Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20220623

Dossier: 569-34-40834

 

Référence: 2022 CRTESPF 54

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

Institut ProfessionNEL DE LA FONCTION PubliQUE DU Canada

agent négociateur

 

et

 

AgencE DU Revenu DU Canada

 

employeur

Répertorié

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Tony Micallef-Jones et Cheryl Owens-Carr, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Jena Montgomery, avocate, et Angela Bain, stagiaire en droit

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 1er au 3 mars et les 11 et 12 avril 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

[1] Le présent grief de principe porte sur la question de savoir quels employés ont droit à une forme particulière de rémunération au rendement à l’Agence du revenu du Canada (« ARC » ou l’« Agence »).

[2] Le grief de principe a été présenté à l’ARC par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (« IPFPC » ou le « syndicat ») le 21 mars 2019. Le grief a été rejeté par l’ARC, puis l’IPFPC l’a renvoyé à l’arbitrage le 14 août 2019.

[3] La clause en litige figure dans la convention collective conclue entre l’IPFPC et l’ARC pour l’unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences (VFS), signée le 29 mars 2018 et venant à échéance le 21 décembre 2018 (la « convention collective de 2018 du groupe VFS »). La clause 44.08 fait partie de l’article intitulé « Administration de la paye » (article 44) et elle se lit comme suit en anglais et en français :

44.08 Prime de performance – Groupe de gestion

a) À la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pour cent (5 %) du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période annuelle d’évaluation de rendement.

b) Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

44.08 Performance bonus – Management Group

(a) At the discretion of the Employer, employees who perform Management Group (MG) duties during the annual performance review period, shall be eligible, subject to the conditions established by the Employer, to receive a lump-sum performance bonus of up to five percent (5%) of the employee’s salary of his or her substantive position on the last day of the annual performance period.

(b) The lump-sum performance bonus awarded to employees under this clause shall not form part of salary.

 

[4] Le litige met en jeu le sens à donner aux critères d’admissibilité prévus à la clause 44.08, notamment la partie de la version anglaise de la clause qui fait renvoi aux « […] employees who perform Management Group (MG) duties […] » (employés qui effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG)) ».

[5] L’ARC s’est dotée d’une norme de classification particulière à l’égard de certains de ses employés qui effectuent des tâches de gestion, lesquels forment le groupe appelé Groupe de gestion (MG) (le « groupe MG »). Certains employés qui occupent un poste classifié MG font partie du groupe VFS représenté par l’IPFPC. Le groupe VFS comprend aussi des employés qui occupent un poste classifié sous la norme de classification Vérification (AU), la norme Systèmes d’ordinateurs (CS) et jusqu’à 12 autres normes.

[6] Incidemment, certains employés de l’ARC qui occupent un poste classifié MG se trouvent aussi dans l’unité de négociation du groupe Exécution des programmes et des services administratifs, qui est représenté par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), et d’autres employés qui occupent aussi un poste classifié MG sont totalement exclus des négociations collectives.

[7] Des versions antérieures de la clause 44.08 figurent dans les conventions collectives conclues entre les parties dès 2001. Dans la présente décision, le terme « clause relative à la prime de performance » est employé de façon générique pour renvoyer à la clause 44.08 et à ses versions antérieures, étant donné que le système de numérotation a évolué au fil des ans.

[8] Le grief présenté par l’IPFPC conteste l’interprétation de longue date de l’Agence au sujet de la clause 44.08, selon laquelle les employés doivent occuper un poste au sein du groupe MG, que ce soit pour une période indéterminée ou de façon intérimaire, pour avoir droit à la prime de performance.

[9] L’IPFPC a soutenu que, selon le libellé clair et simple de la convention collective, les employés ne sont pas tenus d’occuper un poste classifié MG; ils doivent seulement « […] effectue[r] les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de gestion (MG) ». L’IPFPC fait valoir que les autres employés (comme ceux qui occupent des postes classifiés AU ou CS) devraient avoir droit à la rémunération au rendement s’ils peuvent établir qu’ils ont effectué les tâches d’un poste classifié MG.

[10] Par conséquent, la principale question en litige dans la présente affaire est celle de savoir ce que les parties entendaient lorsqu’elles ont négocié le libellé de la clause 44.08. Il s’agit en grande partie de répondre à la question de savoir ce qu’on entend par l’expression [traduction] « effectuer les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de gestion (MG) ». Les parties souhaitaient‑elles que la clause s’applique uniquement aux employés occupant un poste classifié MG? Ou bien souhaitaient‑elles que ces mots s’appliquent à tout employé, y compris ceux qui n’occupent pas un poste classifié MG pour une période indéterminée ou de façon intérimaire?

[11] Comme vous le verrez dans les motifs qui suivent, les parties se sont entendues, dans une très large mesure, sur les principes d’interprétation de la convention collective qu’il fallait appliquer pour trancher le grief. Cependant, elles ont adopté des points de vue divergents sur la question de savoir si je devais les autoriser à produire une preuve extrinsèque relativement au grief.

[12] L’IPFPC a soutenu qu’il n’y a aucune ambiguïté dans le libellé de la clause 44.08 et que je devrais pouvoir trancher le grief sans entendre le moindre élément de preuve.

[13] L’ARC a également soutenu que le libellé de la clause 44.08 est sans ambiguïté, mais elle a affirmé que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») devrait entendre la preuve qui met en contexte la négociation de la clause et son application jusqu’à maintenant. À titre subsidiaire, l’ARC a soutenu que si la Commission devait conclure à l’ambiguïté du libellé de la clause, la Commission devrait dans ce cas entendre la preuve extrinsèque pour déterminer les intentions des parties lors de la négociation de cette clause.

[14] Il ne s’agissait pas seulement d’une question portant sur les principes qui régissent l’interprétation de la convention collective, mais d’une question qui avait une incidence sur la durée de l’audience. Par conséquent, au début de l’audience, j’ai prié les parties de présenter leur argumentation sur la question de savoir si la Commission devait entendre une preuve extrinsèque.

[15] Après avoir examiné ces observations préliminaires, j’ai décidé que j’autoriserais les parties à produire une preuve extrinsèque. Je leur ai présenté de vive voix un résumé des motifs que j’ai développé ci‑dessous. J’ai également dit aux parties que j’accueillerais leur argumentation sur les éléments de preuve extrinsèque utiles pour mon interprétation de la clause en question dans leurs observations finales, le cas échéant.

[16] Je conclus que le libellé de la clause 44.08 doit être interprété comme l’a fait l’ARC. Autrement dit, je conclus que pour effectuer les tâches d’un poste classifié MG, comme le prévoit la clause, un employé doit occuper un poste classifié MG. Cette décision tient compte du libellé de la clause, tant en français qu’en anglais, du libellé de la convention collective dans son ensemble, de la preuve pertinente au sujet de la négociation de la clause lorsqu’elle a initialement été ajoutée à la convention collective, en 2002, de la preuve pertinente liée à l’application de la clause depuis lors, ainsi que de la preuve pertinente relativement au fonctionnement du système de classification de l’ARC. À ce titre, le grief est rejeté.

[17] Je tiens à souligner que, dans les présents motifs de décision, la « Commission » s’entend de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et ses prédécesseurs.

II. Résumé de la preuve

A. Introduction

[18] Le résumé de la preuve qui suit repose sur les témoignages et sur les documents déposés comme pièces. Les faits non contestés sont résumés sans faire renvoi à la source. En cas de contradiction entre les éléments de preuve, je fais expressément renvoi à ce que j’ai entendu de différents témoins.

[19] Il convient de noter qu’à l’époque où le ministère du Revenu national est devenu un organisme distinct, le 1er novembre 1999, il s’appelait « Agence des douanes et du revenu du Canada » (ADRC). Son nom a changé pour « Agence du revenu du Canada » en décembre 2003, lorsque le service des douanes de l’ADRC a été transféré à l’Agence des services frontaliers du Canada. Dans la présente décision, les renvois à l’ARC ou à l’Agence incluent généralement l’ADRC. Dans mes présentations des témoins, le temps de travail à l’ARC correspond à la durée totale du travail au ministère du Revenu national, à l’ADRC et à l’ARC.

[20] L’IPFPC a fait entendre sept témoins en tout. Voici leurs feuilles de route :

· Réal Lamarche a travaillé comme vérificateur de l’impôt (classification AU) à l’ARC pendant plus de 30 ans, jusqu’à son départ à la retraite, en juin 2007. À l’IPFPC, il a rempli les fonctions de président du groupe VFS (structure interne de l’IPFPC pour les membres de l’unité de négociation du groupe VFS) de 1999 à 2006 environ. M. Lamarche a principalement témoigné sur sa participation au processus de négociation collective.

· Shawn Gillis a commencé à travailler comme vérificateur de l’impôt pour l’ARC (classification AU) en 1997. À l’IPFPC, il s’est joint au comité exécutif du groupe VFS en 2015 ou vers cette date, et il a été membre du comité de négociation. M. Gillis a principalement témoigné sur sa participation au processus de négociation collective après 2015.

· Mark Muench travaille dans le domaine des technologies de l’information (classification CS) à l’ARC depuis 1997. À l’IPFPC, il siège actuellement au comité exécutif du groupe VFS, il remplit les fonctions de délégué syndical et il représente le syndicat au comité mixte syndical‑patronal sur la gestion du rendement. M. Muench a principalement témoigné sur le processus de gestion du rendement et sur sa participation aux négociations collectives après 2018.

· Jamie Dunn a été employé à temps plein à l’IPFPC de 2003 à 2015 et il est actuellement agent des relations de travail à temps partiel. Il a été le principal négociateur du groupe VFS de 2009 à 2015, puis pendant une courte période en 2016, à titre contractuel. M. Dunn a principalement témoigné sur sa participation aux négociations collectives pour le groupe VFS.

· Tawfik Said travaille comme agent de classification à l’IPFPC. Il a déjà travaillé comme agent de recherche et il a participé à la négociation de la convention collective du groupe VFS en 2012. M. Said a principalement témoigné sur la norme de classification MG et sur le processus de classification.

· Claira Mark a commencé à travailler comme vérificatrice de l’impôt en 1992. Elle a travaillé au niveau MG-5 de 2011 à 2015 environ. En 2016, à la suite d’un réaménagement des effectifs (RE), elle a été réaffectée à un poste AU-4 de gestionnaire de cas du secteur international et des grandes entreprises (GCSIGE) Au moment de l’audience, Mme Mark occupait un poste AU-6 de GCSIGE. Mme Mark a principalement témoigné sur les fonctions qu’elle a exercées aux niveaux de classifications MG et AU.

· Jon Eckler travaille comme vérificateur de l’impôt depuis plus de 30 ans. Au moment de l’audience, il occupait un poste AU-6 de GCSIGE. Avant 2016, M. Eckler a occupé à différentes reprises des postes intérimaires classifiés MG. M. Eckler a principalement témoigné sur les fonctions qu’il a exercées aux niveaux de classifications MG et AU.

 

[21] L’ARC a fait entendre deux témoins. Voici leurs feuilles de route :

· Peter Cenne a commencé à travailler à l’ARC en 2000 à titre de négociateur principal, après quoi il a agi comme directeur des relations de travail pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 2016. M. Cenne a principalement témoigné sur la création du groupe MG et sur son rôle dans les négociations collectives entre 2000 et 2016.

· Simon Teather s’est joint à l’ARC en 2002. Il travaille comme analyste principal des politiques et des programmes à la Division du design organisationnel et de la classification de l’Agence. M. Teather a principalement témoigné sur les normes de classification MG et AU et sur le processus de classification à l’ARC.

 

[22] Les documents présentés par l’IPFPC qui ont été produits en preuve comprenaient sept volumes partagés en 32 onglets. Ils incluaient des descriptions de travail, des organigrammes, des normes de classification, divers courriels, des présentations de griefs individuels et de griefs collectifs, des réponses à ces griefs et quelques autres documents. Tous les documents du syndicat ont été déposés sur consentement.

[23] Les documents produits en preuve par l’Agence comprennent sept conventions collectives rédigées en anglais, sept autres rédigées en français, de nombreuses versions des lignes directrices ou procédures de l’Agence portant sur la rémunération au rendement, divers courriels et quelques autres documents. Cela comprenait cinq volumes contenant 48 onglets, dont la plupart a été déposée sur consentement.

B. Le processus d’accréditation et le début des négociations collectives

[24] Les employés transférés de l’ancien ministère du Revenu national à l’Agence le 1er novembre 1999 ont bénéficié de la protection des droits du successeur en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35), qui a ultérieurement été remplacée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), laquelle est devenue la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[25] M. Cenne a témoigné qu’à l’époque où il a été embauché comme négociateur, au cours de l’année 2000, il a aidé l’Agence à se préparer pour le processus d’accréditation et les négociations collectives. Il a ajouté que l’Agence souhaitait créer un groupe professionnel et une unité de négociation distincts nommés Groupe de gestion. Les propositions d’unités de négociation de l’Agence et celles des divers agents négociateurs ont été défendues devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) à l’époque.

[26] Le 12 décembre 2001, la CRTFP a rendu sa décision sur la création d’une nouvelle unité de négociation à l’ADRC (Agence des douanes et du revenu du Canada c. Assoc. des gestionnaires financiers de la Fonction publique, 2001 CarswellNat 3971; « ADRC c. AGFFP »). La CRTFP a rejeté la demande de l’Agence visant la création d’une unité de négociation distincte pour le Groupe de gestion, y compris les [traduction] « chefs d’équipe » (aux paragraphes 521 à 525). Elle a également refusé de créer une unité de négociation distincte pour les employés en informatique comme le proposait l’IPFPC (au paragraphe 544), et a déterminé que ces employés seraient inclus dans l’unité de négociation du groupe VFS, qu’elle avait créée et pour laquelle l’IPFPC était accrédité en tant que représentant (voir le paragraphe 546).

