Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un gestionnaire à Santé Canada et travaillait à temps partiel comme médecin dans des établissements locaux de santé – l’employeur l’a suspendu pendant une enquête et l’a subséquemment licencié rétroactivement à la date de la suspension – le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé trois griefs contestant, respectivement, sa suspension, l’enquête et son licenciement – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait envoyé des renseignements protégés de Santé Canada à son adresse courriel personnelle, contrairement aux politiques du lieu de travail, avait travaillé pour des établissements locaux de santé pendant ses heures normales de travail à Santé Canada, avait pris congé sans autorisation et s’était déplacé sans autorisation, et que sa conduite justifiait l’imposition d’une mesure disciplinaire – la Commission a conclu que le licenciement n’était pas excessif dans les circonstances – la Commission a conclu que l’employeur avait une connaissance suffisante de la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé à la date de la suspension pour justifier son licenciement rétroactif à cette date – la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence à l’égard du grief contestant l’enquête, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi que l’enquête enfreignait sa convention collective ou constituait une mesure disciplinaire.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20220824

Dossiers: 566-02-14774, 14776 et 14777

 

Référence: 2022 CRTESPF 74

Loi sur la Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Norman Viner

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de la Santé)

 

défendeur

Répertorié

Viner c. Administrateur général (ministère de la Santé)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Erik Gagné, Billeh Hamud et Justine Lacroix, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur : Jena Montgomery, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

du 27 au 30 août, les 7 et 8 novembre et du 16 au 19 décembre 2019
et les 15 et 16 octobre et du 19 au 21 octobre 2020.
(Arguments écrits déposés les 16 novembre et 11 décembre 2020
et les 15 et 29 janvier et 3 février 2021
.)

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Le Dr Norman Viner, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était gestionnaire à temps plein au ministère de la Santé (l’« employeur » ou « Santé Canada ») et travaillait également à temps partiel comme médecin à l’hôpital Queensway Carleton (l’« hôpital ») et dans une maison de soins de longue durée. En 2016, il a été suspendu sans solde et, le 18 août 2017, son emploi à Santé Canada a fait l’objet d’un licenciement motivé. L’employeur a ramené la date du licenciement à celle du début de la suspension sans solde (le 29 août 2016). Le Dr Viner a déposé un grief concernant l’enquête sur sa faute présumée (y compris la procédure d’enquête), la suspension sans solde et son licenciement.

[2] Le Dr Viner était chef des essais cliniques à la division des essais cliniques de la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques de Santé Canada. La convention collective applicable est celle de l’unité de négociation du groupe Services de santé (date d’expiration : 30 septembre 2018; la « convention collective »), conclue entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor.

[3] En 2014, le Dr Viner a été autorisé par Santé Canada à occuper son emploi à l’extérieur de la fonction publique, sous réserve de certaines conditions (dont il est question plus loin dans la présente décision).

[4] L’employeur a entamé une enquête qu’il a qualifiée d’[traduction] « administrative » le 25 avril 2016, en raison de préoccupations selon lesquelles le travail du fonctionnaire en tant que médecin interférait avec l’exercice de ses fonctions à Santé Canada et en raison de l’utilisation inappropriée que le fonctionnaire faisait des ressources de l’employeur (téléphone cellulaire et courriel) dans le cadre de ces fonctions extérieures. Le Dr Viner a déposé un grief concernant l’enquête et la procédure d’enquête (le 8 mai 2017). Il a déploré le [traduction] « caractère injuste et arbitraire » de l’enquête ainsi que des [traduction] « délais déraisonnables ». Il a allégué que l’enquête violait la convention collective et les directives de l’employeur en matière de mesures disciplinaires, qu’elle constituait un abus de pouvoir, un déni d’équité procédurale et une mesure disciplinaire déguisée.

[5] Le fonctionnaire a continué à travailler jusqu’au 29 août 2016, date à laquelle il a été suspendu sans solde. L’employeur a déclaré qu’il avait fondé la suspension sur des renseignements supplémentaires qui avaient été portés à son attention au cours du processus d’enquête (dont il est question plus loin dans la présente décision). Il a déposé un grief contre cette suspension le 2 septembre 2016. La thèse de l’employeur est que la suspension était de nature administrative et que la Commission n’a pas compétence pour entendre ce grief.

[6] Le licenciement du fonctionnaire a eu lieu le 18 août 2017. L’employeur a fixé la date d’effet du licenciement à la date de la suspension sans solde (le 29 août 2016). La lettre de licenciement énonce les conclusions suivantes :

 

[Traduction]

 

[…]

En réponse à votre déclaration d’emploi à l’extérieur de la fonction publique en tant que médecin, le pouvoir délégué en matière de conflit d’intérêts était assorti de restrictions claires sur la manière et le moment d’exercer ces fonctions. Bien qu’il existe des éléments de preuve démontrant que vous avez reçu cette réponse officielle, vous avez fait valoir que vous ne l’avez pas vue, qu’elle faisait partie d’une centaine de courriels que vous avez reçus alors que vous étiez en voyage, que le courriel n’était pas marqué urgent ou important et qu’aucune formation ne vous a été dispensée pour vous aider à comprendre ou à interpréter cette lettre. Pourtant, dans vos arguments écrits, vous avez déclaré qu’« il serait déraisonnable et absurde pour moi de faire passer les restrictions avant mes autres obligations ou échéances », ce qui laisse entendre que vous étiez au courant des restrictions en vigueur, mais que vous avez choisi de ne pas en tenir compte. Il existe également des éléments de preuve montrant que vous avez utilisé les ressources de Santé Canada pour mener à bien votre emploi à l’extérieur de la fonction publique avant de soumettre votre déclaration et que vous n’avez pas été franc avec le bureau des conflits d’intérêts sur ce fait.

En ce qui concerne l’utilisation des ressources de Santé Canada, comme le courriel, le télécopieur et votre BlackBerry fourni par le gouvernement, il y a suffisamment d’éléments de preuve étayant que vous avez informé votre employeur externe qu’il pouvait entrer en contact avec vous par ces moyens pour des tâches liées à votre emploi à l’extérieur de la fonction publique. Il existe également des éléments de preuve que ces communications ont eu lieu pendant les heures de travail à Santé Canada, pour lesquelles vous étiez payé par Santé Canada. Cette pratique s’est poursuivie bien après que la lettre du pouvoir délégué en matière de conflits d’intérêts vous a été envoyée.

En ce qui concerne l’utilisation abusive des congés et les demandes de remboursement de frais de déplacement, je suis convaincu qu’il existe des éléments de preuve démontrant, selon la prépondérance des probabilités, que vous étiez au courant des protocoles en vigueur, mais que vous avez choisi de ne pas les suivre.

En ce qui concerne votre compte Gmail, je suis convaincu qu’il existe des éléments de preuve démontrant que vous avez envoyé des renseignements professionnels protégés à votre compte Gmail personnel et à des parties externes sans autorisation. Lorsqu’on vous a demandé pourquoi vous n’aviez pas utilisé les outils mis à votre disposition pour protéger les renseignements gouvernementaux, tels que le bureau Web, vous avez déclaré que vous aviez envoyé un grand nombre de ces courriels à votre compte Gmail « pour les examiner sur [votre] ordinateur personnel par souci de commodité ».

Lors de l’audience disciplinaire, vous avez présenté plusieurs arguments en réponse aux conclusions du rapport administratif. Voici un résumé des principaux arguments présentés :

· l’enquête a été lancée par suite d’une vendetta personnelle de Mme Parker contre vous;

· vous avez expliqué que vous avez soumis les renseignements désignés Protégé à votre compte Gmail par souci de commodité;

· vous n’avez pas vu le courriel du 22 mai 2014 du bureau des conflits d’intérêts, car il faisait partie d’une centaine de courriels que vous avez reçus;

· l’employeur n’a pas reconnu votre rendement, la charge de travail de votre équipe ou la contribution importante que vous avez apportée lors de la crise Ebola;

· les déclarations des témoins étaient inexactes ou faites par jalousie après que la directrice générale précédente vous a attribué la direction du dossier Ebola;

· les inexactitudes dans la déclaration des congés n’étaient pas intentionnelles ou ont été démenties ultérieurement par votre directeur;

· les appels que vous receviez sur votre BlackBerry pendant les réunions étaient destinés à aider vos employés;

· les mercredis après-midi, vous étiez en mesure de vous acquitter de vos tâches cliniques à l’extérieur du site, même si vous jouiez dans une ligue de golf masculine;

· vous auriez corrigé votre comportement si la direction avait porté ces problèmes à votre attention.

J’estime que les arguments que vous avez présentés n’étaient pas étayés ou convaincants pour atténuer le degré de gravité de votre faute de conduite. Par conséquent, selon les renseignements dont je dispose, je conclus qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, vous n’avez pas respecté et avez sciemment enfreint ce qui suit : le Code de valeurs et d’éthique de Santé Canada, ci-après appelé le « Code »; la Politique du Secrétariat du Conseil du Trésor sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux; la Norme d’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux électroniques de Santé Canada; la Politique de Santé Canada sur la protection et la garde des renseignements.

En tant que fonctionnaire, vous n’avez pas su vous conduire conformément au Code, notamment en matière d’intégrité et de gestion. En tant que gestionnaire et médecin (MD-MOF-03) comptant près de 19 ans de service, vous êtes tenu de respecter des normes plus strictes, conformément au Code, et vous auriez dû raisonnablement savoir ce qu’il en était. Vous avez également omis d’agir d’une manière qui puisse résister à l’examen public le plus approfondi et d’utiliser de manière efficiente les ressources publiques à votre disposition.

Pour rendre une décision, j’ai pris en considération vos années de service, l’absence de mesures disciplinaires dans votre dossier ainsi que votre rendement. Cependant, malgré les facteurs atténuants recensés, il reste un certain nombre de facteurs aggravants dont je ne peux faire abstraction. Le plus inquiétant est votre absence de remords ou de reconnaissance de la gravité de vos actes. Au lieu de cela, vous vous êtes montré indifférent quant aux restrictions auxquelles vous étiez soumis dans le cadre de vos activités et de votre emploi à l’extérieur de la fonction publique, conformément au pouvoir délégué en matière de conflits d’intérêts. Les exigences en matière de conflits d’intérêts sont une condition d’emploi pour les fonctionnaires de Santé Canada, comme le stipule la Politique du Conseil du Trésor sur les conflits d’intérêts et l’après-mandat et le Code de valeurs et d’éthique de Santé Canada. En outre, vous n’étiez pas disposé à fournir des renseignements pendant l’enquête. Il y a également eu des cas où vous avez fourni des renseignements contradictoires. Par conséquent, je ne trouve aucune raison de conclure que ce comportement va changer.

En conséquence, je conclus que vos actes ont irrémédiablement brisé le lien de confiance qui est fondamental à la relation d’emploi. Vous vous êtes comporté d’une manière totalement incompatible avec votre rôle de gestionnaire et d’employé.

Par conséquent, conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets fin à votre emploi à Santé Canada, à compter du 29 août 2016, à la fermeture des bureaux.

[…]

 

[7] Le fonctionnaire a déposé un grief concernant le licenciement le 28 août 2017.

[8] Au début de l’audience, les parties ont convenu que la question des réparations découlant d’une décision sur le fond des griefs serait abordée après la publication de la présente décision.

II. Question préliminaire

[9] Au cours de l’audience, j’ai rendu une ordonnance de mise sous scellés des courriels échangés en 2015 entre la directrice générale du fonctionnaire (Cathy Parker), et ce dernier au sujet des essais cliniques. L’échange de courriels contenait également des renseignements médicaux sur un tiers (une amie de Mme Parker).

[10] La nature publique des éléments de preuve et des audiences devant la Commission est un principe bien établi. Une ordonnance de mise sous scellés doit satisfaire aux critères établis par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 RCS 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76; Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, comme suit (extrait de Sierra Club du Canada, au paragr. 53) :

a) [une ordonnance] […] est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

[11] Au moment où j’ai rendu l’ordonnance de mise sous scellés et de confidentialité, la Cour suprême du Canada n’avait pas encore rendu sa décision Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25.

[12] Dans le présent cas, l’ordonnance de mise sous scellés était nécessaire pour protéger les renseignements médicaux d’une personne (maintenant décédée) qui n’est pas partie à la procédure. Les renseignements médicaux de cette personne ne sont en aucun cas pertinents pour la question que le fonctionnaire a soulevée en ce qui concerne ces courriels. L’intérêt important dans le présent cas est d’empêcher la diffusion de renseignements médicaux sur des tiers, lorsque ceux-ci ne savent pas que leurs renseignements médicaux peuvent être rendus publics au cours d’une procédure quasi judiciaire publique et n’ont pas la possibilité de demander la protection de ces renseignements très personnels. L’effet salutaire d’une ordonnance de mise sous scellés visant à protéger les renseignements personnels d’un tiers non prévenu l’emporte sur tout effet nuisible sur le droit du public d’être informé de la procédure devant la Commission, puisque les renseignements personnels du tiers ne sont aucunement pertinents pour la compréhension des questions dont la Commission est saisie ou pour les décisions que la Commission est appelée à rendre dans l’affaire.

[13] J’ai ordonné au fonctionnaire de fournir une version expurgée des courriels pour dépôt auprès de la Commission et j’ai ordonné aux parties de ne pas désigner la personne par son nom à l’audience ou dans leurs arguments.

III. Résumé de la preuve

A. Information contextuelle

[14] Le fonctionnaire a commencé à travailler à Santé Canada le 28 juillet 1999. Au moment des événements en cause dans les griefs, il était chef des essais cliniques au sein de la division des essais cliniques de la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques. Il était classé comme médecin fonctionnaire (MOF-03) depuis au moins 2005.

[15] Le fonctionnaire supervisait 10 examinateurs médicaux. Son superviseur était la Dre Agnes Klein, directrice de la division des essais cliniques. Elle est maintenant à la retraite. La Dre Klein n’a pas témoigné à l’audience. De février 2012 à janvier 2015, le directeur général de la Direction générale était le Dr Cushman. Celui-ci a quitté Santé Canada en mars 2015. Mme Parker a été directrice générale par intérim de janvier à juin 2015. En juin 2015, ses fonctions en tant que directrice générale permanente ont été confirmées. Le Dr Cushman et Mme Parker ont tous deux témoigné à l’audience de la Commission.

[16] Le fonctionnaire est également un médecin en exercice. Il travaille à l’hôpital depuis 1984, et dans son service de gériatrie subaiguë depuis 2004. Il a également fourni des services à une maison de soins infirmiers de longue durée.

[17] Pierre Sabourin, le sous-ministre adjoint de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada, était responsable de la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques. Il a témoigné que 29 des 65 médecins fonctionnaires de Santé Canada étaient également des médecins praticiens. Il a déclaré qu’il y avait une proportion similaire de médecins fonctionnaires travaillant comme médecins praticiens à l’époque où le fonctionnaire était employé. Il a déclaré que nombre de ces employés avaient des semaines de travail comprimées afin de pouvoir consacrer du temps à leur travail clinique à l’extérieur.

B. Heures de travail et tâches hospitalières

[18] La convention collective fixe les heures de travail du fonctionnaire (à la clause 8.02). Les heures de travail normales sont en moyenne de 37,5 heures par semaine sur chaque période de quatre semaines. Si l’employeur l’approuve, les heures de travail peuvent être aménagées de façon à « répondre aux fonctions particulières de l’employé ». Le fonctionnaire bénéficiait également d’une période de dîner d’une heure ainsi que d’une période de repos d’une demi-heure chaque jour. Selon un accord tacite entre lui et la Dre Klein, le fonctionnaire pouvait faire sa tournée à l’hôpital le mercredi après-midi. Dans sa déclaration d’entrevue avec l’enquêteuse, la Dre Klein a déclaré qu’il s’agissait de la seule entente qu’elle avait conclue avec le fonctionnaire concernant ses heures de travail. La Dre Klein a également déclaré dans sa déclaration d’entrevue que les heures normales de travail du fonctionnaire étaient de 8 h 30 à 16 h 30.

[19] Le fonctionnaire a déclaré qu’il travaillait souvent plus que ces heures normales de travail à Santé Canada, notamment le soir et les fins de semaine et lors de déplacements. Le Dr Cushman a témoigné que le fonctionnaire travaillait souvent le soir à Santé Canada. La Dre Klein a déclaré lors de son entrevue que les médecins fonctionnaient selon un système fondé sur l’honneur et qu’on attendait d’eux qu’ils reprennent le temps perdu en raison d’activités extérieures.

[20] Durant son témoignage, Mme Parker a déclaré qu’elle n’avait pas été informée de quelque autre régime de travail souple non officiel accordé au fonctionnaire. Elle a également déclaré que toute entente de télétravail aurait dû être officialisée.

[21] Les périodes de garde à l’hôpital sont pertinentes au regard des griefs. Le Dr Fraser Miller, qui a été chef du service de médecine gériatrique de l’hôpital de 2014 à 2016, a témoigné quant au processus de garde et aux obligations administratives d’un médecin à l’hôpital. Brenda Mulder fournit un soutien administratif au service de gériatrie de l’hôpital, notamment en gérant l’horaire de garde des médecins. Elle a également témoigné au sujet du fonctionnement des périodes de garde et des tâches administratives d’un médecin à l’hôpital.

[22] Le Dr Miller a témoigné qu’en général, environ 30 patients étaient répartis entre deux médecins. Pendant sa période de garde, de 7 h à 17 h, le médecin n’était pas présent dans le service. Un médecin était censé rendre visite aux patients tous les jours après leur arrivée, puis deux fois par semaine après cinq semaines d’hospitalisation. Après 13 semaines, on s’attendait à ce que le médecin rende visite aux patients deux fois par mois. Le Dr Miller a déclaré qu’il ne connaissait pas l’emploi du temps du fonctionnaire. Il ne supervisait pas directement le fonctionnaire, mais le croisait dans les couloirs de l’hôpital.

[23] Le Dr Miller a témoigné que l’obligation d’un médecin de garde est d’être joignable sur un téléavertisseur durant la nuit, afin de répondre à toute situation qui pourrait survenir, comme des cas de fièvre, de chute ou de décès. Il est supposé et attendu que le médecin pourra se rendre à l’hôpital dans un délai de 20 à 30 minutes. Être de garde n’est pas un travail qui est fait à titre gracieux, a dit le Dr Miller. C’est une obligation pour tous les membres du service hospitalier, sauf si des dispositions ont été prises pour exclure un médecin de la liste de garde. Il a déclaré que les médecins reçoivent une allocation pour être de garde.

[24] Lors de son contre-interrogatoire, le Dr Miller a reconnu qu’il était possible de ne recevoir aucun appel pendant une période de garde, mais que c’était très rare. Il ne se souvenait pas d’une telle occasion.

[25] L’horaire de garde est établi une fois par an, mais il peut être modifié, en fonction de la situation de chaque médecin.

[26] Le Dr Miller a également témoigné que les médecins devaient assister à 5 réunions par an sur les 10 prévues. Celles-ci se tenaient généralement de 8 h à 9 h, bien que certaines duraient plus longtemps. Ces réunions permettaient aux médecins de discuter des questions liées à l’hôpital et de communiquer des renseignements; elles avaient également un volet éducatif. Le Dr Miller a témoigné qu’en général, les questions opérationnelles occupaient environ de 30 à 40 minutes du temps de réunion, et les séances éducatives, lorsqu’elles avaient lieu, duraient environ une heure. Il ne savait pas si le fonctionnaire avait assisté au nombre requis de réunions, mais il ne se rappelait pas l’avoir rencontré pour discuter d’un éventuel manque à gagner. Mme Mulder ne se souvenait d’aucune préoccupation liée à la présence du fonctionnaire aux réunions.

[27] En contre-interrogatoire, le Dr Miller a reconnu qu’il était possible de quitter les réunions avant la fin, mais que cela était très inhabituel. Il a également témoigné que certaines réunions se terminaient tôt. Mme Mulder a témoigné que tous les médecins ne restaient pas pendant toute la réunion d’une heure et que certains pouvaient partir 15 à 20 minutes avant la fin.

[28] L’horaire de garde à l’hôpital comprenait la période allant du vendredi midi jusqu’au lundi à 7 h. Le Dr Miller a témoigné que l’horaire avait été modifié à un moment donné, parce que midi était trop tôt pour certains médecins. Cependant, les heures de garde du vendredi étaient en vigueur aux moments pertinents au regard des présents griefs.

[29] Le Dr Miller a témoigné que les conférences familiales étaient des réunions non officielles au cours desquelles l’équipe traitante et les membres d’une famille se réunissaient pour discuter de la sortie d’un patient ou de problèmes concernant un patient. Ces réunions avaient lieu à une heure précise et duraient généralement environ 30 minutes. Le Dr Miller a déclaré qu’il pouvait y avoir du travail de bureau après la réunion si le patient avait obtenu sa sortie. Le médecin devait également documenter ce qui s’était dit pendant la réunion.

[30] Mme Mulder a également témoigné concernant le calendrier des vacances (de Noël jusqu’au jour de l’An) du service de gériatrie. Le fonctionnaire était à l’horaire en 2014. Il n’était pas tenu de rester à l’hôpital pendant toute cette période. On l’appellerait si quelque chose arrivait. Mme Mulder a affirmé que le fonctionnaire devait voir des patients à un moment donné de la journée et qu’il était informé par téléavertisseur en cas de problème. Elle a également témoigné qu’il pouvait prendre des dispositions pour qu’un autre médecin prenne des nouvelles de ses patients.

C. Code de conduite et restrictions applicables au fonctionnaire

[31] Santé Canada dispose d’un Code de valeurs et d’éthique (le « Code ») qui s’applique à tous ses employés. Mme Parker a déclaré que le Code est mentionné dans la lettre d’offre reçue par tous les employés, et que les employés en reçoivent une copie. La lettre d’offre du fonctionnaire n’a pas été inscrite comme pièce lors de l’audience de la Commission. Mme Parker a témoigné que tous les employés ont accès au Code par l’intermédiaire de l’intranet de Santé Canada. Elle a également témoigné que les employés se voient rappeler leurs obligations, étant invités chaque année à signer la déclaration de conflit d’intérêts.

[32] Le Code énonce la responsabilité et l’obligation générales suivantes : « ne […] jamais utiliser directement ou indirectement les biens du gouvernement, y compris les biens loués, ou […] en permettre l’usage direct ou indirect à des fins autres que celles officiellement approuvées ». Il contient également les orientations générales suivantes sur les emplois à l’extérieur de la fonction publique :

Les fonctionnaires peuvent occuper un emploi ou participer à des activités à l’extérieur de la fonction publique, à la condition que cet emploi ou ces activités ne risquent pas d’entraîner un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel ou de compromettre l’impartialité de la fonction publique ou l’objectivité du fonctionnaire.

Les fonctionnaires doivent présenter un rapport au sous-ministre (ou son délégué) lorsque leur emploi ou leurs activités extérieurs risquent de les soumettre à des exigences incompatibles avec leurs fonctions et obligations officielles. Il en est de même si leur capacité de s’acquitter objectivement de leurs fonctions ou responsabilités est susceptible d’être remise en question. Si le sous-ministre (ou son délégué) détermine qu’il existe un risque réel, apparent ou potentiel de conflit d’intérêts, il peut exiger la modification ou l’abandon de ces activités.

 

[33] Même s’il travaillait à l’hôpital depuis de nombreuses années, ce n’est qu’en 2014 que le fonctionnaire a dû remplir une déclaration de « conflit d’intérêts » concernant son emploi à l’extérieur de la fonction publique. Après l’avoir remplie, il a également répondu aux questions que lui posait le bureau des conflits d’intérêts de Santé Canada. On lui a demandé si ses heures de travail à Santé Canada serviraient à quoi que ce soit ayant un lien avec son emploi à l’extérieur de la fonction publique. Il a répondu : [traduction] « Mon travail s’effectue en dehors de mes heures de travail à Santé Canada, et il implique que je sois de garde ou que je fasse la “tournée des patients” les soirs et les fins de semaine. »

[34] Dans une lettre envoyée au fonctionnaire le 22 mai 2014 (la « lettre sur les conflits d’intérêts »), le bureau des conflits d’intérêts de Santé Canada l’autorisait à travailler comme médecin pour un employeur externe (l’hôpital et une maison de soins de longue durée), sous réserve des restrictions suivantes :

 

[Traduction]

 

· Vous ne devez pas utiliser vos heures de travail à SC pour exercer votre emploi à l’extérieur de la fonction publique;

· Vous ne devez pas vous servir des ressources de SC (p. ex. données, renseignements, éléments confidentiels, documents, présentations, compte de courriel) ni de son matériel (p. ex. ordinateurs, photocopieuses, fournitures de bureau) aux fins de votre emploi à l’extérieur de la fonction publique.

· Vous ne devez pas communiquer de renseignements ou données confidentiels dont vous pourriez prendre connaissance dans le cadre de vos fonctions officielles à SC;

· Vous ne devez pas vous identifier comme étant un employé de SC pour toute tâche liée à votre emploi à l’extérieur de la fonction publique;

· Vous ne devez pas permettre que vos activités extérieures nuisent à votre disponibilité, à vos capacités ou à votre efficacité dans l’exercice de vos fonctions officielles.

 

[35] La lettre contenait également le résumé suivant de certains des principes énoncés dans le Code :

Les responsabilités et fonctions générales d’un fonctionnaire incluent :

a) Il doit prendre toutes les mesures possibles pour reconnaître, prévenir, signaler et régler tout conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses responsabilités officielles et ses intérêts personnels;

b) Il doit s’abstenir d’avoir des intérêts personnels, excluant ceux autorisés dans le présent chapitre, lorsque sa participation à des activités gouvernementales ou la connaissance qu’il a de ces activités ou les renseignements qu’il possède à ce sujet peuvent avoir une incidence indue sur ces intérêts;

c) Il ne doit jamais utiliser sciemment à son propre avantage ou tirer parti des renseignements obtenus dans l’exercice de ses fonctions qui ne sont pas facilement accessibles au public;

d) Il ne doit jamais utiliser directement ou indirectement les biens du gouvernement, y compris les biens loués, ou d’en permettre l’usage direct ou indirect à des fins autres que celles officiellement approuvées;

e) Il ne doit pas venir en aide à des personnes ou des entités privées dans leurs rapports avec le gouvernement, si cela peut occasionner un traitement de faveur;

f) Il ne doit pas intervenir dans les rapports des personnes ou des entités privées avec le gouvernement afin d’influencer de façon inappropriée leur résultat;

g) Il doit maintenir l’impartialité de la fonction publique et ne doit pas participer à des activités politiques ou extérieures qui portent atteinte ou qui pourraient être considérées comme portant atteinte à sa capacité d’exercer ses fonctions de manière objective ou impartiale;

h) Il doit s’assurer de résoudre dans l’intérêt public tout conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses activités personnelles et ses responsabilités officielles en tant que fonctionnaire.

 

[36] Dans ses arguments écrits aux fins de l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir vu [traduction] « une quelconque documentation concernant d’éventuelles restrictions » visant son travail en tant que médecin praticien. Il s’est rappelé que sa déclaration de conflit d’intérêts portait uniquement sur ses activités cliniques et que [traduction] « l’une ou l’autre était en conflit ou n’était pas en conflit avec ce nouveau processus ». Il ne se souvient pas avoir reçu le courriel contenant la lettre énonçant les restrictions qui lui étaient imposées en matière de conflit d’intérêts. Il a déclaré que les faits suivants étayaient sa position selon laquelle les restrictions n’avaient pas été portées à son attention :

• Le courriel a été envoyé trois mois après qu’il eut rempli sa déclaration.

• Il lui a été envoyé alors qu’il était en congé, et il est parti en voyage d’affaires peu après avoir repris le travail.

• Il ne portait aucune mention « urgent » ou « important ».

• Il ne demandait pas d’accusé de réception ou de réponse.

• Il ne comportait aucune demande de rencontre.

• Aucune formation ni aucun soutien n’était fourni pour aider à [traduction] « la compréhension et l’interprétation de ce nouveau processus ».

 

[37] Dans ses arguments écrits à l’employeur, le fonctionnaire a ensuite déclaré que, même s’il avait lu ce [traduction] « courriel non marqué », il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il soit en mesure de se conformer immédiatement après avoir reçu l’avis concernant les restrictions. Il a déclaré que si la mise en conformité immédiate était [traduction] « d’une telle importance et d’une telle conséquence, cela aurait dû être précisé » lors d’une réunion en personne.

[38] Mme Parker a rapporté que, lors d’une réunion tenue le 21 septembre 2016, le fonctionnaire a déclaré avoir demandé à une pharmacie de cesser de lui envoyer des ordonnances au numéro de télécopieur de Santé Canada après avoir reçu la lettre de conflit d’intérêts du 22 mai 2014. Le fonctionnaire a témoigné avoir demandé à la pharmacie de ne plus envoyer d’ordonnances après avoir reçu la demande annuelle de mise à jour sur les conflits d’intérêts, en mai 2015.

D. L’enquête et la suspension

[39] En 2016, certains employés ont fait part à Mme Parker de leurs préoccupations concernant le fait que le fonctionnaire arrivait souvent en retard, n’était pas préparé et répondait fréquemment à son téléphone portable pendant les réunions. Les 30 mars et 1er avril 2016, elle a rencontré le fonctionnaire pour discuter de ses préoccupations concernant l’interférence de son emploi extérieur en tant que médecin praticien avec ses fonctions à Santé Canada.

[40] Le 1er avril 2016, Mme Parker a envoyé un courriel au fonctionnaire, résumant leurs conversations comme suit :

[Traduction]

 

Le 30 mars 2016, je vous ai rencontré pour discuter des préoccupations portées à mon attention, selon lesquelles vous exerciez un emploi extérieur pendant les heures de travail. Lors de cette réunion, vous avez mentionné ce qui suit :

· Vous prenez en effet les appels téléphoniques concernant les patients pendant les heures de travail, vous donnez parfois des ordres de sortie par téléphone et vous examinez les résultats de tests subis par les patients. Vous avez indiqué que vous ne considériez pas cela comme un conflit, mais simplement comme des tâches professionnelles normales. Bien que la lettre que vous avez reçue du bureau des conflits d’intérêts stipule que le temps et le matériel de Santé Canada ne doivent pas être utilisés dans l’exercice de vos fonctions de médecin, vous avez indiqué ne pas avoir compris que cela signifiait que vous ne pouviez prendre les appels téléphoniques concernant les patients pendant les heures de travail.

