Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20221012

Dossier: 566‑02‑12620

 

Référence: 2022 CRTESPF 85

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Jeanette McDonald Corbin

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

employeur

Répertorié

McDonald Corbin c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Nairra Tariq et Tony Micallef‑Jones, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Peter Doherty, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 17 et 18 mai 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Jeanette McDonald Corbin, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») est une évaluatrice médicale qui travaille pour Emploi et Développement social Canada (EDSC). Elle est classée au sein du Groupe des sciences infirmières (NU). Par conséquent, elle fait partie de l’unité de négociation des Services de santé (SH) représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC).

[2] Le présent grief porte sur l’admissibilité de la fonctionnaire à une indemnité de formation ayant trait au groupe NU. Le grief a été présenté à EDSC le 7 mai 2015 et a été renvoyé à l’arbitrage le 7 juin 2016. La convention collective du groupe SH qui était en vigueur lorsque le grief a été déposé est celle conclue entre l’IPFPC et le Conseil du Trésor (l’« employeur ») qui est venue à échéance le 30 septembre 2014 (la « convention collective »).

[3] La disposition pertinente de la convention collective est intitulée « Appendice “B” Indemnités de formation – Groupe sciences infirmières ». L’appendice B prévoit une augmentation annuelle des taux de rémunération pour les employés du groupe NU qui ont suivi une formation supplémentaire au‑delà d’un diplôme en soins infirmiers. Tel que cela sera décrit dans les motifs qui suivent, l’indemnité de formation compte sept niveaux progressifs, commençant à 605 $ par année (pour un cours reconnu de formation spécialisée), et passant à 3 850 $ par année (pour une maîtrise en sciences infirmières ou l’équivalent). Les indemnités sont payables lorsque la formation en sciences infirmières ou d’instruction postsecondaire en sciences infirmières sont « […] utilisés dans l’exercice de leurs fonctions […] ».

[4] Avant de déposer son grief, Mme McDonald Corbin avait suivi un cours en sciences infirmières au George Brown College intitulé, [traduction] « Théorie relative à la salle d’opération, laboratoire et stage ».

[5] La fonctionnaire a fait valoir que ce cours satisfait aux critères de l’indemnité de formation et qu’elle devrait recevoir l’indemnité de formation au premier niveau (605 $ par année).

 

[6] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire n’est pas admissible à l’indemnité de formation parce que le cours qu’elle avait suivi n’est pas utilisé dans l’exercice de ses fonctions en tant qu’évaluatrice médicale et n’ajoutait aucune valeur au‑delà de son diplôme de base en sciences infirmières.

[7] Pour les motifs énoncés ci‑dessous, le grief est accueilli. La fonctionnaire a droit à l’indemnité de formation au montant de 605 $ par année.

II. Résumé de la preuve

[8] Les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents composé de 16 onglets.

[9] La fonctionnaire a témoigné en son nom.

[10] L’employeur a appelé deux témoins :

· Au moment des événements en litige, Kathryn Hitchcock était une directrice régionale du programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) et la gestionnaire qui a reçu la demande d’indemnité de formation de la fonctionnaire et qui a répondu au grief au premier palier. Au moment de l’audience, elle était à la retraite de la fonction publique.

· Au moment des événements en litige, Isabel MacNeil était une gestionnaire principale des opérations à l’administration centrale nationale d’EDSC. Au moment de l’audience, elle était une gestionnaire principale de la division d’EDSC qui traite les appels relatifs aux prestations du RPC et de la Sécurité de la vieillesse (SV).

 

A. Les faits non contestés

[11] Selon l’énoncé conjoint des faits et les témoignages des témoins, les faits décrits ci‑dessous ne sont pas contestés :

· Du 2 septembre au 10 décembre 2003, la fonctionnaire a suivi un cours à temps plein au George Brown College intitulé, [traduction] « Théorie relative à la salle d’opération, laboratoire et stage (NURS 4045) ».

· La fonctionnaire a commencé à travailler en tant qu’évaluatrice médicale pour EDSC en 2007.

· À la suite de décisions rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne (voir, entre autres, Walden c. Développement social Canada, 2009 TCDP 16), un nouveau sous‑groupe a été créé pour les évaluateurs médicaux au sein du groupe NU, à compter de 2011. Le nouveau sous‑groupe a été nommé NU‑EMA. Les évaluateurs médicaux ont ensuite été transférés du groupe Services des programmes et de l’administration (PA), représenté par l’Alliance de la Fonction publique du Canada, au groupe NU, représenté par l’IPFPC.

· En 2013, la fonctionnaire a présenté une demande d’indemnité de formation en vertu de l’appendice B de la convention collective en fonction du cours qu’elle avait suivi au George Brown College. Le 5 juin 2013, sa demande a été refusée.

· Le 22 janvier 2015, la fonctionnaire a présenté une deuxième demande d’indemnité de formation, citant également le cours du George Brown College.

· Le 1er avril 2015, Mme Hitchcock a refusé la deuxième demande d’indemnité de formation.

· Le 7 mai 2015, la fonctionnaire a déposé le présent grief en affirmant que l’employeur avait déraisonnablement refusé sa demande d’indemnité de formation et que la décision de Mme Hitchcock n’était ni transparente ni cohérente dans son exécution.

· Entre juin 2015 et mai 2016, le grief a été rejeté au premier, au deuxième et au dernier paliers de la procédure de règlement des griefs d’EDSC.

· Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 7 juin 2016.

