Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésées ont déposé des griefs individuels alléguant que l’exposé des fonctions de leur poste de soutien administratif CR-04 à la GRC ne tenait pas suffisamment compte des connaissances requises et des éléments de complexité du poste – en particulier, les fonctionnaires s’estimant lésées ont soutenu que leur poste unique au sein d’une unité intégrée de la GRC et un service de police municipal nécessitait une description de travail précisément adaptée – le fardeau de la preuve revenait aux fonctionnaires s’estimant lésées qui devaient prouver que la description de travail de l’employeur ne correspondait pas exactement aux fonctions exercées – les témoins de l’employeur ont soutenu que les éléments de complexité et la connaissance que les fonctionnaires s’estimant lésées invoquaient ne constituaient pas des caractéristiques nécessaires du poste et que le fait de détailler encore davantage la description nuirait à la capacité de la GRC à embaucher facilement des employés pour le poste et à assurer leur progression – les fonctionnaires s’estimant lésées ont appelé un témoin, dont le témoignage était fondé sur son poste précis au sein d’une unité intégrée qui ne correspondait pas aux autres postes en question au niveau CR-04, laissant ainsi la déclaration des témoins de l’employeur non contestée – la Commission a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésées n’avaient pas réussi à prouver que la description de travail de l’employeur était inexacte et que la description de travail actuelle correspondait suffisamment aux fonctions exercées.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20220804

Dossiers: 566-02-14646 à 14648

 

Référence: 2022 CRTESPF 66

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Sandra Labrecque, Molly Macphee ET Marianne Saxton

fonctionnaires s’estimant lésées

 

et

 

Conseil du Trésor

(Gendarmerie royale du Canada)

 

employeur

Répertorié

Labrecque c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Amélie Lavictoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésées : Pamela Sihota, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Adam C. Feldman, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 3 et 4 mai 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Sandra Labrecque, Molly MacPhee et Marianne Saxton, les fonctionnaires s’estimant lésées (les « fonctionnaires »), sont des anciennes employées de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le Conseil du Trésor (le « défendeur ») était leur employeur.

[2] À l’automne 2015, elles ont déposé des griefs individuels portant sur la description de travail pour le poste d’adjoint aux services de soutien intégrés et au crime organisé, qui était classifié au niveau 4 du groupe Commis aux écritures et aux règlements (CR). Toutes les fonctionnaires occupaient des postes à Saskatoon, en Saskatchewan.

[3] Les fonctionnaires ont soutenu que leur description de travail générique ne tenait pas adéquatement compte des aspects uniques de leur travail en tant que personnel de soutien administratif qui appuie un groupe intégré antidrogue composé de membres de la GRC et de policiers du Service de police de Saskatoon (SPS). Les fonctionnaires ont d’abord fait valoir que la section de la description de travail portant sur les compétences ne tenait pas compte ou ne tenait pas adéquatement compte de 13 éléments de complexité et de connaissances. Au cours de l’audience, elles ont convenu que la description de travail tenait adéquatement compte de sept de ces éléments. Par conséquent, les présents motifs ne portent que sur les six autres éléments qui demeurent en litige.

[4] Dans la mesure où les éléments de connaissance et de complexité visés par la contestation constituent des exigences du poste en litige, je suis convaincue qu’ils sont adéquatement saisis par la description de travail générique. Le niveau de spécificité que les fonctionnaires demandent d’être indiqué dans la description de travail n’est ni approprié ni justifié dans les circonstances.

II. Résumé de la preuve

[5] Aucune des fonctionnaires n’occupe actuellement le poste d’adjoint aux services de soutien intégrés et au crime organisé, qui est également appelé poste de commis au soutien administratif. Deux des fonctionnaires ont pris leur retraite et la troisième n’est plus une employée de la GRC. Mme Saxton était la seule témoin qui a témoigné au nom des fonctionnaires.

[6] La description de travail en vigueur du 14 janvier 2013 au 30 novembre 2016 est en litige.

[7] Les fonctionnaires ont fourni un soutien administratif au Groupe intégré antidrogue de Saskatoon (GIADS). Toutefois, elles ne travaillaient pas toutes au même endroit. Mme Labrecque et Mme Saxton travaillaient dans un immeuble qui hébergeait le SPS. Elles interagissaient quotidiennement avec les membres de ce corps policier. Mme MacPhee travaillait dans un immeuble de la GRC et n’interagissait pas régulièrement avec les membres du SPS. Une quatrième personne partageait la même description de travail, mais travaillait à Regina, en Saskatchewan. Elle ne traitait pas avec le SPS.

[8] Au début de 2015, un examen des postes de soutien administratif (EPSA) a été entrepris. L’un de ses objectifs consistait à fournir une description de travail générique pour les adjoints aux services de soutien intégrés et au crime organisé en Saskatchewan (Division « F »). L’examen a coïncidé avec la fusion de plusieurs groupes de la GRC qui traitaient de plusieurs aspects du crime organisé liés aux services de police fédéraux, y compris les produits de la criminalité, l’intégrité des frontières et la lutte contre les drogues. Les groupes ont été fusionnés en un seul groupe plus important appelé le Groupe intégré sur le crime organisé – Nord (ICON). Ce changement a également touché le personnel de soutien, y compris les commis au soutien administratif, comme les fonctionnaires. Selon un ancien sergent d’état-major du GIADS et superviseur, Keith Dalton, une nouvelle description de travail générique était nécessaire pour tenir compte des différents lieux de travail, pour permettre l’échange de commis au soutien administratif entre les groupes ICON et pour faciliter le mouvement en général au sein de la GRC.

[9] En mars 2015, et dans le cadre de l’EPSA, les fonctionnaires ont participé à des entrevues de recherche des faits menées par Daria Semotiuk, une spécialiste de la classification agréée qui travaillait pour la GRC. Plusieurs échanges verbaux et par courriel ont suivi, à l’aide desquels Mme Semotiuk a obtenu des renseignements sur les fonctions et les responsabilités des fonctionnaires. Elle a obtenu des échantillons de leur travail et les fonctionnaires ont fourni des exemples des tâches et des fonctions propres à leur rôle au sein du GIADS. Un rapport sur la recherche des faits a été communiqué avec les fonctionnaires et la direction. Les fonctionnaires ont fourni des commentaires sur ce rapport.

[10] Mme Semotiuk a préparé une description de travail provisoire et l’a communiquée aux fonctionnaires afin d’obtenir leurs commentaires. Elles l’ont signée. Selon Mme Saxton, les fonctionnaires estimaient que la description de travail provisoire était adéquate, mais manquait des détails. Mme Saxton a témoigné qu’elle l’avait signée même si elle estimait qu’il existait des lacunes parce qu’elle croyait que cela donnerait lieu à la reclassification de son emploi au groupe et au niveau CR-05.

