Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé 21 griefs – la question dont la Commission était saisie était de savoir si l’employeur avait enfreint la clause 8.01 de la convention collective en interdisant aux fonctionnaires s’estimant lésés de prendre ou en ne leur permettant pas de prendre deux périodes de repos rémunérées de 15 minutes par jour de travail de 7,5 heures après la mise en œuvre de la convention collective de 2017 – la Commission a déterminé que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient droit à des périodes de repos rémunérées – aucune preuve n’indiquait que l’employeur avait cherché à leur refuser leurs périodes de repos rémunérées, qu’ils étaient obligés de travailler pendant ces périodes ou que l’employeur les avait contraints ou qu’il avait exercé des pressions sur eux – la preuve n’a pas démontré que l’employeur savait ou aurait dû raisonnablement savoir que les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient pendant leurs périodes de repos – la preuve a montré que l’employeur avait reconnu à plusieurs reprises le droit de prendre les périodes de repos – les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que le temps attribué dans le Système de rapports du temps par activité (SRTA) pour leur activité professionnelle principale de la journée devait être du temps productif et ne pouvait pas inclure les périodes de repos rémunérées – il est ressorti des éléments de preuve que l’employeur avait indiqué aux fonctionnaires s’estimant lésés comment rendre compte de leurs périodes de repos dans le SRTA – ils ont choisi de suivre leur propre ligne de conduite, malgré cette directive – la Commission a conclu que les questions relatives aux objectifs de production et à la façon d’enregistrer le temps dans le SRTA relevaient des droits de l’employeur et de l’article 5 de la convention collective – la Commission a indiqué que l’employeur avait ajouté un nouveau code au SRTA pour les périodes de repos et que le temps attribué à la production avait été réduit à 7 heures par jour – les deux changements relevaient de la gestion du milieu de travail et non de la convention collective – les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué qu’ils avaient été menacés de mesures disciplinaires s’ils prenaient des périodes de repos – la preuve à l’appui de la menace de mesures disciplinaires était faible et, au mieux, contradictoire et ne satisfaisait pas au fardeau de la preuve.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20220728

Dossiers: 566-02-40777 à 40782 et 42152 à 42166

 

Référence: 2022 CRTESPF 63

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Marcel Beaudoin, ELIZABETH MCKAY ANDREWS, STEVEN TUPPER, GUILLAUME WHITE-ROLLAND, ANNE-MARIE GARAND-SHERIDAN, DONALD LEFEBVRE, REESE ADENEY, THAM THI PHAM, JIM MARTYN, ALESSANDRA MEZZETTI, REBECCA GARDNER, AMY WESTGATE, ADRIAN CHITIU, SAJITH BANDARANAYAKE, JAMIE LYNN HAYAMI, JESSE MCDANIEL, HOWARD SANDLER, KRISTY HYAM, KALIE KATHERINE GOSSEN, NICOLE HARRIS ET ISABELLE GAGNÉ

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉsOR

(ministère de l’Industrie)

 

employeur

Répertorié

Beaudoin c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Joanne B. Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Christopher Olutola et Alexandra Hobson

Pour l’employeur : Philippe Giguère

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 14 au 18 mars 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Vingt et un griefs ont été déposés par Marcel Beaudoin, Elizabeth McKay Andrews, Steven Tupper, Guillaume White-Rolland, Anne‑Marie Garand-Sheridan, Donald Lefebvre, Reese Adeney, Tham Thi Pham, Jim Martyn, Alessandra Mezzetti, Rebecca Gardner, Amy Westgate, Adrian Chitiu, Sajith Bandaranayake, Jamie Lynn Hayami, Jesse McDaniel, Howard Sandler, Kristy Hyam, Kalie Katherine Gossen, Nicole Harris et Isabelle Gagné. Ils sont des employés à Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ministère de l’Industrie) à titre d’examinateurs de brevets classifiés SG-PAT-04 à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC ou l’« employeur »), un organisme de service distinct.

[2] À l’époque pertinente, leurs conditions d’emploi étaient en partie régies par une convention collective entre l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Sciences appliquées et examen des brevets qui était en vigueur le 15 mai 2017 et qui a expiré le 30 septembre 2018 (la « convention collective »).

[3] Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires ») ont allégué que l’employeur avait refusé d’accorder deux périodes de repos rémunérées de 15 minutes par jour ouvrable de 7,5 heures, conformément à la clause 8.01 de la convention collective. De plus, ils ont allégué qu’ils avaient été menacés de mesures disciplinaires s’ils prenaient les périodes de repos.

[4] L’audience a été divisée pour permettre de rendre une décision sur le fond qui devait être suivie d’une audience sur la réparation, selon l’issue de la décision.

[5] Pour les motifs qui suivent, les fonctionnaires ont le droit à des périodes de repos rémunérées. Toutefois, il n’y a pas de preuve que l’employeur a refusé de les leur fournir. Aucune audience sur la réparation n’est requise, car la preuve n’appuie pas l’affirmation des fonctionnaires selon laquelle l’employeur a refusé d’accorder deux périodes de repos rémunérées quotidiennes de 15 minutes, au besoin.

II. L’énoncé conjoint des faits

[6] La clause 8.01 de la convention collective définit la semaine de travail et la journée de travail. Elle comprend les dispositions suivantes pour les périodes de repos rémunérées pendant une journée de travail (les « périodes de repos rémunérées ») :

[…]

Deux (2) périodes de repos de quinze (15) minutes chacune seront accordées par journée normale de travail, et trois (3) périodes de repos de quinze minutes chacune pour les quarts de travail de douze (12) heures et plus, sauf dans les cas où les nécessités du service ne le permettent pas.

Two (2) rest periods of fifteen (15) minutes each shall be provided during each normal working day, and three (3) rest periods of fifteen (15) minutes each for each shift scheduled for twelve hours or more; except when operational requirements do not permit.

 

[7] Les fonctionnaires saisissent leurs activités quotidiennes dans le Système de rapports du temps par activité (« SRTA »). Les entrées dans le SRTA sont soumises à leurs superviseurs aux fins d’approbation.

[8] Le 26 mai 2017, Agnès Lajoie, alors directrice générale et commissaire adjointe aux brevets de l’OPIC, a écrit aux employés sous le titre « Points clefs sur les pauses dans la convention collective des SG-PAT », en indiquant en partie ce qui suit :

[…]

Un point qui a été soulevé est l’inclusion d’une réalité qui était déjà présente dans le milieu de travail à l’OPIC, soit l’attribution de pauses.

