Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a été renvoyé en cours de stage, ce qu’il a contesté – il a été représenté par la défenderesse aux audiences de premier, deuxième et troisième paliers de la procédure de règlement des griefs – le grief a été rejeté à tous les niveaux, et la défenderesse a refusé de renvoyer le grief à l’arbitrage devant la Commission, ce qui a amené le plaignant à alléguer que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable – la Commission a conclu que la défenderesse n’avait pas agi de façon discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi lorsqu’elle a décidé de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage – la Commission a conclu que la défenderesse avait fondé sa décision sur des préoccupations de compétence et de législation, agissant ainsi dans le respect de ses droits et de son pouvoir discrétionnaire.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20220728

Dossier : 561-02-44500

 

Référence : 2022 CRTESPF 62

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Sam Abdi

plaignant

 

et

 

Alliance DE LA FONCTION PUBLIQUE DU Canada

 

défenderesse

Répertorié

Abdi c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Joanne B. Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Sandra Gaballa

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 8, 27 et 28 avril 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Sam Abdi (le « plaignant ») a présenté une plainte devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse » ou l’AFPC). Le plaignant, auparavant un employé de Service Canada (l’« employeur »), a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en agissant de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire.

[2] La plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui exige que la Commission instruise toute plainte selon laquelle une organisation syndicale s’est livrée à une pratique de travail déloyale. La pratique de travail déloyale visée par la présente plainte est définie en ces termes à l’article 187 de la Loi :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

 

[3] La défenderesse a soutenu qu’elle s’est acquittée de son devoir de représentation équitable et a exposé les motifs pour lesquels elle n’a pas renvoyé le grief du plaignant à l’arbitrage ou n’a pas financé une action en justice. Elle a nié l’allégation et a demandé à la Commission de rejeter la plainte sans tenir d’audience.

[4] Aux termes de l’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), j’ai conclu disposer de suffisamment d’éléments pour rendre une décision sur la base des arguments écrits des parties. J’ai tenu pour avérées les allégations du plaignant. J’ai accepté les explications non contestées de la défenderesse concernant ses actions, et j’ai pris en compte la réponse du plaignant à ces explications.

[5] La question en litige est celle de savoir si, après avoir accepté les arguments comme étant avérés, il existe des preuves qui démontrent, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi et qu’elle a manqué à son devoir de représentation équitable. Je suis d’avis que les éléments de preuve ne permettent pas d’aboutir à cette conclusion. Par conséquent, la plainte est rejetée.

II. Les faits

[6] Les faits exposés dans la présente décision proviennent des arguments présentés par les parties. Les arguments du plaignant contiennent de nombreux éléments décrivant sa relation avec l’employeur. Je ne les ai reproduits que dans la mesure où ils se rapportent au fond de l’affaire dont je suis saisie.

[7] Le plaignant a d’abord communiqué avec la Commission par courriel le 8 avril 2022, en déclarant que son agent négociateur, le Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada (SEIC), un élément de l’AFPC, ne l’avait pas suffisamment assisté pour ce qui est de son grief aux deuxième et troisième paliers de la procédure de règlement des griefs et n’avait pas renvoyé le grief du plaignant à l’arbitrage. Le plaignant a également indiqué que le SEIC ne l’a pas non plus soutenu lorsqu’il a voulu saisir la Cour fédérale d’une plainte contre l’employeur et qu’il ne l’a pas informé de la date limite pour déposer son dossier de plainte auprès de la Cour fédérale.

[8] En réponse à la plainte, la défenderesse a présenté les antécédents professionnels pertinents du plaignant. Celui-ci a commencé à travailler pour l’employeur le 25 janvier 2021, en étant soumis à une année de stage. Pour démontrer sa compétence, il devait suivre une formation de plus de huit semaines et obtenir une note minimale de 75 % à trois des cinq examens.

[9] Le plaignant a obtenu la note minimale à seulement deux des examens. Le 24 mars 2021, il a été renvoyé en cours de stage parce qu’il n’avait pas obtenu les résultats requis aux examens visant à démontrer sa compétence.

[10] Le 26 avril 2021, le SEIC a présenté un grief au nom du plaignant, alléguant que le renvoi en cours de stage était de mauvaise foi et demandant sa réintégration.

[11] Le 14 mai 2021, un représentant local du SEIC a présenté le grief au premier palier. Le 28 mai 2021, l’employeur a rejeté le grief au premier palier.