[11] Selon Mme Semotiuk, à la suite de l’examen de la description de travail proposée, le Comité d’EPSA a soulevé des questions concernant une divergence entre les niveaux de complexité indiqués dans ce document et dans le rapport sur la recherche des faits. Le Comité a demandé à Mme Semotiuk d’obtenir des exemples pour appuyer le niveau de complexité décrit dans la description de travail proposée. Même si les fonctionnaires ont fourni des exemples, le Comité d’EPSA n’était pas convaincu que le niveau de complexité indiqué dans la description de travail provisoire était justifié. Il a demandé que la section de la description concernant la complexité soit reformulée, ce que Mme Semotiuk a fait. Le Comité et la direction ont accepté que le nouveau libellé tenait compte du travail requis de la part de tous les titulaires, sans égard de leur lieu de travail. La description de travail a été mise au point, signée par la direction et fournie aux fonctionnaires.

[12] Les fonctionnaires ont refusé de signer la description de travail définitive qui leur a été fournie. Selon Mme Saxton, les modifications qui avaient été apportées avaient rendu inadéquate la description de leurs fonctions. Elle a contesté la suppression des déclarations concernant le caractère indépendant de leur travail et leur capacité d’adapter les méthodes et les procédures pour répondre aux besoins du GIADS sans consulter leur superviseur. Selon elle, les fonctionnaires adaptaient régulièrement les méthodes et les procédures à leur propre gré et ne consultaient ni leur superviseur ni d’autres personnes avant de le faire.

[13] Insatisfaites du contenu de la description de travail définitive, les fonctionnaires ont déposé des griefs individuels.

[14] Au cours de la procédure de règlement des griefs, elles ont indiqué 13 éléments qui, selon elles, auraient dû être inclus dans la description de travail. Selon Mme Semotiuk, seulement 1 de ces 13 éléments lui avait été communiqué dans le cadre du processus d’EPSA antérieur.

[15] Tel que je l’ai déjà mentionné, seulement 6 de ces 13 éléments demeurent en litige. De ces six, quatre ont trait aux sections de la description de travail qui portent sur les connaissances et deux ont trait aux sections qui portent sur la complexité.

A. Connaissances

[16] La première colonne du tableau suivant comprend quatre éléments liés aux connaissances qui, selon les fonctionnaires, étaient absents de la description de travail et qui auraient dû y être inclus afin de tenir fidèlement compte de leur travail. La deuxième colonne comprend les énoncés dans la description de travail qui, selon le défendeur, tiennent adéquatement compte de chaque élément lié aux connaissances dans la mesure où ils constituent des exigences du poste. Il existe un certain dédoublement en ce sens que le défendeur soutient que deux ou plusieurs éléments soulevés par les fonctionnaires sont saisis par le même énoncé dans la description de travail :

[Traduction]

Éléments de connaissance que les fonctionnaires estiment être absents de la description de travail

Extraits de la description de travail que l’employeur soutient tenir compte de chacun de ces éléments

1. Connaissance de la terminologie spécialisée (jargon relatif aux drogues, langage de rue) est nécessaire lorsqu’il s’agit de recueillir des renseignements auprès des informateurs et au moment de transcrire les enregistrements sonores d’entrevues.

[…] Une familiarité avec le milieu policier et les processus d’enquête afin de fournir des services de soutien opérationnels aux enquêteurs.

2. Doit bien comprendre les modalités de l’entente conclue entre la GRC et le Service de police de Saskatoon qui constitue le Groupe intégré sur le crime organisé – Nord.

[…] Connaissance du mandat, de l’organisation, de la culture, des politiques et des processus du Ministère et d’autres services de police afin de comprendre les priorités opérationnelles, d’amorcer le contact et de se conformer aux exigences stratégiques dans l’exécution du travail.

[Et]

[…] Connaissance des techniques et des pratiques liées à la gestion de l’information, à l’administration générale des bureaux, à l’administration financière, à l’approvisionnement, à la liaison avec les tribunaux et à la transcription sont nécessaires dans la prestation de services de soutien opérationnel.

3. Connaissance des procédures des Ressources humaines du Service de police de Saskatoon pour répondre aux besoins des employés de la GRC en matière d’accès à l’immeuble et aux bureaux du Service de police et d’accès au système informatique du Service de police de Saskatoon. Les employés [de la fonction publique] remplissent les documents nécessaires et assurent la liaison avec les Ressources humaines du SPS, l’Identification du SPS, la Gestion des biens et la Gestion de l’information.

[…]

[…] Connaissance du mandat, de l’organisation, de la culture, des politiques et des processus du Ministère et d’autres services de police afin de comprendre les priorités opérationnelles, d’amorcer le contact et de se conformer aux exigences stratégiques dans l’exécution du travail.

[Et]

[…] Une familiarité avec les divers organismes partenaires, clients et intervenants (p. ex. les services de police externes, les services des tribunaux provinciaux, le greffe des tribunaux, le procureur de la Couronne, le solliciteur général du Canada, etc.) afin d’échanger des renseignements.

7. Connaissance des procédures, des documents et des contacts nécessaires pour obtenir le titre de gendarme spécial surnuméraire et un numéro [du système de gestion de l’information des Ressources humaines] pour les policiers de Saskatoon qui travaillent dans ce groupe. Prépare l’entente de sécurité aux fins de signature par le chef de police de Saskatoon.

[…] Connaissance du mandat, de l’organisation, de la culture, des politiques et des processus du Ministère et d’autres services de police afin de comprendre les priorités opérationnelles, d’amorcer le contact et de se conformer aux exigences stratégiques dans l’exécution du travail.

[…]

 

 

[17] Le premier élément de connaissance contesté a trait à la connaissance de la terminologie spécialisée concernant les drogues. Pendant son témoignage, Mme Saxton a soutenu que cette connaissance était nécessaire pour recueillir des renseignements auprès des membres du public qui téléphonaient le GIADS et au moment de transcrire les enregistrements sonores des entrevues. Elle a indiqué qu’elle devait connaître le langage des rues que les appelants utilisaient, surtout le nom des drogues en langage des rues et les mots de code qui indiquent les méthodes de transport des drogues, afin qu’elle puisse transmettre les renseignements reçus à un membre du GIADS. Elle a également témoigné que la connaissance de cette terminologie était nécessaire pour transcrire les enregistrements sonores des entrevues. Selon elle, sans cette connaissance, la transcription serait inexacte puisqu’elle comprendrait de nombreuses références à des mots marqués comme « inaudibles ». Elle a indiqué que personne n’examinait les transcriptions qu’elle préparait.