 

[12] Les évaluateurs médicaux sont chargés d’examiner les demandes de prestations d’invalidité du RPC. Ces demandes sont soumises à un processus à deux étapes. Il y a un examen administratif des gains et des cotisations au RPC afin de déterminer si le demandeur satisfait aux critères financiers requis. La demande est ensuite examinée par un évaluateur médical, qui examine l’ensemble du dossier, y compris les rapports médicaux, afin de déterminer si le demandeur satisfait aux critères pour toucher des prestations d’invalidité du RPC. Avant de rendre sa décision, l’évaluateur peut demander des rapports médicaux secondaires, l’historique médical, les rapports de spécialiste, les rapports d’accidents des véhicules automobiles et les demandes d’indemnisation des accidentés du travail.

[13] Lorsque les prestations d’invalidité du RPC sont refusées, un demandeur peut demander un nouvel examen. Les évaluateurs médicaux effectuent également ces nouveaux examens. Les demandeurs peuvent également interjeter appel d’une demande refusée auprès d’un tribunal d’appel (maintenant le Tribunal de la sécurité sociale). Les évaluateurs médicaux présentent des observations à ce tribunal.

[14] La description de travail de l’évaluateur médical (date d’entrée en vigueur le 1er octobre 2011) énumère les résultats suivants en matière de service à la clientèle :

[Traduction]

[…]

La gestion des cas d’évaluation médicale, y compris l’évaluation de renseignements médicaux et non médicaux, pour déterminer l’admissibilité des clients* aux programmes ministériels, comme le Régime de pensions du Canada (RPC), la Sécurité de la vieillesse (SV) et les Prêts d’études canadiens (PEC).

Pour l’application de la présente description de travail, le terme « clients » désigne les demandeurs et les bénéficiaires.

[…]

 

[15] Je soulignerai deux des multiples principales activités énumérées dans la description de travail :

[Traduction]

[…]

Gérer les cas, examiner et analyser les demandes de prestations des clients et les documents médicaux et non médicaux à l’appui pour évaluer la preuve et rendre des décisions cohérentes et durables relatives à l’admissibilité initiale, réexaminée et continue des demandeurs aux programmes ministériels.

[…]

Évaluer et réévaluer les besoins et les capacités des clients en fonction de leur état de santé et de leur situation de vie et évaluer leur potentiel de réadaptation professionnelle en fonction de facteurs comme l’âge, les études et la formation, la situation financière, la réponse au traitement, le diagnostic et le pronostic, et la motivation; évaluer le potentiel de retour au travail futur et/ou prévu des clients.

[…]

 

[16] Les exigences en matière de connaissances du poste qui sont particulièrement pertinentes pour le présent grief se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Le travail exige des connaissances spécialisées associées à l’admissibilité à l’inscription à titre d’infirmier autorisé, pour évaluer les renseignements médicaux et non médicaux pour déterminer l’admissibilité des clients à un programme du gouvernement fédéral et pour exécuter les programmes et les services.

[…]

[Je mets en évidence]

 

B. Preuve de la fonctionnaire

[17] Mme McDonald Corbin a témoigné qu’elle a occupé le poste d’évaluatrice médicale avec un diplôme en sciences infirmières. À la date de l’audience, elle comptait 14 ans d’expérience dans le rôle. Elle a témoigné qu’elle doit bien comprendre les gains et les cotisations au RPC. Elle examine ensuite les renseignements médicaux figurant au dossier afin de déterminer si le client satisfait aux critères d’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC, soit que l’invalidité est grave et prolongée.

[18] La fonctionnaire a confirmé le contenu du programme et les objectifs du cours qu’elle a suivi en 2003 au George Brown College. Voici l’énoncé de mission du cours : [traduction] « […] préparer les infirmiers et les infirmières à fonctionner de manière compétente dans le milieu périopératoire à un niveau d’entrée. »

[19] La fonctionnaire a témoigné qu’après avoir suivi ce cours, elle est mieux en mesure de comprendre la façon dont les chirurgiens travaillent avec différents types d’équipement. Le cours l’a aidée à comprendre l’effet de la cautérisation pour éviter la perte sanguine. Elle comprend les effets néfastes de l’électrochirurgie et la façon dont elle peut causer des brûlures. Le cours l’aide à comprendre les différents types de chirurgies, ainsi que les complications possibles.

[20] Elle a affirmé que la nature pratique du cours lui a permis de connaître ce qu’elle ne pouvait apprendre d’un manuel. En lisant les objectifs du cours, la fonctionnaire a dit qu’elle avait appris au sujet de la prévention des infections, de la classification chirurgicale, de qui fait quoi pendant la chirurgie, de la transmission des infections et des activités routinières pour interrompre la transmission de microbes.

[21] La fonctionnaire a témoigné qu’une grande partie des dossiers qu’elle examine porte sur les chirurgies et qu’elle examine les rapports sur les chirurgies. En préparation à l’audience, elle a examiné ses 20 derniers dossiers, dont 13 comportaient des rapports sur les chirurgies.

[22] La fonctionnaire a également fait référence à une observation qu’elle avait présentée lors de l’audition de son grief au deuxième palier, énumérant plus de 30 exemples permettant d’établir un lien entre le contenu du cours et les dossiers d’invalidité du RPC. Elle a témoigné que le cours sur les chirurgies lui a permis d’acquérir des connaissances plus approfondies des procédures chirurgicales que de nombreux clients doivent subir et les risques et conséquences de la chirurgie aux fins de rétablissement. Elle a dit que le cours lui a permis d’obtenir des renseignements utiles qui l’aident à être une meilleure évaluatrice médicale.