· Vous avez dit que vous utilisez à cette fin le BlackBerry que le gouvernement vous a fourni, mais si cela pose un problème, vous pouvez vous en procurer un autre.

· Vous avez également indiqué que votre agenda comporte de nombreuses références au fait que vous êtes de garde, mais que cela signifie toujours après 17 h.

Le 1er avril 2016, vous avez demandé de me rencontrer de nouveau. Lors de cette réunion, vous avez admis ce qui suit :

· Vous avez confié que vous avez dû, « il y a quelques mois », remplacer un autre médecin qui avait subi une crise cardiaque. Pour cette raison, vous avez dit qu’il y a eu une période d’« activité accrue » liée à vos fonctions en dehors de Santé Canada.

· Vous m’avez également demandé si, lors d’un examen de vos relevés téléphoniques, il serait possible de retracer les appels provenant d’un « appelant inconnu », car vous en avez reçu un certain nombre. J’ai répondu que je ne connaissais pas la réponse.

 

[41] Mme Parker a demandé au fonctionnaire de cesser [traduction] « immédiatement » toute activité liée aux fonctions de son emploi extérieur pendant les journées normales de travail.

[42] Dans une réponse à ce courriel le 4 avril 2016, le fonctionnaire a déclaré qu’il s’agissait d’un portrait fidèle de la discussion, sauf concernant les appelants inconnus, car [traduction] « la plupart des appels marqués “appelant inconnu” proviennent probablement de l’hôpital, car ils proviennent de radiotéléphones qui ne peuvent être identifiés [...] ».

[43] Le 25 avril 2016, le fonctionnaire a été informé d’une enquête que l’employeur a qualifiée d’[traduction] « administrative » et qui reposait sur les allégations suivantes :

[Traduction]

 

· Manquement à vos obligations en tant que fonctionnaire, conformément au Code de valeurs et d’éthique de Santé Canada, pour prévenir, gérer et/ou résoudre une situation de conflit d’intérêts.

· Violation de la politique du Conseil du Trésor sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux et de la norme d’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux électroniques de Santé Canada.

 

[44] La période visée par l’enquête commençait à la date de la lettre de conflit d’intérêts (22 mai 2014). L’enquêteuse était Michelle Toutant, une conseillère en relations de travail à Santé Canada qui a témoigné devant la Commission.

[45] L’employeur a récupéré les comptes de messagerie et les relevés téléphoniques du fonctionnaire, ainsi que son ordinateur portable fourni par l’employeur. Mme Parker l’a informé que, pendant l’enquête, il devait continuer à exercer ses fonctions à Santé Canada. Il a également été informé qu’une fois l’enquête terminée, il aurait la possibilité de présenter [traduction] « des clarifications ou des circonstances atténuantes » qui, selon lui, n’avaient pas été prises en compte dans l’enquête. Après avoir mentionné cette possibilité, la lettre indiquait que la direction rendrait une décision finale et que si les allégations étaient fondées [traduction] « des mesures administratives et/ou disciplinaires pourraient être prises, ce qui pourrait aller jusqu’au licenciement ».

[46] Le fonctionnaire a reçu une copie d’un projet de rapport d’enquête préliminaire le 27 juillet 2016. Les conclusions préliminaires suivantes y étaient énoncées :

· Le fonctionnaire a donné à l’hôpital son adresse électronique et son numéro de téléphone de Santé Canada comme moyen de le contacter.

· Il était de garde à l’hôpital pendant des heures précises qui empiétaient sur ses heures de travail à Santé Canada.

· Il a assisté à 17 réunions à l’hôpital pendant ses heures de travail à Santé Canada.

· Il a utilisé le réseau et les dispositifs de Santé Canada pour les communications par courriel et par téléphone à destination et en provenance de l’hôpital.

· Il a fait des appels interurbains personnels avec son appareil de Santé Canada et a engagé des frais d’itinérance et d’interurbain de 4 516,29 $.

· Il a été absent sans autorisation pendant 24 jours entre août 2014 et février 2016.

 

[47] Le fonctionnaire a fourni une réponse au rapport d’enquête préliminaire le 16 août 2016. Il y déclarait que les conclusions étaient [traduction] « déconcertantes, car elles sont factuellement inexactes et/ou incomplètes ».

[48] Le fonctionnaire a été suspendu sans solde le 29 août 2016. Dans la lettre de suspension, Mme Parker s’est appuyée sur les renseignements suivants pour justifier la suspension :

· Le manquement à un essai clinique le 28 avril 2016, en raison de la prétendue inaction du fonctionnaire;

· Au moment de cet échec, il n’était pas en congé approuvé et n’a fourni aucune explication pour son absence;

· La découverte d’un échange de courriels vers son compte de messagerie personnel concernant l’examen d’une demande d’essai clinique (renseignements classifiés qui n’auraient pas dû être dirigés vers un compte de messagerie personnel);

· La découverte de six ordonnances médicales adressées au fonctionnaire dans un télécopieur de Santé Canada.

 

[49] La lettre comprenait la justification suivante de la suspension :

[Traduction]

 

[…]

Compte tenu des circonstances, la direction a déterminé que votre présence continue sur le lieu de travail et votre accès continu au réseau présentent un risque raisonnablement grave et immédiat pour les préoccupations légitimes du Ministère, notamment la santé et la sécurité des Canadiens.

De plus, vos actes sont susceptibles de nuire ou de porter préjudice à la réputation générale de Santé Canada. À ce titre, vous êtes suspendu sans solde pour une période indéterminée.

[…]

 

[50] Le fonctionnaire a été informé qu’il aurait l’occasion de présenter des observations si des mesures administratives ou disciplinaires étaient justifiées. Il a également été informé que si les mesures disciplinaires n’étaient pas justifiées, il serait réintégré dans ses fonctions et indemnisé pour la période de suspension.

[51] Dans sa décision concernant le grief à l’égard de la suspension, Mme Parker a reconnu avoir été mise au courant de l’échec de l’essai clinique au moment des faits (en avril) et a déclaré : [traduction] « […] cet incident n’est plus pris en considération lorsqu’il s’agit d’évaluer la nécessité de maintenir la suspension administrative et il sera examiné au cours de l’enquête ».

[52] Dans sa décision concernant le grief, elle a également noté que, bien que les ordonnances trouvées sur le télécopieur et l’utilisation par le fonctionnaire d’un compte de courriel personnel dataient de 2014 et de 2015, les ordonnances et les courriels n’ont été portés à son attention que dans la semaine du 22 août 2016. Elle a également déclaré que des efforts pour assurer la présence continue du fonctionnaire au travail, y compris une supervision plus étroite, ont été envisagés, mais que toute fonction à son niveau nécessitait l’accès à des renseignements confidentiels. Elle a conclu comme suit :

[Traduction]

 

[…]

De plus, je dois vous informer que depuis le début de votre suspension administrative, de nouveaux éléments de preuve ont été présentés pour montrer que ces incidents ne sont pas de nature isolée. Vous aurez l’occasion de répondre à l’égard de ces nouveaux renseignements au cours de l’enquête.

Compte tenu des renseignements connus, je conclus que l’intention de la suspension par l’employeur était, et continue d’être, de gérer le risque associé à votre présence continue sur le lieu de travail et à l’accès à des RCC [renseignements commerciaux confidentiels], jusqu’à ce que toute l’étendue de la violation soit entièrement comprise.

[…]

 

[53] Mme Parker a témoigné que la raison principale de la suspension était l’utilisation continue par le fonctionnaire de son compte de courriel personnel pour le travail à Santé Canada. Elle a notamment relevé le courriel du 20 janvier 2015, qui contenait un lien vers une base de données, avec le mot de passe. Elle a déclaré que la découverte des télécopies avait également influencé sa décision de le suspendre.

[54] Mme Parker a témoigné que le risque pour Santé Canada était le manque de confiance dans le fait que le fonctionnaire protégeait adéquatement les renseignements confidentiels de Santé Canada. Par conséquent, elle a conclu que le fonctionnaire ne pouvait pas occuper un poste nécessitant l’accès à des renseignements protégés. Elle a témoigné que si des renseignements confidentiels avaient été compromis en étant envoyés au compte de courriel personnel du fonctionnaire, cela pourrait engager la responsabilité de Santé Canada, ou des entreprises pourraient décider de ne pas faire d’essais cliniques au Canada. Elle a déclaré que la décision d’une entreprise de ne pas commercialiser un médicament au Canada pourrait nuire à la santé et la sécurité des Canadiens si elle avait pour conséquence de priver les Canadiens de médicaments importants. Elle a également témoigné que le fait de ne pas protéger les renseignements confidentiels donnerait une mauvaise image de Santé Canada en tant qu’organisme de réglementation crédible.

[55] Le fonctionnaire a reçu un rapport d’enquête préliminaire révisé le 13 décembre 2016. Il a eu l’occasion de formuler des commentaires au sujet de ce rapport. Il a fourni sa réponse par l’intermédiaire de son représentant, le 26 janvier 2017. Dans cette réponse, il a fourni les noms de trois personnes, dont le Dr Cushman, qui, selon lui, pouvaient appuyer sa position. L’enquêteuse a communiqué avec le Dr Cushman, car elle a conclu que les deux autres personnes ne pouvaient se prononcer que sur des aspects qui étaient hors de la portée de l’enquête. Après que le représentant du fonctionnaire a fourni d’autres renseignements sur elles, le 23 mars 2017, l’enquêteuse a soumis des questions aux deux autres personnes. Ces personnes ont fourni leurs réponses le 11 avril 2017. Seul le Dr Cushman a témoigné à l’audience de la Commission.

[56] Le rapport d’enquête final est daté du 8 mai 2017 et énonce les conclusions suivantes en matière de faute professionnelle :

[Traduction]

 

· Transmettre des renseignements désignés « Protégé B » à un compte de courriel personnel;

· Utiliser des ressources de Santé Canada pour des activités extérieures;

· Exercer des activités extérieures pendant les heures de travail à Santé Canada;

· Ne pas suivre les procédures prévues pour les autorisations de congé;

· Jouer au golf au lieu de faire des heures de travail clinique à l’hôpital.

 

E. L’inconduite alléguée

[57] L’enquête sur les relevés téléphoniques de Santé Canada du fonctionnaire a révélé 1 950 appels entrants non identifiés. Les registres montrent également 132 appels sortants vers l’hôpital, 14 vers une maison de soins de longue durée et 8 vers des pharmacies. Le fonctionnaire utilisait également son téléphone lors de ses déplacements. L’enquête a révélé plus de 4 000 $ de frais d’itinérance et de frais d’appels interurbains qui n’étaient pas liés à ses fonctions à Santé Canada. Les relevés téléphoniques et les frais de téléphone ont été présentés comme pièces lors de l’audience de la Commission.

[58] Le fonctionnaire devait être de garde à l’hôpital les vendredis après-midi, à partir de midi, et devait également être de garde une veille de Noël (un mercredi) à partir de 7 h.

[59] Mme Toutant a examiné tous les courriels à destination et en provenance de l’hôpital pendant la période visée par l’enquête. Ces courriels ont également été inscrits comme pièces lors de l’audition des présents griefs. L’examen a révélé que le fonctionnaire devait assister à des réunions à l’hôpital à 17 reprises, soit pendant la période de dîner soit l’après-midi. Il y avait également des invitations aux réunions mensuelles du personnel de l’hôpital, le mercredi de 8 h à 9 h.

[60] Dans sa réponse au rapport d’enquête préliminaire, le fonctionnaire a fait remarquer qu’étant donné la nature de son travail, il recevait et faisait un nombre important d’appels externes avec des clients de Santé Canada. Il a déclaré que même si les appels de l’hôpital provenaient d’un « appelant inconnu », tous les appels d’appelants inconnus ne provenaient pas de l’hôpital. Il a écrit que les appels d’enquêteurs et de médecins qui travaillaient dans des hôpitaux et des bureaux qui affichaient fréquemment la mention « appelant inconnu » constituaient une grande partie de son travail à Santé Canada.

[61] Le 8 avril 2016, alors qu’il était en conversation avec Mme Parker, le fonctionnaire a reçu un appel sur son téléphone portable et a confirmé à Mme Parker que l’appel provenait d’un ancien patient. Dans ses arguments écrits présentés à l’audience disciplinaire du Ministère, il a déclaré que cet appel provenait d’un ancien patient dont il n’avait pas eu de nouvelles depuis plus de 20 ans (avant son emploi à Santé Canada). Il a ensuite rappelé l’ancien patient pour lui dire qu’il ne pouvait pas l’aider, car il n’exerçait plus la médecine générale.

[62] Le fonctionnaire a également utilisé son téléphone portable de Santé Canada à l’extérieur d’Ottawa et a engagé des frais d’itinérance et d’appels interurbains (que j’appellerai collectivement les frais téléphoniques). L’enquête a porté sur les relevés téléphoniques de juillet 2014 à mars 2016 et a mené à la conclusion qu’il avait engagé jusqu’à 4 407,55 $ en frais téléphoniques qui n’étaient pas liés à ses fonctions à Santé Canada. Les relevés téléphoniques et les frais téléphoniques ont été déposés comme pièces auprès de la Commission. Les relevés téléphoniques ont été vérifiés par le Bureau de l’audit et de l’évaluation du Ministère.

[63] Dans ses arguments écrits lors de l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a déclaré que 11 des relevés téléphoniques s’élevaient à [traduction] « moins de 113 $ au total » et que les sommes étaient donc [traduction] « trop petites pour être pertinentes ». Il a ensuite examiné les 10 autres relevés téléphoniques pour y relever des frais de 3 712,54 $. Il a déclaré qu’il avait [traduction] « involontairement accumulé » ces frais lors d’un déplacement. Il a également déclaré qu’il [traduction] « regrette ces frais et aurait agi autrement s’il avait connu les sommes engagées ». Il a également noté que des adjoints administratifs étaient chargés de contrôler ces frais et qu’ils ne les avaient pas portés à son attention.

[64] Le Dr Cushman a déclaré avoir apporté son téléphone avec lui en vacances, car il devait pouvoir être rejoint. Il a déclaré qu’il avait l’habitude, lorsqu’il était à Santé Canada, d’examiner la facture de téléphone afin d’y repérer les appels personnels. Il a déclaré qu’il lui incombait de rembourser à l’employeur les frais de ces appels personnels, ainsi que les frais d’itinérance, lorsqu’il voyageait pour ses vacances.

[65] La politique du Ministère sur l’utilisation des téléphones cellulaires de travail ([traduction] « Politique sur l’acquisition et l’utilisation des appareils vocaux sans fil ») autorise l’utilisation personnelle dans certaines circonstances. La politique prévoit une autorisation conditionnelle d’utiliser un téléphone intelligent pour [traduction] « un usage personnel limité », sous réserve que l’utilisation soit liée à des circonstances professionnelles. En vertu de cette politique, les employés sont tenus de payer le montant de l’utilisation personnelle accumulée dépassant 50 $ au cours de chaque année civile. Aux termes de cette politique, il incombe aux employés qui utilisent un téléphone portable d’examiner leur rapport électronique mensuel d’utilisation des services sans fil et de calculer la somme correspondant à leur usage personnel. La politique indique également qu’un employé peut faire l’objet de mesures disciplinaires si l’obligation de rembourser l’utilisation personnelle non officielle de son appareil ou de ses services vocaux sans fil n’est pas remplie avant la fin de l’année civile.

[66] La Dre Klein a dit à l’enquêteuse qu’elle pensait que le fonctionnaire avait payé pour son usage personnel à une occasion. Il n’y a aucune preuve que le fonctionnaire a payé pour l’utilisation personnelle de son téléphone pendant la période examinée par l’enquêteuse.

[67] Dans sa réponse à l’ébauche du rapport d’enquête préliminaire, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait compris que d’engager des frais d’interurbain était acceptable pour téléphoner à la maison lorsqu’il était en voyage d’affaires pour Santé Canada ou pour répondre à des préoccupations liées au travail lorsqu’il était également en voyage d’affaires. Il a écrit que lors de son voyage en Italie, du 18 au 26 septembre 2015, une partie importante des frais était liée à un appel reçu concernant un essai clinique. Il a également noté que lors de son voyage à Salt Lake City, en Utah, du 21 au 24 février 2016, il avait participé à une téléconférence liée au travail. Il a écrit qu’il avait également utilisé son téléphone pour des appels liés au travail lorsqu’il était en Floride.

[68] Dans deux courriels envoyés à l’hôpital (le 2 décembre 2015 et le 11 janvier 2016), le fonctionnaire précisait qu’on devait communiquer avec lui en utilisant son adresse de courrier électronique de Santé Canada. L’enquête a révélé que 244 courriels ont été envoyés à l’hôpital et reçus de celui-ci (ainsi que 33 réponses de sa part). Il y avait aussi eu 139 courriels relatifs à des avis d’absence ou à des changements de quarts de travail envoyés à tous les médecins concernant l’horaire de garde de l’hôpital. Quarante courriels concernaient les visites gériatriques, et un nombre similaire de messages concernait les réunions mensuelles de l’équipe de l’hôpital. Ils ont tous été déposés comme pièces devant la Commission.

[69] Le Dr Cushman ne savait pas que le fonctionnaire avait fourni son adresse de courriel de Santé Canada à l’hôpital, mais il a témoigné qu’il n’était pas surpris que tel était le cas. Le Dr Cushman a également témoigné que lui et d’autres employés de Santé Canada utilisaient leurs téléphones portables pour des activités tant professionnelles que personnelles. Il a témoigné qu’il y avait du [traduction] « débordement » dans l’utilisation d’une adresse électronique personnelle pour le travail, mais qu’en règle générale, il essayait de faire une coupure entre son courrier électronique professionnel et son courrier électronique personnel. Il a déclaré qu’il n’y avait [traduction] « pas de mur étanche entre les deux » comptes de messagerie. Lors de ses déplacements, il a déclaré qu’il y avait peut-être plus de débordements entre les deux comptes, surtout si l’un d’eux ne pouvait donner accès aux dossiers du gouvernement. Le Dr Cushman a également témoigné qu’il était simple et efficace d’avoir un seul appareil plutôt que d’en trimbaler deux – un pour un usage professionnel et l’autre pour un usage personnel.

[70] Le Dr Cushman a été interrogé sur les heures de travail du fonctionnaire dans le cadre de l’enquête. Il a déclaré qu’il n’était pas le superviseur direct du fonctionnaire et qu’il supposait que le fonctionnaire avait une entente avec la Dre Klein. Le Dr Cushman a dit à l’enquêteuse que, selon ce qu’il comprenait, le fonctionnaire faisait son travail à l’hôpital avant de venir à Santé Canada, puis à la fin de sa journée de travail à Santé Canada. Le Dr Cushman a déclaré qu’il était de notoriété publique que le fait d’être de garde supposait d’être disponible avant 8 h ou après 17 h. Le Dr Cushman a également déclaré qu’il ne doutait pas que le fonctionnaire effectuait une partie de son travail à l’hôpital par téléphone ou par courriel pendant ses heures de travail à Santé Canada afin de s’assurer que ses fonctions de garde soient compatibles avec son horaire de voyage à Santé Canada.

[71] Le Dr Cushman a déclaré à l’enquêteuse qu’il ne considérait pas que [traduction] « les courriels assez rares concernant les visites des patients à l’hôpital, d’autres renseignements de nature éducative ou les occasionnelles réunions avec les membres de la famille des patients constituaient un usage abusif du matériel ou du temps de SC ».

[72] Le Dr Cushman a témoigné qu’il n’avait jamais vu le fonctionnaire effectuer du travail à l’extérieur de la fonction publique en sa présence. Il avait également trouvé que le fonctionnaire était très facile à joindre. Il a également témoigné qu’il n’avait pas eu beaucoup d’interactions avec le fonctionnaire jusqu’à ce qu’il soit question du dossier du vaccin contre le virus Ebola (dont il est question plus loin dans la présente décision).

[73] L’enquête a révélé l’existence de 25 courriels confirmant ou rappelant au fonctionnaire des rendez-vous prévus avec des patients pendant ses heures de travail à Santé Canada. En juillet 2014, le fonctionnaire a assisté à quatre [traduction] « réunions familiales » pendant la période du dîner (soit à 12 h ou 12 h 30). En septembre 2014, il avait une réunion familiale prévue à 11 h 30. En octobre 2014, il devait assister à des réunions prévues l’après-midi à 13 h ou 14 h. En novembre 2014, il devait assister à une réunion prévue avec un patient à 14 h 15. En avril 2015, il avait une réunion prévue à 9 h 30. En janvier 2016, il avait une réunion prévue à 12 h 45.

[74] Dans sa réponse à l’ébauche du rapport d’enquête préliminaire, le fonctionnaire a écrit que 13 des 17 réunions mentionnées dans le rapport étaient [traduction] « clairement indiquées comme ayant lieu pendant les heures personnelles (c.-à-d. pendant la pause-repas) ou ayant été autorisées ». Il a déclaré que les quatre autres réunions [traduction] « étaient inexactes ou qu’il n’y avait pas assisté, avaient été repoussées ou avaient été notées incorrectement dans l’horaire et tenues après les heures de travail ».

[75] L’horaire de garde de l’hôpital indiquait que le fonctionnaire était de garde à partir du vendredi à midi. Dans ses arguments écrits présentés lors de l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a déclaré qu’il s’agissait d’un [traduction] « geste posé à titre gracieux dans les rares cas où les médecins d’un autre service devaient partir plus tôt ». Il a déclaré qu’il n’avait jamais été appelé en urgence un vendredi après-midi. Il a également déclaré que le risque qu’une période de garde interfère avec ses fonctions à Santé Canada étaient [traduction] « extrêmement limitées ». Le Dr Miller n’était pas d’accord pour dire que le fait d’être de garde était un geste posé à titre gracieux.

[76] Dans sa réponse au rapport d’enquête préliminaire (datée du 16 août 2016), le fonctionnaire a déclaré qu’il avait utilisé son adresse électronique de Santé Canada comme [traduction] « coordonnée secondaire ». Il a déclaré qu’il avait [traduction] « cru comprendre » qu’il n’y avait aucun problème à le faire. Il a souligné que le nombre de courriels échangés pendant la période examinée était de deux à trois par semaine sur les 1 000 courriels et plus qu’il recevait chaque semaine. Il a également noté que beaucoup de ces courriels étaient des avis d’occasions d’apprentissage, tandis que d’autres lui permettaient de s’assurer qu’il n’y avait pas de conflit avec ses fonctions à Santé Canada. Il a également déclaré qu’il n’avait répondu qu’à une poignée de ces courriels, [traduction] « qui concernaient simplement des questions d’horaire et ne prenaient pratiquement pas de temps de [sa] journée de travail ».

[77] Toujours dans sa réponse au rapport d’enquête préliminaire, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit, en parlant de la Dre Klein et du Dr Cushman : [traduction] « [Ils] ont compris qu’il y aurait des occasions où je devrais répondre à un appel opportun concernant un patient ou pour tenir des réunions cliniques très brèves pendant la journée de travail. » Il a déclaré que ces brefs appels [traduction] « visaient souvent simplement à clarifier une prescription écrite » et que les réunions plus longues avaient lieu pendant les pauses et l’heure du dîner. Il a également écrit qu’[traduction] « à l’occasion », lorsque cela n’était pas possible, le temps passé en dehors de ses fonctions à Santé Canada était [traduction] « facilement compensé par du travail à domicile », comme le prévoient ses horaires de travail souples et la convention collective. Le fonctionnaire a déclaré que la Dre Klein était favorable à cet arrangement. Il a déclaré que ces réunions représentaient un [traduction] « minimum de temps » et qu’elles n’avaient pas nui à sa capacité de remplir ses fonctions à Santé Canada.

[78] Dans sa réponse, le fonctionnaire a également déclaré que la direction savait qu’il utilisait son téléphone professionnel à des fins tant professionnelles que personnelles. Il a déclaré que cela n’avait jamais été un problème auparavant et que lorsque Mme Parker avait soulevé la question, il avait obtempéré et acheté un téléphone pour son usage personnel.

[79] L’enquête a montré que le fonctionnaire avait effectué des envois vers son compte de courriel personnel Gmail :

· 11 courriels contenant des renseignements désignés « Protégé B » et des renseignements sur les secrets commerciaux des parties prenantes;

· Un courriel sur le Système de suivi des présentations de drogues, des renseignements d’accès, y compris un mot de passe et un nom d’utilisateur;

· 113 courriels liés à ses fonctions à Santé Canada.

 

[80] Ces courriels ont également été déposés comme pièces lors de l’audition de la Commission.

[81] Selon le guide de Santé Canada concernant la protection et la garde des renseignements, les documents désignés « Protégé B », s’ils sont divulgués sans autorisation, [traduction] « sont de nature à causer un préjudice grave à une personne, une organisation ou un gouvernement ». La transmission de documents désignés « Protégé B » à destination ou en provenance d’une messagerie personnelle telle que Yahoo et Hotmail est interdite, selon le guide.

[82] La politique de Santé Canada sur l’utilisation des réseaux électroniques définit l’utilisation acceptable des réseaux électroniques. Les utilisateurs du réseau sont autorisés à faire un usage personnel des réseaux électroniques durant leurs heures personnelles, à la condition qu’aucun coût supplémentaire ne soit engagé par le Ministère, que l’usage donne une image positive du gouvernement et que l’usage reste conforme à la politique. La politique énonce également les utilisations inacceptables. L’utilisation inacceptable pertinente pour les présents griefs est l’envoi de renseignements classifiés ou désignés sur des réseaux non sécurisés, à moins qu’ils ne soient envoyés sous forme cryptée.

[83] Mme Parker a témoigné que la politique d’utilisation acceptable était [traduction] « fréquemment » communiquée aux employés et qu’elle était affichée sur l’intranet. Mme Parker a témoigné que les renseignements classés « Protégé B » comprennent les demandes d’essais cliniques. Ces demandes contiennent des renseignements confidentiels, notamment sur le processus de fabrication. Mme Parker a témoigné qu’en raison de la concurrence qui se joue dans l’industrie pharmaceutique, les entreprises ont à cœur de préserver la confidentialité de leurs données. Selon ce qu’elle a déclaré, le gouvernement pourrait être tenu responsable en cas de violation de la confidentialité. Si les entreprises ne sont pas convaincues que la confidentialité est protégée, elles pourraient également décider de ne pas faire d’essais cliniques au Canada, ce qui limiterait l’accès aux traitements pour les Canadiens. Mme Parker a également mentionné la crainte que des renseignements confidentiels puissent être sortis de leur contexte par des groupes anti-vaccination.

[84] Dans ses arguments écrits présentés à l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a admis avoir envoyé des courriels contenant des travaux de Santé Canada à son domicile [traduction] « par souci de commodité, pensant qu’ils étaient protégés ».

[85] Un courriel envoyé à l’adresse électronique personnelle du fonctionnaire contenait un mot de passe pour accéder à la base de données du Système de suivi des présentations de drogues de Santé Canada. Cette base de données contient des renseignements sur toutes les présentations de médicaments, notamment des détails sur le médicament, la nature de la présentation, la date de dépôt et le statut.

[86] Dans sa réponse écrite présentée à l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a déclaré qu’en rétrospective, il s’est rendu compte que cela pouvait être perçu comme une divulgation de renseignements désignés « Protégé B ». Il a expliqué qu’il ne considérait pas que ce système de suivi constituait un risque important pour la sécurité, et ce [traduction] « pour différentes raisons ». Il a déclaré que, selon ce qu’il comprenait, la base de données ne contenait que des renseignements de suivi et aucune des données réelles sur les présentations de drogues. Sa réponse se poursuit comme suit :

[Traduction]

 

Le Dr Viner ne considérait pas que cette information pouvait être utilisée pour accéder à d’autres renseignements moins pertinents pour lui, comme l’ensemble des présentations de nouveaux médicaments. Il n’y a pas pensé au moment d’envoyer cette lettre à la maison, car il se concentrait uniquement sur la façon dont elle pourrait être utilisée pour impressionner la haute direction sur le besoin pressant de la direction générale de disposer d’examinateurs supplémentaires […]

Il s’agit d’un seul courriel […] qui peut avoir l’air douteux. Le Dr Viner regrette de l’avoir envoyé à son adresse Gmail. Il convient de souligner que cela n’a été fait que pour rappeler de réfléchir davantage au système et à la manière de l’utiliser, car le Dr Viner avait l’habitude de travailler fréquemment sur des projets depuis son domicile […]

[…]

 

[87] Lors de son entrevue d’enquête, le Dr Cushman a été invité à dire si le fonctionnaire avait utilisé son courriel personnel pour l’examen d’un essai clinique. Le Dr Cushman a déclaré qu’il serait surpris que le fonctionnaire agisse ainsi, [traduction] « sauf à titre très exceptionnel », car il est généralement facile d’utiliser un compte de courriel de Santé Canada à distance, à partir de la maison ou d’ailleurs.

[88] En 2016, sept ordonnances médicales ont été récupérées d’un télécopieur de Santé Canada situé dans une aire commune, qui avaient été télécopiées au fonctionnaire par une pharmacie, ainsi qu’un registre de 13 télécopies sortantes à la même pharmacie. Le fonctionnaire a témoigné que quatre ordonnances lui ont été envoyées par ce télécopieur, et non sept. Deux étaient adressées à des médecins différents, et une avait son nom biffé.

