Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La présente décision concerne le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé par l’Agence du revenu du Canada en raison d’un rendement insatisfaisant, après cinq années de plans d’amélioration du rendement infructueux – le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il aurait dû être rétrogradé au lieu d’être licencié, ce à quoi l’employeur s’est opposé au motif que cela ne ferait que transférer son incapacité à répondre aux attentes, même en traitant des dossiers peu complexes, à d’autres postes – la question dont était saisie la Commission était de déterminer, selon les éléments de preuve présentés par les parties, s’il était raisonnable que l’employeur estime que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé était insatisfaisant – la Commission a conclu que l’employeur avait fixé des objectifs raisonnables qui ont été communiqués clairement dans le cadre de réunions et de plans d’amélioration – la Commission a également conclu que des indicateurs de rendement raisonnables avaient été établis et communiqués au fonctionnaire s’estimant lésé – la Commission a également conclu que l’employeur avait accordé au fonctionnaire s’estimant lésé une période suffisante pour qu’il puisse atteindre les indicateurs de rendement, étant donné que le processus a duré cinq ans – finalement, la Commission a conclu que l’employeur avait offert au fonctionnaire s’estimant lésé tout le soutien nécessaire pour atteindre les indicateurs de rendement au moyen de formations et d’une supervision menée par des employés de confiance très appréciés – par conséquent, la Commission a conclu qu’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé était insatisfaisant.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20220713

Dossier: 566‑34‑13606

 

Référence: 2022 CRTESPF 59

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

PURANDHAR SETLUR

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

employeur

Répertorié

Setlur c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : James R. Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Kourosh Farrokhzad, analyste aux griefs et à l’arbitrage

Pour l’employeur : Adam Feldman, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)

par vidéoconférence, du 16 au 20 août 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Aperçu et résumé

[1] Purandhar Setlur, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a travaillé à l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou « ARC ») pendant 28 ans et demi avant d’être congédié pour rendement insuffisant en septembre 2016.

[2] Pour chacune des cinq années précédant sa cessation d’emploi, il a reçu une évaluation du rendement selon laquelle il ne répondait pas aux attentes et il a fait l’objet de plans d’action et d’amélioration du rendement. Il a suivi une formation et a été jumelé à des mentors expérimentés dans le but d’améliorer son rendement, mais en vain.

[3] Le fonctionnaire se sentait harcelé et victime de microgestion. Il avait l’impression que ses lacunes recevaient une attention démesurée et que ses réussites étaient passées sous silence.

[4] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[5] Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)d) de la Loi et a été entendu par vidéoconférence sur la plate-forme Zoom du 16 au 20 août 2021 inclusivement.

[6] Le fonctionnaire était représenté par un agent aux griefs et à l’arbitrage de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Au cours de l’audience, le fonctionnaire a fait de nombreux commentaires sur la discrimination fondée sur la race et l’âge, mais il a aussi précisé, à plusieurs reprises, qu’il n’y avait aucune allégation de discrimination dans son grief. Je note également que le fonctionnaire n’a pas avisé la Commission canadienne des droits de la personne de la question de la discrimination. Par conséquent, je ne ferai pas référence à ces observations dans la décision et je ne formulerai pas non plus de commentaires à ce sujet.

[7] Pour les motifs qui suivent, le grief est rejeté. Il était raisonnable pour l’employeur de juger le rendement du fonctionnaire insuffisant.

II. Résumé de la preuve

[8] Le fonctionnaire faisait partie de ce que l’on appelle l’équipe de l’intégrité des remboursements de l’ARC, qui s’occupe des contribuables qui se sont inscrits pour obtenir un numéro de taxe sur les produits et services (TPS). Pour cette raison, ces contribuables ont été désignés, tout au long de l’audience, comme des « inscrits ».

[9] Lorsqu’ils produisent une déclaration de TPS, les inscrits s’attendent à recevoir un remboursement. Souvent, ils comptent sur le remboursement de la TPS pour couvrir leurs dépenses et pour payer les salaires, alors ils espèrent que leur déclaration sera traitée rapidement.

[10] Les examinateurs n’ont donc pas à consacrer beaucoup de temps à les retracer, étant donné que les inscrits sont impatients de recevoir leurs remboursements et qu’ils communiquent fréquemment avec l’ARC de leur propre gré pour vérifier l’état d’avancement de leurs dossiers.

[11] L’équipe de l’intégrité des remboursements, dont le fonctionnaire faisait partie, comptait habituellement de six à neuf examinateurs. Le travail consistait à vérifier et à traiter les dossiers des inscrits. L’examinateur envoyait une lettre de contact initial à l’inscrit pour lui demander de fournir des documents. À la réception des documents, l’examinateur les examinait et les versait au dossier. La vérification consistait principalement à examiner les renseignements, afin de confirmer qu’ils correspondaient à ce que l’inscrit devait indiquer dans sa déclaration de revenus.

[12] Selon les témoins de l’employeur, ces dossiers ne sont pas complexes.

[13] Les témoins ont fait maintes fois référence à INTEGRAS, un logiciel qui extrait d’une base de données des documents de travail, tels que des lettres, des feuilles de calcul, des notes de journal, des examens, et d’autres documents, afin de permettre l’exécution ou la révision du travail.

[14] Le rendement du fonctionnaire a été jugé satisfaisant pour les exercices 2007-2008, 2008-2009 et 2009-2010, alors qu’il était supervisé par Hans Hubert, lequel a pris sa retraite en 2010 et n’a pas témoigné à l’audience.

[15] En 2010-2011, Richard Friel a pris la relève en tant que superviseur et il a alors documenté le fait que, à certains égards, le fonctionnaire ne répondait pas aux attentes. M. Friel n’a pas témoigné à l’audience.

A. Rendement du 1er septembre 2010 au 31 août 2011

[16] Dans ce rapport de rendement, M. Friel a indiqué que, dans l’ensemble, les [traduction] « résultats de rendement ne répond[aient] pas aux attentes » et qu’un plan d’action avait été élaboré dans le but de pallier ses lacunes. Sous la rubrique [traduction] « Effectuer le nombre de vérifications prévues au budget », on retrouve notamment le commentaire suivant : [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif. Purandhar a réglé 16 […] dossiers avec beaucoup d’aide de son chef d’équipe […] On s’attend à ce que les vérificateurs au bureau de niveau SP-5 règlent au moins 47 dossiers […] ».

[17] Dans cette même évaluation, sous la rubrique [traduction] « Gérer la charge de travail », on retrouve notamment le commentaire suivant : [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif. En moyenne, Purandhar réglait un dossier en 50,5 heures, ce qui dépasse les 22 heures par dossier prévues au budget […] Purandhar mettait, en moyenne, 207 jours pour traiter un dossier, ce qui excède l’objectif de 180 jours. »

[18] Dans ce même paragraphe, on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

 

Les résultats confirment que les efforts de vérification sont inégaux, qu’ils ne sont pas non ciblés et qu’ils ne sont pas axés sur les secteurs de risque. Les statistiques montrent que Purandhar a des difficultés à gérer et à boucler ses dossiers en temps opportun et, par conséquent, n’a pas respecté le nombre d’heures prévues au budget (22) ni le temps de traitement moyen de 180 jours.

 

[19] Sous la rubrique [traduction] « Excellence dans l’exécution des programmes/qualité de la vérification », M. Friel a écrit : [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif. » On retrouve les commentaires suivants :

[Traduction]

 

[…] est arrivé dans mon équipe le 19 juillet 2010.

[…] a[vait] un inventaire de 25 dossiers de location de catégorie 1.

[…] rangeait ses dossiers de manière désorganisée dans un classeur à 2 tiroirs.

[…] souvent absent de son bureau, en train de socialiser ou distrait par des activités qui n’avaient rien à voir avec le travail […]

[…] consacrait trop de temps à l’exécution des tâches qui lui étaient confiées.

[…] avait du mal à respecter les critères de qualité. Les lettres devaient souvent être retouchées […].

[…] les efforts de vérification […] ne reflétaient pas les heures de travail effectuées.

[…] Au vu de son rendement, il démontre un manque troublant d’intérêt et de sentiment d’urgence. Bien qu’on lui rappelle périodiquement le temps prévu dans le budget, il continue de consacrer un nombre excessif d’heures à ses dossiers, même après la mise en œuvre de son plan d’action.

[…] avait habituellement besoin d’aide pour organiser la vérification et pour en tirer des conclusions.

[…] ne s’exprime pas toujours clairement par écrit, et ne rédige pas toujours dans un langage approprié.

 

[20] Sous la rubrique [traduction] « Participation active et soutien à la création d’un environnement de travail positif et coopératif », M. Friel a écrit : [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif ». On retrouve les commentaires suivants :

[Traduction]

 

[…] ne contribue pas de façon compétente et efficace aux objectifs communs et au rendement de l’équipe.

[…] n’adopte pas une conduite qui favorise un milieu de travail positif pour l’équipe et qui y contribue.

[…] on ne peut pas dire qu’il travaille efficacement.

[…] a entamé un plan d’action […] Il a convenu de prendre des mesures correctives et de modifier la charge de travail, comme indiqué dans le plan d’action, afin de réduire le nombre d’heures consacrées aux dossiers et le délai de traitement, et d’améliorer la qualité […] D’ailleurs, la charge de travail des fonctionnaires de niveau SP-5 a été modifiée afin d’aider Purandhar à atteindre ses objectifs. Il consacre toujours un nombre excessif d’heures à ses dossiers depuis la mise en œuvre du plan d’action.

 

B. Rendement du 1er septembre 2011 au 31 août 2012

[21] M. Friel a également procédé à cette évaluation du rendement. Pour l’objectif 1.1, soit [traduction] « Effectuer le nombre de vérifications prévues au budget », M. Friel a écrit : [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif. » Il a ajouté le commentaire suivant : [traduction] « Au cours de la période, Purandhar a traité 17 dossiers réguliers soumis dans le cadre du programme 42, avec beaucoup d’aide de son chef d’équipe. On s’attend à ce que les vérificateurs au bureau de niveau SP-5 traitent au moins 47 dossiers selon le nombre d’heures prévues au budget […]. »

[22] Pour l’objectif 1.2, soit [traduction] « Gérer la charge de travail », M. Friel a de nouveau écrit [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif ». Il a ensuite ajouté ce commentaire : [traduction] « Pour chaque dossier, Purandhar a consacré en moyenne 94 heures, ce qui dépasse les 22 heures par dossier prévues au budget et constitue une augmentation marquée par rapport à l’exercice précédent […] Les résultats ne sont pas proportionnels au degré de complexité des dossiers. »

[23] M. Friel a également écrit :

[Traduction]

 

[…] Dans le cadre du plan d’action, Purandhar s’est vu confier des dossiers moins complexes de catégorie 9, lesquels requièrent un examen limité (travailleurs autonomes à commission). Les vérifications se limitaient à 4 ou 5 dépenses à risque élevé de l’exercice en cours. L’objectif visé par cette nouvelle attribution était de réduire la complexité et, par conséquent, le temps consacré aux dossiers et le délai de traitement. De plus, les attentes concernant les documents de travail, les lettres et les rapports ont été acceptées. On lui a fourni tous les modèles nécessaires pour son travail. On s’attendait également à ce que Purandhar soit maître de ses décisions et des conséquences de ses examens, toujours dans le but de limiter les interruptions et les retards et de réduire le temps consacré aux dossiers et le délai de traitement. Malheureusement, le temps alloué aux dossiers et le délai de traitement n’ont pas changé.

 

[24] M. Friel a jugé que le fonctionnaire avait atteint l’objectif [traduction] « Application appropriée des politiques et procédures de vérification, des tests, des techniques d’évaluation et des outils législatifs ».

[25] M. Friel a indiqué que le fonctionnaire avait [traduction] « atteint en grande partie » l’objectif de l’« excellence au travail », mais en ce qui concerne la [traduction] « participation active et le soutien à la création d’un environnement de travail positif et coopératif », il a noté qu’il [traduction] « n’a[vait] pas atteint » l’objectif, et a ajouté le commentaire suivant :

[Traduction]

 

Purandhar ne contribue pas de façon compétente et efficace aux objectifs communs et au rendement de l’équipe. Il n’adopte pas une conduite qui favorise un milieu de travail positif pour l’équipe et qui y contribue. Purandhar se montre coopératif avec son chef d’équipe. Purandhar assiste aux réunions et y participe. On ne peut pas dire qu’il gère efficacement le temps qu’il consacre à ses dossiers et les délais de traitement.