[27] Dans sa décision, la CRTFP a également créé ce qu’elle a appelé l’unité de négociation du groupe Exécution des programmes et des services administratifs, et elle a accrédité l’AFPC comme agent négociateur de celle-ci. Cette unité de négociation est maintenant appelée de façon générale (et dans les motifs qui suivent) : groupe Services et programmes (« AFPC-SP »).

[28] La décision rendue par la CRTFP dans ADRC c. AGFFP a eu pour effet que les chefs d’équipe des employés du groupe VFS seraient inclus dans l’unité de négociation du groupe VFS représenté par l’IPFPC, et que les chefs d’équipe des employés du groupe AFPC-SP seraient inclus dans l’unité de négociation du groupe AFPC-SP (voir les paragraphes 524 et 525), ce qui est pertinent au regard de la question à trancher en l’espèce.

[29] Malgré la décision rendue par la CRTFP, l’ADRC a créé une norme de classification distincte pour le groupe MG et a classé dans ce nouveau groupe des employés appartenant aux deux unités de négociation créées par la CRTFP. Par conséquent, des employés qui occupent un poste classifié MG se trouvent maintenant à la fois dans les unités de négociation de l’IPFPC et de l’AFPC.

[30] L’Agence a converti certains employés à la norme de classification MG à compter du 31 mars 2002.

C. L’évolution de la clause relative à la prime de performance

[31] Avant que la CRTFP rende sa décision, l’Agence a signé une première convention collective avec l’IPFPC pour les employés qui occupaient un poste classifié CS. Cette convention signée le 10 août 2001 viendrait à échéance le 30 avril 2002 (la « convention collective de 2001 du groupe CS »). Cette convention collective comprenait un nouvel article (indiqué par les deux astérisques qui le précèdent) ainsi libellé en anglais et en français :

[…]

**Article 48

PRIME DE PERFORMANCE – GROUPE DE GESTION

48.01 À la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision, seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pour cent (5 %) du leur salaire MG.

48.02 Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

[…]

**Article 48

PERFORMANCE BONUS – MANAGEMENT GROUP

48.01 At the discretion of the Employer, employees who perform the duties of a position classified within the Management Group (MG) during the annual review period, shall be eligible, subject to the conditions established by the Employer, to receive a lump-sum performance bonus of up to five percent (5%) of the employees [sic] MG salary.

48.02 The lump-sum performance bonus awarded to employees under this Article shall not form part of salary.

[Je mets en évidence]

 

 

[32] M. Cenne a témoigné que cet article était inclus à titre provisoire dans la convention collective de 2001 du groupe CS. Au moment de la signature de cette convention, la classification MG n’avait pas encore été achevée, et aucun employé n’en faisait encore partie.

[33] Après la publication de la décision de la CRTFP, en décembre 2001, l’Agence et l’IPFPC ont entamé la négociation d’une première convention collective pour la nouvelle unité de négociation du groupe VFS. Le 13 juin 2002, les parties ont signé un protocole d’entente par lequel elles convenaient de conclure une nouvelle convention collective en attendant la ratification de l’entente par leurs représentants respectifs (l’« entente provisoire de juin 2002 »). L’entente provisoire prévoyait de nouveaux taux de rémunération pour le groupe MG à compter du 31 mars 2002, et elle comprenait la disposition suivante (il convient de noter que seule une version anglaise de ce document a été présentée) :

[Traduction]

[…]

Nouveaux XX..XX, prime de performance – Groupe de gestion (MG) :

Ajouter un nouvel article prévoyant ce qui suit : à la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision, seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pour cent (5 %) du leur salaire MG. Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire

[…]

[Je mets en évidence]

 

[34] L’entente provisoire a été ratifiée, et les parties ont signé la convention collective qui en a découlé le 22 juillet 2002. Celle-ci viendrait à échéance le 21 décembre 2003 (la « convention collective de 2002 du groupe VFS »). La convention collective comprenait, sous l’article intitulé « Administration de la paye », la clause suivante, reproduite en anglais et en français :

[…]

45.08 Prime de performance – Groupe de gestion

a) Débutant avec la période d’évaluation de rendement 2001-2002 et à la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pourcent [sic] (5 %) du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période annuelle d’évaluation de rendement.

 

b) Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

[…]

45.08 Performance Bonus – Management Group

(a) Starting with the performance review period 2001 - 2002, at the discretion of the Employer, employees who perform Management Group (MG) duties during the annual performance review period, shall be eligible, subject to the conditions established by the Employer, to receive a lump-sum performance bonus of up to five percent (5%) of the employee’s salary of his/her substantive position on the last day of the annual performance period.

(b) The lump-sum performance bonus awarded to employees under this clause shall not form part of salary.

[Je mets en évidence]

 

 

[35] M. Cenne a témoigné que l’Agence avait négocié une disposition analogue avec l’AFPC pour les employés du groupe MG appartenant à l’unité de négociation de l’AFPC-SP. Cependant, au lieu d’une rémunération au rendement, l’entente conclue avec l’AFPC introduisait une disposition sur le « congé de rendement ». M. Cenne a affirmé que l’objectif était le même, soit de récompenser la gestion efficace des ressources humaines.

[36] Une deuxième convention collective conclue entre les parties pour l’unité de négociation du groupe VFS a été signée le 22 août 2005; sa date d’expiration était le 21 décembre 2007 (la « convention collective de 2005 du groupe VFS »). Cette convention collective comprenait, sous l’article intitulé « Administration de la paye », la clause 45.08 suivante, reproduite en anglais et en français :

45.08 Prime de performance – Groupe de gestion

a) À la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pourcent [sic] (5 %) du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période annuelle d’évaluation de rendement.

b) Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

45.08 Performance Bonus – Management Group

(a) At the discretion of the Employer, employees who perform Management Group (MG) duties during the annual performance review period, shall be eligible, subject to the conditions established by the Employer, to receive a lump-sum performance bonus of up to five percent (5%) of the employee’s salary of his/her substantive position on the last day of the annual performance period.

(b) The lump-sum performance bonus awarded to employees under this clause shall not form part of salary.

[Je mets en évidence]

 

 

[37] Subséquemment, les parties ont conclu les quatre autres conventions collectives suivantes pour l’unité de négociation du groupe VFS :

· La convention signée le 6 novembre 2009, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2011 (la « convention collective de 2009 du groupe VFS »).

· La convention signée le 10 juillet 2012, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2014 (la « convention collective de 2012 du groupe VFS »).

· La convention signée le 29 mars 2018, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2018 (la « convention collective de 2018 du groupe VFS »). Il s’agit de la convention collective qui était en vigueur au moment du dépôt du présent grief de principe.

· La convention signée le 23 août 2019, dont la date d’expiration était le 21 décembre 2022 (la « convention collective de 2019 du groupe VFS »).

 

[38] Il n’est pas contesté entre les parties que la clause relative à la prime de performance a été renouvelée sans modification dans chacune des conventions collectives qui ont suivi la convention collective de 2005 du groupe VFS, sauf qu’à partir de la convention collective de 2009 du groupe VFS, par suite de la renumérotation générale des articles, la clause 45.08 est devenue la clause 44.08.

[39] Dans le présent grief, les principaux mots qui font l’objet du litige définissent les critères d’admissibilité à la rémunération au rendement. À cette étape, je tiens à souligner les points de distinction suivants entre les formulations que les parties ont utilisées dans les différentes conventions collectives au regard des critères d’admissibilité, comme je l’ai fait remarquer précédemment dans la présente décision :

· Dans la convention collective de 2001 du groupe CS, le libellé anglais était le suivant : « […] employees who perform the duties of a position classified within the Management Group (MG) […] ».

· Ce même libellé a été utilisé dans l’entente provisoire de juin 2002 pour le groupe VFS.

· Cependant, dans la convention collective de 2002 du groupe VFS, la version anglaise était ainsi rédigée : « […] employees who perform Management Group (MG) duties […] ». Autrement dit, la clause ne contenait plus les mots « […] the duties of a position classified within […] ».

· Toutes les versions anglaises ultérieures de la convention collective ne contenaient pas non plus les mots « […] the duties of a position classified within […] ».

· En revanche, dans la version française de la convention collective de 2001 du groupe CS, le libellé était le suivant : « […] employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) […] », et ces mêmes mots ont été utilisés dans la version française de la convention collective de 2002 du groupe VFS et de toutes les conventions collectives par la suite.

 

[40] Je tiens également à souligner deux autres modifications dignes de mention qui ont été apportées au libellé de la clause au fil du temps :

· La version de la clause qui figure dans la convention collective de 2002 du groupe VFS commençait par ces mots : « Débutant avec la période d’évaluation de rendement 2001-2002 […] » (et leur équivalent en anglais). Cette expression était absente de la convention collective précédente du groupe CS, soit celle de 2001, ainsi de la convention collective subséquente du groupe VFS, soit celle de 2005.

· Dans la convention collective de 2001 du groupe CS et dans l’entente provisoire de juin 2002, la prime de performance devait être calculée sous la forme d’une somme forfaitaire pouvant atteindre 5 p. 100 du salaire prévu pour le poste MG de l’employé. Dans la convention collective de 2002 du groupe VFS et dans toutes les conventions collectives subséquentes, la prime devait être calculée sous la forme d’une somme forfaitaire « […] pouvant atteindre jusqu’à cinq pour cent (5 %) du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période ». [Je mets en évidence]

 

D. Les négociations ayant mené aux conventions collectives de 2002 et de 2005 du groupe VFS

[41] M. Cenne a témoigné plus en détail au sujet des négociations qui ont mené au libellé des clauses relatives à la prime de performance. Il était le négociateur en chef de l’Agence pour la convention collective de 2001 du groupe CS et les conventions collectives de 2002 et de 2005 du groupe VFS, qu’il a signées toutes les trois.

[42] M. Cenne a témoigné que le conseil d’administration de l’Agence avait souhaité créer le groupe MG pour mettre l’accent sur l’importance de la gestion des ressources humaines. Il a affirmé que l’idée derrière la prime de performance du groupe MG était de récompenser la gestion efficace des ressources humaines. M. Cenne a ajouté que la clause relative à la prime de performance était comprise à titre provisoire dans la convention collective de 2001 du groupe CS, afin que les employés sachent ce que l’Agence projetait pour le groupe MG. La clause n’est pas entrée en vigueur pendant la durée de cette convention collective, parce que la norme MG n’avait pas été activée et qu’aucun employé n’avait été transféré au groupe MG.

[43] Une fois la décision rendue par la CRTFP, en décembre 2001, M. Cenne a entamé les négociations avec l’IPFPC en vue de conclure une convention collective pour le nouveau groupe VFS. M. Cenne a témoigné qu’il avait proposé la prime de performance pour le groupe MG. Il a affirmé que, lors de ses exposés devant l’équipe de négociation de l’IPFPC, il avait présenté la prime en tant que moyen de renforcer le rôle de la nouvelle classification MG, afin d’encourager les employés du groupe MG à exercer de solides compétences en gestion des ressources humaines en les récompensant. M. Cenne a ajouté avoir clairement expliqué que la clause s’appliquerait uniquement au groupe MG et à aucun autre employé.

[44] Concernant la différence de libellé entre la version anglaise de l’entente provisoire de juin 2002 et la convention collective de 2002 du groupe VFS, M. Cenne a expliqué que l’Agence avait souhaité que la clause s’applique pour l’ensemble de l’exercice 2001-2002, même si ce n’était que le 31 mars 2002 que des employés avaient été intégrés au groupe MG. M. Cenne a affirmé que c’est la raison pour laquelle la clause relative à la prime de performance figurant dans la convention collective de 2002 du groupe VFS commençait par les mots « Débutant avec la période d’évaluation de rendement 2001‑2002 […] », et aussi la raison pour laquelle les parties ont convenu du libellé suivant : « […] les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision […] ».

[45] M. Cenne a affirmé que ces mots avaient été choisis afin que tous les employés convertis au groupe MG le 31 mars 2002 aient droit à la prime pour toute la période annuelle d’évaluation de rendement de 2001-2002, parce que même si les employés savaient à l’avance qu’ils seraient convertis au groupe MG, cette conversion est devenue officielle le 31 mars 2002 seulement. L’Agence souhaitait que la clause s’applique rétroactivement à tout l’exercice. M. Cenne a affirmé que les parties n’avaient pas utilisé le mot « classified » dans la version anglaise de la convention collective parce qu’elles ne souhaitaient pas que le libellé soit interprété de telle façon que les employés puissent toucher la prime seulement à partir du jour où ils avaient effectivement reçu la classification MG. M. Cenne a également témoigné que le libellé de la clause visait à s’assurer que les employés qui occuperaient un poste MG de façon intérimaire, ainsi que les employés du groupe MG nommés pour une période indéterminée, aient droit à la prime.

[46] M. Cenne a témoigné que pendant les négociations entourant la convention collective de 2005 du groupe VFS, les parties avaient convenu de supprimer les renvois à la période annuelle d’évaluation de rendement de 2001-2002, parce qu’ils n’étaient plus nécessaires.

[47] M. Cenne a été invité à expliquer pourquoi la version française de la clause fait renvoi aux postes classifiés MG, puisqu’elle est ainsi rédigée : « […] employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) […] ». M. Cenne a déclaré que la version française de la clause utilisée dans la convention collective de 2002 du groupe VFS semble refléter le libellé utilisé dans la convention collective de 2001 du groupe CS. M. Cenne a témoigné que les parties avaient négocié en anglais la convention collective de 2002 du groupe VFS, et qu’elles auraient dû modifier la version française afin qu’elle corresponde à la version anglaise. M. Cenne a ajouté que le libellé français de la clause aurait pu empêcher certains membres du groupe MG de toucher la prime. Selon lui, la différence entre la version anglaise et la version française était une erreur. Il a affirmé que les parties auraient dû la corriger afin de s’assurer que tous les employés du groupe MG, y compris ceux qui occupaient un poste de façon intérimaire, y aient droit.