La gestion a déjà reçu quelques questions sur l’effet qu’aura ce texte dans le quotidien des examinateurs de brevets. La réponse est simple, le texte n’a fait que codifier une coutume, une pratique, qui était déjà en place et laquelle avait été prise en considération dans la gestion des activités et priorités des examinateurs. Donc, cette modification au texte de la convention, comparativement à la convention collective précédente, n’entraîne pas de changements dans le travail.

Je tiens aussi à mentionner que malgré que la convention collective spécifie deux pauses de 15 minutes, nous allons continuer à faire preuve de flexibilité dans la façon que les employés utilisent ces pauses selon leurs besoins et mieux-être.

J’ai confiance que notre milieu de travail professionnel et flexible répond aux besoins des employés de la direction des brevets et j’encourage un dialogue avec vos superviseurs. N’hésitez pas à communiquer avec votre chef de section ou votre directeur si vous avez des questions.

[…]

 

[9] Le 25 juillet 2017, un grief de principe a été déposé. Il alléguait que l’employeur refusait aux employés SG-PAT de l’OPIC les pauses de repos rémunérées, en contravention de la clause 8.01 de la convention collective.

[10] Le 5 juillet 2018, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a rejeté le grief au dernier palier, en ajoutant les commentaires suivants :

[Traduction]

[…]

Après examen de vos observations, je conclus qu’il n’y a pas eu violation de la convention collective. Toutefois, je suis d’accord avec le fait que, d’un point de vue pratique, une distinction pourrait être faite entre les périodes de repos et les activités de production définies par l’OPIC pour éviter une interprétation erronée de la convention collective.

[…]

 

[11] La réponse au dernier palier indiquait que les objectifs de production ne pouvaient pas faire partie d’une entente de principe puisqu’ils ne faisaient pas partie de la convention collective. Elle ajoutait également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Les administrateurs généraux ont le pouvoir de gérer leurs ressources humaines et l’établissement de ces normes de production ne fait pas partie de la convention collective. Par conséquent, cette question ne peut faire l’objet d’un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[…]

 

[12] Le grief de principe a été renvoyé à l’arbitrage et a été retiré plus tard.

[13] L’agent négociateur a choisi trois fonctionnaires pour témoigner devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), au motif que leur situation était représentative de celle des autres fonctionnaires. Ils ont soutenu que l’employeur leur avait refusé les deux périodes de repos rémunérées de 15 minutes définies à la clause 8.01 de la convention collective. Ils ont affirmé qu’aucune pratique consistant à accorder une période de repos rémunérée n’existait auparavant et qu’il s’agissait d’un nouvel avantage négocié découlant de la convention collective. De plus, ils ont allégué qu’ils étaient menacés de mesures disciplinaires pour avoir tenté de donner effet au nouvel avantage.

III. Résumé de la preuve

[14] Trois témoins, Donald Lefebvre (« fonctionnaire 1 »), Anne‑Marie Garand‑Sheridan (« fonctionnaire 2 ») et Guillaume White-Rolland (« fonctionnaire 3 »), ont témoigné au nom des fonctionnaires et ont fait part de leur expérience lorsqu’ils ont tenté d’appliquer la clause 8.01 de la convention collective.

A. Fonctionnaire 1

[15] Le fonctionnaire 1 a témoigné qu’il était examinateur de brevets depuis 21 ans. Il fait du télétravail à sa résidence depuis 2008, d’abord sur un projet pilote, puis de manière permanente à partir de 2010. Il n’exécute pas son travail dans un lieu de travail de l’OPIC. Bien que ses heures de travail soient flexibles, il doit être présent pendant les heures de base. Ses fonctions sont basées sur des objectifs de production établis dans son évaluation annuelle du rendement.

[16] Le fonctionnaire 1 a témoigné que les examinateurs de brevets enregistrent leur temps dans le SRTA. Il le considère comme un outil qui enregistre chaque minute qu’il passe à effectuer des examens de brevets. Son évaluation du rendement découle de ses entrées dans le SRTA et du fait de savoir si elles montrent qu’il a atteint ses objectifs de production. L’octroi de privilèges aux employés, comme le travail à domicile, la participation à une formation ou la participation à des conférences, est influencé par l’atteinte de leurs objectifs de production.

[17] Selon le fonctionnaire 1, étant donné que les objectifs de production étaient fondés sur 7,5 heures de temps productif par jour et ne tenaient pas compte des périodes de repos rémunérées, il y avait un risque que les employés ne puissent pas atteindre leurs objectifs de production s’ils prenaient les périodes de repos rémunérées. Il estimait que les employés pouvaient être motivés à tort à travailler pendant leurs périodes de repos rémunérées, ce qui était à l’origine de son grief.

[18] Le fonctionnaire 1 était d’accord avec le fait qu’il atteignait ou dépassait constamment ses objectifs de production, avant et après la mise en œuvre de la convention collective.

[19] Le fonctionnaire 1 a fait référence au courriel de Mme Lajoie du 26 mai 2017. Il a nié que les périodes de repos rémunérées faisaient partie de la réalité de la culture de l’OPIC avant la nouvelle convention collective, mais il a reconnu la souplesse à laquelle Mme Lajoie faisait référence.

[20] Le fonctionnaire 1 a témoigné qu’après la mise en œuvre de la convention collective et avant l’ajout d’un nouveau code, il a décidé de consigner les périodes de repos rémunérées dans le SRTA en utilisant le code C999. En réponse, sa cheffe de section, Tara Derickx, lui a envoyé ce courriel le 21 août 2017 :

[…]

Suite à nos paroles ce matin, le temps enregistré dans ATRS sous le code « C999 : other miscellaneous » pour les pauses est refusé. Comme indiqué précédemment, la pratique consistant à prendre des pauses dans les 7,5 heures de travail (ou selon un arrangement de travail flexible) et, par conséquent le temps rapporté dans ATRS n’a pas changé. Tout le temps consacré à des activités … du système, telles que les pauses pour les activités personnelles, est absorbé dans l’activité principale de la journée, et le nombre total d’heures déclarées pour une semaine doit être de 37,5 heures (ou selon un arrangement de travail flexible).