[89] Mme Parker a rapporté que, lors d’une réunion tenue le 21 septembre 2016, le fonctionnaire a déclaré avoir demandé à la pharmacie de cesser de lui envoyer des ordonnances à ce numéro de télécopieur après avoir reçu la lettre de conflit d’intérêts. Elle a cru qu’il parlait de la lettre initiale sur les conflits d’intérêts de 2014, mais il a précisé dans son témoignage qu’il s’agissait de la lettre de rappel annuelle de 2015. Mme Parker s’est renseignée auprès des employés ayant signalé les télécopies, et ceux-ci lui ont confirmé la réception de télécopies en 2015, après la lettre initiale sur les conflits d’intérêts de 2014. Elle a témoigné que les employés n’avaient pas conservé ces télécopies.

[90] Selon le témoignage du Dr Cushman, le fonctionnaire et ses collègues travaillaient dans un environnement de haute confidentialité en raison des essais cliniques. Le Dr Cushman présumait que les télécopies reçues avaient toutes une feuille d’envoi et que chacun [traduction] « se mêlait de ce qui le regarde, sans plus ». De plus, il a témoigné s’être servi du télécopieur à des fins personnelles non liées à Santé Canada.

[91] Un examen des télécopies qui ont été déposées devant la Commission a révélé que l’une d’elles a été envoyée le 6 juin 2014. Les autres pièces sont toutes des télécopies antérieures à la lettre initiale de déclaration de conflit d’intérêts du 22 mai 2014. Seules les télécopies envoyées en février et mars 2014 font partie des télécopies sortantes au dossier. Les employés qui ont parlé à Mme Parker des autres télécopies trouvées en 2015 n’ont pas témoigné à l’audience de la Commission.

[92] L’enquête a révélé que le fonctionnaire a omis de soumettre des demandes de congé pour 28 jours pendant lesquels il s’était absenté pour des raisons personnelles. Ce chiffre a été obtenu en comparant les relevés téléphoniques et les congés consignés dans PeopleSoft, le logiciel d’approbation des congés en ligne en usage à Santé Canada.

[93] La base de données du logiciel d’approbation des congés n’indique aucun congé les jours suivants, lorsque le fonctionnaire n’était pas à Ottawa :

1) le 18 août 2014 (Vancouver, Colombie-Britannique, et San Francisco, Californie) : 1 jour;

2) du 8 au 14 janvier 2015 (Floride) : 4 jours (1 jour a été approuvé);

3) du 14 au 25 avril 2015 (Pologne et Israël) : 9 jours;

4) du 27 juin au 3 juillet 2015 (France) : 4 jours;

5) du 16 au 18 décembre 2015 (Floride) : 2 jours (1 jour a été approuvé);

6) du 27 au 30 janvier 2016 (Floride) : 3 jours;

7) du 21 au 24 février 2016 (Salt Lake City) : 4 jours.

 

[94] L’employeur a également soutenu que le fonctionnaire avait assisté à un congrès en France en 2016 sans avoir obtenu l’autorisation de congé appropriée, ce qui a donné lieu à une absence non autorisée le 27 juin 2016.

[95] Le fonctionnaire a témoigné que la Dre Klein était au courant de ses absences. La Dre Klein a été interrogée dans le cadre de l’enquête, mais n’a pas témoigné devant la Commission. Lors de cet interrogatoire, on lui a demandé d’examiner une liste des voyages du fonctionnaire et de préciser si ceux-ci étaient de nature personnelle ou professionnelle. Elle a confirmé que tous les voyages avaient été de nature personnelle, mais elle avait des doutes au sujet du voyage en France en 2015.

[96] Le fonctionnaire et trois de ses employés ont assisté à un congrès à Toronto (Ontario) du 11 au 13 septembre 2014 sans avoir obtenu d’autorisation de voyage au préalable. Mme Parker a déclaré que ce voyage n’avait pas été inclus dans l’enquête. Mme Toutant a témoigné que cet incident n’avait pas été inclus dans le rapport d’enquête final, parce que la Dre Klein avait parlé au fonctionnaire de l’incident et lui avait rappelé ses responsabilités. Mme Parker a témoigné que le Dr Cushman ne pensait pas que des mesures disciplinaires s’imposaient dans ce cas, parce qu’il était convaincu que le fonctionnaire respecterait les règles à l’avenir. Le Dr Cushman a témoigné qu’il était d’une grande importance pour Santé Canada que le fonctionnaire et les membres du personnel assistent à ce congrès. Il était d’accord pour dire que le fonctionnaire aurait dû obtenir une autorisation de voyage pour y assister.

[97] Après le voyage à Toronto, la Dre Klein a envoyé un courriel au fonctionnaire, dont voici l’intégralité du texte : [traduction] « Cette fois, il y aura de GRAVES CONSÉQUENCES pour vous » [le passage en évidence l’est dans l’original]. Le fonctionnaire a répliqué que c’était une autre section qui avait pris l’initiative du congrès et que [traduction] « les ressources humaines nous ont informés qu’ils s’en occupaient ». Voici la réponse de la Dre Klein :

[Traduction]

 

Il se peut que la justification d’une participation « de groupe » ou multiple relevait de [l’autre section]. Cela NE LÈVE PAS POUR AUTANT l’obligation que vous et votre personnel avez de demander une autorisation de voyage pour chacun (et il est de VOTRE devoir de les orienter en ce sens), surtout lorsque les invitations ne couvrent pas le transport terrestre que nous devons payer. Votre personnel, par conséquent, ne disposera plus d’argent. De plus, le personnel n’était pas protégé en cas d’accident ou d’imprévu (le ciel nous en préserve).

Vous avez l’obligation de connaître ce qu’il faut faire concernant votre personnel, Santé Canada et même vous-même.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[98] Dans ses arguments écrits présentés lors de l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a expliqué certaines de ces absences comme suit :

[Traduction]

 

Le 18 août 2014, 1 jour. Sans mon calendrier, le Dr Viner ne peut se rappeler […] ce qui s’est passé ce jour-là. Il est possible que je n’aie pas assisté à un événement et que j’aie simplement omis de corriger l’entrée dans mon calendrier.

Du 8 au 14 janvier 2015, 4 jours. Le Dr Viner a travaillé sur divers projets et a rattrapé son retard de lecture pour le travail. La demande de congé a été faite avant mon départ et la Dre Klein l’a refusée à mon retour. C’est de cette façon que nous notions à l’occasion le temps de congé. Compte tenu du décès du père du Dr Viner trois mois auparavant, la Dre Klein a reconnu qu’il était raisonnable de permettre au Dr Viner de travailler en Floride pour permettre à sa mère de voyager. Sans l’accès à ses fichiers ni à ses dossiers, le Dr Viner est dans l’incapacité de fournir de détail des projets sur lesquels il a travaillé.

Du 14 au 25 avril 2015, 9 jours. Le système de congés était en panne en raison de la fin de l’exercice en cours lorsque le Dr Viner a essayé de demander un congé pour ce déplacement. Par conséquent, le Dr Viner a rempli une demande sur papier et l’a remise à [un assistant]. Il avait l’intention de verser cette demande dans le système des congés à son retour […]

[…]

Le Dr Viner regrette de ne pas avoir inscrit son congé à son retour. Cela n’est toutefois pas surprenant, puisque le Dr Viner a effectué deux autres déplacements en mai et en juin.

[…]

Du 16 au 18 décembre 2015, 2 jours — le Dr Viner a travaillé sur divers projets et a rattrapé son retard de lecture pour le travail. La demande de congé a été soumise avant mon départ, puis « rejetée » à mon retour par la Dre Klein. C’est de cette façon que, à l’occasion, la Dre Klein comptabilisait les congés avec déplacement aux États-Unis. La Dre Klein le faisait pour s’assurer que le Dr Viner soit protégé en cas d’incident (accident ou maladie) pendant son séjour aux États-Unis […] Sans l’accès à ses fichiers ni à ses dossiers, le Dr Viner est dans l’incapacité de fournir de détail des projets sur lesquels il a travaillé.

[…]

 

[99] L’enquête a révélé que le fonctionnaire avait assisté à des colloques en France en 2015 et 2016 sans suivre le processus d’autorisation, d’où les absences non autorisées des 29 et 30 juin 2015 et du 27 juin 2016. Dans ses arguments écrits présentés lors de l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a expliqué certaines de ces absences, comme suit :

[Traduction]

 

Les conférences de 2015 et 2016 s’adressaient particulièrement aux grands oncologues universitaires du monde entier. Ce fut un grand honneur pour Santé Canada et le Dr Viner d’être invités à ces rencontres.

Le programme très rempli de 2015 se déroulait au cours de deux journées complètes, chacune comptant entre 10 et 12 heures d’activités programmées. Ces conférences, soumises à des limites en matière de déplacement, étaient financées par le promoteur. La Dre Klein avait pleinement soutenu la participation à ces événements.

Pour respecter le budget, le Dr Viner a mis en jeu son propre capital en réservant des vols avec décollage le samedi afin d’obtenir le meilleur prix, sans attendre l’autorisation de voyage nécessaire.

En outre, le Dr Viner sentait qu’il était justifié de le faire, puisqu’il renonçait à un jour férié (le déplacement englobait la fête du Canada lors de ces deux congrès). Comme il consacrait beaucoup de temps à la préparation des réunions et à la planification d’une présentation subséquente, le fait de prendre quelques jours de plus était plus que justifié.

Pour le congrès de 2016, le Dr Viner a été invité, dans le cadre d’un cercle restreint, à participer à une séance de planification et d’organisation concernant les propositions d’essais à venir en oncologie. Il a ainsi fallu trois jours de réunions intenses au lieu de deux. Une fois encore, pour respecter le budget, le Dr Viner a mis son propre capital en jeu en réservant un vol un samedi afin d’obtenir le meilleur prix.

[…]

De plus, la Dre Klein soutenait et avait approuvé ces demandes de congé.

 

[100] La Dre Klein n’a pas mentionné d’arrangement quelconque concernant les congés personnels lors de son entrevue avec l’enquêteuse.

[101] Dans son témoignage, le fonctionnaire a dit avoir soumis sa demande de congé sur papier pour son voyage en Pologne et en Israël, parce que le système électronique de gestion des congés ne fonctionnait pas. Il a ajouté que l’employeur avait perdu la copie papier. Il a précisé dans son témoignage que le système d’approbation des congés en ligne est inaccessible au même moment chaque année, juste avant la fin de l’exercice financier. Selon le témoignage de Mme Parker, le processus prévoit en cas de panne du système que l’employé soumette une demande de congé sur papier à son superviseur qui, après approbation, sera envoyée à un conseiller en rémunération pour traitement. Elle a ajouté dans son témoignage que les employés peuvent consulter leur solde de congés et voir l’état d’approbation de leurs demandes de congés dans le système lorsque celui-ci est remis en ligne.

[102] Le fonctionnaire a témoigné qu’il prenait soin de sa mère malade lors de ses voyages en Floride et déclaré qu’il travaillait à distance pendant ces voyages. Selon le témoignage de Mme Toutant, il n’en a pas parlé lors du processus d’enquête. Selon le témoignage de Mme Parker, le télétravail nécessite l’approbation de la direction.

[103] Pour ce qui est des autres jours de congé visés par les allégations pour la période de 2014 à 2016, le fonctionnaire a témoigné que PeopleSoft permet d’identifier la personne qui a approuvé ou modifié la demande, et l’employeur n’a pas précisé lesquelles demandes il a par la suite approuvées ou modifiées.

[104] Le fonctionnaire a ajouté que ces congés étaient parfois des [traduction] « déplacements professionnels ». Mme Toutant a témoigné qu’il n’en a pas parlé lors de l’enquête. Selon le témoignage de Mme Parker, les déplacements professionnels sont des déplacements pour le compte du gouvernement, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on assiste à un congrès. Elle a ajouté qu’il n’y avait pas d’autorisation générale pour les déplacements d’employés, à l’exception des visites de site au Canada dans le cas d’un inspecteur, car toute autorisation générale de voyage doit être approuvée par le sous-ministre adjoint. Mme Parker a témoigné que les déplacements doivent tous être inscrits dans un « plan de voyage » pour répondre à la nécessité de plafonner ce type de dépenses. Selon son témoignage, le plan de voyage est aussi exigé lorsqu’un tiers débourse les frais de déplacement. Il est nécessaire, selon elle, d’être juste envers les autres, car il s’agit d’une [traduction] « question de perception ».

[105] Le fonctionnaire a témoigné que la Dre Klein avait approuvé sa demande de congé afin qu’il assiste aux congrès de Paris de 2015 et de 2016. Il a souligné que la participation à des congrès internationaux faisait partie de sa description de poste. Il a témoigné que la Dre Klein savait où il se trouvait et qu’ils avaient pris un arrangement pour son temps en déplacement. Le fonctionnaire a déclaré qu’ils appelaient ça, à l’occasion, du télétravail, sans avoir conclu d’entente officielle au préalable. Il a ajouté dans son témoignage que la Dre Klein et lui-même faisaient une demande de déplacement professionnel en raison de la lourdeur de la procédure de demande de participation à un congrès.

[106] Selon le témoignage de Mme Parker, le télétravail nécessite qu’un arrangement ou un accord officiel soit conclu avec un superviseur. En outre, le télétravail effectué à l’extérieur de l’Amérique du Nord doit être approuvé par le sous-ministre adjoint. Selon son témoignage, en 2016, les questions de sécurité de la technologie de l’information suscitaient des préoccupations accrues et ce type de télétravail était approuvé seulement dans des circonstances exceptionnelles.

[107] Au cours de son enquête, Mme Toutant a appris que le fonctionnaire avait pris un arrangement informel avec la Dre Klein pour avoir du temps libre afin de faire son travail clinique le mercredi après-midi. En examinant les relevés téléphoniques du fonctionnaire, elle a découvert des appels dont la provenance ou la destination était Manotick (Ontario), là où se trouve le club de golf. Ces appels avaient été passés les mercredis après-midi pendant les mois d’été. De plus, elle a appris, en consultant le site Web du club de golf, qu’il faisait partie d’une ligue de golf pour hommes qui jouait le mercredi après-midi de 13 h à 18 h. En contre-interrogatoire, elle a admis que les relevés signifiaient seulement que le fonctionnaire se trouvait dans la région de Manotick et pas nécessairement au terrain de golf.

[108] Dans son entrevue d’enquête, la Dre Klein a déclaré que l’arrangement pris les mercredis après-midi visait à accommoder les heures de travail clinique du fonctionnaire. Elle a déclaré qu’aucune demande de congé n’était nécessaire pour les mercredis après-midi et que le fonctionnaire rattraperait le temps perdu. Elle a ajouté que si le fonctionnaire devait être à Santé Canada un mercredi après-midi donné, il trouverait quelqu’un pour le remplacer à l’hôpital. On lui a demandé si elle savait pourquoi les relevés téléphoniques indiquaient régulièrement que le fonctionnaire se trouvait à Manotick les mercredis après-midi. Elle supposait qu’il y faisait peut-être des visites en tant que médecin, sans pouvoir le confirmer.

[109] Le site Web du club de golf indiquait les scores du fonctionnaire dans la ligue masculine de golf. Il jouait chaque fois un parcours de neuf trous. Il a joué 10 parties en 2015 et 5 en 2016. Selon le site Web, les golfeurs de la ligue masculine jouaient de 13 h à 18 h les mercredis. Mme Toutant a témoigné ne pas avoir vérifié ces renseignements auprès du club de golf.

[110] Dans les arguments écrits qu’il a présentés à l’audience disciplinaire du Ministère, le fonctionnaire a admis avoir pris un arrangement avec la Dre Klein pour faire du travail clinique les mercredis après-midi. Il a aussi déclaré que les [traduction] « rares occasions » où il pouvait terminer tôt et [traduction] « gérer le reste de ses tâches cliniques à distance », il allait jouer dans la ligue masculine. Il a déclaré qu’il n’était pas un joueur habituel et qu’il n’avait joué que [traduction] « très peu de fois ». Quand il jouait, c’était sur son temps libre, a-t-il déclaré.

[111] Le fonctionnaire a témoigné ne pas avoir de travail clinique à faire à l’hôpital les mercredis après-midi et qu’en fait, il n’avait pas d’horaire fixe pour ce travail. Il a dit dans son témoignage qu’il avait un arrangement avec la Dre Klein. Il a ajouté qu’il avait la possibilité de faire ses tournées n’importe quel jour de la semaine et que ses patients avaient besoin de soins minimaux, du niveau de celui offert dans une maison de soins infirmiers. Le fonctionnaire a témoigné que le Dr Cushman et la Dre Klein étaient tous les deux au courant de son travail à l’hôpital, mais que Mme Parker et M. Sabourin n’étaient pas au fait du travail qu’il faisait à l’hôpital.

[112] Le fonctionnaire a dit dans son témoignage qu’il n’était pas un joueur habituel du club de golf. Il était le [traduction] « cinquième homme », ce qui lui donnait la possibilité de jouer quand il le pouvait et seulement quand son travail à Santé Canada et à l’hôpital le lui permettait. Il a expliqué qu’il était possible de jouer au club à n’importe quel moment entre 13 h et 18 h, et qu’il lui arrivait parfois de s’insérer dans un groupe à une heure aussi tardive que 17 h 30.

[113] Le Dr Miller n’était pas au courant des activités de golf du fonctionnaire. Toutefois, il a témoigné que l’endroit où se trouve le médecin importe peu, pour autant qu’il soit disponible et qu’il puisse se rendre à l’hôpital dans un délai raisonnable.

[114] En contre-interrogatoire, Mme Toutant a été invitée à dire s’il était possible que le fonctionnaire se trouve à Manotick sans être au club de golf. Elle a répondu que c’était possible. Dans son témoignage, le fonctionnaire n’a fourni aucun élément de preuve concernant tout autre endroit où il aurait pu se trouver lorsqu’il était à Manotick.

F. Audience disciplinaire et allégations de vendetta

[115] Le 1er juin 2017, l’employeur a demandé au fonctionnaire de participer à une audience disciplinaire du Ministère avec M. Sabourin concernant le rapport d’enquête final. La date du 6 juillet 2017 a été retenue. Lors de cette audience disciplinaire, le fonctionnaire a présenté une réponse écrite détaillée pour chaque allégation d’inconduite.

[116] M. Sabourin a d’abord déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu d’arguments écrits de la part du fonctionnaire. Il a par la suite déclaré qu’il n’avait pas lu les observations du fonctionnaire. Il a plutôt demandé à un conseiller en relations de travail s’il y avait [traduction] « quelque chose de nouveau » dans ces observations.

[117] Lors de l’audience disciplinaire, le fonctionnaire a dit à M. Sabourin que Mme Parker avait déclenché une vendetta contre lui. Devant la Commission, il a suggéré que l’enquête sur sa conduite était en partie motivée par une jalousie professionnelle, en raison de son rôle dans le vaccin contre le virus Ebola. Le fonctionnaire s’appuyait également sur une affirmation faite par Mme Parker dans un courriel, selon laquelle sa participation au dossier du vaccin avait pris fin début août 2014, alors qu’il avait continué à y participer par la suite, selon ce qu’il a affirmé.

[118] Le fonctionnaire relevait directement du Dr Cushman dans le dossier du virus Ebola. Dans son témoignage, le Dr Cushman a parlé du travail du fonctionnaire dans ce dossier, faisant l’éloge de sa contribution. Le Dr Cushman a témoigné que le travail du fonctionnaire dans ce dossier a pu susciter du mécontentement et de la frustration.

[119] Mme Parker a témoigné qu’elle n’avait pas de vendetta personnelle contre le fonctionnaire et que son travail dans le dossier Ebola n’avait pas joué dans sa décision de mener l’enquête.

[120] M. Sabourin a témoigné ne pas avoir consulté Mme Parker sur la viabilité de la relation d’emploi à l’avenir. Cependant, Mme Parker a déclaré avoir dit à M. Sabourin que la relation d’emploi était au point de rupture. En contre-interrogatoire, M. Sabourin a concédé avoir discuté de la relation d’emploi avec Mme Parker.

[121] Le fonctionnaire a également affirmé que Mme Parker était elle-même en situation de conflit d’intérêts en raison de la demande d’essai clinique d’un traitement contre le cancer qu’elle avait faite au nom d’une amie, le 10 septembre 2015. Dans un courriel, Mme Parker a noté que le médecin de l’amie voulait que celle-ci participe à l’essai. Elle aurait dit au fonctionnaire qu’elle avait consulté DocuBridge, la base de données de Santé Canada utilisée pour le suivi des essais cliniques, mais qu’elle n’avait trouvé aucun dossier relatif à cet essai. Le fonctionnaire a répondu qu’il était désolé d’entendre cette nouvelle et qu’il n’avait rien entendu au sujet de l’essai clinique.

[122] Le 5 novembre 2015, Mme Parker a transmis un courriel qu’elle avait reçu du médecin de l’amie annonçant que la demande d’autorisation d’un médicament dans le cadre d’un traitement expérimental venait d’être rejetée. En transmettant le courriel, Mme Parker a demandé si cette demande avait fait l’objet de discussions lors d’une récente réunion du Programme d’accès spécial. Le fonctionnaire a répondu que le médecin pouvait appeler le Programme d’accès spécial pour demander ce qui avait posé problème. Il s’est enquis auprès de la personne responsable, qui lui a confirmé qu’elle était ouverte à recevoir une telle demande. Mme Parker a donné suite à la demande du médecin et a fourni une réponse par courriel le 6 novembre 2015.

[123] Lors de son témoignage, Mme Parker a admis que la demande avait été faite pour une amie proche qui est aussi une ancienne collègue. Elle a déclaré qu’elle désirait obtenir une explication au refus et que le fait de répondre régulièrement aux questions des patients faisait partie intégrante de son travail. Elle a également déclaré qu’elle cherchait des informations qui avaient été rendues publiques et non des informations confidentielles. Son rôle était de vérifier que les demandes avaient bien été traitées et que le refus avait bien été communiqué. Elle devait alors faire suivre la question à des fins d’examen. M. Sabourin a convenu qu’il relevait des responsabilités de Mme Parker de donner suite à une telle demande.

[124] Le Dr Cushman était au courant du Programme d’accès spécial. Il a témoigné qu’Ottawa est un petit monde dans le milieu médical et qu’il se retrouvait souvent devant de telles demandes, parce qu’il connaît beaucoup de médecins cliniciens. Il s’engageait au cas par cas. Il a témoigné ne pas vraiment vouloir intervenir dans ces dossiers, et qu’il demeurait [traduction] « très prudent ». On lui a demandé s’il était prêt à intervenir pour un ami. Il a déclaré qu’il ne le ferait [traduction] « catégoriquement » pas, car cela constituerait un conflit d’intérêts. Il a également témoigné qu’il pourrait faire appel à une autre personne en pareil cas. Lors du contre-interrogatoire, il a reconnu qu’il était approprié de s’enquérir de l’état d’un dossier, mais qu’il était problématique de tenter d’influencer une décision. Lors d’un nouvel interrogatoire, il a déclaré qu’il n’aurait jamais demandé au fonctionnaire d’intervenir pour un ami et qu’il n’aurait jamais accédé à la base de données du Programme d’accès spécial pour aider un ami.

IV. Résumé de l’argumentation

[125] Les arguments finaux des parties ont été faits par écrit. Je les ai condensés et modifiés par souci de clarté dans la présente partie.

A. Objection aux arguments en réfutation de l’employeur

[126] Le fonctionnaire s’est opposé à certaines parties des arguments en réfutation de l’employeur, au motif que les paragraphes contestés ne conviennent pas à une réfutation et constituent un fractionnement de l’affaire. Il a demandé que cinq paragraphes de la réfutation de l’employeur soient biffés.

[127] L’employeur a fait valoir que les paragraphes en question répondent aux questions soulevées dans la réponse du fonctionnaire, et y apportent des clarifications. Il a également affirmé que d’autres paragraphes contestés de sa réfutation répondaient directement à la jurisprudence sur laquelle le fonctionnaire s’appuie.

[128] J’ai examiné attentivement les cinq paragraphes de la réfutation en question. Lorsqu’elle évalue ce qui constitue une réfutation appropriée, la Commission doit tenir compte de l’équité envers les parties, de l’efficacité du processus d’audience et de l’aide au processus décisionnel que lui fournit la réfutation. Le principe général qui s’applique aux réfutations est que la partie qui les présente ne peut ajouter au litige de nouvelles questions dont elle avait connaissance ou qu’elle aurait pu raisonnablement prévoir et traiter dans ses premiers arguments. Dans une réfutation, une partie peut répondre directement à une nouvelle question soulevée dans la réponse de l’autre partie et peut clarifier ou développer ses arguments initiaux, surtout lorsque l’autre partie interprète mal sa position ou que l’importance d’une question est amplifiée dans la réponse.

[129] J’estime que les paragraphes en question conviennent à une réfutation, puisqu’ils répondent aux arguments présentés par le fonctionnaire dans sa réponse, et je refuse de biffer les arguments en réfutation de l’employeur.

B. Pour l’employeur

[130] L’employeur a affirmé avoir fourni des éléments convaincants et irréfutables étayant que le fonctionnaire a commis à plusieurs reprises des fautes graves justifiant son licenciement.

[131] L’employeur a soutenu que le grief relatif à la suspension est sans objet du fait que la date du licenciement est devenue rétroactivement la date de la suspension. À titre subsidiaire, l’employeur a fait valoir que la Commission n’a pas compétence sur le grief relatif à la suspension, puisque ce grief est de nature administrative. Également à titre subsidiaire, l’employeur a fait valoir qu’il avait des motifs raisonnables de suspendre le fonctionnaire, parce que ce dernier avait eu une inconduite grave justifiant une suspension.

[132] L’employeur a soutenu que la Commission n’a pas compétence pour examiner le grief dans lequel il est allégué des vices de procédure dans l’enquête administrative. À titre subsidiaire, l’enquête a été menée avec diligence, et tout préjudice ou toute iniquité qu’un vice de procédure aurait pu causer a été corrigé par l’arbitrage des griefs.

[133] Dans le contexte d’un grief de licenciement, l’employeur doit prouver l’inconduite et également démontrer que la mesure disciplinaire imposée était une sanction appropriée dans les circonstances (D’Cunha c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 78, au par. 139).

[134] L’employeur a le droit d’évaluer la conduite de l’employé en se référant au code de conduite applicable, y compris les politiques de l’employeur (Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, aux paragraphes 24, 26 et 28, confirmant Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254, aux paragraphes 46 et 47). Il existe des éléments convaincants et irréfutables prouvant que le fonctionnaire n’a pas respecté les politiques suivantes : la politique du Conseil du Trésor sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux, la norme d’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux électroniques de Santé Canada, le Code et la Politique de Santé Canada sur la protection et la garde des renseignements et des réseaux.

[135] Le fonctionnaire était tenu par ses conditions d’emploi de respecter les politiques d’emploi en vigueur à l’époque. Ainsi, son manque apparent de connaissances de celles-ci ne le dispense pas de cette obligation. Même en l’absence d’un code de conduite particulier, le bon sens impose aux fonctionnaires des règles de déontologie (Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62 et Stokaluk c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 24, au par. 160).

[136] Le fonctionnaire a enfreint les politiques d’emploi comme suit :

· transmettre des renseignements « Protégé B » à son compte de courriel personnel;

· utiliser de manière inappropriée les ressources de Santé Canada, notamment dans l’exercice d’un deuxième emploi;

· faire des tâches pour un deuxième emploi pendant les heures de travail à Santé Canada;

· ne pas suivre les procédures prévues pour les autorisations de congé;

· ne pas remplir ses obligations professionnelles en ne répondant pas en temps utile à une demande d’essai clinique;

· jouer au golf pendant les heures de travail à Santé Canada sous un faux motif.

 

[137] Les éléments de preuve de l’employeur établissent clairement que le fonctionnaire a été malhonnête en divulguant de manière inexacte la place occupée par son emploi à l’extérieur de la fonction publique dans sa déclaration de conflit d’intérêts et en ne respectant pas les restrictions claires visant à empêcher la naissance d’un conflit d’intérêts. Pendant longtemps, le fonctionnaire a utilisé de façon délibérée et répétée les ressources du gouvernement, pendant qu’il était payé par le gouvernement, pour gérer sa pratique médicale. Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire s’est injustement enrichi en n’ayant pas à se procurer ses propres biens pour exercer sa profession de médecin et qu’il a reçu, au moins lorsqu’il était de garde les vendredis après-midi, une allocation en plus de son salaire du gouvernement, ce qui équivaut à une double rémunération.

[138] Le conflit d’intérêts dû à l’emploi du fonctionnaire à l’extérieur de la fonction publique justifiait à lui seul le licenciement. Un conflit d’intérêts, même s’il n’est qu’apparent, est considéré comme une faute grave. L’ignorance prétendue des obligations en matière de conflit d’intérêts n’atténue pas la culpabilité du fonctionnaire. L’obligation de se conformer incombe nettement à l’employé (Brazeau et Stokaluk).

[139] L’ampleur de l’inconduite du fonctionnaire transparaît dans la façon dont une inconduite particulière pouvait en entraîner une autre. Cela s’est produit le 28 avril 2016 lorsque le fonctionnaire a pris un congé non autorisé pour se rendre à un congrès qui avait lieu le jour ouvrable suivant et auquel il n’avait pas été autorisé à assister, ce qui a eu pour résultat qu’il était introuvable et qu’il n’a pas répondu en temps utile à une demande d’essai clinique, contrairement à ce qu’exige la politique interne. Le fonctionnaire a présenté deux excuses générales pour justifier son comportement. D’abord, il a affirmé qu’il ne savait pas que son comportement était hors-norme et contraire à la politique du gouvernement. Il a ensuite affirmé avoir pris un arrangement de travail qui lui permettant de s’absenter du bureau. Aucune de ces défenses ne l’excuse. Le bon sens aurait dû lui dicter que son comportement n’était ni raisonnable ni acceptable (voir Basra, aux paragraphes 125, 129 et 131).

[140] La confiance à l’égard de la fonction publique s’éroderait si le comportement du fonctionnaire n’était pas considéré comme étant suffisamment grave pour justifier le licenciement. Ceux qui se croient tout permis ou agissent aussi négligemment n’ont rien à faire chez l’employeur (voir D’Cunha, aux paragraphes 263 et 277).