[48] Parmi les témoins cités par l’IPFPC, seul M. Lamarche a témoigné au sujet des négociations qui ont mené à l’entente provisoire de juin 2002 et à la signature des conventions collectives de 2002 et de 2005 du groupe VFS. En qualité de président du groupe VFS, M. Lamarche a également été président des équipes de négociation de l’IPFPC et signataire des deux conventions.

[49] M. Lamarche a témoigné que durant les négociations de la première convention du groupe VFS, l’IPFPC avait initialement refusé d’accepter la clause relative à la prime de performance, parce qu’il voulait qu’il y ait de l’argent pour l’unité de négociation dans son ensemble. Il ne souhaitait pas accepter une disposition qui visait seulement une petite fraction de l’unité de négociation. M. Lamarche se souvenait que M. Cenne avait fait des présentations sur la clause, mais il ne se souvenait pas d’avoir entendu que seuls les employés du groupe MG seraient admissibles. M. Lamarche a affirmé qu’il n’avait pas été très attentif, sachant que l’équipe n’appuyait pas la disposition. L’équipe de négociation de l’IPFPC a accepté la nouvelle clause seulement vers la fin des négociations, une fois satisfaite de la convention pour l’unité de négociation dans son ensemble.

[50] En ce qui concerne les différences de libellé entre l’entente provisoire de juin 2002 et la convention collective de 2002 du groupe VFS, M. Lamarche a témoigné que l’entente provisoire avait probablement été rédigée la veille de sa signature, tandis que le libellé de la convention collective reflétait vraisemblablement l’entente conclue entre les parties. En ce qui concerne la différence entre la version anglaise et la version française de la convention collective, M. Lamarche a reconnu qu’il existait une différence entre les deux libellés. Il a témoigné que les parties avaient négocié en anglais, et qu’apparemment, elles n’avaient pas comparé les deux versions.

[51] M. Lamarche est demeuré président du groupe VFS pendant la durée des négociations de la convention collective de 2005 du groupe VFS. Il ne se souvenait d’aucune discussion entourant la clause, à l’exception de la suppression du libellé transitoire au début de la clause. En contre‑interrogatoire, M. Lamarche a reconnu qu’il savait que l’Agence avait rédigé des lignes directrices sur l’application de la prime de performance, qui ciblait les employés du groupe MG. Cependant, M. Lamarche a nié que l’IPFPC ait accepté que la clause s’applique uniquement aux employés du groupe MG. Selon les mots choisis, tout employé qui effectuait les tâches d’un poste classifié MG était admissible. M. Lamarche a affirmé que l’IPFPC n’avait pas senti le besoin de proposer une modification de la clause, étant satisfait du libellé.

E. Négociation ultérieure et clause relative à la gestion du rendement

[52] Après la signature de la convention collective de 2005, M. Cenne est devenu directeur des relations de travail. Il n’était plus le négociateur principal, mais il surveillait la négociation et, jusqu’à son départ à la retraite en 2016, il a participé directement à l’élaboration du mandat accordé au négociateur principal de l’Agence. M. Cenne était également chargé de l’administration de la convention collective et de l’orientation des gestionnaires quant à son interprétation. Il a témoigné qu’il avait cru comprendre que la clause s’appliquait uniquement aux employés qui occupaient un poste MG pour une période indéterminée ou de façon intérimaire. M. Cenne ne se souvenait d’aucune conversation qui aurait eu lieu à l’époque où il travaillait à l’Agence, que ce soit à la table de négociation ou ailleurs, à l’occasion de laquelle l’IPFPC aurait contesté cette interprétation. M. Cenne a témoigné que pendant les rondes de négociations de 2009 et de 2012, la clause avait été renouvelée sans grande discussion.

[53] M. Cenne a témoigné que si la clause avait été élargie de façon à viser les employés qui n’occupaient pas un poste MG, cela aurait miné l’une des principales raisons pour lesquelles le groupe MG avait été créé. M. Cenne a également laissé entendre que si la clause devait s’appliquer aux employés qui n’occupent pas un poste MG, cela aurait un coût important. Il a affirmé que l’ARC ne dispose pas du budget nécessaire pour étendre l’application de cette clause aux employés qui n’occupent pas un poste MG.

[54] M. Dunn a témoigné au sujet de sa participation en qualité de négociateur principal de l’IPFPC lors de la négociation des conventions collectives du groupe VFS signées en 2009 et en 2012, dont il était signataire. Il a également témoigné au sujet de son rôle en 2016, au cours d’une semaine de négociation qui portait sur ce qui est éventuellement devenu la convention collective de 2018 du groupe VFS, dont il n’était pas signataire. M. Dunn ne se souvenait pas qu’il y ait eu à la table de négociation des discussions portant sur la clause relative à la prime de performance. Il a témoigné que l’IPFPC n’avait présenté aucune proposition de modification.

[55] En contre‑interrogatoire, on a demandé à M. Dunn s’il avait compris que la clause s’appliquait uniquement aux employés du groupe MG, et il a répondu : [traduction] « Non ». On lui a demandé également s’il avait déjà entendu quiconque se plaindre du fait que la clause s’appliquait uniquement aux employés du groupe MG, et il a répondu : [traduction] « Non ». M. Dunn a expliqué qu’en tant que négociateur, il n’aurait pas participé directement à l’administration de la convention collective, normalement, puisque ce sont les agents des relations de travail qui gèrent cette question à l’IPFPC en règle générale.

[56] MM. Muench et Gillis ont témoigné au sujet de leurs rôles dans les négociations collectives entourant les conventions collectives de 2018 et de 2019 du groupe VFS. Ils ont tous deux siégé au conseil exécutif du groupe VFS et en tant que membres de l’équipe de négociation de l’IPFPC, M. Muench à titre de membre du groupe CS, et M. Gillis, à titre de membre du groupe AU.

[57] Au cours de son témoignage, M. Muench a témoigné au sujet d’un échange de courriels qu’il avait eu en juin 2017 avec un représentant des ressources humaines de l’Agence. Dans le courriel, il demandait pourquoi l’Agence prévoit un budget de seulement 3,25 p. 100 du salaire aux fins des primes de performance, alors que les employés peuvent recevoir jusqu’à 5 p. 100. On lui a dit que les employés du groupe MG peuvent recevoir entre 0 et 5 p. 100, et qu’un pourcentage de 3,25 p. 100 s’était révélé un chiffre représentatif aux fins de l’établissement du budget. M. Muench a dit qu’il avait rédigé le courriel au nom d’un employé occupant un poste MG-6 qui craignait que le pourcentage de 3,25 p. 100 ne serve de plafond, parce qu’il avait le sentiment de mériter la pleine prime de 5 p. 100.

[58] À partir de 2018, M. Muench a agi comme représentant du groupe VFS à un comité patronal‑syndical, afin de discuter des modifications à apporter au processus d’examen du rendement. M. Muench ne se souvenait pas qu’il y ait eu des discussions au sujet de l’admissibilité à la prime de performance. Les consultations avaient porté sur le processus d’examen du rendement. M. Muench n’a soulevé aucune préoccupation au sujet de l’admissibilité à la prime lors du processus de consultation. Il a témoigné qu’à son avis, le lieu qui convenait pour discuter de l’admissibilité était la table de négociation. Il a témoigné que même s’il savait que l’IPFPC avait des préoccupations au sujet de l’admissibilité, il n’avait lui-même proposé aucune modification du libellé et il n’avait participé à aucune discussion avec l’ARC au sujet de la clause 44.08, que ce soit pour la convention collective de 2018 ou celle de 2019 du groupe VFS. M. Muench a ajouté qu’à titre de membre du groupe CS, il n’effectuait pas de tâches du groupe MG.

[59] M. Gillis a également participé aux consultations patronales-syndicales qui portaient sur le processus d’examen du rendement, en 2018. Il a témoigné que le processus se concentrait sur l’examen du rendement et des questions telles que la rapidité avec laquelle les employés recevaient de la rétroaction. Il a affirmé qu’il savait que certains membres du groupe AU avaient déposé des griefs visant l’admissibilité aux primes en 2016, mais que le processus de consultation sur l’examen du rendement n’était pas la tribune appropriée pour soulever ces préoccupations. Il a participé aux négociations des conventions collectives de 2018 et 2019 du groupe VFS, il en a été signataire et, à son avis, il n’y avait pas eu de discussions avec l’ARC au sujet de la clause 44.08.

[60] En qualité d’agent de recherche, M. Said a participé à la négociation de la convention collective de 2012 du groupe VFS et il faisait partie de ceux pouvant signer la convention. Il ne l’a pas signée, parce qu’il était en vacances au moment de la signature. Il ne se souvenait pas qu’il y ait eu des discussions ou des négociations mettant en cause la clause 44.08.

F. Normes de classification et fonctions professionnelles

[61] MM. Said et Teather ont tous deux témoigné au sujet du système de classification en vigueur à l’Agence et de la norme de classification MG plus particulièrement. M. Said a parlé de son expérience d’appui aux membres qui avaient des questions sur la classification et des griefs connexes. M. Teather a témoigné de son expérience en qualité d’analyste principal des politiques et des programmes à la Division du design organisationnel et de la classification de l’Agence. M. Teather travaille également sur les griefs de classification, quoique du point de vue de l’Agence.

[62] MM. Said et Teather ont tous deux témoigné au sujet de deux documents utilisés pour classifier les postes MG. Le premier est une norme de classification de l’Agence pour le groupe MG (la version porte la date du 2 janvier 2007, mais elle est entrée en vigueur après le 18 octobre 2001). Le document présente les 16 éléments utilisés pour coter les emplois selon les quatre principaux facteurs utilisés dans la norme (les compétences, les responsabilités, les efforts et les conditions de travail). L’un des 16 éléments a pour titre [traduction] « Leadership des ressources humaines ».

[63] Le deuxième document s’intitule [traduction] « Outil de référence du Groupe de gestion » (l’« outil de référence du groupe MG »; cette version porte également la date du 2 janvier 2007). Cet outil aide les utilisateurs à appliquer la norme de classification MG. L’outil de référence du groupe MG comprend la définition du groupe, qui est ainsi rédigée :

[Traduction]

Définition du Groupe de gestion

Le Groupe de gestion comprend les postes dont le principal objectif est la gestion. Les titulaires de ces postes sont considérés comme faisant partie de l’équipe de gestion de l’organisation et ils ont la responsabilité d’exercer une autorité de gestion pour atteindre les objectifs de l’organisation. Le Groupe de gestion est responsable de la gestion des ressources humaines, des communications, de la promotion des valeurs et de la culture organisationnelles de l’Agence du revenu du Canada, ainsi que de l’orientation et de la gestion du changement au sein de l’organisation.

Postes compris

Le Groupe de gestion comprend les postes englobant les fonctions suivantes :

· organiser le personnel et s’efforcer d’atteindre les objectifs, notamment en affectant le personnel selon les besoins afin de satisfaire aux exigences opérationnelles;

· élaborer et/ou approuver les plans de travail, surveiller les produits livrables par rapport aux plans et prendre des mesures pour atteindre les objectifs fixés;

· collaborer au perfectionnement du personnel en élaborant et/ou en approuvant les plans de formation du personnel de sa propre unité de travail, en jouant un rôle de conseiller et de mentor, ainsi qu’en motivant le personnel;

· traiter les questions liées aux ressources humaines en autorisant les congés et les heures supplémentaires, en fixant des objectifs, en évaluant le rendement, en gérant les plaintes et les problèmes et en prenant des mesures disciplinaires.

Les titulaires des postes compris dans ce groupe peuvent aussi être responsables des fonctions suivantes :

· gérer un budget;

· agir à titre d’étape dans la procédure de règlement des griefs;

· exercer d’autres pouvoirs délégués en matière de ressources humaines,

· représenter l’employeur aux comités patronaux‑syndicaux.

Postes exclus

Les postes exclus du Groupe de gestion sont ceux dont le principal objectif n’est pas la gestion ou dont le principal objectif est compris dans la définition d’un autre groupe professionnel de l’ARC.

 

[64] L’outil de référence du groupe MG énonce ensuite des directives supplémentaires au moment d’appliquer la définition du Groupe de gestion :

[Traduction]

[…]

Pour être compris dans ce groupe, le poste doit être axé principalement sur la gestion des ressources humaines et, par conséquent, comprendre la supervision d’employés, directement ou par l’intermédiaire de superviseurs subalternes.

Les responsabilités principales des postes du Groupe de gestion sont les suivantes :

· diriger les tâches et les assigner aux employés régulièrement;

· élaborer quotidiennement des plans de travail et des priorités;

· évaluer le rendement par rapport aux plans de travail;

· cerner et recommander d’autres besoins liés aux ressources humaines tels que le recrutement et la formation de son propre personnel;

· fournir des directives et des conseils techniques à son propre personnel;

· autoriser les congés et les heures supplémentaires.

[…]

 

[65] L’outil de référence du groupe MG fournit d’autres renseignements sur la façon d’appliquer chacun des 16 éléments de la norme de classification MG. L’outil de référence comprend des annexes qui indiquent le nombre de points qu’un poste peut obtenir sous chaque élément de la norme, ainsi que le nombre de points minimum et maximum pour chacun des six niveaux du groupe MG.

[66] MM. Said et Teather ont tous deux confirmé que lorsqu’il s’agit d’appliquer une norme de classification comme celle du groupe MG, on utilise la description de travail du poste. La première étape consiste à déterminer si le poste est correctement inclus dans le groupe professionnel ou la classification. Autrement dit, pour qu’un poste soit classifié MG, il doit correspondre à la définition et aux lignes directrices énoncées dans l’outil de référence du groupe MG. À ce titre, le principal objectif du poste doit être la gestion, et le poste doit comprendre les quatre principales fonctions énumérées dans la définition (prévoir et affecter le personnel; élaborer et approuver les plans de travail; perfectionner le personnel; traiter les questions liées aux ressources humaines).