[…]

 

[21] Le fonctionnaire 1 a déclaré qu’il avait réagi au courriel en disant qu’il devait [traduction] « obéir ». La cheffe de section ne lui ait pas dit qu’il ne pouvait pas prendre les périodes de repos rémunérées, mais, à son avis, s’il ne pouvait pas utiliser le code C999 et qu’il devait utiliser l’activité principale, alors, selon lui, les périodes de repos rémunérées étaient refusées. Il n’avait pas d’autre choix que de travailler 7,5 heures, sans aucune période de repos rémunérée.

[22] Il n’a pas cherché à obtenir des éclaircissements sur sa compréhension.

[23] Le fonctionnaire 1 a témoigné qu’il a continué à travailler pendant ses périodes de repos rémunérées. Il estimait que s’il prenait une pause, il devrait indemniser l’employeur pour cette période. Toutefois, il a émis l’opinion selon laquelle il travaillait 7,5 heures par jour sans aucune période de repos rémunérée, parce que ses périodes de repos rémunérées étaient refusées.

[24] Par conséquent, il a estimé qu’il travaillait en fait 0,5 heure supplémentaire par jour et qu’il devait être indemnisé pour cela. Il a déclaré qu’en général, les heures supplémentaires étaient préautorisées et qu’elles servaient à éliminer les retards de travail. Le fonctionnaire 1 était d’accord avec le fait qu’il n’avait jamais demandé ou obtenu l’autorisation de faire des heures supplémentaires.

[25] Dans son grief, le fonctionnaire 1 a mentionné avoir reçu des menaces de mesures disciplinaires de la part de sa cheffe de section. Il a déclaré qu’il estimait qu’on l’avait menacé de conséquences s’il n’obéissait pas à la directive du 21 août 2017 ou s’il continuait à enregistrer ses périodes de repos rémunérées dans le SRTA sous le code C999. Une mesure disciplinaire aurait pu mettre en péril ses privilèges de travailler à domicile, de suivre une formation et de participer à des conférences.

[26] Le fonctionnaire 1 a également fait référence au grief de principe concernant les périodes de repos rémunérées qui a suivi la mise en œuvre de la convention collective. Selon lui, l’OPIC et l’agent négociateur ont alors entamé une négociation à laquelle lui et d’autres ont participé. À la conclusion, les parties ont convenu d’ajouter un nouveau code de temps pour les périodes de repos rémunérées au SRTA et d’ajuster les objectifs de production pour tenir compte de 7 heures de temps productif par jour de travail de 7,5 heures.

[27] Les périodes de repos rémunérées ont également été mentionnées dans un communiqué envoyé aux employés le 8 septembre 2017, qui réitérait l’engagement de la direction de l’OPIC de respecter la convention collective. Il a déclaré que l’offre de périodes de repos rémunérées pendant la journée de travail de 7,5 heures était une pratique de longue date.

[28] Le fonctionnaire 1, tout comme les fonctionnaires 2 et 3, a nié qu’il existait depuis longtemps une pratique consistant à prendre des périodes de repos rémunérées. Il a témoigné qu’avant la convention collective, personne ne lui avait dit qu’il pouvait avoir une pause rémunérée.

[29] La cheffe de section du fonctionnaire 1 a témoigné qu’elle supervisait de 11 à 13 employés, qui travaillaient tous pour atteindre les objectifs de production établis.

[30] Les examinateurs de brevets consignaient leur temps en le codant dans le SRTA. Elle l’approuvait. Les employés sont des professionnels et le milieu de travail était flexible. Ils effectuaient leur travail et prenaient des pauses comme ils le souhaitaient. Elle ne surveillait pas les heures de pause et ignorait que le fonctionnaire 1 travaillait pendant ses périodes de repos rémunérées.

[31] La cheffe de section a témoigné qu’après la mise en œuvre de la convention collective de 2017, certains employés ont commencé à consigner seulement sept heures par jour dans le SRTA, pour refléter le temps qu’ils consacraient réellement à la production. Elle s’est rappelée que le fonctionnaire 1 inscrivait également 0,5 heure par jour sous le code C999.

[32] La cheffe de section a témoigné que la convention collective de 2017 stipule positivement que les employés ont droit à deux périodes de repos rémunérées par jour. Dans le courriel du 21 août 2017, la cheffe de section a clairement indiqué qu’elle avait rejeté les demandes du fonctionnaire 1 pour le temps attribué au code C999 du SRTA et qu’elle lui avait ordonné d’inclure le temps de ses périodes de repos rémunérées dans le code de son activité principale pour la journée. En contre‑interrogatoire, on lui a demandé s’il y avait une possibilité que le fonctionnaire 1 s’expose à des conséquences négatives comme une mesure disciplinaire s’il désobéissait. Elle a répondu qu’il en avait été discuté. Le fait de suggérer que cela se terminerait par une mesure disciplinaire était [traduction] « un peu dur ».

[33] La cheffe de section a témoigné que lorsqu’un examinateur de brevets se situe considérablement en deçà des objectifs de production ou que la baisse se maintenait, la première étape était d’appeler l’employé et de lui demander comment elle pouvait aider. Toutefois, en général, les examinateurs de brevets atteignaient leurs objectifs de production.

B. Fonctionnaire 2

[34] La fonctionnaire 2 a témoigné qu’elle a commencé à travailler à l’OPIC à titre d’examinatrice de brevets en 2010. Elle a raconté sa formation et son expérience de stage avant de devenir examinatrice de brevets pleinement qualifiée. Elle a fait référence à l’exigence d’atteindre les objectifs de production.

[35] La fonctionnaire 2 a témoigné que les conférences et autres privilèges, y compris la promotion, étaient fondés sur l’atteinte des objectifs de production. Lorsque sa productivité a baissé, son chef de section, André Martin, parlait avec elle afin de l’améliorer. Elle a fourni des exemples de 2014, lorsque son chef de section a suggéré de se concentrer sur les demandes modifiées pour améliorer sa productivité à ce jour, qui baissait. En 2015, il lui a conseillé de s’assurer d’enregistrer le temps non consacré à la production lorsqu’elle était sur un autre projet.

[36] La fonctionnaire 2 a témoigné qu’elle avait eu connaissance du droit à des périodes de repos rémunérées au moment de la mise en œuvre de la convention collective. Elle savait que le SRTA enregistrait tout le temps d’un examinateur. Lorsqu’elle a commencé à prendre les périodes de repos, elle les comptabilisait séparément dans le SRTA. Avant cela, elle avait clairement compris qu’elle devait rendre compte de 7,5 heures de travail par jour.

