Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé des griefs concernant ses suspensions sans rémunération de 2, 5, 15 et 20 jours, ainsi que son licenciement – la Commission a déterminé qu’elle s’était livrée à une série d’insubordinations en ne se conformant pas aux directives clairement communiquées par la direction, et qu’elle s’était livrée à des comportements menaçants, insolents et méprisants – la Commission a conclu que l’employeur avait imposé une série de mesures disciplinaires progressives – la Commission a conclu que les suspensions sans rémunération et le licenciement n’étaient pas excessifs dans les circonstances.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date : 20220817

Dossiers : 566-02-14338, 14339, 14341, 14342 et 14343

 

Référence : 2022 CRTESPF 71

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

Natalia Celestino

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Celestino c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Elle-même

Pour le défendeur : Christopher Hutchison, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence
les 7 et 8 juin 2022
.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Natalia Celestino, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a commencé à travailler pour le prédécesseur de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») en 1993. En 2006, elle a été mutée à un poste de commis à l’administration classifié CR-04 dans l’Unité des appels des échanges commerciaux, relevant de Peter Wolanski, gestionnaire des Appels et litiges des échanges commerciaux.

[2] M. Wolanski a témoigné qu’à un moment donné, le rendement au travail et l’attitude de la fonctionnaire, qui avaient été acceptables quoique faibles dans certains domaines, sont devenus problématiques. La fonctionnaire a refusé d’accepter les critiques constructives qui avaient pour but de l’aider à améliorer son rendement au travail et a adopté une conduite de plus en plus inappropriée et non professionnelle.

[3] Des mesures proactives ont été prises, notamment en offrant une formation linguistique à la fonctionnaire afin d’améliorer sa communication écrite, en cherchant des postes adaptés à une mutation éventuelle à sa demande, ainsi qu’en s’efforçant, dans le cadre d’une discussion facilitée, de sauver la relation de travail avec M. Wolanski, qui se dégradait. Aucune de ces mesures n’a porté fruit. La fonctionnaire a refusé la formation linguistique, elle n’a rien fait pour donner suite à d’éventuelles mutations, et elle semblait être d’avis qu’il lui suffisait de demander une mutation pour en obtenir une. Elle a participé à la discussion facilitée, mais cela n’a donné aucun résultat.

[4] La fonctionnaire a fait l’objet de mesures disciplinaires progressives pour insubordination. Elle s’est vu imposer une réprimande verbale et une réprimande écrite, ainsi que des suspensions de deux jours, de cinq jours, de 15 jours et de 20 jours, après quoi elle a été licenciée. Elle a présenté des griefs contre les suspensions et le licenciement et les a renvoyés la Commission en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2).

[5] La preuve a clairement démontré que la fonctionnaire avait souvent fait preuve d’insubordination, qu’elle s’était mal conduite en diverses occasions, qu’elle n’avait exprimé aucun remords, qu’elle n’avait pas assumé la responsabilité de son comportement ou des conséquences de ce comportement pour ses gestionnaires et ses collègues et qu’elle n’avait pas manifesté le désir de s’améliorer. Au contraire, son témoignage a démontré qu’elle continue à croire que sa conduite était justifiée. Il est évident que ce comportement se maintiendrait si la fonctionnaire devait retourner dans le milieu de travail. Comme il y a eu rupture complète de la relation de travail, malgré les efforts déployés par l’employeur pour la sauver, j’ai donc rejeté les griefs.

II. Résumé de la preuve

A. La réprimande écrite

[6] La fonctionnaire s’est vu imposer une réprimande écrite pour avoir négligé ou refusé de respecter plusieurs procédures de sécurité qui s’appliquaient à la conservation et à la destruction des renseignements confidentiels et protégés sur les clients.

[7] M. Wolanski a souligné que la conduite de la fonctionnaire avait perduré même s’il l’avait rencontrée pour discuter et lui communiquer clairement des directives directes sur ce qui était exigé. À aucun moment pendant les discussions la fonctionnaire n’a assumé sa responsabilité ou ne s’est engagée à protéger les renseignements sur les clients à l’avenir. Lorsqu’on l’a avisée que des mesures disciplinaires seraient prises si les atteintes à la sécurité se répétaient, la fonctionnaire a répondu qu’elle s’en fichait.

