Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes ont présenté des plaintes en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) dans lesquelles elles ont formulé des allégations d’abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans le choix du processus par l’intimé – l’intimé a tenu un processus de nomination interne annoncé et a créé un bassin de candidats qualifiés dans le cadre duquel les plaignantes se sont qualifiées – elles n’ont pas été contactées pour une entrevue liée à la nomination pour une durée indéterminée puisqu’aucune d’elles n’avait obtenu une note d’au moins 80 % pour les trois compétences sur lesquelles l’intimé a mis l’accent – la Commission a conclu que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir en ce qui concerne la méthode d’évaluation – la Commission a conclu que les éléments de preuve n’étayaient pas l’allégation selon laquelle le favoritisme personnel et la partialité avaient influé sur la sélection de la personne nommée – aucun élément de preuve ne permettait de conclure que l’intimé avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il avait procédé à la nomination – la Commission a déterminé qu’il n’y avait aucune erreur grave constituant un abus de pouvoir – les éléments de preuve n’ont pas démontré un abus de pouvoir dans le choix du processus.

Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Date : 20221013

Dossiers : 771-02-38749, 38750 et 41076

 

Référence : 2022 CRTESPF 86

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

Jacqueline Gabon ET Darlene Marchand

plaignantes

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de l’Environnement)

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Gabon c. Administrateur général (ministère de l’Environnement)

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir déposées aux termes des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Guy Grégoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les plaignantes : Stephen Vanneste, agent des relations de travail

Pour l’intimé : Amita Chandra, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 28, 29 et 30 juin 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Retrait préliminaire d’une plainte

[1] Au début de l’audience, le représentant de Jacqueline Gabon et Darlene Marchand (les « plaignantes ») a informé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») que Mme Gabon souhaitait retirer l’une de ses plaintes, soit celle figurant au dossier 771-02-41076 de la Commission. La Commission a accédé à la demande, a confirmé le retrait et a fermé le dossier.

[2] À la suite de ce retrait, il restait deux plaintes à trancher, soit celles figurant aux dossiers 771-02-38749 et 38750 de la Commission. Même si les plaintes ont été présentées conjointement, chaque plaignante a témoigné au sujet de sa propre plainte.

II. Introduction

[3] En juillet 2015, le ministère de l’Environnement (l’« intimé ») a affiché un processus de nomination interne anticipé et annoncé, portant le numéro 15‑DOE‑IA‑MSC/SMC-NCR/RCN-AO-51575, pour le poste de planificateur(trice)/coordonnateur(trice) de programme (Service météorologique du Canada (SMC)), classifié au groupe et au niveau PC-02 (le « poste de planificateur »). Par la suite, le 6 juin 2018, l’intimé a publié une « Notification de nomination ou de proposition de nomination », qui portait le même numéro de processus et [traduction] « modifiait la durée des fonctions de Troy Beechinor, passant de déterminée à indéterminée ».

[4] En 2015, le processus de sélection initial avait pour but de doter deux postes de façon temporaire, avec des possibilités de mutations ou de nominations pour une période indéterminée, et de créer un bassin de candidats qualifiés qui pourrait éventuellement servir à doter des postes similaires ayant différents mandats, profils linguistiques et exigences de sécurité auprès de l’intimé.

[5] Les plaignantes ont présenté leur candidature, ont été jugées qualifiées et ont été ajoutées au bassin de candidats retenus. Le 5 décembre 2016, la personne nommée a été nommée à un poste d’une durée déterminée, et le 20 juin 2018, la durée des fonctions est passée de déterminée à indéterminée. La nomination de la personne nommée au poste d’une durée indéterminée fait l’objet des présentes plaintes.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les plaignantes n’ont pas étayé leurs allégations selon lesquelles l’intimé a abusé de son pouvoir, en violation des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »). Par conséquent, les plaintes sont rejetées.

[7] La Commission de la fonction publique n’a pas assisté à l’audience, mais elle a présenté des arguments écrits qui traitaient de ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé des plaintes.

III. Résumé des faits et argumentation

[8] Les faits en l’espèce sont assez simples. L’intimé a mené un processus de nomination interne annoncé, créé un bassin de candidats qualifiés et nommé, entre autres, la personne nommée à un poste d’une durée déterminée d’environ 18 mois, avant que la durée de ses fonctions ne passe de déterminée à indéterminée. Les deux plaignantes ont été jugées qualifiées et ajoutées au bassin de candidats.

