Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20221110

Dossiers: 566-02-11804 à 11815

 

Référence: 2022 CRTESPF 92

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

daniel boisvert, Daniel Dalpé, René Dufour, giuseppe garofalo, simon houle et michel rahal

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Boisvert c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Kim Patenaude, avocate

Pour l’employeur : Laetitia Bonaparte Auguste, avocate

Affaires entendues par vidéoconférence,

les 24 et 25 octobre 2022.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Entre le 28 janvier et le 5 février 2014, Daniel Boisvert, Daniel Dalpé, René Dufour, Giuseppe Garofalo, Simon Houle et Michel Rahal (les « fonctionnaires ») ont déposé chacun deux griefs pour contester leur description de travail et leur niveau de rémunération. Les fonctionnaires occupaient tous des postes du groupe et sous-groupe GL-MAN-07 et travaillaient pour CORCAN, un organisme de service spécial, au sein du Service correctionnel du Canada (l’« employeur » ou SCC).

[2] CORCAN est un organisme de service spécial qui offre aux détenus des possibilités d’emploi et une formation professionnelle portant sur les compétences relatives à l’employabilité pendant leur incarcération dans les pénitenciers fédéraux. Les cinq secteurs d’activités de CORCAN sont la fabrication, les textiles, la construction, les services et l’agriculture.

[3] Au moment du dépôt des griefs, les fonctionnaires occupaient tous un poste dans le secteur de la construction de CORCAN (« Construction CORCAN »). Construction CORCAN offre divers services de construction au SCC et à d’autres clients. Les employés de Construction CORCAN gèrent la construction dans les établissements du SCC, ils offrent de la formation aux délinquants, et ils supervisent leur travail dans le cadre de projets de construction.

[4] Le 19 décembre 2013, John Sargent, le président de CORCAN, a avisé les fonctionnaires qu’à la suite de l’examen national de la classification du groupe GL, leurs postes avaient été déclassifiés du groupe et du niveau GL-MAN-08, ouvrier polyvalent, au groupe et au niveau GL-MAN-07, préposé à l’entretien. Par la suite, les fonctionnaires ont chacun déposé leurs deux griefs. L’employeur a rejeté ces griefs à chacun des paliers de la procédure interne de griefs. Les fonctionnaires ont par la suite renvoyé les griefs à l’arbitrage avec l’appui de leur agent négociateur.

[5] En début d’audience, les fonctionnaires ont retiré leurs griefs visant leur rémunération. Pour des fins d’arbitrage, ces griefs portaient les numéros 566‑02‑11804, 566-02-11807, 566-02-11809, 566-02-11811, 566-02-11813 et 566‑02‑11815. Ces dossiers seront fermés. La présente audience ne portera donc que sur les six autres griefs qui visent les descriptions de travail des fonctionnaires et dont les énoncés se lisent comme suit : « Je dépose un grief à l’effet que je suis en désaccord avec le contenu de ma description de tâches […] qui ne représente pas mon travail. »

[6] La convention collective applicable est celle entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe des Services de l’exploitation expirant le 4 août 2014 (la « convention collective »). Les griefs visent particulièrement la clause 54.01 de la convention collective. Cette clause se lit comme suit :

54.01 Sur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

 

[7] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[8] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

II. Résumé de la preuve

[9] Quelques jours avant l’audience, j’ai tenu une conférence préparatoire avec les parties. Je leur ai alors demandé de limiter leur preuve aux sections « Résultats axés sur la clientèle », « Activités principales » et « Responsabilités » de la description de travail. J’ai aussi informé les parties qu’advenant que je donne droit aux griefs et que j’ordonne à l’employeur d’apporter des changements au contenu de l’une ou de plus d’une de ces sections, j’accorderais à l’employeur une période de temps raisonnable pour ajuster au besoin les autres sections de la description de travail.