[67] M. Said a témoigné que selon le contenu de la norme de classification MG, la gestion des ressources humaines est l’élément le plus important dans le groupe MG. Chacun des quatre points énumérés sous les postes compris dans la définition du groupe se rattache à la gestion des ressources humaines. M. Said a témoigné que les tâches liées à la gestion des ressources humaines pouvaient aussi se retrouver dans d’autres classifications, telles que le groupe AU. M. Said a affirmé que les descriptions de travail énumèrent les activités principales, lesquelles équivalent à des fonctions a-t-il précisé.

[68] M. Said a souligné les parties de la description de travail du poste de GCSIGE classifié AU-6 qui énumèrent, entre autres, les activités suivantes : [traduction] « collaborer avec la direction […] à l’élaboration du plan de travail régional » et [traduction] « gérer les ressources humaines et financières; administrer diverses conventions collectives et politiques de l’ARC; établir les attentes en matière de rendement, donner de la rétroaction et faire des examens du rendement et participer aux comités de sélection du personnel ». M. Said a témoigné que ces activités principales sont également énumérées parmi les tâches des postes classifiés MG, dans la définition du groupe qui est énoncée dans l’outil de référence du groupe MG.

[69] M. Teather a témoigné que pour inclure un poste dans le groupe MG, il faut que le poste en question réponde à l’objectif principal énoncé dans la définition du groupe MG. Il a témoigné que [traduction] « les tâches d’un poste classifié MG » s’entendent de celles qu’effectuent les employés qui occupent un poste classifié MG. M. Teather a affirmé qu’un bon nombre des normes dont l’Agence a hérité comprennent des fonctions de supervision (c’est‑à‑dire, par exemple, les normes de classification AU et CS, qui ont été importées du Conseil du Trésor lorsque l’Agence a été créée). La mention des fonctions de supervision dans la définition du groupe MG, ainsi que dans d’autres normes, n’en fait pas des « fonctions d’un poste classifié MG ». Selon le témoignage de M. Teather, peu d’activités [traduction] « appartiennent en propre » à un seul groupe professionnel.

[70] M. Teather a témoigné au sujet du contenu de la norme de classification AU qui est actuellement en vigueur à l’Agence (version du 1er septembre 2014). La définition du groupe se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Le groupe Vérification comprend des postes dont la responsabilité principale consiste à appliquer un ensemble complet de connaissances dans des domaines spécialisés tels que l’audit et la comptabilité.

Postes compris

Nonobstant le caractère général de ce qui précède, il est entendu que le groupe Vérification comprend des postes qui ont pour objectif principal d’assumer la responsabilité d’une ou plusieurs des activités suivantes :

1. L’application d’un ensemble de principes comptables généralement reconnus et de normes d’audit aux fins de vérification des comptes et des dossiers financiers des contribuables, afin de déterminer leur exactitude et leur caractère raisonnable ou de confirmer la conformité des opérations aux dispositions des lois, des règlements, et ainsi de suite;

2. La planification, la prestation et l’administration des programmes d’audit externe;

3. L’examen et l’analyse des demandes, des techniques et des processus techniques liés à la recherche scientifique et au développement, afin d’assurer la conformité aux articles prescrits de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (ARC) lorsqu’il s’agit de déterminer l’admissibilité aux crédits d’impôt;

4. La surveillance de toutes les activités énumérées ci‑dessus.

Postes exclus

Les postes exclus du groupe Vérification sont ceux dont l’objectif principal est visé par la définition d’un autre groupe de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

[…]

 

[71] M. Teather a témoigné que si certains employés qui occupent un poste classifié AU exercent des fonctions qui sont également énumérées dans la norme de classification MG, la raison pour laquelle ils se trouvent dans le groupe AU est que leur objectif principal correspond à la définition du groupe AU, et que la supervision d’autres employés qui effectuent des tâches de vérification est mentionnée au point 4 de cette définition.

[72] M. Teather a également témoigné au sujet de la composition de l’unité de négociation du groupe VFS. En date du 5 mars 2022, l’unité comptait 15 829 employés. Parmi ceux-ci, 1 514 employés occupaient un poste classifié MG (il s’agissait du poste d’attache de 1 295 employés et d’un poste occupé par intérim dans le cas de 219 autres employés). M. Teather a témoigné que 1 122 autres employés ne faisant pas partie du groupe MG ont des fonctions de supervision. Il a ajouté que l’Agence peut le savoir aisément, parce que son système de ressources humaines comprend un [traduction] « indicateur de supervision » afin d’identifier les employés qui supervisent d’autres personnes.

G. Les auditeurs et leurs fonctions de gestion ou de supervision

[73] Mme Mark et M. Eckler ont témoigné au sujet de leurs fonctions en qualité de gestionnaires de cas du secteur international et des grandes entreprises (GCSIGE).

[74] De 2011 à 2015, Mme Mark a occupé un poste de chef d’équipe spécialisée, classifié au niveau MG-5. Elle supervisait les auditeurs chargés de la vérification des petites et moyennes entreprises dont les activités internationales présentaient un risque d’évitement fiscal abusif. En 2016, Mme Mark a fait l’objet d’un processus de RE et elle a accepté un poste de GCSIGE classifié AU-4. Dans ce rôle, elle a commencé à superviser une équipe plus diversifiée d’auditeurs internationaux et nationaux. Ultérieurement, elle a été promue à des postes de GCSIGE aux niveaux AU-5 et AU-6.

[75] Mme Mark a témoigné que tant dans son poste MG que dans ses postes AU, elle devait s’assurer que les membres de l’équipe avaient les outils et la formation nécessaires pour traiter les dossiers qui leur étaient confiés. Cela supposait d’orienter les nouveaux employés et d’élaborer des plans d’apprentissage pour eux. Dans ses rôles à ses postes MG et AU, Mme Mark a effectué bon nombre de tâches de mentorat et d’encadrement, notamment en fixant les attentes relatives au rendement, en présentant de la rétroaction, en approuvant les congés, en assignant les tâches et en collaborant avec les Ressources humaines au traitement des problèmes de mesures d’adaptation pour les employés.

[76] En qualité de titulaire d’un poste MG-5, Mme Mark supervisait des équipes formées d’environ six membres. En qualité de titulaire du poste de GCSIGE classifié AU, elle supervisait des équipes formées de six ou sept membres. En qualité de titulaire d’un poste MG-5, Mme Mark a touché une prime de performance pour son travail. Elle n’en a pas reçu quand elle travaillait aux niveaux AU-4 à AU-6.

[77] Au moment de l’audience, M. Eckler a dit avoir huit ans d’expérience professionnelle dans un poste de GCSIGE au niveau AU-6. Il avait auparavant occupé des postes aux niveaux MG-5 et MG-6 à titre intérimaire. M. Eckler a témoigné qu’en qualité de titulaire d’un poste de GCSIGE classifié AU-6, il établit des plans de travail pour son unité et son personnel, il procède à des examens du rendement et il rencontre régulièrement les membres du personnel afin de leur donner de la rétroaction. Il a témoigné qu’en qualité de titulaire d’un poste classifié AU-6, il a six subalternes directs. Il approuve leurs congés, leurs déplacements et leurs demandes d’heures supplémentaires. Il a témoigné qu’il ne voyait pas de différences entre les tâches de supervision qu’il avait effectuées comme titulaire d’un poste MG et celles qu’il effectuait comme titulaire d’un poste AU, précisant toutefois qu’à titre de titulaire intérimaire d’un poste MG-6, il avait eu jusqu’à 13 subalternes directs.

[78] M. Eckler a témoigné qu’après l’annonce du plan de RE d’avril 2016, lui et plusieurs autres employés du groupe AU avaient déposé un grief collectif concernant la prime de performance. Il a affirmé qu’il était devenu évident que les tâches qu’ils devaient effectuer en qualité de titulaires de postes AU après le 1er avril 2016 étaient les mêmes que celles qu’ils avaient effectuées comme titulaires d’un poste MG avant l’examen. Ce qui avait changé, c’était qu’ils n’avaient plus droit aux primes de performance. M. Eckler a ajouté qu’ils avaient déposé leur grief collectif parce que le libellé de la convention collective ne dit rien au sujet des postes classifiés MG, mais qu’il fait renvoi aux employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié MG.

[79] M. Eckler a également témoigné au sujet de la réception, en novembre 2016, d’un courriel qui renfermait une invitation à une activité d’apprentissage offerte au [traduction] « Conseil MG ». Le courriel était destiné aux [traduction] « membres de la communauté MG », ce qui comprenait, selon M. Eckler, les titulaires des postes MG et ceux des postes qu’on appelait les [traduction] « équivalents MG ». L’activité englobait des thèmes liés aux examens du rendement, à la gestion du rendement, aux conversations difficiles et aux processus de sélection des employés. M. Eckler n’était pas titulaire d’un poste MG à l’époque. Il a également témoigné au sujet d’une activité d’apprentissage offerte en décembre 2017, qui portait sur [traduction] « […] la santé mentale en milieu de travail à l’intention des gestionnaires […] », à laquelle il avait été invité. Enfin, M. Eckler a également témoigné au sujet d’une invitation à une séance de formation obligatoire pour tous sur les consultations patronales‑syndicales, en février 2019, [traduction] « […] les représentants syndicaux et les titulaires de postes MG et équivalents MG ». Il avait reçu cette invitation même s’il ne faisait pas partie du groupe MG à l’époque et qu’il n’occupait pas un poste de représentant syndical.

H. Lignes directrices et politiques relatives aux examens du rendement

[80] Au fil des ans, l’Agence a publié divers documents de politique liés au processus d’examen du rendement et au paiement des primes de performance (ou, dans le cas de l’unité de négociation de l’AFPC-SP, du congé de rendement). De 2003 à 2010, il s’agissait des [traduction] « lignes directrices sur la rémunération et le congé de rendement à l’intention du Groupe de gestion […] ».

[81] Dans la première version (avril 2003) de ces lignes directrices, les critères d’admissibilité sont formulés en ces termes : [traduction] « Le gestionnaire doit avoir effectué les tâches d’un poste MG de façon permanente, à titre intérimaire ou pour une période déterminée, ou celles d’un poste PE équivalent. » Dans le cas d’un poste intérimaire, les lignes directrices indiquent ce qui suit : [traduction] « Le gestionnaire doit avoir effectué les tâches d’un poste MG pendant au moins six mois consécutifs au cours de la période d’examen de la gestion du rendement. »

[82] En 2011, les lignes directrices ont été réintitulées [traduction] « Procédures de rémunération et de congé de rendement à l’intention du groupe MG et des gestionnaires des RH équivalents ». Les exigences en matière d’admissibilité étaient rédigées en ces termes : [traduction] « Le gestionnaire doit avoir effectué les tâches d’un poste MG ou d’un poste de RH équivalent de façon permanente, à titre intérimaire ou pour une période déterminée pendant au moins six mois consécutifs au cours de la période d’examen de la gestion du rendement. »

[83] En 2016, les dispositions relatives au congé de rendement et à la rémunération au rendement ont été incorporées dans un document intitulé [traduction] « Procédures de gestion du rendement et de reconnaissance », qui formulait en ces termes les exigences en matière d’admissibilité : [traduction] « […] les employés de l’Agence du revenu du Canada (ARC) qui occupent un poste classifié MG ou un poste de gestionnaire des RH équivalent et qui en effectuent les tâches […] ».

[84] La version de ce document qui était en vigueur au moment du dépôt du grief de principe était celle portant la date du 1er avril 2018. Les exigences en matière d’admissibilité y sont formulées en ces termes :

[Traduction]

[…]

La reconnaissance du rendement s’applique aux employés de l’ARC qui occupent un poste classifié MG ou un poste de gestionnaire des RH que l’ARC a jugé équivalent aux postes MG, de façon permanente, à titre intérimaire ou pour une période déterminée, et qui en effectuent les tâches […]

[…]

 

[85] Toutes les versions des lignes directrices et des documents de procédures ont conservé les critères en vertu desquels un employé devait occuper un poste MG de façon intérimaire pendant au moins six mois consécutifs pour toucher une rémunération au rendement.

III. L’interprétation de la convention collective et le rôle de la preuve extrinsèque

[86] J’aborderai maintenant les motifs pour lesquels j’ai décidé d’entendre la preuve extrinsèque que les parties souhaitaient citer.

[87] Les parties n’étaient pas en désaccord au sujet des principes de base qui s’appliquent lorsqu’il s’agit d’arbitrer les différends liés aux conventions collectives. Ces principes sont énoncés succinctement dans Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51, comme suit :

50 Je commencerai par une observation banale mais juste, à savoir que mon pouvoir à titre d’arbitre de grief est limité aux modalités prévues expressément dans la convention collective. Je peux seulement interpréter et appliquer la convention collective. Je ne peux pas modifier les modalités qui sont claires et je ne peux pas non plus en établir de nouvelles. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour que j’en fasse abstraction, si la disposition est clairement formulée […]

51 Deuxièmement, je suis obligé de déterminer l’intention réelle des parties lorsqu’elles ont conclu la convention collective. Pour ce faire, je dois prendre les mots utilisés par les parties dans leur sens ordinaire. Je dois aussi tenir compte du reste de la convention collective, parce que c’est la convention dans son ensemble qui forme le contexte dans lequel les mots utilisés doivent être interprétés […]

 

[88] Cependant, comme je l’ai déjà mentionné, les parties ne s’entendaient pas sur le rôle que la preuve extrinsèque devrait jouer pour trancher l’affaire. L’IPFPC a soutenu que la Commission devrait rejeter la production de la preuve extrinsèque. Il a laissé entendre que je pourrais statuer sur le grief après avoir reçu des arguments écrits, sans avoir besoin d’entendre une preuve orale. L’IPFPC a cité la règle générale à l’encontre de l’utilisation d’un « témoignage oral », qui est énoncée en ces termes dans Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au paragraphe 3:74 :

[Traduction]

Un témoignage oral ou une preuve extrinsèque, présenté de vive voix ou au moyen de documents, est une preuve extérieure, ou distincte, du document écrit visé par l’interprétation et le champ d’application d’un organe de décision. Même s’il existe de nombreuses exceptions, la règle générale en common law est que la preuve extrinsèque ne peut pas être admise pour contredire ou modifier la convention collective écrite, y ajouter des modalités ou en retirer. La preuve extrinsèque peut être admise pour fournir le contexte des négociations à l’arbitre de grief, de manière à faciliter l’interprétation de la convention collective. Si la convention collective est ambiguë, une telle preuve est admissible pour faciliter l’interprétation de la convention afin d’en expliquer l’ambiguïté, et non pour en modifier les termes. Les deux formes les plus courantes d’une telle preuve dans les cas d’arbitrage en matière de relations de travail sont l’historique des négociations qui ont eu lieu entre les parties et qui ont mené à la convention collective, ainsi que les pratiques antérieures et postérieures à la conclusion de la convention. En plus de son utilisation pour faciliter l’interprétation d’une convention collective ou d’une entente de règlement, ou pour établir une préclusion, la preuve extrinsèque peut être déposée à l’appui d’une demande de rectification. Toutefois, cette preuve, pour qu’elle soit invoquée, doit être « consensuelle ». C’est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir du « souhait unilatéral » de l’une des parties. Elle ne doit pas être non plus aussi vague et imprécise que la convention écrite elle-même.