[9] Les plaignantes ont présenté leurs plaintes respectives à la Commission en juillet 2018, en alléguant que l’intimé avait contrevenu aux alinéas 77(1)a) et b) de la LEFP, parce qu’il y avait eu un abus de pouvoir à la fois dans l’application du principe du mérite et dans le choix du processus.

A. Pour les plaignantes

[10] Mme Gabon s’est plainte de ne pas avoir été retenue aux fins de l’affectation de 18 mois et, par conséquent, de ne pas avoir été retenue pour la nomination d’une durée indéterminée. Dans sa plainte, elle a déclaré qu’elle avait participé à une discussion informelle et que Christine Best, directrice de la Division radar et aérologie et la gestionnaire responsable de l’embauche (la « gestionnaire »), avait commis des erreurs administratives, de sorte que la liste des candidats qualifiés figurant dans le bassin pourrait avoir été inexacte. Cette déclaration est ressortie des documents reçus de la Direction générale des ressources humaines (RH) de l’intimé.

[11] Mme Gabon a affirmé que la gestionnaire avait un souvenir flou de la façon dont les candidats avaient été retenus. Elle a aussi affirmé qu’elle ne savait pas exactement quels renseignements la gestionnaire avait reçus au sujet des candidats occupant des postes classifiés PC-02 qui étaient inscrits dans le bassin. En dernier lieu, la gestionnaire savait que Mme Gabon manifestait un intérêt pour cette possibilité de perfectionnement, mais la gestionnaire était prédisposée à ne pas retenir la candidature de Mme Gabon pour de telles possibilités, compte tenu de l’issue d’une plainte de dotation que Mme Gabon avait déposée un certain temps auparavant.

[12] Mme Marchand a allégué ce qui suit dans sa plainte : [traduction] « J’allègue qu’il y a eu abus de pouvoir, non seulement parce que mes résultats ont été exclus du processus de sélection, mais aussi en raison de l’inconduite qui est associée à une faute intentionnelle […] » Mme Marchand a prétendu que cet élément de preuve était apparu durant la discussion informelle et dans des courriels.

[13] Dans sa plainte, Mme Marchand a fait quatre allégations, que j’ai ainsi résumées :

1. La gestionnaire a exercé son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime. Elle a établi les critères de sélection en faisant abstraction des résultats de Mme Marchand, et elle a éliminé cette dernière sur le fondement de ses études.

 

2. La gestionnaire a agi sur la base de documents inadéquats sans tenir compte des éléments pertinents.

 

3. Mme Marchand a allégué que l’évaluation avait abouti à un résultat inapproprié et que la gestionnaire avait manqué d’impartialité à son égard en affirmant qu’elle n’était pas qualifiée, ayant ainsi fait preuve d’un préjugé à son encontre.

 

4. Mme Marchand a allégué que la gestionnaire avait refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire adéquatement en adoptant une politique qui entravait sa capacité à faire preuve d’ouverture d’esprit dans son examen du cas de Mme Marchand. La gestionnaire a établi des critères de sélection finaux, mais elle a fait abstraction des résultats de Mme Marchand lorsqu’elle a procédé à la nomination au poste d’une durée indéterminée.

 

[14] Il convient de préciser que les plaignantes étaient représentées par un représentant syndical et que tous les trois ont participé à la présentation de leur cas. Je leur ai accordé beaucoup de latitude lorsqu’elles ont présenté leur cas, ce qui a entraîné une certaine confusion durant les témoignages, étant donné que les faits et l’argumentation étaient interreliés. La Commission a entendu beaucoup de témoignages par ouï-dire, qui n’étaient pas toujours pertinents pour trancher le cas et a amené la représentante de l’intimé à soulever un bon nombre d’objections.

[15] J’ai admis la production en preuve de la majorité des témoignages par ouï-dire et des éléments de preuve documentaire, et j’ai invité les parties à aborder la question du poids à accorder à ces éléments de preuve dans leur argumentation finale.

[16] Mme Gabon a présenté la déclaration d’ouverture au nom des plaignantes. Elle a énoncé les arguments qu’elle souhaitait invoquer à l’appui des plaintes. Elle a contesté la méthode d’évaluation que la gestionnaire avait utilisée aux fins des nominations pour une période déterminée et indéterminée, plus particulièrement l’évaluation reposant sur les cinq volets suivants : le classement du candidat, la bonne personne pour le poste, l’entrevue officielle, [traduction] l’« articulation de la sélection » et les conditions d’emploi.