[18] M. Dalton et Craig Toffoli, qui était alors un sergent et dont les fonctions comprenaient l’examen du travail des fonctionnaires, ont témoigné que la connaissance de la terminologie concernant les drogues ne constituait pas une exigence du poste. Même s’il était probable d’apprendre un peu de la terminologie au fil du temps et avec l’expérience, la connaissance de la terminologie n’était pas nécessaire pour répondre aux appels téléphoniques ou pour préparer des transcriptions. Ce type de connaissance nécessitait une formation et plusieurs années pour la développer. Les enquêteurs du GIADS, et non les commis au soutien administratif, devaient connaître la terminologie concernant les drogues.

[19] Selon M. Toffoli, les titulaires du poste n’étaient pas tenues de comprendre la terminologie utilisée par un appelant ou prononcée dans le contexte d’une entrevue enregistrée avec la police. Elles devaient seulement écrire ce qu’elles avaient entendu et transmettre les renseignements ou une transcription à un enquêteur. Si la terminologie utilisée dans une entrevue leur était inconnue, elles pouvaient simplement inscrire « inaudible ».

[20] Les enquêteurs étaient chargés d’examiner et de corriger les transcriptions et d’assurer le suivi des renseignements fournis par les appelants. De plus, si les transcriptions étaient nécessaires dans le cadre d’enquêtes complexes exigeant des connaissances terminologiques spécialisées, M. Toffoli a indiqué que le GIADS aurait fait appel à une équipe spécialisée de transcripteurs, et non aux fonctionnaires.

[21] Les deux témoins ont témoigné que la référence dans la description de travail à [traduction] « [u]ne familiarité avec le milieu policier et les processus d’enquête […] » tenait plus adéquatement compte de la connaissance requise pour répondre aux appels téléphoniques et pour transcrire les enregistrements sonores d’entrevues. Selon M. Toffoli, si la description de travail comprenait une exigence liée à la connaissance de la terminologie spécialisée concernant les drogues, il serait très difficile de recruter des candidats à l’extérieur de la GRC et de muter les commis au soutien administratif entre les groupes de la GRC. Selon lui, l’une des fonctionnaires, soit Mme MacPhee, n’aurait probablement pas été embauchée si la connaissance de cette terminologie spécialisée avait constitué une exigence du poste, car elle n’avait aucune expérience dans un milieu policier avant de se joindre au GIADS.

[22] Un deuxième élément de connaissance que les fonctionnaires soutiennent aurait dû avoir été inclus dans leur description de travail est la compréhension des modalités du protocole d’entente (PE) conclu entre la GRC et le SPS qui a mis sur pied le GIADS. En plus d’énoncer la composition et la structure de commandement du GIADS, le PE porte sur des sujets comme le partage des coûts et des ressources et la prestation d’un soutien administratif au GIADS, ainsi que des questions administratives, comme la gestion des dossiers papiers et électroniques et l’octroi de cartes d’accès, de clés et de codes informatiques. En ce qui concerne le soutien administratif au GIADS, le PE énonce simplement que les fonctionnaires doivent fournir un soutien administratif au personnel du GIADS.

[23] Dans son témoignage, Mme Saxton a indiqué qu’elle devait être familière avec le PE parce qu’une grande partie de celui-ci concernait ses fonctions. Elle a fourni plusieurs exemples de situations dans lesquelles elle s’est appuyée sur sa connaissance du PE. Elle a fait référence à une disposition du PE portant sur le partage des coûts et elle a ajouté qu’elle devait rédiger les rapports sur le partage des coûts après avoir commandé des fournitures de bureau pour le GIADS. Elle a témoigné qu’elle s’est appuyée sur sa connaissance des dispositions du PE portant sur l’entreposage et la gestion des dossiers pour refuser des demandes inappropriées d’accès aux dossiers et pour préciser qui était chargé de la possession et de la protection des dossiers lorsque le GIADS a été dissout. Elle a également mentionné une disposition qui précisait le nombre de places de stationnements offertes aux membres de la GRC et a ajouté qu’elle consultait l’entente pour exiger qu’une place de stationnement soit mise à la disposition d’un membre, le cas échéant. Elle a également indiqué que le PE contenait une disposition concernant les cartes d’identification et d’accès. Son rôle consistait à remplir les documents nécessaires pour demander des cartes d’accès pour les policiers du SPS qui se joignent au GIADS et, à quelques occasions, elle s’est appuyée sur le libellé du PE pour exiger qu’un membre du SPS retourne sa carte d’accès au moment de quitter le GIADS.

[24] M. Dalton a témoigné que la connaissance nécessaire pour remplir les fonctions et les responsabilités administratives du poste était la connaissance de base du mandat, des politiques et des procédures de la GRC et du SPS, de connaître la répartition fondamentale des responsabilités, les règles générales à suivre et les personnes avec qui communiquer. Les fonctionnaires devaient connaître les fonctions et les rôles quotidiens de chaque corps policier.

[25] M. Dalton et M. Toffoli ont témoigné que les commis au soutien administratif n’étaient pas tenus de connaître les détails du PE. Il s’agissait d’une entente conclue entre les corps policiers et le sergent d’état-major était chargé de répondre aux questions et de régler les désaccords concernant le PE. Selon M. Toffoli, le rôle du commis au soutien administratif ne consistait pas à informer les hauts dirigeants du SPS de leurs rôles et de leurs responsabilités en vertu des modalités du PE. Les fonctionnaires n’avaient pas le pouvoir d’appliquer le PE ou de régler les désaccords connexes.

[26] M. Toffoli a témoigné qu’aucune des tâches administratives des fonctionnaires n’était associée directement au PE ou n’exigeait une connaissance de ses modalités. Leurs fonctions comprenaient la commande de fournitures et la rédaction de rapports sur le partage des coûts à envoyer à la direction des finances, mais elles n’étaient pas chargées de récupérer les fonds auprès du SPS. Elles tenaient à jour les dossiers, remplissaient les documents nécessaires pour demander des cartes d’identité et des codes d’accès, et répondaient parfois à une plainte concernant le stationnement, mais elles n’étaient pas tenues d’appliquer le PE ou de régler les désaccords connexes et on ne s’attendait pas à ce qu’elles le fassent.

[27] M. Dalton a témoigné qu’il estimait que la description de travail ne devrait pas désigner particulièrement le SPS. Il ne serait pas pratique de faire référence à une entente ou à un corps policier régional particuliers dans une description de travail générique destinée à s’appliquer à d’autres emplacements. M. Toffoli a ajouté que le fait d’inclure un renvoi particulier à la connaissance du PE empêcherait de recruter des personnes de l’extérieur du GIADS et du SPS. Il serait peu probable de trouver un candidat qui possède cette connaissance au moment du recrutement.