 

[89] L’IPFPC a soutenu que la preuve extrinsèque ne devrait être admise que si le libellé de la convention collective est ambigu, et également qu’il incombe à l’ARC de montrer que la preuve extrinsèque devrait être admise, puisqu’il s’agit de la partie qui présente la demande. Les arguments concernant l’élaboration du libellé de la convention collective ne reviennent à pas dire qu’il existe une ambiguïté, a dit l’IPFPC. La règle interdisant la preuve extrinsèque vise à empêcher une partie de tenter de modifier un contrat écrit ou de s’y attaquer. En l’espèce, l’ARC demande de produire des éléments de preuve qui auraient effectivement pour résultat d’ajouter des mots à la convention collective, afin d’obliger les employés à occuper un poste MG au lieu de simplement effectuer les tâches d’un poste classifié MG, a fait valoir l’IPFPC.

[90] La Commission devrait suivre les directives énoncées par la Cour suprême du Canada (SCC) dans Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 RCS 129, aux paragraphes 57 et 58, et ne pas entendre d’éléments de preuve concernant les intentions subjectives des parties à l’époque où elles ont conclu la convention collective du groupe VFS, a fait valoir l’IPFPC. Il s’agit de l’approche que la Commission a adoptée dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 77 (« Grief de principe relatif à un congé personnel présenté par l’IPFPC »), aux paaphes 93 à 96, a soutenu l’IPFPC.

[91] L’IPFPC a également soutenu que la décision de rejeter la production d’une preuve extrinsèque donnerait lieu à une audience plus efficace, puisque la Commission aurait à entendre peu de témoins, voire aucun.

[92] L’ARC a convenu que les principaux moyens d’interpréter la convention collective devraient être les mots utilisés dans le contrat. Cependant, l’ARC a soutenu que la Commission ne devrait pas obliger une partie à démontrer l’existence d’une ambiguïté dans le libellé de la convention collective pour satisfaire à la condition préalable à l’audition de la preuve extrinsèque. L’ARC a affirmé que la jurisprudence avait évolué et que la condition préalable avait été adoucie afin de permettre une approche moins définie et plus pratique. Par suite de la décision rendue par la CSC dans Sattva Capital Corporation c. Creston Moly Corporation, 2014 CSC 53 (« Sattva Capital »), le décideur peut examiner les circonstances de l’espèce pour mieux comprendre les intentions des parties lorsqu’elles se sont entendues sur un contrat écrit, a affirmé l’ARC. Les arbitres de grief ne doivent pas faire comme si les éléments de preuve hautement convaincants n’existaient pas (voir Sault Ste. Marie (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 1767, 2014 CanLII 71973, aux paragraphes 41 à 42, 45 et 46, et Air Canada v. Air Canada Pilots Association, [2012] O.L.A.A. No 164 (QL), aux paragraphes 39 et 40).

[93] L’ARC a également soutenu que l’audience pourrait être moins efficace si l’ambiguïté servait de condition préalable à l’audition de la preuve extrinsèque. En pareilles circonstances, la Commission risquerait de devoir disjoindre l’audience, d’abord pour entendre les arguments des parties quant à l’éventuelle existence d’une ambiguïté dans le libellé, et ensuite pour entendre la preuve extrinsèque dans l’éventualité où une ambiguïté aurait été relevée. Il serait plus efficace d’autoriser les parties à citer leurs témoins et de décider ultérieurement quel poids y accorder, a fait valoir l’ARC.

[94] Comme je l’ai déjà mentionné dans la présente décision, après avoir entendu les arguments des parties sur l’admissibilité de la preuve extrinsèque, au début de l’audience, j’ai décidé que j’autoriserais celles‑ci à la produire.

[95] Je comprends qu’historiquement, le recours à des éléments de preuve extrinsèque a été associé à la question de savoir s’il existe une ambiguïté dans le libellé de la convention collective. Ce recours peut être autorisé s’il existe une ambiguïté, et il ne devrait pas l’être s’il n’y en a pas.

[96] La difficulté de cette approche réside dans le fait que ce dont un arbitre est saisi dans une affaire comme la présente, c’est un différend portant sur le sens des mots. Cela place le décideur face au problème de la poule et de l’œuf : comment sait‑on si le libellé est ambigu avant que les parties ne l’aient fait valoir? À moins de lire des termes qui sont clairement définis dans la convention collective ou qui peuvent se comprendre clairement dans le cadre de l’interprétation fondée sur le sens ordinaire, le fait même que les parties contestent le sens d’une clause laisse penser qu’il peut exister une ambiguïté.

[97] Tel est le cas en ce qui concerne la clause 44.08. À première vue, le sens des mots « les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié […] MG […] » peut présenter une ambiguïté. Les tâches d’un poste classifié MG sont‑elles définies quelque part? Doit-on occuper un poste MG pour effectuer les tâches d’un poste classifié MG? Ou bien les tâches d’un poste classifié MG peuvent‑elles être effectuées par d’autres employés que ceux qui occupent un poste classifié MG? Pourquoi la version française de la clause fait‑elle renvoi à l’exécution des tâches d’un poste classifié MG, tandis que la version anglaise de la clause fait seulement renvoi à l’exécution des tâches MG?

[98] Même si je devais éventuellement conclure à la non‑ambiguïté du libellé de la clause 44.08, j’ai dit aux parties que j’autoriserais la production d’éléments de preuve extrinsèque, suivant les principes ainsi énoncés dans Sault Ste. Marie, au par. 46 :

[Traduction]

46. Il me semble que l’approche adoptée dans Sattva, Dumbrell, Air Canada quant à l’admissibilité de circonstances factuelles (contexte et matrice factuelle) est attrayante, parce qu’elle est pratique, directe et sensée pour divers motifs examinés dans University of British Columbia. Bien que les résultats puissent ne pas différer de ce que l’on attendrait de l’approche classique adoptée dans Leitch, l’analyse n’est pas restreinte par une nécessité officielle de démontrer d’abord l’ambiguïté, ou une certaine présence d’ambiguïté comme condition préalable à l’admission d’une preuve par ailleurs révélatrice. Les mots utilisés par les parties pour exprimer leur intention devraient conserver leur importance présumée, mais le contexte ne devrait pas être écarté. Ce contexte peut soulever des questions telles que le sens précis donné à certains mots dans une industrie ou un milieu en particulier, l’historique des négociations et la pratique des parties dans la mise en œuvre ou l’application de la clause particulière en question.

 

[99] Je souligne que dans un bon nombre de litiges liés à des conventions collectives ou à des griefs de principe dont la Commission a été saisie, une partie ou l’autre a demandé de produire des éléments de preuve extrinsèque. Parfois, c’est l’agent négociateur qui le demande (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88; Syndicat des agents correctionnels – Union of Canadian Correctional Officers – CSN c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 47; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CRTESPF 74; Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt, C.B.) c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 80; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 112; Myles c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 49; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2020 CRTESPF 69). Dans d’autres affaires, c’est l’employeur défendeur qui le demande (Grief de principe relatif à un congé personnel présenté par l’IPFPC; Fehr c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 17; Valderrama c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2020 CRTESPF 86, ainsi que la présente affaire). Dans la plupart de ces cas, la Commission a choisi d’entendre la preuve extrinsèque que les parties souhaitaient citer, après quoi elle a déterminé le poids qu’elle y accorderait, le cas échéant.

[100] Même dans le Grief de principe relatif à un congé personnel présenté par l’IPFPC, à l’égard duquel l’IPFPC faisait valoir les principes énoncés dans Eli Lilly, après avoir conclu que le libellé en question n’était pas ambigu (paragraphe 110), la Commission a accordé un certain poids à la preuve extrinsèque qu’elle avait entendue (paragraphes 111 à 113) avant de rendre une décision finale (paragraphes 116 à 118). Quant à l’efficacité de l’audience, il s’agissait d’un cas où la Commission avait choisi de disjoindre l’audience, d’abord pour entendre les arguments sur l’admissibilité de la preuve extrinsèque, et ensuite seulement pour entendre cette preuve lors d’une reprise de l’audience une quinzaine de mois plus tard.

[101] À mon avis, l’approche consistant à autoriser la production d’une preuve contextuelle dès le début de l’audience est équitable, pratique et en définitive plus efficace. Cette approche tient compte du contexte dans lequel les conventions collectives sont négociées. Elles ne sont pas négociées dans la salle d’audience. Elles sont souvent conclues tard le soir ou tôt le matin, souvent à la suite de longues périodes de désaccord – ce qui est un fait attesté en l’espèce par le témoignage de M. Lamarche au sujet de la négociation qui a mené à la convention collective de 2002 du groupe VFS.

[102] Compte tenu de cela, l’approche adoptée par la Commission pour interpréter les conventions collectives devrait être une « […] démarche pratique, axée sur le bon sens plutôt que sur des règles de forme en matière d’interprétation » (voir Sattva Capital, au par. 47). Le travail de la Commission en pareil cas consiste à interpréter les mots de la convention collective en examinant leur sens ordinaire et leur sens grammatical, compte tenu des circonstances connues des parties au moment où elles ont négocié le libellé.

[103] Lorsque j’ai pris cette première décision, j’ai également dit aux parties que j’étais conscient des limites que la CSC a attribuées à la valeur de la preuve extrinsèque dans Sattva Capital, au par. 57 :

[57] Bien que les circonstances soient prises en considération dans l’interprétation des termes d’un contrat, elles ne doivent jamais les supplanter […] Le décideur examine cette preuve dans le but de mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties exprimées dans les mots du contrat. Une disposition contractuelle doit toujours être interprétée sur le fondement de son libellé et de l’ensemble du contrat. […] Les circonstances soustendent l’interprétation du contrat, mais le tribunal ne saurait fonder sur elles une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer dans les faits une nouvelle entente […]

[Je mets en évidence]

 

[104] Récemment, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a confirmé les principes énoncés dans Sattva Capital et elle les a appliqués à un litige relatif à une convention collective (voir Nemak of Canada Corporation v. UNIFOR Local 200, 2022 ONSC 1732). Aux paragraphes 18 et 19, ci‑dessous, la Cour a résumé utilement les principes directeurs :

[Traduction]

[18] Dans Sattva, la Cour suprême a souligné que le point de départ de l’interprétation d’une entente écrite demeurera toujours le libellé du contrat lui‑même. Les circonstances doivent être prises en considération pour interpréter le contrat, mais cette preuve doit permettre au décideur de mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties qui sont exprimées dans les termes du contrat (au paragraphe 57).

[19] La règle d’exclusion de la preuve extrinsèque interdit l’utilisation d’éléments de preuve autres que les termes du contrat qui auraient pour effet de contredire ou de modifier le contrat, d’y ajouter des modalités ou d’en retirer. Cela comprend la preuve concernant les intentions subjectives des parties (au paragraphe 59). Cette règle s’applique d’autant plus si une partie cherche à démontrer que le document ne signifie pas ce qu’il énonce. Cependant, tenir compte des circonstances n’est pas contraire à la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque (au paragraphe 59), parce que la preuve des circonstances « sert d’outil d’interprétation qui vient éclairer le sens des mots du contrat choisis par les parties, et non le changer ou s’y substituer » (au paragraphe 60).

 

[105] Lorsque j’ai décidé d’entendre la preuve extrinsèque que les parties souhaitaient faire valoir, j’ai également dit aux parties que j’accepterais leur argumentation sur la pertinence ou la non‑pertinence de ces éléments de preuve pour mon interprétation de la clause 44.08. Selon la jurisprudence que je viens de citer, je présenterai dans les motifs qui suivent mes décisions quant aux éléments de preuve extrinsèque qui sont pertinents ou non pour trancher le litige.

IV. Motifs

[106] S’agissant maintenant du grief, j’examinerai les arguments des parties et je présenterai mes motifs de décision en répondant aux questions suivantes :

· Quelle est l’interprétation fondée sur le sens ordinaire de la clause 44.08?

· L’interprétation fondée sur le sens ordinaire devrait‑elle être rejetée parce qu’elle est illogique ou pour d’autres motifs?

· Quel sens faut‑il donner aux différences entre la version anglaise et la version française de la clause?

· Quels sont les éléments de preuve extrinsèque qui aident à interpréter la clause et quel sens étayent‑ils?