[141] Dans l’évaluation du quantum de la mesure disciplinaire, la Commission ne doit alléger la sanction disciplinaire imposée par la direction que si celle-ci est « manifestement déraisonnable ou erronée » voir (Legere c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 65, au par. 177).

[142] Il n’existe pas de jurisprudence qui porte exactement sur la question des quantums, mais les décisions suivantes contiennent des éléments applicables dans les arbitrages de suspension et de licenciement :

· Apenteng c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 58 (conduite d’affaires personnelles pendant les heures de travail à l’aide des ressources de l’employeur);

· Brazeau (conflit d’intérêts dû en partie à un intérêt commercial extérieur);

· D’Cunha (vol de temps de travail et envoi de renseignements à un compte de courriel personnel);

· Gravelle c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 61 (utilisation personnelle excessive du réseau, envoi de renseignements à un compte de courriel personnel);

· Iammarrone c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 20 (conflit d’intérêts et utilisation inappropriée de l’équipement et du réseau de l’employeur);

· Pouliot c. Administrateur général (Comité des griefs des Forces canadiennes), 2014 CRTFP 94 (conflit d’intérêts découlant d’un emploi extérieur et de l’utilisation du réseau et de son compte de courriel à des fins professionnelles extérieures).

 

[143] Dans le présent cas, les facteurs aggravants suivants appuient l’idée selon laquelle il existait un motif valable pour licencier le fonctionnaire :

· la nature et la gravité de l’inconduite ont touché le cœur de la relation de travail et constituent une atteinte importante à l’intégrité de l’employeur et du service public;

· la faute était délibérée et a été répétée pendant des années, y compris pendant l’enquête;

· le fonctionnaire a manqué de franchise et minimisé la faute tout au long de l’enquête et de l’arbitrage, en dépit d’éléments de preuve clairs et convaincants;

· le fonctionnaire ne reconnaît toujours pas sa faute, même aujourd’hui, et ne prend pas conscience de l’importance et de la gravité de ses actes;

· le fonctionnaire a adopté une attitude abrupte et combative injustifiée envers la direction, en particulier envers Mme Parker.

 

[144] De plus, le fait que le fonctionnaire ait occupé un poste de direction de haut niveau pèse en faveur de la conclusion d’une inconduite et constitue en soi un facteur aggravant. Vu le poste qu’il occupait, le fonctionnaire aurait dû savoir que son comportement était inapproprié, ce qui rend ses démentis peu vraisemblables et augmente sa culpabilité morale (voir Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107, au par. 228).

[145] Bien que l’employeur ait soigneusement examiné les circonstances atténuantes, aucune ne justifiait une sanction allégée dans le présent cas.

[146] Le fonctionnaire avait la possibilité et l’obligation de faire une déclaration complète et sans réserve au sujet de son inconduite (voir Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43, aux paragraphes 90 et 91). Il n’en a rien fait. Il a continué à commettre des inconduites pendant l’enquête, et fournissait alors une explication à celles-ci ou n’admettait que ce qui ne pouvait être nié au vu des éléments de preuve recueillis par l’employeur.

[147] Bien que l’appréciation de la crédibilité d’un témoin ne relève pas d’une science exacte, les marques de véracité étaient absentes des réponses écrites et du témoignage du fonctionnaire (voir Finlay c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 59, aux paragraphes 107 à 109). Lors du contre-interrogatoire, l’attitude évasive et combative du fonctionnaire a nécessité l’intervention de la formation de la Commission saisie des griefs. Il est important de noter que le fonctionnaire a affirmé n’avoir aucune connaissance ou aucun souvenir de nombreux détails, ce qui tranchait avec son attitude à l’interrogatoire principal, au cours duquel il s’était montré direct, concentré et catégorique. Il n’a manifesté aucun malaise ni aucune frustration à l’égard de la procédure lors de l’interrogatoire principal; il n’a pas non plus eu de trous de mémoire. Les incohérences dans ses témoignages n’étaient pas de simples problèmes de mémoire ou erreurs commises par inadvertance. Le fonctionnaire a plutôt fait un choix tactique sur ce qu’il allait admettre, quitte à changer son témoignage au besoin, mais toujours en essayant de minimiser ses actes. Cette stratégie a eu pour conséquence d’affaiblir de manière importante la sincérité de son témoignage et de porter un coup à sa crédibilité.

[148] Le fonctionnaire a présenté de nouvelles explications hypothétiques lors de l’arbitrage, de sorte que la vérité changeait constamment. Ses explications intempestives nous amènent à la question suivante : pourquoi ne pas avoir donné ses explications innocentes à la première occasion et fourni des éléments de preuve pour corroborer le tout? La réponse est que le fonctionnaire utilisait son témoignage de manière à pouvoir se dégager de la responsabilité de ses actes. Le scénario présenté par le fonctionnaire défie toute explication raisonnable du comportement d’un être humain normal dans les circonstances et manque tout simplement de crédibilité (voir Apenteng, aux paragraphes 78 à 84; D’Cunha, au par. 226).

[149] Concernant le golf, le fonctionnaire a voulu se dégager en disant que celui qui comptait les points au club de golf avait peut-être fait une erreur. Il a rejeté le témoignage du Dr Fraser selon lequel les médecins ont pour responsabilité quotidienne de se rendre à l’hôpital pour donner des soins aux patients, disant penser que le Dr Fraser avait un type de pratique différent, même s’il n’a pas fait part de cette pensée au Dr Fraser en contre-interrogatoire. Le fonctionnaire a rejeté le témoignage de Mme Mulder au sujet de son horaire de garde, au motif qu’il n’était pas fiable, faisant valoir que ce sont les médecins eux-mêmes qui établissent l’horaire. Le fonctionnaire a convenu qu’il avait pris un arrangement flexible pour les mercredis après-midi, mais que cela s’inscrivait dans son horaire entièrement flexible. Il y a lieu de se demander quelle aurait pu être la raison d’être d’un tel arrangement si le fonctionnaire avait déjà toute latitude pour établir son propre horaire. La raison est qu’il ne jouissait pas d’une telle flexibilité illimitée.

[150] Mme Mulder et le Dr Fraser sont des tiers qui ont témoigné de manière franche, et leur témoignage doit être accepté. Le témoignage de Mme Mulder au sujet de l’horaire de garde et le témoignage du Dr Fraser au sujet des responsabilités des médecins ont donné à penser que le fonctionnaire a donné des renseignements inexacts sur la portée de ses activités professionnelles extérieures pendant ses heures de travail principales à Santé Canada. Ce type de comportement sème un doute sur la véracité de son témoignage.

[151] Les explications du fonctionnaire manquaient de crédibilité, car il s’agissait manifestement d’une tentative de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. Le fonctionnaire a affirmé que les superviseurs, la Dre Klein et le Dr Cushman, étaient au courant de ses activités et les ont tolérées, y compris qu’il s’était entendu avec eux concernant son horaire flexible et ses congés. Aucun élément de preuve fiable n’a été présenté pour montrer que la haute direction était au fait de cette situation et l’acceptait. Le Dr Cushman a témoigné qu’il n’était pas au courant du comportement reproché au fonctionnaire, qu’il ne l’avait pas supervisé directement, qu’il n’était pas au courant des conclusions de l’enquête et que son emploi au Ministère avait pris fin au milieu de la période visée par l’enquête. L’entrevue d’enquête de la Dre Klein et la correspondance par courriel dans laquelle la Dre Klein réprimande le fonctionnaire pour ne pas avoir suivi la procédure d’autorisation des congés sont en contradiction directe avec la tolérance alléguée par le fonctionnaire.

[152] Il s’agit d’une violation manifeste du principe de Browne and Dunn, car le fonctionnaire cherche à invalider la déclaration de la Dre Klein sans permettre à celle-ci de s’expliquer sur la question. L’allégation du fonctionnaire en contre-interrogatoire selon laquelle la Dre Klein aurait falsifié sa déclaration par crainte de mesures disciplinaires de la part de Mme Parker est purement hypothétique. Il faut tirer une conclusion défavorable du fait que la Dre Klein n’a pas été appelée à témoigner pour étayer l’allégation de tolérance. Voir Bahniuk, au par. 311, et D’Cunha, au par. 150.

[153] La façon dont le fonctionnaire a dépeint la direction, et en particulier Mme Parker, sans présenter d’éléments de preuve clairs et convaincants, était inappropriée et témoignait d’une insubordination, et elle doit ainsi réduire la crédibilité du fonctionnaire et être considérée comme un facteur aggravant. Il était inapproprié de la part du fonctionnaire de qualifier à plusieurs reprises l’enquête administrative de [traduction] « chasse aux sorcières ». Sa réponse écrite au rapport final est truffée de commentaires qui révèlent son mépris de la direction et de Mme Parker en particulier, alors qu’il demandait à être réintégré dans ses fonctions.

[154] Le fait que le fonctionnaire n’a jamais accepté de responsabilité et qu’il ne voie encore à ce jour rien de problématique dans ses activités extérieures témoigne d’un manque de potentiel de réadaptation, de sorte qu’il serait inapproprié de le réintégrer dans ses fonctions. Le lien de confiance entre l’employeur et l’employé a été irrémédiablement rompu.

[155] Le fait de procéder au licenciement rétroactivement à la date de la suspension ôte toute portée au grief de suspension. L’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Bétournay, 2018 CAF 230 (aux paragraphes 42 et 45) est le principal précédent à l’appui de la notion que l’employeur a le pouvoir de ramener la date du licenciement à celle de la suspension, ce qui a pour effet de créer une seule mesure disciplinaire et de rendre par conséquent le grief de suspension sans objet. Les décisions de suspension et de licenciement s’inscrivent dans un continuum procédural découlant de la même enquête administrative. Il serait déraisonnable de considérer que le licenciement du fonctionnaire était fondé, mais que sa suspension ne l’était pas, car ces deux décisions reposaient sur le même dossier factuel. Voir également Basra, aux paragraphes 153 et 155; Apenteng, au par. 99; Brazeau, au par. 154; Gravelle, au par. 101; Legere, au par. 251; Shaver, aux paragraphes 80 et 138; Stokaluk, aux paragraphes 173 et 174; Wepruk c. Conseil du Trésor et administrateur général (ministère de la Santé), 2016 CRTEFP 55, aux paragraphes 73 et 76.

[156] Seules les suspensions constituant une mesure disciplinaire peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2). La Commission peut examiner l’impact de la suspension sur le fonctionnaire et l’intention réelle de l’employeur pour déterminer si la suspension était administrative ou disciplinaire. Lorsque la suspension est jugée disciplinaire, la Commission doit déterminer si elle a été imposée pour un motif valable, en application du paragraphe 12(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; « LGFP »). Pour satisfaire à cette norme, la Commission doit déterminer si l’inconduite du fonctionnaire est suffisamment grave pour justifier une suspension à titre de mesure disciplinaire. Pour conclure à une suspension disciplinaire, la Commission doit être convaincue qu’une inconduite a eu lieu et que la suspension était proportionnée (voir Bétournay, aux paragraphes 34, 36, 39 et 41).

[157] Il est manifeste que la suspension était de nature administrative, car elle a été imposée le temps que l’enquête administrative soit conclue. Pour qu’elle soit de nature disciplinaire, la suspension aurait dû constituer la réponse finale de l’employeur à la faute commise par le fonctionnaire. La lettre de suspension administrative a été expliquée par Mme Parker, qui a exprimé de manière cohérente ses préoccupations en précisant dans son témoignage qu’aucune décision définitive n’avait été prise à ce moment-là. Comme l’a expliqué Mme Parker, il s’agissait d’une mesure administrative qui visait à retirer le fonctionnaire du lieu de travail pour la durée d’une enquête sur des allégations graves, ainsi qu’à protéger les intérêts légitimes du Ministère contre des risques qui ne pourraient être suffisamment atténués si le fonctionnaire demeurait sur le lieu de travail.

[158] La suspension sans solde risquait d’avoir un effet préjudiciable pour le fonctionnaire, mais elle ne visait pas à corriger l’inconduite par une punition quelconque et, par conséquent, elle ne peut être considérée comme une mesure disciplinaire. Il est généralement admis qu’une suspension sans solde dans l’attente d’une enquête ne constitue pas en soi une mesure disciplinaire. De même, les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire (voir Legere, au par. 168).

[159] Compte tenu de la portée et de la complexité de l’enquête, il n’y a pas eu de retards indus au cours de la suspension. L’enquêteuse a diligemment obtenu, examiné et pris en compte une documentation volumineuse, a mené de nombreuses entrevues et a dûment pris en compte les réponses du fonctionnaire. Il y a eu certains retards causés par le manque de franchise du fonctionnaire, par des changements dans la représentation et par le manque de disponibilité récurrent du fonctionnaire. Pour ce grief, le fonctionnaire n’a fourni aucun élément de preuve ni aucun témoignage pour démontrer que la décision de Mme Parker de le suspendre constituait une mesure disciplinaire déguisée destinée à sanctionner une faute.

[160] Même si la Commission n’est pas convaincue que la suspension était de nature administrative, les craintes du défendeur se sont révélées fondées lors de l’enquête administrative ayant conclu à une inconduite grave justifiant une suspension disciplinaire.

[161] Les questions relatives aux vices de procédure ne peuvent faire l’objet de l’arbitrage. L’avenue qui convient pour contester l’enquête est une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale (voir Assh c. Canada (Conseil du Trésor – Anciens Combattants), 2005 CF 734, au par. 12).

[162] Tout défaut de procédure résiduel éventuel aura été corrigé par l’arbitrage. L’arbitrage étant une procédure de novo ou nouvelle, tout préjudice ou toute injustice qu’un vice de procédure aurait pu causer est corrigé (voir Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (CA)(QL) « Tipple (1985) »); Patanguli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291, aux paragraphes 37 à 40).

[163] En tout état de cause, le fonctionnaire n’a pas témoigné au sujet du grief relatif à l’enquête, et il n’a pas fait état d’un préjudice qu’il aurait subi en raison de la durée ou de la forme de l’enquête sur son inconduite. Aucun élément de preuve ne démontre une quelconque injustice ou violation de l’équité procédurale, comme un prolongement délibéré et insensible de l’enquête par l’employeur. De plus, aucun élément de preuve ne montre que la longueur et la forme de l’enquête ont entravé la capacité du fonctionnaire à présenter une réponse et une défense complètes. Il existe au contraire des éléments de preuve documentaires qui ont été confirmés par le fonctionnaire lors du contre-interrogatoire et qui montrent que le fonctionnaire a été pleinement informé tout au long du processus d’enquête et qu’il a eu la possibilité de formuler une réponse au cours de l’enquête administrative, ce qu’il a fait.

[164] En conclusion, l’employeur a fait valoir que les trois griefs devaient être rejetés.

C. Réponse du fonctionnaire

[165] Le fonctionnaire a fait valoir que les griefs devraient être accueillis.

[166] Dans un cas concernant une mesure disciplinaire, il incombe à l’employeur d’établir que les faits et circonstances présentés en preuve appuient ses décisions, tant en ce qui concerne sa détermination que la conduite du fonctionnaire méritait une mesure disciplinaire qu’en ce qui concerne la sanction sélectionnée (voir Lortie c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 108, au par. 166). Le fonctionnaire estime que l’employeur ne s’est acquitté de son fardeau sur aucun de ces deux points.

[167] La Commission devrait tirer une conclusion défavorable de l’absence de la Dre Klein de la présente procédure. Aucun des témoins présentés par l’employeur n’a travaillé directement avec le fonctionnaire au quotidien. Il s’agit d’un élément important, car l’argumentation de l’employeur ne repose que sur un rapport d’enquête fondé sur des ouï-dire. En tant que superviseure directe, la Dre Klein avait une connaissance pertinente et directe du travail du fonctionnaire à Santé Canada et de son second emploi à l’hôpital. Il s’agit d’un élément important, car le témoignage de la Dre Klein aurait permis de savoir si celle-ci était au courant de l’entente de travail flexible que le fonctionnaire avait avec l’hôpital, de ses heures de travail et de l’étendue de cette entente, et aussi de savoir si elle avait des préoccupations au sujet du travail du fonctionnaire et de sa présence au travail, dans le contexte de la suspension sans solde. En tant que superviseure directe, la Dre Klein connaissait bien les habitudes de travail du fonctionnaire, y compris le fait qu’il travaillait régulièrement après les heures de travail. Le fait qu’il n’ait pas été sanctionné avant l’intervention de Mme Parker est révélateur.

[168] Le témoignage de la Dre Klein aurait également étayé la tolérance alléguée par le fonctionnaire (dont il sera question plus loin). Le fait que l’employeur n’a pas appelé la Dre Klein à témoigner n’a jamais été expliqué lors de la présente procédure. Par conséquent, une conclusion défavorable devrait en être tirée. Comme il est noté dans Lortie, la Commission peut tirer une conclusion défavorable en ce qui concerne une preuve de faits essentiels qui n’ont pas été autrement établis. De même, une conclusion défavorable peut être tirée à l’encontre d’une partie qui, sans se justifier, n’assigne pas un témoin important sur lequel elle exerce un contrôle exclusif. Une telle omission constitue une admission implicite que le témoignage du témoin absent nuirait à la cause de la partie ou du moins ne l’appuierait pas.

[169] En tant que médecin en exercice, le fonctionnaire a un devoir légal de diligence envers ses patients. Cela n’a pas été contesté au cours de la présente procédure. Au cours du contre-interrogatoire, Mme Parker et M. Sabourin ont tous deux reconnu que le fonctionnaire avait un devoir légal de diligence, en tant que médecin, envers ses patients. L’employeur savait sans nul doute qu’il était un médecin en exercice et qu’il travaillait à l’hôpital. Cependant, aucune des politiques de Santé Canada ne traite des conflits qui peuvent survenir lorsqu’un médecin travaille à la fois à Santé Canada et dans un hôpital en tant que médecin praticien. De plus, il importe de souligner le fait que Mme Parker et M. Sabourin ne sont pas médecins, dans la mesure où la mesure disciplinaire qu’ils ont imposée ne tenait aucunement compte des obligations légales et professionnelles du fonctionnaire.

[170] Dans le cadre d’un grief de licenciement, l’employeur doit démontrer qu’il y a eu faute et que la mesure disciplinaire imposée était appropriée dans les circonstances. Les questions auxquelles il faut répondre sont les suivantes : Le comportement du fonctionnaire justifiait-il que l’employeur impose une mesure disciplinaire? Dans l’affirmative, la mesure disciplinaire était-elle excessive? Dans le cas contraire, quelle autre mesure juste et équitable devrait lui être substituée? (voir Basra, aux paragraphes 24 et 25).

[171] En ce qui concerne l’inconduite alléguée, personne ayant été témoin des faits allégués dans le rapport d’enquête n’a témoigné lors de la présente procédure. Il s’ensuit que tous les éléments de preuve contenus dans le rapport ne sont que des ouï-dire. Bien que la Commission puisse accepter une preuve par ouï-dire, elle devrait en faire abstraction lorsqu’il s’agit de la preuve de faits essentiels qui sont contraires au témoignage du fonctionnaire et qui n’ont pas été établis autrement (voir Lortie, aux paragraphes 221 à 223).

[172] Le fonctionnaire n’a pas transmis de renseignements « Protégé B » à d’autres personnes que lui-même. Il a témoigné avoir transféré les renseignements prétendument « Protégé B » à son compte Gmail par commodité et aussi en raison de problèmes avec la technologie lors de ses déplacements. Il a également déclaré qu’il n’avait jamais divulgué de renseignements « Protégé B » à quiconque et qu’il était le seul utilisateur de sa boîte de réception personnelle. Il ne s’agit manifestement pas d’une transmission de renseignements « Protégé B » à un tiers qui ne travaille pas au gouvernement. L’employeur n’a produit aucun élément de preuve contredisant le témoignage du fonctionnaire sur ce point. De plus, rien ne prouve que les actions du fonctionnaire ont entraîné la divulgation de renseignements à des tiers. S’ajoute à cela le fait que l’employeur n’a pas présenté d’élément prouvant que la sécurité et la technologie de cryptage de son compte Gmail étaient moins sûres que celles des comptes de courriel de Santé Canada. Contrairement à ce que prétend l’employeur, le Dr Viner n’a pas divulgué de renseignements, ce qui comprend les renseignements « Protégé B », à d’autres personnes que lui-même.

[173] Le dictionnaire Oxford définit le mot « disclose » (divulguer) comme suit [traduction] : « faire connaître (une information secrète ou nouvelle) ». Dans le présent cas, le Dr Viner n’a fait connaître aucune information à quiconque en l’envoyant à son propre compte Gmail. En fait, la politique de l’employeur relative à l’utilisation acceptable des réseaux et des dispositifs (la « politique sur les réseaux ») reconnaît implicitement le caractère sûr et sécurisé des applications Google, notamment Gmail, en indiquant explicitement ce qui suit à l’annexe B, qui donne des exemples d’utilisation acceptable :

Collaborer à des initiatives et à des projets conjoints grâce à des discussions ouvertes ou fermées, le cas échéant, avec d’autres ministères et d’autres paliers de gouvernement grâce à l’utilisation de wikis, d’applications de réseautage professionnel, d’outils internes comme GCDocs ou des outils externes en nuage comme Google Docs.

 

[174] Si l’employeur a approuvé l’utilisation de Google Docs, l’utilisation de Gmail, qui est elle aussi une application Google, est acceptable de la même façon.

[175] Comme l’indiquent Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au paragraphe 4:1520 et Lumber & Sawmill Workers’ Union, Local 2537 v. KVP Co. Ltd. (1965), 16 L.A.C. 73, les règles de l’employeur doivent être conformes à la convention collective, raisonnables, claires et non équivoques, portées à l’attention des employés et appliquées de manière cohérente.

[176] Dans le présent cas, le fonctionnaire ne se souvenait pas d’avoir reçu une formation sur la politique sur les réseaux et l’employeur n’a pas produit d’élément de preuve montrant que le fonctionnaire avait reçu une telle formation, ni concernant le contenu de cette formation relative à la politique. En outre, la politique sur les réseaux de l’employeur n’est pas [traduction] « claire et sans équivoque », car elle ne précise pas si elle s’applique dans les cas où un employé s’envoie un courriel à lui-même. Enfin, l’application par l’employeur de la politique sur les réseaux est déraisonnable, puisqu’il est manifeste que l’utilisation d’une application externe en nuage telle que Google Docs est considérée comme une « utilisation acceptable », alors que l’utilisation de Gmail, qui est également une application externe en nuage de Google, est considérée comme étant inacceptable.

[177] Par conséquent, concernant cette allégation, les actions du fonctionnaire n’atteignent pas le niveau de l’inconduite.

[178] Le fonctionnaire a témoigné que la Dre Klein et le Dr Cushman étaient au courant qu’il utilisait son compte de courriel de Santé Canada à des fins personnelles, notamment pour coordonner son horaire avec celui de l’hôpital afin de s’assurer que ses heures de garde n’entraient pas en conflit avec ses fonctions à Santé Canada. Il a aussi témoigné que la fréquence à laquelle il utilisait son compte de courriel de Santé Canada dans le cadre de son autre emploi était assez minime.

[179] L’utilisation que le fonctionnaire fait de son compte de courriel ne déroge pas à la définition du terme « utilisation acceptable » donnée à l’annexe A (Définitions) de la politique sur les réseaux, qui prévoit d’« autres activités professionnelles » et une « utilisation personnelle limitée », comme il est énoncé dans la politique. En fait, le Dr Cushman a témoigné qu’en tant que directeur général, il utilisait son Blackberry « tout le temps » et qu’il recevait des courriels de parties externes dans son compte de courriel de Santé Canada et qu’il ne s’inquiétait pas de l’utilisation que le Dr Viner faisait de son courriel de Santé Canada dans le cadre de son autre emploi. Ceci est cohérent avec la déclaration d’entrevue du Dr Cushman, qui considérait cette pratique comme étant « acceptable ».

[180] Le fonctionnaire a également témoigné que l’employeur n’avait jamais exprimé d’inquiétude concernant les communications par courriel avec l’hôpital avant l’enquête. Il n’y a pas non plus d’élément prouvant une interférence quelconque avec ses tâches professionnelles. Il s’agit là d’une preuve évidente de tolérance. Aux paragraphes 109 et 110 de la décision Chopra c. Canada (Procureur général), 2014 CF 246, la Cour fédérale a décrit comme suit le critère relatif à la tolérance :

[109] […] le principe de la tolérance suppose qu’un employeur doit décider s’il y a lieu ou non de prendre une mesure disciplinaire contre un employé au moment où il a connaissance d’un comportement indésirable. Le défaut de l’employeur de prendre rapidement une décision peut être considéré comme de la tolérance à l’égard de l’inconduite de l’employé.

[110] Donc, lorsqu’une longue période s’écoule avant qu’une mesure disciplinaire soit prise, il peut être légitime, en l’absence de tout autre avertissement ou de tout autre avis, qu’un employé suppose que son comportement a été toléré par l’employeur. Une fois qu’un comportement a été toléré, l’employeur ne peut pas plus tard invoquer ce même comportement pour justifier la prise d’une mesure disciplinaire. Il est injuste de laisser les employés croire que leur comportement a été toléré, ce qui crée chez eux un faux sentiment de sécurité, pour ensuite les punir à une date ultérieure […]

 

[181] Dans le présent cas, bon nombre des allégations formulées contre le fonctionnaire entrent dans cette catégorie, puisque le Dr Cushman a lui-même admis cette pratique et qu’il était au courant de l’utilisation par le fonctionnaire de son compte de courriel de Santé Canada dans le cadre de son emploi extérieur. En fait, dans un grand nombre des courriels, il était question des horaires de travail qu’il devait coordonner. Bien que ses activités s’inscrivent dans le cadre d’une « utilisation personnelle limitée » et d’« autres activités professionnelles » telles que définies par la politique sur les réseaux, le fonctionnaire soutient, à titre subsidiaire, que l’employeur a toléré ces activités et que le fonctionnaire a été bercé d’un faux sentiment de sécurité.

[182] Le fonctionnaire a témoigné qu’il se servait à l’occasion du télécopieur de Santé Canada avant qu’on lui dise qu’il n’était pas censé le faire. Il a également témoigné que lorsque la pharmacie a commencé à envoyer des télécopies au numéro de télécopieur de Santé Canada, il a immédiatement contacté la pharmacie en lui demandant de cesser les envois, s’est acheté un télécopieur pour la maison et a redirigé les télécopies vers ce nouveau numéro de télécopieur. Toutes ces actions étaient appropriées et diligentes. Aucune de ces affirmations n’a été contredite.

[183] Le fonctionnaire a souligné que seulement quatre ordonnances qui lui étaient adressées ont été retrouvées sur le télécopieur de Santé Canada. Il est important de noter que l’employeur n’a jamais soulevé la question de l’utilisation courante du télécopieur avant l’enquête. Cette preuve n’a pas été réfutée par l’employeur et ce dernier n’a pas appelé de témoins à l’appui des allégations.

[184] Concernant la confidentialité, le Dr Cushman a témoigné que le fonctionnaire et ses collègues travaillaient dans un environnement hautement confidentiel en raison des essais cliniques, et qu’il supposait que les télécopies avaient toutes une feuille d’envoi et que chacun [traduction] « se mêlait de ce qui le regarde, sans plus ». En fait, le Dr Cushman a témoigné lors de l’interrogatoire principal qu’il se servait du télécopieur pour des raisons personnelles, sans lien avec Santé Canada. Il s’agit bien d’une preuve supplémentaire de la tolérance de l’employeur, comme il a été mentionné précédemment.

[185] L’employeur n’a ni surveillé ni vérifié les appels téléphoniques du fonctionnaire en temps opportun. De plus, la politique sur l’acquisition et l’utilisation des appareils sans fil de transmission de la voix (la « politique sur les appareils sans fil ») ne définit pas le terme [traduction] « quantité limitée ». Dans le rapport final de l’enquêteuse, l’employeur reconnaît en partie que [traduction] « […] les utilisateurs sont autorisés sous certaines conditions à utiliser des téléphones cellulaires et d’autres appareils sans fil de transmission de la voix pour un usage personnel limité […] ». Le fonctionnaire a témoigné que certains de ces appels étaient liés au travail. Il a expliqué qu’il utilisait le téléphone cellulaire de Santé Canada pour prêter appui à son personnel au moyen d’appels ou de messages texte. Il a également témoigné que, selon sa compréhension de l’utilisation autorisée par Santé Canada en dehors du travail, il pouvait utiliser le téléphone cellulaire à des fins professionnelles et personnelles. Il a ajouté qu’il avait par la suite acheté un téléphone personnel et cessé d’utiliser son téléphone cellulaire de Santé Canada dans le cadre de son autre emploi à l’hôpital.

[186] De plus, le fonctionnaire a apporté des précisions sur le courriel du 10 avril 2016 adressé à Mme Parker, dans lequel il avait laissé entendre que les appels marqués « appelant inconnu » provenaient peut-être de l’hôpital, sans en être certain. Il a témoigné que les appels entrants répertoriés « appelant inconnu » pouvaient provenir de diverses sources, entre autres des partenaires de Santé Canada ou des projets de sensibilisation de Santé Canada.

[187] Dans son témoignage, le fonctionnaire a précisé que, par souci d’efficacité, il lui arrivait d’écrire des courriels pendant les réunions lorsqu’il estimait ne pas être directement concerné par le sujet. Ces courriels pouvaient être destinés à des membres de son personnel ou être rédigés en quelques minutes pour aviser l’hôpital du droit de sortie d’un patient. Il a témoigné qu’il pensait que la Dre Klein et le Dr Cushman comprenaient cette façon de faire, étant donné qu’ils sont eux aussi médecins. À l’époque, ni la Dre Klein ni le Dr Cushman n’ont soulevé de problème à ce sujet. En fait, le Dr Cushman a témoigné lors de l’interrogatoire principal qu’il utilisait son Blackberry de Santé Canada pour [traduction] « diverses raisons », à des fins [traduction] « professionnelles et personnelles », et qu’il s’agit d’une [traduction] « zone grise ».