[17] Mme Gabon a contesté le classement global de la méthode d’évaluation, le fait que les connaissances n’aient pas fait l’objet de l’évaluation, l’utilisation d’une entrevue officielle par la gestionnaire pour déterminer la bonne personne pour le poste, l’exigence d’être au bureau quatre jours par semaine, la modification de la durée des fonctions et les erreurs qui ont été commises. Mme Gabon a soutenu qu’il y avait eu abus de pouvoir lors de l’évaluation des plaignantes, puisque les critères de mérite n’ont pas tous fait l’objet de l’évaluation et qu’il y a eu un parti pris contre les plaignantes.

[18] Mme Marchand a témoigné toute une journée. Je n’ai pas l’intention de reproduire l’ensemble de son témoignage, mais seulement les parties pertinentes au cas. À la suite du processus de sélection, Mme Marchand a été jugée qualifiée et on lui a offert une affectation à un poste AS-03, mais elle aurait préféré le poste de planificateur. Elle a témoigné que la gestionnaire avait été affectée ailleurs pendant 18 mois, mais qu’à son retour, elle lui aurait dit qu’elle ne retiendrait pas sa candidature pour le poste de planificateur. La gestionnaire a affirmé que ce poste était d’ordre administratif et qu’il exigeait de coordonner tous les aspects de l’organisation, en plus de gérer le budget et de veiller à l’administration.

[19] À un moment donné pendant le témoignage de Mme Marchand, les plaignantes ont voulu déposer en preuve un document intitulé [traduction] « Rapport sur la violence dans le milieu de travail ». Elles souhaitaient l’utiliser pour présenter le fait que le milieu de travail était toxique. L’intimé s’y est opposé.

[20] Le document était illisible; ses pages étaient doublées, ce qui le rendait incompréhensible. Les plaignantes l’avaient abondamment caviardé, à un point tel que, encore une fois, il était incompréhensible. Compte tenu de son état, j’estime que ce document aurait été préjudiciable à l’intimé, puisqu’il était impossible de le déchiffrer. Je ne doute pas que l’intimé en ait eu connaissance, mais il incombait aux plaignantes de faire valoir leur argumentation et de produire une preuve convaincante à l’appui. Celles‑ci ont eu amplement de temps avant l’audience pour préparer une version lisible du document, la présenter à la Commission et la faire admettre en preuve.

[21] J’ai aussi conclu que la nature du document se rattachait à des question de relations de travail plutôt qu’à la question à trancher, à savoir la nomination pour une période indéterminée. J’ai accueilli l’objection de l’intimé.

[22] Mme Marchand a ensuite longuement témoigné au sujet de sa mauvaise relation de travail avec la gestionnaire, et elle a invoqué de nombreux courriels à l’appui de ses dires. Ces courriels ont été déposés en preuve, mais j’estime qu’en définitive, ils n’aident pas à trancher le différend, puisqu’ils tendent à démontrer que la plaignante aurait pu être une bonne candidate pour le poste, et non qu’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre de la nomination qui a été faite. Je ne m’étendrai pas davantage sur ces courriels puisqu’ils ne sont d’aucune utilité pour trancher la question.

[23] Mme Marchand a témoigné que les notes qui lui avaient été attribuées dans le tableau du processus de sélection avaient été modifiées de manière erronée par rapport à celles figurant dans les tableaux de notation que les plaignantes avaient reçus des RH. Mme Marchand a affirmé que la gestionnaire avait modifié les notes délibérément ou accidentellement, et qu’elle avait été exclue du processus de sélection en raison des critères relatifs aux études. Elle a affirmé que la gestionnaire avait classé les candidats. Elle a été classée cinquième, et elle a soutenu que le classement des candidats retenus n’est plus autorisé.

[24] Les plaignantes ont cité Paige Gilmore à témoigner. Mme Gilmore occupe un poste AS‑02 au bureau de l’intimé chargé de la classification nationale des groupes, et elle est aussi la présidente de la section locale 00709 du Syndicat des travailleurs de la santé et de l’environnement. Elle n’a jamais travaillé au sein du groupe Gestion du personnel (groupe PE) et elle n’a pas non plus participé au processus de sélection. Les plaignantes souhaitaient que Mme Gilmore témoigne et tire des conclusions à titre de témoin expert.

[25] J’ai expliqué les règles concernant le témoignage d’un expert, et j’ai ajouté que le témoin en question ne pouvait pas avoir la qualité d’expert. Mme Gilmore a livré un témoignage d’opinion au sujet des circonstances entourant le processus de nomination en cause, mais elle n’a rendu aucun témoignage qui n’ait pas été également présenté dans les témoignages des plaignantes.