 

A. Quelle est l’interprétation fondée sur le sens ordinaire de la clause 44.08?

[107] Pour trancher le présent grief, je dois d’abord me pencher sur les termes de la clause 44.08, que je cite de nouveau ici en français et en anglais par souci de commodité :

44.08 Prime de performance – Groupe de gestion

a) À la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pour cent (5 %) du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période annuelle d’évaluation de rendement.

b) Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

44.08 Performance bonus – Management Group

(a) At the discretion of the Employer, employees who perform Management Group (MG) duties during the annual review period, shall be eligible, subject to the conditions established by the Employer, to receive a lump-sum performance bonus of up to five percent (5%) of the employee’s salary of his or her substantive position on the last day of the annual performance period.

(b) The lump-sum performance bonus awarded to employees under this clause shall not form part of salary.

[Je mets en évidence]

 

 

[108] L’IPFPC a soutenu que les termes précis que les parties ont choisi d’utiliser dans la clause 44.08 doivent se voir accorder leur sens ordinaire. Les mots choisis en anglais étendent l’admissibilité à tous les employés « who perform Management Group (MG) duties » (qui effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG)). Les parties n’ont pas dit que les employés devaient « occuper » un poste au sein du groupe MG. L’ARC s’efforce d’ajouter à la convention collective une obligation qui est énoncée uniquement dans ses documents de politique, et non dans la convention collective, a affirmé l’IPFPC.

[109] L’IPFPC a contesté l’utilisation qu’a faite l’ARC de la version d’avril 2018 du document de politique, parce que cette version accorde l’admissibilité aux [traduction] « […] employés qui occupent un poste au sein du groupe MG […] » ou qui ont « […] effectué les tâches d’un poste classifié MG […] pendant au moins six mois consécutifs […] ». Ces termes ne se trouvent pas dans la convention collective, a fait valoir le syndicat.

[110] Alors que les documents de politique sont clairs et qu’ils sont appliqués uniformément depuis 18 ans, une politique rédigée unilatéralement par l’employeur ne peut pas être utilisée pour ajouter des mots à la convention collective, a fait valoir l’IPFPC. En outre, la Commission ne peut pas ajouter à la convention collective des mots qui auraient pour effet d’en modifier le sens (voir Chafe, au par. 51; Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, au par. 36; Gagnon c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 48, aux paragraphes 30 et 31, ainsi que l’art. 229 de la Loi).

[111] L’IPFPC a soutenu que là où les parties ont choisi de limiter une clause à une classification particulière, elles l’ont fait clairement. L’IPFPC a cité plusieurs clauses de la convention collective de 2018 du groupe VFS, notamment celle autorisant la semaine de travail comprimée, qui est précédée d’une exclusion rédigée en ces termes : « L’alinéa 8.02 f) ne s’applique pas aux employés classifiés CS qui travaillent un horaire de travail de jour [le passage en évidence l’est dans l’original] », ainsi que la clause 9.08, selon laquelle le paiement d’une indemnité en fonction du kilométrage « ne s’applique qu’aux employés classifiés CS [le passage en évidence l’est dans l’original] ». Il ne s’agit pas de libellés nouvellement utilisés pour préciser qu’une clause se limite à une classification particulière ces mêmes termes ont été choisis par les parties pour rédiger les mêmes clauses dans la convention collective de 2002 du groupe VFS.

[112] L’agent négociateur et l’employeur sont des parties bien renseignées qui savent comment indiquer clairement si une clause porte uniquement sur une seule classification, a fait valoir l’IPFPC. Si les parties avaient eu l’intention de limiter l’application de la clause 44.08 aux employés qui occupent un poste MG, elles auraient choisi des mots tels que ceux utilisés aux clauses 8.02f) et 9.08. L’IPFPC a soutenu que dans les clauses où les parties utilisent des mots différents, ces mots différents doivent se voir accorder un sens différent (citant Gagnon, au par. 34, et Legge c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2014 CRTFP 47, au par. 39, qui a suivi la décision rendue par la CSC dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27).

[113] L’application de la clause 44.08 ne devrait pas se limiter aux personnes qui effectuent les tâches d’un poste MG au sein d’un poste classifié MG, a affirmé l’IPFPC. Les tâches principales du groupe MG incluent la gestion des ressources humaines, et la preuve présentée par Mme Mark et M. Eckler a confirmé que ceux‑ci effectuent ces tâches dans le cadre de leur travail. L’exécution de leurs tâches de gestion des ressources humaines leur est imposée par leur description de travail. Ils devraient avoir droit à une rémunération au rendement.

[114] L’IPFPC a également soutenu que le document de politique sur la rémunération au rendement entrave le pouvoir discrétionnaire des gestionnaires en limitant l’application de la clause aux employés qui occupent un poste MG. La politique supprime la prise en compte de toute une catégorie d’employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié MG, mais sans occuper un poste MG. Conformément à la clause, l’admissibilité à la rémunération au rendement doit être évaluée au cas par cas, a affirmé l’IPFPC.

[115] L’ARC a soutenu que le libellé de la clause 44.08 associe clairement le paiement de la prime de performance aux membres du groupe MG. Le titre de la clause et les mots qui y sont utilisés font directement renvoi au Groupe de gestion. Tous les employés sont regroupés en classifications, et seuls les employés qui peuvent effectuer les tâches du groupe MG sont des employés occupant un poste classifié MG. Les parties auraient utilisé un libellé plus général si elles avaient eu pour objectif que la clause vise des employés appartenant à d’autres classifications, a affirmé l’ARC.

[116] En outre, l’ARC a soutenu que tout avantage pécuniaire doit être clairement indiqué et non être imposé par inférence ou déduction (voir, par exemple, Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au par. 27, Conseil de l’est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2015 CRTEFP 33 (« Conseil de l’est des métiers et du travail des chantiers maritimes »), au par. 55, et Association des juristes de justice c. Conseil du trésor, 2015 CRTEFP 18, au par. 129). Les parties devraient faire preuve de respect à l’égard de ce qui a été négocié et toute iniquité devrait être résolue à la table de négociation, a fait valoir l’ARC (voir Parmiter c. Conseil du trésor, 2021 CRTESPF 57, au par. 22).

[117] En examinant le libellé de la clause 44.08, j’y vois une certaine ambiguïté donnant lieu à deux interprétations possibles.

[118] Le litige concernant la clause porte sur les mots « effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG) », mais que signifient ces mots? Le terme n’est défini directement ni dans la convention collective ni dans l’un des autres éléments de preuve dont je dispose.

[119] Je conviens avec l’IPFPC qu’ailleurs dans la convention collective, là où les parties ont choisi d’inclure ou d’exclure des employés dans une disposition en fonction de leur classification, elles ont utilisé des mots précis, tels que ceux qui précèdent la clause 9.08 : « Le paragraphe 9.08 ne s’applique qu’aux employés classifiés CS [le passage en évidence l’est dans l’original] ». La clause 44.08 n’est pas précédée d’une telle restriction. Il n’est pas indiqué non plus, au moins en anglais, que l’application de la clause se limite aux personnes « […] qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de gestion […] ». La clause indique que les employés « […] qui effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG) » peuvent toucher la prime. Il n’est pas déraisonnable de la part de l’IPFPC de soutenir qu’étant donné que le rôle de base du Groupe de gestion est un rôle de gestion, tout employé qui effectue des tâches de gestion importantes, par exemple Mme Mark ou M. Eckler, devrait avoir le droit de recevoir la prime.

[120] Cependant, plusieurs aspects du libellé clair et simple qui est utilisé dans la convention collective étayent l’interprétation de la clause prônée par l’ARC.

[121] Tout d’abord, il est important que la majuscule soit utilisée dans la clause 44.08 pour faire renvoi aux « tâches du Groupe de gestion (MG) ». En utilisant à la fois le titre officiel et les initiales du groupe de classification, les parties ont associé la clause au groupe de classification MG. Cela est corroboré par le titre de la clause : « Prime de performance – Groupe de gestion ». Cela signale également que la clause s’applique aux membres de ce groupe. Comme l’a soutenu l’ARC, le titre d’une clause peut aider à expliquer le sens de la clause qui suit (voir Brown et Beatty, au paragraphe 4:23, Conseil de l’est des métiers et du travail des chantiers maritimes, au par. 45, et Marin c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 92, au par. 19). Même si le libellé du titre est moins clair que les mots qui précèdent la clause 9.08, le titre sous‑entend que la clause s’applique aux membres du groupe MG.

[122] Enfin, il y a le fait que la clause 44.08 réside au cœur de l’article 44 – Administration de la paye. Cet article prévoit que les employés doivent être rémunérés aux taux précisés à l’annexe A de la convention collective, conformément aux classifications des postes auxquels ils sont nommés (clause 44.02). L’article explique ensuite de façon plus précise comment la paye indiquée à l’annexe A doit être administrée (clauses 44.03 à 44.06) et comment et quand un employé peut toucher une rémunération provisoire supplémentaire s’il exerce des fonctions d’une classification supérieure (clause 44.07).

[123] Autrement dit, à l’article 44, toute la notion de paye est intimement liée à la classification des employés dans certains groupes et niveaux. La clause 44.08 relève de l’article intitulé « Administration de la paye ». Cela corrobore l’interprétation selon laquelle la prime de performance est associée à un groupe de classification précis, soit le groupe MG.

[124] La convention collective ne définit nulle part « les tâches d’un poste classifié MG » de manière à appuyer l’interprétation selon laquelle les tâches qu’une personne effectue lorsqu’elle occupe un poste du Groupe de gestion sont tout à fait distinctes. Même si les termes tels que « tâches de gestion » ou « tâches de supervision » ont un sens simple et ordinaire, ce ne sont pas les mots qui sont utilisés. J’estime que le renvoi au titre officiel du groupe à la fois dans le titre et dans le texte de la clause et l’insertion de la clause à l’article 44 appuient mieux l’interprétation donnée à la clause par l’Agence. Un seul groupe de classification est mentionné dans la clause, à savoir le groupe MG.

[125] Si les parties avaient souhaité que tous les groupes de classification puissent toucher une prime de performance, les mots « Groupe de gestion » seraient superflus, puisque les parties auraient pu utiliser un terme plus général comme « tâches de gestion » ou « tâches de supervision ».

[126] Je souscris également à l’argumentation de l’ARC selon laquelle, pour une clause prévoyant un avantage pécuniaire important, le libellé est loin d’indiquer clairement que la clause s’applique aux employés qui occupent un poste relevant d’une autre classification que le groupe MG.

B. L’interprétation fondée sur le sens ordinaire devrait‑elle être rejetée parce qu’elle est illogique ou pour d’autres motifs?

[127] La Commission ne devrait pas rejeter l’interprétation donnée à la clause 44.08 par l’IPFPC parce que la clause serait illogique, difficile à administrer ou plus dispendieuse pour l’ARC, a fait valoir l’IPFPC. Le témoignage de M. Teather a révélé que l’Agence peut facilement identifier les employés qui effectuent des tâches de supervision : M. Teather a pu mentionner rapidement que 1 222 personnes qui effectuent des tâches de supervision n’occupent pas un poste MG. L’IPFPC a reconnu qu’il en coûterait plus cher à l’ARC si la rémunération au rendement était étendue aux employés non membres du groupe MG, faisant toutefois valoir que ces coûts ne sont pas illogiques, compte tenu de la portée générale de la liste de paye de l’Agence. Le fait que le résultat puisse sembler inéquitable pour l’Agence ne devrait pas influencer l’interprétation du libellé clair et simple de la convention que doit faire la Commission, a fait valoir l’IPFPC (voir Chafe et Delios, aux paragraphes 36 et 37).

[128] L’ARC a soutenu que l’interprétation prônée par l’IPFPC ne serait pas facile à administrer. Malgré la facilité avec laquelle l’Agence peut donner le nombre d’employés qui exercent une fonction de supervision, l’interprétation que l’IPFPC donne de la clause obligerait l’Agence à revoir précisément combien de superviseurs parmi les 1 222 non‑membres du groupe MG « effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG) ». Cela obligerait l’Agence à définir les tâches d’un poste classifié MG séparément des tâches effectuées par les employés qui occupent un poste MG, en ce qu’elles satisfont à l’objectif principal de la définition du groupe professionnel MG. Cela est contraire à la façon dont l’ARC classifie les postes. En outre, cela obligerait l’Agence à faire le même exercice pour les employés qui appartiennent à l’unité de négociation de l’AFPC-SP, puisque l’Agence a une clause de prime de performance analogue (quoique cette clause prévoie que les employés qui occupent un poste classifié MG puissent obtenir un congé supplémentaire, au lieu d’une rémunération supplémentaire).

[129] Il est bien établi qu’un arbitre de grief peut rejeter un élément qui est par ailleurs clair dans le libellé de la convention collective, si l’interprétation qui en résulte est illogique (voir Ewaniuk c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CRTESPF 96, au par. 45). Face à un choix à faire entre deux interprétations possibles, le caractère raisonnable et la faisabilité administrative peuvent permettre de déterminer l’interprétation qu’il faut privilégier (voir Ewaniuk, au par. 46, citant Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100).

[130] Je ne suis pas d’accord avec l’ARC pour dire que je devrais rejeter l’interprétation de la clause faite par l’IPFPC sous prétexte que l’AFPC a une clause similaire dans sa convention collective. Il s’agit d’un grief de principe présenté par l’IPFPC au sujet du libellé de sa convention collective conclue avec l’ARC. Les décisions de la Commission qui portent sur un grief de principe peuvent influer ou non sur l’interprétation d’un libellé similaire dans d’autres conventions collectives, mais il revient à ces autres parties d’en décider.

[131] Je conviens que l’interprétation de la clause que donne l’IPFPC serait facile à administrer si les mots « effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG) » signifiaient que tous les employés qui effectuent des tâches de supervision sont admissibles à la prime. Manifestement, M. Teather a pu facilement dénombrer les employés qui effectuent des tâches de supervision.