[37] En avril 2017, son chef de section a tenu une réunion de section. La fonctionnaire 2 a compris que son message aux employés signifiait que la direction refuserait les périodes de repos rémunérées. Comme la fonctionnaire 2 estimait néanmoins que la convention collective l’autorisait à prendre des périodes de repos rémunérées, elle a décidé de consigner le temps dans le SRTA pour ne tenir compte que de sept heures par jour de temps de travail.

[38] Selon la fonctionnaire 2, le chef de section est alors venu la voir et lui a dit que le fait de ne pas avoir enregistré 7,5 heures par jour dans le SRTA était un acte d’insubordination. Elle a refusé de modifier ses entrées jusqu’à ce qu’elle reçoive une directive écrite de sa part.

[39] Le 6 juillet 2017, le chef de section a écrit à la fonctionnaire 2 pour confirmer que les périodes de repos rémunérées devaient être absorbées dans l’activité principale codée dans le SRTA pour une journée donnée. Le total des heures enregistrées dans le SRTA devait être de 37,5 heures par semaine.

[40] Le 7 juillet 2017, la fonctionnaire 2 a demandé des éclaircissements au chef de section. Elle a demandé un ordre explicite de se conformer et a indiqué que l’absorption des périodes de repos nuirait à l’accomplissement de ses activités de travail.

[41] Le 12 juillet 2017, le chef de section a confirmé que le courriel du 6 juillet 2017 constituait un ordre.

[42] La fonctionnaire 2 a reconnu que sa productivité avait baissé lorsqu’elle prenait des périodes de repos rémunérées. Elle a calculé que jusqu’à juillet 2017, elle avait pris 17,75 heures de pause et a décidé de travailler ce nombre d’heures pour rattraper ce temps et rétablir sa productivité.

[43] Par la suite, la fonctionnaire 2 a travaillé pendant les périodes de repos rémunérées pour maintenir sa production. Les entrées dans le SRTA montrent qu’elle a inscrit ses périodes de repos rémunérées dans le SRTA avec la mention [traduction] « au lieu des périodes de repos ». Elle estimait que le chef de section aurait dû comprendre que cela signifiait qu’elle travaillait et ne se reposait pas pendant ce temps.

[44] De plus, la fonctionnaire 2 estimait qu’en l’obligeant à intégrer les périodes de repos rémunérées dans son code pour le travail de production, elle était responsable de produire du travail pendant cette période. Sinon, elle estimait qu’elle déformerait son activité en prenant une pause au cours d’une période inscrite sous un code pour le travail de production.

[45] La fonctionnaire 2 a recommencé à prendre des périodes de repos rémunérées seulement après la décision du grief de principe, lorsqu’elle a compris que l’OPIC avait pour instruction de créer un code du SRTA pour distinguer les périodes de repos des heures de travail de production.

[46] La fonctionnaire 2 croit maintenant qu’elle devrait recevoir une rémunération pour les heures supplémentaires pour chaque fois qu’elle a travaillé pendant une période de repos rémunérée. Elle n’a jamais demandé d’heures supplémentaires pour tenir compte des périodes de repos rémunérées. Elle a convenu qu’habituellement, les cadres supérieurs déterminaient à l’avance la nécessité de faire des heures supplémentaires et qu’en général, on s’en servait pour éliminer les retards de travail.

[47] Le chef de section de la fonctionnaire 2 a témoigné qu’il la supervisait depuis 2010. À titre de chef de section, ses fonctions comprennent la gestion des employés et l’approbation de leurs entrées dans le SRTA. Il a expliqué que le SRTA comptabilise le temps consacré par un examinateur de brevets.

[48] Le chef de section a expliqué qu’avant la mise en œuvre du nouveau code du SRTA en 2018, les périodes de repos rémunérées étaient incluses dans l’activité principale de la journée. Les employés n’ont pas reçu de code distinct aux fins du SRTA.

[49] Le chef de section s’est rappelé une réunion [traduction] « animée » avec les employés en mai 2017, lorsqu’il a été question de la nouvelle convention collective et des périodes de repos rémunérées. Il a témoigné qu’il n’avait pas toutes les réponses à ce moment-là. Cependant, il se souvenait d’avoir dit au personnel de continuer à prendre des pauses comme avant.

[50] Le chef de section s’est souvenu que la fonctionnaire 2 avait alors commencé à consigner seulement sept heures de travail par jour. Dans son courriel du 6 juillet 2017, il lui a rappelé que la pratique de l’enregistrement de 7,5 heures par jour dans le SRTA n’avait pas changé. Chaque jour devait refléter 7,5 heures, et chaque semaine devait refléter un total de 37,5 heures. Les périodes de repos rémunérées étaient absorbées dans l’activité principale de la journée. Le chef de section a fait remarquer que, bien qu’il ait ordonné à la fonctionnaire 2 d’enregistrer ses heures de cette façon, il n’a jamais parlé d’insubordination.

[51] La fonctionnaire 2 a alors commencé à enregistrer son temps dans le SRTA pour inclure 0,5 heure par jour dans son activité principale, avec la mention [traduction] « au lieu des périodes de repos ». Le chef de section a pensé qu’il s’agissait d’une façon étrange d’entrer des pauses, mais que c’était acceptable. Il croyait que cela indiquait que la fonctionnaire 2 prenait les périodes de repos rémunérées auxquelles elle avait droit. Il s’est souvenu de l’avoir observée au travail en train de discuter avec des amis, de prendre de l’eau ou de lui parler de leurs activités récréatives. Cela l’a mené à croire que la fonctionnaire 2 prenait des pauses.

[52] Le chef de section a témoigné des mesures qu’il prendrait lorsqu’un employé n’atteignait pas les objectifs de production. Une conversation informelle aurait lieu afin de discuter de l’endroit où le temps est consacré aux activités de travail et de la façon dont il l’est. Par exemple, un examinateur de brevets pourrait passer trop de temps à chercher ou ne plus avoir un bon jugement en ce qui concerne les mesures à prendre. Au cours de leur discussion, ils pouvaient élaborer un plan et le chef de section effectuerait plus tard un suivi auprès de l’employé. À titre d’exemple d’une stratégie visant à améliorer la production, il a témoigné que les examinateurs de brevets ont toujours des cas plus faciles à traiter rapidement, pour les remettre sur la bonne voie.

[53] Le chef de section ne s’est pas expressément souvenu d’une telle conversation avec la fonctionnaire 2, mais il a ajouté qu’il aurait eu une telle conversation avec un examinateur de brevets qui n’atteignait pas ses objectifs de production. Il était d’accord avec le fait que si elle avait pris du retard, il aurait fort bien pu lui dire de prendre les mesures nécessaires pour aligner sa production sur ses objectifs de production.