[26] Mme Gabon a voulu témoigner hors caméra pendant la vidéoconférence. Elle a prétendu que la présence de la gestionnaire l’indisposait. L’intimé s’y est opposé, en déclarant que Mme Gabon devait être visible pendant son témoignage. J’ai maintenu l’objection, en indiquant que Mme Gabon devait livrer son témoignage publiquement et que le motif qu’elle avait fourni ne justifiait pas de témoigner hors caméra. Elle a rallumé sa caméra.

[27] Mme Gabon a témoigné à l’appui de sa propre plainte et de celle de Mme Marchand. Elle a témoigné qu’elle avait assisté aux deux discussions informelles qui avaient eu lieu après la nomination. Elle a affirmé qu’il y avait eu une crainte de partialité en raison de l’exigence d’être au bureau quatre jours par semaine, puisque la gestionnaire savait que les plaignantes ne pouvaient pas satisfaire à cette exigence pour des raisons médicales. Elle a affirmé que Mme Best avait inscrit son nom à titre de personne‑ressource sur la Notification de nomination ou de proposition de nomination afin d’intimider les plaignantes. Normalement, il faudrait indiquer le nom d’une personne‑ressource des RH.

[28] Dans son argumentation finale, le représentant des plaignantes a soutenu qu’il y avait eu une crainte de partialité. Même si cette partialité était involontaire, elle constituait néanmoins un abus de pouvoir (voir Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29). Le représentant a aussi fait renvoi à Gabon c. Sous-ministre d’Environnement Canada, 2012 TDFP 29, pour illustrer les références défavorables de Mme Best à l’égard de la plaignante, afin de démontrer une tendance de comportement désavantageux.

[29] Le représentant des plaignantes a aussi soutenu que le classement des candidats n’est plus autorisé, conformément à Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 20, au paragraphe 56, et à Aucoin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2006 TDFP 12. Le représentant des plaignantes a aussi soutenu que Mme Best avait manipulé les notes afin d’éviter de nommer l’une des plaignantes, soit Mme Marchand, ayant ainsi contrevenu à l’exigence de nommer la bonne personne pour le poste. Le représentant a soutenu que l’intimé avait aussi personnalisé l’exigence de façon à favoriser la personne nommée, ce qui constituait du favoritisme. Le représentant a soutenu que la question du télétravail était à l’origine de la rupture des relations entre Mme Best et Mme Marchand. Le représentant a affirmé que le commentaire selon lequel la personne nommée accomplissait un [traduction] « travail remarquable » n’était pas un critère de sélection permettant de déterminer la bonne personne pour le poste. Il a soutenu que Mme Best avait un parti pris inconscient en faveur de la personne nommé, parce que cette personne avait des antécédents militaires comme d’autres personnes de sa connaissance telles que son beau‑frère.

[30] Mme Gabon et Mme Marchand ont toutes les deux demandé que leurs prénoms soient supprimés de la page titre de la présente décision. Elles estimaient que la publication de leurs prénoms fournirait trop de renseignements à leur sujet, que l’une d’elles a été harcelée, et que cela soulèverait une question de protection de la vie privée dans un environnement numérique effrayant.

B. Pour l’intimé

[31] L’intimé a cité un seul témoin, soit Mme Best, qui était la gestionnaire. Mme Best a témoigné qu’elle est gestionnaire depuis de nombreuses années, qu’elle occupe un poste EX-01 depuis 2010, et qu’elle a administré plus de 60 mesures de dotation ou y a participé. Elle a témoigné que le poste de planificateur était de nature administrative et qu’il concernait les scientifiques des parcs éoliens.

[32] Mme Best a expliqué le processus qu’elle a suivi pour procéder à la nomination pour une période indéterminée en puisant dans le bassin de candidats qualifiés. Dès qu’elle a obtenu l’approbation du Comité des directeurs généraux du SMC pour procéder à la nomination pour une période indéterminée, elle a communiqué avec les RH au sujet de l’utilisation du bassin PC-02.

[33] Le rapport de sélection a été déposé en preuve et il a été qualifié de [traduction] « rapport taché de café ». Mme Best a témoigné que les nominations pour une période déterminée et une période indéterminée avaient été faites à même ce bassin sur le fondement de ce rapport. Mme Best a témoigné qu’elle n’avait pas participé à la création du tableau du processus de sélection et que celui‑ci avait été transmis par les RH. Elle a ajouté que les notes manuscrites figurant dans le rapport taché de café sont les siennes; elle les a rédigées au moment de l’évaluation des candidats de ce bassin.