 

[26] À la dernière page de cette évaluation, il est indiqué qu’un plan d’action doit être établi. L’évaluation se termine par ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

[…] La qualité du travail de Purandhar s’améliore. Malheureusement, il consacre toujours trop de temps à ses dossiers et les délais de traitement demeurent excessifs depuis la mise en œuvre du plan d’action. Dans l’ensemble, Purandhar n’a pas répondu aux attentes en matière de rendement en tant qu’agent principal d’examen au bureau.

 

C. Rendement du 1er septembre 2012 au 31 août 2013

[27] Une fois encore, M. Friel a indiqué que, dans l’ensemble, les [traduction] « résultats de rendement ne répond[aient] pas aux attentes ».

[28] Sous la rubrique [traduction] « Effectuer le nombre de vérifications prévues au budget », M. Friel a écrit :

[Traduction]

 

Purandhar n’a pas atteint cet objectif. (Les résultats de rendement ne répondent pas aux attentes)

Au cours de la période, Purandhar a réglé 11 dossiers réguliers soumis dans le cadre du programme 42, avec beaucoup d’aide de son chef d’équipe. On s’attend à ce que les vérificateurs de niveau SP-5 traitent au moins 47 dossiers […]

 

[29] Sous la rubrique de l’objectif 1.2 [traduction] « Gérer la charge de travail », M. Friel a écrit [traduction] « Les résultats de rendement ne répondent pas aux attentes » et a ajouté ce commentaire :

[Traduction]

 

[…]

[…] En moyenne, 87 heures ont été consacrées à chaque dossier, ce qui dépasse les 22 heures par dossier prévues au budget […] Dans tous les cas, les heures prévues au budget ont été dépassées. […]

[…] En moyenne, le délai de traitement était de 454 jours, ce qui est au-delà de l’objectif de 180 jours […] Les résultats confirment que les efforts de vérification sont inégaux, qu’ils ne sont pas ciblés et qu’ils ne sont pas toujours axés sur les éléments de risque. Les statistiques montrent que Purandhar a des difficultés à gérer et à boucler ses dossiers en temps opportun et que, par conséquent, il n’a pas respecté l’objectif des heures prévues au budget (22) ni la durée de traitement moyenne de 180 jours […]

 

[30] Toujours sous cette rubrique, M. Friel a indiqué ce qui suit : [traduction] « Purandhar n’a pas atteint cet objectif. (Les résultats de rendement ne répondent pas aux attentes) ». M. Friel a fait le commentaire suivant : [traduction] « En moyenne, Purandhar a consacré 87 heures à chaque dossier, ce qui dépasse les 22 heures par dossier prévues au budget et constitue une légère diminution par rapport à l’exercice précédent. Dans tous les cas, les heures prévues au budget ont été dépassées […] ». M. Friel a ajouté :

[Traduction]

 

Il n’existait pas de circonstances atténuantes ou de raisons expliquant pourquoi le temps consacré aux dossiers et les délais de traitement étaient beaucoup plus longs. Les résultats confirment que les efforts de vérification sont inégaux, qu’ils ne sont pas ciblés et qu’ils ne sont pas axés sur les éléments de risque. Les statistiques montrent que Purandhar a des difficultés à gérer et à boucler ses dossiers en temps opportun et que, par conséquent, il n’a pas respecté l’objectif des heures prévues au budget (22) ni la durée de traitement moyenne de 180 jours […]

 

[31] M. Friel a indiqué que le fonctionnaire avait atteint l’objectif [traduction] « Application appropriée des politiques et procédures de vérification, des tests, des techniques d’évaluation et des outils législatifs » et qu’il avait en grande partie atteint l’objectif qui consiste à [traduction] « S’assurer que toutes les initiatives, politiques et valeurs de l’Agence sont appuyées […] ».

[32] Sous la rubrique [traduction] « Objectif 3.2 Participation active et soutien à la création d’un environnement de travail positif et coopératif », M. Friel a indiqué que les [traduction] « résultats de rendement ne répondent pas aux attentes ». Il a notamment formulé les commentaires suivants :

[Traduction]

 

[…] ne contribue pas de façon compétente et efficace aux objectifs communs et au rendement de l’équipe.

[…] n’adopte pas une conduite qui favorise un milieu de travail positif pour l’équipe et qui y contribue.

[…] On ne peut pas dire qu’il gère efficacement le temps qu’il consacre à ses dossiers et les délais de traitement.

 

[33] Dans la section du rapport intitulée [traduction] « Sommaire du rendement du gestionnaire superviseur », M. Friel a écrit ce qui suit :

[Traduction]

 

Purandhar faisait l’objet d’un plan d’action pendant la période. Il a convenu de prendre des mesures correctives et de modifier la charge de travail, comme indiqué dans le plan d’action, afin de réduire le nombre d’heures consacrées aux dossiers et le délai de traitement, et d’améliorer la qualité […] D’ailleurs, la charge de travail des fonctionnaires de niveau SP-5 a été modifiée afin d’aider Purandhar à atteindre ses objectifs. Il s’agit d’une charge de travail allégée, dont la portée est réduite et l’approche simplifiée, avec un suivi étroit de la part du chef d’équipe.

Au cours de cette période, Purandhar a davantage pris en charge et a mieux géré ses dossiers, de sorte que son chef d’équipe a dû intervenir moins souvent. La qualité du travail de Purandhar s’améliore. Malheureusement, il consacre toujours trop de temps à ses dossiers et les délais de traitement demeurent excessifs depuis la mise en œuvre du plan d’action. Dans l’ensemble, Purandhar n’a pas répondu aux attentes en matière de rendement en tant qu’agent principal d’examen au bureau.

 

[34] Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait une relation de travail difficile avec M. Friel. Il a notamment fait référence à un incident survenu en mars 2013 après qu’il eut demandé une promotion pour laquelle les [traduction] « candidats d[evaient] avoir le soutien et l’approbation de leur superviseur ». Il a demandé le soutien et l’approbation de M. Friel, mais il ne les a pas obtenus. Dans un courriel daté du 22 mai 2013, il a décrit la réaction de M. Friel à sa demande. Il a raconté que M. Friel était arrivé sans prévenir à son poste de travail et qu’il avait ouvertement remis en question ses capacités. Dans ce courriel, et dans son témoignage, le fonctionnaire a confié qu’il avait l’impression que M. Friel l’avait ridiculisé.

[35] Le fonctionnaire a témoigné qu’à son avis, M. Friel avait fait preuve de partialité et lui avait donné des évaluations défavorables en raison du conflit qui les opposait.

D. Rendement du 1er septembre 2013 au 31 août 2014

[36] Il s’agit du dernier rapport de rendement produit par M. Friel. Les éléments suivants figurent à la page 5 de l’évaluation. À gauche, on peut voir le nom des catégories et à droite, l’évaluation de M. Friel pour chacune d’elles :

[Traduction]

 

Assume ses fonctions et ses responsabilités [] Non démontré

Exécute son travail conformément aux politiques et aux procédures [] Parfois

Exécute son travail dans les délais établis [] Non démontré

Établit les priorités relatives au travail [] Non démontré

S’assure de maintenir les habiletés requises [] Parfois

Contribue à un environnement de travail positif [] Rarement

Travaille bien avec les autres [] Parfois

[…]

 

[37] Dans la section intitulée [traduction] « Sommaire du rendement de base », M. Friel a écrit ce qui suit :

[Traduction]

 

Au cours de la période, Purandhar a réglé 9 dossiers réguliers soumis dans le cadre du programme 42, avec beaucoup d’aide de son chef d’équipe. On s’attend à ce que les vérificateurs au bureau de niveau SP-5 traitent au moins 47 dossiers […] ».

[…]

En moyenne, Purandhar consacrait 145 heures à chaque dossier, ce qui dépasse les 22 heures par dossier prévues au budget et constitue une augmentation marquée par rapport à l’exercice précédent. Dans tous les cas, les heures prévues au budget ont été dépassées […].

En moyenne, le délai de traitement était de 510 jours, ce qui est au-delà de l’objectif de 180 jours […].

Il n’existait pas de circonstances atténuantes ou de raisons expliquant pourquoi le temps consacré aux dossiers et les délais de traitement étaient beaucoup plus longs.

[…]

 

[38] Le 4 avril 2014, un plan d’amélioration du rendement a été mis en œuvre et il y était précisé à quels égards il devait y avoir amélioration.

[39] Pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2014, M. Friel a jugé que le rendement global de base du fonctionnaire était insuffisant et qu’il ne répondait pas aux attentes.

[40] M. Friel a documenté les problèmes d’assiduité du fonctionnaire, soulignant que ceux-ci avaient pu contribuer à son mauvais rendement. M. Friel a demandé au fonctionnaire de signaler l’heure de son arrivée au travail, de ses pauses et de son départ du travail.

[41] Gordon McCutcheon a supervisé le fonctionnaire pendant environ un an, alors que M. Friel approchait de la retraite. M. McCutcheon communiquait fréquemment avec M. Friel pour discuter des lacunes du fonctionnaire en matière de rendement. Dans son témoignage, il a affirmé que M. Friel, qui comptait habituellement entre sept et neuf membres dans son équipe en plus du fonctionnaire, passait les deux tiers de son temps à gérer le rendement insuffisant du fonctionnaire.

[42] Le 9 octobre 2014, M. McCutcheon et M. Friel ont rencontré le fonctionnaire pour discuter de ses problèmes d’assiduité ainsi que du fait qu’il n’avait pas réalisé les progrès prévus dans le plan d’amélioration du rendement qui avait été mis en œuvre six mois plus tôt. Dans un courriel daté du 10 octobre 2014, M. McCutcheon a informé le fonctionnaire qu’il [traduction] « […] n’a[vait] constaté aucune amélioration […] ».

[43] M. McCutcheon a voulu savoir si des raisons médicales pouvaient être à l’origine des problèmes de rendement du fonctionnaire. Le fonctionnaire a répondu qu’il n’y en avait aucune. M. McCutcheon a terminé son courriel avec un résumé de leur discussion et a ajouté la mise en garde suivante :

[Traduction]

 

J’ai souligné la gravité de la situation. J’ai précisé que même avec une charge de travail de niveau inférieur, vous n’atteignez pas vos objectifs de rendement. J’ai mentionné qu’il sera essentiel de démontrer une amélioration au cours des six prochains mois. J’ai indiqué que s’il n’y avait aucune amélioration mesurable, d’autres mesures pourraient être prises, y compris la rétrogradation ou le licenciement.

 

[44] Dans le courriel, M. McCutcheon s’est engagé à organiser une autre formation pour aider le fonctionnaire à répondre aux attentes.

[45] Dans son témoignage, Basil Cole a affirmé avoir offert des activités de formation auxquelles le fonctionnaire a participé. Il a fait référence au dossier de formation du fonctionnaire, lequel confirme que celui-ci a suivi trois séances d’orientation différentes, du 5 au 8 mai 2013, du 19 au 22 mai 2015 et du 5 au 8 janvier 2016. M. Cole a déclaré que, normalement, les employés ne participaient qu’une seule fois à ces séances dont l’objectif est de familiariser les nouveaux employés avec les pratiques et procédures de vérification nécessaires et à leur fournir les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. M. Cole n’a tiré aucune conclusion défavorable du fait que le fonctionnaire a suivi ce cours trois fois, et il a même indiqué qu’il ne fallait pas en tirer. Chaque fois que le fonctionnaire s’est trouvé dans un de ses cours, M. Cole a noté qu’il était intéressé, qu’il participait activement et qu’il était un bon étudiant.

E. Rendement du 1er septembre 2014 au 31 août 2015

[46] Le 22 décembre 2014, Elaine Armstrong-Kyne a pris la relève de M. Friel et a assuré la supervision du fonctionnaire. Elle a déclaré qu’elle était au courant des problèmes de rendement du fonctionnaire. Elle avait l’impression qu’il passait beaucoup de temps loin de son bureau, à socialiser ou à préparer des repas. Elle savait également qu’il avait dit que certains de ses problèmes de rendement pouvaient être attribuables à une blessure au genou. Le 10 mars 2015, elle a rédigé une note à son intention, dans laquelle elle a fait état de ses préoccupations :

[Traduction]

 

[…]

Je comprends que vous éprouvez des douleurs en ce moment, mais vous demeurez responsable de la qualité et de la quantité de votre travail à l’égard de votre employeur.