[10] Les fonctionnaires ont appelé Simon Houle comme témoin. M. Houle est un des fonctionnaires ayant déposé un grief. Il occupe actuellement un poste intitulé « Menuisier pour construction CORCAN ». M. Houle travaille pour l’employeur depuis 2010. À l’embauche, il détenait son certificat de compétence de la Commission de la construction du Québec (CCQ) comme charpentier-menuisier. L’employeur avait au préalable accepté la suggestion de la représentante des fonctionnaires que seul M. Houle témoignerait au nom des fonctionnaires. L’employeur a appelé Pierre Carmona comme témoin. M. Carmona est directeur national de Construction CORCAN depuis septembre 2018. Il travaille pour CORCAN depuis sa création en 1995‑1996. Au moment des griefs en 2013-2014, M. Carmona était directeur des services corporatifs de CORCAN.

[11] Les parties ont déposé en preuve quelques centaines de pages de documents, incluant les descriptions de travail contestées par les fonctionnaires, leurs anciennes descriptions de tâches, la description de travail du poste auquel se rapportent les fonctionnaires, soit le surveillant en construction, la description de travail d’un menuisier et celle d’un maçon.

[12] Afin de ne pas alourdir le texte, je ne reproduirai pas le contenu de ces descriptions de travail, si n’est celle des fonctionnaires qui est reproduite au paragraphe 30. Par contre, je note que les descriptions de travail de menuisier et de maçon renvoient à du travail spécialisé en menuiserie ou en maçonnerie. Je note aussi que la description de travail du surveillant en construction comprend la mention suivante : « Planifier, organiser, diriger et contrôler l’exécution du travail relié aux programmes de construction pour la région sous la responsabilité de Construction CORCAN. »

[13] M. Houle a témoigné sur le travail qu’il faisait quand il occupait le poste GL-MAN-07. Il travaillait alors aux établissements de l’employeur des complexes pénitentiaires de Laval et de Ste‑Anne-des-Plaines situés dans la banlieue nord de Montréal. Ces complexes comprennent des pénitenciers des niveaux de sécurité minimum, médium et maximum.

[14] M. Houle a témoigné que son travail au quotidien consistait à instruire les détenus sur divers métiers de la construction afin de faciliter leur éventuel retour à la société. Ses tâches consistaient au départ à accueillir les détenus le matin, à s’assurer qu’ils étaient tous là et à vérifier avec la sécurité s’il pouvait apporter des outils sur le lieu de travail. Selon M. Houle, le travail demande beaucoup de préparation et d’organisation. Le nombre de détenus que M. Houle encadrait sur un projet pouvait varier énormément. Une journée, il en avait trois avec lui, puis, un autre jour, sept ou huit. Sur de gros projets, cela pouvait aller jusqu’à 10 détenus.

[15] M. Houle a expliqué que le travail d’instruction des détenus consistait à « expliquer », « démontrer », « faire faire le travail », « commenter pour encourager et améliorer ». Sur ce, M. Carmona s’est dit d’accord avec M. Houle.

[16] M. Houle a témoigné sur le travail qu’il a fait sur un projet au Pavillon « A » à la réception des détenus à Ste-Anne-des-Plaines. Le projet consistait à ajouter dans un secteur des cellules de niveau maximum avec, sous sa supervision, des détenus de niveau minimum. Selon M. Houle, le projet consistait à tout démolir, puis à refaire des cellules à partir des plans fournis. Une fois le projet amorcé, M. Houle s’est rendu compte que les plans ne permettaient pas de faire le travail demandé et qu’il fallait y apporter des modifications. En de telles circonstances, il devait en aviser son superviseur pour obtenir de nouveaux plans. Il fallait aussi coordonner le travail avec les corps de métiers comme les plombiers et les électriciens pour que ces derniers interviennent au moment opportun. Sur ce projet, un maçon du secteur privé a été embauché pour faire le travail de maçonnerie. M. Houle devait « assurer la responsabilité » du maçon. M. Houle montrait alors aux détenus comment brasser le ciment et couper les blocs de ciment requis par le maçon. Enfin, M. Houle a témoigné que, pour ce projet, il devait, avec les détenus sous sa charge, faire des travaux de peinture et de quincaillerie.