[34] Étant donné que les candidats figurant dans le bassin avaient déjà été jugés qualifiés, Mme Best n’a pas réévalué leurs qualifications essentielles telles que les connaissances, mais elle s’est plutôt concentrée sur les compétences, qui étaient les cinq suivantes : la communication, l’adaptabilité, la collaboration, l’orientation client et la réflexion. Mme Best a déterminé que trois de ces compétences constituaient des atouts essentiels : l’adaptabilité, la collaboration et la réflexion. Elle a défini l’« adaptabilité » comme étant la capacité de s’adapter à des scénarios en constante évolution, la « collaboration » comme étant l’objet essentiel du poste, et la « réflexion » comme étant l’exercice du jugement.

[35] Mme Best a alors déterminé quels candidats figurant sur la liste avaient obtenu une moyenne de 80 p. 100 pour les cinq atouts. Ensuite, elle a déterminé quels candidats avaient obtenu une moyenne de 80 p. 100 ou plus pour les trois atouts sur lesquels elle s’était concentrée. Elle a affirmé avoir procédé ainsi afin de réduire la liste des candidats potentiels. Mme Best a aussi déterminé, à titre de besoin opérationnel, que le candidat retenu devait travailler au bureau quatre jours sur cinq.

[36] À ce stade, Mme Best a invité les candidats à passer une entrevue, ce que certains ont refusé. La personne nommée a accepté d’être reçue en entrevue. Il a été conclu que cette personne répondait aux exigences en matière de compétences et qu’elle possédait des compétences polyvalentes. Mme Best a déclaré que cette personne avait des références [traduction] « exceptionnelles ». Mme Best a témoigné qu’elle ne connaissait pas la personne nommée avant le processus de sélection applicable à la nomination pour une période déterminée. Il a été conclu que la personne nommée était la bonne personne pour le poste.

[37] Mme Best a confirmé qu’elle avait utilisé un système de groupes pour évaluer les candidats, mais qu’elle n’avait pas classé ceux‑ci, comme les plaignantes l’ont allégué. Mme Best a témoigné au sujet des autres tableaux de sélection que les RH avaient divulgués aux plaignantes et des différences que ceux‑ci contenaient. Elle a affirmé qu’elle ne les avait pas préparés, qu’elle n’était pas responsable des différences et qu’elle ne les avait pas utilisés dans son évaluation. Mme Best a affirmé qu’elle avait utilisé seulement le rapport taché de café, qu’elle n’avait pas manipulé les résultats de quelque façon que ce soit, et qu’elle les avait appliqués tels qu’elle les avait reçus des RH.

[38] Mme Best a témoigné que la nomination initiale avait été faite pour une période déterminée parce qu’à ce moment‑là, le poste était occupé; s’il ne l’avait pas été, la nomination pour une période indéterminée aurait été faite à ce moment‑là.

[39] La représentante de l’intimé a fait valoir dans son argumentation que la définition du favoritisme proposée par les plaignantes ne correspond pas à ce qui est prévu dans la LEFP, et qu’il faut plus qu’une simple erreur pour conclure au favoritisme. Elle a fait valoir que les allégations ne constituent pas des éléments de preuve. Elle a soutenu que Mme Best avait fait preuve d’un bon jugement dans le cadre du processus d’évaluation et qu’elle avait agi dans les limites de son pouvoir discrétionnaire et de son autorité.

IV. Motifs

[40] Selon l’article 77 de la LEFP, un candidat non retenu dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir.

[41] L’« abus de pouvoir » n’est pas défini dans la LEFP. Toutefois, le paragraphe 2(4) prévoit ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » Comme il est indiqué dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, l’abus de pouvoir peut aussi comprendre une conduite irrégulière ou des omissions importantes. Dans une plainte d’abus de pouvoir, le fardeau de la preuve incombe au plaignant (voir Tibbs, aux par. 48 à 55, et Davidson c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 226, au par. 27).

1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans le cadre de l’application du principe du mérite?

[42] Les plaintes ont été déposées en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui fait renvoi au paragraphe 30(2). Ces dispositions sont ainsi rédigées :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

77 (1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may — in the manner and within the period provided by the Board’s regulations — make a complaint to the Board that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2); […]

(a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise of its or his or her authority under subsection 30(2) ….

[…]

 

30 (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

30 (2) An appointment is made on the basis of merit when

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

(a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head, including official language proficiency; and

b) la Commission prend en compte :

(b) the Commission has regard to

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(i) any additional qualifications that the deputy head may consider to be an asset for the work to be performed, or for the organization, currently or in the future,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(ii) any current or future operational requirements of the organization that may be identified by the deputy head, and

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

(iii) any current or future needs of the organization that may be identified by the deputy head.