[188] L’employeur n’a jamais demandé au fonctionnaire de cesser d’utiliser ou de renoncer à utiliser son téléphone cellulaire de Santé Canada à des fins autres que celles liées à son emploi à Santé Canada.

[189] En ce qui concerne cette allégation, les actions du fonctionnaire n’atteignent pas le niveau de l’inconduite, puisque celui-ci s’est conformé à la politique sur les réseaux et à la politique sur les appareils sans fil de l’employeur. Subsidiairement, si ses actions constituaient une faute, il s’agissait alors de manquements sans importance qui étaient tolérés par l’employeur.

[190] Le fonctionnaire avait un horaire de travail flexible à Santé Canada, conformément à un arrangement pris avec la Dre Klein, sa superviseure immédiate. L’employeur n’a pas appelé la Dre Klein à témoigner sur cette question et la Commission devrait en tirer une conclusion défavorable.

[191] Selon sa convention collective, le fonctionnaire devait travailler au moins 37,5 heures par semaine. Durant son témoignage, toutefois, il a déclaré qu’il avait fréquemment [traduction] « dépassé ce nombre d’heures » en travaillant le soir et les fins de semaine et en raison de ses déplacements. Le Dr Cushman a corroboré le témoignage du Dr Viner sur cette question et a reconnu que ce dernier travaillait souvent après les heures de travail pour Santé Canada. L’employeur n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter cela. Le rapport final d’enquête cite la Dre Klein, qui a reconnu que l’on s’attend des médecins qu’ils rattrapent leur temps de travail. L’employeur n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter cela et n’a pas appelé la Dre Klein à témoigner.

[192] Durant son témoignage, le Dr Viner a déclaré que le fait d’être de garde ne l’obligeait pas à être physiquement présent à l’hôpital. Il a aussi témoigné qu’il effectuait des tournées lorsqu’aucun autre médecin n’était présent, c’est-à-dire principalement les samedis, les dimanches et les jours fériés, en dehors de ses heures de travail à Santé Canada, et qu’il passait peu de temps à l’hôpital, puisqu’il s’occupait de patients dans des maisons de soins infirmiers. Il a témoigné qu’il pouvait lui arriver de donner son congé à un patient par téléphone, et que cela prenait peu de temps. Mme Mulder a témoigné que les médecins ne sont pas tenus d’être présents à l’hôpital lorsqu’ils sont « de garde » et qu’ils peuvent gérer leur pratique de [traduction] « n’importe où ». Le Dr Miller n’a pas supervisé directement le fonctionnaire et n’était pas au courant de ses heures de travail à l’hôpital.

[193] Le fonctionnaire a témoigné que l’employeur ne l’avait pas informé avant l’enquête que ses fonctions à l’hôpital étaient considérées comme un conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel. La Dre Klein et le Dr Cushman considéraient, au contraire, que son emploi à l’hôpital était un atout.

[194] En ce qui concerne cette allégation, le Dr Viner n’a pas commis de faute de conduite, car il avait un horaire de travail flexible, il a agi avec le consentement de sa superviseure immédiate et il travaillait régulièrement après les heures de travail pour s’acquitter de ses fonctions à Santé Canada. Son emploi à l’hôpital respectait les modalités énoncées dans sa lettre sur les conflits d’intérêts.

[195] Le Dr Viner a respecté les procédures relatives à l’approbation des congés. Aucun témoin de l’employeur n’avait une connaissance directe des faits invoqués à l’appui des allégations selon lesquelles le Dr Viner avait omis de [traduction] « soumettre des demandes de congé pour 28 jours pendant lesquels il s’était absenté pour des raisons personnelles », ou n’a témoigné à ce sujet. Là encore, le défaut de l’employeur d’appeler la Dre Klein à témoigner pose problème.

[196] Le Dr Viner a témoigné qu’il avait présenté une copie papier de sa demande de congé pour son voyage en Pologne et en Israël, car le système électronique de déclaration des congés ne fonctionnait pas. Il a en outre témoigné que cette copie papier avait été perdue par son employeur. L’employeur n’a pas contredit cette observation.

[197] Le Dr Viner a témoigné qu’il avait travaillé sur des projets de la Dre Klein lors de ses voyages à Miami, en Floride, et qu’il avait rendu visite à sa famille pour des raisons familiales. Il a témoigné, plus précisément, avoir continué de travailler à distance lorsqu’il s’est rendu en Floride pour prendre soin de sa mère malade. Il a en outre précisé qu’il travaillait à l’examen clinique intégral de deux médicaments.

[198] En ce qui concerne les autres congés compris dans les 28 jours de 2014 à 2016, le Dr Viner a témoigné, lors du contre-interrogatoire, que le logiciel PeopleSoft permet de savoir qui a approuvé ou modifié un congé, et que l’employeur n’a pas précisé quels congés avaient ultérieurement été approuvés ou modifiés par l’employeur. Comme bon nombre des allégations concernant les congés ont été soulevées longtemps après que les congés ont été pris, il incombait à l’employeur de produire des relevés exacts.

[199] Comme l’ont souligné Brown et Beatty (au paragr. 7:2120, concernant la rapidité d’exécution), les arbitres de griefs reconnaissent le préjudice inhérent qui existe lorsque l’employeur tarde à exercer ses pouvoirs disciplinaires. L’employeur a toléré la pratique du Dr Viner en matière de congés; il ne pouvait donc pas lui imposer des mesures disciplinaires pour une conduite qu’il avait acceptée, d’autant qu’il avait omis d’informer le fonctionnaire de la possibilité que des mesures disciplinaires lui soient imposées. Le Dr Viner a témoigné qu’il avait conclu une entente de télétravail non officielle avec la Dre Klein et qu’il travaillait lors de ses déplacements. Il a déclaré qu’il existait un certain degré de confiance entre lui et la Dre Klein et qu’elle le traitait comme un professionnel. L’employeur n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter cela. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, comme l’employeur avait la possibilité d’appeler la Dre Klein à témoigner sur cette preuve, la Commission devrait tirer une conclusion défavorable à l’encontre de l’employeur pour ne pas l’avoir fait.

[200] Quant au présumé essai clinique retardé, le 28 avril 2016, le Dr Viner nie avoir commis quelque faute professionnelle. Même si l’approbation du Dr Viner a quelque peu tardé, personne ne conteste qu’il n’était pas tenu, aux termes du Règlement sur les aliments et drogues (C.R.C., ch. 870) (le « Règlement »), d’envoyer une lettre au fabricant, étant donné qu’aucune objection n’avait été signifiée quant à l’approbation du médicament.

[201] Le fonctionnaire a témoigné que la Dre Klein avait approuvé sa demande de congé pour assister au Symposium de Paris, en 2015 et 2016. Qui plus est, les déplacements effectués pour assister à des congrès internationaux figurent clairement dans sa description de poste. Cet élément de preuve n’a pas été réfuté par l’employeur. La Commission devrait tirer une conclusion défavorable du fait que l’employeur a omis d’appeler la Dre Klein à témoigner, puisque cette dernière aurait été au courant de l’approbation des congés et des conditions dans lesquelles ces congés ont été approuvés. Le Dr Viner a témoigné que la Dre Klein était parfaitement au courant de ses allées et venues et qu’ils avaient convenu d’une méthode particulière pour tenir compte de ses heures durant ses déplacements. Il a expliqué qu’ils parlaient parfois de télétravail, sans avoir conclu d’entente officielle, et qu’il pouvait travailler de la maison, de sa voiture et durant ses déplacements. Les congés n’étaient pas inscrits dans PeopleSoft. La Dre Klein et le Dr Viner parlaient plutôt de déplacements professionnels, en raison de la lourdeur de la procédure à suivre pour faire autoriser un voyage aux fins de participation à un congrès.

[202] Le fonctionnaire n’a pas commis d’inconduite qui aurait justifié une mesure disciplinaire. Subsidiairement, l’employeur a toléré la conduite du Dr Viner.

[203] L’employeur a allégué que le fonctionnaire jouait au golf les mercredis après-midi, alors qu’il prétendait effectuer des heures de travail clinique à l’hôpital. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas d’heures de travail clinique à l’hôpital entre 13 h et 18 h les mercredis, et que ses heures de travail clinique n’étaient pas fixes. Le Dr Viner a témoigné qu’il avait pris un arrangement avec la Dre Klein. Durant son témoignage, il a indiqué que le Dr Cushman et la Dre Klein étaient tous les deux au courant de son travail à l’hôpital, mais que Mme Parler et M. Sabourin n’avaient aucune idée du travail qu’il y faisait. Le Dr Viner ne jouait pas régulièrement au sein d’une ligue de golf. Il a expliqué qu’il était possible de jouer au golf au club à n’importe quel moment, entre 13 h et 18 h, et qu’il lui arrivait parfois de se joindre à un groupe à une heure aussi tardive que 17 h 50. Il était alors le cinquième membre de son groupe, alors que seulement quatre personnes pouvaient jouer en même temps. Cette souplesse lui permettait de jouer au golf seulement lorsqu’il le pouvait et seulement lorsque son travail à Santé Canada et à l’hôpital le lui permettait. Les relevés téléphoniques corroborent le témoignage du fonctionnaire.

[204] Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire avait un horaire de travail flexible à Santé Canada et ses fonctions à l’hôpital étaient minimes, ce qui lui offrait également une certaine souplesse et lui permettait de rattraper ses heures de travail. Enfin, le fonctionnaire a témoigné que l’employeur ne l’avait jamais prévenu, avant l’enquête, qu’il avait des préoccupations du fait qu’il jouait parfois au golf le mercredi.

[205] Les éléments de preuve présentés lors de l’arbitrage étaient bien en deçà de ceux exigés pour confirmer la suspension sans solde.

[206] Contrairement à ce que l’employeur a fait valoir, il ne pouvait ramener la date du licenciement à celle de la suspension sans solde, car la grande majorité des faits invoqués à l’appui du licenciement n’étaient pas connus de l’employeur au moment de la suspension, en août 2016 (voir Bétournay, aux paragraphes 56 et 57). Dans le présent cas, bon nombre des allégations concernant les heures de travail, les parties de golf et le processus d’approbation des congés ne sont pas évoquées dans la lettre de suspension.

[207] L’employeur n’avait pas de motifs pour suspendre le fonctionnaire sans solde pour une période indéfinie. Dans Bétournay, aux paragraphes 34 à 36, la Cour a énoncé divers facteurs à prendre en compte pour déterminer si la suspension sans solde était justifiée. Comme l’a mentionné la Commission dans Girard c. Agence du revenu du Canada, 2019 CRTESPF 37, au par. 85, la manière dont l’employeur choisit de qualifier une suspension sans solde n’est pas déterminante.

[208] Dans le présent cas, la lettre de suspension donne les motifs pour lesquels il y aurait suspension pendant l’enquête. La lettre laisse entendre plus précisément que les actions du fonctionnaire constituaient une inconduite, car les actions du fonctionnaire [traduction] « pourraient équivaloir notamment à une inconduite ou à une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Norme sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux ». La lettre de suspension suppose en outre que la suspension était une mesure disciplinaire, car il y est indiqué ce qui suit : [traduction] « […] vos actions risquent de nuire ou de porter atteinte à la réputation de Santé Canada » et [traduction] « si la direction juge que des mesures disciplinaires ne sont pas justifiées, vous serez réintégré dans vos fonctions et serez indemnisé en conséquence pour la durée de votre suspension ». Cette lettre présente toutes les particularités d’une lettre disciplinaire.

[209] Les Lignes directrices concernant la discipline du Conseil du Trésor (Annexe B – Principes applicables à une suspension pour une période indéfinie dont doivent tenir compte les gestionnaires délégataires) reprennent les critères énoncés par la Commission dans Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 9, s’agissant de déterminer si une suspension pour une période indéfinie est justifiée. L’un des principaux facteurs consiste notamment à déterminer si « [l]a présence [du fonctionnaire], en tant qu’employé de [l’organisation], peut être considérée comme posant un risque raisonnablement sérieux et immédiat aux intérêts légitimes de l’employeur ».

[210] Le fonctionnaire ne posait pas « un risque raisonnablement sérieux et immédiat aux intérêts légitimes de l’employeur ». L’employeur a décidé de permettre au fonctionnaire de demeurer un employé salarié du 25 avril 2016 au 29 août 2016, même s’il était au courant des circonstances entourant l’« essai retardé » le 25 avril 2016. Cette décision enlève du poids aux justifications invoquées par l’employeur à l’appui de la suspension sans solde. De plus, le fondement factuel de la conclusion selon laquelle le Dr Viner présentait un risque important pour [traduction] « la santé et la sécurité des Canadiens » était erroné, car le Dr Viner n’a pas enfreint le Règlement. Bon nombre des allégations formulées contre le Dr Viner dans la lettre de suspension comportent des éléments qui témoignent de la tolérance dont la direction a fait preuve. L’utilisation par le Dr Viner de son compte Gmail n’était pas contraire à la politique sur les réseaux. Le fonctionnaire avait informé les pharmacies qu’elles ne devaient plus envoyer de télécopies au numéro de télécopieur de Santé Canada.

[211] L’employeur a omis de prendre des mesures de rechange qui auraient été plus efficaces en réponse aux préoccupations qu’il avait concernant le fonctionnaire. Mme Parker aurait pu mettre en place une formation sur les conflits d’intérêts et sur les politiques de Santé Canada, notamment la politique sur les réseaux, à l’intention de l’ensemble du personnel.

[212] La suspension sans solde a eu d’importantes répercussions sur le fonctionnaire, qui a été privé de salaire pendant un an et qui a été mis à l’écart de ses collègues et de son travail pendant qu’un frein était mis à ses perspectives de carrière à Santé Canada. De fait, la Cour, au par. 34 de Bétournay, n’a pas infirmé la conclusion de la Commission selon laquelle « la privation de salaire pouvait être le signe d’une mesure disciplinaire à cause de son effet punitif ».

[213] Dans la lettre de suspension, l’allégation de l’employeur selon laquelle les actions du fonctionnaire [traduction] « risqu[aient] de nuire ou de porter atteinte à la réputation générale de Santé Canada » était erronée. Aucun élément de preuve n’indique que quiconque à l’extérieur de Santé Canada était au courant des actions du Dr Viner au moment de sa suspension. L’employeur n’a produit aucun élément de preuve donnant à penser que la présence continue du Dr Viner sur le lieu de travail posait un [traduction] « risque sérieux et immédiat aux intérêts légitimes du Ministère, notamment pour la santé et la sécurité des Canadiens ». De même, aucun élément de preuve ne montre que l’employeur ait examiné différentes possibilités pour garder le Dr Viner dans ses fonctions ou pour l’affecter à d’autres tâches durant l’enquête. Selon le raisonnement présenté dans Bétournay, les actions du Dr Viner n’étaient pas suffisamment graves, dans l’ensemble, pour justifier une suspension sans solde.

[214] De plus, une distinction peut également être établie entre les faits dans Bétournay et ceux du présent cas. Il convient plus particulièrement de noter que l’enquête dans Bétournay avait duré environ trois mois et avait porté sur les mêmes faits que ceux invoqués à l’appui du licenciement. Toutefois, le licenciement du Dr Viner est survenu un an après sa suspension sans solde et il a été justifié par des faits supplémentaires que l’employeur ne connaissait pas au moment d’imposer la suspension sans solde.

[215] Il est un autre facteur dont il faut tenir compte dans le présent cas, à savoir les propres actions de Mme Parker lorsque celle-ci a communiqué avec son amie et son médecin, une situation qui risquait véritablement de porter atteinte à la réputation d’intégrité de Santé Canada et qui était contraire au Code. Cette preuve a été clairement corroborée par les courriels de Mme Parker et son témoignage.

[216] La suspension sans solde et le licenciement étaient des mesures excessives, eu égard aux faits établis durant la procédure de la Commission. La grande majorité des allégations formulées contre le Dr Viner dans le rapport d’enquête n’étaient pas fondées. La majorité des faits reprochés au fonctionnaire n’ont pas été prouvés selon la prépondérance des probabilités lors de l’audience d’arbitrage.

[217] Il existe d’importants facteurs atténuants qui penchent en faveur du fonctionnaire, notamment les suivants :

· Plus de 15 années de service avec un dossier exempt de mesures disciplinaires

· Absence de toute mesure disciplinaire progressive

· Tolérance de l’employeur à l’égard des actions du fonctionnaire et délai de mise en place de mesures disciplinaires

· Inconduite de la part de Mme Parker elle-même

· Défaut de l’employeur de concilier ses obligations professionnelles, notamment son devoir de diligence prévu par la loi, avec ses obligations en matière de conflits d’intérêts

· Incohérence entre les obligations de l’employeur en matière de conflits d’intérêts et la politique sur les réseaux

· Différence notable entre les faits allégués lors du licenciement du Dr Viner et les faits établis durant l’audience d’arbitrage

· Conduite témoignant de la mauvaise foi de la part de l’employeur

· Absence de preuve étayant la rupture de la relation employeur-employé

 

[218] Dans Pelletier c. Agence du revenu du Canada, 2019 CRTESPF 117, la Commission était saisie d’un cas comparable dans lequel l’employeur avait omis de corroborer bon nombre des allégations formulées contre M. Pelletier lors de l’arbitrage. La Commission avait donc accueilli le grief.

[219] La lettre de licenciement soulignait l’absence de remords du fonctionnaire ou son refus d’admettre la gravité de ses actions, ce qui constituait un facteur aggravant. Cependant, un grand nombre d’allégations n’étaient pas corroborées. Le fonctionnaire ne devrait pas être tenu de s’excuser ou de manifester des remords pour des actions, soit qui n’étaient pas fondées, soit qui étaient tolérées par la direction et qui étaient conformes aux politiques de l’employeur et à la convention collective ainsi qu’aux propres actions de la direction.

[220] La lettre de licenciement contient des renseignements erronés. Il y est en effet indiqué que M. Sabourin [traduction] « a étudié avec soin le rapport d’enquête administrative, notamment les arguments et les renseignements que vous avez exposés […] ainsi que les arguments écrits que vous avez présentés durant l’audience disciplinaire ». Or, M. Sabourin a admis qu’il n’avait pas lu les arguments du fonctionnaire et qu’il avait simplement demandé à son conseiller en relations de travail si ces arguments contenaient [traduction] « quelque chose de nouveau ». M. Sabourin n’a donc pas tenu compte des facteurs atténuants et des arguments du fonctionnaire lors du licenciement.

[221] Ces renseignements erronés ajoutent à l’absence totale de crédibilité de M. Sabourin, y compris son manque de fiabilité. À titre d’exemple, durant son témoignage, M. Sabourin a affirmé qu’il ne s’était pas entretenu avec Mme Parker pour savoir si la relation d’emploi avait été rompue. Cependant, placé devant le fait que Mme Parker avait témoigné qu’il l’avait contactée, M. Sabourin est revenu sur son témoignage et a déclaré qu’il avait effectivement communiqué avec elle.

[222] Une distinction peut facilement être établie entre les faits de l’espèce et bon nombre des cas invoqués par l’employeur. Dans Apenteng, M. Apenteng avait participé à une activité frauduleuse en créant et en utilisant un certificat médical falsifié pour justifier ses absences. Dans le présent cas, le fonctionnaire n’a jamais caché son deuxième emploi. Il a été franc et honnête à ce sujet et il a, de son propre chef, présenté une déclaration de conflit d’intérêts à l’employeur.

[223] Dans Brazeau, il a été établi que M. Brazeau avait favorisé une entreprise avec laquelle il entretenait des liens familiaux et qu’il avait adjugé des contrats à des entreprises selon les souhaits des clients plutôt qu’en respectant des critères objectifs. Dans le présent cas, le Dr Viner n’a jamais abusé de son poste pour son propre bénéfice ou celui d’autrui, contrairement à Mme Parker lorsqu’elle a voulu aider une amie.

[224] Dans D’Cunha, M. D’Cunha et Mme De Laat avaient été arrêtés et accusés de trafic de stupéfiants. Dans le présent cas, rien n’indique que le Dr Viner ait agi d’une manière le moindrement comparable. De plus, le fonctionnaire avait un horaire de travail flexible que sa superviseure avait approuvé, et les éléments de preuve ont confirmé qu’il travaillait régulièrement après les heures de travail.

[225] Dans Gravelle, M. Gravelle avait régulièrement utilisé l’Internet à des fins personnelles, ce qui constituait un vol de temps, et il avait également accédé à des renseignements sensibles concernant des concours de dotation pour son propre bénéfice. Dans le présent cas, le fonctionnaire n’a pas volé de temps de travail. Sa preuve claire et convaincante montre qu’il avait un horaire de travail variable et qu’il travaillait régulièrement pour Santé Canada après les heures de travail. De plus, ses courriels de l’hôpital portaient principalement sur des questions d’horaire, et aucun élément de preuve n’indique qu’il ait utilisé des renseignements sensibles de Santé Canada pour son propre bénéfice ou celui d’autrui, comme l’a fait Mme Parker. Dans Gravelle, le superviseur de M. Gravelle avait témoigné, alors que la Dre Klein n’a pas témoigné à l’audience d’arbitrage. De plus, le Dr Viner était médecin et il avait à ce titre un devoir supplémentaire de diligence qui exigeait qu’il communique rapidement avec l’hôpital, alors que M. Gravelle était adjoint aux ressources humaines et n’avait pas de telles obligations professionnelles.

[226] De même, on ne peut comparer les faits extrêmes de Iammarrone aux faits du présent cas.

[227] Dans Pouliot, Mme Pouliot avait travaillé pour son unité de réserve alors qu’elle était en congé de maladie payé par son employeur. En revanche, le Dr Viner n’a jamais été accusé de double rémunération et il a été honnête et franc au sujet de son deuxième emploi.

[228] Sa suspension sans solde et son licenciement devraient être annulés. Subsidiairement, si certaines mesures disciplinaires sont justifiées, alors la Commission devrait remplacer le licenciement et la suspension sans solde par une suspension de 5 à 20 jours. Il s’agirait d’une sanction raisonnable et appropriée, compte tenu des faits qui ont été établis dans le présent cas.

[229] L’employeur a fait preuve de mauvaise foi envers le Dr Viner. Plus précisément, l’enquête, la suspension sans solde et le licenciement étaient motivés par la mauvaise foi.

[230] Dans Yeo c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2019 CRTESPF 119, la Commission a défini comme suit, aux paragraphes 126 et 127, les facteurs à prendre en compte pour établir un acte de mauvaise foi :

[…] Il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’employeur était motivé par l’hostilité, la malveillance, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté ou qu’il avait une motivation inappropriée.

[…] [j]e dois répondre aux trois questions suivantes pour déterminer si les actes de l’employeur étaient de mauvaise foi : Les normes ont-elles été communiquées? […] Une formation a-t-elle été fournie? […]

 

[231] De même, dans le présent cas, les éléments de preuve suivants témoignent de la mauvaise foi de l’employeur :

· La suspension sans solde pendant un an était fondée, en partie, sur l’allégation fausse et erronée en droit selon laquelle le fonctionnaire a enfreint le Règlement sur les aliments et drogues et posait un [traduction] « risque immédiat » pour [traduction] « la santé et la sécurité des Canadiens ».

· L’employeur n’a pas offert au fonctionnaire de formation ou de directives sur les questions de conflit d’intérêts, dans la mesure où elles s’appliquaient à son deuxième emploi en tant que médecin praticien. L’employeur, par ses propres actions, avait pour seul objectif de trouver simplement des éléments de preuve pour étayer le licenciement du fonctionnaire.

· M. Sabourin a reconnu ne pas avoir examiné les arguments présentés par le Dr Viner durant l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, contrairement à ce qui était indiqué dans la lettre de licenciement. Ce facteur est important, car ces arguments contenaient des éléments de preuve attestant que Mme Parker était en situation de conflit d’intérêts.

· Mme Parker s’est trouvée en situation de conflit d’intérêts en abusant de son poste de directrice générale pour aider une amie afin qu’elle bénéficie d’un médicament contre le cancer. Elle a également demandé au fonctionnaire de divulguer des renseignements confidentiels communiqués durant une réunion. Parallèlement, Mme Parker a ouvert une enquête de conflit d’intérêts et engagé une procédure disciplinaire contre le fonctionnaire.

· M. Sabourin a d’abord affirmé qu’il n’avait pas consulté Mme Parker au sujet du licenciement. Il s’est toutefois ravisé et a admis l’avoir fait, après avoir été informé que Mme Parker avait déclaré avoir discuté de la relation d’emploi.

· L’employeur n’a pas offert de formation au Dr Viner sur la manière de concilier son devoir de diligence envers ses patients et ses obligations professionnelles en tant que médecin praticien avec ses obligations en matière de conflits d’intérêts.

· Mme Parker a minimisé la participation du fonctionnaire au dossier du virus Ebola et a prétendu que cette participation avait pris fin au début d’août 2014. Or, le Dr Cushman a confirmé que le fonctionnaire a continué de travailler sur ce dossier après août 2014.

 

[232] Par conséquent, le fonctionnaire a droit à des dommages pour licenciement de mauvaise foi, conformément au raisonnement exposé par la Cour d’appel fédérale dans Tipple c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 158, au par. 15.

[233] L’employeur a causé des retards importants tout au long du processus d’arbitrage avant la pandémie de COVID-19, notamment en présentant des éléments de preuve et des témoins au tout dernier moment et en faisant des demandes de divulgation frivoles. La Commission devrait également en tenir compte.

D. Réponse de l’employeur

[234] L’employeur a affirmé ne pas avoir omis, à tort, d’appeler la Dre Klein à témoigner. L’employeur n’a pas un accès exclusif à la Dre Klein, ni n’aurait dû l’appeler à témoigner pour faciliter la défense fondée sur la tolérance de l’employeur, qui a été invoquée par le fonctionnaire. Il est une règle de droit bien établie que les témoins n’appartiennent à personne – aucune partie n’a d’accès exclusif à un témoin ou ne peut exercer un contrôle exclusif sur un témoin. Par conséquent, l’une ou l’autre partie peut communiquer avec n’importe quel témoin et le convoquer devant la Commission pour présenter une preuve substantielle. Ce principe est reconnu à l’alinéa 20a) de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365), qui confère à la Commission compétence pour convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer des éléments de preuve. Le fonctionnaire n’a jamais demandé à la Commission d’exercer le pouvoir que lui confère la loi d’enjoindre à la Dre Klein de témoigner.

[235] Il n’y a pas lieu de tirer quelque conclusion défavorable à l’encontre de l’employeur, car il n’y a aucune raison de croire que le témoignage de la Dre Klein, s’il avait été présenté, aurait nui aux intérêts de l’employeur. La Dre Klein a fait deux types de déclarations. Elle a d’abord fait une déclaration dans le cadre de l’enquête. Elle a aussi fait des déclarations par courriel. Il n’y a rien de suspect au fait que l’employeur ait choisi de se fier aux déclarations de la Dre Klein plutôt que de l’appeler à témoigner. Cela s’explique du fait que les déclarations de la Dre Klein sont fiables et qu’elles sont conformes à la thèse de l’employeur.

[236] La décision Lortie n’établit pas une règle de droit convaincante concernant l’admissibilité d’une preuve par ouï-dire. La décision de la Cour d’appel fédérale dans Basra fait autorité en ce qui concerne la proposition selon laquelle la preuve par ouï-dire peut être acceptée pour établir un fait substantiel, à condition que cette preuve soit suffisamment fiable. La Cour d’appel avait conclu que le rejet d’une preuve par ouï-dire, simplement parce qu’il s’agit de ouï-dire, constitue une erreur de droit, même lorsque cette preuve est invoquée pour étayer un fait substantiel fondamental. Dans le présent cas, la preuve par ouï-dire de l’employeur est suffisamment fiable pour établir des faits essentiels, même si ces faits sont contredits par le témoignage du fonctionnaire. Les déclarations des témoins de l’enquête ont été examinées et approuvées par chaque témoin.

[237] Les politiques que le fonctionnaire a enfreintes exposent clairement les obligations du fonctionnaire à titre d’employé de Santé Canada. Le formulaire de déclaration de conflit d’intérêts que le fonctionnaire a rempli, sans divulguer pleinement l’étendue de sa pratique médicale extérieure, visait à assurer un équilibre entre ses obligations envers Santé Canada et ses autres activités extérieures. Les restrictions ultérieures étaient claires et visaient à prévenir toute situation de conflit d’intérêts. Le problème ne vient pas du fait que l’employeur a omis de tenir compte des obligations professionnelles du fonctionnaire, mais que ce dernier a choisi à maintes reprises de ne pas respecter les politiques ainsi que les restrictions en matière de conflit d’intérêts.

[238] La directive de Santé Canada sur la protection et la garde des renseignements interdit d’une manière sans équivoque la transmission de renseignements « Protégé B » à partir ou à destination d’un courriel personnel. Le mot [traduction] « personnel » y est défini comme étant [traduction] « par exemple, Yahoo, Hotmail, etc. ». Il n’est pas nécessaire de se référer au dictionnaire Oxford ou à d’autres politiques comme outils d’interprétation, car la politique de l’employeur est claire et qu’elle s’appliquait au fonctionnaire. Le fonctionnaire, notamment compte tenu du poste de direction qu’il occupait, aurait dû connaître ses obligations et agir en conformité avec celles-ci. L’envoi de renseignements « Protégé B » à son courriel personnel était une faute professionnelle, car un tel comportement était clairement interdit par la politique de l’employeur.