[54] Le chef de section a témoigné qu’il ignorait que la fonctionnaire 2 avait travaillé 17,75 heures pour mettre sa production à niveau et pour compenser les périodes de repos rémunérées qu’elle avait prises.

[55] Le chef de section s’est souvenu qu’en 2017 et 2018, tous les membres de son équipe avaient atteint leurs objectifs. Dans l’évaluation du rendement de la fonctionnaire 2 de 2017-2018, le chef de section l’a félicitée d’avoir atteint ses objectifs de production après avoir pris du retard.

[56] En ce qui a trait aux heures supplémentaires, le chef de section a déclaré qu’elles étaient utilisées pour traiter un arriéré ou pour s’assurer que l’OPIC respectait ses normes de service. Quoi qu’il en soit, il fallait l’approuver au préalable au niveau du directeur. Aucune heure supplémentaire n’était accordée pour aider un examinateur de brevets à atteindre ses objectifs de production.

C. Fonctionnaire 3

[57] Le fonctionnaire 3 est examinateur principal en brevets à la division de chimie de l’OPIC. Il a parlé des objectifs de production, de la normalisation croissante du processus de brevet et du fardeau administratif du travail qu’il effectuait. Il a témoigné qu’avant la mise en œuvre de la convention collective, les périodes de repos rémunérées n’existaient pas dans son milieu de travail.

[58] Après sa mise en œuvre, le fonctionnaire 3 a réduit son temps de production enregistré de 7,5 heures par jour à 7 heures.

[59] Le 5 juillet 2017, il a reçu des instructions de sa cheffe de section, Isabelle Robert, sur la façon de consigner le temps dans le SRTA. Elle a écrit ceci :

[…]

Depuis le 5 juin, le temps que tu entres dans ATRS [sic] pour tes journées de travail est égal à seulement 7,0 heures/jour. Ce temps devrait être égal à tes heures de travail, c’est-à-dire 7,5 heures par jour. STP fait [sic] les corrections nécessaires.

[…]

 

[60] Lorsque le fonctionnaire 3 s’est renseigné davantage et a insisté sur le fait que les périodes de repos rémunérées ne faisaient pas partie de son travail, sa cheffe de section a réitéré que le temps de repos rémunéré devrait être absorbé dans l’enregistrement de l’activité principale pour la journée dans le SRTA, de sorte que le temps enregistré était de 7,5 heures par jour ou de 37,5 heures par semaine.

[61] Le fonctionnaire 3 a alors modifié le dossier du SRTA en ajoutant une inscription distincte pour les périodes de repos rémunérées, codée pour correspondre à son activité principale. Il croyait que la cheffe de section devait comprendre que cela signifiait qu’il travaillait pendant les pauses.

[62] Le fonctionnaire 3 estimait qu’à cause des objectifs de production, il était mathématiquement impossible pour lui de prendre des périodes de repos. Il devait faire 7,5 heures de temps de production par jour, en fonction du temps nécessaire pour mener à bien une mesure déterminée.

[63] Il a expliqué que si un examinateur de brevets ne parvient pas à atteindre les objectifs de production, il ne peut pas recevoir d’heures supplémentaires, de formation ou de travail de projet. Un superviseur viendrait alors discuter avec l’examinateur afin qu’il s’améliore et atteigne l’objectif de production.

[64] Par conséquent, selon le fonctionnaire 3, étant donné qu’il devait atteindre les objectifs de production, il avait besoin de 7,5 heures par jour et il n’avait pas été en mesure de prendre une période de repos. Il s’est réjoui de la création d’un code distinct pour les périodes de repos rémunérées et de l’exclusion du temps de production de ce temps dans le SRTA.

[65] Il croit maintenant qu’il devrait recevoir une rémunération pour les heures supplémentaires afin de tenir compte des périodes de repos rémunérées qu’il a travaillées avant de recevoir le code du SRTA. Il a reconnu qu’il n’avait pas demandé d’heures supplémentaires à l’époque.

[66] La cheffe de section a témoigné qu’elle a supervisé le fonctionnaire 3 à compter du moment de son embauche.

[67] La cheffe de section a décrit le SRTA comme un outil permettant de suivre le temps et de coder, par exemple, le travail de production, les projets, la formation ou les congés annuels. Elle a témoigné que chaque fois qu’un code précis n’est pas indiqué, il est inscrit dans l’activité principale de la journée.

[68] La cheffe de section était d’accord avec le fait que des objectifs de production étaient fixés pour chaque examinateur de brevets. Selon son expérience, la grande majorité des examinateurs de brevets atteignaient ces objectifs. Un examinateur de brevets pourrait demander un délai supplémentaire s’il y a lieu afin de terminer un dossier complexe. Si un examinateur de brevets était en retard, elle aurait peut-être discuté des méthodes permettant de gagner du temps, comme l’ajustement du temps consacré à des activités précises comme la recherche et l’utilisation de raccourcis. Dans certains cas, elle renvoyait les employés au Programme d’aide aux employés pour obtenir de l’aide avec leurs problèmes personnels.

[69] La cheffe de section a témoigné qu’après la mise en œuvre de la convention collective, les employés ont commencé à consigner leurs périodes de repos rémunérées dans le SRTA de plusieurs façons différentes.

[70] Elle s’est souvenu que le fonctionnaire 3 n’avait commencé à consigner que sept heures par jour, et il l’a justifié en expliquant que l’employeur avait utilisé le SRTA pour mieux comprendre les coûts de travail. Il ne voulait pas corriger son temps à 7,5 heures par jour. Elle lui a confirmé qu’un examinateur de brevets devait consigner 7,5 heures par jour dans le SRTA. Elle lui a rappelé que, tout comme tous les congés payés étaient consignés, les périodes de repos rémunérées devraient être incluses.

[71] Selon le dossier du SRTA, le fonctionnaire 3 a ensuite commencé à consigner son travail d’examen de brevet en deux parties par jour, généralement sept heures pour sa principale activité d’examen de brevet et 0,5 heures en utilisant le même code, mais avec la mention [traduction] « période de repos ».

[72] La cheffe de section a témoigné qu’elle avait trouvé les inscriptions déroutantes. Elle en a discuté avec son gestionnaire, et ils ont déterminé que les inscriptions seraient approuvées comme elles ont été saisies, car elles satisfaisaient aux exigences quotidiennes de 7,5 heures.