[8] Le 23 juin 2015, M. Wolanski a expressément avisé la fonctionnaire que le fait de laisser des renseignements confidentiels dans son bac de recyclage pendant la nuit, comme des listes de noms de clients et leurs numéros de dossiers, constituait une atteinte inacceptable à la sécurité. Néanmoins, la fonctionnaire a répété ce comportement lorsqu’elle a quitté le travail le 24 juin 2015. Le 25 juin 2015, elle a laissé son tiroir déverrouillé pendant la nuit. Il contenait les clés de tous les classeurs et bureaux de l’unité qui renfermaient des renseignements protégés sur les clients.

[9] En juillet 2015, à la suggestion de M. Wolanski et avec le consentement de la fonctionnaire, une discussion facilitée a eu lieu, avec l’aide d’un représentant du système de gestion informelle des conflits de l’employeur. M. Wolanski a témoigné que la réunion n’avait pas été productive et qu’elle avait seulement montré que la voie à suivre serait difficile.

[10] Le 13 août 2015, la fonctionnaire a reçu une réprimande écrite. Les comportements escomptés à l’avenir étaient ainsi formulés :

[Traduction]

[…]

Vous devez vous conformer aux directives précises qui vous ont été données à de nombreuses reprises, notamment :

1. Voir à ce que tous les renseignements sur les clients, y compris les listes de noms, les dossiers, etc., soient sous clé lorsque vous quittez votre bureau à la fin de la journée.

2. Voir à ce que tous les renseignements sur les clients, y compris les listes de noms, les dossiers, etc., soient détruits en les déposant dans nos boîtes verrouillées « Shred-it ». Ces renseignements ne doivent jamais être déposés dans un bac de recyclage.

3. Suivre les directives selon les besoins.

4. Faire preuve de respect et de professionnalisme.

[…]

 

[11] La fonctionnaire n’a pas reconnu qu’elle avait eu une conduite répréhensible ni qu’elle comprenait la nécessité de se conformer aux procédures de sécurité. Au contraire, elle a dit qu’elle agirait encore de la même façon.

B. La suspension de deux jours

[12] Le 2 octobre 2015, la fonctionnaire a rencontré M. Wolanski aux fins d’une évaluation du rendement. Pendant cette rencontre, elle a répondu en faisant des commentaires tels que [traduction] « Dommage », [traduction] « Conneries », [traduction] « Qui se soucie du PAP? » avant de finalement jeter les papiers de côté et sortir du bureau de M. Wolanski.

[13] Lorsque M. Wolanski a suivi la fonctionnaire et qu’il lui a expliqué qu’elle devait revenir pour clore la discussion sur le rendement afin de comprendre ce qui devait être amélioré, la fonctionnaire a refusé de retourner au bureau de M. Wolanski. Celui‑ci l’a avisée que son refus de clore la discussion constituerait de l’insubordination. La fonctionnaire a répondu qu’elle comprenait, mais elle a néanmoins refusé de retourner à la réunion.

[14] Le 5 octobre 2015, on a demandé à la fonctionnaire de replier le dessus des boîtes d’archives à la fin de la journée et elle ne l’a pas fait. Le 6 octobre, on lui a demandé de le faire à trois reprises et elle a refusé. Elle a été avisée que la non‑exécution de cette tâche constituerait de l’insubordination. La fonctionnaire a répondu en criant [traduction] « Non! » à son gestionnaire.

[15] Dans un courriel, M. Wolanski a avisé la fonctionnaire qu’ils devaient se rencontrer pour discuter de son refus de replier le dessus des boîtes d’archives après lui avoir clairement demandé de le faire. La fonctionnaire a répondu en transmettant le courriel de M. Wolanski à près de la moitié de ses collègues de l’unité, accompagné d’une note inappropriée et non professionnelle. Lorsque son gestionnaire l’a avisée qu’elle devait s’abstenir d’envoyer des courriels non professionnels, la fonctionnaire a répondu de façon inappropriée et en jurant, puis elle a indiqué qu’elle continuerait à en envoyer. Elle a dit ce qui suit : [traduction] « Peu importe; j’en enverrai encore à mes amis. »

[16] Le 10 novembre 2015, la fonctionnaire a reçu un [traduction] « Avis de mesure disciplinaire » annonçant une suspension de deux jours pour le comportement qu’elle avait eu. L’avis indiquait en ces termes les comportements escomptés de sa part à l’avenir :

[Traduction]

[…]

Vous devez respecter le Code de conduite de l’ASFC, et plus particulièrement :

1. Suivre les directives de votre gestionnaire, au besoin.

2. Exécuter les tâches qui vous sont assignées par votre gestionnaire.

3. Vous abstenir de refuser d’effectuer un travail ou des tâches qui vous sont assignés par votre gestionnaire.

4. Assister aux réunions avec votre gestionnaire jusqu’à la fin, c’est‑à‑dire, sans vous retirer au milieu d’une réunion.