[17] M. Houle a témoigné du travail accompli sur le projet « Initiative autochtone » à Ste‑Anne-des-Plaines. Le projet consistait à construire un couloir de 10 pieds de largeur par 15 pieds de longueur afin de relier sur une base non permanente deux roulottes à un bâtiment existant. Pour ce projet, il a fallu concevoir et construire un toit, les murs et le plancher, isoler le tout, faire le revêtement extérieur, poser la quincaillerie nécessaire et coordonner le travail avec l’électricien. M. Houle a témoigné qu’il avait aussi calculé la quantité de matériaux nécessaires. Il a fait le projet avec un ou deux détenus sous sa supervision.

[18] M. Houle a témoigné du travail accompli sur le projet de changements de portes à l’établissement Archambault. Il fallait tout d’abord enlever les portes existantes qui sont de grosses portes en acier coulées dans le béton. Puis, le travail consistait à poser les nouvelles portes. M. Houle a dit qu’il avait proposé l’ajout de plaques d’acier. Entre autres, le travail consistait à coffrer, puis couler du béton et ensuite décoffrer. Il fallait aussi peindre les portes et poser les cylindres de portes. Le travail a été fait avec un ou deux détenus sous la supervision de M. Houle. M. Houle a aussi expliqué les défis de sécurité liés aux changements de portes dans un pénitencier qui requièrent une certaine planification avec un agent correctionnel.

[19] M. Houle a témoigné du travail accompli lors du remplacement des vitres au Centre de réception des détenus. Il fallait alors changer approximativement 2 000 vitres par des vitres en verre trempé. M. Houle et les détenus sous sa supervision devaient défaire les moulures, enlever le scellant, poser la nouvelle vitre et remettre les moulures. À chaque jour qu’a duré le projet, en plus de faire ou de « faire faire » le travail, M. Houle devait calculer le nombre de vitres qui seraient posées, apporter le bon nombre de vitres sur le site, planifier l’équipement à utiliser, préparer et ramasser les échafauds en fin de journée ainsi que prévoir les outils à utiliser.

[20] M. Houle a témoigné du travail accompli lors de la construction d’une salle de formation au champ de tir de Ste‑Anne-des-Plaines. Il s’agissait d’une nouvelle construction d’approximativement 3 000 pieds carrés. M. Houle et les détenus sous sa supervision devaient faire le travail de finition incluant l’isolation, la pose de gypse, le tirage de joints, le travail de peinture, la pose de plafonds suspendus et la pose d’acrylique sur les fondations. À diverses étapes du projet, M. Houle devait planifier l’intervention des ouvriers de métiers lorsque leurs services étaient requis.

[21] M. Houle a témoigné que son travail était de faire de la construction et non pas de l’entretien comme le laisse entendre le titre du poste de GL-MAN-07, qui est « Préposé à l’entretien des bâtiments pour construction CORCAN ». Selon lui, au quotidien, il peint, pose des panneaux de gypse, tire des joints, fait du coffrage, de l’armature de béton, de la toiture, des travaux de ferblanterie et de maçonnerie. Il doit apprendre aux détenus à faire tous ces types de travaux sans la supervision d’un ouvrier de métier ou de son superviseur. Il aussi témoigné qu’il a la responsabilité des outils utilisés, de leur inventaire, de leur entreposage et de leur bon fonctionnement. Enfin, il doit respecter les consignes et demandes des agents correctionnels qui peuvent exiger, pour des raisons de sécurité, de ranger les outils et de retourner les détenus en cellule. Il doit aussi entretenir les outils, changer des lames au besoin ou changer l’huile des équipements.

[22] En contre-interrogatoire, M. Houle a témoigné que son travail actuel de menuisier n’est pas tellement différent de son ancien travail de préposé à l’entretien. Dans les deux cas, son superviseur est le surveillant en construction. Dans les deux cas, il lui faut instruire les détenus en relation avec le travail à faire. M. Houle a aussi témoigné qu’il arrive sur un même projet qu’un préposé à l’entretien travaille avec un menuisier ou un autre ouvrier de métier. Il a témoigné que les projets plus spécifiques de menuiserie sont confiés à des menuisiers. Selon lui, le niveau de compétences attendu d’un menuisier est plus élevé que celui attendu d’un préposé à l’entretien. Comme menuisier, l’employeur ne lui demandera pas de faire de la peinture ou du décoffrage de béton. Par contre, l’employeur lui demandera de faire le coffrage, qui demande plus d’expertise que le décoffrage.