[23] En contre‑interrogatoire, Mme McDonald Corbin a été interrogée au sujet des objectifs du cours figurant au plan de cours qui portent sur les compétences pratiques associées au poste d’infirmier ou d’infirmière. Elle a confirmé qu’à titre d’évaluatrice médicale, elle n’a pas à se frotter, à porter une chemise ou des gants, à nettoyer les instruments chirurgicaux, à donner des instruments à un chirurgien ou à mettre en place une salle d’opération. Elle a confirmé que le cours visait à enseigner des compétences pratiques aux infirmiers et aux infirmières qui travaillent dans les salles d’opération et la façon d’exercer ce rôle en toute sécurité. Elle a confirmé que la description de travail ne fait aucune référence aux compétences techniques en salle d’opération.

C. Témoignage de Mme Hitchcock

[24] Mme Hitchcock a témoigné que les évaluateurs médicaux utilisent leur formation médicale pour déterminer l’admissibilité au RPC. Elle a déclaré que bon nombre d’entre eux possèdent une expérience pratique dans le domaine ou ont travaillé dans des milieux cliniques avant de se joindre à EDSC. Elle a dit que lorsque les évaluateurs médicaux ont été transférés en vertu de la convention collective du groupe SH, l’indemnité de formation a été adoptée afin de fournir une indemnité nécessaire à l’exercice des fonctions. Elle prévoit une indemnité supplémentaire pour les employés titulaires d’un baccalauréat en sciences infirmières, une maîtrise en sciences infirmières ou qui ont suivi des cours pertinents ou une combinaison de cours, contrairement aux évaluateurs médicaux qui ne sont titulaires d’aucun de ces diplômes.

[25] Mme Hitchcock a témoigné que son rôle consistait à recevoir et à traiter les demandes d’indemnité de formation présentées par les évaluateurs médicaux dans le secteur du pays où la fonctionnaire travaillait. Elle a dit qu’elle avait reçu la demande de janvier 2015 de la fonctionnaire. Elle a témoigné qu’elle ne possédait pas le pouvoir délégué d’approuver la demande et qu’elle l’a donc envoyé à la direction générale des opérations d’EDSC, qui aurait examiné la demande et le plan de cours. La direction générale des opérations n’a pas approuvé la demande. Il s’agissait donc du rôle de Mme Hitchcok de communiquer le refus à Mme McDonald Corbin. Dans sa lettre de refus, elle a déclaré [traduction] « La demande de cours que vous avez présentée – Théorie relative à la salle d’opération, laboratoire et stage – n’est pas requise pour exercer les fonctions du poste et, par conséquent, il ne satisfait pas aux critères. »

[26] Mme Hitchcock a également répondu au grief au premier palier. Elle s’est rappelé que la fonctionnaire lui avait fourni des renseignements supplémentaires. Elle s’est souvenue d’avoir discuté du grief avec l’administration centrale nationale et que cette dernière ne voulait pas changer d’avis. Par conséquent, elle a rejeté le grief.

D. Témoignage de Mme MacNeil

[27] Mme MacNeil a témoigné qu’en 2015, elle était chargée de l’orientation fonctionnelle et de la surveillance opérationnelle du programme de prestations d’invalidité du RPC. Dans le cadre de ce rôle, elle surveillait la mise en œuvre de la décision Walden. Elle faisait partie d’une équipe de quatre personnes chargées de la mise en œuvre de la rémunération rétroactive associée à la décision et de l’application de l’indemnité de formation aux évaluateurs médicaux.

[28] Mme MacNeil a participé à l’élaboration de la description de travail des évaluateurs médicaux. Elle a témoigné que les évaluateurs devaient être des infirmiers et des infirmières autorisés dans la province où ils exercent leur profession. Cela exigeait auparavant un diplôme collégial, mais elle a dit qu’à compter de 2005, la plupart des provinces ont commencé à convertir leurs programmes, exigeant un baccalauréat en sciences infirmières pour devenir un infirmier ou une infirmière autorisés.

[29] Mme MacNeil a souligné que les évaluateurs médicaux doivent posséder à la fois des connaissances médicales et des connaissances législatives, car leurs décisions concernant les demandes de prestations doivent répondre à la fois aux exigences médicales et aux exigences législatives.

[30] Mme MacNeil a témoigné qu’elle avait également participé à la conception du processus d’examen des demandes de l’indemnité de formation pour les évaluateurs médicaux. Elle a dit qu’après 2013, EDSC a dû traiter environ 400 de ces demandes. Elle a dit que lorsqu’un évaluateur médical ou une évaluatrice médicale demandait l’indemnité parce qu’il ou elle détenait un baccalauréat ou une maîtrise en sciences infirmières, le pouvoir d’approuver l’indemnité était délégué à la baisse au niveau de directeur régional (c.‑à‑d. le niveau de Mme Hitchcock). Les directeurs pourraient également refuser une demande pour un cours d’une durée inférieure à trois mois. Dans tous les autres cas, le directeur régional devait formuler une recommandation à l’administration centrale, où elle serait examinée par Mme MacNeil et son directeur général, afin d’assurer une application cohérente de l’appendice.

[31] Mme MacNeil a témoigné au sujet du contenu d’un document de politique de 2013 qui a été communiqué aux évaluateurs médicaux et utilisé par les gestionnaires dans le cadre du processus d’examen des demandes d’indemnité de formation en fonction de chaque cas. Le document énumérait plusieurs domaines d’études qui étaient [traduction] « […] considérés comme pertinents aux fonctions d’évaluateurs médicaux aux fins des prestations d’invalidité du RPC […] ». Ces domaines comprenaient la santé communautaire, la santé mentale, la psychiatrie et la psychologie, la santé publique, la médecine préventive, la gestion de l’invalidité et la réadaptation médicale, les soins intensifs et les soins coronariens, les soins infirmiers d’urgence, la gastroentérologie, la santé au travail et la neurologie. Le document de politique indiquait que d’autres demandes seraient examinées en fonction de chaque cas.