Je vous ai déjà remis votre évaluation de rendement pour la période en cours et j’ai noté que vous passiez moins de 70 % de votre temps au travail à réellement travailler.

[…]

Je vous écris pour vous avertir que si je constate que vous vous absentez de votre poste de travail de façon répétée et injustifiée, alors que vous devriez être en train de travailler, je prendrai des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’envoi d’une lettre de demande péremptoire pour que vous signaliez toutes vos pauses, dîners et absences du lieu de travail.

Mon objectif est de vous aider à augmenter à la fois la qualité et la quantité de votre travail. Si vous ne vous sentez pas bien et que vous n’êtes pas en mesure de venir au travail, vous devriez demander l’aide d’un médecin et vous prévaloir d’un congé de maladie.

[…]

 

[47] Mme Armstrong-Kyne a témoigné avoir vu le fonctionnaire marcher avec une canne de temps à autre, mais elle n’a pas reçu de billet médical ni de demande de mesures d’adaptation pour sa blessure au genou. Comme elle n’a pas vu d’amélioration dans ses habitudes, elle l’a obligé à signaler ses heures d’arrivée et de départ, ainsi que ses heures de pause tout au long de la journée de travail. Elle a témoigné qu’il avait respecté ses directives, mais qu’elle n’avait pas remarqué d’amélioration dans son rendement durant la courte période où elle l’a supervisé.

[48] Le 12 mars 2015, Mme Armstrong-Kyne a envoyé un courriel au fonctionnaire, dans lequel elle détaillait des erreurs qu’elle avait relevées dans certains dossiers et précisait les changements qu’il devait apporter. Elle a témoigné que les erreurs en question étaient des erreurs typographiques, des erreurs de calcul et des erreurs d’analyse comme elle en voyait souvent dans son travail.

[49] En avril 2015, Mme Armstrong-Kyne a établi un plan d’amélioration. Sous la rubrique [traduction] « Amélioration de rendement nécessaire », elle a écrit :

[Traduction]

 

Planification et réalisation du travail : Concentrez-vous sur le risque. Évaluez continuellement la valeur monétaire de l’article faisant l’objet de l’examen.

Professionnalisme : Éviter les retards dans le traitement des demandes des inscrits et de leurs représentants.

Respect des échéances : Les délais de traitement et le temps consacré aux dossiers sont trop longs.

 

[50] Les mesures correctives nécessaires y étaient énoncées :

[Traduction]

 

Réduire les heures et les jours consacrés à chaque dossier en assurant un suivi en temps opportun.

Réduire les heures consacrées aux dossiers marqués « aucun changement ». Dans le cas où vous devez examiner plusieurs périodes pour le même inscrit, imputez les heures à un seul dossier. Si vous ne constatez aucun changement, les autres dossiers peuvent faire l’objet d’une sélection décroissante.

Appliquer la sélection décroissante aux fichiers dont le niveau de risque est minime.

 

[51] Enfin, certains indicateurs de rendement y étaient décrits :

[Traduction]

 

· Les heures consacrées aux différents dossiers devraient être proportionnelles au travail de vérification effectué dans le dossier (soit de 8 à 10 heures en moyenne, conformément aux attentes du programme).

· Réduction du nombre moyen de jours consacrés aux dossiers et du nombre de dossiers actifs (se rapprocher de 75 jours en fonction de la nature et des circonstances du dossier).

· Réduction du temps consacré aux dossiers dont le niveau de changement est faible ou inexistant.

· Utilisation appropriée de l’outil de sélection décroissante conformément à la politique.

· L’examinateur documentera les raisons des retards (heures et jours) et discutera régulièrement avec la chef d’équipe.

[…]

 

[52] Mme Armstrong-Kyne a effectué l’évaluation annuelle du rendement du fonctionnaire pour la période du 1er septembre 2014 au 27 avril 2015. Elle l’a évalué au « niveau 2 », ce qui signifie qu’il n’avait pas répondu aux attentes de son poste. Le niveau a été établi en fonction des réponses fournies dans les menus déroulants de la section intitulée [traduction] « Indicateurs de rendement fondamentaux » :

[Traduction]

 

Assume ses fonctions et ses responsabilités [] Non démontré

Exécute son travail conformément aux politiques et aux procédures […] Rarement

Exécute son travail dans les délais établis [] Non démontré

Établit les priorités relatives au travail [] Rarement

S’assure de maintenir les habiletés requises [] Parfois

Contribue à un environnement de travail positif [] Parfois

Travaille bien avec les autres [] Parfois

 

[53] Les commentaires formulés par Mme Armstrong-Kyne sur le formulaire d’évaluation sont nombreux et portent expressément sur les lacunes de rendement observées dans certains dossiers. Dans cette évaluation de fin d’année, on peut lire la remarque suivante : [traduction] « Le 3 mars 2015, l’employé a été informé qu’il n’avait pas atteint les buts et objectifs de son poste à l’évaluation de mi-année. »

F. Rendement du 1er septembre 2015 au 31 août 2016

[54] Mme Armstrong-Kyne a cessé d’être la superviseure du fonctionnaire le 27 avril 2015, date à laquelle Lorraine Brugaletta a pris la relève. Mme Brugaletta était au courant du plan d’amélioration que Mme Armstrong-Kyne avait mis en œuvre et a évalué le rendement du fonctionnaire en fonction des lacunes relevées dans ce plan. Elle a affirmé qu’elle était au courant des problèmes d’assiduité du fonctionnaire, mais a déclaré qu’elle ne pensait pas que ceux-ci jouaient encore dans son mauvais rendement.

[55] Mme Brugaletta a affirmé qu’elle dirigeait une équipe de six à neuf membres, dont le fonctionnaire, et que le temps qu’elle mettait à le superviser était disproportionné. Selon elle, il fallait que le travail du fonctionnaire soit soigneusement vérifié vu le nombre d’erreurs de calcul et d’analyse (ainsi que de typographie). Il se trompait souvent sur des choses simples, comme les dates et les adresses. Elle a confié qu’elle était frustrée de devoir lui dire qu’il serait simple pour lui de relire son travail pour éliminer ces erreurs. Or, elle n’a constaté aucune amélioration après lui avoir fait cette suggestion.

[56] En mai 2015, elle lui a demandé d’envoyer des lettres de contact initial dans cinq dossiers. Toutes les lettres comportaient des erreurs et devaient être reformulées. Il s’agissait de petites erreurs, mais si les lettres avaient été envoyées, elles auraient signalé un manque de professionnalisme.

[57] Mme Brugaletta a témoigné qu’elle avait eu du mal à amener le fonctionnaire à travailler sur ses dossiers de façon uniforme et rigoureuse. Elle a évoqué le fait que, pendant longtemps, l’ARC recevait des documents liés à ses dossiers, et qu’il ne les examinait pas. Il ne tenait pas ses dossiers à jour.

[58] Le fonctionnaire a préparé un document avant la réunion de gestion du rendement du 14 septembre 2015. Ce document comptait huit pages dactylographiées à simple interligne et comprenait un résumé long et détaillé de sa carrière dans la fonction publique. Il a également résumé les appels qu’il a interjetés avec succès à l’encontre des décisions de la Commission de la fonction publique et de la Cour fédérale au sujet d’un processus de sélection mené en 1996. Puis, il a résumé les conflits qu’il a eus avec ses superviseurs précédents.

[59] Rob Coelho et Andy Schmaus, tous deux directeurs, ont affirmé que, selon eux, le document de huit pages rédigé par le fonctionnaire ne se rapportait pas aux problèmes de gestion du rendement qui avaient été portés à son attention en septembre 2015. Selon M. Schmaus, ce document était un [traduction] « écran de fumée », une façon pour le fonctionnaire de détourner l’attention de ses problèmes de rendement. Par conséquent, la direction n’a pris aucune mesure à l’égard des questions soulevées par le fonctionnaire dans sa lettre.

[60] Mme Brugaletta a indiqué qu’en novembre 2015, l’ARC avait reçu 12 séries de documents se rapportant aux dossiers du fonctionnaire et qu’aucune mesure n’avait été prise pour 11 d’entre elles. Par conséquent, les délais ont été allongés et aucun nouveau dossier n’a pu lui être attribué.

[61] À quelques reprises, elle lui a suggéré de créer un simple système de rappel dans le calendrier Outlook pour l’aider à gérer son inventaire de dossiers et à respecter les délais. À sa connaissance, il ne l’a jamais fait.

[62] Dans un courriel adressé à M. Schmaus le 28 janvier 2016, Mme Brugaletta a résumé les problèmes de gestion du rendement qu’elle avait rencontrés concernant le fonctionnaire, y compris des exemples d’erreurs qu’il faisait et de la difficulté qu’il avait à traiter ses dossiers en temps opportun.

[63] Le plan d’amélioration du rendement du fonctionnaire, en vigueur du 29 janvier 2016 au 31 août 2016, énonçait les principaux problèmes de rendement qui ont amené Mme Brugaletta à lui attribuer la cote « ne répond pas aux attentes ».

[64] Mme Brugaletta, ainsi que Fiona Glanville, la gestionnaire de section, ont rencontré le fonctionnaire le 14 janvier 2016. Encore une fois, ses problèmes de rendement ont été portés à son attention et les objectifs du plan d’amélioration du rendement ont fait l’objet de discussions.

[65] Après cette rencontre, le 24 février 2016, le fonctionnaire a écrit une longue lettre à Mme Glanville, dont voici un extrait :

[Traduction]

 

[…]

Vous vous souvenez sans doute que ma chef d’équipe, Mme Lorraine Brugaletta […] m’a demandé si des membres de son équipe m’aidaient avec mes dossiers. Je lui ai dit que je consultais M. [GK] et Mme [CL], ce à quoi elle a immédiatement répondu que je ne devais désormais plus m’adresser à CL, mais plutôt à GK et à M. Basil Cole. J’ai alors cherché à savoir si CL était incompétente, mais LB n’a pas répondu et vous avez détourné le regard. GK répondait gentiment à mes questions lorsque j’en avais, mais CL m’a aussi beaucoup aidé et elle est même allée jusqu’à me remettre une copie des NOTES INTEGRAS — RÉVISÉES EN FÉVRIER 2015 afin que je puisse m’y référer quand je devais examiner et fermer un dossier dans le programme INTEGRAS. LB, GL et [M. Cole] sont blancs, tandis que CL et moi-même avons la peau foncée. Je crains raisonnablement que LB ait fait preuve de partialité à l’égard de CL et de moi-même en raison de la couleur de notre peau et je crois que cette partialité transparaît dans l’examen qu’elle a fait de nos dossiers, surtout les miens, depuis mon arrivée dans l’équipe de l’intégrité des remboursements, le ou vers le 1er mai 2015.

Dans la semaine du 1er février 2016, j’étais en congé de maladie avec certificat médical. Le mercredi 3 février 2016, à 9 h 04, [Mme Brugaletta] m’a envoyé un courriel pour me laisser savoir qu’elle avait pris des documents dans mon classeur après avoir reçu une plainte portée contre moi par un inscrit. Elle a ajouté qu’elle avait agi en présence de votre adjointe administrative […] et de [M. Cole]. Dans son courriel, elle a même remercié [M. Cole] d’avoir pris le dossier. Je suis retourné au bureau le lundi 8 février 2016 et [Mme Brugaletta] ne m’a pas informé de la nature de la plainte de l’inscrit, une marque de courtoisie qui va dans les deux sens dans de tels cas.

En général, je numérise les documents des inscrits quasi tout de suite après leur réception, selon la disponibilité d’un numériseur. Dans le cas de ce plaignant en particulier, les documents avaient déjà été numérisés et [Mme Brugaletta] aurait facilement pu les imprimer à partir de mes TEC sans avoir à ouvrir mon classeur en présence d’autres employés, et donc sans m’humilier pendant mon congé de maladie avec certificat médical. On m’a laissé croire que M. Andy Schmaus, directeur adjoint de la Division de la TPS/TVH, était un simple témoin. Il convient de noter que les chefs d’équipe ont accès aux dossiers de leur équipe sur INTEGRAS, qu’ils travaillent ou non sur ces dossiers.