[28] Un troisième élément de connaissance en litige est la connaissance des procédures des ressources humaines du SPS. Selon Mme Saxton, une connaissance pratique de ces procédures était nécessaire pour rédiger les documents afin de s’assurer que les membres du GIADS, qu’ils proviennent de la GRC ou du SPS, disposaient tous d’un accès pertinent à l’immeuble et aux systèmes informatiques. Elle a témoigné que cette connaissance était également nécessaire pour assurer la liaison avec d’autres, afin de veiller à ce que tous les accès appropriés soient en place.

[29] M. Dalton a témoigné que le poste que les fonctionnaires occupaient exigeait une connaissance des mesures à prendre pour veiller à ce que les membres du GIADS disposaient de tous les accès requis. Il exigeait également une familiarité avec l’organisme partenaire, dans le présent cas, le SPS, afin d’élaborer un réseau de personnes-ressources à qui on pourrait faire appel pour obtenir des renseignements supplémentaires, au besoin. Toutefois, le poste n’exigeait pas des connaissances détaillées des procédures de ressources humaines d’autres services de police. Il a exprimé sa conviction selon laquelle les renvois dans la description de travail à la connaissance des politiques et des procédures d’un service de police externe – dans ce cas, le SPS – et une familiarité avec les services de police externes, afin d’échanger des renseignements, tenaient adéquatement compte de la connaissance nécessaire pour le poste.

[30] Mme Saxton a témoigné en ce qui concerne un dernier élément de connaissance en litige, soit la connaissance des procédures, des documents et des personnes-ressources nécessaire pour obtenir une désignation spéciale nécessaire pour accorder à un membre du SPS un accès aux systèmes informatiques de la GRC. Selon elle, lorsque les policiers du SPS venaient travailler au GIADS, elle devait remplir les documents pour eux, demander qu’ils remplissent un long formulaire de sécurité et suivre les procédures du SPS qui exigeaient la rédaction d’une lettre aux fins de signature par le chef de police de Saskatoon avant de communiquer avec les personnes-ressources de la GRC pour obtenir l’accès des policiers au système de gestion des dossiers électroniques de la GRC.

[31] M. Dalton a reconnu que les fonctionnaires auraient accompli des tâches administratives du type décrit par Mme Saxton. Toutefois, selon lui, le poste exigeait que les titulaires n’aient qu’une connaissance de haut niveau du processus à suivre et des tâches administratives à accomplir pour s’assurer qu’elles respectaient le processus et qu’elles savaient avec qui communiquer pour veiller à ce que le processus d’obtention de la désignation spéciale continuait à réaliser des progrès. Il a témoigné que, selon ce qu’il croyait, le renvoi à [traduction] « [u]n familiarité » avec les politiques et les processus du Ministère dans la description de travail tenait adéquatement compte du niveau et de la nature de la connaissance nécessaire pour le poste.

B. Complexité

[32] Les fonctionnaires ont également indiqué deux éléments de complexité qu’elles soutiennent étaient absents de leur description de travail. Le tableau suivant comprend les éléments qui seraient absents de la description de travail (première colonne), ainsi que les énoncés de la description de travail qui, selon ce que le défendeur soutient, tenaient adéquatement compte de chacun de ces éléments (deuxième colonne), selon le cas :

[Traduction]

Éléments de complexité que les fonctionnaires ont estimés comme absents de leur description de travail

Extraits de la description de travail que l’employeur soutient tenir compte de chacun de ces éléments

3. La capacité de rester calme lorsqu’il s’agit de traiter avec les membres du public qui présentent une plainte, qui sont stressés, contrariés, agressifs, hostiles, suicidaires, entre autres.

[…]

[Sans objet]

5. Il faut faire preuve de jugement et de diligence à titre de personne-ressource et de liaison entre le personnel de la GRC et du Service de police de Saskatoon en ce qui concerne les procédures administratives et opérationnelles en vigueur au sein du groupe.

[…] Il faut toujours communiquer avec le personnel externe, notamment :

· les professionnels du droit, le personnel des tribunaux et le personnel des organismes d’application de la loi provenant d’autres détachements de police afin d’échanger des renseignements et de discuter des processus de travail […]

[…]

 

[33] En ce qui concerne le premier élément, Mme Saxton a témoigné qu’elle recevait des appels de personnes contrariées ou hostiles qui estimaient avoir été traitées injustement, ainsi que de personnes qui étaient très perturbées. Selon elle, il était très important de rester calme et d’écouter sans réagir aux émotions de l’appelant. Elle a décrit cet aspect de son travail comme stressant, mais a reconnu qu’il faut s’attendre à des situations stressantes lorsqu’on travaille avec la GRC.

[34] M. Dalton et M. Toffoli ont tous les deux témoigné qu’une capacité de rester calme est un comportement humain et que les comportements humains ne sont pas inclus dans les descriptions de travail. Leur témoignage à cet égard n’a pas été contesté. Ils ont témoigné que le fait de rester calme est un comportement attendu de tous les employés, surtout à la GRC, où l’interaction avec des gens hostiles a été décrite comme [traduction] « inévitable ». M. Dalton a témoigné en outre qu’étant donné la nature des appels que le GIADS reçoit, il aurait été rare pour les fonctionnaires d’interagir par téléphone avec une personne contrariée et si elles le faisaient, elles étaient autorisées à raccrocher si l’appelant devenait hostile. Il a ajouté que les fonctionnaires n’avaient aucune interaction en personne avec le public. Par contre, les personnes qui occupent des postes semblables aux détachements de la GRC auraient eu des interactions fréquentes en personne avec des personnes hostiles, mais elles avaient des descriptions de travail semblables et la même classification que les fonctionnaires.

[35] Le dernier élément de complexité en litige est le jugement et la diligence nécessaires lorsqu’une personne agit à titre de personne-ressource et de liaison entre le personnel de la GRC et celui de SPS relativement aux procédures administratives et opérationnelles au GIADS. Mme Saxton a témoigné que des tensions survenaient parfois entre le SPS et la GRC et que cette situation exigeait qu’elle fasse preuve de sensibilité et de diligence dans ses interactions avec chaque entité. Par exemple, elle a décrit un incident où elle a participé à des discussions sur la redistribution des dossiers entre la GRC et le SPS qui aurait augmenté considérablement la charge de travail du personnel du SPS et qui aurait créé une résistance de la part du personnel du SPS. Elle a indiqué qu’elle devait faire preuve de sensibilité dans les discussions avec la direction et le personnel du SPS qui visaient à clarifier la responsabilité des dossiers.

[36] M. Dalton a témoigné qu’un titulaire du poste en litige doit toujours faire preuve de jugement et de diligence et que la description de la complexité dans la description de travail suffisait pour saisir les véritables exigences du poste. Selon lui, si l’une des fonctionnaires agissait à titre de « personne de liaison » entre le SPS et la GRC, elle n’agissait pas en sa qualité officielle; elles n’avaient pas non plus de pouvoir décisionnel. Le rôle aurait été limité à répondre aux appels, à prendre des messages et à transmettre ceux-ci à d’autres personnes occupant des postes de direction. Le poste n’exigeait pas qu’elles assument un rôle plus actif ou plus approfondi.