[12] Le grief a été porté au deuxième palier.

[13] La représentante nationale du SEIC, Kathy Sand (« la représentante nationale »), a alors assuré la représentation du plaignant.

[14] La représentante nationale a représenté le plaignant au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs le 13 septembre 2021. Le 5 octobre 2021, l’employeur a rejeté le grief à ce palier.

[15] Le grief a été porté au troisième palier.

[16] Le 22 février 2022, la représentante nationale a représenté le plaignant au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 2 mars 2022, l’employeur a rejeté le grief à ce palier.

[17] Le 15 mars 2022, la représentante nationale a remis au plaignant une lettre expliquant la décision de l’employeur. Elle a également fourni à ce dernier un résumé des faits, de la législation et de la jurisprudence pertinents. Elle a indiqué que, selon elle, le grief était insuffisamment fondé pour justifier un renvoi à l’arbitrage devant la Commission.

[18] L’analyste principal des griefs et de l’arbitrage de l’AFPC (l’« analyste de l’AFPC ») a été consulté et a approuvé l’évaluation de la représentante nationale. Le directeur de la représentation et des relations de travail du SEIC (le « directeur du SEIC ») a abondé dans le même sens et a indiqué au plaignant que le grief ne relevait pas de la compétence de la Commission. Il a ajouté que si le plaignant voulait porter le grief à l’arbitrage sans passer par le SEIC, la date limite pour en saisir la Commission était le 12 avril 2022.

[19] Le plaignant a demandé au SEIC de revenir sur sa décision de ne pas renvoyer le grief à la Commission. Sa demande a été rejetée. Le directeur du SEIC lui a fourni les informations nécessaires pour déposer une plainte pour manquement au devoir de représentation équitable.

[20] De l’avis du plaignant, l’AFPC et le SEIC ont fait preuve de partialité et n’ont fait que se soutenir mutuellement.

[21] Le 18 mars 2022, le plaignant a envoyé un courriel au directeur du SEIC pour l’informer de son intention de poursuivre l’employeur devant la Cour fédérale. Il a demandé une aide financière à la défenderesse, mais n’a pas reçu de réponse à cet égard.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[22] Le plaignant a demandé à la Commission d’ordonner à la défenderesse de renvoyer le grief à l’arbitrage, afin que la Commission puisse examiner l’ensemble de la situation. Le plaignant a estimé que la représentante nationale n’avait pas agi de façon significative et s’était peu intéressée à son grief.

[23] Le plaignant s’est également plaint du délai écoulé entre la décision au troisième palier concernant le grief prise le 2 mars et la communication qui lui a été faite de cette décision le 15 mars 2022. Le plaignant a estimé que ce délai a contribué à empêcher le dépôt de son dossier de plainte auprès de la Cour fédérale avant la date limite.

B. Pour la défenderesse

[24] La défenderesse a déclaré qu’elle avait fourni une aide adéquate et opportune au plaignant. Elle a présenté un grief en son nom et l’a représenté aux audiences de grief de premier, deuxième et troisième paliers. Tous les échéanciers ont été respectés.

[25] Quant à la décision de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage, la défenderesse a fait remarquer qu’un grief fondé sur un renvoi en cours de stage ne peut pas faire l’objet d’un arbitrage aux termes de l’alinéa 209(1)a) de la Loi en l’absence de preuve de mauvaise foi, de mesure disciplinaire déguisée, de camouflage ou de dissimulation, lesquels n’étaient pas présents. Le plaignant savait ce que l’employeur attendait de lui pendant sa période de stage et a reçu des conseils sur la façon de répondre à ces attentes.

[26] La décision de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage relevait du pouvoir discrétionnaire de la défenderesse et ne constituait pas une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[27] Quant à la demande du plaignant de recevoir des fonds pour engager une instance devant la Cour fédérale contre l’employeur, l’article 236 de la Loi indique que le droit de déposer un grief pour tout différend lié aux conditions d’emploi empêche un fonctionnaire de poursuivre l’employeur au moyen d’un recours distinct. L’article ne prévoit pas d’exception dans le cas d’un grief qui n’est pas soumis à l’arbitrage.

[28] Puisque l’action ne peut être engagée, le fait de fournir des fonds au plaignant ne constituerait pas une bonne utilisation des ressources de la défenderesse.