Je crois fermement que la démarche de [Mme Brugaletta], qui est allée chercher dans mon classeur des dossiers concernant le plaignant inscrit, n’était qu’une recherche à l’aveuglette, violant ainsi le code de valeurs et d’éthique de la région de l’Ontario de l’Agence du revenu du Canada […] sur les valeurs hautement médiatisées […] (professionnalisme, respect, intégrité et collaboration). Il est possible que [Mme Brugaletta] plante un jour quelque chose dans mon classeur et me place ainsi dans une situation où la haute direction serait obligée de prendre des mesures disciplinaires sévères.

Il n’est pas facile d’aller travailler tous les jours avec des papillons dans l’estomac, en me demandant si je fais bien mon travail dans l’espoir de ne pas être quotidiennement pris à partie. Même si je m’efforce de faire mon travail dans le respect des directives du Programme de l’intégrité des remboursements, je suis fermement convaincu qu’il y a une crainte raisonnable de partialité à mon égard de la part de [Mme Brugaletta], ce qui est notamment étayé par l’extrait suivant tiré de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale du Canada dans le dossier A-165-99, dans lequel je n’étais pas représenté par un avocat.

« [27] L’appelant n’a pas à prouver et la Cour n’a pas à déceler une véritable partialité. L’appelant doit plutôt convaincre la Cour qu’il existe, dans les circonstances, une crainte raisonnable de partialité. Compte tenu des faits objectifs et des observations concordantes des avocats selon lesquelles une crainte raisonnable de partialité a pris naissance, l’appelant s’est acquitté de ce fardeau. »

Compte tenu de ce qui précède, je m’attends à ce que votre bureau intervienne en prenant des mesures correctives pour mettre fin au harcèlement et à l’humiliation dont je suis victime en raison de ma couleur et de mon âge de la part de personnes et de chefs d’équipe comme [Mme Brugaletta], qui font fi des valeurs et de l’éthique établies du PRIC à l’ARC.

Il convient également de noter que j’ai été incapable de rédiger cette lettre au bureau et de l’envoyer hier en raison de contraintes de temps liées au travail.

 

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[66] Mme Brugaletta a été invitée à expliquer pourquoi elle avait ouvert le classeur du fonctionnaire pendant qu’il était en congé de maladie. Elle a témoigné avoir reçu une demande de renseignements de la part d’un inscrit au sujet de l’état d’avancement de son dossier, lequel avait été confié au fonctionnaire. Pour répondre à la demande, elle devait consulter des documents que le fonctionnaire avait apparemment en sa possession, mais qui n’avaient pas été numérisés ou téléchargés. Si ces documents avaient été numérisés et synchronisés correctement, a-t-elle déclaré, elle n’aurait pas eu à déverrouiller son classeur pour les récupérer.

[67] Le fonctionnaire a déclaré ce qui suit : [traduction] « À ma connaissance, j’ai numérisé et synchronisé les documents correctement. » Par conséquent, il croyait que les documents étaient accessibles en format électronique pour que la direction puisse les examiner. Il a affirmé que Mme Brugaletta avait fouillé dans son classeur dans le seul but de l’humilier devant les autres.

[68] M. Schmaus et M. Coelho ont témoigné avoir pris au sérieux les allégations de partialité fondées sur l’âge et la race du fonctionnaire. Quand il a rencontré le fonctionnaire le 7 mars 2016, M. Schmaus a demandé à celui-ci d’étayer ses allégations.

[69] Lors de son témoignage, le fonctionnaire a reconnu que son grief, qui fait l’objet de la présente audience, ne contient pas d’allégations de discrimination fondées sur l’âge ou la race. Quand il a été interrogé sur ce qu’il avait écrit dans sa lettre du 24 février 2016, il a répondu : [traduction] « Je veux me rétracter. Je ne sais pas pourquoi j’ai écrit ça. »

[70] M. Schmaus a témoigné avoir conclu son enquête assez rapidement puisqu’il n’y avait pas de preuve pour étayer les allégations de partialité du fonctionnaire. Il a réitéré que la plainte du fonctionnaire semblait être un autre écran de fumée ayant pour but de détourner l’attention de son mauvais rendement.

[71] Le 29 février 2016, Mme Brugaletta a résumé la rencontre qu’elle a tenue ce jour-là avec le fonctionnaire pour discuter de son rendement. Elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

Aujourd’hui, à 15 h 15, nous nous sommes rencontrés dans la petite salle de conférence pour discuter de l’évaluation du rendement et du plan personnel d’amélioration que je vous ai remis le 29 janvier 2016. À ce jour, vous n’avez pas accusé réception de ces documents dans le LSE. Comme nous en avons convenu aujourd’hui, vous examinerez les deux documents dans le LSE, vous y ajouterez vos commentaires et vous me les retournerez avant midi le lundi 7 mars 2016.

Aujourd’hui, nous avons discuté de la cote « ne répond pas aux attentes » qui vous a été attribuée dans l’évaluation du rendement pour la période du 1er septembre 2015 au 29 janvier 2016. Par ailleurs, nous avons discuté des points que vous devez améliorer. Tous les points à améliorer sont décrits en détail dans votre plan personnel d’amélioration, que nous avons examiné en profondeur. Je vous ai remis aujourd’hui une copie papier de ces deux documents et vous en avez accusé réception en les signant.

Nous avons discuté des conséquences auxquelles vous vous exposez si vous n’atteignez pas vos objectifs, notamment la rétrogradation ou le licenciement.

Enfin, nous avons tous deux convenu que la meilleure façon d’y arriver est de traiter vos dossiers dans les délais impartis et dans le respect des six critères de qualité.

[…]

[72] Mme Brugaletta a témoigné avoir souvent rencontré le fonctionnaire au sujet de son rendement d’avril 2015 à septembre 2016. Il était fréquent qu’elle doive établir l’ordre de priorité de ses tâches à sa place. Dans toute sa carrière à l’ARC, c’est la seule fois qu’elle a dû prendre une telle mesure pour un subalterne.

[73] Non seulement le rendement du fonctionnaire ne s’est pas amélioré, a témoigné Mme Brugaletta, mais il a empiré. Au lieu de traiter ses dossiers plus rapidement, il y consacrait plus de temps. La situation était de plus en plus grave, ce qu’elle a porté à son attention. Or, elle avait l’impression que peu importe le nombre de fois qu’elle lui faisait remarquer, cela ne semblait pas faire de différence.

[74] Le fonctionnaire a répondu à chacune des lacunes que Mme Brugaletta avait relevées dans la dernière évaluation du rendement. En ce qui concerne les erreurs sur son travail écrit, il a écrit :

[Traduction]

 

[…]

[…] On ne saurait mentionner les erreurs de typographie comme cause de corrections multiples lorsque la direction […] pousse les examinateurs à boucler à toute vitesse les dossiers qui leur sont confiés. Dans un monde « utopique », le poste de chef d’équipe serait donc inutile puisque tous les dossiers seraient censés être exempts d’erreurs.

[…]

[…] Quand les examinateurs subissent de la pression afin que les dossiers qui leur sont confiés soient bouclés pour la veille, ils commettent inévitablement des erreurs. Je répète que le poste de chef d’équipe de [Mme Brugaletta] serait superflu si tous les dossiers traités par les examinateurs devaient être parfaits.

[…]

 

[75] En ce qui concerne le fait qu’il a passé en moyenne 34 heures sur des dossiers alors que la norme était de 8 à 10 heures, le fonctionnaire a écrit :

[Traduction]

 

[…]

[…] Il est à noter que le temps est ainsi consigné dans la feuille de temps : 0,25, 0,50, 0,75, 1,00, etc. Il n’est pas possible de consigner le temps en minutes. Les appels téléphoniques des inscrits doivent être consignés dans une note au dossier (« T2020 »), et un appel d’une minute ou deux seulement sera comptabilisé comme ayant duré 0,25 heure sur la feuille de temps. Cela peut gonfler le nombre d’heures consacrées à un dossier et fausser la moyenne.

[…]

La direction évalue très rarement la complexité d’un dossier, car elle considère que chaque dossier est facile […].

[…]

 

[76] Le fonctionnaire a affirmé que sa chirurgie au genou et les congés de maladie pris pendant sa convalescence ont eu une incidence sur sa productivité. Mme Brugaletta a témoigné qu’il était absent du 17 juin au 21 août 2015 en raison de sa chirurgie au genou et qu’à son retour, le 24 août 2015, elle lui a parlé de son inventaire de dossiers, en particulier des lettres qui devaient être envoyées dans chaque dossier. Cette tâche devait être effectuée en priorité. Elle lui a rappelé que les lettres devaient être envoyées le lendemain, le 25 août 2015. À la fin de la journée du 26 août 2015, celles‑ci n’avaient toujours pas été envoyées.

[77] Pour ce qui est de l’observation de Mme Brugaletta selon laquelle il avait besoin qu’on établisse pour lui les priorités relatives à son travail, le fonctionnaire a écrit ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

[…] Quand on travaille sur un dossier, il est difficile de faire plusieurs tâches en même temps, de passer d’un document à l’autre et de tous les examiner de front. On perd le fil dans le dossier. De plus, il faut saisir plusieurs fois les mêmes renseignements dans le rapport d’examen (« RE ») d’INTEGRAS, ce qui retarde l’achèvement des dossiers. Dans son dernier courriel, [Mme Brugaletta] exige que les renseignements figurant dans la section « Conclusion » du RE soient reproduits dans les notes du numéro d’entreprise (« NE »), ce qui vient s’ajouter au temps consacré à un dossier. Je ne pouvais pas m’opposer à ce que la chef d’équipe classe mon inventaire par ordre de priorité, car cela aurait constitué une forme d’insubordination.

[…]

 

[78] Dans son témoignage, Mme Brugaletta a affirmé que tous les examinateurs rencontraient ces mêmes problèmes. Or, aucun autre examinateur n’avait eu autant de mal que le fonctionnaire à respecter les délais et boucler les dossiers en temps opportun. La moyenne prévue de 8 à 10 heures par dossier avait été fixée en observant le travail de nombreux examinateurs sur une période de plusieurs années. La moyenne de 34 heures du fonctionnaire représentait plus du triple du temps nécessaire, en moyenne, pour faire le travail.

[79] Le 7 mars 2016, le fonctionnaire a rencontré M. Schmaus et Mme Glanville, en présence de deux représentants syndicaux. Dans sa lettre du 24 février 2016, M. Schmaus a demandé au fonctionnaire de lui fournir plus de renseignements sur les allégations de partialité fondées sur la race et l’âge.

[80] En réponse à la rencontre du 7 mars 2016, le fonctionnaire a, le 12 avril 2016, envoyé à M. Schmaus une très longue lettre de 16 pages à simple interligne. Dans le deuxième paragraphe, le fonctionnaire a déclaré : [traduction] « La culture de gestion diabolique de […] l’ARC n’a pas du tout changé. »

[81] Le fonctionnaire a ensuite énuméré ce qu’il considérait comme des incidents de harcèlement au travail. Il a d’abord fait référence à un courriel dans lequel M. Schmaus lui demandait d’assister à une rencontre au sujet de son évaluation de rendement. Il s’est exprimé comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Bien que les employés de votre bureau aient le droit de me parler de mon travail, il est évident que ces derniers, ainsi que ceux des bureaux subalternes, n’attendaient qu’une occasion (surtout après mon retour de congé de maladie ou de vacances) pour se jeter sur moi comme un tigre sur sa proie. Quand je suis retourné au travail ce jour-là après mes vacances, avec des papillons dans l’estomac, je ne savais pas ce qui m’attendait, ce qui allait se passer pendant la journée, ou les jours suivants, ni que les trois bureaux avaient comploté contre moi pendant mon absence. C’est ainsi chaque matin quand je me présente au travail. Oui, ce genre de comportement répété et grossier de la part de la direction a un effet très négatif sur l’énergie, le rendement, la vie personnelle, la santé de tout employé, et même sur les membres de sa famille, leur vie, leur santé et leur bien-être […]

[…]

 

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[82] En ce qui concerne les délais, le fonctionnaire a écrit ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

[…] les agissements du personnel de votre bureau et de vos bureaux subalternes ne font que nuire aux objectifs du programme de l’IR […] plutôt que de permettre aux examinateurs, comme moi, de travailler sur leurs dossiers avec calme et diligence pour véritablement tenter d’atteindre les objectifs fixés. Je peux nommer, expliquer et défendre les dossiers sur lesquels j’ai passé plusieurs heures à travailler, et ce à la demande de ma chef d’équipe [Mme Brugaletta], laquelle m’a ensuite convoqué à maintes réunions pour discuter de mon rendement au travail. Selon la direction, il faut respecter le nombre d’heures assignées et répondre aux attentes en matière de qualité pour obtenir une évaluation du rendement positive. La direction, qui veille au respect du mandat du siège social en matière d’IR, s’attend à ce que les examinateurs travaillent comme des robots sur une chaîne de montage automobile afin de respecter le nombre d’heures assignées et d’obtenir une évaluation du rendement favorable. Autrement dit, on s’attend à ce que le dossier soit réglé pour la veille. De façon hypothétique, la seule façon d’y arriver serait de créer un monde utopique où l’examinateur se déplacerait plus vite que la lumière.