[23] En contre-interrogatoire, M. Houle a témoigné que le travail de planification d’un projet est fait par le superviseur quoique, selon lui, cela puisse dépendre de l’envergure du projet. De plus, il n’est pas d’accord avec la position de l’employeur selon laquelle le travail de préposé à l’entretien est un travail « non qualifié ». Selon M. Houle, le préposé à l’entretien doit nécessairement être qualifié pour instruire les détenus à faire certaines tâches du domaine de la construction.

[24] M. Carmona n’a pas de relations directes avec les préposés à l’entretien ou les ouvriers de métiers. Ces derniers relèvent d’un surveillant en construction, qui relève d’un gestionnaire régional (provincial), qui se rapporte à M. Carmona, qui assure la direction canadienne de Construction Corcan. M. Carmona participe aux projets de grande envergure. Les décisions importantes pour les autres projets sont prises par le gestionnaire régional de concert avec les surveillants en construction concernés. Ces derniers initient la mise en œuvre des projets, puis les ouvriers de métiers préparent la liste des matériaux requis et font les travaux selon leur domaine de compétence. Quant aux préposés à l’entretien, ils aident pour certaines tâches, mais ne sont pas appelés à gérer de projets de construction. Selon M. Carmona, Construction Corcan emploie au total entre 70 et 75 préposés à l’entretien, mais il ne sait pas combien d’entre eux travaillent au Québec.

[25] M. Carmona a expliqué que les ouvriers de métiers sont maîtres d’œuvre dans leur discipline. Ils ont besoin d’une certification assurant que les travaux sont faits selon les règles de l’art. Puis, il y a des ouvriers non qualifiés, comme les préposés à l’entretien GL-MAN-07, qui n’ont pas besoin d’une certification de métiers pour faire leur travail. Par exemple, le menuisier fait les travaux spécialisés de menuiserie et le préposé à l’entretien pourra aider le menuisier dans la progression d’un projet de menuiserie. Autre exemple, le peintre choisira le type de peinture et les bases à utiliser et le préposé à l’entretien pourra appliquer la peinture.

[26] En 2013-2014, au cours de la période quand les griefs ont été déposés, M. Carmona n’avait pas de lien hiérarchique avec les surveillants en construction, encore moins avec les préposés à l’entretien. Il a témoigné qu’il ne connaissait pas nécessairement les projets de construction en cours à l’époque et le nombre d’ouvriers spécialisés qui y travaillait.

[27] La description de travail identifie des domaines de construction dans lesquels le préposé à l’entretien est appelé à intervenir, « tels que la menuiserie, la plomberie, la tôlerie, la peinture et l’électricité ». Selon M. Houle, il y a d’autres domaines d’intervention comme la maçonnerie. M. Carmona reconnaît qu’il peut y avoir d’autres domaines d’intervention, mais que cela alourdirait inutilement le texte en les ajoutant à la description de travail.

[28] L’ancienne description de travail des fonctionnaires renvoyait à des travaux de « construction, rénovation ou réfection » alors que la description de travail qui fait l’objet des griefs renvoie à des travaux de « construction et d’entretien ». M. Carmona a témoigné que l’employeur a voulu garder un contexte générique et que le terme construction englobe tout cela.

[29] M. Carmona reconnaît que le titre de la description de travail qui fait l’objet des griefs ne reflète pas bien la nature du poste des fonctionnaires. Par contre, la description de travail fait état d’un travail non qualifié, ce qui implique que des cartes de compétence ne sont pas requises pour faire le travail, même si les personnes embauchées comme préposé à l’entretien doivent avoir de l’expérience de travail sur un chantier de construction.

[30] Les sections « Résultats axés sur la clientèle », « Activités principales » et « Responsabilités » de la description de travail se lisent comme suit :

[…]

Résultats axés sur le service à la clientèle

Prestation de services non qualifiés de construction et d’entretien, dans les domaines de la menuiserie, de la plomberie, de la tôlerie, de la peinture et de l’électricité, aux clients de Construction CORCAN (c.-à-d. le Service correctionnel du Canada, d’autres ministères fédéraux, pour d’autres gouvernements et/ou des organismes sans but lucratif).