[37] Enfin, Mme Semotiuk a témoigné au sujet des processus d’examen de la description de travail en général et des principes directeurs utilisés dans le cadre de la préparation des descriptions de travail génériques. Selon elle, l’objectif de l’élaboration d’une description de travail générique consiste à établir l’objectif principal d’un poste, et non les détails. Elle a témoigné que le niveau de détails proposé par les fonctionnaires, par exemple la désignation particulière du SPS et l’inclusion d’une exigence de connaître la terminologie propre à la lutte contre les drogues, n’est généralement pas recommandé, car il n’accorde pas à la direction la souplesse nécessaire pour recruter, pour affecter le travail ou pour réaffecter les employés entre les groupes ou les régions. Selon elle, trop de précisions peuvent aussi entraîner la nécessité de mettre à jour fréquemment une description de travail.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

[38] Les fonctionnaires soutiennent que le défendeur ne leur a pas fourni un exposé complet et courant des fonctions, conformément à l’article 55 de leur convention collective (la convention collective pour le groupe Services des programmes et de l’administration conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada qui est venue à échéance le 20 juin 2018 (la « convention collective »)). La description de travail ne tient pas adéquatement compte des fonctions que les fonctionnaires devaient remplir; voir Jennings c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 20.

[39] Même si le processus d’examen de la description de travail donnait aux fonctionnaires la possibilité de fournir des commentaires, la description qui en a découlé était trop générique et ne tenait pas compte de leurs fonctions dans le cadre d’un groupe intégré, notamment les fonctions qui exigeaient qu’elles travaillent étroitement avec les membres du SPS. Le fait qu’elles ont fourni un soutien administratif à deux corps policiers différents et distincts constitue un élément unique et important de leur travail et ne figurait pas dans la description de travail. À l’exception d’un élément de connaissance exigeant [traduction] « [u]ne familiarité » avec les organismes intervenants, comme les services de police externes, les fonctionnaires font valoir que la description de travail ne faisait pas référence à l’intégration. Le travail qu’elles ont accompli dans le GIADS exigeait plus qu’une [traduction] « familiarité » avec les politiques et les procédures du SPS.

[40] Trois éléments de connaissance nécessaires à l’exécution des fonctions des fonctionnaires ne figuraient pas à la description de travail. Une connaissance de la terminologie spécialisée était nécessaire lors de discussions avec les appelants externes au GIADS et le niveau de connaissance requis dépassait ce à quoi l’on pouvait s’attendre d’une familiarité avec le milieu policier.

[41] De plus, la description de travail ne tenait pas compte du niveau de connaissance du PE nécessaire de la part des employés qui devaient s’appuyer quotidiennement sur la répartition des rôles et des responsabilités énoncés dans le PE. Les fonctionnaires ont fait référence au témoignage de Mme Saxton, lorsqu’elle a expliqué la façon dont sa connaissance du PE l’aidait à régler des désaccords entre la GRC et le SPS concernant la gestion des dossiers, le traitement des plaintes liées au stationnement et le processus établi pour le retour des cartes d’accès par les membres qui quittent le GIADS. Même si les fonctionnaires n’appliquaient pas le PE, elles soutiennent que, néanmoins, leurs fonctions exigeaient qu’elles connaissent ses modalités, afin de leur permettre de s’assurer qu’elles agissaient conformément à ces dernières.

[42] Les fonctionnaires soutiennent que la description de travail était également inadéquate en ce sens qu’elle n’exigeait pas de connaître les politiques et les procédures des Ressources humaines du SPS. Elles font valoir que l’expression [traduction] « [u]ne familiarité » dans la description de travail était vague et ne tenait pas suffisamment compte des connaissances nécessaires pour mener à bien le processus pour obtenir des désignations spéciales.

[43] Les fonctionnaires font valoir que deux éléments de complexité étaient absents de la description de travail : soit la capacité de rester calme et le jugement et la diligence nécessaires pour agir à titre de personne de liaison. En ce qui concerne le premier, les fonctionnaires soutiennent que même si l’on peut s’attendre à ce que les personnes restent calmes dans la plupart des lieux de travail, cette capacité est particulièrement importante dans le lieu de travail difficile dans lequel elles travaillent. Les interactions avec les appelants hostiles et émotionnels étaient stressantes et créaient des tensions émotionnelles. Le fait que les interactions étaient par téléphone plutôt qu’en personne ne diminue pas le niveau d’effort mental nécessaire pour gérer de telles situations.

[44] Les fonctionnaires se sont appuyées sur le témoignage de Mme Saxton au sujet d’une situation de conflit entre le personnel de la GRC et du SPS à l’appui de leur argument selon lequel la description de travail comportait des lacunes parce qu’elle ne comprenait pas une exigence de jugement et de diligence lorsqu’elles agissent à titre de personne-ressource ou de liaison entre les services de police. Plus particulièrement, elles se sont appuyées sur son témoignage portant sur une situation tendue dans laquelle elle a agi à titre de liaison entre les organismes pour régler le problème lié à la gestion d’un dossier.

[45] Les fonctionnaires soutiennent que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») devrait conclure que le défendeur a contrevenu à l’article 55 de la convention collective et devrait déclarer que six principaux éléments sont absents de la description de travail.

B. Pour le défendeur

[46] Le défendeur soutient que le processus d’examen de la description de travail qui a donné lieu à la description de travail générique contestée comprenait des consultations visant à confirmer la nature et la complexité des fonctions et des responsabilités des fonctionnaires. Il a donné aux fonctionnaires la possibilité de fournir des exemples de leur travail, ainsi que de fournir des commentaires et des propositions relativement à une description de travail provisoire. Elles ont signé la description de travail provisoire, en estimant qu’elle était adéquate. En fin de compte, l’employeur a conclu qu’il fallait apporter certaines modifications à la version définitive. La description de travail qui en a découlé tient adéquatement compte du travail accompli.

[47] Le défendeur soutient qu’il n’est pas nécessaire qu’une description de travail comporte une liste détaillée de toutes les activités exercées dans le cadre d’une fonction particulière; elle ne devrait pas non plus décrire en détail la façon dont les activités sont exercées; voir Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69. Les fonctionnaires souhaitent que des explications et des exemples descriptifs inutiles soient ajoutés à leur description de travail dans l’espoir que ces modifications donneront lieu à une reclassification. Ces ajouts ne sont pas nécessaires; ils ne sont pas non plus appropriés dans une description de travail générique qui s’applique aux titulaires qui travaillent dans des lieus différents et dont les niveaux de participation avec d’autres services de police diffèrent.