[239] L’utilisation, par le fonctionnaire, du courriel et du téléphone cellulaire de l’employeur pour ses activités professionnelles extérieures ne répond pas à la définition d’« utilisation acceptable » selon la Politique sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux du Conseil du Trésor. L’annexe A de cette politique restreint explicitement l’utilisation à un usage personnel limité pendant le temps libre de l’employé, utilisation qui n’entraîne pas de gain financier personnel ni de coût supplémentaire pour le Ministère et qui ne nuit pas au déroulement des activités. Le fonctionnaire n’a pas utilisé le courriel ou le téléphone cellulaire de l’employeur en conformité avec la Politique sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux, puisque cette utilisation a été faite principalement durant les heures normales de bureau, dans le cadre d’activités génératrices de revenu liées à la pratique médicale du fonctionnaire.

[240] Les arguments du fonctionnaire ne tenaient pas compte du témoignage crucial du Dr Cushman, qui est pertinent pour examiner la question de la tolérance de l’employeur. Le Dr Cushman a témoigné ne pas avoir supervisé directement le fonctionnaire, ne pas avoir été au courant de l’utilisation que le fonctionnaire avait faite du courriel ou du téléphone, ne pas avoir traité les demandes de congé du fonctionnaire et avoir eu peu d’interaction directe avec lui durant son mandat qui a pris fin en mars 2015. Il ne savait pas quels documents avaient été recueillis durant l’enquête. Le Dr Cushman n’aurait pas pu fermer les yeux sur les activités du fonctionnaire lorsqu’elles ont été menées, puisqu’il n’en avait pas été informé et qu’il n’était pas le supérieur immédiat du fonctionnaire. Rien n’indique que le Dr Cushman ait contribué à l’inconduite du fonctionnaire. Par conséquent, le témoignage du Dr Cushman ne permet pas d’établir qu’il y a eu tolérance.

[241] Quoi qu’il en soit, il est faux de dire que le Dr Cushman soutenait les pratiques du fonctionnaire. Il n’était pas au courant des résultats de l’enquête de l’employeur; il ne disposait donc pas du fondement probatoire qui lui aurait permis de formuler une opinion avec réserve concernant les activités du fonctionnaire.

[242] Le fonctionnaire a fait abstraction de nombreux documents justificatifs recueillis durant l’enquête sur les activités menées, ainsi que de déclarations écrites de témoins fiables. La collecte, la synthèse et la signification des éléments de preuve justificatifs ont été soigneusement expliquées par Mme Toutant, qui a été un témoin crédible. Mme Toutant a notamment présenté les dossiers de congé du fonctionnaire contenus dans l’application de suivi des congés PeopleSoft pour les années 2014 à 2016 et elle a expliqué que le Bureau de l’audit et de l’évaluation avait vérifié ses conclusions quant aux dates des congés, aux frais d’itinérance et aux pertes de nature salariale.

[243] Le renvoi à McManus c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), [1980] CRTFPC no 14, que fait la Cour d’appel fédérale dans Bétournay, n’enlève rien à la conclusion de la Cour selon laquelle l’employeur a le pouvoir de ramener la date du licenciement à celle de la suspension, ce qui a pour effet de créer une seule mesure disciplinaire et de rendre théorique le grief relatif à la suspension. La Cour d’appel fédérale n’a pas confirmé le raisonnement adopté dans McManus.

[244] La décision McManus n’a pas un caractère persuasif. Elle se distingue par les faits et les questions en litige. Comme l’a souligné la Cour dans Bétournay, McManus avait été rendue près de 40 ans auparavant et elle a été fondée sur une version antérieure de la LGFP.

[245] Les allégations du fonctionnaire concernant le comportement inapproprié de l’employeur sont sans fondement. L’employeur a présenté les trois versions des rapports d’enquête ainsi que les documents mentionnés dans le rapport final. L’employeur n’a pas tenté d’induire en erreur ou de présenter des dossiers inexacts. L’allégation selon laquelle l’employeur n’a pas produit de dossiers exacts est grave et repose sur des hypothèses non fondées. Bien que le fonctionnaire ait insisté pour dire qu’il existait un dossier montrant que ses congés avaient été approuvés, puis modifiés, il n’a jamais demandé que ce dossier soit produit.

[246] Le fonctionnaire n’a pas démontré que Mme Parker avait commis une faute de conduite, ou que les actions de cette dernière avaient un lien avec l’inconduite du fonctionnaire durant l’enquête. Ses allégations contre Mme Parker constituent un « faux-fuyant ». Dans sa correspondance par courriel, Mme Parker n’a pas demandé au fonctionnaire de lui fournir des renseignements commerciaux confidentiels. Aucun élément de preuve ne donne à penser que Mme Parker ait communiqué ce type de renseignements à son ancienne collègue et amie proche ou à son médecin. Il faut croire l’explication de Mme Parker lorsque celle-ci dit qu’elle cherchait à obtenir des renseignements non confidentiels. Le fait que Mme Parker cherchait à obtenir des renseignements pour une ancienne collègue et amie proche ne l’empêchait pas de lui envoyer des articles de revues ou des renseignements accessibles au public. Le Dr Cushman et M. Sabourin ont tous deux fourni des témoignages cohérents et déclaré qu’il n’y avait rien de reprochable à communiquer des renseignements non confidentiels ou à faire le point sur l’état d’une demande dans le cadre du Programme d’accès spécial.

[247] L’employeur a indiqué qu’il attendrait l’étape de la réparation pour formuler ses autres arguments sur les dommages, si les griefs devaient être accueillis en tout ou en partie.

[248] L’employeur s’est opposé aux arguments formulés par le fonctionnaire, selon lesquels l’employeur et son avocat ont eu une conduite inappropriée durant l’audience. L’employeur a fait valoir que cette allégation n’était étayée par aucun élément de preuve. Il a prétendu que les critiques formulées au sujet du caractère de l’avocat de la partie adverse ne correspondaient pas au décorum auquel on est en droit de s’attendre lors d’audiences de la Commission.

V. Motifs

[249] Avant d’examiner le bien-fondé des griefs, je vais me pencher sur certaines observations générales des parties.

[250] Le fonctionnaire a formulé de lourdes allégations contre l’employeur, particulièrement contre l’avocat de l’employeur, au sujet du déroulement de la présente instance. Bien que la procédure ne se soit pas déroulée sans heurts, il n’existe aucun élément de preuve étayant la mauvaise foi ou les retards délibérés de l’employeur ou de son avocat durant la présente instance.

[251] Les allégations portant sur la conduite de chaque partie dans le cadre de l’audience d’arbitrage devant la Commission, de même que les allégations concernant la conduite professionnelle d’un représentant, sont graves et doivent être corroborées par des éléments de preuve suffisamment clairs, forts et convaincants pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Dans le présent cas, la norme de preuve n’a pas été satisfaite. Les avocats sont des officiers de justice et sont liés par des normes d’éthique exigeantes, régies par les barreaux. De même, les représentants des agents négociateurs doivent adhérer à des normes d’éthique comparables lorsqu’ils représentent des employés dans une instance quasi judiciaire devant la Commission. Tous les représentants qui comparaissent devant la Commission, qu’ils soient avocats ou non, ont le devoir de préserver la considération dont jouit l’administration de la justice, et ce devoir consiste notamment à s’abstenir de dénigrer la réputation professionnelle d’autrui en l’absence d’une preuve suffisamment claire, forte et convaincante. Les excès dans ce domaine sont préjudiciables à la bonne administration du processus d’arbitrage et ne sont pas tolérés.

[252] Le fonctionnaire a reconnu que la Commission pouvait accepter une preuve par ouï-dire, mais il a fait valoir qu’elle ne devrait pas tenir compte de cette preuve si elle porte sur des faits essentiels qui vont à l’encontre de son témoignage et qui n’ont pas été contredits par une preuve directe. La preuve par ouï-dire qui a été présentée à la Commission était essentiellement composée de résumés d’entrevues que l’enquêteuse avait menées auprès de personnes qui n’ont pas témoigné. Ces personnes ont examiné et signé les résumés. L’employeur a soutenu que cette preuve par ouï-dire était admissible et qu’elle devrait être prise en compte.

[253] Il n’existe pas de restriction générale quant à l’admissibilité de la preuve par ouï-dire devant la Commission. Bien que je ne sois pas tenu d’accepter cette preuve, je ne peux la rejeter d’emblée simplement parce qu’elle constitue du ouï-dire. La question est de savoir si cette preuve est fiable (voir Basra). J’ai examiné tous les éléments de preuve qui m’ont été présentés et j’ai mesuré la fiabilité et le poids qu’il convenait d’accorder à toute preuve par ouï-dire dans les présents motifs.

[254] Le fonctionnaire a affirmé que je devrais tirer une conclusion défavorable du fait que l’employeur n’a pas appelé la Dre Klein à témoigner. Il a déclaré que la Dre Klein aurait eu une connaissance directe et pertinente de son travail et de son emploi à l’extérieur de la fonction publique. Il a aussi fait valoir que le témoignage de la Dre Klein aurait corroboré ses propres observations quant à la tolérance dont a fait preuve l’employeur. L’employeur a mentionné que « les témoins n’appartiennent à personne » et que le fonctionnaire avait lui aussi la possibilité d’appeler la Dre Klein comme témoin.

[255] Je reconnais que le fonctionnaire avait la possibilité d’appeler la Dre Klein à témoigner. Je conviens que l’employeur n’est pas tenu de convoquer un témoin qui pourrait soutenir la défense du fonctionnaire, à savoir dans le présent cas la thèse selon laquelle la direction tolérait sa conduite.

[256] Dans Lortie, la Commission a noté qu’elle pouvait tirer une conclusion défavorable s’agissant d’une preuve sur des faits essentiels n’ayant pas été établis par ailleurs. Dans le présent cas, le fardeau de la preuve incombait à l’employeur. Si l’employeur n’a pu établir certains faits essentiels parce qu’il n’a pas appelé la Dre Klein comme témoin, cela pourrait avoir une incidence sur la mesure dans laquelle il s’est acquitté du fardeau de la preuve. J’ai examiné le traitement qui a été fait de la preuve par ouï-dire de la Dre Klein (ses courriels et l’entrevue d’enquête) dans mon analyse des allégations d’inconduite et de la tolérance de la part de la direction.

[257] Dans les présents motifs, j’examinerai d’abord le grief pour licenciement, puisque la date du licenciement a été ramenée à celle de la suspension (que l’employeur a qualifiée de suspension administrative). J’examinerai ensuite le grief relatif à la suspension. Je terminerai en examinant le grief déposé à l’égard de l’enquête et du processus d’enquête.

A. Licenciement

[258] Le cadre d’analyse d’un licenciement est bien établi et repose sur les questions suivantes : 1) La mesure disciplinaire était-elle justifiée? 2) Dans l’affirmative, le licenciement était-il une réponse excessive, compte tenu de toutes les circonstances? 3) S’il s’agit d’une mesure excessive, par quelle autre mesure disciplinaire devrait-on la remplacer? Voir Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162 v. Wm. Scott & Company Ltd. (1976), [1977] 1 Can LRBR 1 (BC LRB) (« Wm. Scott ») et Basra.

[259] Il incombait à l’employeur de démontrer l’inconduite invoquée dans la lettre de licenciement. L’employeur prétend s’être acquitté de ce fardeau. Le fonctionnaire prétend au contraire qu’il n’en est rien.

[260] J’ai reproduit la lettre de licenciement dans l’introduction de la présente décision. Selon les allégations d’inconduite, le fonctionnaire :

· n’a pas tenu compte des restrictions visant son emploi à l’extérieur de la fonction publique, telles qu’elles étaient énoncées dans la lettre sur les conflits d’intérêts;

· a utilisé les ressources de Santé Canada, notamment le courriel, le télécopieur et un téléphone fourni par l’employeur pour son emploi à l’extérieur de la fonction publique;

· a utilisé les ressources de Santé Canada pour des communications liées à son emploi à l’extérieur de la fonction publique pendant des heures durant lesquelles il était rémunéré par l’employeur;

· a fait un mauvais usage des demandes de congé et de déplacement, malgré une connaissance des protocoles prévus à cette fin;

· a envoyé des renseignements commerciaux protégés à son courriel personnel et à des parties externes sans autorisation.

 

[261] La lettre de licenciement précisait également que des éléments de preuve montraient que le fonctionnaire avait utilisé des ressources de Santé Canada pour son emploi à l’extérieur de la fonction publique, avant de recevoir sa lettre sur les conflits d’intérêts en 2014, et qu’il n’avait pas été [traduction] « franc » avec le bureau des conflits d’intérêts. Cependant, l’employeur n’a pas invoqué ce motif allégué d’inconduite lors de l’audience d’arbitrage, et je n’en ai pas tenu compte.

[262] Durant l’instance devant la Commission, l’employeur a formulé des allégations de double rémunération, soit le fait pour le fonctionnaire d’avoir travaillé contre rémunération pour l’hôpital au cours d’heures pendant lesquelles il était aussi rémunéré par Santé Canada. Comme l’employeur n’a pas invoqué cette faute présumée dans la lettre de licenciement, j’ai conclu que je n’en avais pas été dûment saisi.

[263] J’ai entendu des témoignages sur le défaut allégué du fonctionnaire de terminer un essai clinique en temps utile. Bien que cette faute présumée ait été invoquée dans la lettre de suspension, Mme Parker l’a supprimée des motifs de suspension en déclarant que cette question [traduction] « […] serait examinée dans le cadre de l’enquête ». Bien que le rapport d’enquête mentionne les présumés problèmes liés à l’essai clinique, il n’énonce aucune conclusion sur cette question. Qui plus est, cette faute présumée n’a pas été mentionnée dans la lettre de licenciement. Par conséquent, je conclus que cette allégation ne faisait plus partie des motifs justifiant la suspension du fonctionnaire et qu’elle n’a pas été invoquée pour étayer la décision de mettre fin à l’emploi. Je n’en ai donc pas tenu compte comme motif d’inconduite.

[264] L’employeur a aussi invoqué l’inconduite présumée du fait que le fonctionnaire jouait au golf les mercredis, alors qu’il avait été convenu avec la Dre Klein que ces heures devaient être consacrées à ses tournées cliniques à l’hôpital. Bien que cette allégation ait été soulevée durant l’enquête, elle ne fait pas partie des motifs d’inconduite énoncés dans la lettre de licenciement. Je n’en ai donc pas tenu compte pour statuer sur l’inconduite.

[265] J’examinerai maintenant les allégations d’inconduite formulées dans la lettre de licenciement.

[266] Certaines de ces allégations concernent l’emploi du fonctionnaire à l’extérieur de la fonction publique, ainsi que les restrictions qui s’appliquaient à cet emploi et qui avaient été énoncées dans la lettre que le fonctionnaire a reçue du bureau des conflits d’intérêts, le 22 mai 2014. J’ai reproduit précédemment dans la décision les restrictions énoncées dans cette lettre, mais, pour faciliter la consultation, je présente ci-après celles qui sont pertinentes au regard du licenciement :

· Ne pas consacrer les heures de travail à Santé Canada à l’exercice d’un emploi à l’extérieur de la fonction publique.

· Ne pas utiliser les ressources (par exemple, données, renseignements, matériel confidentiel, documents ou présentations, compte courriel) ou le matériel (par exemple, ordinateurs, photocopieurs, fournitures de bureau) de Santé Canada pour les besoins d’un emploi à l’extérieur de la fonction publique.

· Veiller à ce que l’emploi extérieur de l’employé ne nuise pas à sa disponibilité, à ses capacités ou à son efficacité dans l’exécution de ses fonctions à Santé Canada.

 

[267] Le fonctionnaire n’a pas nié que le courriel contenant la lettre du bureau des conflits d’intérêts, qui décrivait les restrictions s’appliquant à son emploi à l’extérieur de la fonction publique, avait été envoyé à son adresse de courriel. Il avait rempli une déclaration et répondu à des questions sur son emploi à l’extérieur de la fonction publique. Dans un courriel contenant une série de questions sur le travail du fonctionnaire à l’extérieur de la fonction publique, le représentant du bureau avait demandé au fonctionnaire de confirmer l’adresse à laquelle devait être envoyée la lettre de réponse définitive. Le fonctionnaire avait donc été avisé qu’il recevrait cette lettre.

[268] Bien qu’il soit possible que le fonctionnaire n’ait pas lu la lettre en mai 2014 énonçant les restrictions, il a été établi que cette lettre a été envoyée et qu’elle a été reçue dans son compte de courriel. Faire abstraction d’un document reçu, même par inadvertance, n’est pas une excuse valable, d’autant que le fonctionnaire avait été avisé qu’il recevrait une lettre de réponse définitive. Le fonctionnaire ne peut invoquer sa propre négligence pour justifier le fait qu’il n’était pas au courant du contenu de la lettre sur les conflits d’intérêts. Par conséquent, je conclus que le fonctionnaire connaissait, ou aurait dû connaître, les restrictions qui s’appliquaient à son emploi extérieur le 22 mai 2014 ou peu après.

[269] Le fonctionnaire a déclaré avoir lu la lettre de 2015 du bureau des conflits d’intérêts (la lettre de rappel annuelle) et, qu’après l’avoir reçue, il a demandé à la pharmacie de cesser de lui envoyer des photocopies au travail et a acheté un télécopieur personnel. Cette lettre n’a pas été produite comme pièce. Cependant, cette lettre devait rappeler les restrictions en matière de conflit d’intérêts qui s’appliquaient au fonctionnaire, puisque ce dernier n’avait aucune autre raison de modifier ses pratiques liées à l’utilisation du télécopieur après l’avoir reçue.

[270] Je suis d’avis que les restrictions énoncées dans la lettre sur les conflits d’intérêts du 22 mai 2014 sont claires et non ambiguës. Il était également indiqué, à la fin de la lettre, que le fonctionnaire pouvait communiquer avec un conseiller désigné du Ministère en cas de [traduction] « questions à ce sujet ». Le fonctionnaire avait donc la possibilité de demander des précisions supplémentaires au sujet des restrictions, afin de mieux les comprendre. Comme les restrictions avaient été clairement établies et que le fonctionnaire en avait été informé, c’est à lui qu’incombait la responsabilité d’obtenir des réponses à toute question à ce sujet.

[271] Le fonctionnaire a également fait valoir qu’on ne lui avait jamais mentionné le Code. Mme Parker a déclaré que le Code avait été joint à la lettre d’offre du fonctionnaire et que des rappels étaient régulièrement faits au sujet des obligations en matière de conflits d’intérêts. L’employeur n’a pas produit la lettre d’offre en tant que pièce lors de l’audience, pas plus que les rappels réguliers. L’employeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le Code avait été porté à l’attention du fonctionnaire avant le 22 mai 2014.

[272] Cependant, même si le fonctionnaire n’avait pas examiné le Code, les parties pertinentes du Code avaient été reproduites dans la lettre du bureau des conflits d’intérêts. Par conséquent, je conclus que, durant les périodes pertinentes pour l’examen des présents griefs (après le 22 mai 2014), le fonctionnaire était au courant à la fois des restrictions en matière de conflits d’intérêts qui s’appliquaient à lui et des dispositions du Code.

[273] J’examinerai maintenant les différents types d’inconduite alléguée du fonctionnaire. J’ai divisé les allégations d’inconduite en trois catégories : utilisation d’un compte de courriel personnel pour les activités du gouvernement; utilisation de ressources de l’employeur pour un emploi extérieur et exercice d’un emploi extérieur durant les heures normales de travail; prise de congés et déplacements effectués sans l’autorisation requise.

1. Utilisation d’un compte de courriel personnel pour les activités du gouvernement

[274] Le fonctionnaire aurait envoyé des renseignements « Protégé B » à son compte de courriel personnel. La lettre de licenciement mentionne également que l’employeur avait la preuve que le fonctionnaire avait envoyé ces renseignements protégés à des tiers externes. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour corroborer l’allégation selon laquelle le fonctionnaire a envoyé des courriels contenant des renseignements protégés à des tiers. Le seul élément de preuve qui m’a été présenté concerne des renseignements protégés qui ont été envoyés au compte Gmail personnel du fonctionnaire. L’employeur n’a pas établi que des courriels ont été envoyés à des tiers externes.

[275] Le fonctionnaire n’a pas nié qu’il avait envoyé des courriels de son compte de courriel de Santé Canada à son compte Gmail personnel. Il n’a pas non plus nié que certains de ces courriels contenaient des renseignements confidentiels.

[276] Le fonctionnaire avait accès aux politiques régissant les renseignements confidentiels et je reconnais que ces politiques pouvaient également être consultées sur le site intranet de l’employeur. Bien que Mme Parker ait témoigné que la politique sur l’utilisation acceptable était souvent communiquée aux employés, aucun élément de preuve – autre que son témoignage – ne corrobore cette affirmation. Je conclus néanmoins que le fonctionnaire savait que les courriels qu’il envoyait à son compte de courriel personnel étaient confidentiels et que certaines mesures de sécurité s’imposaient. Durant l’audience disciplinaire du Ministère, il a admis avoir envoyé des courriels professionnels à son compte personnel, [traduction] « pensant qu’ils étaient sécurisés ». Il a également déclaré qu’il reconnaissait, [traduction] « en rétrospective », qu’un courriel portant sur la base de données de Santé Canada pouvait être considéré comme divulguant des renseignements « Protégé B ». Il avait manifestement à l’esprit les aspects de son travail touchant la sécurité. J’estime par ailleurs que le fonctionnaire aurait dû savoir comment protéger la sécurité des renseignements de Santé Canada, compte tenu de ses années d’expérience au sein du Ministère et du poste de direction qu’il y occupait.

[277] Le fonctionnaire a prétendu n’avoir transmis des documents « Protégé B » qu’à lui-même et à personne d’autre. Il a raison de dire qu’aucun élément de preuve n’indique qu’il a envoyé de tels courriels à des tiers. Cependant, l’interdiction prévue dans la politique de l’employeur porte sur la transmission de documents « Protégé B » à destination ou en provenance d’une adresse de courriel personnelle – il n’y a rien qui indique que cette interdiction vise uniquement la transmission à des tiers. Le fait qu’aucun élément de preuve n’indique que les documents que le fonctionnaire s’est envoyés ont été interceptés par des tiers importe peu. La politique vise à protéger les intérêts commerciaux légitimes de l’employeur en protégeant l’intégrité des documents désignés. Je ne vois pas comment quiconque pourrait savoir si les documents ont, ou n’ont pas, été interceptés après avoir été envoyés au compte de courriel personnel du fonctionnaire sur le réseau Gmail, lequel est un réseau non sécurisé exploité par une partie externe. La définition du terme « divulguer » n’est pas non plus pertinente pour la question en litige qui nous intéresse. L’interdiction prévue dans la politique de l’employeur porte sur la transmission ou l’envoi de documents – et non sur leur divulgation. Je conclus que le fonctionnaire connaissait la nature confidentielle des renseignements qu’il a envoyés à son courriel personnel. Les éléments de preuve montrent que les renseignements sensibles comprenaient l’hyperlien menant au système de suivi des présentations de médicaments ainsi que des renseignements y donnant accès, tels que le nom d’utilisateur et le mot de passe. Je conclus également que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire savait, ou aurait dû savoir, que l’envoi de tels renseignements à son compte personnel sur le réseau Gmail n’était pas sécurisé.

[278] Le fonctionnaire a également fait valoir que l’employeur n’avait fourni aucune preuve démontrant que la technologie de sécurité et de cryptage de son compte Gmail était moins sûre que celle de son compte de courriel de Santé Canada. Il a mentionné que, dans sa Politique sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux, le Conseil du Trésor reconnaît la sécurité et la sûreté d’applications Google, y compris de Gmail, en mentionnant Google Docs comme étant une utilisation acceptable.

[279] L’employeur n’était pas tenu de défendre sa technologie en matière de sécurité et de cryptage. Le fonctionnaire a fait valoir que l’application Google Docs utilise la même technologie de sécurité que Gmail, mais aucune preuve étayant son allégation ne m’a été présentée. Quoi qu’il en soit, l’utilisation acceptable de Google Docs s’inscrit dans une collaboration avec d’autres ministères et ordres de gouvernement, ce qui diffère de l’utilisation du réseau Gmail dont il est question dans les présents griefs.

[280] Je conclus que l’employeur a établi que le fonctionnaire a envoyé des renseignements « Protégé B » à son compte Gmail personnel et que le fonctionnaire savait, ou aurait dû savoir, que cela allait à l’encontre de la politique de l’employeur ou, à tout le moins, qu’il mettait en danger la sécurité de renseignements sensibles de l’employeur. En conséquence, cette allégation d’inconduite est fondée.

2. Emploi extérieur : exercice d’un emploi extérieur durant les heures normales de travail et utilisation des ressources de l’employeur

[281] Ces deux allégations sont liées à l’utilisation que le fonctionnaire a faite de son cellulaire de fonction et du télécopieur de Santé Canada pour son travail à l’hôpital, ce qui a occasionné des frais d’itinérance lors de déplacements à des fins personnelles, et à l’exécution de tâches pour l’hôpital durant les heures de travail à Santé Canada.

[282] La convention collective pertinente définit les heures normales de travail et dispose qu’un employé peut aménager son horaire de travail en fonction de ses attributions, sous réserve de l’approbation de l’employeur. L’employeur reconnaît que le fonctionnaire avait pris un arrangement non officiel avec la Dre Klein, ce qui lui permettait de s’absenter de son lieu de travail à Santé Canada les mercredis après-midi. Mme Parker a témoigné qu’elle n’était pas au courant de quelque autre régime de travail flexible accordé au fonctionnaire. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait un horaire de travail flexible et que la Dre Klein était au courant. Durant son entrevue d’enquête, la Dre Klein a déclaré que l’arrangement concernant les heures de clinique les mercredis après-midi était la seule entente qu’elle avait conclue avec le fonctionnaire au sujet de ses heures de travail.

[283] Le fonctionnaire a témoigné qu’il travaillait plus que ses heures normales de travail en travaillant le soir et les fins de semaine. Le Dr Cushman a confirmé que le fonctionnaire travaillait souvent le soir pour Santé Canada. Cependant, cela ne signifie pas que le fonctionnaire a démontré qu’il avait un régime de travail flexible approuvé par l’employeur (sauf en ce qui concerne les mercredis après-midi). Durant son entrevue avec l’enquêteuse, le Dr Cushman a déclaré qu’il ne se serait pas inquiété si le fonctionnaire ne s’était absenté de Santé Canada qu’[traduction]« en de rares occasions ». Je conviens que de rares absences du travail pour permettre au fonctionnaire de remplir ses fonctions à l’hôpital auraient pu être acceptables. Cependant, les éléments de preuve montrent qu’il ne s’agissait pas de rares occasions. Son horaire de garde montre également qu’il se rendait disponible régulièrement, et non rarement, pour s’acquitter de ses fonctions à l’hôpital.

[284] Le fonctionnaire a déclaré que le défaut de l’employeur d’appeler la Dre Klein comme témoin pour attester de son horaire de travail flexible était un point important. Je ne suis pas d’accord. Il n’existait aucun accord documenté témoignant d’un régime de travail flexible, sauf l’arrangement concernant les mercredis après-midi. La déclaration que la Dre Klein a faite durant son entrevue d’enquête ne corrobore pas les allégations du fonctionnaire concernant ses autres modalités de travail flexible. Bien que cette déclaration de la Dre Klein constitue une preuve par ouï-dire, elle est corroborée à la fois par le témoignage de Mme Parker et par la déclaration du Dr Cushman quant aux « rares occasions » où il s’attendait à ce que le fonctionnaire s’absente de Santé Canada pour exercer ses fonctions à l’hôpital. Le fonctionnaire aurait pu appeler la Dre Klein comme témoin pour contester la déclaration qu’elle avait faite durant l’enquête, mais il ne l’a pas fait.

[285] Je conviens qu’il était attendu que le fonctionnaire, comme bon nombre de professionnels de la fonction publique, travaille à l’occasion au-delà de ses heures normales. Cependant, cela n’équivaut pas à permettre à un employé d’effectuer des tâches liées à un emploi extérieur durant ses heures normales de travail et de rattraper ces heures en travaillant le soir ou la fin de semaine. Il n’existait aucun régime officiel de travail flexible, outre l’arrangement que le fonctionnaire avait pris avec la Dre Klein concernant les mercredis après-midi.

[286] Le fonctionnaire a d’abord admis avoir effectué des tâches pour l’hôpital pendant qu’il était au travail, et ce par téléphone. Lors de sa rencontre avec Mme Parker, le 30 mars 2016, il lui a dit qu’il prenait des appels téléphoniques de l’hôpital au sujet de patients, parfois pour donner des congés et parfois pour passer en revue des résultats d’analyses. Mme Parker a résumé la déclaration du fonctionnaire dans un courriel qu’elle lui a envoyé le 1er avril 2016, lequel courriel, comme l’a admis le fonctionnaire le 4 avril 2016, présentait un résumé exact de leur rencontre. Il a également admis, dans cette réponse, que la plupart des appels d’appelants « inconnus » indiqués sur les relevés téléphoniques provenaient probablement de l’hôpital.

[287] J’estime que ces admissions sont dignes de confiance, car elles ont été faites avant l’enquête. Le fonctionnaire n’a fourni aucune raison pour expliquer son changement de position concernant ces admissions.

[288] Le fonctionnaire était « de garde » les vendredis après-midi. Bien que je reconnaisse que le fait d’être « de garde » n’exige pas que la personne soit présente à l’hôpital, cela peut exiger qu’elle réponde à des appels téléphoniques. Le fonctionnaire affirme que sa « garde » était faite à titre gracieux. Durant son témoignage, le Dr Miller a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un travail à titre gracieux et que le fonctionnaire recevait une allocation pour cette activité. Il a aussi déclaré qu’il arrivait parfois qu’il n’y ait aucun appel pendant une période de garde, mais que cela était très rare et qu’il ne se souvenait pas que cela se soit déjà produit.

[289] J’accepte le témoignage du Dr Miller selon lequel un médecin de garde peut être appelé et qu’il est peu probable que le fonctionnaire n’ait jamais reçu d’appel de l’hôpital quand il était de garde les vendredis après-midi. Le Dr Miller n’avait aucun intérêt dans l’issue de ces griefs et il a témoigné en toute franchise.