[32] Mme MacNeil a témoigné qu’elle n’avait pas approuvé la demande d’indemnité de formation de la fonctionnaire parce que le programme de cours décrivait le cours du George Brown College comme étant très procédural et pratique, ainsi que propre aux fonctions dans une salle d’opération. Le cours portait sur des sujets comme le port de chemise, de gants fermés, la mise en place aux fins d’une chirurgie, les méthodes de stérilisation, les techniques aseptiques, ainsi que le nom, le transfert et le comptage des instruments. Elle a dit que ces compétences ne sont pas utilisées par un évaluateur médical.

[33] Elle a témoigné qu’il est possible qu’une partie des connaissances secondaires au principal objectif du cours puissent être pertinentes pour le travail d’un évaluateur médical, mais que ces connaissances auraient déjà été enseignées dans le cadre du programme de sciences infirmières général ou auraient été acquises en tant qu’infirmier ou infirmière en salle d’urgence ou à l’hôpital. Elle a témoigné que, par exemple, le contrôle des infections et les différents types de chirurgies et leurs complications sont tous des sujets obligatoires d’apprentissage abordés par un cours en sciences infirmières au niveau collégial.

[34] En contre‑interrogatoire, Mme MacNeil a témoigné qu’elle ne savait pas s’il existe des cours techniques et pratiques dans certains domaines d’étude qui ont été approuvés aux fins de l’indemnité de formation, comme les soins infirmiers d’urgence, la gastroentérologie et les soins intensifs.

[35] Elle a également témoigné que lorsqu’un évaluateur médical obtient un baccalauréat en sciences infirmières, les cours particuliers que l’évaluateur a suivis ne sont pas pris en compte dans l’approbation de l’indemnité. Elle n’estimait pas que les cours portant sur la procédure en salle d’opération font partie intégrante d’un baccalauréat en sciences infirmières.

III. La disposition de la convention collective en litige

[36] Avant d’exposer les arguments des parties et les motifs de ma décision, il convient de citer le contenu de l’appendice B dans son intégralité :

APPENDICE « B »

INDEMNITÉS DE FORMATION ‑GROUPE SCIENCES INFIRMIÈRES

Aux fins de la rémunération et en vigueur à compter de la date de signature de la présente convention collective, les taux annuels de rémunération des niveaux du groupe Sciences infirmières stipulés à l’appendice « A » sont modifiés par l’addition des montants précisés ci‑dessous dans la colonne II compte tenu des circonstances exposées dans la colonne I.

APPENDIX “B”

EDUCATION ALLOWANCES ‑ NURSING GROUP

Effective on the date of signing of the collective agreement and for all purposes of pay, the annual rates of pay for the Nursing Levels stipulated in Appendix “A” shall be altered by the addition of the amounts specified hereunder in Column II in the circumstances specified in Column I.

 

Colonne I

Colonne II

Column I

Column II

 

lndemnités de formation

Lorsque les éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions :

Education Allowances

Where the following post‑graduate nursing training or nursing education is utilized in the performance of the duties of the position:

 

a) Cours reconnu de formation spécialisée y compris le Programme d’habiletés en soins primaires, 3 à 6 mois.

605 $

(a) Recognized speciality training course including the Primary Care Skills Program, 3‑6 months

$ 605

 

b) Cours reconnu de formation spécialisée, 7 à 12 mois.

935 $

(b) Recognized speciality training course, 7‑12 months

$ 935

 

c) (i) Cours universitaire d’une année menant à un certificat en administration, enseignement et surveillance, gérontologie, gestion des services de santé 1, gestion des services de santé 2, hygiène publique, milieu clinique, organisation des soins et éducation, psychiatrie, santé communautaire, santé mentale, sciences infirmières, toxicomanie ou dans n’importe quel autre domaine d’études connexe et approuvé par l’employeur.

1 650 $

(c) (i) One academic year university leading to a certificate* in Administration, Administration and Education (« organisation des soins et education »), Clinical Fields (« milieu clinique »), Community Health (« santé communautaire »), Gerontology (« gérontologie »), Health Services Administration I and Health Services Administration II (« gestion des services de santé 1 et 2 »), Mental Health (« santé mentale »), Nursing, Psychiatry, Public Health, Teaching and Supervision, Substance Abuse Prevention and Intervention or in any other related field of study approved by the Employer

$ 1,650

 

(ii) Deux cours universitaires d’une année menant à un certificat tel que décrit en (i).

2 200 $

(ii) Two certificates* each representing one academic year university as described in (i) above

$ 2,200

 

(iii) Trois cours universitaires d’une année menant à un certificat tel que décrit en (i).

2 750 $

(iii) Three certificates* each representing one academic year university as described in (i) above.

$ 2,750

 

d) Baccalauréat en sciences infirmières.

3 300 $

(d) Baccalaureate degree in nursing

$ 3,300

 

e) Maîtrise en sciences infirmières ou dans n’importe quel autre domaine d’études relié à la santé approuvé par l’employeur.

3 850 $

(e) Master’s degree in nursing or any other health related field of study approved by the Employer.

$ 3,850

 

Conformément au paragraphe B, une (1) seule indemnité est versée pour la plus haute qualification pertinente.

One (1) allowance only will be paid for the highest relevant qualification under paragraph B.

 

Dans la présente convention le terme « certificat » fait référence à un certificat dans un programme de premier cycle qui totalise 30 crédits (ou 10 cours) dans un domaine d’études dans la province de Québec ou son équivalent dans les autres provinces.

In the present collective agreement “certificate” refers to a certificate in a first cycle program that results in 30 credits (or 10 courses) in a field of study in the province of Quebec or the equivalent in the other provinces.