IV. Motifs

[29] Dans une plainte déposée aux termes de l’article 187 de la Loi, le fardeau de la preuve incombe au plaignant, lequel doit présenter des preuves suffisantes pour établir que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable en se conduisant de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Comme il est indiqué dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2010 CRTFP 128, « [l]a barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire – ou discriminatoire ou de mauvaise foi – est placée très haut à dessein ».

[30] La Commission examinera la manière dont la défenderesse a traité le grief du plaignant et les questions connexes, afin de déterminer si elle a été « [...] juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié » (Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527).

[31] La défenderesse a représenté le plaignant aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs, puis a refusé de renvoyer l’affaire à l’arbitrage. La représentante nationale lui a expliqué qu’un grief concernant un renvoi en cours de stage ne peut pas être soumis à l’arbitrage à moins que le renvoi ne soit entaché d’autres facteurs. Le plaignant a été informé que la présence de tels facteurs faisait défaut dans son cas.

[32] Le plaignant savait que l’analyste de l’AFPC et le directeur du SEIC étaient du même avis. Cependant, au-delà de son désaccord avec eux, le plaignant n’a fourni aucune preuve à la Commission pour démontrer que la décision était discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi. Aucune preuve ne permet d’affirmer que leur décision était mal fondée ou indûment motivée.

[33] Le plaignant a laissé entendre que la défenderesse se préoccupait peu de son cas, mais il n’a fourni aucune preuve à l’appui de cette affirmation. En effet, les mesures prises au nom du plaignant démontrent l’engagement de l’AFPC et du SEIC à son égard. La décision de ne pas donner suite au grief après qu’il a été déposé au troisième palier ne reflète pas un manque d’intérêt, mais une évaluation des circonstances et de la législation pertinente.

[34] Le plaignant s’est plaint du délai écoulé entre le 2 mars 2022 et le 15 mars 2022, c’est-à-dire entre la date du règlement du grief au troisième palier et le moment où il en a été informé. Je ne constate aucun lien substantiel entre ce délai et les motifs de la plainte. Le plaignant n’a pas démontré que le délai était déraisonnable et, de toute façon, ce délai ne l’a pas empêché de donner suite à l’affaire en temps opportun.

[35] Lorsque le plaignant a demandé à la défenderesse de soutenir une action en justice contre l’employeur devant la Cour fédérale, celui-ci n’a pas reçu de réponse directe. Cependant, la défenderesse a fourni son raisonnement dans ses arguments présentés à la Commission. Elle a appuyé sa décision en se référant à l’article 236 de la Loi, qui prévoit expressément que « [...] tout différend lié [aux] conditions d’emploi [du fonctionnaire] remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits – actions ou omissions – à l’origine du différend ».

[36] Je ne considère pas que la question de savoir si ce grief relève de l’article 236 soit déterminante pour trancher la question dont je suis saisie. En effet, comme il s’agit d’un renvoi en cours de stage, le grief est régi par l’alinéa 211a) de la Loi, qui prévoit qu’un licenciement qui relève de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP ») ne peut pas être renvoyé à l’arbitrage. Si l’on considère que les faits présentés par les parties sont avérés, les circonstances du renvoi en cours de stage du plaignant relèvent de l’article 62 de la LEFP. À ce titre, le grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage.

[37] Dans la présente affaire, le plaignant a exprimé avec force son désaccord avec la décision de la défenderesse de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage ou de ne pas financer une procédure judiciaire. Toutefois, il n’a pas contesté les décisions de la défenderesse en présentant des preuves pour les contredire ou les miner, et il n’a pas démontré un quelconque degré d’arbitraire, de discrimination ou de mauvaise foi de la part de la défenderesse.

[38] La Commission a toujours soutenu que le désaccord d’un plaignant avec le traitement du grief par un défendeur ne permet pas de déterminer si les actions du défendeur constituent une pratique de travail déloyale. (Voir Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52; Bergeron c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2019 CRTESPF 48; Boudreault c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2019 CRTESPF 87 et Andrews c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2021 CRTESPF 141.)

[39] Le plaignant est tenu de fournir des preuves pour démontrer la discrimination, l’arbitraire ou la mauvaise foi, afin de s’acquitter du fardeau de la preuve.

[40] Compte tenu de l’absence d’une telle preuve, je conclus que les allégations présentées par le plaignant n’établissent pas un manquement au devoir de représentation équitable énoncé à l’article 187 de la Loi.

[41] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[42] La plainte est rejetée.

Le 28 juillet 2022.

Traduction de la CRTESPF

Joanne B. Archibald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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