en milieu de travail, sans présenter d’arguments quant à la raison pour laquelle il s’agirait d’un redressement approprié en l’espèce. Le plaignant n’a pas non plus présenté d’arguments à l’appui des redressements qu’il avait demandés en ce qui concerne les excuses, ou de la compétence de la Commission à cet égard, ou pour que la Commission ordonne à la gestionnaire en cause dans cette affaire de suivre une formation. En l’absence d’arguments plus détaillés, je ne trouve aucune raison de rendre ces ordonnances, dans la mesure où j’aurais compétence pour les rendre.

[164] Compte tenu de ces motifs, je conclus que le seul redressement approprié en l’espèce est de faire une déclaration.

IV. Autres commentaires

[165] Je terminerai en faisant quelques autres observations qui, je l’espère, pourraient être utiles.

[166] En faisant ces commentaires, je garde à l’esprit que les dispositions de la partie II du Code sont, comme il est indiqué à l’art. 122.1, « […] de prévenir les accidents, les incidents de harcèlement et de violence et les blessures et maladies, physiques ou psychologiques […] ».

[167] Je garde également à l’esprit que le préambule de la Loi, que la Commission est chargée d’administrer, comprend cette reconnaissance :

[…]

que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public;

[…]

effective labour-management relations represent a cornerstone of good human resource management and that collaborative efforts between the parties, through communication and sustained dialogue, improve the ability of the public service to serve and protect the public interest;

[Je mets en évidence]

 

[168] La capacité de la Commission de contribuer à la réalisation de ces objectifs est limitée dans une procédure contradictoire concernant des événements survenus plus de deux ans et demi avant l’audience. Je m’attends à ce que l’audience ait été frustrante pour M. White, qui, comme je l’ai signalé, est intervenu sur deux ou trois points pour soulever des questions sur ce qu’il aurait dû faire différemment dans la situation, et sur ce que les gestionnaires concernés auraient dû faire.

[169] Le meilleur moment pour répondre aux questions légitimes de M. White aurait été peu après les événements en question. Il semble que les parties aient commencé ce processus en tenant une discussion fructueuse immédiatement après les événements au sujet de la capacité du plaignant de maintenir son calme le 24 avril 2019. Au lieu d’administrer la réprimande disciplinaire, il aurait peut-être fallu faire un compte rendu plus complet entre les parties. Cela aurait pu être suivi d’un examen de la situation par le comité de SST, peut-être dans le but de déterminer comment mieux gérer des situations comme celle-ci à l’avenir.

[170] Une autre solution aurait été de tenter de régler ce différend de façon informelle avant qu’une plainte ne soit déposée ou après qu’elle ait été faite pour y remédier par la médiation ou même avec l’aide des services de médiation offerts par la Commission. Toutes ces options offrent l’occasion de déployer le genre d’efforts de collaboration, de communication et de dialogue soutenu qui renforcent des relations patronales-syndicales plus fructueuses.

[171] J’ai également fait remarquer plus tôt que le défendeur s’est opposé au témoignage de M. White et de M. MacKinnon selon lequel la réprimande que le SCC a imposée au plaignant avait eu un effet dissuasif sur les autres employés. Aucun élément de preuve n’a été présenté, et de toute façon, je n’ai accordé aucune importance à cet argument au moment de prendre ma décision. Cela dit, je tiens à mentionner que la raison d’être de l’art. 147 est de décourager tout employeur d’user de représailles contre des employés qui exercent leurs droits ou qui observent les dispositions de la partie II du Code ou cherchent à en assurer l’application, et le SCC devrait prendre au sérieux les allégations de discipline causant un refroidissement.

[172] J’espère que cette décision pourra faciliter les discussions en cours sur la gestion des questions de santé et de sécurité à l’Établissement de Kent et dans d’autres endroits semblables.

[173] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[174] La plainte est accueillie.

[175] Je déclare que le défendeur a violé l’art. 147 du Code lorsqu’il a infligé une réprimande disciplinaire au plaignant le 30 avril 2019, en raison des gestes que le plaignant a posés le 24 avril 2019, car il était convaincu qu’il y avait un problème de santé et de sécurité à Kent et que ses gestes étaient conformes à ses droits et responsabilités en vertu du Code.

Le 22 juin 2022.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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