[73] La cheffe de section a nié avoir dit au fonctionnaire 3 ou à tout employé de ne pas prendre de période de repos rémunérée. Si elle avait appris qu’un employé ou une employée travaillait pendant des pauses ou compensait le temps alloué aux périodes de repos rémunérées, elle aurait demandé à l’employé ou à l’employée de cesser de le faire et de prendre les pauses.

[74] En contre-interrogatoire, la cheffe de section était d’accord avec le fait que le fonctionnaire 3 avait conclu un arrangement de télétravail avec l’OPIC et que l’une des conditions de son maintien était d’atteindre ses objectifs de production. Si un examinateur de brevets n’atteint pas les objectifs de production pendant plusieurs mois, ils auraient alors une discussion informelle, détermineraient les raisons et élaboreraient un plan d’amélioration.

[75] En ce qui a trait aux heures supplémentaires, la cheffe de section était d’accord avec le fait que les heures supplémentaires étaient utilisées pour produire davantage, par exemple pour régler un arriéré, et non pour atteindre les objectifs de production réguliers. Pour que les examinateurs de brevets soient sélectionnés pour faire des heures supplémentaires, ils devaient d’abord démontrer qu’ils atteignaient leurs objectifs de production. Des heures supplémentaires survenaient tous les deux ou trois ans. Elle a ajouté qu’au moment pertinent, aucun travail supplémentaire n’avait été attribué à la section.

D. Virginie Ethier

[76] Mme Ethier est la commissaire adjointe et directrice générale des brevets (la « CA ») de l’OPIC.

[77] La CA a témoigné que, le 19 décembre 2018, après que le grief de principe a été rejeté et après avoir consulté la direction et l’agent négociateur, elle a envoyé un courriel à tous les employés, indiquant en partie ce qui suit :

Traduction

[…]

[…] Étant donné qu’il n’y a pas de consensus au sein de la communauté d’examen en ce qui concerne l’accès historique aux pauses rémunérées, on a cherché à trouver un compromis pour clarifier la situation et aller de l’avant avec une résolution claire afin d’atténuer la possibilité d’un nouveau différend.

Dans le cadre d’un dialogue respectueux, il a été déterminé qu’un nouveau code du SRTA sera créé pour entrer les deux périodes de repos de 15 minutes. À l’avenir, la journée de travail de production sera de 7,0 heures et, conformément à la convention collective, la journée de travail rémunérée sera de 7,5 heures. Par conséquent, les périodes de repos (2 x 15 minutes) de chaque journée de travail complète sont exclues du temps de production d’examen ou de classification. Par conséquent, les objectifs de production seront ajustés pour extraire seulement les 7,0 heures de production au lieu des 7,5 heures actuelles […]

[…]

 

[78] La CA a déclaré que même si le résultat du grief de principe ne faisait état d’aucune violation de la convention collective, l’intention du courriel était de réduire la tension et de mettre en œuvre la suggestion du décideur de distinguer les périodes de repos du temps de production dans le SRTA. Les objectifs de production ont également été ajustés, à compter du 1er janvier 2019.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

[79] Selon les fonctionnaires, il s’agit simplement de déterminer si l’employeur a violé la clause de la convention collective en cause en refusant de fournir aux employés deux périodes de repos de 15 minutes payées et si ces employés devraient être indemnisés lorsqu’ils ont travaillé pendant ces pauses.

[80] Le libellé de la convention collective imposait à l’employeur une obligation claire et positive d’accorder des périodes de repos rémunérées, mais par son message, l’employeur a refusé indirectement aux employés ce droit. Des pauses pouvaient être prises, mais l’on s’attendait toujours à ce qu’un employé atteigne les objectifs de production en se fondant sur 7,5 heures de temps de production par jour. Les employés sont demeurés responsables d’un certain nombre de mesures fondées sur leur temps de production enregistré dans un environnement axé sur la production. Essentiellement, en respectant les objectifs de production établis, l’employeur a implicitement ignoré le droit aux périodes de repos rémunérées et n’a pas découragé les employés qui ne les ont pas prises. En fait, il a miné la convention collective.

[81] Par conséquent, les employés qui n’ont pas pris de périodes de repos rémunérées ont injustement enrichi l’employeur.

[82] L’employeur n’a pas pris de mesures raisonnables pour assurer la protection du temps alloué aux périodes de repos rémunérées; ce n’est que lorsqu’il a fourni un code de SRTA distinct pour ces périodes qu’il l’a fait.

B. Pour l’employeur

[83] La principale question dont la Commission est saisie est de savoir si l’employeur a violé les droits des employés en vertu de la clause 8.01 de la convention collective en leur refusant leurs périodes de repos rémunérées. L’employeur n’a pas nié l’existence du droit et n’a pas interdit aux fonctionnaires de prendre ces pauses.

[84] La création d’un code distinct dans le SRTA pour tenir compte des périodes de repos payées et établir des objectifs de production demeure des droits de gestion qui ne sont pas visés par ces griefs.

[85] L’employeur n’avait aucune obligation positive de surveiller les employés pour s’assurer qu’ils avaient pris leurs pauses. Les employés sont des professionnels, et ils avaient la souplesse de choisir quand prendre leurs pauses. S’il avait été l’intention des parties de créer une obligation positive pour l’employeur, la convention collective aurait alors dit que l’employeur [traduction] « doit s’assurer que » des pauses de repos rémunérées sont prises plutôt que d’exiger que des pauses de repos payées « seront accordées ».

[86] L’employeur n’a pas demandé aux employés de ne pas prendre de pause, et aucune preuve convaincante n’a été présentée pour suggérer qu’il l’a fait. Il a plutôt dit aux employés comment rendre compte de leurs périodes de repos payées dans le SRTA. Les employés n’ont pas été contraints de travailler pendant leurs pauses.

V. Motifs

[87] La Commission doit déterminer si l’employeur a enfreint la clause 8.01 de la convention collective en interdisant aux employés de prendre ou en ne leur permettant pas de prendre deux périodes de repos rémunérées de 15 minutes par jour de travail de 7,5 heures.

[88] Les fonctionnaires ont également présenté à la Commission des questions sur les objectifs de production et la façon d’enregistrer le temps dans le SRTA. Toutefois, ces questions relèvent des droits de gestion et de l’article 5 de la convention collective, qui stipule ce qui suit : « L’Institut reconnaît que l’employeur retient les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier n’a pas, d’une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention. » Ces questions n’ont pas été expressément abordées ailleurs dans la convention collective. Par conséquent, l’article 5 s’applique.