 

 

[37] La seule question en litige entre les parties est celle de savoir si le cours que Mme McDonald Corbin a suivi au George Brown College en 2003 en est un qui « […] est utilisé dans l’exercice de leurs fonctions […] ». Les parties ne contestent pas le fait que le cours suivi était relié aux sciences infirmières et qu’il a duré de trois à six mois. En d’autres termes, si je conclus que Mme McDonald Corbin utilise le cours du George Brown College dans l’exercice de ses fonctions, la fonctionnaire aurait droit à la rémunération prévue à l’alinéa a) de l’appendice B, soit 605 $ par année.

IV. Arguments des parties

[38] La fonctionnaire a soutenu qu’elle possède 14 ans d’expérience à titre d’évaluatrice médicale. Elle a fait valoir qu’elle a témoigné clairement de la façon dont le cours portant sur les chirurgies a été utilisé dans son travail à titre d’évaluatrice médicale. Elle a témoigné que la majorité de ses dossiers concernent l’examen des conditions médicales dans lesquelles une chirurgie a eu lieu. Elle a soutenu que ses connaissances des procédures en salle d’opération ont amélioré sa capacité d’évaluer ces dossiers, et, qu’à ce titre, elle devrait avoir droit à l’indemnité de formation.

[39] La fonctionnaire a fait valoir que Mme Hitchcock n’avait pas réellement évalué en détail le cours du George Brown College. Tout ce que Mme Hitchcock a fait est d’agir comme intermédiaire, c.‑à‑d. acheminer la demande d’indemnité de formation à l’administration centrale et transmettre la décision de l’administration centrale à la fonctionnaire. La fonctionnaire a soutenu que le témoignage de Mme Hitchcock n’était pas pertinent.

[40] La fonctionnaire a également soutenu que le témoignage de Mme MacNeil était de nature hypothétique et qu’elle n’avait pas démontré une compréhension claire de la façon dont le cours du George Brown College avait aidé la fonctionnaire dans son travail. La fonctionnaire a également fait valoir que Mme MacNeil n’avait pas démontré sa connaissance des différents types de formation en sciences infirmières disponibles et des cours qui sont utiles pour un évaluateur médical.

[41] L’employeur a soutenu qu’il incombait à la fonctionnaire de démontrer qu’elle avait droit à l’indemnité de formation. L’employeur avait une procédure établie pour approuver l’indemnité. Il a suivi cette procédure dans le cas de la fonctionnaire. Lorsqu’il a refusé la demande de Mme McDonald Corbin, l’employeur a fourni des explications cohérentes et claires.

[42] L’employeur n’a pas contesté le fait que le cours portant sur les chirurgies est lié aux sciences infirmières, mais a soutenu qu’il n’est pas lié aux fonctions du poste d’évaluateur médical. Les principales fonctions du poste consistent à examiner les demandes de prestations d’invalidité du RPC en fonction des lois et des politiques et de déterminer si un demandeur satisfait aux exigences d’admissibilité. Comme il est indiqué dans la description de travail, les évaluateurs médicaux examinent les demandes, examinent les renseignements médicaux, évaluent la capacité d’un client à travailler, évaluent les besoins du client et obtiennent des renseignements supplémentaires, au besoin. La description de travail n’indique nulle part que des compétences techniques en matière de chirurgies sont requises pour le poste, ce que la fonctionnaire a admis en contre‑interrogatoire.

[43] L’employeur a soutenu que Mme MacNeil avait une compréhension approfondie du travail des évaluateurs médicaux. Elle avait suivi une formation en sciences infirmières et était une infirmière autorisée et a travaillé à titre d’évaluatrice médicale et a supervisé la mise en œuvre de l’indemnité de formation après la création du sous‑groupe NU‑EMA. Elle a confirmé que ce cours ne serait pas utilisé dans l’exercice des fonctions du poste. Le cours du George Brown College portait sur des sujets comme les méthodes de stérilisation, les techniques aseptiques, le frottage et le port de chemise, le nom des instruments et la mise en place de la salle d’opération. Aucune de ces compétences n’est utilisée dans le poste d’évaluateur médical.

[44] Enfin, l’employeur a fait valoir que même si certains des sujets abordés dans le cours pouvaient être pertinents au poste (comme le processus d’électrochirurgie, les mécanismes de contrôle des infections et les conséquences des complications chirurgicales), Mme MacNeil a témoigné que ces sujets sont abordés dans un programme de sciences infirmières de base. Par conséquent, le cours portant sur les chirurgies n’est pas un cours qui ajouterait une valeur et aucune indemnité ne devrait être versée. L’employeur a soutenu que le cours devrait être évalué en fonction de la valeur globale qu’il lui ajoute. Il a fait valoir que, si le grief est accueilli, à peu près n’importe quel cours de sciences infirmières serait admissible en vertu de la clause, ce qui rendrait dénués de sens les mots « […] utilisés dans l’exercice de leurs fonctions […] » dans la convention collective.

[45] Dans leur argumentation, les parties ont fait référence à un certain nombre de décisions prises par le prédécesseur de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (appelée collectivement dans la présente décision la « Commission ») concernant l’indemnité de formation en sciences infirmières.

[46] Dans Bainbridge c. Conseil du Trésor (Santé et Bien‑être social), dossier de la CRTFP 166‑02‑16132 (19861229), [1986] C.R.T.F.P.C. no 336 (QL), la fonctionnaire s’estimant lésée était une infirmière hygiéniste communautaire dans une collectivité isolée. Elle enseignait la santé et la nutrition et a demandé une indemnité de formation reconnaissant un baccalauréat en éducation. La Commission a rejeté le grief parce qu’elle a conclu que l’indemnité de formation était expressément prévue pour une formation en sciences infirmières et non pour les aptitudes générales.