[…]

 

[83] Le fonctionnaire a également écrit :

[Traduction]

 

[…]

Je refuse de laisser votre bureau ou vos bureaux subalternes atteindre ce que je crois être votre objectif, c’est-à-dire de me frustrer, de me discriminer constamment et de me harceler au point de me forcer à partir contre mon gré.

Habituellement, les tribunaux hésitent à priver une personne de son gagne-pain en l’absence de motifs suffisants et satisfaisants.

Aucun employé; qu’il s’agisse d’un commissaire, d’un directeur, d’un gestionnaire ou d’un simple employé, n’est un actionnaire majoritaire ou un employé permanent de l’ARC, laquelle est une entité quasi gouvernementale créée dans l’intérêt de la société canadienne dans son ensemble. J’arrive à la fin de ma carrière à l’ARC; le compte à rebours a commencé et je ne saurai que la saison prochaine si je dois revenir en arrière ou si je peux poursuivre mon chemin. Un corbeau au plumage ébouriffé, un oiseau que j’aime bien, est perché sur ma cloison et je m’envolerai avec lui quand viendra le temps, laissant derrière nous cette affreuse culture de gestion. Nous irons de l’avant, comme dans la chanson de feu Frank Sinatra, « I did it, My way » dont les belles paroles ont été écrites par Paul Anka.

[…]

 

[84] Le fonctionnaire a ensuite fait part de certaines de ses réussites en tant qu’examinateur. Il a aidé ses clients et ces derniers lui ont témoigné leur gratitude.

[85] Il a également fait référence à son opération au genou et à d’autres problèmes de santé dans cette lettre.

[86] Le fonctionnaire a reconnu qu’il avait écrit une [traduction] « longue, longue lettre ». Il a conclu comme suit : [traduction] « Vous avez demandé des faits. J’ai donné des faits […] du passé, du présent, et j’espère ne pas en avoir d’autres à donner à l’avenir, selon les mesures prises par votre bureau. »

[87] M. Schmaus a témoigné comment il a réagi à la lettre du fonctionnaire datée du 12 avril 2016. Selon lui, le fonctionnaire n’avait pas établi le bien-fondé des allégations de partialité, de discrimination ou de harcèlement. M. Schmaus a répété que, selon lui, il s’agissait simplement d’un écran de fumée, d’une façon d’éviter le véritable sujet, à savoir qu’un chef d’équipe essayait de l’amener à prendre de la vitesse. M. Schmaus était d’avis que rien dans la lettre ne justifiait une enquête et il a rejeté les allégations du fonctionnaire.

[88] M. Schmaus a remis au fonctionnaire une lettre de rendement datée du 13 avril 2016, intitulée [traduction] « Lettre d’avertissement concernant le rendement », laquelle débute comme suit :

[Traduction]

 

[…]

Le 14 septembre 2015, vous avez rencontré Rob Coelho, directeur, BSF de Thunder Bay de la région de Toronto-Ouest, et Fiona Glanville, gestionnaire, pour discuter des préoccupations de la direction concernant vos cinq évaluations du rendement consécutives, pour les périodes du 1er septembre 2010 au 31 août 2015, selon lesquelles vous [n]e répond[ez] pas aux attentes. Pour les périodes en question, vous aviez une charge de travail en tant que vérificateur de l’impôt sur le revenu de niveau SP-05 et une charge de travail en tant que vérificateur/examinateur de la taxe d’accise. Pour ces deux postes, vous deviez accomplir des tâches similaires.

La présente a pour but de vous informer que vous ne répondez pas aux exigences de votre poste ainsi que des conséquences relatives au fait de ne pas répondre à ces exigences.

[…] Nous avons relevé des lacunes sur les points suivants :

Planification et réalisation des examens :

· Lors des examens, il faut se concentrer sur les éléments de risque. Ainsi, on évite de traiter les changements de moins de 500 $ ou ceux qui couvrent plusieurs périodes et présentent un faible potentiel.

Le produit final :

· Les lettres et les rapports d’examen doivent appuyer les conclusions et être clairs et précis.

· Les dossiers n’ont pas été traités en temps opportun. Les heures imputées aux dossiers et les délais de traitement des dossiers dépassent ce que l’on peut raisonnablement considérer comme étant proportionnel à la complexité des dossiers.

Professionnalisme dans les relations avec les inscrits :

· À leur réception, les dossiers devraient être classés par ordre de priorité et examinés en temps opportun, de manière à éviter que les inscrits appellent pour s’enquérir de leur remboursement.

Vous vous êtes joint à la division de la TPS/TVH le 27 avril 2015. Depuis, vous avez reçu la formation suivante :

Cours / activité d’apprentissage

Date

Auto-apprentissage TPS/TVH

Du 27 au 30 avril 2015

Orientation à l’intégrité des remboursements

Du 5 au 8 mai 2015

Orientation à l’intégrité des remboursements

Du 19 au 22 mai 2015

Formation INTEGRAS

17 sept 2015

Séance de discussion ouverte sur l’intégrité des remboursements — Schématisation de processus

2 novembre 2016

Orientation à l’intégrité des remboursements

Du 5 au 8 janvier 2016

AC1083-000 Pénalités -- LTA

Du 9 au 11 février 2016

 

 

 

Du 5 au 8 janvier 2016, vous avez repris la formation que vous aviez reçue du 5 au 8 mai 2015 parce que vous aviez dit à votre chef d’équipe que vous gagneriez à la reprendre. On vous a expliqué les lois applicables à votre poste et on vous a donné une formation sur les systèmes INTEGRAS. Votre chef d’équipe vous a également fourni des outils de travail (des ouvrages de référence sur la Loi sur la taxe d’accise), ainsi qu’une rétroaction continue sur votre travail.

Vous avez rencontré votre chef d’équipe à plusieurs reprises et vous avez été régulièrement informé de l’état de vos dossiers, ainsi que des mesures à prendre et des étapes à suivre. Votre chef d’équipe a discuté avec vous de la gestion de votre charge de travail et de l’établissement des priorités, vous a donné des conseils et vous a parlé des outils Outlook pour vous aider à organiser votre charge de travail selon les priorités et ainsi traiter vos dossiers dans les délais requis.

Votre chef d’équipe vous a également fait part de ses préoccupations quant au fait que vos rapports d’examen et vos lettres contiennent des inexactitudes telles que des erreurs techniques et grammaticales, des adresses et des numéros d’entreprise incorrects, ou des erreurs dans les montants refusés. Ces erreurs ont eu pour effet de ralentir le traitement du dossier parce que les rapports et les lettres devaient être renvoyés pour correction. Cela a eu une incidence négative sur la qualité et la quantité du travail nécessaire pour atteindre les objectifs et les attentes en matière de rendement.

Vous avez bénéficié d’une formation, officielle et pratique, ainsi que d’un encadrement individuel de votre chef d’équipe et de votre mentor, dans le but d’améliorer votre rendement et de répondre aux exigences de votre poste. Vous avez été informé des exigences de votre poste, ainsi que des buts et des objectifs fixés. On vous a régulièrement fourni de la rétroaction, et vous avez eu maintes occasions de discuter du rendement attendu de vous et de vos besoins en formation.

Malgré toutes les mesures prises, votre rendement au cours de cette période d’évaluation (depuis le 1er septembre 2015) est insuffisant et ne répond pas aux exigences de votre poste. Le 28 janvier 2016, votre chef d’équipe vous a remis un plan écrit d’amélioration du rendement pour corriger les lacunes sur le plan de la qualité et réduire le temps excessif que vous passez à traiter les dossiers en cours (TEC). Je constate que vous n’avez fourni aucune explication raisonnable pour justifier le fait que vous ne répondiez pas aux attentes, malgré que vous occupiez le poste de vérificateur de l’impôt sur le revenu SP-05 et celui de vérificateur/examinateur de la taxe d’accise depuis le 2 avril 2001.

Je vous informe par la présente que si, d’ici le 31 août 2016, votre rendement ne s’est pas amélioré au point de vous permettre de satisfaire aux exigences de votre poste d’attache à titre de vérificateur/examinateur de la taxe d’accise de niveau SP-05, je pourrai recommander votre rétrogradation ou votre licenciement pour incompétence.

Conformément aux procédures de l’ARC sur la gestion du rendement, je demeure disposé à explorer d’autres solutions pour résoudre cette situation et pour discuter de toute proposition que vous pourriez avoir pour améliorer votre rendement et répondre aux attentes en matière de rendement.

Veuillez noter que vous avez accès au Programme d’aide aux employés si vous avez besoin de soutien.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[89] Mme Brugaletta a rempli l’évaluation du rendement du fonctionnaire pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 et elle a indiqué qu’il n’avait pas répondu aux attentes. Mme Brugaletta l’a évalué au niveau 1, ce qui est inférieur au niveau 2 qu’il avait obtenu l’année précédente sous la direction de Mme Armstrong‑Kyne.

[90] Mme Brugaletta a établi son niveau comme suit pour les [traduction] « Indicateurs de rendement fondamentaux » :

[Traduction]

 

Assume ses fonctions et ses responsabilités [] Rarement

Exécute son travail conformément aux politiques et aux procédures [] Rarement

Exécute son travail dans les délais établis [] Rarement

Établit les priorités relatives au travail [] Non démontré

S’assure de maintenir les habiletés requises [] Parfois

Contribue à un environnement de travail positif [] Souvent

Travaille bien avec les autres [] Rarement

 

[91] Pour résumer le rendement obtenu par le fonctionnaire au cours de la période, elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

 

Purandhar a bouclé 11 dossiers entre le 1er septembre 2015 et le 20 janvier 2016. Dans tous les cas, il a fallu apporter plusieurs corrections avant de pouvoir approuver les dossiers. En moyenne, il a consacré 34 heures à chaque dossier. La norme était de 8 à 10, selon la complexité du dossier. En moyenne, le délai de traitement était de 97 jours alors que la norme était de 75. Le taux de changement était de 46 % alors que l’objectif était de 70 %. Purandhar avait 15 dossiers en inventaire à la fin de janvier 2016. En moyenne, le délai de traitement était de 150 jours et le nombre d’heures consacrées à chaque dossier était de 8. Aucun de ces dossiers n’est sur le point d’être bouclé.

Il a reçu des documents de la part de contribuables et il ne les a pas examinés avant qu’on lui demande de le faire. Il avait certains de ces documents depuis le 23 septembre 2015 et n’y avait pas touché jusqu’à ce que la chef d’équipe passe en revue les dossiers en cours avec lui, le 18 novembre 2015. Pendant tout ce temps, la chef d’équipe a établi, pour lui, les priorités relatives au travail.

Au total, 12 séries de documents ont été reçues et 11 n’ont pas été traitées. Purandhar n’a pas pris en charge les dossiers qui lui avaient été confiés et n’en a pas assuré le suivi.

Les lettres adressées aux inscrits contenaient souvent des erreurs, par exemple dans les montants refusés et dans les adresses.

Purandhar a suivi une formation technique lorsqu’il a rejoint l’équipe en mai 2015. Depuis, il a suivi deux fois le cours de formation de base avec les étudiants. Il a aussi été encadré par d’autres membres de l’équipe. Il n’est pas justifié de poursuivre la formation de base.