5. Faire preuve de professionnalisme et de respect en tout temps.

6. Vous abstenir de crier.

7. Vous abstenir de faire preuve d’insubordination.

8. Faire preuve de respect et vous conduire de manière professionnelle.

[…]

 

C. La suspension de cinq jours

[17] En réponse à la suspension de deux jours qui lui a été imposée le 10 novembre 2015, la fonctionnaire a envoyé le courriel suivant à M. Wolanski : [traduction] « Félicitations! Depuis combien de temps attendiez‑vous de me remettre la lettre de mesure disciplinaire que vous avez écrite, depuis que vous avez rejoint la Direction des recours? Est‑ce depuis six ans? Bon, allez-y, je pense que vous l’avez mérité. À combien s’élève votre récompense? »

[18] Lorsque la fonctionnaire a été avisée qu’une réunion aurait lieu pour aborder la question des erreurs grammaticales dans sa correspondance professionnelle, celle‑ci a répondu en disant, entre autres choses, [traduction] « Je n’ai pas à discuter d’une faute d’orthographe avec vous ». Le 19 novembre 2015, la fonctionnaire s’est retirée d’une réunion convoquée pour discuter de sa correspondance, malgré les nombreux avertissements de s’en abstenir. Lorsqu’elle a été avisée que le fait de se retirer constituerait de l’insubordination, la fonctionnaire a répondu [traduction] « Peu importe […] j’ai demandé une mutation » et [traduction] « Considérez cela comme de l’insubordination ».

[19] Le 20 novembre 2015, une autre réunion a eu lieu pour discuter du courriel inapproprié que la fonctionnaire avait envoyé le 10 novembre, ainsi que de son départ de la réunion du 19 novembre. Pendant la réunion du 20 novembre, la fonctionnaire a affirmé qu’à son avis tous ses actes avaient été appropriés et qu’elle ne les regrettait pas. Selon M. Wolanski, elle lui a alors fait un doigt d’honneur et elle a dit [traduction] « Je peux encore me retirer ». La fonctionnaire n’a rien contesté de cela, sauf le doigt d’honneur. Elle a témoigné qu’elle ne se souvenait pas d’avoir fait un doigt d’honneur à M. Wolanski à cette occasion, mais qu’elle lui avait tourné le dos et qu’il avait peut‑être pensé qu’elle lui avait fait un doigt d’honneur. Elle a affirmé qu’il lui était arrivé une fois de faire un doigt d’honneur devant le mur de son cubicule parce qu’elle était frustrée.

[20] Le 15 décembre 2015, la fonctionnaire s’est vu imposer une suspension de cinq jours pour ces incidents. L’avis de mesure disciplinaire énumérait les mêmes huit comportements qui seraient escomptés de la fonctionnaire à l’avenir.

D. La suspension de 15 jours

[21] Le 16 décembre 2015, la fonctionnaire s’est présentée au travail même si elle avait été suspendue la veille. Lorsque M. Wolanski l’a avisée qu’elle n’était pas autorisée à être au travail et qu’elle devait quitter les lieux immédiatement, la fonctionnaire a répondu en lui criant ce qui suit : [traduction] « Partez! », [traduction] « Je vous accuse de corruption! », [traduction] « Vous êtes suspendu pour avoir accepté des pots‑de‑vin! » et [traduction] « Vous voulez l’argent de mon déjeuner? » La fonctionnaire s’est levée et elle est sortie en donnant des coups de pied dans un conteneur à rebuts confidentiels et contre la cloison d’un poste de travail sur son chemin.

[22] La fonctionnaire a été avisée qu’elle n’était pas autorisée à être au travail, que le refus de quitter les lieux immédiatement serait considéré comme de l’insubordination et ferait l’objet d’une autre mesure disciplinaire, et qu’on pourrait appeler la police pour la faire sortir des lieux. La fonctionnaire a réagi en s’emparant d’un dossier comme si elle voulait le lancer sur M. Wolanski et un autre gestionnaire qui était venu apporter son aide. La fonctionnaire a alors fait un doigt d’honneur à M. Wolanski, puis elle a dit : [traduction] « Partez! », [traduction] « Vous êtes malveillant » et « Vous avez accepté des pots‑de‑vin! »

[23] L’employeur s’est abstenu d’appeler la police et il a attendu l’arrivée du président du syndicat, afin de voir s’il pouvait aider. Celui‑ci est arrivé à 13 h 30 et il est parvenu à raccompagner la fonctionnaire hors du lieu de travail vers 15 h. La fonctionnaire se trouvait à son bureau à l’arrivée de M. Wolanski à 9 h et a perturbé le milieu de travail pendant la plus grande partie de la journée avant de finir par quitter les lieux six heures plus tard.