Instruction et perfectionnement des compétences des délinquants sur le plan de l’employabilité à titre de travail général en assurant une supervision de constante à limitée afin de les encadrer et de contribuer à leur réinsertion dans la collectivité, pour le compte du Service correctionnel du Canada.

Activités principales

Planifier, coordonner et faciliter l’acquisition des compétences des délinquants dans le cadre d’activités de travaux généraux afin d’accroître leur potentiel de réinsertion; établir et maintenir un environnement d’emploi positif, ce qui passe par un dialogue ouvert et franc avec les délinquants concernant les programmes, les activités, les attitudes et les comportements, ainsi que par l’encouragement de comportements prosociaux et la participation aux divers domaines d’emploi offerts.

Évaluer le rendement au travail des délinquants dans tous les secteurs de l’acquisition de compétences, des compétences fondamentales, de la gestion du personnel et du travail d’équipe, aux fins de saisie dans le Système de gestion des délinquant(e)s; préparer des rapports écrits et verbaux à l’intention d’autres membres du personnel correctionnel pour les aider à prendre des décisions.

Planifier, organiser, superviser et enseigner les détenus afin d’assurer une prestation efficiente, efficace et économique de services non qualifiés de construction et d’entretien; pour faciliter les activités de construction et d’entretien, fournir de la formation et de l’orientation aux délinquants et les conseiller sur l’utilisation et le soin de l’équipement et sur l’utilisation sécuritaire et adéquate des outils à main et portables reliés aux responsabilités du métier; contrôler les comportements et les déplacements des délinquants.

Exécuter des tâches non qualifiées de construction et d’entretien dans les domaines tels que la menuiserie, la plomberie, la tôlerie, la peinture et l’électricité. Assumer des responsabilités ayant trait notamment à la préparation et au nettoyage des lieux de travail; au déplacement de l’équipement et du matériel; au déplacement de meubles; à la vérification, au remplacement et à l’installation de nouvelles serrures; au cadrage et à l’installation de portes; à l’exécution de travaux d’entretien préventif selon un calendrier; au déneigement; à la construction de coffrages et autres petites structures de bois et au remplacement de composants électriques, etc.

Utiliser divers outils électriques, équipements spécialisés, outils à main et véhicules motorisés; contrôler et gérer les outils d’atelier en conformité avec les lignes directrices.

Formuler des recommandations pour la commande de matériel, de fournitures, d’outils ou de services requis dans le cadre des fonctions de manœuvre d’équipe.

Promouvoir la sécurité au travail, la protection contre les incendies, un milieu de travail positif, un environnement juste, équitable et exempt de harcèlement, la propreté ainsi que les stratégies de développement durable auprès des délinquants.

Procéder à des vérifications quotidiennes de la sécurité, tenir le compte de présence des détenus participant aux programmes de formation professionnelle et assurer la sécurité des zones sous sa responsabilité.

Le titulaire de ce poste détient le titre d’agent de la paix.

[…]

Responsabilités

Évaluer, sur une base continue, le rendement des délinquants par rapport à trois volets, qui sont les compétences favorisant l’employabilité, le développement personnel et le travail d’équipe, recommander les redressements de la paye, à la fois régulière et d’encouragement, et fournir une rétroaction positive aux délinquants sur leurs compétences professionnelles, la qualité de leur travail, les pratiques en matière de sécurité, leur attitude et comportement. Les délinquants sont évalués d’après leur rendement réel en fonction des attentes des employeurs de la collectivité.

Préparer, pour le surveillant, des rapports sur le temps, les commandes de matériel et les travaux effectués. Préparer et rédiger différents rapports portant sur le comportement des détenus, la discipline, l’assiduité et les compétences professionnelles.

Fournir des avis et des conseils aux délinquants sur le comportement et les attitudes à adopter afin de les aider à mieux fonctionner dans leur milieu de travail et à se préparer à réintégrer la société.

Fournir de l’information au surveillant concernant les manquements à la sécurité en ce qui a trait aux procédures, aux bris d’équipement ou aux comportements douteux de détenus.