 

[43] En qualité de formation de la Commission, mon rôle ne consiste pas à réévaluer les candidats, mais plutôt à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination (voir Vaudrin c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 19, au par. 65, et Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 20, au par. 54).

[44] Au moment de procéder à des nominations, l’article 36 de la LEFP permet à un gestionnaire responsable de l’embauche d’utiliser la méthode d’évaluation qu’il estime indiquée pour déterminer si une personne possède les qualifications requises. Cet article est ainsi rédigé :

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

36 In making an appointment, the Commission may use any assessment method, such as a review of past performance and accomplishments, interviews and examinations, that it considers appropriate to determine whether a person meets the qualifications referred to in paragraph 30(2)(a) and subparagraph 30(2)(b)(i).

 

[45] Dans Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 11, le prédécesseur de la Commission, soit le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), a indiqué ce qui suit :

77 L’article 36 de la LEFP prévoit que l’administrateur général peut avoir recours à toute méthode d’évaluation indiquée dans un processus de nomination interne. Pour que le Tribunal considère qu’il y ait abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation, la plaignante doit démontrer que le résultat est inéquitable et que les méthodes d’évaluation sont déraisonnables et ne peuvent évaluer les qualifications prévues à l’énoncé des critères de mérite, qui n’ont aucun lien avec ceux-ci ou qu’elles sont discriminatoires.

 

[46] Le processus de sélection initial ne fait pas l’objet des plaintes et il dépassait la portée de l’audience. Les plaintes portent uniquement sur la nomination de la personne nommé pour une période indéterminée.

[47] Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, éclaire passablement l’analyse des circonstances du présent cas. Cette décision reconnaît que le législateur a choisi de s’éloigner de l’ancien régime de dotation et de fournir aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire substantiel.

[48] Dans le présent cas, la gestionnaire a eu recours à un bassin de candidats qualifiés qui incluait les deux plaignantes, puis elle a effectué une analyse afin de déterminer le bon candidat pour le poste. Elle a calculé la moyenne des cinq compétences, après quoi elle s’est concentrée sur les trois compétences qu’elle avait estimé être les plus pertinentes au poste. Ensuite, la gestionnaire a dressé une liste, a communiqué avec les candidats aux fins d’entrevues et a arrêté sa décision. Il a été souligné que certains candidats avaient refusé l’invitation à une entrevue et que d’autres l’avaient accepté. Finalement, la gestionnaire a nommé une personne pour une période indéterminée.

[49] J’estime que, dans la méthode d’évaluation, rien ne peut même laisser croire à un abus de pouvoir. Les plaignantes n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, leur allégation selon laquelle la gestionnaire avait adapté les exigences en matière d’atouts. Il relevait du pouvoir discrétionnaire de la gestionnaire de déterminer les compétences essentielles pour occuper le poste, et celle‑ci a mis l’accent sur ces compétences en recherchant les candidats qui avaient obtenu une note de 8 sur 10. Les compétences auxquelles la gestionnaire a eu recours étaient les mêmes que celles qu’elle avait évaluées initialement; elle ne les a aucunement modifiées.

[50] Visca indique qu’il n’est plus exigé de classer les candidats, mais que rien n’empêche un gestionnaire de le faire. Sous l’ancien régime de dotation, le classement servait à appliquer le principe du mérite, dans la mesure où la personne classée première serait nommée, puis la deuxième, et ainsi de suite. Aujourd’hui, il n’en va plus ainsi — un gestionnaire peut choisir, parmi tous les candidats qualifiés : « […] la personne qui, selon son jugement, est la bonne personne pour occuper le poste » [le passage en évidence l’est dans l’original] (voir Visca, au par. 44).

[51] En se fondant sur Broughton, les plaignantes ont soutenu que le classement des candidats dans le cadre d’un processus de sélection n’est plus autorisé. Toutefois, le paragraphe 56 de cette décision, qui cite le paragraphe 43 de Aucoin, indique ce qui suit : « La LEFP n’exige plus l’établissement de classement entre les candidats […] ». C’est très différent de l’interdiction de classer les candidats. De plus, Visca confirme que rien n’empêche un gestionnaire de classer les candidats.