[24] La fonctionnaire n’a contesté aucun des faits importants qui sont survenus lors de cet incident, et elle n’a fourni aucune explication pour justifier les commentaires qu’elle avait formulés au sujet de son gestionnaire. Elle a affirmé que sa conduite était justifiée parce qu’elle n’était pas d’accord avec la suspension et que, par conséquent, elle s’était présentée au travail.

[25] L’employeur a fait valoir qu’il aurait été raisonnable de licencier la fonctionnaire à ce moment‑là, mais que celle‑ci s’était plutôt vu imposer une suspension de 15 jours le 22 février 2016. L’avis de mesure disciplinaire énumérait les mêmes huit comportements escomptés de la fonctionnaire.

E. La suspension de 20 jours

[26] Tout comme elle avait ignoré la suspension de cinq jours et s’était rendue au travail quand même, la fonctionnaire a aussi ignoré la suspension de 15 jours qu’elle s’est vu imposer le 22 février 2016 et elle s’est présentée au travail le 23 février 2016.

[27] Lorsque M. Wolanski lui a demandé pourquoi elle s’était présentée au travail alors qu’elle était suspendue, la fonctionnaire a répondu qu’on lui avait seulement dit quand revenir de la suspension, mais pas quand la suspension était censée commencer, alors elle s’est présentée au travail. La fonctionnaire a ensuite saisi des documents qui se trouvaient sur son bureau afin de se couvrir le visage, puis elle a téléphoné à son représentant syndical, à qui elle a dit : [traduction] « Le connard est à mon bureau! Il me surveille! » La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait tenu les documents en l’air afin d’éviter un contact visuel avec M. Wolanski.

[28] Le 19 avril 2016, la fonctionnaire s’est vu imposer une suspension de 20 jours pour la conduite susmentionnée. L’avis de mesure disciplinaire énumérait les mêmes huit comportements escomptés de sa part.

F. Licenciement

[29] Le 8 août 2016, Jacqueline Chua, gestionnaire des services commerciaux, a avisé M. Wolanski et plusieurs autres gestionnaires que les commissionnaires de l’édifice n’accuseraient plus réception des colis envoyés par messagerie. Ce changement nécessitait la création d’une liste partagée d’employés sur appel pour accuser réception du courrier envoyé par messagerie et le récupérer. M. Wolanski a dit à Mme Chua d’inscrire le nom de la fonctionnaire sur la liste, ainsi que le sien, à titre de remplaçant.

[30] La fonctionnaire s’est farouchement opposée à ce changement, en insistant sur le fait que ce n’était pas son travail, qu’elle ne le ferait pas, et que les employés des services commerciaux devraient s’en charger. La description de travail de la fonctionnaire a démontré que le ramassage du courrier faisait partie des fonctions de son poste. Le 11 août 2016, M. Wolanski a rencontré la fonctionnaire pour discuter de plusieurs problèmes, notamment sa résistance à la directive d’aller récupérer les colis envoyés par messagerie lorsqu’elle était appelée.

[31] Le 15 août 2016, Mme Chua a avisé M. Wolanski que les commissionnaires avaient appelé la fonctionnaire afin de ramasser un colis, mais que celle‑ci avait appelé Mme Chua et lui avait demandé de le faire à sa place. Mme Chua a demandé à M. Wolanski de confirmer que la fonctionnaire serait en mesure d’aider au ramassage du courrier, comme ils en avaient discuté. M. Wolanski a avisé qu’il avait enjoint la fonctionnaire à répondre aux appels afin d’aller ramasser le courrier, mais qu’elle n’avait pas suivi ses directives. Il a avisé Mme Chua qu’il effectuerait un suivi auprès de la fonctionnaire.

[32] Le même jour, M. Wolanski a fourni à la fonctionnaire les notes qu’il avait prises lors de leur rencontre du 11 août 2016, qui exposent, entre autres, les grandes lignes de la discussion portant sur le ramassage du courrier, comme suit :

[Traduction]

Bonjour Natalia,

Veuillez examiner attentivement mes notes de notre rencontre du 11 août 2016, ci‑dessous.