[47] Dans la présente affaire, la fonctionnaire a soutenu que Bainbridge étaye son point de vue selon lequel la formation en sciences infirmières utilisée dans l’exercice de ses fonctions devrait être visée par l’indemnité. L’employeur a soutenu que Bainbridge a établi seulement que ces cours doivent être liés aux sciences infirmières et que la Commission n’a pas évalué dans ce cas si le cours a été utilisé dans l’exercice des fonctions.

[48] Dans Gervais c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 166‑02‑28207 (19980909), [1998] C.R.T.F.P.C. no 84 (QL), la fonctionnaire s’estimant lésée travaillait en tant qu’infirmière dans un établissement correctionnel. Elle a demandé une indemnité de formation pour un diplôme en soins infirmiers psychiatriques. Son employeur avait déterminé que le diplôme en question n’était pas de nature postscolaire, mais qu’il s’agissait d’une autre forme de formation de base, et par conséquent, l’indemnité de formation ne s’appliquait pas. La Commission a conclu que, puisque la formation comportait une année de formation supplémentaire, l’indemnité devrait être versée.

[49] Dans la présente affaire, la fonctionnaire a soutenu que Gervais appuie la proposition selon laquelle lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé peut fournir des exemples particuliers et concrets de la façon dont le cours est pertinent aux fonctions d’un poste, le grief devrait être accueilli. L’employeur a soutenu que, dans Gervais, l’employeur n’avait pas nié que la formation psychiatrique ait été utilisée dans le poste en litige; le différend portait sur la question de savoir si la demande d’indemnité de formation satisfaisait à l’exigence d’obtenir un diplôme postscolaire.

[50] Dans Sumaling c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 32, le fonctionnaire s’estimant lésé était un infirmier psychiatrique dans un établissement correctionnel et possédait un baccalauréat en psychologie. Sa demande de l’indemnité de formation (en vertu d’une version antérieure de l’appendice B) avait été refusée par son employeur parce que le sous‑alinéa c)(ii) n’énumérait pas expressément la psychologie comme domaine d’études. Au paragraphe 23, la Commission a énoncé les trois questions suivantes pertinentes à une demande d’indemnité de formation :

[23] Par conséquent, je conclus que trois questions sont pertinentes à toute demande d’indemnité de formation fondée sur le paragraphe B de l’Appendice « B » :

a. Le fonctionnaire a‑t‑il suivi une « formation en sciences infirmières ou [une] instruction postscolaire en sciences infirmières »?

b. L’instruction ou la formation est‑elle « utilisé[e] dans l’exercice [des] fonctions [du fonctionnaire] »?

c. Le fonctionnaire répond‑t‑il aux circonstances correspondant à l’une des cinq indemnités? […]

 

[51] Après avoir répondu « Oui » aux deux premières questions, dans Sumaling, la Commission a ensuite décidé que la troisième question doit être interprétée de manière générale, en tenant compte de l’objet de l’indemnité. La Commission a déterminé qu’un diplôme en psychologie (qui n’est pas énuméré à l’appendice B) était suffisamment semblable à un diplôme en santé mentale (qui était énuméré à l’appendice B). Le grief a été accueilli.

[52] Dans la présente affaire, la fonctionnaire a soutenu que Sumaling étaye la proposition selon laquelle les connaissances plus approfondies obtenues dans un cours peuvent déclencher l’indemnité et qu’il n’est pas nécessaire que tous les aspects du cours soient utilisés. Même si l’employeur tente de présenter le cours du George Brown College comme un cours portant sur le type d’éponge à utiliser dans une chirurgie, la fonctionnaire a démontré qu’elle a acquis des connaissances plus générales du cours et qu’elle utilise ces connaissances dans l’exercice de ses fonctions.

[53] L’employeur a soutenu que Sumaling étaye toujours la proposition selon laquelle le cours doit être utilisé dans l’exercice de ses fonctions et doit apporter une valeur ajoutée à l’employeur. Une personne peut suivre une formation spécialisée, mais à moins qu’elle ne soit réellement utilisée dans l’exercice de ses fonctions, l’indemnité ne devrait pas être accordée. L’employeur a soutenu que l’infirmier dans Sumaling exerçait des fonctions très différentes et que la Commission doit évaluer le contenu du cours par rapport à la description de travail du poste.

[54] Dans Billett c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2006 CRTFP 28, la question en litige concernait le calcul de la rémunération provisoire associée à l’indemnité d’études, et non l’admissibilité à l’indemnité en soi. Néanmoins, l’employeur a soutenu que Billett renforce le principe selon lequel la formation supplémentaire doit lui apporter une valeur et que l’infirmière doit utiliser la formation supplémentaire dans l’exercice de ses fonctions.

V. Motifs

[55] La question dans le présent grief consiste à savoir si Mme McDonald Corbin est admissible à une indemnité de formation de 605 $ par année, conformément à l’appendice B de la convention collective.

[56] Je suis d’accord avec l’employeur pour dire qu’en réglant cette question, je dois accorder un sens ordinaire aux termes utilisés dans la convention collective, en harmonie avec l’économie de la convention collective et l’objet de la disposition interprétée (voir Gagnon c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 48, au par. 34, et Cruceru c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 30, au par. 84).

[57] L’appendice B prévoit le versement d’une indemnité de formation aux employés du groupe NU lorsqu’ils suivent « […] une formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières […] », qui « […] sont utilisé[e]s dans l’exercice de leurs fonctions […] ».

[58] En ce qui concerne le présent grief, l’alinéa a) de l’appendice B prévoit une indemnité de 605 $ par année lorsque le cours est un cours reconnu de formation spécialisée d’une durée de trois à six mois.