[89] La présente affaire ne porte pas non plus sur la culture de l’OPIC avant la mise en œuvre de la convention collective de 2017. Il est clair que les parties ont des opinions divergentes quant à savoir si des périodes de repos rémunérées étaient intégrées à la journée de travail avant la mise en œuvre de la convention collective. Des conventions collectives antérieures ont été produites. Elles ne mentionnent pas les pauses de repos rémunérées. Certains documents de formation destinés aux examinateurs de brevets les mentionnent. Quoi qu’il en soit, il semble qu’il y ait eu des compréhensions différentes quant à l’existence ou non d’un droit à des périodes de pause rémunérées avant la mise en œuvre de la convention collective de 2017.

[90] Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de s’attarder sur ces documents pour trancher la question dont je suis saisie. Ils ne portent pas sur la question de savoir si l’employeur a refusé des périodes de pause rémunérées après l’entrée en vigueur de la convention collective le 15 mai 2017. Tous les griefs ont été déposés par les fonctionnaires en août 2017 en référence à des actes du 15 mai 2017 et en cours. Par conséquent, je n’ai pas répété cette preuve dans la présente décision.

[91] Le sujet de litige est la disponibilité de pauses de repos rémunérées après la mise en œuvre de la convention collective de 2017 et, dans une certaine mesure, l’opinion des fonctionnaires selon laquelle le temps attribué dans le SRTA à leur principale activité de travail doit être du temps de production et ne peut pas comprendre de périodes de repos rémunérées.

[92] Selon les fonctionnaires, l’enregistrement des pauses de repos rémunérées en les absorbant dans leur activité principale du SRTA signifiait qu’ils devaient rendre compte de la production pendant les 7,5 heures consignées, sans aucune pause de repos rémunérée. Ils ont laissé entendre que, tel qu’il est énoncé dans Blue Line Taxi Co. v. R.W.D.S.U., 1992 CarswellOnt 1237, au par. 25, l’employeur a miné les dispositions de la clause 8.01 de la convention collective en donnant cette directive.

[93] Ce point de vue est juxtaposé au fait que l’employeur dit constamment aux employés d’absorber le temps consacré aux pauses de repos rémunérées dans le code du SRTA pour leur activité principale. Aucune preuve n’indique directement ou indirectement que l’employeur a cherché à refuser aux employés leur droit contractuel à des périodes de repos rémunérées ou qu’il était au courant d’un employé qui travaillait pendant des périodes de repos rémunérées. La directive donnée par l’employeur à l’égard des employés portait exclusivement sur les entrées du SRTA qui devaient être égales à 7,5 heures par jour et à 37,5 heures par semaine.

[94] À aucun moment l’employeur n’a insisté pour que, quelle que soit la convention collective, les employés rendent compte de 7,5 heures de temps de production par jour.

[95] Le droit d’un employé à des périodes de repos rémunérées a été reconnu dès le courriel envoyé par Mme Lajoie aux employés le 26 mai 2017. On a demandé aux employés de consulter leurs chefs de section s’ils avaient des questions.

[96] Le fonctionnaire 1, qui a reconnu qu’il avait toujours atteint ou dépassé ses objectifs de production, a affirmé que sa cheffe de section avait refusé ses périodes de repos rémunérées parce qu’elle avait rejeté le code du SRTA qu’il avait choisi pour celles-ci.

[97] Les mots employés par la cheffe de section du fonctionnaire 1 ne confirment pas l’interprétation qu’il leur a donnée. Une lecture attentive de son courriel du 21 août 2017 montre qu’elle a refusé d’accepter le code du SRTA qu’il a utilisé et qu’elle l’a dirigé vers le bon code. Elle lui a dit d’inclure le temps alloué aux pauses dans son activité principale pour la journée.

[98] Après avoir examiné la preuve, je conclus qu’à aucun moment la cheffe de section du fonctionnaire 1 ne lui a refusé implicitement ou explicitement son droit à des périodes de repos rémunérées ou menacé de prendre des mesures disciplinaires en refusant d’accepter le code du SRTA utilisé.

[99] Après la mise en œuvre de la convention collective, la fonctionnaire 2 a commencé à enregistrer seulement sept heures par jour, ou 35 heures par semaine, dans le SRTA. Son chef de section lui a parlé et lui a demandé de s’assurer de consigner 7,5 heures par jour, ou 37,5 heures par semaine, dans l’activité principale.

[100] La fonctionnaire 2 se sentait incapable d’atteindre ses objectifs de production si 0,5 heure de repos rémunérée était incluse dans les 7,5 heures attribuées quotidiennement à l’activité principale. Elle a témoigné qu’elle avait décidé de rattraper le temps de pause qu’elle avait pris avant de recevoir la directive. Elle a également travaillé pendant ses périodes de repos rémunérées à partir de ce moment. Elle estimait qu’en inscrivant [traduction] « au lieu de périodes de repos » pour 0,5 heure par jour dans le SRTA, elle devait avoir avisé l’employeur qu’elle ne prenait plus les pauses.

[101] Aucune preuve n’indique que la fonctionnaire 2 a parlé à son chef de section de son incapacité à atteindre ses objectifs de production ou qu’elle a demandé des conseils pour les atteindre et surmonter les obstacles qu’elle aurait pu rencontrer. Il n’y a pas non plus de preuve selon laquelle l’employeur a suggéré ou encouragé de travailler pendant des périodes de repos rémunérées pour maintenir la production.

[102] Je ne peux pas accepter que le contenu de la mention dans le SRTA laisse raisonnablement entendre que la fonctionnaire 2 n’a pas pris les pauses auxquelles elle avait droit. La phrase est, au mieux, équivoque. Il est clair qu’elle ne signale pas à l’employeur qu’un employé évite les périodes de repos rémunérées en faveur du travail.

[103] De même, le fonctionnaire 3 a commencé à consigner sept heures par jour après la mise en œuvre de la convention collective, jusqu’à ce qu’on lui ordonne d’agir autrement. Puis il a ajouté une entrée distincte dans le SRTA pour son activité principale, notant une [traduction] « période de repos » de 0,5 heure par jour.

[104] Une interprétation raisonnable de cette inscription est que le fonctionnaire 3 a pris 0,5 heure de pause de repos rémunérée pendant sa journée de travail. En aucun cas la mention ne justifie son affirmation selon laquelle l’employeur aurait dû savoir qu’il travaillait plutôt que de se reposer pendant ce temps.