 

[92] En ce qui concerne le passage [traduction] « […] a suivi deux fois le cours de formation de base avec les étudiants », Mme Brugaletta et M. Cole ont tous deux affirmé que la séance intitulée [traduction] « Orientation à l’intégrité des remboursements » est un module de formation de base offert aux stagiaires d’été ou du programme d’enseignement coopératif qui arrivent à l’ARC pour une période de quatre mois d’apprentissage en milieu de travail. Ce cours est également offert aux nouveaux venus dans l’unité. Le fonctionnaire l’a suivi à trois reprises.

[93] Mme Armstrong-Kyne a témoigné que huit étudiants qui avaient suivi le cours au début de leur formation travaillaient aux côtés du fonctionnaire et effectuaient le même genre de travail que lui. Mme Armstrong-Kyne et Mme Brugaletta ont toutes deux témoigné que les étudiants, après leur période de formation de quatre mois, étaient invariablement plus productifs que ne l’était Purandhar.

[94] On a demandé à M. Schmaus s’il avait envisagé de rétrograder le fonctionnaire ou de le faire travailler pour un autre chef d’équipe. Il a répondu sans hésiter qu’il était hors de question de le changer d’équipe puisqu’il avait déjà obtenu un rendement insuffisant lorsqu’il relevait d’autres chefs d’équipe. Selon M. Schmaus, le changer d’équipe aurait juste voulu dire recommencer le processus à zéro.

[95] M. Schmaus a envisagé la rétrogradation, mais le fonctionnaire était déjà dans un poste de débutant, et il n’y avait rien de plus élémentaire. Il a fait remarquer que le fonctionnaire venait d’un poste de vérification de bureau SP-05 et qu’il avait également eu du mal là aussi. M. Schmaus a également envisagé de lui confier un poste de soutien administratif au niveau SP-04 ou SP-03, mais il a souligné que la nature des problèmes de rendement du fonctionnaire l’aurait également empêché d’exercer ces fonctions.

[96] M. Schmaus a fait remarquer que le fonctionnaire semblait avoir eu un rendement satisfaisant lorsqu’il travaillait pour les Services à la clientèle en tant que PM-01, mais que l’ARC n’avait plus de section de ce genre, parce que ces services étaient maintenant fournis dans le cadre d’un programme de relations externes et sur son site Web.

[97] M. Schmaus a reconnu que le fonctionnaire comptait plus de 28 ans de service au moment de son licenciement, mais il a déclaré : [traduction] « Au final, nous ne pouvions le faire travailler nulle part, parce que nous ne pouvons pas compter sur son travail. »

[98] Mme Brugaletta, M. Schmaus et M. Coelho ont témoigné qu’il n’y avait eu aucune amélioration perceptible du rendement du fonctionnaire entre la date de cette lettre, soit le 13 avril 2016, et septembre 2016.

[99] M. Coelho a signé la lettre de licenciement en date du 9 septembre 2016. La lettre précise ce qui suit :

[Traduction]

 

[…]

La présente a pour but de vous informer de notre décision concernant votre emploi à l’Agence du revenu du Canada.

Le 13 avril 2016, vous avez reçu une lettre de la direction qui indiquait clairement que si votre rendement ne s’améliorait pas au point de satisfaire aux exigences de votre poste d’attache de vérificateur/examinateur de la taxe d’accise SP-05 d’ici le 31 août 2016, la direction pourrait procéder à un licenciement pour incompétence.

Avant cela, la direction vous a avisé à plusieurs reprises que si vous ne parveniez pas à démontrer une amélioration et la capacité d’obtenir une évaluation de niveau 3 (« Les résultats de rendement répondent à toutes les attentes »), le maintien de votre emploi à l’Agence du revenu du Canada pourrait être remis en question. La direction vous a rencontré à de nombreuses reprises pour discuter du rendement attendu de vous, ainsi que des stratégies pour répondre à ces attentes, et pour vous informer des conséquences auxquelles vous vous exposiez si vous ne réussissiez pas à améliorer votre rendement. La direction a également déployé de vastes efforts de formation pour vous aider à répondre aux attentes en matière de rendement. Cependant, malgré les efforts déployés par la direction pendant plusieurs années, il n’y a eu aucune amélioration.

Je suis convaincu que vous avez eu amplement l’occasion de vous améliorer, mais rien ne donne à penser que vous allez réussir à améliorer votre rendement. Je suis donc arrivé à la conclusion que vous n’êtes pas en mesure de satisfaire pleinement aux normes de rendement de votre poste de vérificateur de la taxe d’accise SP-05.

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués et conformément à l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, vous êtes par la présente licencié de l’Agence du revenu du Canada pour incompétence. Votre licenciement prend effet à la fermeture des bureaux aujourd’hui, le 9 septembre 2016.

[…]

[100] Le fonctionnaire a reconnu avoir reçu des évaluations du rendement défavorables et a repris ce qu’il avait écrit dans son évaluation pour expliquer le temps qu’il consacrait aux dossiers, à savoir que la façon dont le temps est comptabilisé ne tient pas compte des appels téléphoniques de moins de 15 minutes.

[101] Le fonctionnaire a soutenu que Mme Brugaletta, Mme Armstrong-Kyne et M. Friel l’avaient injustement ciblé et que les évaluations du rendement défavorables témoignaient davantage d’un conflit de personnalités que de toute autre chose. Il a précisé avoir reçu des évaluations du rendement favorables quand il relevait de M. Huber, avec qui il s’entendait bien.

[102] Le fonctionnaire a pris environ 30 minutes pour résumer le processus de sélection infructueux tenu en 1996 et la longue bataille juridique qui a suivi. L’affaire a été devant les tribunaux pendant environ sept ans, et il a obtenu un jugement favorable de la Cour d’appel fédérale. Pendant la majeure partie de l’instance, il n’était pas représenté par un avocat et il a déclaré que cela lui avait demandé beaucoup de temps et d’énergie. Il a témoigné avoir reçu des évaluations du rendement insatisfaisantes, qui découlaient directement du temps et des efforts qu’il consacrait en dehors des heures de travail à faire avancer son dossier.

[103] Le fonctionnaire a également témoigné des conflits qu’il a eus avec d’anciens gestionnaires de section et chefs d’équipe qui critiquaient son rendement.

[104] Le fonctionnaire a de nouveau affirmé que son grief ne comportait pas d’allégation de discrimination.

[105] Il a témoigné qu’il avait l’intention de continuer à améliorer son rendement. Cependant, il avait l’impression d’être scruté à la loupe, de sorte qu’il était difficile pour lui de s’améliorer. Chaque petite erreur était relevée, donnant ainsi une impression négative de son travail qui, selon lui, n’était pas justifiée. Il a dit avoir fait de son mieux.

[106] Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait parfois mal au genou et qu’il devait marcher pour soulager la douleur. Il a reconnu n’avoir jamais demandé de mesures d’adaptation.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[107] L’employeur a souligné les efforts sincères déployés par tous ses témoins pour aider le fonctionnaire à réussir dans son travail. Lorsque le rendement est un problème, la relation est toujours tendue. La direction ne s’est pas livrée à un exercice grotesque et diabolique, comme le prétend le fonctionnaire, mais a simplement fait son travail et a essayé de trouver une façon de le faire progresser.

[108] Dans le présent cas, d’après l’employeur, on ne parle pas de mesure disciplinaire déguisée. Le fonctionnaire a peut-être perçu comme une mesure disciplinaire le fait que son assiduité et ses allées et venues étaient plus strictement surveillées, mais il n’en était rien. Il n’était pas question de prendre une mesure disciplinaire, mais bien de régler un problème de rendement au travail. D’ailleurs, c’est d’autant plus vrai depuis qu’il a amélioré son taux d’assiduité. Après son arrivée à l’unité de la TPS, son assiduité n’a jamais posé problème et il n’a jamais été question de mesure disciplinaire. Le seul problème était son rendement ou son manque de rendement.

[109] Quant à l’insinuation du fonctionnaire selon laquelle les plaintes de partialité fondées sur la race et l’âge n’ont jamais fait l’objet d’une enquête, l’employeur a fait valoir que, au contraire, la direction les avait prises au sérieux et avait invité le fonctionnaire à les étayer, ce qu’il n’a pas fait.

[110] L’employeur s’est appuyé sur le témoignage de Mme Brugaletta selon lequel, même si les problèmes d’assiduité étaient réglés et que le fonctionnaire passait moins de temps loin de son bureau, il était encore bien loin de répondre aux attentes en matière de productivité. De plus, il ne prenait toujours pas le temps de relire son travail pour éliminer les fautes d’orthographe ou de grammaire faciles à éviter ou les erreurs de calcul, ou pour s’assurer de l’exactitude des adresses.

[111] À aucun moment, que ce soit dans ses réponses écrites aux évaluations du rendement ou dans son témoignage à l’audience, le fonctionnaire n’a admis que son travail comportait des lacunes. Selon l’employeur, il semblait satisfait de son explication concernant le fait de devoir consigner le temps qu’il consacrait aux appels téléphoniques. Or, il est difficile de croire que l’on puisse expliquer par les appels téléphoniques que l’on ait consacré jusqu’à 34 heures à un dossier, alors que la moyenne est de 8 à 10 heures.

[112] L’employeur a fait état des nombreux outils utilisés pour aider le fonctionnaire à s’améliorer. Des plans d’action étaient établis chaque année et des réunions étaient régulièrement organisées afin de faire le point sur ses différentes lacunes. Les superviseurs lui ont expliqué plusieurs fois ce qui manquait à son travail et ce qu’il devait faire pour l’améliorer, mais il n’y a jamais eu d’amélioration. En fait, il semble que le problème se soit aggravé vers la fin.

[113] L’employeur a renvoyé au paragraphe 18 de l’arrêt Forner c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 136 (Forner), dans lequel la Cour d’appel fédérale a souligné l’importance de ne pas faire sa propre analyse du rendement d’un fonctionnaire.

[114] L’employeur a déclaré que, dans les cas de licenciement pour rendement insuffisant, le critère applicable est énoncé comme suit dans la décision Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23 :

131 […] je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

· L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;

· Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;

· L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou

· Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

 

[115] L’employeur a fait valoir qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi dans la présente affaire. Les conflits qui ont pu naître entre le fonctionnaire et ses superviseurs tenaient toujours au fait que ces derniers s’efforçaient de documenter certains aspects de son rendement, de suggérer des moyens de l’améliorer ou de l’évaluer. Dans tout cas de licenciement pour mauvais rendement, il y aura toujours des frictions, ce que le fonctionnaire a admis dans son témoignage.

[116] L’employeur a invoqué la décision McLaren c. Administrateur général (Statistique Canada), 2020 CRTESPF 58, selon laquelle il doit y avoir une preuve claire et convaincante de mauvaise foi, selon la prépondérance des probabilités. Le fait que le fonctionnaire soupçonne l’employeur d’agir de mauvaise foi ne suffit pas.

[117] Le fonctionnaire était assujetti aux mêmes normes de rendement que tout autre employé de son groupe et de son niveau. L’employeur a indiqué que ces normes lui avaient été régulièrement présentées dans le cadre de ses plans d’action, des réunions avec ses superviseurs et, en particulier, de ses évaluations du rendement de mi-année et de fin d’année. Les normes de rendement et les objectifs de travail sont clairement liés.

[118] L’employeur soutient que, dans leur témoignage et dans les documents qu’ils ont fournis, ses témoins ont décrit en détail les séances de formation et de mentorat fournies au fonctionnaire. Tous les témoins de l’employeur ont déclaré avoir fait des efforts sincères pour l’aider. Il a reçu de la formation, a bénéficié de l’expérience de mentors et a eu cinq années complètes pour renverser la vapeur.

[119] L’employeur a invoqué Kalonji c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada), 2016 CRTEFP 31, et a déclaré que, dans ce cas, le fonctionnaire avait été licencié pour rendement insuffisant après six mois. Dans le présent cas, le fonctionnaire a eu plus de cinq ans pour redresser la situation, et il ne l’a jamais fait.

[120] De plus, la preuve regorge d’exemples d’avertissements écrits qui ont été donnés au fonctionnaire au sujet des conséquences d’un rendement continuellement insuffisant. L’employeur soutient que les réactions du fonctionnaire sont révélatrices. Dans sa longue réfutation de la dernière évaluation du rendement réalisée par Mme Brugaletta, ainsi que dans sa longue lettre à M. Coelho, le fonctionnaire n’a pas reconnu son mauvais rendement ou n’en a pas assumé la responsabilité. En fait, il a rejeté la faute sur d’autres en affirmant que les attentes n’étaient pas réalistes ou en portant des accusations fallacieuses de partialité fondée sur l’âge et sur la race, qu’il a ensuite retirées.