Effectuer des activités liées à la sécurité, telles que : fouiller le lieu de travail et les détenus pour déceler la présence d’objets interdits, de substances illicites, d’armes et autres objets, vérifier les outils, l’équipement et les serrures, ainsi qu’évaluer l’humeur d’un ou plusieurs détenus et intervenir au besoin.

S’assurer que les normes en matière de santé et de sécurité au travail sont respectées. Aviser le surveillant, ses collègues et les délinquants des problèmes de santé et de sécurité qui surviennent dans le cadre de l’exécution des tâches afin que des mesures soient prises.

Tenir un inventaire des outils manuels, des outils d’atelier, de l’équipement et des matériaux.

[Les passages en évidences le sont dans l’original]

 

III. Résumé de l’argumentation des fonctionnaires

[31] Selon les fonctionnaires, la description de travail de préposé à l’entretien ne constitue pas un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités.

[32] La preuve présentée par M. Carmona témoigne de sa compréhension du travail des fonctionnaires, cette dernière étant très limitée. Plus d’importance doit être accordée au témoignage de M. Houle qui exécutait lui-même le travail de préposé à l’entretien avant d’être promu menuisier.

[33] Le titre du poste ne reflète pas le travail fait par les fonctionnaires. M. Carmona l’a d’ailleurs admis. Les fonctionnaires sont des hommes à tout faire. Ils sont des ouvriers polyvalents. C’est d’ailleurs le titre que portait leur ancienne description de travail. Ils ne sont pas des préposés à l’entretien.

[34] La description de travail renvoie à la prestation de services non qualifiés. Les GL-MAN-07 sont des membres importants de l’équipe de Construction CORCAN. Leur travail demande une certaine expertise qu’on ne peut nommer « non qualifiée ». De plus, les superviseurs ne sont pas toujours sur les chantiers, ni les ouvriers de métiers quand il y a des problèmes à régler.

[35] La description de travail renvoie à des travaux de construction et d’entretien. La preuve présentée par M. Houle démontre qu’il y a aussi des travaux de rénovation et de réfection en plus des travaux de démolition. Cela devrait être inscrit à la description de travail qui est incomplète. De plus, selon la preuve présentée par M. Houle, la liste des domaines de la construction compris dans la description de travail est incomplète. Il faudrait y ajouter les travaux de maçonnerie.

[36] La description de travail se limite à faire mention de « l’exécution des tâches de construction ». On devrait y ajouter « la planification et l’organisation des tâches ».

[37] Les préposés à l’entretien doivent faire l’entretien des outils. La description de travail ne le mentionne pas. Elle ne mentionne pas non plus l’utilisation et l’entretien de l’équipement de chantier.

[38] La description de travail devrait mentionner des responsabilités des fonctionnaires sur la garde des détenus. Enfin, la section « Responsabilités » de la description de travail ne fait aucune mention de la responsabilité de coordination de certains projets de construction qui incombe au préposé à l’entretien.

[39] Les fonctionnaires m’ont renvoyé aux décisions suivantes : Currie c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2006 CAF 194; Aphantitis c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 85; Jennings c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 20; Maillet c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 16; McKenzie c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 15; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 86.

IV. Résumé de l’argumentation de l’employeur

[40] Les fonctionnaires se sont peut-être sentis dévalués par leur nouvelle description de travail qui a fait passer la classification de leur poste de GL-MAN-08 à GL-MAN-07. Toutefois, un grief contestant une description de travail n’est pas le moyen adéquat pour régler un tel problème.

[41] Une description de travail ne décrit pas les compétences du titulaire d’un poste, mais plutôt ce qui est attendu du titulaire. Sur ce, les fonctionnaires n’ont pas prouvé que la description de travail actuelle n’est pas un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités. De plus, la jurisprudence rappelle que la description de travail n’a pas à inclure toutes les tâches pour être jugée complète. L’employeur n’a pas l’obligation de tout décrire et de tout énumérer. Cela risquerait simplement d’alourdir le texte.

[42] Le rôle de l’arbitre est de déterminer si la description de travail satisfait aux exigences de la convention collective. Ce n’est pas de la réécrire en y apportant des modifications ici et là, comme le demande les fonctionnaires.