[52] Un gestionnaire a le pouvoir discrétionnaire d’établir les besoins opérationnels, qui consistaient, dans le présent cas, à assurer une présence physique au bureau quatre jours par semaine. Les plaignantes ne m’ont pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que cette exigence visait à les disqualifier parce qu’elles auraient pu avoir besoin d’une mesure d’adaptation accordée sous la forme du télétravail. Au lieu de cela, la gestionnaire a expliqué pourquoi il était exigé que la personne nommée soit présente au bureau.

[53] Je ne trouve aucune preuve selon laquelle l’intimé a appliqué des lignes directrices rigides, qu’il a entravé son pouvoir discrétionnaire ou qu’il n’a pas fait preuve d’ouverture d’esprit lorsqu’il a pris sa décision. La preuve a établi que la personne nommée avait été choisie à partir d’un bassin de candidats qualifiés. La gestionnaire a choisi de mettre l’accent sur les compétences qu’elle avait estimé appropriées pour identifier le bon candidat pour le poste, puis elle a procédé à la nomination. Le fardeau d’établir qu’il y avait eu abus de pouvoir, selon la prépondérance des probabilités, incombait aux plaignantes. J’estime que celles‑ci n’ont pas démontré que l’exigence d’être physiquement présent au bureau quatre jours sur cinq constituait de la partialité en faveur de la personne nommée.

[54] De plus, j’estime que je ne peux pas substituer mon opinion à celle de la gestionnaire; celle‑ci détenait le pouvoir discrétionnaire et il s’agissait de sa décision. Je ne peux intervenir que si je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu un abus de pouvoir. Dans le présent cas, je ne suis pas convaincu. Selon la méthode utilisée par la gestionnaire, les plaignantes n’ont pas été invitées à passer une entrevue aux fins de la nomination pour une période indéterminée parce qu’elles n’avaient pas obtenu une note de 80 p. 100 ou plus pour les trois compétences que la gestionnaire avait ciblées (adaptabilité, collaboration et réflexion). Je conclus qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir.

[55] Mme Marchand a affirmé qu’une erreur avait été commise à l’égard de ses études. L’intimé a confirmé que cette erreur avait été corrigée et que Mme Marchand avait finalement été inscrite dans le bassin de candidats qualifiés lors du processus de sélection initial. J’estime que cette erreur n’a eu aucune répercussion sur le cas à trancher, et qu’elle n’a pas non plus été déterminante pour la nomination qui a été faite.

[56] Dans Tibbs, le TDFP a indiqué ce qui suit :

[…]

65 Il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. Par exemple, en vertu de l’article 67 de la LEFP, les motifs de révocation d’une nomination par un administrateur général après une enquête sont l’erreur, l’omission et une conduite irrégulière. Ces motifs de révocation sont clairement moins élevés que ceux requis en vue de constater un abus de pouvoir. Le choix de différents mots par le législateur est important : Sullivan et Driedger, supra, à la p. 164. L’abus de pouvoir constitue plus qu’une simple erreur ou omission.

[…]

73 L’abus de pouvoir constitue plus que simplement des erreurs ou omissions. Cependant, le fait que le délégué se fonde sur des éléments insuffisants, ou qu’il ait pris des mesures déraisonnables ou discriminatoires par exemple peut constituer des erreurs graves ou des omissions importantes qui équivalent à un abus de pouvoir, même si involontaire.

[…]

 

[57] Dans le présent cas, l’erreur touchant Mme Marchand, qui avait trait au critère des études, a été relevée et corrigée, comme je l’ai mentionné. Par conséquent, l’argument de l’abus de pouvoir ne tient pas, et il m’est impossible de conclure que cette argument établit qu’il y a eu abus de pouvoir.

[58] Le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Lors de l’établissement d’un processus de nomination, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation; si c’est le cas, la Commission peut conclure à l’existence d’un abus de pouvoir (voir Gignac c. Sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10; Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33, et Hansen c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2022 CRTESPF 9).

[59] La preuve indique que la gestionnaire ne connaissait pas la personne nommée avant le processus de sélection initial. De plus, la gestionnaire a réexaminé la candidature des candidats qualifiés dans le bassin en fonction de leurs réalisations reposant sur trois compétences essentielles. À mon avis, la méthodologie semble être objective. Dans le présent cas, j’estime que les plaignantes n’ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part de l’intimé. Je conclus qu’il n’y a aucune preuve à l’appui d’une allégation de partialité en faveur de la personne nommée ou à l’encontre des plaignantes.