[48] La description de travail tenait fidèlement compte de ce que les titulaires faisaient. Le rôle de la Commission ne consiste pas à modifier ou à corriger le libellé d’une description de travail lorsque le libellé est suffisant pour décrire les responsabilités et les fonctions exercées; voir Jennings. Le défendeur fait valoir que le niveau de spécificité demandé par les fonctionnaires nuirait à sa capacité d’assurer l’interchangeabilité des commis au soutien administratif et de recruter des candidats.

[49] De plus, le défendeur fait valoir que les éléments de preuve fournis par M. Dalton et M. Toffoli ont permis d’établir que les éléments que les fonctionnaires soutiennent être absents de leur description de travail n’étaient ni attendus ni exigés de la part d’un titulaire ou ne tenaient pas compte des véritables fonctions et responsabilités des fonctionnaires. Le niveau d’initiative et de connaissances attendu d’un titulaire du poste n’était pas ce que les fonctionnaires ont proposé.

[50] Le défendeur souligne que les fonctionnaires n’ont présenté aucun élément de preuve concernant les travaux accomplis par Mme Labrecque, Mme MacPhee et une quatrième personne, qui occupait un poste semblable dans une autre ville. Il fait valoir que la Commission ne dispose d’aucun élément de preuve lui permettant de conclure qu’il existait un chevauchement important entre les fonctions et les responsabilités de Mme Saxton, tel qu’elle les a décrites, et celles des autres titulaires afin de lui permettre de conclure que le témoignage de Mme Saxton tenait compte de la réalité quotidienne de tous les titulaires, surtout de ceux dont le poste n’exigeait pas de travailler avec le SPS.

[51] Enfin, le défendeur soutient que les fonctionnaires avaient approuvé une description de travail provisoire qui était identique à la description définitive, sauf deux exceptions. Toutefois, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, elles ont soulevé un certain nombre d’éléments qui, selon elles, étaient absents de la description de travail et qui faisaient en sorte qu’elle comportait des lacunes. Le défendeur soutient que, puisque les fonctionnaires ont approuvé la description de travail provisoire, elles ne devraient pas être autorisées à soulever une liste de questions devant la Commission afin d’obtenir une classification plus élevée.

IV. Motifs

[52] La convention collective en litige impose au défendeur l’obligation de fournir à un employé un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités. Les fonctionnaires allèguent que la description de travail qui leur a été fournie ne tenait pas adéquatement compte de la complexité des tâches qu’elles devaient accomplir et des connaissances nécessaires pour exécuter leurs fonctions à titre d’employées fournissant un soutien administratif à deux services de police différents.

[53] Les parties ont présenté des éléments de preuve qui décrivaient deux situations différentes, mais non contradictoires, des connaissances et de la complexité requises de la part d’un titulaire du poste en litige. Les fonctionnaires ont choisi de ne pas contre-interroger M. Dalton et M. Toffoli, laissant ainsi leur témoignage non contesté et à la Commission de décider laquelle des situations présentées indique la véritable nature et portée des fonctions exercées.

[54] Mon rôle en tant qu’arbitre de grief consiste à déterminer si la description de travail constitue un exposé complet des fonctions et des responsabilités. Je dois le faire à la lumière des éléments de preuve qui m’ont été présentés. Le fardeau de la preuve, selon la norme de la prépondérance des probabilités, incombait aux fonctionnaires.

[55] La décision souvent citée, soit Jennings, résume une série de principes clés pertinents pour statuer sur les griefs relatifs aux descriptions de travail. Le plus important est le principe directeur selon lequel une description de travail ne doit contenir que suffisamment de renseignements pour indiquer exactement ce que l’employé fait. Il n’est pas nécessaire d’inclure une liste d’activités exercées dans le cadre d’une fonction particulière; elle ne doit pas non plus fournir une description détaillée de la façon dont ces activités doivent être exercées; voir Jennings, au par. 52, Hughes, au par. 26, et Jaremy c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59, au par. 24.

[56] Il convient de noter que les descriptions de travail peuvent être génériques. Tel qu’il a été expliqué dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2016 CRTEFP 24, les descriptions de travail génériques sont utilisées couramment dans la fonction publique, surtout lorsque le même emploi peut être trouvé, avec quelques variantes, d’un bureau à l’autre, comme dans le présent cas. Quatre employées travaillant dans trois endroits différents dans deux villes différentes partageaient la description de travail en litige.

[57] Une description de travail qui contient des descriptions générales et génériques est acceptable si elle tient fidèlement compte de ce que l’employé fait ou doit faire. Elle ne doit pas omettre de mentionner une fonction ou une responsabilité particulière que le fonctionnaire doit remplir; voir Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accises), dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221), [1990] C.R.T.F.P.C. 223 (QL). Même s’il n’est pas souhaitable d’exiger que l’employeur énumère chaque tâche qui doit être accomplie et décrive la façon dont chaque activité doit être exercée, néanmoins, une description de travail générique doit décrire la gamme complète de fonctions et de responsabilités affectées au poste, même si elles sont décrites en termes généraux; voir Alliance de la Fonction publique du Canada, au par. 67.

[58] Pour obtenir gain de cause, les fonctionnaires devaient s’acquitter du fardeau de la preuve qui leur incombait. Elles devaient démontrer que la description de travail générique que le défendeur leur a fournie ne contenait pas suffisamment de renseignements pour tenir fidèlement compte du travail qu’elles exécutaient. Elles ne se sont pas acquittées de ce fardeau de la preuve.

[59] Les fonctionnaires ont mis un accent important sur le fait que la fourniture d’un soutien administratif à un groupe intégré, composé de deux services de police, constituait un élément important de leur travail. Pourtant, le seul élément de preuve qu’elles ont présenté était le témoignage de Mme Saxton. Elles n’ont présenté aucun élément de preuve relatif aux fonctions et aux responsabilités dont les deux autres fonctionnaires ou de la personne qui occupait un poste semblable dans une autre ville, même s’il n’était pas contesté qu’au moins deux des quatre titulaires n’interagissaient pas régulièrement avec le SPS, voir aucune. Cela soulève un degré important d’incertitude quant à la nature intégrée du travail de la moitié des titulaires.

[60] Par conséquent, je ne dispose que des éléments de preuve du défendeur quant aux fonctions et aux responsabilités de trois des quatre titulaires. Les éléments de preuve établissent une situation où les éléments de connaissance et de complexité de la description de travail générique tiennent fidèlement compte des fonctions et des responsabilités des postes occupés par toutes les fonctionnaires, ainsi que par la titulaire supplémentaire.

[61] Ces éléments de preuve démontrent également que les ajouts demandés par les fonctionnaires, qui font particulièrement référence au SPS, aux politiques, aux procédures et au PE – si la Commission les juge comme nécessaires – donneraient lieu à une description de travail qui ne tient plus fidèlement compte des fonctions des titulaires qui n’interagissent pas régulièrement avec les membres du SPS. Les fonctionnaires n’ont pas contesté la description que les témoins du défendeur a fournie des différences relatives aux fonctions des titulaires ou des conséquences qui découleraient de l’inclusion des éléments qu’elles demandent être pris en compte dans la description de travail.