[290] Le fonctionnaire s’est également rendu à l’hôpital à quelques occasions, durant ses heures de travail à Santé Canada. Certaines des réunions étaient prévues durant la période du dîner et j’accepte que la majeure partie de ces réunions ont eu lieu durant la pause-repas, et non pas durant les heures de travail du fonctionnaire à Santé Canada. Le Dr Miller a témoigné que les réunions avec les familles duraient habituellement une demi-heure environ et qu’il y avait parfois des documents à remplir par la suite. Cependant, certaines réunions avaient été prévues durant les heures de travail du fonctionnaire à Santé Canada. D’après un examen des courriels, il y a eu environ cinq de ces réunions. Le fonctionnaire affirme que ces réunions n’ont jamais eu lieu. J’estime que ce témoignage n’est pas fiable. Les courriels montrent qu’il était prévu qu’il assiste à ces réunions et que des rappels de ces réunions lui ont été envoyés. Il n’existe aucune réponse par courriel de sa part dans lequel il était demandé d’annuler ou de reporter ces réunions. Je conclus que le fonctionnaire n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que ces réunions n’ont pas eu lieu.

[291] Je conclus que l’employeur a prouvé l’allégation voulant que le fonctionnaire ait effectué du travail pour l’hôpital durant ses heures de travail à Santé Canada.

[292] J’aborde maintenant l’allégation relative à l’utilisation par le fonctionnaire des ressources de l’employeur pour son travail extérieur en tant que médecin praticien. Dans le présent cas, les ressources comprenaient son téléphone cellulaire (utilisé pour les appels téléphoniques et les courriels) et le télécopieur de Santé Canada.

[293] Parmi les restrictions en matière de conflit d’intérêts énoncées dans la lettre de 2014 figurait celle de ne pas utiliser les ressources ou le matériel de Santé Canada pour son emploi extérieur. Le fonctionnaire a fait valoir que l’utilisation de son téléphone cellulaire de Santé Canada était une utilisation acceptable selon les politiques applicables.

[294] La Politique sur l’utilisation acceptable des dispositifs et des réseaux du Conseil du Trésor donne la définition suivante de l’« utilisation acceptable » :

[…]

· pour des activités dans le cadre de leurs fonctions officielles;

· pour l’avancement professionnel et d’autres activités professionnelles;

· pour une utilisation personnelle limitée pendant leur temps libre, utilisation qui n’entraîne pas de gain financier personnel ni de coût supplémentaire pour le Ministère et qui ne nuit pas au déroulement des activités.

[…]

 

[295] La politique de Santé Canada sur l’utilisation des réseaux électroniques donne l’exemple suivant d’une utilisation des réseaux électroniques qui crée un conflit d’intérêts [traduction] : « utiliser les réseaux électroniques du Ministère pour des affaires privées, un gain personnel ou un profit […] »

[296] Il n’est pas contesté que le fonctionnaire a avisé l’hôpital de communiquer avec lui en lui écrivant à son adresse électronique de Santé Canada. Il en a fait part à l’hôpital après avoir reçu la lettre de déclaration de conflit d’intérêts. Il n’est pas non plus contesté que de nombreux courriels ont été reçus de l’hôpital et envoyés à l’hôpital au moyen de l’adresse électronique de Santé Canada du fonctionnaire. Même si le Dr Cushman ne savait pas que le fonctionnaire avait fourni son adresse électronique de Santé Canada à l’hôpital, il ne s’en est pas étonné. Toutefois, le Dr Cushman a observé que, bien qu’il puisse y avoir un [traduction] « débordement », il essayait en règle générale de séparer ses courriels professionnels et ses courriels personnels. Le volume de courriels à destination et en provenance de l’hôpital n’était néanmoins pas [traduction] « minime » comme l’a déclaré le fonctionnaire. Ce dernier utilisait systématiquement son adresse électronique de Santé Canada pour son travail à l’hôpital.

[297] Le fonctionnaire a également fait valoir que son utilisation du courrier électronique relèverait de la définition que donne la politique sur les réseaux du terme « utilisation acceptable ». La lettre de déclaration de conflit d’intérêts indiquait clairement que le fonctionnaire n’était pas autorisé à utiliser son téléphone cellulaire professionnel pour son emploi extérieur. Cependant, l’employeur a également invoqué sa politique sur les réseaux dans la lettre de licenciement et lors de l’audience de la Commission. La politique sur les réseaux définit l’« utilisation acceptable » comme incluant « le perfectionnement professionnel et les autres activités professionnelles ». Elle permet également une « utilisation personnelle » limitée pendant le temps libre, utilisation qui « n’entraîne pas de gain financier personnel ni de coût supplémentaire pour le ministère et qui ne nuit pas au déroulement des activités ».

[298] Dans la politique sur les réseaux, la référence aux « autres activités professionnelles » suit immédiatement une référence au « perfectionnement professionnel ». Par conséquent, je comprends que, lorsqu’on les lit dans leur contexte, les « activités » auxquelles il est fait référence se limitent à celles qui sont liées à la carrière du fonctionnaire à Santé Canada, par opposition à toute activité professionnelle qui comprendrait un travail effectué à l’extérieur pour un gain financier. Ceci est renforcé par la liste non exhaustive des « activités liées au travail et au perfectionnement professionnel » de l’annexe B de la politique. Toutes les activités énumérées sont liées à l’emploi de l’employé au gouvernement, et non à un travail extérieur.

[299] L’exception de « l’utilisation personnelle » concerne l’utilisation sur le temps personnel, sans objectif de gain financier. Dans le présent cas, le fonctionnaire a reçu et envoyé des courriels pendant ses heures de travail à Santé Canada. Fait plus important encore, les courriels étaient liés à son emploi extérieur – qui visait un gain financier – et n’étaient donc pas destinés à l’« utilisation personnelle » prévue par la politique sur les réseaux.

[300] Le fonctionnaire a également fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve que l’utilisation de son adresse électronique professionnelle pour son emploi extérieur interférait avec ses fonctions à Santé Canada. Cependant, la lettre de déclaration de conflit d’intérêts l’avisait clairement de ne pas utiliser les ressources de Santé Canada pour son emploi extérieur. L’utilisation de son adresse électronique professionnelle était plus qu’un oubli – il a demandé à l’hôpital, le 2 décembre 2015 et le 11 janvier 2016, d’utiliser son compte de courriel de Santé Canada afin de communiquer avec lui pour des questions liées au travail.

[301] L’examen des télécopies qui ont été déposées devant la Commission a révélé que l’une d’elles avait été envoyée le 6 juin 2014. Les autres pièces sont toutes des télécopies antérieures à la lettre initiale de déclaration de conflit d’intérêts du 22 mai 2014. Le témoignage de Mme Parker selon lequel des employés lui avaient dit que des télécopies avaient été reçues après le 22 mai 2014 constitue un ouï-dire. En l’absence de copies des télécopies auxquelles ces employés ont fait référence, ou de ces employés témoignant devant la Commission, je conclus que cette preuve n’est pas fiable.

[302] La seule télécopie déposée en preuve qui a été reçue après la lettre de déclaration de conflit d’intérêts du 22 mai 2014 a été reçue dans les deux semaines suivant l’envoi de cette lettre. L’employeur a donc établi que le fonctionnaire avait reçu une télécopie après l’avoir avisé de ne pas utiliser un télécopieur de Santé Canada pour ses fonctions à l’hôpital.

[303] La preuve n’est pas contredite que le fonctionnaire a utilisé son téléphone cellulaire de Santé Canada pour son emploi extérieur à l’hôpital et à la maison de soins infirmiers. Lors de sa première rencontre avec Mme Parker, le 30 mars 2016, il a admis avoir utilisé son téléphone cellulaire de Santé Canada pour effectuer des tâches liées à son travail à l’hôpital, notamment pour donner des congés et examiner des résultats de tests.

[304] Il y avait aussi beaucoup d’appels entrants non identifiés. Bien qu’au départ le fonctionnaire ait dit à l’employeur que de nombreux appels provenant de l’hôpital seraient marqués comme [traduction] « non identifiés », il a par la suite témoigné que beaucoup de ces appels étaient liés à son travail à Santé Canada. L’employeur n’a pas fourni d’éléments de preuve quant à l’identité des appelants. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de dire la proportion dans laquelle les appels non identifiés étaient liés à l’emploi extérieur du fonctionnaire. Cependant, le nombre d’appels identifiés qui provenaient de l’hôpital et de la maison de soins infirmiers, en plus du fait que le fonctionnaire a admis à Mme Parker qu’il utilisait le téléphone de Santé Canada pour le travail à l’hôpital, est suffisant pour conclure que le fonctionnaire a effectivement utilisé son téléphone de Santé Canada pour son emploi à l’extérieur, ce qui était contraire aux restrictions qu’il devait respecter en matière de conflit d’intérêts.

[305] L’employeur a également invoqué le témoignage de Mme Parker selon lequel le fonctionnaire avait pris un appel d’un ancien patient en sa présence. J’estime que l’appel d’un ancien patient n’est pas lié à l’allégation d’utilisation des ressources de Santé Canada pour son emploi extérieur. Cet appel ne provenait pas d’un patient dont le fonctionnaire s’occupait à ce moment-là.

[306] Je conclus que le fonctionnaire a utilisé son téléphone cellulaire de Santé Canada pour des appels téléphoniques et des courriels liés à son emploi à l’extérieur, ce qui est contraire aux restrictions relatives aux conflits d’intérêts et à la politique sur les réseaux. L’utilisation de son téléphone portable ne constituait pas une « utilisation personnelle » au sens de la politique sur les réseaux, mais était liée à un gain financier provenant de son emploi extérieur.

[307] L’employeur a présenté des éléments de preuve étayant les frais d’interurbain. Lors de l’audience de la Commission, il a également invoqué ces frais comme motif d’inconduite. La lettre de licenciement ne mentionne pas explicitement les frais d’interurbain comme motif d’inconduite. Le fait que le fonctionnaire a utilisé son téléphone cellulaire de Santé Canada alors qu’il était à l’extérieur du pays n’est pertinent que pour examiner l’allégation selon laquelle il a utilisé le téléphone cellulaire pour exercer ses fonctions à l’hôpital (allégation que j’ai déjà examinée) et comme élément de preuve lié à ses congés et à ses déplacements non autorisés (un aspect que j’aborderai ci-après).

3. Congés non autorisés et absence d’autorisation de voyage

[308] Le rapport d’enquête final contenait la conclusion que le fonctionnaire avait omis de soumettre des demandes de congé pour 28 jours pendant lesquels il s’était absenté pour des raisons personnelles. Le fonctionnaire n’a pas contesté que le logiciel d’approbation des congés ne faisait pas état de ses absences du travail. Il a cependant nié que les périodes d’absence n’avaient pas été autorisées.

[309] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il avait suivi les processus appropriés d’approbation des congés. Il a également fait valoir que ses déplacements étaient liés au travail ou sanctionnés par l’employeur. Il a noté qu’aucun témoin de l’employeur n’avait témoigné ou n’avait une connaissance directe des faits relatifs à l’allégation. Il a également affirmé que la Dre Klein n’avait pas non plus une connaissance directe de ces faits.

[310] L’absence de trace des demandes de congé dans la base de données des congés est, à première vue, la preuve que le fonctionnaire n’a pas suivi la procédure officielle de demande de congé. Pour certains déplacements, il y avait un jour de congé approuvé, suivi de jours non approuvés. Il n’a donné aucune explication pour justifier cette omission. L’employeur a démontré qu’il y a eu des périodes pendant lesquelles le fonctionnaire était hors du pays, sans qu’il y ait des jours de congé approuvés correspondants.

[311] Le fonctionnaire a laissé entendre qu’il avait un arrangement non officiel avec la Dre Klein pour les congés non approuvés. La Dre Klein n’a pas témoigné devant la Commission, et les notes d’enquête ne mentionnent pas qu’elle ait déclaré avoir convenu d’un tel arrangement. En fait, elle a dit aux enquêteurs que tous les déplacements étaient personnels, sauf un dont elle n’était pas certaine. Comme le fonctionnaire prétend avoir eu une entente non officielle avec la Dre Klein au sujet de ses séjours à l’extérieur du pays pendant qu’il n’était pas en congé autorisé, il lui incombait de prouver cette entente selon la prépondérance des probabilités. En l’absence du témoignage de la Dre Klein confirmant l’existence d’un tel arrangement, confirmation que le fonctionnaire aurait pu obtenir et produire devant la Commission, je conclus que le fonctionnaire n’a pas établi qu’il y avait un tel arrangement non officiel.

[312] Je ne comprends pas les arguments du fonctionnaire selon lesquels l’employeur aurait dû appeler des témoins ayant une connaissance directe des faits relatifs à ces allégations. L’employeur a fourni des registres organisationnels des frais de téléphone et des autorisations de congé, ce qui est présumé fiable. Les registres produits dans le cours habituel et ordinaire des affaires sont des preuves admissibles; toutefois, l’exactitude de leur contenu et leur valeur probante peuvent être contestées (voir l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985), ch. C-5)). Le fonctionnaire n’a pas produit de preuve indépendante suffisamment claire et convaincante pour contredire l’exactitude de la preuve issue du programme d’approbation des congés de l’employeur (voir F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au par. 46). Je conclus qu’il n’y a pas de preuve déterminante que les registres produits par l’employeur étaient inexacts. Les meilleurs témoins pour contredire cette preuve fiable étaient le fonctionnaire et la Dre Klein, et le fonctionnaire aurait pu appeler la Dre Klein à témoigner devant la Commission.

[313] Pour son voyage en Pologne et en Israël, il est probable que le fonctionnaire ait été seulement en mesure de présenter une demande de congé sur papier. Il allègue que c’est ce qu’il l’a fait, mais que l’employeur a perdu les documents. Lors de son entrevue, la Dre Klein n’a pas mentionné l’approbation d’une demande de congé pour ce voyage. Le fonctionnaire aurait pu appeler la Dre Klein comme témoin pour établir qu’une demande avait été faite. En tout état de cause, la responsabilité d’obtenir une autorisation de congé incombe à l’employé.

[314] En ce qui concerne ses déplacements en Floride, le fonctionnaire a déclaré qu’il travaillait à distance pendant ces déplacements. Il n’y a aucune preuve d’une approbation officielle d’un arrangement de télétravail pendant les déplacements du fonctionnaire en Floride. Il n’y a pas non plus de preuve d’un arrangement non officiel pris avec la Dre Klein. Si le fonctionnaire avait un arrangement non officiel avec la Dre Klein, il aurait pu l’appeler à témoigner à ce sujet.

[315] Le fonctionnaire a également fait valoir que d’autres jours inclus dans les allégations étaient « approuvés-modifiés » ou, en d’autres termes, approuvés par la Dre Klein après coup. Il a allégué que le programme d’approbation des congés permet de savoir qui a « approuvé-modifié » une demande de congé et qu’il incombait à l’employeur de produire des registres précis. Comme je l’ai déjà noté, les registres établis dans le cours habituel et ordinaire des affaires constituent des éléments de preuve admissibles. Le fonctionnaire n’a produit aucune preuve indépendante suffisamment claire et convaincante pour contredire l’exactitude de la preuve provenant du programme d’approbation des congés de l’employeur. Je conclus qu’il n’y a pas de preuve déterminante que les registres produits par l’employeur étaient inexacts.

[316] Le fonctionnaire a également déclaré qu’il était en [traduction] « déplacement professionnel » lors de certains voyages et qu’il s’était entendu avec la Dre Klein pour avoir recours au « déplacement professionnel » parce que le processus de demande d’approbation d’un déplacement pour assister à un congrès était compliqué. J’accepte le témoignage de Mme Parker selon lequel les déplacements effectués pour assister à un congrès n’étaient pas considérés comme des déplacements professionnels. Outre le fait qu’il n’y a pas de preuve documentaire à l’appui de l’allégation de déplacement professionnel, le fonctionnaire n’a pas demandé à la Dre Klein de témoigner au sujet de la compréhension que l’on aurait dû avoir des déplacements. Je note également qu’en septembre 2014, la Dre Klein a clairement averti le fonctionnaire de la nécessité d’obtenir une autorisation de voyage pour tout déplacement lié au travail.

[317] Le fonctionnaire a fait valoir que son témoignage concernant l’arrangement pris avec la Dre Klein n’a pas été réfuté et que, par conséquent, une conclusion défavorable devrait être tirée. Il a admis ne pas avoir demandé d’approbation officielle du déplacement fait pour assister au congrès. La preuve est claire que l’autorisation officielle n’a pas été obtenue comme il se devait. S’il avait eu l’autorisation non officielle de la Dre Klein pour ce déplacement, il aurait pu appeler cette dernière à témoigner pour corroborer ses dires. La preuve ne contient rien d’écrit de la part de la Dre Klein qui confirmerait l’allégation selon laquelle le fonctionnaire avait pris un arrangement avec elle. La déclaration d’entrevue de la Dre Klein dans le cadre de l’enquête ne fait référence à aucun arrangement non officiel concernant les autorisations de déplacement ou de congé. La Dre Klein avait également avisé le fonctionnaire de l’importance d’obtenir une autorisation de voyage en bonne et due forme, ce qui est contraire à l’idée qu’il existait un arrangement non officiel.

[318] Pour contrer ces éléments donnant à penser qu’il n’existait pas d’arrangement non officiel, le fonctionnaire a fait valoir que la Dre Klein craignait pour son emploi et qu’elle n’était donc pas franche avec les enquêteurs. À part son opinion, le fonctionnaire n’a fourni aucune preuve à l’appui de cette allégation. Je conclus que la preuve de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire n’a pas fait approuver ses congés et ses déplacements en bonne et due forme est fiable. Je dois exprimer une réserve quant à la tentative de ternir la réputation d’une personne qui n’était pas présente à l’audience pour protéger ses intérêts, et je ne pense pas que la Commission doive tolérer un tel comportement de la part de toute partie qui comparaît devant elle.

[319] Le fonctionnaire a fait valoir le délai écoulé avant la prise des mesures disciplinaires pour congé non autorisé, ce qui lui a été préjudiciable. Il n’a pas démontré de préjudice qui pourrait découler d’un retard, comme une incapacité à se souvenir des détails de ses voyages. Le fonctionnaire a pu se souvenir des déplacements et de leur raison d’être. Cependant, une partie de son argument concerne la tolérance, point que j’ai examiné plus loin dans cette décision.

[320] Je conclus que l’employeur a établi que le fonctionnaire n’avait pas obtenu d’autorisation de congé. Les éléments de preuve étaient contradictoires quant au nombre de jours de congé non autorisés (allant de 24 à 28). Je n’ai pas besoin de déterminer le nombre exact de jours aux fins du grief contestant le licenciement. Le nombre de jours de congé non autorisé est excessif, qu’il s’agisse de 24 ou de 28 jours. J’accepte qu’il puisse y avoir des occasions où un superviseur prend des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé en lui permettant de travailler à domicile ou, en d’autres termes, en prenant avec lui un arrangement non officiel de télétravail. Toutefois, dans le présent cas, le fonctionnaire n’a produit aucune preuve à l’appui de son allégation d’un tel arrangement pris avec la Dre Klein.

4. Conclusion sur les allégations d’inconduite

[321] L’employeur a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, les actes d’inconduite suivants :

1. Utilisation d’un compte de courriel personnel pour échanger des renseignements confidentiels, contrairement à la politique de l’employeur.

2. Utilisation des ressources de l’employeur pour un emploi extérieur pendant les heures de travail.

3. Exercice de l’emploi extérieur pendant les heures de travail à Santé Canada.

4. Violation des dispositions relatives aux congés et aux voyages.

 

[322] Par conséquent, j’ai déterminé que l’employeur avait un motif pour imposer une mesure disciplinaire.

5. La motivation ayant mené à l’enquête

[323] Le fonctionnaire a allégué que l’enquête était une forme de [traduction] « chasse aux sorcières » et que cette motivation entache les résultats de l’enquête et, par extension, les conclusions de l’employeur en matière d’inconduite. Il s’agit d’une allégation légèrement différente des allégations générales du fonctionnaire concernant la conduite de l’enquête, sur lesquelles je me pencherai plus loin dans la présente décision.

[324] Si je comprends bien la position du fonctionnaire, l’employeur n’aurait jamais découvert son inconduite s’il n’avait pas été motivé d’une manière ou d’une autre à enquêter sur lui. Il allègue également que Mme Parker, qui, selon lui, avait un préjugé contre lui, a été consultée sur les mesures disciplinaires à imposer. Dans le contexte d’un grief de licenciement, il est bien établi qu’une audience devant la Commission constitue une nouvelle audition de la preuve (voir Tipple (1985)). Par conséquent, la motivation ayant mené à l’enquête n’est pas pertinente pour établir le motif de la prise de mesures disciplinaires dans le cadre de cette nouvelle audience des allégations d’inconduite à l’encontre du fonctionnaire. En outre, la partialité présumée d’une personne dont l’intervention est minime dans le processus disciplinaire n’est pas pertinente pour se prononcer sur le motif des mesures disciplinaires lorsqu’il y a une nouvelle audition des éléments de preuve étayant l’inconduite. Toute question relative à une demande de dommages pour licenciement de mauvaise foi serait pertinente pour établir la réparation appropriée et, comme je l’ai mentionné précédemment, les parties ont convenu de déterminer la réparation appropriée, le cas échéant, une fois que la présente décision aura été rendue.

B. Est-ce que le licenciement était une mesure excessive?

[325] L’employeur a fait valoir que le licenciement était la seule mesure disciplinaire appropriée dans le présent cas. À titre subsidiaire, le fonctionnaire a fait valoir que le licenciement devrait être remplacé par une suspension de 5 à 20 jours.

[326] L’employeur a fait valoir qu’en évaluant le degré de discipline, la Commission ne devrait alléger une sanction disciplinaire imposée par la direction que si elle est [traduction] « manifestement déraisonnable ou erronée » (voir Legere, au par. 177). Je souligne que la citation est tirée des observations de l’employeur dans cette affaire, et non des motifs de l’arbitre de grief. La déclaration selon laquelle les décideurs du secteur public fédéral ne devraient intervenir que si la sanction était « manifestement déraisonnable ou erronée » provient d’une décision antérieure; voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119.

[327] L’affaire Cooper concernait une sanction pécuniaire, et non un licenciement. À mon avis, l’approche de la sanction « manifestement déraisonnable ou erronée » n’est pas appropriée dans le cas de mesures disciplinaires. Une des premières utilisations de cette expression se trouve dans la décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans Hogarth c. Conseil du Trésor (Approvisionnements et Services), dossier de la CRTFP 166-02-15583 (19870331), dans laquelle un arbitre de grief a déclaré qu’un ou une arbitre de grief ne devrait pas intervenir simplement parce qu’il ou elle estime qu’une sanction légèrement moins sévère aurait pu être suffisante, ajoutant « […] la détermination d’une mesure disciplinaire appropriée est un art et non une science ». Dans les cas où cette approche était adoptée, il était chaque fois question d’une suspension. Dans le cas d’un licenciement, une sanction « légèrement moins sévère » impliquerait nécessairement la réintégration, y compris la possibilité d’une suspension ou d’une rétrogradation. Il ne s’agit pas d’un cas où il y a une différence de 5 ou 10 jours de suspension. Par conséquent, l’approche de la sanction « clairement déraisonnable ou erronée » ne convient pas lorsqu’il est question d’un grief de licenciement.

[328] Comme nous l’avons déjà mentionné, le rôle de la Commission dans le règlement d’un grief relatif à une mesure disciplinaire consiste à déterminer si l’administrateur général a démontré un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire, puis à déterminer si la mesure disciplinaire imposée était excessive, compte tenu de la gravité de la conduite et des facteurs atténuants et aggravants (voir Wm. Scott et Basra).

[329] Je dois d’abord me pencher sur la gravité de l’inconduite. Je constate qu’à une exception près, toutes les constatations d’inconduite sont graves.

[330] Le fonctionnaire a envoyé des renseignements confidentiels à son compte de courriel personnel, ce qui aurait pu ternir la réputation de Santé Canada.

[331] Le fonctionnaire avait reçu des instructions claires concernant les restrictions liées à son emploi extérieur, et il a fait fi de ces restrictions. Les obligations en matière de conflits d’intérêts sont importantes dans la fonction publique fédérale, et le fait de désobéir de manière flagrante à ces restrictions constitue une inconduite grave susceptible de nuire à la réputation de la fonction publique fédérale.

[332] L’inconduite liée au fait que le fonctionnaire a abondamment utilisé son adresse de courriel et son téléphone cellulaire de Santé Canada pour son emploi à l’extérieur de la fonction publique est grave. J’ai déterminé que l’employeur n’a établi l’utilisation inappropriée du télécopieur de Santé Canada que pour une seule occasion, et que cette utilisation a été faite peu après que les restrictions ont été communiquées au fonctionnaire. Je conclus que cet acte d’inconduite n’était pas grave.

[333] Le fait d’être en congé non autorisé pendant plus de 20 jours au total constitue également une inconduite grave. Tant le nombre de congés non autorisés que la période pendant laquelle l’inconduite a eu lieu élèvent cette inconduite à un niveau grave. En outre, je conclus que l’abus d’autorisations de voyage constitue également une inconduite grave, d’autant plus qu’il s’agissait d’un comportement répété et que le fonctionnaire avait été averti qu’il devait obtenir une autorisation de voyage en bonne et due forme.

[334] Dans l’ensemble, j’ai conclu que l’inconduite du fonctionnaire était grave.

1. Facteurs atténuants

[335] L’employeur a fait valoir qu’il a tenu compte des facteurs atténuants que sont les années de service, l’absence de mesures disciplinaires antérieures, le bon rendement au travail et les bonnes relations qu’avait le fonctionnaire avec ceux qu’il supervisait. L’employeur a fait valoir que ces circonstances atténuantes ne justifiaient pas une sanction disciplinaire moins sévère que le licenciement. Le fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’a pas adéquatement pris en compte tous les facteurs atténuants.

[336] Le fonctionnaire a fait valoir que le défaut de M. Sabourin d’examiner les arguments écrits qu’il avait présentés à l’audience disciplinaire du Ministère révélait que l’employeur n’avait pas tenu compte des facteurs atténuants énoncés dans ces arguments.

[337] Je tiens d’abord à souligner que M. Sabourin a bel et bien pensé aux arguments écrits lorsqu’il a demandé au conseiller en relations de travail de les examiner et de l’informer s’il y avait quelque chose de nouveau dans ces arguments.

[338] Il s’agit d’une nouvelle audition des éléments de preuve, et le fonctionnaire a l’occasion de présenter les facteurs atténuants que la Commission devrait prendre en considération pour déterminer si le licenciement était une mesure excessive dans les circonstances. Cette nouvelle occasion remédie en fait à toute lacune que le processus décisionnel de M. Sabourin a pu présenter (voir Tipple (1985), et Patanguli).

a. Tolérance

[339] Le fonctionnaire a fait valoir que la Dre Klein et le Dr Cushman toléraient qu’il utilise son courriel professionnel pour son travail à l’hôpital et pour accommoder ses horaires de travail flexibles. L’employeur a fait valoir qu’il n’existait aucun élément de preuve fiable montrant que la haute direction était au courant du comportement du fonctionnaire et l’acceptait.

[340] Le principe de la tolérance repose sur la décision de l’employeur de ne pas prendre de mesures disciplinaires à l’encontre d’un employé lorsqu’il prend connaissance d’un comportement répréhensible. Le fait que l’employeur ne le fasse pas en temps utile peut être considéré comme une acceptation du comportement de l’employé; voir Chopra, aux paragraphes 194 et 195. La Cour fédérale a déclaré qu’il est injuste de laisser les employés « […] croire que leur comportement a été toléré, ce qui crée chez eux un faux sentiment de sécurité, pour ensuite les punir à une date ultérieure […] ».

[341] Le témoignage du Dr Cushman ne donne pas à penser que le fait que le fonctionnaire utilisait son compte de courriel de Santé Canada ou faisait du travail pour l’hôpital pendant ses heures de travail de Santé Canada était toléré. Le Dr Cushman n’était pas le superviseur direct du fonctionnaire et il a témoigné qu’il n’était pas au fait des activités quotidiennes du fonctionnaire. Il s’attendait peut-être à ce que les ressources de Santé Canada servent dans une certaine mesure à l’exécution de travail pour l’hôpital, mais il n’était manifestement pas au courant de l’ampleur de cette utilisation par le fonctionnaire.

[342] La Dre Klein a fourni une déclaration détaillée à l’enquêteuse. Le fonctionnaire a allégué que la Dre Klein avait fait une déclaration inexacte lors de l’entrevue, parce qu’elle craignait que Mme Parker prenne une mesure disciplinaire contre elle. Il s’agit d’une allégation très grave qui attaque la fiabilité d’une personne qui n’a pas eu l’occasion de protéger sa réputation en témoignant devant la Commission. Le fonctionnaire aurait pu appeler la Dre Klein comme témoin, mais il a choisi de ne pas le faire. Il n’a présenté aucune preuve indépendante suffisamment claire et convaincante permettant de mettre en doute la véracité des déclarations de la Dre Klein lors de l’entrevue d’enquête. Les affirmations sans fondement du fonctionnaire selon lesquelles la Dre Klein aurait menti pour ne pas nuire à son emploi ne constituent certainement pas une preuve suffisante pour mettre en doute la véracité de ses déclarations. Par conséquent, le fonctionnaire n’a pas établi que la déclaration faite par la Dre Klein lors de l’entrevue était une fausse déclaration.

[343] Bien que la déclaration de la Dre Klein lors de son entrevue constitue un ouï-dire, je suis prêt à lui accorder un certain poids. Certaines des déclarations qu’elle a faites lors de l’entrevue sont étayées par des courriels qu’elle a envoyés au fonctionnaire. En outre, elle a signé la déclaration et a paraphé chaque page.