[59] Les parties ne contestent pas le fait que le cours du George Brown College que la fonctionnaire a suivi est une formation en sciences infirmières et une instruction postscolaire en sciences infirmières et qu’il s’agit d’un cours reconnu de formation spécialisée d’une durée de trois à six mois.

[60] Par conséquent, le seul différend porte sur la question de savoir si le cours du George Brown College suivi par la fonctionnaire en est un qu’elle utilise dans l’exercice de ses fonctions. Cela nécessite nécessairement une analyse factuelle, compte tenu du contenu du cours, des fonctions du poste d’évaluateur médical et des témoignages pertinents des témoins. L’analyse factuelle doit être ancrée dans l’objet et le but de l’appendice dans son ensemble.

[61] Aucune des décisions antérieures de la Commission sur l’application de l’indemnité de formation en sciences infirmières ne fournit une orientation utile quant à l’analyse factuelle requise. Dans chacune de ces décisions, un différent type de formation en sciences infirmières et un différent type de poste étaient en litige.

[62] Toutefois, je suis d’accord avec la Commission dans Gervais pour dire que le fonctionnaire s’estimant lésé ou la fonctionnaire s’estimant lésée doit être en mesure de fournir des exemples particuliers et concrets de la façon dont le contenu du cours est utilisé dans l’exercice de ses fonctions.

[63] De plus, les décisions citées par les parties offrent une orientation utile quant à l’objet et le but de l’appendice. Dans Bainbridge, la principale conclusion de la Commission était que « [l]’indemnité est offerte aux infirmières qui ont acquis une formation spécifique en matière de sciences infirmières se rapportant à leur travail et qu’elles mettront ensuite à profit en accomplissant précisément ces tâches rattachées à certains postes » (à la page 7). Ce principe a été renforcé par la Commission dans Gervais (à la page 9) et par Sumaling (au par. 19).

[64] Sumaling renforce ensuite au paragraphe 21 le fait que ce n’est pas toute formation en sciences infirmières qui déclenchera l’application de l’indemnité, comme suit :

[21] De plus, le paragraphe B restreint le droit à une indemnité de formation en exigeant que la formation ou les études soient « utilisé[e]s dans l’exercice de leurs fonctions ». Il se peut qu’un fonctionnaire possède les études ou la formation nécessaires, mais qu’il ne les utilise pas dans le cadre de son travail. Dans un tel cas, il n’aurait droit à aucune indemnité […].

 

[65] Même si Billett n’a pas traité de l’admissibilité à l’indemnité, mais de son application dans une situation de rémunération provisoire, la Commission a fondé sa décision sur une analyse de l’objet de l’appendice B au paragraphe 30, comme suit :

[30] Comme le souligne M. Harden, il ne semble tout simplement pas raisonnable que, comparativement à une infirmière sans diplôme, une infirmière avec diplôme soit initialement placée à un échelon inférieur, gagne moins et prenne deux années de plus pour atteindre le taux maximum de rémunération pour le poste. Si telle était l’intention des parties, pourquoi négocier une indemnité de formation? Pourquoi convenir de verser 3 000 $ de plus par année à des infirmières ayant fait l’effort d’obtenir leur diplôme? Assurément, prévoir une indemnité de formation selon une échelle mobile — plus une personne a de l’instruction, plus l’indemnité que l’employeur est disposé à verser est élevée — est une façon de reconnaître la valeur de l’instruction pour l’employeur ainsi que le fait que l’instruction favorise l’exercice des fonctions en sciences infirmières. Pourtant, les calculs de rémunération de l’employeur semblent indiquer que, pour une raison ou pour une autre, une infirmière avec un diplôme ne vaut pas autant qu’une infirmière sans diplôme et vaut même moins. Je doute sérieusement que ce soit ce que l’employeur veut envoyer comme message.

[Je mets en évidence]

 

[66] Je comprends pourquoi l’examen par l’employeur du programme du cours du George Brown College l’a mené à conclure qu’il ne s’agit pas d’un cours utilisé dans le rôle d’évaluateur médical ou d’évaluatrice médicale. Le programme de cours énumère de nombreux objectifs et sujets qui sont de nature très pratique et technique, comme le port de chemises, les procédures relatives aux gants fermés, la manipulation des instruments et des éponges, entre autres. De plus, la partie théorique du cours est suivie d’un stage au cours duquel l’étudiant applique ces compétences dans un milieu de salle d’opération.

[67] Les évaluateurs médicaux travaillent dans un milieu très différent. Ils n’utilisent pas les compétences techniques d’un infirmier ou d’une infirmière en salle d’opération. Ils ne portent pas de chemises, de gants, ne gèrent pas les instruments et les éponges et ils ne participent pas aux mesures de contrôle des infections dans une salle d’opération.

[68] Toutefois, je conclus que l’employeur n’a pas suffisamment tenu compte du témoignage de Mme McDonald Corbin quant à la façon dont le cours l’a aidée dans son rôle d’évaluatrice médicale. Mme Hitchcock n’a formulé aucune recommandation, tel que cela est proposé dans les documents de politique; elle a simplement transmis la demande à l’administration centrale, qui l’a examinée en fonction de la description du cours fournie. Mme MacNeil a témoigné qu’elle avait pris sa décision en fonction de son examen du plan de cours du George Brown College.

[69] Lorsque la fonctionnaire a présenté son grief au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs d’EDSC, elle a fourni à l’employeur une présentation de trois pages décrivant au moins 30 exemples dans lesquels elle devait examiner des rapports sur les chirurgies pertinents à l’évaluation de demandes de prestations d’invalidité du RPC. Elle a témoigné devant moi que le fait d’avoir plus de connaissances que celles acquises de manuels sur les procédures en salle d’opération l’a aidé à faire d’elle une meilleure évaluatrice médicale. Elle a été en mesure d’établir un lien entre les connaissances de ces procédures aux sujets abordés dans le cours et a donné plusieurs exemples concrets, y compris de meilleures connaissances de l’électrochirurgie, de la chirurgie laparoscopique par rapport à une chirurgie ouverte et au rétablissement postopératoire.