[62] Puisque les fonctionnaires n’ont pas contre-interrogé M. Dalton et M. Toffoli et puisque quelques, voir aucune, contradictions existaient entre leur témoignage et celui de Mme Saxton, les éléments de preuve du défendeur demeurent incontestés et non contredits. Le dossier de preuve qui en découle est composé en grande partie de la description de M. Dalton et de M. Toffoli des fonctions et des responsabilités des fonctionnaires, à laquelle le témoignage de Mme Saxton ajoute des exemples isolés de situation où elle a dépassé ce qu’on lui avait demandé de faire ou ce qu’elle devait faire à titre de commis au soutien administratif.

[63] À la lumière de ce dossier de preuve, j’examinerai les six éléments qui seraient absents de la description de travail générique, ce qui ferait en sorte qu’elle ne tienne pas adéquatement compte de la gamme complète des fonctions et des responsabilités affectées au poste.

A. Connaissances

[64] Selon le défendeur, les énoncés suivants figurant dans la description de travail tiennent adéquatement compte – en termes génériques – des quatre éléments de connaissances que les fonctionnaires allèguent être absents :

· Connaissance du mandat, de l’organisation, de la culture, des politiques et des processus de la GRC et d’autres services de police afin de comprendre les priorités, d’amorcer le contact et de se conformer aux exigences stratégiques dans l’exécution des fonctions;

 

· Connaissance des techniques et des pratiques nécessaires dans la prestation de services de soutien opérationnel, y compris la gestion de l’information, l’administration générale des bureaux, l’administration financière, l’approvisionnement et la transcription;

 

· Une familiarité avec le milieu policier et les processus d’enquête afin de fournir des services de soutien opérationnels aux enquêteurs;

 

· Une familiarité avec les organismes intervenants, comme les services de police externes afin d’échanger des renseignements.

 

[65] Mme Saxton a témoigné au sujet de la connaissance qu’elle possédait relativement à la terminologie spécialisée concernant les drogues, au PE, aux procédures des Ressources humaines du SPS à suivre pour obtenir un accès à l’immeuble et aux ordinateurs pour les membres du GIADS et à la procédure à suivre pour obtenir une désignation spéciale pour les membres du SPS qui se joignent au GIADS. Les témoins du défendeur n’ont pas nié qu’elle possédait cette connaissance; ils n’ont pas proposé non plus qu’elle exagérait sa description de la connaissance qu’elle possédait.

[66] J’accepte que Mme Saxton possédait cette connaissance. J’accepte également qu’elle estime que cette connaissance devrait constituer une exigence pour s’assurer que le travail est bien fait. Toutefois, l’acquisition de la connaissance et la croyance qu’elle devrait constituer une exigence d’un poste ne fait pas en sorte qu’il en soit ainsi. Afin que des éléments de connaissance soient nécessaires, il faut démontrer que les fonctions et les responsabilités ne peuvent être exécutées en leur absence. Les fonctionnaires n’ont pas établi que les trois éléments de connaissance qu’elles ont indiqués étaient nécessaires pour exécuter les fonctions et les responsabilités du poste.

[67] Comme je l’ai déjà mentionné, les témoignages de M. Dalton et de M. Toffoli ont décrit une situation différente des fonctions et des responsabilités d’un adjoint ou d’une adjointe aux services de soutien intégrés et au crime organisé que celle décrite par Mme Saxton. Cette situation comprend un accent plus important sur l’exécution de tâches administratives, comme la prise de notes des renseignements fournis par les appelants et la préparation de transcriptions textuelles aux fins d’examen ou de suivi par les enquêteurs. Elle comprend également l’exécution de différentes tâches administratives qui étaient bien établies ou faisant partie de processus de travail de longue date; par exemple, la rédaction de rapports sur le partage des coûts, répondre aux plaintes en matière de stationnement et obtenir un accès à l’immeuble ou aux ordinateurs pour les membres du GIADS ou de désignations spéciales pour les membres du GIADS.

[68] J’accepte les témoignages de M. Dalton et de M. Toffoli indiquant que la connaissance de la terminologie spécialisée concernant les drogues, du PE et des processus et des politiques du SPS et de la GRC n’était ni requise ni attendue de la part d’un adjoint ou d’une adjointe aux services de soutien intégrés et au crime organisé. Même si elle pouvait être acquise au fil du temps par une personne comme Mme Saxton et pourrait s’avérer utile, rien n’indique qu’il s’agissait d’une exigence du poste. De même, le fait que Mme Saxton a été en mesure de fournir des exemples d’incidents au cours desquels elle a utilisé la connaissance qu’elle avait acquise au fil du temps ne fait pas de cette connaissance une exigence.

[69] Les fonctionnaires étaient des commis au soutien administratif. Elles devaient connaître les politiques, les processus, les mandats et les cultures de la GRC et du SPS afin de s’assurer qu’elles respectaient ces politiques et processus, connaissaient les étapes à suivre et comprenaient l’environnement dans lequel elles exerçaient leurs fonctions. Elles devaient avoir une certaine connaissance du milieu policier en général et du SPS afin d’exécuter des tâches administratives, comme prendre des messages, préparer les transcriptions et communiquer avec les personnes-ressources dans l’exécution des tâches administratives visant à obtenir un accès à l’immeuble et aux ordinateurs pour les membres du GIADS.

[70] Le fait que la description de travail générique ne mentionne pas expressément le GIADS, le SPS ou le PE ne la rend pas inadéquate. Elle contient suffisamment de références aux services de police externes et aux processus et aux politiques de la GRC et d’[traduction] « autres services de police » ou [traduction] « services de police externes » pour permettre à un titulaire de connaître la connaissance nécessaire dans l’exécution des fonctions et des responsabilités propres à un groupe intégré.

[71] Je suis d’avis que la description de travail tient fidèlement compte des éléments de connaissance nécessaires. Même si les fonctionnaires ne sont pas satisfaites du fait qu’elle ne mentionne pas particulièrement le SPS, le PE ou les procédures des Ressources humaines du SPS, un tel niveau de spécificité n’est ni nécessaire ni approprié dans les circonstances.

B. Complexité

[72] De même, la situation décrite par M. Dalton et M. Toffoli concernant la complexité des fonctions des fonctionnaires m’amène à conclure que la description de travail tient fidèlement compte des exigences du poste.

[73] Deux éléments de complexité sont en litige.