[344] Il incombait au fonctionnaire de prouver son allégation selon laquelle l’employeur avait toléré son comportement. Il a suggéré que je pourrais tirer une conclusion défavorable du fait que l’employeur n’avait pas appelé la Dre Klein comme témoin. J’ai examiné la question générale des inférences défavorables plus tôt dans la présente décision. Dans le présent cas, le fonctionnaire a allégué que la Dre Klein tolérait son comportement. Or, comme il lui incombait de démontrer cette tolérance, il était également tenu de présenter des éléments de preuve suffisamment clairs et convaincants à l’appui de son affirmation. Rien ne l’empêchait d’appeler la Dre Klein à témoigner devant la Commission.

[345] Je conclus donc que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire n’a pas établi la tolérance.

b. Rendement au travail et années de service

[346] Le fonctionnaire a travaillé pour Santé Canada pendant environ 20 ans. L’employeur n’a pas contesté qu’il avait reçu de bonnes évaluations du rendement. Hormis les allégations liées à sa suspension et à son licenciement par la suite, il n’a soulevé aucune préoccupation quant à son rendement au travail. Le Dr Cushman a fait l’éloge du travail et de la productivité du fonctionnaire.

[347] Le fonctionnaire a été récompensé pour son travail à Santé Canada, et il est clair que, lorsqu’il faisait son travail à Santé Canada, son rendement était exemplaire. L’employeur a convenu qu’il était généralement avantageux d’avoir un médecin en exercice comme employé de Santé Canada.

[348] Je conviens que les années de service du fonctionnaire et son rendement au travail en général sont des facteurs atténuants dont il faut tenir compte pour déterminer si le licenciement était une mesure excessive.

c. Aucun antécédent disciplinaire

[349] L’employeur a déclaré dans la lettre de licenciement qu’il avait tenu compte du fait que le dossier disciplinaire du fonctionnaire était sans tache. Bien qu’il n’avait pas de mesure disciplinaire officielle à son dossier, le fonctionnaire avait reçu un avertissement de la Dre Klein concernant le fait qu’il n’avait pas obtenu d’autorisation de voyage pour lui-même et ses subordonnés en 2014. J’ai examiné à la fois l’absence de mesures disciplinaires officielles et l’avertissement de la Dre Klein plus loin dans la décision, lorsqu’il est question du lien de confiance et du potentiel de réadaptation.

d. La conduite de Mme Parker

[350] Le fonctionnaire a également fait valoir que la conduite de Mme Parker, qui lui a demandé des renseignements sur un essai clinique au nom d’une amie, était un facteur à prendre en compte dans la mesure disciplinaire prise à son endroit. Le fonctionnaire était d’avis que les actions de Mme Parker étaient contraires à la restriction visant le traitement préférentiel énoncée dans le Code.

[351] Je n’ai pas à déterminer si Mme Parker a enfreint le Code et je ne rendrai aucune décision à cet égard. Ce n’est pas mon rôle au moment de trancher les griefs dont je suis saisi, car ma tâche à ce stade consiste à déterminer si, l’employeur ayant prouvé qu’il avait un motif valable de prendre des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire, le licenciement de ce dernier était une mesure excessive. Quoi qu’il en soit, je ne disposerais pas d’éléments de preuve suffisants pour me prononcer sur la conduite de Mme Parker. Je souligne que le fonctionnaire n’a pas produit d’éléments de preuve devant la Commission pour démontrer qu’il avait soulevé des préoccupations au sujet des recherches de Mme Parker ou du fait qu’elle avait accédé à DocuBridge au moment de ses demandes. M. Sabourin a témoigné qu’il était approprié qu’une personne soulève des préoccupations portées à son attention, comme l’avait fait Mme Parker. En outre, le fonctionnaire a vérifié auprès d’une personne qui a mentionné être ouverte à ce que le médecin qui se préoccupait du statut de la demande prenne directement contact avec elle.

[352] Le fonctionnaire semble croire, à tort, que sa propre inconduite sera atténuée d’une certaine manière s’il dénonce les éventuelles fautes d’autres personnes. Cette approche peut parfois être efficace, si l’inconduite potentielle des autres est identique ou similaire à celle examinée lors de l’arbitrage et que l’employeur a traité différemment chaque employé. Toutefois, dans le présent cas, l’employeur n’a pas licencié le fonctionnaire en raison du traitement préférentiel d’autres personnes. Je conclus que la conduite de Mme Parker n’est pas pertinente à titre de facteur atténuant dans le présent cas.

e. Délai écoulé avant la prise de la mesure disciplinaire

[353] Le fonctionnaire a également fait valoir que le délai écoulé avant la prise de la mesure disciplinaire constituait un facteur atténuant.

[354] Aux paragraphes 167 et 168 de Stokaluk, qui concernait le retard pris dans l’enquête sur une inconduite présumée pendant qu’une enquête criminelle était en cours, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

167 Dans certaines circonstances, le retard lié à l’imposition d’une mesure disciplinaire peut avoir une incidence sur le droit de l’employeur d’imposer la mesure disciplinaire. Dans British Columbia v. British Columbia Government and Service Employees' Union (Lawrie Grievance) (1995), 1995 CanLII 18367 (BC LA), 47 L.A.C. (4e) 238, le fonctionnaire a été congédié plus d’un an après l’incident allégué […] La décision de congédier le fonctionnaire a été rendue environ quatre mois après que l’employeur a commencé sa propre enquête. Le fonctionnaire a fait valoir que le congédiement devrait être annulé en raison du délai déraisonnable.

168 L’arbitre de grief dans cette affaire a soutenu que l’obligation de l’employeur d’imposer une mesure disciplinaire à l’intérieur d’un délai raisonnable était une obligation procédurale, plutôt qu’une obligation réelle, et qu’elle était fondée sur les répercussions que le retard de la mesure disciplinaire pourrait avoir sur le fonctionnaire. Les répercussions pourraient inclure [traduction] « une conclusion que l’inconduite potentielle a été tolérée et/ou un préjudice en réponse à la mesure disciplinaire une fois qu’elle a été finalement imposée ». Il est arrivé à la conclusion que, dans cette affaire, une partie du retard n’était pas justifié par l’employeur, mais qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle le retard avait causé un préjudice quelconque au fonctionnaire, et que le fonctionnaire ne pouvait pas, compte tenu de son rôle en tant qu’agent de la paix, avoir l’impression que sa conduite était tolérée ou acceptée par l’employeur […]

 

[355] Le fonctionnaire a été informé pour la première fois de l’enquête le 26 avril 2016. Il a continué à travailler après avoir reçu cet avis et a reçu la première version du rapport d’enquête préliminaire le 27 juillet 2016, avant sa suspension le 29 août 2016. La plupart des allégations d’inconduite ont été relevées dans le rapport d’enquête préliminaire. Bien que l’enquête ait duré un peu plus d’un an (le rapport d’enquête final est daté du 8 mai 2017), je suis d’avis que le délai n’était pas démesuré. Le fonctionnaire a eu le temps de répondre aux deux ébauches du rapport d’enquête préliminaire et l’employeur a donné suite aux ébauches en faisant connaître les témoins supplémentaires qu’il souhaitait faire interroger.

[356] Le temps écoulé entre le début de l’enquête et la mesure disciplinaire imposée ne peut pas non plus être considéré comme une forme de tolérance de la part de l’employeur, étant donné que le fonctionnaire a été informé au début de l’enquête de l’inconduite visée par l’enquête et qu’il a été informé d’autres allégations d’inconduite lorsqu’il a été suspendu.

[357] Le délai écoulé entre la réception du rapport d’enquête final (8 mai 2017) et la première audience disciplinaire prévue (1er juin 2017) n’est pas non plus excessif. Je souligne que l’employeur a déplacé l’audience disciplinaire au 6 juillet 2017, à la demande du fonctionnaire.

[358] Par conséquent, je conclus que la durée de l’enquête et le délai écoulé entre la conclusion de celle-ci et la prise de la mesure disciplinaire ne constituent pas un facteur atténuant.

f. Manque de formation ou d’orientation sur les exigences en matière de conflits d’intérêts

[359] Le fonctionnaire a allégué qu’il n’a reçu aucune formation ou orientation sur les questions de conflit d’intérêts dans le cadre de son travail de médecin. La lettre de déclaration de conflit d’intérêts qu’il a reçue énonce clairement ses obligations en matière de conflits d’intérêts, en vertu du Code. Il a répondu aux questions du bureau des conflits d’intérêts sur ses activités extérieures. S’il ne savait pas trop quelles étaient ses obligations, telles qu’elles étaient énoncées dans la lettre, il avait la possibilité d’en faire mention. J’ai déjà déterminé qu’il connaissait, ou aurait dû connaître, ces obligations peu après avoir reçu la lettre de déclaration de conflit d’intérêts et qu’il n’a pas contesté ces obligations. L’employeur n’était pas tenu de fournir des ressources supplémentaires, comme une formation, pour expliquer ce qui était clairement énoncé dans la lettre.

g. La conciliation du devoir de diligence du médecin praticien et des obligations de l’employé en matière de conflit d’intérêts

[360] Le fonctionnaire a fait valoir qu’en tant que médecin praticien, il a un devoir légal de diligence envers ses patients. Il considérait donc que l’incapacité de l’employeur à concilier ses obligations professionnelles en tant que médecin, y compris son obligation légale de fournir des soins, avec ses obligations en matière de conflit d’intérêts en tant qu’employé constitue un facteur atténuant dans le présent cas. Le fonctionnaire a fait remarquer qu’aucune des politiques applicables ne traite des conflits qui peuvent survenir lorsqu’un médecin travaille à la fois pour l’employeur et en tant que médecin praticien. Il a également fait valoir que le fait que M. Sabourin et Mme Parker ne sont pas des médecins est un élément important à prendre en considération, [traduction] « puisqu’ils n’ont pas fait preuve de souplesse de manière à tenir compte des obligations légales et professionnelles du fonctionnaire lorsqu’ils ont pris la mesure disciplinaire ».

[361] Les exigences que le bureau des conflits d’intérêts a énoncées dans la lettre, qui énumérait les conditions qui s’appliquaient au travail extérieur du fonctionnaire en tant que médecin, étaient claires. Le fonctionnaire n’a soulevé aucune préoccupation quant à la conciliation entre ses obligations légales et professionnelles en tant que médecin praticien et ses fonctions en tant qu’employé de Santé Canada. Si le fonctionnaire avait de telles préoccupations, il aurait dû demander des éclaircissements au bureau des conflits d’intérêts.

[362] En outre, l’employeur n’a aucune obligation liée au devoir de diligence du fonctionnaire envers ses patients. Cette obligation incombe au fonctionnaire uniquement, car les tâches en question n’étaient pas liées au travail qu’il faisait pour l’employeur.

2. Facteurs aggravants

[363] L’employeur a fait valoir que l’absence de remords du fonctionnaire ou le fait qu’il ne reconnaissait pas ses fautes constituait un facteur aggravant. Le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’était pas tenu de s’excuser ou de montrer des remords pour des actions qui n’étaient pas fondées ou qui étaient tolérées par la direction.

[364] J’accepte le fait que le fonctionnaire ne croit pas qu’il ait été coupable d’une quelconque inconduite. Les éléments de preuve, cependant, montrent que la plupart des fautes alléguées ont été prouvées et n’étaient pas tolérées. Si le fonctionnaire avait exprimé des remords ou présenté des excuses pour sa conduite, j’y aurais vu un facteur atténuant. Le fait de ne pas montrer de remords ou de ne pas reconnaître ses torts ne constitue cependant pas un facteur aggravant. Un fonctionnaire ne peut être contraint d’exprimer des remords ou de reconnaître un acte répréhensible. Le fait de ne pas reconnaître son comportement comme une inconduite peut toutefois servir à l’évaluation du potentiel de réadaptation. Le potentiel de réadaptation du fonctionnaire est abordé dans la partie de la présente décision qui est consacrée au lien de confiance.

[365] Je suis d’accord pour dire que le fait que le fonctionnaire occupait un poste de gestionnaire est un facteur aggravant. En tant que gestionnaire, le fonctionnaire était chargé d’approuver les demandes de congé et de voyage de ses subordonnés. L’administrateur général compte sur les gestionnaires pour qu’ils s’acquittent de leurs fonctions de gestion de façon appropriée, et cette confiance est menacée si un gestionnaire commet une inconduite concernant les autorisations de congé et de voyage. Le fait que le fonctionnaire n’a pas respecté les règles alors qu’il était également chargé de les faire appliquer constitue un facteur aggravant.

[366] L’employeur a également fait valoir que l’attitude du fonctionnaire envers la direction, en particulier envers Mme Parker, était inappropriée et relevait de l’insubordination. Il a fait valoir que cela constituait un facteur aggravant.

[367] Je conclus que l’antagonisme du fonctionnaire à l’égard de la direction ne constitue pas un facteur aggravant dans les circonstances de ces griefs. Il n’a pas été congédié pour comportement inapproprié ou pour insubordination. Ce comportement n’a pas été mentionné dans la lettre de licenciement pour appuyer la décision de l’employeur. Au stade de l’arbitrage, il n’est pas approprié de considérer les nouveaux motifs de prise de mesures disciplinaires comme un facteur aggravant.

[368] Les éléments de preuve liés au refus d’être supervisé et à l’antagonisme envers les gestionnaires sont souvent pris en compte lors de la détermination de la réparation d’un grief accueilli. Ils sont particulièrement pertinents pour déterminer s’il y a lieu de réintégrer le fonctionnaire dans ses fonctions. Toutefois, ils ne sont pas pertinents à ce stade de l’analyse.

3. Le lien de confiance

[369] L’employeur a fait valoir que le lien de confiance est rompu et que la confiance à l’égard de la fonction publique serait érodée si le comportement du fonctionnaire n’était pas considéré comme suffisamment grave pour justifier un licenciement. L’employeur a également fait valoir que le fait que le fonctionnaire n’a pas accepté la responsabilité de sa conduite démontre un manque de potentiel de réadaptation. Le fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’avait pas démontré que le lien de confiance est rompu.

[370] Comme il est indiqué dans Woodcock c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 73, au par. 63 :

[63] […] Des mesures disciplinaires progressives doivent certainement être prises lorsqu’une inconduite est préoccupants [sic] sans être suffisamment grave au point de rompre le lien de confiance entre un employeur et un employé. Il peut toutefois être justifié de procéder au licenciement lorsque l’inconduite est suffisamment grave, et ce, même s’il s’agit du premier incident d’inconduite consigné.

 

[371] Comme dans Woodcock, la nature répétitive de l’inconduite du fonctionnaire est très inquiétante. De plus, le fonctionnaire a continué à avoir une mauvaise conduite après que Mme Parker l’a informé des préoccupations à son sujet, les 30 mars et 1er avril 2016. En outre, s’il n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire officielle après avoir omis de demander une autorisation de voyage en 2014, il a alors reçu un sévère avertissement de la part de la Dre Klein, après quoi il a continué d’omettre de demander les autorisations de voyage appropriées.

[372] Dans Brazeau, l’arbitre de grief a fait référence à Brown et Beatty sur le potentiel de réadaptation, comme suit : « La question capitale que doivent se poser les arbitres […] est celle de la capacité du fonctionnaire s’estimant lésé de se conformer à des normes de comportement acceptables à l’avenir. » Pour pouvoir répondre à cette question, il faut évaluer la capacité et la volonté du fonctionnaire de s’amender et de se réadapter, de rétablir de manière viable la confiance que l’employeur est en droit d’avoir en lui. Lorsqu’on évalue si une relation de travail viable peut être rétablie, il faut accorder un grand poids à la reconnaissance par le fonctionnaire des aspects répréhensibles de son comportement. L’hypothèse sous-jacente est que les employés qui reconnaissent l’irrégularité de leur comportement sont plus susceptibles de répondre aux attentes légitimes de leur employeur à l’avenir et, par conséquent, plus susceptibles de réussir à rester au service de cet employeur. En d’autres termes, le fait que le fonctionnaire reconnaisse l’irrégularité de ses actions peut justifier qu’on lui donne une autre chance.

[373] Dans Brazeau, l’arbitre de grief a conclu que l’aveu de responsabilité du fonctionnaire s’estimant lésé était intervenu trop tard dans le processus pour être considéré comme un facteur atténuant. Dans Oliver c. Agence des douanes et du revenu, 2003 CRTFP 43, au par. 103, un autre arbitre de grief a fait remarquer ce qui suit :

[103] La reconnaissance de la culpabilité ou d’une certaine responsabilité pour ses actions est un facteur essentiel dans l’évaluation du caractère approprié de la mesure disciplinaire. Il en est ainsi puisque la possibilité de réhabilitation du fonctionnaire s’estimant lésé est fondée sur la confiance, et la confiance est fondée sur la vérité. Si un fonctionnaire s’estimant lésé a trompé son employeur, a omis de coopérer à une enquête légitime d’allégations de conflit d’intérêts et refuse d’admettre toute responsabilité en dépit des preuves qui montrent une faute, alors le rétablissement de la confiance nécessaire à une relation d’emploi est impossible.

[…]

 

[374] Dans le présent cas, le fonctionnaire n’a pas reconnu son inconduite. Dans les circonstances devant moi, et en l’absence de toute reconnaissance de sa part que ses actions étaient inappropriées, je conclus que le lien de confiance entre l’employeur et l’employé est irrémédiablement rompu. En d’autres termes, je conclus que, le fonctionnaire n’ayant pas démontré sa capacité et sa volonté de s’amender et de se réadapter, il est plus probable qu’improbable que la confiance que l’employeur est en droit d’avoir en lui ne puisse pas être rétablie de manière viable.

4. Conclusion sur la proportionnalité des mesures disciplinaires

[375] J’ai déterminé que le fonctionnaire a commis les fautes suivantes : utilisation des ressources de l’employeur pour un emploi extérieur; exercice de son emploi extérieur pendant ses heures de travail pour l’employeur; prise de congés et voyages non autorisés; utilisation de son compte de courriel personnel pour transmettre des renseignements confidentiels, contrairement à la politique de l’employeur.

[376] Il s’agit d’un cas sérieux d’inconduite. Le licenciement est une option valable compte tenu de la gravité de l’inconduite. Les facteurs atténuants ne sont pas suffisants pour faire du licenciement une mesure disciplinaire excessive dans les circonstances du présent cas. Les facteurs aggravants, ainsi que l’absence de potentiel de réadaptation, renforcent la conclusion selon laquelle le licenciement n’était pas une mesure excessive.

[377] En conséquence, le grief de licenciement est rejeté.

C. La suspension

[378] L’employeur a présenté trois positions différentes sur le grief de suspension : le grief est sans objet parce que la date du licenciement a été ramenée à la date de début de la suspension; la suspension était administrative et la Commission n’a pas compétence à cet égard; si la suspension n’était pas administrative, l’inconduite du fonctionnaire justifiait une suspension disciplinaire.

[379] Je souligne qu’il n’est pas loisible à l’employeur de changer les motifs de la prétendue suspension administrative en motifs disciplinaires, comme il l’a suggéré dans son argument subsidiaire : voir Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113, au paragr. 38.

[380] Le fonctionnaire a fait valoir que la suspension était de nature disciplinaire et que l’employeur ne pouvait pas ramener la date du licenciement à celle de la suspension, parce que l’employeur ne connaissait pas la plupart des faits à l’appui du licenciement au moment de la suspension.

[381] Les parties m’ont renvoyé à McManus. Je suis d’accord avec la caractérisation de la conclusion de cette décision telle qu’elle est énoncée par la Cour d’appel fédérale dans Bétournay (au paragr. 56) : « […] l’employeur ne peut faire rétroagir un licenciement à une date antérieure à celle où il possède des raisons valables pour imposer cette mesure disciplinaire. En d’autres termes, chaque mesure disciplinaire doit pouvoir se justifier au moment où elle est imposée. »

[382] L’arrêt Bétournay est l’examen le plus récent par la Cour de la rétroaction d’un licenciement à la date de début de la suspension. Dans cette affaire, l’inconduite sur laquelle s’était appuyé l’employeur pour suspendre Mme Bétournay était la même que celle qui a finalement mené à son licenciement. La Cour a conclu que les conclusions de l’enquête sur lesquelles l’employeur de Mme Bétournay s’était appuyé pour la suspendre ne différaient pas des conclusions du rapport final émis plusieurs mois plus tard. La Cour a déclaré, au par. 50 : « Tout d’abord, il est indéniable que la jurisprudence arbitrale dominante est à l’effet qu’un employeur peut utiliser la date du début de la suspension comme date d’effet du licenciement. » Elle a ensuite conclu ce qui suit (aux paragraphes 65 à 67) :

[…] Les motifs pour lesquels l’employeur a décidé de licencier la défenderesse existaient et étaient identifiables dès le 10 juillet 2015, dans la mesure où l’enquête était complétée. En effet, selon les déterminations non contestées de la Commission, les entrevues étaient terminées à cette date […] et la défenderesse avait admis, dès le 8 juillet 2015, avoir accédé au réseau de l’Agence à des fins personnelles […]

Nous ne sommes pas ici en présence d’une situation où l’enquête n’était pas terminée, ou encore d’un cas où l’employeur s’est appuyé sur des motifs autres que ceux dont il avait connaissance au moment où le licenciement a été imposé.

Il se peut, comme le soutient la défenderesse, que si l’Agence ne l’a pas avisée de son congédiement avant le 27 octobre 2015, c’est parce que cette dernière n’avait pas encore décidé de la sanction finale à être imposée, et ce même si elle avait recueilli dès le 10 juillet 2015 tous les faits sur lesquels elle allait éventuellement fonder sa décision. On ne saurait cependant en déduire que le licenciement ne pouvait être motivé qu’à compter du 27 octobre 2015. Ce qui importe, c’est que les faits supportent la décision prise au moment où elle prend effet. Accepter la thèse de la défenderesse aurait l’effet pervers d’inciter l’employeur à prendre une décision le plus rapidement possible et dès que les faits sont connus, plutôt que de bien soupeser toutes les considérations pertinentes avant d’arrêter son choix de la sanction la plus appropriée.

 

[383] Dans Campeau c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 123, la Commission a discuté de l’application du raisonnement de Bétournay à l’effet rétroactif du licenciement. Les parties ne m’ont pas renvoyé à cette décision, bien qu’elle ait été rendue avant que les parties déposent leurs observations.

[384] Dans Campeau, la Commission a conclu que, bien que la suspension était prétendument administrative, les faits sur lesquels elle était fondée étaient les mêmes que ceux invoqués pour le licenciement subséquent. Par conséquent, la Commission a déterminé que la suspension et le licenciement subséquent faisaient partie du même processus disciplinaire et qu’elle ne devait en faire qu’une seule évaluation « qui s’appliquera à la suspension préliminaire qui s’est transformée en licenciement […] » (au par. 158).

[385] Dans le présent cas, la situation est légèrement différente. Au moment de la suspension du fonctionnaire, l’enquête était toujours en cours, et l’enquêteuse n’avait pas encore interrogé les témoins (la majeure partie des personnes interrogées l’ont été en septembre 2016).

[386] Dans Bétournay, la Cour d’appel a déclaré ne pas être saisie d’une situation où l’enquête n’était pas terminée NI d’une situation où l’employeur se fondait sur des faits autres que ceux dont il avait connaissance au moment où la suspension avait été imposée (ou à la date à laquelle la date du licenciement avait été ramenée). Je comprends de cette conclusion que le fait qu’une enquête n’est pas terminée n’est pas déterminant : il faut également évaluer la connaissance qu’avait l’employeur des faits sur lesquels il s’est appuyé au moment où la suspension a été imposée (ou à la date à laquelle le licenciement a été ramenée), en l’occurrence le 29 août 2016.

[387] L’ébauche du rapport d’enquête préliminaire datée du 22 juillet 2016 est donc d’une importance capitale, car elle établit ce dont l’employeur avait connaissance au moment de la suspension. L’employeur avait connaissance des actions suivantes du fonctionnaire au cours du mois précédant la suspension :

· L’utilisation de son compte de courriel de Santé Canada comme point de contact pour ses fonctions à l’hôpital;

· Le fait d’être de garde à l’hôpital pendant certaines de ses heures de travail à Santé Canada;

· Rencontre avec des patients de l’hôpital pendant les heures de travail à Santé Canada;

· Utilisation de son téléphone cellulaire de Santé Canada pour ses fonctions à l’hôpital;

· Absences sans autorisation pendant 24 jours, entre août 2014 et février 2016.

 

[388] En plus de ces actions, la lettre de suspension fait également référence à ce qui suit :

· Un manquement à un essai clinique;

· Au moment du manquement, il était absent alors qu’aucun congé n’avait été approuvé;

· Un courriel envoyé à son compte de courriel personnel contenait des renseignements classifiés;

· Des ordonnances adressées au fonctionnaire avaient été trouvées sur le télécopieur de Santé Canada.

 

[389] J’ai déjà déterminé que le manquement à l’essai clinique n’est pas un motif de prise de mesure disciplinaire valable, car l’employeur n’a pas invoqué cette action dans sa lettre de licenciement.

[390] La deuxième ébauche du rapport d’enquête préliminaire (achevée le 7 décembre 2016) fournissait plus de détails sur les allégations initiales, et portait notamment à 28 le nombre de jours d’absence sans autorisation. Elle contenait de nouveaux exemples, dont le fait que le fonctionnaire n’avait pas obtenu une autorisation de voyage appropriée et qu’il avait joué au golf les mercredis après-midi. J’ai déjà conclu que l’employeur n’a pas inclus le golf comme motif de prise de mesure disciplinaire dans la lettre de licenciement.

[391] En conclusion, au moment de la suspension, l’employeur était au courant de presque tous les faits sur lesquels il s’est appuyé au moment du licenciement. Les seuls faits supplémentaires qu’il n’a pas relevés au moment de la suspension sont les abus liés aux autorisations de voyage. L’employeur ne connaissait pas non plus tous les détails de l’inconduite, y compris son ampleur. Par exemple, la lettre de suspension fait référence à un cas où des renseignements confidentiels de Santé Canada ont été envoyés au compte de courriel personnel du fonctionnaire. Le rapport d’enquête final a révélé que douze courriels contenaient des renseignements confidentiels.

[392] L’employeur n’avait pas une vue d’ensemble de l’inconduite du fonctionnaire au moment de la suspension, mais (à l’exception du défaut d’obtenir des autorisations de voyage, que j’examinerai au paragraphe suivant) il avait une vue d’ensemble de son inconduite et une connaissance des faits liés à chacun des motifs d’inconduite qu’il a invoqués. Comme il est indiqué dans Bétournay, la thèse du fonctionnaire concernant la suspension aurait l’effet pervers d’encourager l’employeur à prendre une décision aussi rapidement que possible, plutôt que de « bien soupeser toutes les considérations pertinentes avant d’arrêter son choix de la sanction la plus appropriée » (par. 67).

[393] Parmi les motifs énoncés invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, le seul dont l’employeur n’était pas au courant au moment de la suspension est l’omission de demander des autorisations de voyage. L’employeur avait des motifs suffisants pour mettre fin à l’emploi du fonctionnaire sans ce motif d’inconduite. En d’autres termes, même sans tenir compte du fait que le fonctionnaire n’avait pas obtenu d’autorisation de voyage, la conduite reprochée était suffisamment grave pour justifier un licenciement à compter de la date de suspension.

[394] Par conséquent, je conclus que l’employeur a eu raison de ramener la date du licenciement à la date de début de la suspension sans solde. Par conséquent, le grief visant la suspension sans solde est rejeté.

D. Le grief visant l’enquête

[395] Le fonctionnaire a déposé un grief en mai 2017 contre l’enquête en cours. Il y déclarait qu’il déplorait [traduction] « les délais déraisonnables ainsi que le caractère injuste et arbitraire de cette enquête ». Il a allégué que cela constituait un abus de pouvoir, un déni d’équité procédurale et une mesure disciplinaire déguisée.

[396] L’employeur a soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour examiner un grief visant l’enquête elle-même. Le fonctionnaire n’a présenté aucune observation sur la compétence de la Commission pour entendre un grief contestant l’enquête.

[397] Je conclus que la Commission n’a pas compétence sur le grief visant l’enquête en particulier. L’article 209 de la LRTSPF dispose qu’un grief peut être renvoyé à l’arbitrage s’il porte sur l’application d’une disposition d’une convention collective ou sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Bien que le grief fasse référence à des articles de la convention collective applicable, le fonctionnaire n’a fait aucune observation sur la façon dont la convention collective a été appliquée. Lorsque le grief a été initialement présenté à l’employeur (le 9 mai 2017), le fonctionnaire était encore au travail. Par conséquent, il n’y avait pas de sanction disciplinaire de nature pécuniaire liée à l’enquête elle-même. J’ai déjà examiné la suspension sans solde pendant que l’enquête était en cours et du temps qu’il a fallu à l’employeur pour terminer son enquête.

[398] Comme nous l’avons mentionné précédemment, une audience devant la Commission est une audience de novo, ou une nouvelle audience. Toute irrégularité de procédure dans l’enquête a été corrigée par l’audience d’arbitrage devant la Commission; voir Tipple (1985) et Patanguli.

E. Allégations de mauvaise foi

[399] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il devrait recevoir des dommages pour la mauvaise foi de l’employeur dans le cadre de l’enquête et de la mesure disciplinaire imposée. À la lumière de mes conclusions selon lesquelles l’employeur a établi que la mesure disciplinaire était bien fondée et que le licenciement n’était pas une mesure excessive dans les circonstances, et ayant conclu que les trois griefs sont rejetés, je n’ai pas à me pencher sur ces arguments. Il est difficile de concevoir comment des actions qui répondent aux exigences légales applicables peuvent violer un devoir de loyauté et de bonne foi dans la manière de mettre fin à un emploi. Néanmoins, les dommages demandés par le fonctionnaire sont de nature compensatoire, et le fonctionnaire n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer le préjudice qui a découlé de la mauvaise foi qu’il invoque.

[400] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[401] Les griefs sont rejetés.

[402] La demande du fonctionnaire de biffer cinq paragraphes de la réfutation de l’employeur est rejetée.

[403] Le nom du tiers dans les pièces E-56 et E-57 est censuré.

Le 24 août 2022.

 

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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