[43] Le terme non qualifié utilisé dans la convention collective est à propos. Il implique que les titulaires des postes de préposé à l’entretien n’ont pas à détenir de qualification ou certification professionnelle comme les menuisiers ou les autres ouvriers de métiers.

[44] Selon l’employeur, il ne serait pas à propos d’ajouter des termes comme « réfection », « rénovation » ou « démolition », car ces fonctions sont déjà couvertes par l’utilisation des termes « construction » et « entretien ». Il serait aussi inutile d’ajouter d’autres domaines à la liste comprise dans la description de travail qui n’est pas exhaustive, d’autant plus que l’énumération commence par les termes « tels que ».

[45] M. Carmona a témoigné que l’employeur ne s’attendait pas à ce que les fonctionnaires entretiennent les outils. Pour sa part, M. Houle a témoigné qu’il lui arrivait de changer une lame ou de changer l’huile. L’exécution de cette tâche ne requiert pas de changement dans la description de travail.

[46] Les tâches de planification et d’organisation des chantiers relèvent du surveillant en construction. Elles ne peuvent être ajoutées à la description de travail du préposé à l’entretien. Certes, ce dernier organise et planifie le travail des détenus, mais ce n’est pas lui qui organise les chantiers ou planifie les projets.

[47] Les exemples fournis par M. Houle sur ces questions sont des cas isolés qui ne reflètent pas bien la réalité du travail d’un préposé à l’entretien.

[48] Selon l’employeur, même si la description de travail du poste GL-MAN-07 contestée par grief en janvier 2014 avait un effet rétroactif à avril 2007, l’ordonnance de l’arbitre ne peut entrer en vigueur qu’au plus tôt 25 jours avant le dépôt des griefs.

[49] L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Jennings; Maillet; (Canada) National Film Board v. Coallier, [1983] F.C.J. No. 813 (F.C.A.); Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69; Jaremy c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59; Suric c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 44. L’employeur m’a aussi renvoyé à la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11).

V. Motifs

[50] La clause 54.01 de la convention collective oblige l’employeur à fournir aux fonctionnaires, sur demande, un exposé complet et courant de leurs fonctions et responsabilités. Selon l’employeur, les sections précitées de la description de travail des fonctionnaires constituent un tel exposé. Les fonctionnaires prétendent que ce n’est pas le cas. Il s’agit là du litige que je dois trancher.

[51] La Commission a maintes fois statué sur ce qui constitue un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités d’un ou une fonctionnaire. Les parties m’ont soumis plusieurs décisions tout à fait pertinentes sur la question. Toutefois, à lui seul, le paragraphe 52 de Jennings en résume les éléments importants et pertinents. Ce paragraphe se lit comme suit :

[52] Qu’est-ce qu’un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités d’un employé? Les parties et les décisions arbitrales sur lesquelles elles s’appuient conviennent qu’une description de travail doit renfermer suffisamment de renseignements pour rendre compte précisément de ce que fait un employé. Elle ne doit pas « omettre de mentionner une fonction ou responsabilité particulière que le fonctionnaire doit remplir »; voir Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accises), dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221). Une description de travail contenant des descriptions générales et génériques est acceptable dans la mesure où elle satisfait à cette exigence fondamentale. Dans Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69, au paragraphe 26, l’arbitre de grief a écrit ce qui suit : « Il n’est pas indispensable qu’une description de travail contienne une liste détaillée de toutes les activités exercées dans le cadre d’une tâche particulière. Il n’est pas nécessaire non plus qu’elle décrive par le menu la façon dont ces activités sont exercées. » Voir aussi Currie et al. c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 69, au paragraphe 164; Jaremy et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Accise, Douanes et Impôt), 2000 CRTFP 59, au paragraphe 24; Barnes et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 13. L’employeur n’est pas tenu d’utiliser une formulation particulière pour décrire les fonctions et responsabilités d’un employé et « […] ce n’est pas le rôle de l’arbitre de grief de corriger la phraséologie ou les expressions employées », pour autant qu’elles décrivent globalement les responsabilités et les fonctions exécutées (voir Jarvis et al. c. Conseil du Trésor (Industrie Canada), 2001 CRTFP 84, au paragraphe 95, et Barnes, au paragraphe 24.