[132] Cependant, la convention collective ne contient pas les mots « effectuent des tâches de supervision ». La question de savoir quel niveau de tâches de supervision équivaudrait à celui d’un poste classifié MG serait bien réelle si je devais adopter l’interprétation prônée par l’IPFPC. Une pareille interprétation imposerait un fardeau administratif à l’Agence, puisque celle‑ci aurait à évaluer avec soin 1 222 employés supplémentaires aux fins de l’octroi éventuel d’une prime.

[133] L’application de ces critères penche en faveur de l’interprétation prônée par l’Agence.

C. Quel sens faut‑il donner aux différences entre la version anglaise et la version française de la clause?

[134] Il y a ensuite la signification à donner aux différences entre la version anglaise et la version française de la clause. Ces différences ajoutent à l’ambiguïté de la clause. L’expression anglaise, « employees who perform Management Group (MG) duties » (les employés qui effectuent les tâches du groupe de gestion (MG)) pourrait être interprétée comme désignant des employés en dehors de ceux occupant un poste classifié MG, alors que la version française de la clause associe plus clairement le droit à la prime de performance aux postes classifiés dans le groupe MG, parce qu’elle est ainsi rédigée : « […] les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) […] [je mets en évidence] ».

[135] En résumé, la version française de la clause corrobore beaucoup plus clairement l’interprétation de la clause 44.08 qui est celle de l’ARC, selon laquelle, pour toucher la prime de performance, une personne doit effectuer les tâches d’un poste classifié MG.

[136] Dans la convention collective conclue entre les parties, l’article 3 s’intitule « Textes officiels », et la clause 3.01 se lit comme suit : « Les textes anglais et français de la présente convention sont des textes officiels. »

[137] Comme l’a soutenu l’ARC, l’interprétation de la clause 44.08 qui est défendue par l’IPFPC opposerait la version anglaise et la version française de la clause. L’interprétation de la clause qui est celle de l’Agence préserverait l’harmonie entre les versions et devrait se voir accorder la préférence. Comme l’affirment Brown et Beatty au paragraphe 4:21 : [traduction] « En outre, lorsqu’il existe une version anglaise et une version française, l’interprétation recherchée est celle qui est cohérente dans les deux textes. »

[138] Je me pencherai sur ce que la preuve extrinsèque révèle au sujet des différences entre les versions anglaise et française un peu plus loin dans la présente décision.

D. Quels sont les éléments de preuve extrinsèque qui aident à interpréter la clause et quel sens étayent‑ils?

[139] Dans l’ensemble, j’estime que l’analyse technique de la clause 44.08 penche en faveur de l’interprétation soutenue par l’ARC. Cependant, le fait que la disposition comporte une certaine ambiguïté demande, notamment si l’on compare la version anglaise et la version française, de prendre en considération les éléments de preuve extrinsèque qui peuvent aider à interpréter le texte de la convention. Comme l’a affirmé la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Nemak, la prise en compte de ces éléments de preuve [traduction] « […] doit permettre au décideur de mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties qui sont exprimées dans les termes du contrat […] » (au par. 18).

1. Historique des négociations

[140] Examinons d’abord l’historique des négociations. Selon la preuve non contestée que M. Cenne a présentée, l’Agence, au moment de sa création, souhaitait renforcer le rôle et l’importance des gestionnaires et des chefs d’équipe. Devant la CRTFP, l’Agence a présenté une ample argumentation sur la création d’une unité de négociation distincte pour ces gestionnaires. Même après que la CRTFP eut rejeté cette idée, l’Agence a procédé à l’élaboration d’une norme de classification distincte qui recoupait les deux unités de négociation qui avaient été créées. Au cours des négociations qui ont mené à la signature de la convention collective de 2002 du groupe VFS, l’Agence a proposé une toute nouvelle grille salariale pour le Groupe de gestion, ainsi qu’une clause de rémunération au rendement.

[141] La preuve en l’espèce ne peut pas être rejetée sous prétexte qu’il s’agit seulement des intentions subjectives de l’Agence. Cette preuve se reflète dans la décision que la CRTFP a rendue dans ADRC c. AGFFP et dans le contenu de la première convention collective conclue entre les parties, qui prévoit la création du groupe MG en tant que classification distincte à compter du 31 mars 2002, ainsi que dans la teneur de la clause de rémunération au rendement.

[142] M. Cenne a livré un témoignage clair et il a expliqué que, pendant les négociations, l’Agence souhaitait ajouter la clause de rémunération au rendement à l’intention des membres du groupe MG, parce qu’elle souhaitait souligner l’importance de la gestion efficace des ressources humaines.

[143] Selon le témoignage de M. Lamarche, qui était président du groupe VFS de l’IPFPC en 2002, son équipe de négociation ne voulait pas accepter la clause parce qu’elle voulait obtenir de l’argent pour l’unité dans son ensemble. L’équipe ne voulait pas récompenser un groupe d’employés par une augmentation salariale. L’équipe a écouté la présentation, mais elle y a vu une [traduction] « disposition de l’employeur ». Elle n’a proposé aucune autre formulation. L’équipe de l’IPFPC n’a accepté d’ajouter la disposition relative à la rémunération au rendement dans l’entente provisoire qu’après avoir eu le sentiment d’avoir obtenu des augmentations salariales acceptables pour l’unité de négociation dans son ensemble. L’IPFPC n’a fait aucune contre‑proposition à l’égard de la clause, et aucun élément de preuve n’a été produit pour indiquer qu’il y avait eu des discussions au sujet de l’application de cette clause à des employés non membres du groupe MG.

[144] Ce témoignage illustre le contexte dans lequel se déroulent les négociations collectives. En définitive, le nombre de fois que l’IPFPC a refusé le libellé proposé pendant les négociations n’est pas pertinent. Ce qui est pertinent, c’est que dans l’entente provisoire, conclue en juin 2002, l’IPFPC a accepté la création d’une nouvelle clause, et que dans la convention collective signée en juillet 2002, la clause relative à la prime de performance a été intégrée à l’article portant sur l’administration de la paye.

[145] J’ai pris bonne note du fait que le libellé de la clause relative à la prime de performance retenu dans l’entente provisoire de juin 2002 a été modifié avant la signature de la convention collective de 2002 du groupe VFS, en juillet. Dans l’entente provisoire, cette clause était qualifiée de nouvel article. La clause définitive a été intégrée à l’article existant relatif à l’administration de la paye. En anglais, les critères d’admissibilité « […] perform the duties of a position classified within the Management Group […] » (effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de gestion) ont été modifiés pour devenir : « perform Management Group (MG) duties » (effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG)). L’entente provisoire ne faisait pas mention de la période de transition par rapport à l’examen du rendement de 2001‑2002, mais c’est le cas de la convention collective. Enfin, la clause figurant dans l’entente provisoire indiquait que la prime de performance serait calculée sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre 5 p. 100 du salaire du poste MG de l’employé; la convention collective indique que la prime peut atteindre 5 p. 100 du salaire du poste d’attache de l’employé.

[146] On ne peut utiliser le libellé de l’entente provisoire pour écarter la convention collective. En définitive, c’est le libellé final de la convention collective qui représente l’accord entre les parties.

[147] Cependant, le fait que le libellé a été modifié à maints égards indique qu’il doit y avoir eu une intention précise derrière le libellé final de la clause. À première vue, le fait qu’en anglais le libellé de l’entente provisoire, « […] perform the duties of a position classified within the Management Group […] » (effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de gestion), ait été modifié pour devenir : « perform Management Group (MG) duties » (effectuent les tâches du Groupe de gestion (MG)), a pour effet de rendre l’argumentation de l’IPFPC sur le sens de la clause plus crédible que celle de l’ARC. Le fait que les parties aient modifié la formule indiquant 5 p. 100 du salaire du poste MG de l’employé pour indiquer 5 p. 100 du salaire du poste d’attache laisse également penser que la clause devait s’appliquer aux non‑membres du groupe MG, ou à tout le moins aux membres du groupe MG dont le poste n’était pas un poste d’attache.

[148] Cependant, seul M. Cenne a livré un témoignage clair quant aux motifs pour lesquels il existait une différence entre la clause figurant dans l’entente provisoire de juin 2002 et celle qui apparaît dans la convention collective de 2002 du groupe VFS signée en juillet 2002. M. Cenne a affirmé que l’Agence n’avait rempli le groupe MG qu’à compter du 31 mars 2002 seulement, mais qu’elle souhaitait que la prime de performance s’applique à toute la période d’évaluation de rendement de 2001-2002. L’Agence voulait également que l’article s’applique aux employés qui remplissaient des fonctions MG et pas seulement aux employés nommés de façon permanente à un poste MG, et les modifications apportées au libellé allaient en ce sens.

[149] M. Lamarche n’avait aucune explication explicite à offrir pour justifier les modifications du libellé. Il a seulement dit que l’entente provisoire avait été conclue tard le soir et que, par conséquent, il ne fallait pas s’y fier pour dégager les intentions des parties au moment de la signature de la convention collective.

[150] L’IPFPC a soutenu que le témoignage de M. Cenne révélait clairement l’intention de l’Agence d’appliquer la clause relative à la prime de performance aux non‑membres du groupe MG, ce qui est la raison pour laquelle elle a supprimé le renvoi aux postes classifiés MG. Je ne suis pas d’accord. M. Cenne a expliqué clairement que l’exercice 2001-2002 était transitoire et que l’Agence souhaitait verser la prime pour la totalité de la période d’un an aux employés convertis au groupe MG en date du 31 mars 2002.

[151] M. Cenne a également dit que les modifications visaient à inclure les employés occupant un poste MG par intérim. Même si les parties auraient pu choisir un libellé plus clair pour exprimer cette intention, cette explication est logique, surtout si l’on tient compte de la partie de la clause qui établit que la prime peut atteindre 5 p. 100 du salaire du poste d’attache d’un employé. Si les parties avaient l’intention d’inclure les employés qui remplissaient des fonctions MG par intérim, il est logique qu’elles aient ajouté un renvoi au salaire du poste d’attache. Aucune des parties n’a contesté que la clause visait à s’appliquer aux employés qui occupaient un poste MG de façon intérimaire.

[152] MM. Cenne et Lamarche ont tous deux témoigné que lorsque les parties avaient renouvelé la clause relative à la rémunération au rendement dans la négociation de la convention collective de 2005 du groupe VFS, la seule modification apportée avait consisté à supprimer la référence à la rémunération au rendement pour l’exercice 2001‑2002. Par ailleurs, les parties n’ont ni proposé des modifications ni eu des discussions de fond au sujet de la clause.

[153] À part la renumérotation de la clause au moment de la signature de la convention collective de 2009 du groupe VFS, selon les témoignages non contestés des témoins devant moi, il n’y a eu ni discussions de fond au sujet de la clause ni propositions de modifier le libellé. La clause relative à la prime de performance a été renouvelée sans modification importante dans chacune des conventions collectives de 2012, de 2018 et de 2019.

[154] J’estime que cette preuve extrinsèque appuie la conclusion selon laquelle la clause 44.08 a d’abord été négociée durant les négociations qui ont mené à la signature de la convention collective de 2002 du groupe VFS. Elle n’a pas fait l’objet de modifications importantes depuis lors, et son adoption était directement liée à celle de la classification MG à titre de groupe d’employés distinct. Cette preuve renforce ma conclusion selon laquelle c’est l’interprétation de la clause donnée par l’ARC qui devrait prévaloir eu égard au grief.

[155] Il convient de souligner qu’il n’est pas selon moi nécessaire d’accorder du poids à l’affirmation de M. Cenne selon laquelle ce dernier aurait expliqué à l’équipe de l’IPFPC que la clause s’appliquait uniquement aux titulaires de postes MG pendant la négociation de la convention collective de 2002 du groupe VFS. Cet élément de preuve n’a pas été corroboré par M. Lamarche. J’estime qu’il suffit d’accorder du poids à la preuve contextuelle entourant la création du groupe MG, ainsi qu’à l’explication que M. Cenne a donnée au sujet de la logique qui sous-tendait le libellé de la clause.

2. Le système de classification

[156] En second lieu, j’ai examiné les témoignages concernant le fonctionnement du système de classification de l’Agence et je les considère pertinents pour trancher l’affaire. MM. Said et Teather ont tous deux convenu que le système de classification détermine la façon dont les postes sont reconnus et rémunérés. Ils ont tous deux affirmé qu’au moment de la classification d’un poste, on doit examiner son objectif principal et établir le groupe professionnel ou la norme de classification qui s’applique. Une fois que cela est fait, la norme de classification et l’outil de référence de la classification servent à évaluer le poste et à en déterminer le niveau.

[157] Manifestement, la norme de classification MG vise les postes dont l’objectif principal est la gestion. Dans la définition du groupe, qui se trouve dans l’outil de référence du groupe MG, il est indiqué que le groupe MG comprend les postes comprenant les fonctions suivantes : prévoir et affecter le personnel; élaborer et approuver les plans de travail; perfectionner le personnel; traiter les questions liées aux ressources humaines telles que l’autorisation des congés et des heures supplémentaires. Les titulaires de postes MG [traduction] « peuvent aussi être appelés » à gérer un budget; à agir à titre d’étape dans la procédure de règlement des griefs; à exercer des pouvoirs délégués en matière de ressources humaines; à représenter l’Agence aux comités patronaux‑syndicaux. Dans la norme, le système de cotation utilisé accorde un poids important à la gestion des ressources humaines (15 p. 100 du total des points).

[158] En résumé, la norme MG appuie la notion selon laquelle les tâches d’un poste classifié MG sont celles qui font intervenir la gestion des ressources humaines.

[159] En comparaison, la norme de classification AU vise à attribuer une cote aux emplois dont l’objectif principal est d’appliquer les principes d’audit et les principes comptables à l’examen des déclarations de revenus, ainsi que de planifier, d’offrir et d’administrer des programmes d’audit externe.