[…]

– J’ai expliqué que les procédures liées au courrier avaient changé, et que même si elles ne sont pas définitives, pour la période intérimaire, vous être inscrite sur la liste comme remplaçante et si on vous appelle, vous devez aller ramasser le courrier. Votre réponse a été la suivante : « Non, je ne le ramasserai pas. C’est leur travail. Je ne fais pas leur travail. » J’ai expliqué qu’il s’agissait d’une responsabilité partagée et qu’il n’y avait pas lieu de discuter de la question. Vous avez alors dit : « Si je ne suis pas occupée. Ils font leur travail, je fais le mien. » J’ai de nouveau expliqué qu’il n’y avait pas lieu de discuter de la question. Vous avez alors dit ceci : « Je ne répondrai pas au téléphone. » J’ai expliqué que je considérerais cela comme de l’insubordination. Vous avez alors dit ceci : « Non, je ne ferai pas cela, je ne me porte pas volontaire. » J’ai expliqué que je ne vous demandais pas de vous porter volontaire, que je vous donnais un ordre directement. Vous avez alors dit ceci : « Si je suis là, je vais répondre au téléphone. » Pour dire les choses clairement : si le téléphone sonne, vous devez répondre à l’appel, et si on vous demande de ramasser le courrier, vous devez le faire. Le défaut de suivre ces instructions claires et directes sera considéré comme de l’insubordination et fera l’objet d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[33] M. Wolanski a reçu des plaintes faisant état d’un comportement grossier et inapproprié de la part de la fonctionnaire, par exemple, que celle‑ci avait raccroché au nez de Mme Chua et des commissionnaires. La fonctionnaire a affirmé qu’elle avait simplement fini de dire ce qu’elle avait à dire à Mme Chua et qu’elle avait donc raccroché, et que les commissionnaires étaient âgés et bougons.

[34] Une réunion de recherche des faits a eu lieu le 2 septembre 2016, à la suite de laquelle la fonctionnaire a refusé une rencontre prédisciplinaire, en indiquant qu’il n’y avait rien de plus à discuter.

[35] La fonctionnaire a aussi refusé d’assister à la rencontre disciplinaire fixée au 16 novembre 2016, lors de laquelle l’employeur prévoyait lui remettre la lettre de licenciement. Toutefois, M. Wolanski a aperçu la fonctionnaire alors qu’elle se préparait apparemment à quitter son bureau, et il a pu lui remettre la lettre de licenciement à côté des ascenseurs. À la lecture de la lettre, la fonctionnaire a essayé de retourner à son bureau, mais M. Wolanski l’a avisée qu’elle devait quitter les lieux immédiatement et que son représentant syndical récupérerait ses effets personnels. M. Wolanski se tenait dans l’embrasure de la porte afin que la fonctionnaire ne puisse pas y retourner. On a appelé le personnel de sécurité.

[36] La fonctionnaire a poussé M. Wolanski et a levé la main comme si elle voulait le frapper. Son représentant syndical s’est interposé entre eux et il a persuadé la fonctionnaire de ne pas frapper M. Wolanski et de reculer. Enfin, avec l’aide d’un autre collègue, le représentant est parvenu à raccompagner la fonctionnaire hors du lieu de travail.

[37] Le 16 novembre 2016, la fonctionnaire a été licenciée pour avoir contrevenu au Code de conduite de l’employeur et au Code de valeurs et d’éthique du secteur public, plus particulièrement, dans le Code de conduite, aux parties B (Responsabilisation et conduite professionnelle), D10 (Rapports avec les collègues) et D12 (Manquement au devoir).

[38] La lettre de licenciement indiquait que le refus délibéré de la fonctionnaire d’obéir à un ordre direct, ainsi que son manque de respect et de professionnalisme au travail, étaient inacceptables. La lettre soulignait que la fonctionnaire avait déjà été avertie et qu’elle avait reçu des conseils au sujet de plusieurs actes de comportement inapproprié, mais qu’elle avait continué à se sentir légitimée dans sa conduite et à l’afficher.

III. Motifs

[39] Pour déterminer le bien‑fondé de ces griefs, je dois déterminer s’il y a eu une conduite qui justifiait la prise d’une mesure disciplinaire et, si tel est le cas, si la mesure disciplinaire imposée et le licenciement de la fonctionnaire étaient excessifs dans les circonstances (voir William Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P162, [1977] 1 Can. LRBR 1, [1976] B.C.L.R.B.D. No. 98 (QL) et Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24).