[74] Les fonctionnaires ont décrit le premier comme la capacité de rester calme lorsqu’elles traitent avec des personnes stressées, contrariées, agressives ou suicidaires. Les éléments de preuve qu’elles ont présentés portaient uniquement sur des interactions par téléphone avec des personnes hostiles et uniquement sur l’expérience de Mme Saxton.

[75] Tous les témoins du défendeur ont témoigné qu’il serait très rare d’inclure un comportement humain dans une description de travail, comme la capacité de rester calme. Les fonctionnaires n’ont présenté aucun élément de preuve contraire. Toutefois, je suis d’avis que je n’ai pas à décider si des comportements humains, comme la capacité de rester calme, peuvent ou devraient être inclus dans les descriptions de travail.

[76] Selon le principal argument à l’appui de l’argument des fonctionnaires concernant cet élément de complexité, le fait de répondre aux appels de personnes contrariées était stressant et nécessitait des efforts pour rester calme. Encore une fois, les descriptions des fonctions et des responsabilités du poste offertes par Mme Saxton, pour les fonctionnaires, et par M. Dalton et M. Toffoli, pour le défendeur, diffèrent en ce qui concerne la fréquence de ces interactions et la nature de la participation des fonctionnaires à ces interactions.

[77] Mon évaluation des éléments de preuve m’amène à privilégier la description fournie par les témoins du défendeur. De telles interactions ne sont pas fréquentes et lorsqu’elles surviennent, les fonctionnaires pouvaient y mettre fin. Dans la mesure où de telles interactions survenaient, je suis d’avis que la nécessité de gérer tout stress qui en découlerait est saisie de manière adéquate par une combinaison de références dans la description de travail aux conditions de travail qui exigent de traiter des demandes multiples et des priorités conflictuelles, aux exigences de communiquer avec le grand public pour répondre à leurs demandes de renseignements ou pour orienter ces demandes et aux principales activités qui comprennent répondre aux demandes de renseignements et aux plaintes en personne ou par téléphone.

[78] Le dernier élément de complexité en litige a trait au jugement et à la diligence que les fonctionnaires soutiennent qu’elles doivent faire preuve lorsqu’elles agissent à titre de personne-ressource et de liaison entre le personnel de la GRC et du SPS relativement aux procédures opérationnelles ou administratives. Selon le témoignage de Mme Saxton, il existait des tensions au sein du GIADS. Une fois, elle a agi à titre d’intermédiaire officieuse entre le personnel des deux services de police. Elle a témoigné que dans le cadre de cet échange, elle a dû faire preuve de jugement et de diligence dans le contexte de discussions sur la gestion des dossiers. Aucun autre exemple n’a été fourni.

[79] Aucun élément de preuve n’a été présenté relativement à la mesure ou à la fréquence dans laquelle les autres fonctionnaires ou titulaires pourraient être tenus de faire preuve de jugement et de diligence dans des circonstances semblables. Étant donné que deux de ces titulaires, soit Mme MacPhee et une quatrième personne, n’interagissaient pas avec les membres du SPS, il serait très peu probable que cet élément de complexité s’applique à leurs fonctions et à leurs responsabilités. Elles ne pouvaient être tenues d’agir à titre de liaison entre les deux corps policiers et on ne pourrait s’attendre à ce qu’elles le fassent.

[80] M. Dalton a témoigné que dans toute situation où les fonctionnaires auraient pu agir à titre de liaison entre les services de police, leur rôle aurait été de nature administrative et limité probablement à répondre à des appels et à prendre des messages et à transmettre ces derniers. Son témoignage n’a été ni contredit ni contesté. Compte tenu de l’insuffisance d’éléments de preuve fournis par les fonctionnaires à cet égard, le témoignage de M. Dalton porte un coup fatal à l’argument des fonctionnaires concernant cet élément de complexité.

[81] Je crois que l’énoncé dans la description de travail ayant trait à l’obligation permanente de communiquer avec le personnel d’autres services de police, d’échanger des renseignements et de discuter des processus de travail, tenait fidèlement compte des fonctions et des responsabilités des fonctionnaires si et lorsqu’elles agissaient à titre de liaison entre les services de police.

[82] Comme je l’ai déjà mentionné, une description de travail générique doit tenir compte de la réalité du travail à exécuter. Elle doit décrire la gamme complète de fonctions et de responsabilités affectées au poste, même si elles ne sont qu’en termes généraux.

[83] La description de travail en litige tient fidèlement compte de ce que les fonctionnaires doivent faire. Même si les fonctions et les responsabilités n’étaient pas exprimées dans le libellé et selon le niveau de spécificité que les fonctionnaires auraient souhaité, il s’agissait néanmoins d’une description exacte du travail qu’elles devaient exécuter. Elle tient compte des aspects uniques de leur travail en tant que personnel de soutien administratif qui appuie le GIADS. Le fait de ne pas mentionner le SPS par son nom ou de ne pas mentionner les politiques et les procédures particulières de ce corps policier ne rendait pas inadéquate la description de travail générique. Elle contenait un nombre suffisant d’énoncés qui tenait adéquatement compte des connaissances requises et de la complexité relatives au fait de travailler dans un tel environnement.

[84] Au cours de son témoignage, Mme Saxton a reconnu qu’elle espérait que si sa description de travail était modifiée, son poste aurait pu être reclassifié. Le défendeur a proposé que les fonctionnaires étaient [traduction] « à la recherche d’une reclassification » et que la Commission devrait conclure qu’elles étaient empêchées par préclusion de contester une description de travail qu’elles avaient accepté dans sa version provisoire, afin de décourager [traduction] « l’opportunisme litigieux ». Je ne rendrai aucune telle décision.

[85] La jurisprudence de la Commission et de la Cour d’appel fédérale reconnaît depuis longtemps que la seule façon pour les employés individuels d’avoir accès au processus de classification est au moyen d’une description de travail révisée qui décrit fidèlement les fonctions et les responsabilités de leur poste; voir Aphantitis c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 85, au par. 3 et Currie c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2006 CAF 194, au par. 28.

[86] De plus, même si les fonctionnaires ont signé la description de travail provisoire, Mme Saxton a témoigné qu’elle estimait qu’elle était adéquate, même si elle manquait des détails. Le défendeur l’a par la suite modifiée et a supprimé les énoncés concernant l’indépendance des titulaires dans l’exécution de leurs fonctions.

[87] Compte tenu de la nature des modifications apportées à la description de travail définitive, dans les circonstances, les fonctionnaires ne devraient pas être empêchées de contester la description de travail définitive; je ne peux pas non plus conclure que leur comportement pourrait ou devrait être qualité d’opportunisme litigieux.

[88] Dans l’ensemble, les fonctionnaires n’ont pas démontré qu’un exposé complet et courant des fonctions ne leur a pas été fourni.

[89] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[90] Les griefs sont rejetés.

Le 4 août 2022.

Traduction de la CRTESPF

Amélie Lavictoire,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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