[160] Cependant, la norme AU comprend aussi un énoncé qui reconnaît la supervision d’autres auditeurs en tant qu’objectif principal des postes inclus dans la norme AU. Selon la preuve dont je dispose d’après ces documents et les témoignages de MM. Said et Teather, des employés appartenant à différentes classifications peuvent exécuter des fonctions ou des tâches individuelles. Cela comprend des tâches de supervision. Le choix de la classification qui s’applique à un poste donné repose sur une évaluation de son objectif principal.

[161] En résumé, cette preuve extrinsèque concernant le fonctionnement du système de classification n’appuie pas la notion selon laquelle il existerait un ensemble de tâches appelé [traduction] « les tâches d’un poste classifié MG » qui serait tout à fait distinct des tâches des employés occupant un poste classifié MG. La description des tâches d’un poste classifié MG existe dans les documents qui servent ou non à classifier des postes MG. Même si la norme AU ne précise pas les tâches de supervision des postes AU de façon aussi explicite que la norme MG, la supervision est clairement mentionnée à titre de tâche éventuelle des AU.

[162] Je souligne que Mme Mark et M. Eckler ont livré des témoignages détaillés au sujet de l’étendue de leurs tâches liées aux ressources humaines en qualité de titulaires d’un poste de GCSIGE dans le groupe AU. Ils supervisent des équipes formées de six ou sept employés, leur assignent des tâches, les perfectionnent, évaluent leur rendement et approuvent leurs congés. Mme Mark, plus particulièrement, a témoigné qu’il n’y avait guère de différences entre le rôle de chef d’équipe qu’elle avait joué en qualité de titulaire d’un poste MG et les rôles de chef d’équipe qu’elle joue en tant que titulaire d’un poste AU.

[163] Cependant, comme l’a soutenu l’IPFPC, il ne s’agit pas d’un grief portant sur les descriptions de travail, ni d’un grief de classification portant sur le classement d’un poste de GCSIGE dans le groupe AU. Il ne s’agit pas d’un grief portant sur la rémunération d’intérim laissant penser qu’un poste de GCSIGE classifié AU devrait être rémunéré comme un poste de MG et, par conséquent, être admissible à la rémunération au rendement. Je ne me prononce pas sur le classement des postes de Mme Mark et de M. Eckler dans le groupe AU, puisqu’il ne s’agissait pas de la question dont j’étais saisi.

[164] Je suis appelé à déterminer si les témoignages de Mme Mark et de M. Eckler ont éclairé mon interprétation de la clause relative à la prime de performance qui figure dans la convention collective. Selon mon évaluation, ce n’est pas le cas. Je reconnais que la reclassification régressive de certains postes du groupe MG au groupe AU, en 2016, a pu instiller un sentiment d’injustice chez les employés qui continuent à travailler dur pour gérer leurs équipes sans avoir accès à la prime de performance. Cette preuve m’aide à comprendre pourquoi l’IPFPC a défendu leur cause dans le cadre du présent grief de principe. Cependant, les témoignages livrés au sujet des tâches de supervision que ces employés ont effectuées en tant que membres du groupe AU après 2016 n’ont pas la moindre valeur probante dans la démarche que je fais pour mieux comprendre les intentions des parties au moment où elles ont signé la clause relative à la prime de performance dans la première convention collective du groupe VFS, en 2002.

[165] J’ai également noté que M. Eckler a témoigné avoir été invité aux réunions et aux séances de formation en tant que [traduction] « équivalent MG ». Même si cela donne du poids à sa position selon laquelle il effectue des tâches semblables à celles d’un employé MG, cela ne veut pas dire qu’il aurait dû être classé dans le groupe MG, ni qu’il a effectué les tâches d’un poste classifié MG, comme cela est envisagé dans la clause relative à la prime de performance. Ce témoignage ne nous renseigne pas non plus sur les intentions des parties au moment où elles ont signé la clause relative à la prime de performance dans la première convention collective du groupe VFS, en 2002.

3. Documents de politique

[166] En troisième lieu, il y a la preuve extrinsèque qu’offrent les documents de politique de l’Agence concernant le processus de gestion du rendement, la rémunération et les primes de congés qui y sont associés. Je conviens que la Commission doit jouer de prudence avant d’accepter ces documents à titre de preuve étayant les intentions des parties à l’égard du libellé de la convention collective. Un document de politique rédigé unilatéralement ne peut pas être utilisé pour supplanter le libellé de la convention collective (voir Brown et Beatty, au paragraphe 4:14).

[167] Cependant, ce n’est pas un seul instrument de politique qui est en litige, mais pas moins de 16 versions des lignes directrices ou des énoncés de politique adoptés chaque année par l’Agence entre 2002 et 2018 (la version finale précédant le présent grief de principe a été déposée). Régulièrement, dans chacune de ces versions, l’Agence a indiqué clairement que la rémunération au rendement est destinée aux employés qui ont été nommés dans le groupe MG pour une période indéterminée ou qui ont occupé un poste MG de façon intérimaire pendant au moins six mois consécutifs. Aucun de ces documents n’indique que la prime de performance a déjà été prévue pour les employés relevant d’autres classifications au sein de l’unité de négociation et qui effectuent des tâches de gestion ou de supervision sous ces classifications.

[168] Dans une affaire comme celle qui nous occupe, la pratique antérieure ne doit être prise en considération que si un syndicat a été mis au courant de la pratique d’un employeur et qu’il y a consenti (voir Canada (Procureur général) c. Fehr, 2018 CAF 159, au par. 9, et Ewaniuk, aux paragraphes 16 et 49). Par conséquent, je ne pourrais pas me fonder entièrement sur ces documents présentés à titre de preuve de la pratique antérieure de l’Agence pour interpréter la clause 44.08. Cependant, le fait que l’Agence ait publié des versions annuelles de ce document sur une période de plus de 16 ans, que ces documents aient constamment reflété l’interprétation de la clause donnée par l’Agence, et que l’IPFPC n’ait pas une seule fois proposé de modifier le libellé retenu dans la convention collective, constitue une preuve contextuelle pertinente qui m’aide à confirmer la manière souhaitée d’appliquer la clause. L’interprétation et l’application de la clause faites par l’employeur n’ont pas été contestées jusqu’à ce que quelques employés déposent un grief individuel ou un grief collectif, en 2016, à la suite du processus de RE qui a eu pour effet de créer des postes de GCSIGE dans le groupe AU, et que l’IPFPC dépose le présent grief de principe en 2019.

4. Autres éléments de preuve extrinsèque

[169] L’ARC a soutenu que l’omission du syndicat de soulever la question de l’admissibilité pendant les consultations sur le processus d’examen du rendement était pertinente et signifiait que le syndicat avait acceptait sa pratique antérieure. MM. Gillis et Muench ont tous deux témoigné au sujet de ces processus de consultation, et plusieurs échanges de courriels à ce propos ont été déposés en tant que pièces.

[170] Je n’accorde aucun poids au fait que le syndicat n’ait pas soulevé la question de l’admissibilité pendant les consultations sur le processus d’examen du rendement. Il est ressorti de la preuve que les consultations ont eu lieu principalement après 2016, et rien n’indiquait que l’admissibilité faisait partie du mandat du syndicat. En 2016, les griefs individuels et collectifs portant sur l’admissibilité avaient été déposés par des employés tels que Mme Mark et M. Eckler. MM. Gillis et Muench ont une justification claire des raisons pour lesquelles ils n’emprunteraient pas l’avenue de la consultation pour soulever une question d’interprétation de contrat. Ces éléments de preuve ne nous éclairent pas sur ce que les parties avaient en tête lorsqu’elles ont ajouté la clause relative à la prime de performance dans la convention collective de 2002 du groupe VFS.

[171] Je n’accorde aucun poids à l’interprétation subjective de M. Cenne selon laquelle étendre la prime de performance à des non‑membres du groupe MG irait à l’encontre de l’objet de la clause. Je n’accorde pas non plus de poids à l’évaluation subjective du sens de la clause présentée par M. Dunn ou l’un ou l’autre des membres de l’équipe de négociation de l’IPFPC.

5. L’historique des négociations eu égard à la version française de la clause

[172] La preuve extrinsèque qui a été produite au sujet des différences entre les versions anglaise et française de la clause est pertinente, mais elle n’est pas très utile aux fins de mon interprétation de la clause. Les deux parties ont cité des témoins qui ont affirmé que les parties avaient négocié en anglais et qu’elles avaient traduit le résultat en français.

[173] M. Cenne a témoigné que le libellé français de la clause aurait dû être modifié de manière à ce qu’il corresponde à l’anglais, afin qu’il soit clair que la clause vise aussi les personnes occupant un poste de façon intérimaire. Autrement dit, selon le témoignage de M. Cenne, la version française de l’accord est inexacte ou ne devrait pas se voir accorder le même poids que la version anglaise. Dans le même ordre d’idées, M. Lamarche a témoigné que les parties avaient négocié en anglais, que l’Agence avait assuré la traduction de l’entente et que la version anglaise devrait prévaloir.

[174] Ces témoignages contredisent le libellé clair de la convention collective à la clause 3.01, selon laquelle la version anglaise et la version française sont toutes deux officielles. Les parties ont à ce jour signé six conventions collectives qui renferment à la fois la clause 3.01 et la clause relative à la prime de performance, qui présente une interprétation en anglais et une autre, légèrement différente, en français. Le fait que les parties ont pu échanger des propositions dans une seule langue officielle en 2002 ne peut être invoqué comme motif de rejet du libellé utilisé dans la convention collective rédigée dans l’autre langue officielle.

[175] Quoi qu’il en soit, je n’accepte pas l’interprétation de M. Cenne selon laquelle la version française de la clause exclurait les employées occupant un poste MG de façon intérimaire. Ces personnes, durant la période d’intérim, effectuent les tâches du poste classifié dans le Groupe de gestion. Selon mon évaluation, leur droit à la prime est établi à la fois dans la version anglaise et dans la version française de la clause.

[176] Comme je l’ai déjà mentionné, lorsque la version anglaise et la version française de la convention collective sont toutes deux officielles, la Commission devrait choisir l’interprétation qui harmonise le mieux les deux versions. Il s’agit encore de l’interprétation prônée par l’ARC.

V. Conclusions

[177] J’ai déterminé qu’il faut comprendre de la clause 44.08 qu’elle s’applique aux employés qui effectuent les tâches du Groupe de gestion en occupant un poste classifié MG de façon permanente ou intérimaire. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai examiné le libellé de la clause, son renvoi direct au Groupe de gestion, sa position dans l’article portant sur l’administration de la paye, ainsi que son libellé en anglais et en français. J’ai examiné les éléments de cette preuve extrinsèque que j’ai estimés pertinents et qui ont été admis suivant les directives énoncées par la CSC dans Sattva Capital, soit le contexte des négociations collectives, les témoignages des personnes ayant participé à la négociation de la clause, la preuve concernant le fonctionnement du système de classification de l’ARC, et le fait que l’Agence observe depuis maintenant 18 ans la même politique aux fins de l’administration de la clause.

[178] J’accepte l’argumentation des parties selon laquelle, aux termes de l’article 229 de la Loi, la Commission ne peut pas modifier la convention collective conclue entre elles. Je reconnais qu’on pourrait conclure que si l’interprétation prônée par l’ARC est acceptée, cela aurait pour effet d’ajouter le mot « classified » à la version anglaise de la clause, ou encore d’ajouter l’idée qu’une personne doit « occuper » un poste MG pour toucher la prime. Cependant, on peut faire valoir que l’interprétation proposée par l’IPFPC suppose de remplacer l’expression « effectuent les tâches du groupe de gestion (MG) » par « effectuent des tâches de gestion » ou « effectuent des tâches de supervision ».

[179] Je ne modifie pas les conditions de la convention collective, me contentant d’interpréter les mots que les parties ont employés. La clause prévoit que tous les employés « qui effectuent les tâches du groupe de gestion (MG) » seront admissibles à la rémunération au rendement. J’estime que l’interprétation que l’ARC fait de ces mots n’enfreint pas la convention collective.

[180] J’ai pris note de la question rhétorique de l’IPFPC : si, comme l’a exprimé M. Cenne, l’intention subjective de l’Agence sous‑jacente à la clause était de récompenser la gestion efficace des ressources humaines, en quoi est‑il équitable que les chefs d’équipe du groupe MG touchent une prime et que les chefs d’équipe du groupe AU n’en touchent pas?

[181] Il s’agit d’une question importante, mais celle-ci n’est pas pertinente quant à mon interprétation du libellé de la convention collective. Le travail d’un arbitre de grief consiste à interpréter la convention collective en se fondant sur son libellé et sur les éléments de preuve extrinsèque pertinents eu égard aux intentions des parties, au moment où elles ont formulé le libellé de la convention, même si le résultat peut être inéquitable (voir Brown et Beatty, au paragraphe 4:21). S’il est inéquitable que Mme Mark et M. Eckler ne touchent pas de rémunération au rendement alors que leurs collègues du groupe MG en touchent une, il revient aux parties de régler cette question. Comme l’a soutenu l’IPFPC, lorsqu’on a le sentiment qu’une disposition est inéquitable envers l’une ou l’autre partie, c’est lors de la prochaine ronde de négociations qu’il convient d’en débattre. Cela a été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans Delios, au par. 36, comme suit :

[36] Cette conclusion participe de la spécialisation de l’arbitre, qui le conduit à voir que, dans toute convention collective souvent un document d’une longueur et d’une complexité extrêmes il y aura des questions laissées en suspens, des questions non résolues. La négociation collective peut être ardue, chacune des parties devant consentir à des compromis difficiles, et il y a donc toujours, dans l’accord final, un certain nombre de choses qui peuvent sembler injustes ou inéquitables pour les parties. Comme l’observait l’arbitre, il ne lui appartenait pas de modifier le libellé de la convention pour régler ces questions. En effet, celles‑ci peuvent être débattues à la prochaine ronde de négociations.

[Je mets en évidence]

 

[182] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[183] Le grief est rejeté.

Le 23 juin 2022.

Traduction de la CRTESPF

 

David Orfald,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.