[40] L’inconduite alléguée dans chacun de ces griefs est l’insubordination. Afin de prouver qu’il y a eu insubordination, l’employeur doit démontrer que l’employée a reçu un ordre clairement communiqué, que la personne ayant donné l’ordre avait l’autorité requise, et que l’employée n’y a pas obéi. (Voir Chauvin c. Administrateur général (Commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada), 2012 CRTFP 66, au par. 22 et Samson c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2019 CRTESPF 40, au par. 288).

[41] Un comportement menaçant, insolent ou méprisant, qui se manifeste par une opposition à l’autorité de l’employeur ou une provocation à son égard, peut aussi être considéré comme de l’insubordination, qu’il y ait eu ou non un refus explicite de se conformer à une directive (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd., au par. 7:3660, et Madden c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2000 CRTFP 93, au par. 28).

[42] Il est clairement ressorti de la preuve que la fonctionnaire s’était livrée à un comportement menaçant, insolent et méprisant envers la direction (et d’autres personnes) et qu’elle avait refusé ou négligé de se conformer à des directives raisonnables en de multiples occasions. Certains des incidents allégués d’insubordination ont été confirmés par les propres mots de la fonctionnaire consignés dans ses courriels.

[43] La fonctionnaire a contesté certains aspects de quelques incidents, mais pour la plus grande part, elle a seulement laissé entendre qu’ils n’étaient pas aussi graves qu’on le prétendait ou qu’ils avaient été justifiés par les actes de M. Wolanski ou d’autres personnes. À titre d’exemple, la fonctionnaire a fait valoir que sa venue au travail pendant qu’elle était suspendue était justifiée parce qu’elle n’était pas d’accord avec la suspension, ou qu’on ne lui avait pas dit quand la suspension devait commencer. (L’avis de mesure disciplinaire indiquait la date de début de la suspension.) La fonctionnaire a envoyé une seule fois un courriel inapproprié à ses amis, parce qu’elle souhaitait qu’ils prennent connaissance de ce qui se passait. La fonctionnaire n’a présenté aucune explication afin de justifier pourquoi elle avait dit à M. Wolanski qu’elle continuerait à envoyer de tels courriels. Il était justifié de se retirer des réunions au cours desquelles son gestionnaire l’avisait de fautes de grammaire ou d’orthographe, parce qu’elle ne devrait pas être obligée d’écouter autant de critiques. Elle n’a pas [traduction] « raccroché au nez » de Mme Chua. Elle avait fini de lui dire ce qu’elle avait à lui dire et avait donc raccroché. Quant aux commissionnaires, ils étaient âgés et bougons.

[44] La fonctionnaire n’a rien laissé entendre qui puisse raisonnablement être considéré comme une justification quelconque de sa conduite, ni même comme une circonstance atténuante. Son gestionnaire ne lui a rien demandé d’autre que d’exécuter son travail et de faire preuve de respect et de professionnalisme dans le milieu de travail. Malheureusement, elle en était incapable ou n’était pas disposée à le faire.

[45] L’employeur a fait preuve de beaucoup de patience et s’est efforcé d’aider la fonctionnaire en lui proposant une formation linguistique, en se livrant à un exercice de résolution de conflits et en explorant des possibilités de mutation à la demande de la fonctionnaire.

[46] L’employeur a pris une longue série de mesures disciplinaires progressives dans l’espoir de faire comprendre à la fonctionnaire que sa conduite au travail ne pouvait pas être tolérée. Ces mesures se sont avérées totalement infructueuses, et la relation de travail était manifestement irréparable. Il était évident à l’audience que la fonctionnaire n’avait rien appris du processus. Elle continue de penser que tous ses comportements étaient justifiés et ne semble pas avoir conscience de leurs conséquences pour le travail qui devait être effectué, pour son gestionnaire et pour les autres personnes dans le milieu de travail.

[47] Je conclus que la fonctionnaire a régulièrement fait preuve d’une insubordination qui constituait un motif pour imposer des mesures disciplinaires, et que les mesures disciplinaires imposées (des suspensions de deux, cinq, 15 et 20 jours, respectivement, suivies d’un licenciement) n’étaient pas excessives dans les circonstances.

[48] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[49] Les griefs sont rejetés.

Le 17 août 2022.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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