[121] L’employeur a invoqué Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90, et Reddy c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2012 CRTFP 94, en plus de Kalonji, quant à la question de savoir si la rétrogradation aurait pu être une solution de rechange raisonnable au licenciement. Il a fait valoir que, dans ces trois cas, la Commission a reconnu que les mesures de rechange sont assujetties à l’art. 230 de la Loi et à la compétence de la Commission. En termes simples, la Commission a compétence pour examiner s’il était raisonnable pour l’employeur de juger le rendement du fonctionnaire insuffisant.

[122] Le fonctionnaire a toujours refusé d’assumer la responsabilité de son travail ou de reconnaître ses lacunes, et malgré le fait que l’employeur a déployé des efforts sincères pendant plus de cinq ans pour l’aider, il n’a démontré aucune amélioration mesurable. Il est difficile d’imaginer ce que l’employeur aurait pu faire de plus. Selon lui, le grief doit être rejeté.

B. Pour le fonctionnaire

[123] Le fonctionnaire a affirmé qu’il se sentait harcelé et rabaissé au travail, et que la direction l’avait injustement pris pour cible. Il avait obtenu de bonnes évaluations au temps de M. Hubert; les problèmes ont commencé après la retraite de ce dernier.

[124] Le fonctionnaire a fait tout ce qu’il pouvait pour respecter ses plans d’action. Il a suivi la formation qu’il jugeait nécessaire, il a consulté les gens qu’on lui avait dit de consulter et a fait de son mieux pour répondre aux attentes. Lorsque son assiduité a été jugée problématique, il a fait de son mieux pour y remédier et s’est amélioré au point qu’il n’avait plus à signaler sa présence.

[125] On l’a menacé de prendre des mesures disciplinaires contre lui à cause de son taux d’assiduité. Il était effectivement surveillé de près, à tel point qu’il se sentait obligé de dire quand il s’absentait pour aller aux toilettes. Aucun autre employé n’a fait l’objet d’une telle surveillance, et il s’est senti injustement pris à partie.

[126] Par la suite, le fonctionnaire a exprimé ses préoccupations dans des lettres à la direction. Il a soulevé des questions de partialité qui, selon lui, n’ont pas été prises au sérieux par l’employeur.

[127] Le fonctionnaire avait l’impression que ses superviseurs attendaient de lui la perfection. Non seulement il l’a dit, mais il l’a aussi écrit plusieurs fois dans ses réponses aux évaluations du rendement insatisfaisantes. Il a renvoyé au chapitre 7 de l’ouvrage de Brown et Beatty intitulé Canadien Labour Arbitration, 5e édition, lequel porte sur la discipline :

[Traduction]

 

7:3510 — incompétence/incapacité

[…]

Pour déterminer si un employé a fourni ses services de façon satisfaisante, les arbitres ont rejeté l’idée selon laquelle la direction est autorisée à exiger la recherche de la perfection dans toute tâche liée à une catégorie d’emplois. Le critère d’évaluation des compétences et des capacités d’un employé eu égard à l’exécution des tâches d’un poste en particulier est celui de l’aptitude raisonnable ou des aptitudes d’un travailleur raisonnablement doué, habile et efficace de la même catégorie d’emplois.

[…]

 

[128] Plus tard dans ce même texte, au paragraphe 7:3520, sur le travail insuffisant ou bâclé :

[Traduction]

 

[…] En règle générale, les arbitres estiment qu’avant qu’un employeur décide de mettre fin à l’emploi d’une personne qui n’a pas fait son travail correctement, il doit établir qu’il est improbable que l’employé réponde à une mesure moins sévère, comme une suspension, une mutation ou une rétrogradation à un autre poste.

 

[129] En mars 2006, alors qu’il était en conflit avec un superviseur, il a demandé une mutation dans l’Ouest canadien, qui lui a été refusée. Le fonctionnaire était d’avis que cette mutation aurait pu être une solution aux problèmes de rendement et il était mécontent de la décision.

[130] Le fonctionnaire a fait valoir qu’une rétrogradation à un autre poste aurait dû être envisagée. Il a cité la décision I.A.M., Local 1772 v. Remington Rand Ltd. (1953), 4 L.A.C. 1400, dans laquelle il était question de la cessation d’emploi d’un travailleur à la chaîne qui, selon l’employeur dans ce cas, faisait trop d’erreurs. Il était écrit ce qui suit aux paragraphes 9 et 12 :

[Traduction]

 

9 Les responsables de la Société estiment que Gregory savait comment assembler ces machines, car la plupart d’entre elles avaient été correctement assemblées, et en ont conclu qu’il avait volontairement ignoré les instructions de la Société […]

[…]

12 Cette Commission en est venue à la conclusion que, comme Gregory a été muté au poste d’assembleur par la Société, et non à sa demande, et comme la Société n’était pas satisfaite de son travail à ce poste, celle-ci, si elle l’avait jugé opportun, aurait dû prendre une mesure autre que le congédiement, et que la Société n’a pas démontré un motif valable de congédiement.

 

[131] Dans Remington Rand, l’employeur a été tenu de réintégrer l’employé. Selon le fonctionnaire, il devrait en être de même dans le cas présent parce que l’employeur n’a pas exploré d’autres options, comme une mutation ou une rétrogradation.

[132] Le fonctionnaire a qualifié la microgestion de mesure disciplinaire. Dans la décision Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, la Cour fédérale a examiné les mesures disciplinaires déguisées et a déclaré ce qui suit aux paragraphes 23 à 25 :

[23] Néanmoins, il est admis que la façon dont l’employeur choisit de qualifier sa décision ne peut pas être en soi un facteur déterminant. Le concept de mesure disciplinaire déguisée est un facteur déterminant bien connu et nécessaire qui permet à un arbitre de grief d’examiner les éléments sous-jacents au motif énoncé par l’employeur afin de déterminer quelle était sa véritable intention. Par conséquent, dans la décision Gaw c. Conseil du Trésor (Service national de libération conditionnelle) (1978), 166-2-3292 (CRTFP), la tentative de l’employeur de justifier la suspension de l’employé comme étant nécessaire pour permettre la tenue d’une enquête a été rejetée à la lumière de la preuve convaincante qui établissait que la véritable motivation de l’employeur était de nature disciplinaire : Voir aussi la décision Re Canada Post Corp. et Canadian Union of Postal Workers (1992) 28 L.A.C. (4th) 366.

[24] Le problème de la mesure disciplinaire déguisée peut aussi être abordé par l’examen des effets de la mesure sur l’employé. Lorsque l’incidence de la décision de l’employeur est grandement disproportionnée par rapport au motif administratif qui est invoqué, la décision peut être considérée comme disciplinaire : voir la décision Re Toronto East General & Orthopaedic Hospital Inc. and Association of Allied Health Professionals Ontario (1989) 8 L.A.C. (4th) 391 (Re Toronto East General). Cependant, cette norme ne sera pas atteinte si la mesure imposée par l’employeur est jugée comme étant une réaction raisonnable (mais pas nécessairement la meilleure) à des considérations opérationnelles honnêtes.

[25] Parmi les autres facteurs servant à définir la mesure disciplinaire dans le contexte de l’emploi figurent les répercussions de la décision sur les perspectives de carrière de l’employé et les questions de savoir si l’incident en cause ou le point de vue de l’employeur à cet égard peut sembler être lié à la conduite de l’employé pouvant être rectifiée ou à sa conduite coupable, si la décision prise était de nature corrective et si la mesure de l’employeur a eu un effet préjudiciable immédiat sur l’employé : voir les décisions Re St. Clair et Re Civil Service Commission, précitées.

 

[133] Le fonctionnaire a affirmé qu’il était extrême de le licencier après 28 ans et demi, et qu’une suspension, une rétrogradation ou une mutation aurait dû être envisagée.

[134] Enfin, selon le fonctionnaire, les Principes sur la cessation d’emploi et la rétrogradation pour motifs non disciplinaires de l’ARC n’ont pas été respectés. Il les a produits à titre de référence :

[…]

Principes

Les gestionnaires délégués sont guidés par les principes d’équité suivants lors de la prise de décision de rétrograder ou de mettre fin à l’emploi d’un employé pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite :

· devoir d’agir de bonne foi;

· devoir d’informer l’employé;

· devoir d’informer l’employé;

En conformité avec les principes ci-dessus, ce qui suit fournit une orientation globale afin de reconnaître les droits des employés et comprendre les obligations de l’employeur lorsqu’il envisage de prendre des mesures pour rétrograder un employé ou mettre fin à son emploi pour des motifs de :

Rendement insatisfaisant

· le niveau de rendement au travail exigé de l’employé a été déterminé;

· le niveau de rendement exigé doit être communiqué à l’employé;

· l’employé a reçu des niveaux raisonnables de supervision et d’instructions;

· l’employé a disposé d’une période raisonnable pour atteindre le niveau de rendement requis;

· l’employé a reçu un nombre raisonnable d’avertissements quant aux conséquences auxquelles il s’exposait en persistant à ne pas offrir le niveau de rendement exigé;

· après avoir établi que l’employé est incapable de fournir le niveau de rendement exigé, des alternatives raisonnables d’emploi, incluant une rétrogradation, pour lequel il possède les compétences voulues, sont envisagées.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[135] Ainsi, le fonctionnaire est d’avis que ce grief devrait être accueilli et qu’il devrait être réintégré.

IV. Décision et motifs

[136] Si je comprends bien, le fonctionnaire soutient essentiellement qu’il a été injustement ciblé, qu’il a été victime de microgestion, et qu’il a été tenu de respecter des normes déraisonnablement élevées et que ces pratiques s’inscrivaient dans le cadre d’un effort concerté visant à se débarrasser de lui à tout prix plutôt que de simplement le rétrograder.

[137] Les deux parties ont présenté de nombreuses décisions à l’appui de leur position respective, mais elles n’ont pas toutes été citées dans leurs observations. Je les ai toutes lues et je ne ferai référence qu’à celles qui, à mon avis, sont pertinentes au regard de ma décision.

[138] Le fonctionnaire a déposé son grief en vertu de l’alinéa 209(1)d) de la Loi, qui se lit comme suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

209 (1) An employee who is not a member as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

[…]

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

[…]

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct

(3) The Governor in Council may, by order, designate any separate agency for the purposes of paragraph (1)(d).

 

[139] Le fonctionnaire était un employé de l’ARC, un organisme distinct désigné par le gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 209(3) de la Loi.

[140] Il a fait valoir que son licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée.

[141] Toutefois, compte tenu du contexte législatif actuel, lorsque la Commission traite des licenciements pour des motifs non disciplinaires, elle n’a plus à s’appuyer sur le concept de mesure disciplinaire déguisée pour établir sa compétence puisqu’elle a pleine compétence en vertu de l’alinéa 209(1)d) (voir Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113). À ce titre, étant donné que l’ARC est un organisme distinct désigné, les arguments des parties à l’égard de la mesure disciplinaire déguisée ne sont plus pertinents puisque la Commission a pleine compétence sur tous les licenciements.

[142] La Cour d’appel fédérale l’a expliqué comme suit au paragraphe 79 de l’arrêt Heyser :

[…] dans le cas de licenciements non disciplinaires, la Commission a pleine compétence pour faire enquête sur les circonstances entourant le licenciement et sur la révocation ayant mené au licenciement. Par conséquent, si la Commission décide que le licenciement n’était pas motivé (c’est-à-dire que la révocation n’était pas justifiée par des motifs valables), il devient alors inutile de connaître les motifs précis de la révocation. Autrement dit, que la révocation résulte de mesures disciplinaires déguisées ou de quelque autre motif non valable, la Commission annulera le licenciement et peut ordonner la réintégration de l’employé. En ce sens, je suis d’avis que dans le concept de mesures disciplinaires déguisées n’a plus, dans le contexte légal actuel, l’importance qu’il avait dans l’ancienne jurisprudence.