[60] La LEFP fait explicitement renvoi au favoritisme personnel, qui est distinct du favoritisme. Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, au paragraphe 39, a souligné la différence en ces termes :

[39] [...] Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[61] Au paragraphe 41 de Glasgow, le TDFP a en outre expliqué ce qui suit :

[41] Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

 

[62] Les plaignantes ont allégué que l’intimé avait fait preuve de partialité en faveur de la personne nommée parce que celle‑ci avait servi dans l’armée. Elles ont affirmé que la gestionnaire avait un beau‑frère qui avait aussi servi dans l’armée et qu’elle avait tiré une conclusion favorable à l’égard de la personne nommée. J’estime que ce commentaire n’atteint pas le niveau requis pour satisfaire à la définition de favoritisme personnel. Selon la preuve, la gestionnaire a utilisé une méthode objective qui a mené à la nomination.

[63] Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu’il n’y a pas eu de favoritisme personnel en faveur de la personne nommée.

[64] Mme Gabon a présenté une décision du TDFP qui la concernait, soit Gabon c. Sous‑ministre d’Environnement Canada, 2012 TDFP 29, afin d’établir l’existence d’une tendance à un comportement désavantageux de la part de Mme Best à son égard. À l’audience, j’ai expliqué que les décisions antérieures sont présentées à la Commission pour démontrer un principe de droit ou une interprétation particulière d’un élément donné, qu’il s’agisse d’un événement ou de l’interprétation d’une loi. À ce titre, une décision antérieure ne peut pas, en soi, constituer une preuve factuelle dans le présent cas.

[65] Mme Gabon a eu la possibilité de contre‑interroger Mme Best à l’audience, afin de démontrer l’existence du comportement désavantageux qu’elle avait allégué. Par l’intermédiaire de son représentant, elle n’a pas produit, selon la prépondérance des probabilités, des éléments de preuve convaincants qui auraient établi le comportement désavantageux allégué envers elle. J’estime qu’une décision rendue antérieurement par la Commission ne démontre pas en soi, selon la prépondérance des probabilités, que le comportement persiste. Chaque cas est différent, et les plaignantes devaient établir selon la prépondérance des probabilités qu’il y avait eu un abus de pouvoir. Je conclus qu’elles n’y sont pas parvenues.

2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans le choix du processus?

[66] Les plaintes ont aussi été présentées en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP, qui prévoit le droit de recours suivant lorsque le choix du processus de nomination est en litige :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

77 (1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may — in the manner and within the period provided by the Board’s regulations — make a complaint to the Board that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

[…]

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas; […]

(b) an abuse of authority by the Commission in choosing between an advertised and a non-advertised internal appointment process ….

 

[67] L’article 33 de la LEFP prévoit également ce qui suit : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. » Dans le présent cas, l’intimé s’est appuyé sur un bassin de candidats qualifiés pour effectuer une nomination pour une période déterminée. J’estime qu’il était raisonnable et loisible pour l’intimé de procéder comme il l’a fait lors de la deuxième nomination, qu’il a qualifiée de [traduction] « modification de la durée des fonctions ». Encore une fois, il incombait aux plaignantes d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de l’intimé de procéder comme il l’a fait constituait un abus de pouvoir. Je conclus que les plaignantes ne se sont pas acquittées de leur fardeau.

3. Demande d’anonymisation

[68] Les plaignantes ont demandé que leurs prénoms soient supprimés de la page titre de la présente décision. Comme je l’ai mentionné, elles estimaient que la publication de leurs prénoms fournirait trop de renseignements à leur sujet, que l’une d’elles a été harcelée, et que cela soulèverait une question de protection de la vie privée dans un environnement numérique effrayant.

[69] La Commission respecte le principe de transparence judiciaire et applique le critère « Dagenais/Mentuck » (conformément à Dagenais c. Société Radio‑Canada, [1994] 3 R.C.S. 835 et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76) pour déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une ordonnance de confidentialité.

[70] Le critère à appliquer pour pouvoir accorder une ordonnance de confidentialité a été énoncé dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, et il a récemment été reformulé par la Cour suprême du Canada dans Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, en ces termes :

[…]

[38] […] la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité doit établir que :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[…]

 

[71] Compte tenu des arguments que les plaignantes ont soulevés à l’appui d’une ordonnance d’anonymisation partielle de la présente décision, j’ai conclu que la publication de leurs prénoms ne posait aucun risque sérieux pour un intérêt public important, hormis l’inconfort découlant de la publicité liée à l’association de leurs noms à une affaire. Par conséquent, je rejette la demande d’anonymisation partielle de l’intitulé de la cause.

[72] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

 


V. Ordonnance

[73] Les plaintes sont rejetées.

Le 13 octobre 2022.

Traduction de la CRTESPF

Guy Grégoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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