[105] Les fonctionnaires ont fait référence à la décision de la Saskatchewan Labor Arbitrage Board dans Five Hills Health Region v. Health Sciences Association of Saskatchewan, [2016] S.L.A.A. No 17 ((QL); « Five Hills »). Dans ce cas, en raison de changements opérationnels, les employés n’avaient plus assez de temps pour remplir leurs fonctions au cours de la journée normale de travail. Par conséquent, ils travaillaient pendant des pauses rémunérées, des pauses repas et après des heures de travail pour accomplir leurs tâches requises. Ils ont réclamé des heures supplémentaires pour les heures travaillées de plus. Dans ce cas, l’employeur n’avait pas contesté les heures supplémentaires travaillées et avait observé des employés qui travaillaient pendant des pauses et après les heures, mais il s’était appuyé sur l’absence d’une autorisation préalable pour les heures supplémentaires pour défendre les réclamations. Les griefs ont été accueillis.

[106] Les faits dans le présent cas sont différents de ceux dans Five Hills. Rien n’indique que l’employeur ait délibérément ignoré ou fermé les yeux sur la question des périodes de repos rémunérées et sur la question de savoir si elles étaient prises. La preuve ne laisse pas entendre qu’il savait ou aurait dû raisonnablement savoir que les employés travaillaient pendant leurs pauses. En fait, la prépondérance de la preuve a montré que l’employeur a reconnu à plusieurs reprises le droit de prendre les pauses et qu’il a dit aux employés comment les comptabiliser dans le SRTA. Les fonctionnaires ont choisi de prendre leur propre initiative, malgré les directives de l’employeur. Sur ces faits, je ne crois pas que Five Hills s’applique.

[107] Selon la clause 2.01 de la convention collective, « heures supplémentaires » signifie « […] tout travail demandé par l’employeur et exécuté par un employé en excédent de son horaire de travail quotidien […] ». J’ai examiné attentivement la preuve afin de trouver une suggestion selon laquelle les employés étaient tenus de travailler pendant leurs pauses de repos rémunérées ou une preuve selon laquelle l’employeur les avait contraints ou qu’il avait exercé des pressions sur eux. Je n’ai trouvé aucune preuve de ce genre.

[108] Les fonctionnaires ont parlé de menaces de mesure disciplinaire ou d’insubordination s’ils ne se conformaient pas à la directive, mais la preuve à l’appui était faible et, au mieux, contradictoire. Elle ne satisfaisait pas au fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

[109] Dans le cas du fonctionnaire 1, toute discorde portait simplement sur le codage du temps de pause dans le SRTA et non sur le refus du droit à des pauses rémunérées. Il a estimé qu’il pouvait s’exposer à des mesures disciplinaires, mais son témoignage n’était pas convaincant et ne satisfaisait pas au fardeau de la preuve. Par conséquent, je rejette l’idée selon laquelle il s’exposait à des mesures disciplinaires s’il prenait des périodes de repos rémunérées.

[110] La fonctionnaire 2 se rappelle avoir été menacée par une discussion d’insubordination avec son chef de section, mais celui-ci n’a aucun souvenir d’une telle conversation.

[111] La preuve démontre que la directive donnée à la fonctionnaire 2 était de coder le temps de pause avec sa principale activité quotidienne, et il n’y avait pas de preuve qu’on lui avait demandé de renoncer à ses périodes de repos payées ou qu’on lui avait dit de le faire. Je reconnais certainement qu’un défaut de se conformer à une directive correctement donnée peut en effet engendrer une constatation d’insubordination, mais la preuve n’appuie pas une conclusion selon laquelle la fonctionnaire 2 et son chef de section ont discuté de l’insubordination ou qu’il s’agissait d’une conséquence qu’elle a subie pour avoir pris les périodes de repos rémunérées auxquelles elle avait droit.

[112] En ce qui concerne la perte de privilèges, il est clair que les employés qui ont un rendement inférieur pourraient être confrontés à une perte de télétravail, de présence à une conférence ou d’accès aux heures supplémentaires lorsque celles-ci étaient offertes. Chaque fonctionnaire a parlé de cette possibilité. Cependant, aucun d’entre eux n’a perdu ses privilèges ou n’a été menacé de les perdre. Là encore, leur position est spéculative et, en tout cas, se rapporte à l’établissement d’objectifs de production, qui est un droit de gestion qui ne fait pas partie de la convention collective et ne permet pas de s’acquitter du fardeau de la preuve.

[113] Individuellement, les fonctionnaires ont déclaré qu’ils avaient travaillé pendant leurs pauses. En dépit de la directive de l’employeur, ils ont estimé qu’ils ne pouvaient pas inclure le temps de pause rémunéré dans le code du SRTA pour le temps de travail de production ou dans le cas de la fonctionnaire 2 parce qu’elle estimait qu’elle ne pouvait pas maintenir sa productivité si elle prenait des pauses. La preuve indique clairement qu’en aucun cas l’un des trois fonctionnaires n’a demandé ou reçu d’instructions pour procéder comme ils l’ont fait. Je ne trouve pas les mesures prises par l’employeur coercitives. Au contraire, les fonctionnaires ont décidé de suivre leur propre voie et de travailler pendant leurs pauses, en contredisant les directives de l’employeur et sans autorisation. Sur ces faits, je ne pourrais pas trouver l’employeur responsable de payer les heures supplémentaires. (Voir Côté c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-18529 (19890907), [1989] C.R.T.F.P.C. no 240 (QL).)

[114] En prenant ma décision de rejeter ces griefs, je n’ai pas négligé le message de la CA du 19 décembre 2018, à savoir que par la négociation entre l’agent négociateur et l’employeur, un nouveau code a été ajouté au SRTA pour les pauses de repos rémunérées, et le temps alloué à la production a été réduit à 7 heures par jour. Les deux changements relèvent directement de la gestion du milieu de travail et non de la convention collective. De plus, même s’ils ont trait aux préoccupations exprimées dans le grief de principe, ce résultat n’a pas été déterminé par une décision sur le grief de principe. Cela ressort clairement de la décision au palier final, dans laquelle le décideur conseillait aux parties de trouver une solution tout en soulignant que ces questions ne découlaient pas de la convention collective.

[115] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[116] Les griefs sont rejetés.

Le 28 juillet 2022.

Traduction de la CRTESPF

Joanne B. Archibald,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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