[70] Elle a également témoigné que 13 de ses 20 derniers dossiers d’évaluation médicale concernaient l’examen de rapports postopératoires et que le cours du George Brown College était pertinent à son évaluation de ces dossiers. Ce témoignage n’a pas été contesté par l’employeur.

[71] Il se peut qu’une expérience pratique ne soit pas nécessaire dans l’exécution du travail, mais qu’elle puisse être utilisée, comme l’a confirmé Mme Hitchcock, qui a témoigné que de nombreux infirmiers autorisés et de nombreuses infirmières autorisées assument le rôle d’évaluateur médical possédant une expérience pratique dans le domaine des sciences infirmières.

[72] J’estime qu’il est également important de garder à l’esprit la structure générale de l’appendice B, tel que cela a été renforcé par la Commission dans Billett. L’appendice prévoit un système progressif d’indemnités de formation, allant d’une indemnité minimale de 605 $ par année pour le type de cours suivi par la fonctionnaire à une indemnité maximale de 3 850 $ pour une maîtrise en sciences infirmières ou dans n’importe quel autre domaine d’études relié à la santé approuvé par l’employeur. Plus la formation suivie par un employé ou une employée est admissible, plus l’allocation qu’il ou elle touche est élevée. Dans Sumaling, la Commission a également interprété l’objet de l’appendice B de manière générale, en concluant (au paragraphe 41) que « […] [l]a structure du paragraphe B de l’Appendice « B » est telle que l’indemnité de formation augmente au fur et à mesure que le niveau de scolarité augmente ».

[73] Comme l’a confirmé Mme MacNeil, lorsqu’un employé ou une employée obtient un baccalauréat ou une maîtrise en sciences infirmières, l’approbation de l’indemnité est déléguée à la baisse du niveau de directeur régional. Les cours particuliers suivis pour obtenir un baccalauréat ou une maîtrise ne font pas partie de l’examen; si un employé ou une employée obtient le diplôme en question, il ou elle a droit à l’indemnité de formation connexe. Même si un cours portant sur la procédure en salle d’opération ne constitue peut‑être pas un cours obligatoire pour obtenir un baccalauréat ou une maîtrise, je conclus qu’il est raisonnable de croire qu’un tel cours peut être pris en compte aux fins d’un tel diplôme.

[74] De plus, le document de politique de l’employeur reconnaît que les cours dans certains domaines, comme les soins intensifs, les soins infirmiers d’urgence et la gastroentérologie, sont admissibles à une indemnisation en vertu de l’appendice B. Je retiens l’argument de la fonctionnaire selon lequel ces cours peuvent également comporter un aspect pratique, ainsi qu’un aspect plus théorique.

[75] J’accepte que l’appendice B n’impose pas le versement d’une indemnité de formation pour tous les cours reliés aux sciences infirmières : il exige que le cours soit utilisé dans l’exercice des fonctions du poste. Il n’est pas contesté que les aspects pratiques du cours du George Brown College ne sont pas utilisés dans l’exercice des fonctions d’un évaluateur médical. Toutefois, la fonctionnaire a témoigné clairement quant à la façon dont elle a utilisé les connaissances abordées dans ce cours pendant son travail à titre d’évaluatrice médicale, en faisant référence à la fois le grief qu’elle a présenté au deuxième palier en 2015 et le travail qu’elle a effectué à l’égard de 13 de ses 20 derniers dossiers. Ce témoignage n’a pas été contesté par l’employeur et, par conséquent, je conclus que la fonctionnaire s’est acquittée de son fardeau de preuve en démontrant qu’elle a utilisé le cours du George Brown College dans l’exercice de ses fonctions.

[76] L’employeur a soutenu que toute connaissance que la fonctionnaire utilise du cours du George Brown College est une connaissance qui aurait été abordée lorsqu’elle a obtenu son diplôme de base en sciences infirmières et que, par conséquent, je ne devrais pas lui accorder une indemnité de formation parce que le cours n’apporte aucune valeur ajoutée à l’employeur. Je ne peux souscrire à cet argument. Le libellé de l’appendice B ne fait aucune référence à une évaluation de la valeur ajoutée : il énonce clairement que l’indemnité de formation doit être versée si le cours « […] est utilisé dans l’exercice de leurs fonctions […] ». Ni Sumaling ni Billett n’étayent la proposition selon laquelle l’employeur devrait évaluer le niveau de la valeur ajoutée qu’apporte un cours particulier. Elles étayent plutôt la proposition selon laquelle l’indemnité de formation augmente par rapport au nombre de cours pertinents suivis par un employé ou une employée.

[77] Bref, après avoir examiné les éléments de preuve dont je dispose et après avoir examiné le libellé de la convention collective et l’objet et la structure de l’appendice B, je conclus que le cours du George Brown College suivi par la fonctionnaire en 2003 lui permet de toucher une indemnité en vertu de la clause a) de l’appendice.

[78] Je souscris à la mesure corrective proposée par la fonctionnaire, à savoir que son indemnité de formation devrait commencer 25 jours avant le dépôt de son grief (voir Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.) (QL)).

[79] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[80] Le grief est accueilli.

[81] L’employeur doit verser à la fonctionnaire l’indemnité de formation prévue à la clause a) de l’appendice B de la convention collective, d’un montant de 605 $ par année, rétroactive à 25 jours avant le dépôt de son grief.

Le 12 octobre 2022.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.