 

[143] En matière de licenciement pour rendement insuffisant, la compétence de la Commission est énoncée à l’article 230 de la Loi :

230 Saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3), l’arbitre de grief ou la Commission, selon le cas, doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

230 In the case of an employee in the core public administration or an employee of a separate agency designated under subsection 209(3), in making a decision in respect of an employee’s individual grievance relating to a termination of employment or demotion for unsatisfactory performance, an adjudicator or the Board, as the case may be, must determine the termination or demotion to have been for cause if the opinion of the deputy head that the employee’s performance was unsatisfactory is determined by the adjudicator or the Board to have been reasonable.

 

[144] Dans Plamondon, l’arbitre de grief a défini le rôle de la Commission lorsqu’elle entend des cas dans lesquels un employé est rétrogradé ou licencié en raison d’un rendement insuffisant :

[…]

[48] Sous un tel cadre juridique, le rôle de l’arbitre de griefs est de déterminer, à partir de la preuve qui lui est présentée, s’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement de l’employé était insuffisant. Si l’arbitre de grief conclut que l’employeur a été raisonnable dans l’estimation du rendement de l’employé, il doit rejeter le grief. Il ne peut pas par exemple déterminer que la décision de l’employeur de licencier l’employé au lieu de le rétrograder n’était pas justifiée ou raisonnable, ou que l’employeur a failli à ses obligations en n’aidant pas l’employé à trouver un autre poste. Si l’arbitre de griefs conclut que l’employeur a estimé le rendement de l’employé de façon raisonnable, l’arbitre de grief a épuisé sa compétence.

[…]

 

[145] Le rôle de la Commission, tel qu’il est indiqué dans Forner, ne consiste pas à faire « […] sa propre analyse du rendement [du fonctionnaire] ».

[146] Je dois donc répondre à la question suivante : Était-il raisonnable, d’après la preuve présentée par les parties, pour l’employeur d’estimer que le rendement du fonctionnaire était insuffisant?

[147] Les critères permettant de déterminer s’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement d’un employé était insuffisant ont été énoncés dans Raymond. Toutefois, la Commission a reformulé ces critères au paragraphe 434 de la décision Dussah c. Administrateur général (Bureau du dirigeant principal des ressources humaines), 2020 CRTESPF 18, qui apporte des précisions supplémentaires. Il n’y a pas de différence fondamentale entre Raymond et Dussah. Par conséquent, je vais appliquer les critères établis dans Dussah :

· L’employeur a-t-il fixé [au] fonctionnaire des objectifs de travail raisonnables et les lui a-t-il clairement communiqués à l’avance?

· L’employeur a-t-il fixé [au] fonctionnaire des indicateurs de rendement raisonnables et les lui a-t-il clairement communiqués à l’avance?

· L’employeur a-t-il accordé [au] fonctionnaire un délai raisonnable pour lui permettre de rencontrer les objectifs de travail et les indicateurs de rendement qu’il lui avait fixés?

· L’employeur a-t-il fourni [au] fonctionnaire tout l’appui dont [il] avait besoin pour lui permettre de rencontrer les objectifs de travail et les indicateurs de rendement qu’il lui avait fixés dans le délai qu’il lui a accordé?

 

[148] J’examinerai successivement chacun de ces critères.

A. L’employeur a-t-il fixé au fonctionnaire des objectifs de travail raisonnables et les lui a-t-il clairement communiqués à l’avance?

[149] Le fonctionnaire a longuement témoigné des multiples et divers conflits qu’il a vécus avec chacun de ses superviseurs qui estimaient que son travail ne répondait pas aux attentes. Le seul superviseur avec qui il semble s’être bien entendu au cours des quelque dix dernières années de sa carrière à l’ARC est M. Hubert, dont la période de supervision est antérieure aux cinq années de rendement insuffisant qui sont au cœur du présent cas.

[150] Le fonctionnaire a déposé en preuve les évaluations du rendement réalisées par M. Hubert. Dans ces évaluations, on peut constater que les mesures du rendement du fonctionnaire étaient semblables à celles mentionnées par les témoins de l’employeur, et il semblerait que, sous la supervision de M. Hubert, le fonctionnaire était capable de boucler ses dossiers dans les délais prévus.

[151] Ce n’est que lorsque son rendement a cessé d’être satisfaisant qu’un plan de surveillance et un plan d’action ont été mis en place. Les superviseurs du fonctionnaire ont dû le surveiller de près parce qu’il ne faisait pas son travail. Son malheur n’avait rien à voir avec la partialité ou le harcèlement; il n’aimait tout simplement pas qu’on lui dise qu’il avait un rendement insuffisant.

[152] Le fonctionnaire a fait l’objet de plans d’action, reçu des lettres de rendement et a été convoqué à des réunions sur le rendement pendant de nombreuses années. Tous ces efforts avaient pour but de le rendre responsable de son rendement et, peut-être, de lui permettre de l’améliorer. Pendant de nombreuses années, le fonctionnaire savait exactement sur quels objectifs il devait travailler et comment il devait s’y prendre.

[153] Je conclus que l’employeur a fixé au fonctionnaire des objectifs de travail raisonnables et les lui a clairement communiqués à l’avance.

B. L’employeur a-t-il fixé au fonctionnaire des indicateurs de rendement raisonnables et les lui a-t-il clairement communiqués à l’avance?

 

[154] Il avait été question des indicateurs de rendement dans les plans d’action, dans les réunions tenues régulièrement avec les superviseurs, dans les évaluations du rendement de mi-année et de fin d’année et dans les lettres d’avertissement. Ils n’étaient pas arbitraires; ils étaient le résultat de nombreuses années d’observation et d’analyse à l’ARC. Ils s’appliquaient à tous les examinateurs du groupe et du niveau du fonctionnaire. D’après les commentaires que le fonctionnaire a écrit après avoir reçu la cote « rendement insuffisant », ainsi que son témoignage à l’audience, ce critère a été respecté. Il n’a pas prétendu le contraire, et tout ce qu’il a écrit et dit montre qu’il comprenait clairement ce qu’on attendait de lui à chaque instant.

[155] D’ailleurs, le courriel de M. McCutcheon daté du 10 octobre 2014 et la lettre d’avertissement de M. Coelho datée du 13 avril 2016 contiennent tous deux des avertissements explicites à propos de son mauvais rendement. Toutefois, le fonctionnaire avait été averti bien avant. Il semblait avoir répondu aux attentes de M. Hubert, mais le fonctionnaire a parlé de la longue période pendant laquelle il a eu un mauvais rendement avant que M. Hubert ne devienne son superviseur. Le fonctionnaire a produit en preuve des documents montrant qu’il avait été averti, avant l’arrivée de M. Hubert, qu’il risquait d’être rétrogradé ou licencié.

[156] L’affaire Remington Rand porte sur des problèmes de rendement attribuables, du moins en partie, à la difficulté d’exécuter des tâches inhabituelles. Ce n’était certainement pas un problème dans le présent cas. Je ne crois pas que la décision dans cette affaire s’applique en l’espèce, car rien n’indique que le fonctionnaire ait eu à accomplir des tâches avec lesquelles il n’était pas familier. Il a été licencié parce qu’il était manifestement incapable d’effectuer le travail qui lui était déjà familier.

[157] Le fonctionnaire n’a jamais affirmé s’être senti dépassé par les événements. Il trouvait que les attentes à son égard étaient irréalistes. Je ne suis pas de cet avis. J’accepte le témoignage de M. McCutcheon, de Mme Armstrong-Kyne, de M. Cole et de Mme Brugaletta, qui ont déclaré que la charge de travail du fonctionnaire avait été adaptée pour qu’il puisse travailler sur des dossiers moins complexes, et ce, dans le but de l’aider à réussir. M. McCutcheon a expliqué que l’idée était de lui permettre d’accumuler de petites réussites.

[158] Malheureusement, le fonctionnaire n’a pas su répondre aux attentes, même avec les dossiers les moins complexes, c’est pourquoi M. Coelho a affirmé qu’il était impossible de le rétrograder plutôt que de le licencier. La nature des erreurs qu’il commettait, de même que la fréquence des erreurs, ne serait pas acceptable à un niveau inférieur, quel qu’il soit.

[159] Les évaluations du rendement parlent d’elles-mêmes. Sans raison apparente, le fonctionnaire prenait près de trois fois plus de temps pour traiter ses dossiers. Je n’ai pas été impressionné par le commentaire du fonctionnaire selon lequel les dossiers devaient être [traduction] « bouclés pour la veille ». J’accepte le témoignage des témoins de l’employeur, qui ont expliqué comment l’ARC a étudié, pendant de nombreuses années, le type de travail effectué par des examinateurs, comme le fonctionnaire, afin d’établir des normes applicables.

[160] Je n’accepte pas les dires du fonctionnaire selon lesquels il était tenu à la perfection. Rien n’indique que son travail devait satisfaire à une norme de perfection. Certaines des erreurs qu’il a commises ont été reproduites dans ses évaluations du rendement, et les témoins de l’employeur ont affirmé que ces erreurs étaient le résultat d’une négligence. Les montants incorrects, les fautes d’orthographe, les erreurs de calcul et les adresses erronées sont toutes des erreurs qui peuvent être relevées en revérifiant et en relisant les documents. Il semblerait qu’il ne procédait pas toujours à une vérification et à une relecture, pour ne pas dire jamais. Ses superviseurs ont agi de manière raisonnable lorsqu’ils lui ont signalé ces erreurs comme des exemples de ce qu’il devait améliorer.

[161] Je conclus que le fonctionnaire a été assujetti à des indicateurs de rendement appropriés qui lui ont été communiqués à l’avance.

C. L’employeur a-t-il accordé au fonctionnaire un délai raisonnable pour lui permettre de rencontrer les objectifs de travail et les indicateurs de rendement qu’il lui avait fixés?

 

[162] Cinq à six ans est un délai plus que raisonnable. En permettant au fonctionnaire de bénéficier d’une période aussi longue pour améliorer son rendement, l’employeur a fait preuve de beaucoup de patience et de dévouement à vouloir lui donner l’occasion de faire des progrès.

[163] Il existe des parallèles importants entre le présent cas et Kalonji. Dans les deux cas, on s’attendait à ce que les employés soient à l’aise avec leurs fonctions dans une période assez brève; dans Kalonji, il s’agissait d’une période de six mois. Dans le présent cas, il semble que cette période ait été d’environ quatre mois, car ce délai correspond à la période pendant laquelle des étudiants du programme d’enseignement coopératif ont été engagés pour exécuter les mêmes tâches que le fonctionnaire. Mme Armstrong-Kyne et Mme Brugaletta ont toutes deux témoigné que les étudiants, qui ont reçu le même cours d’orientation que le fonctionnaire a suivi à trois reprises, ont obtenu de meilleurs résultats après leur période d’enseignement coopératif de quatre mois. Dans Kalonji, le congédiement a eu lieu après environ 16 mois de suivi du rendement. Dans le présent cas, le fonctionnaire a disposé de cinq années complètes.

[164] La charge de travail du fonctionnaire a été délibérément allégée pour lui permettre de corriger ses problèmes de rendement, mais en vain.

[165] Par conséquent, je conclus que l’employeur a accordé au fonctionnaire un délai raisonnable pour lui permettre de rencontrer les objectifs de travail et les indicateurs de rendement qu’il lui avait fixés.

D. L’employeur a-t-il fourni au fonctionnaire tout l’appui dont il avait besoin pour lui permettre de rencontrer les objectifs de travail et les indicateurs de rendement qu’il lui avait fixés dans le délai qu’il lui a accordé?

 

[166] Le fonctionnaire a témoigné avoir suivi trois fois le cours d’introduction, et M. Cole a dit qu’il était un bon étudiant. La formation était disponible et il en a profité pleinement. M. Coelho a également témoigné qu’il avait délibérément placé le fonctionnaire sous la supervision d’employés très appréciés et dignes de confiance.

[167] Je conclus que le fonctionnaire a reçu toute la formation et l’appui dont il avait besoin pour atteindre les objectifs de travail et les indicateurs de rendement dans le délai fixé par l’employeur.

[168] D’après la preuve qui m’a été présentée, je conclus qu’il était raisonnable pour l’employeur d’estimer que le rendement du fonctionnaire était insuffisant.

[169] Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[170] Le grief est rejeté.

Le 13 juillet 2022.

Traduction de la CRTESPF

James R. Knopp,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.