 

[52] Une description de travail doit donc satisfaire aux critères suivants pour être considérée comme un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités d’un ou une fonctionnaire :

· Contenir suffisamment de renseignements pour rendre compte précisément de ce que fait un ou une fonctionnaire;

· Ne pas omettre de mentionner une fonction ou responsabilité qu’un ou une fonctionnaire doit remplir.

 

[53] Par contre, il n’est pas nécessaire qu’une description de travail contienne une liste détaillée de toutes les activités exercées ou qu’elle décrive dans les menus détails la façon dont les activités sont exercées. Enfin, l’employeur n’est pas tenu d’utiliser une formulation particulière en autant que la formulation utilisée décrive les responsabilités et fonctions exécutées. En ce sens, le rôle de l’arbitre n’est pas de corriger cette formulation si elle décrit les responsabilités et fonctions exécutées.

[54] Sur la base de la preuve présentée et des critères qui découlent de Jennings, je suis d’avis que la description de travail n’est pas un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités des fonctionnaires. Par contre, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’y apporter tous les changements demandés par les fonctionnaires pour que la description de travail respecte les exigences de la convention collective.

[55] Selon les fonctionnaires, le titre de leur poste ne reflète pas adéquatement leur travail. La question de ma compétence pour me prononcer sur le titre d’un poste n’a pas été discutée à l’audience. Les fonctionnaires semblent le prendre pour acquis. L’employeur ne m'a rien présenté pour s’y opposer. Il ne fait de doute dans mon esprit que le titre d’un exposé complet des fonctions et responsabilités d’un poste est une partie importante de cet exposé. Il résume en quelques mots ces fonctions et responsabilités. Ceci dit, je suis d’accord avec les fonctionnaires que le titre de leur poste ne reflète pas adéquatement leur travail. Même le témoin de l’employeur en est conscient. Le titre utilisé est réducteur et ne correspond pas aux tâches assignées aux fonctionnaires. Le titre « ouvrier polyvalent » proposé par les fonctionnaires me semble beaucoup plus à propos. Les fonctionnaires sont des ouvriers qui sont appelés à intervenir dans divers domaines de la construction. C’est en ce sens qu’ils sont polyvalents. Ce sont aussi des ouvriers, tout comme leurs collègues menuisiers ou maçons, qui « instruisent » les détenus.

[56] Rien ne me permet de douter de la véracité du témoignage de M. Houle. Son témoignage a certes été contredit en partie par celui de M. Carmona. J’explique ces différences par le fait, que d’une part, M. Houle accomplissait des tâches qui ne relevaient pas nécessairement de lui, sans doute parce qu’il détenait des compétences plus spécialisées que celles qui étaient requises. D’autre part, M. Carmona ne sait pas nécessairement ce qui se passe dans la réalité quotidienne du travail des fonctionnaires. En effet, au moment du dépôt des griefs, les fonctionnaires n’étaient pas sous l’autorité hiérarchique de M. Carmona. Qui plus est, M. Carmona est directeur national de Construction CORCAN depuis septembre 2018. Il est donc assez loin hiérarchiquement du travail des fonctionnaires.

[57] Les fonctionnaires ne sont pas d’accord avec l’employeur sur l’utilisation des termes « services non qualifiés » pour décrire leur travail. Sur ce, les tâches comprises dans les exemples fournis par M. Houle pour décrire le travail des fonctionnaires requièrent certainement des qualifications en matière de construction. Selon l’employeur, le terme « non qualifié » est utilisé pour distinguer le travail des fonctionnaires qui n’ont pas à détenir de qualification ou de certification professionnelle comme les menuisiers ou les autres ouvriers de métiers.

[58] La preuve révèle que les fonctionnaires ont besoin d’être qualifiés pour accomplir leurs tâches. Comment peut-on faire des travaux de peinture, changer des portes et des carreaux de vitres, faire des travaux de base en menuiserie ou en maçonnerie sans être qualifié pour le faire? Certes, l’employeur a raison de dire que le travail des fonctionnaires ne requiert pas une certification professionnelle comme c’est le cas pour les ouvriers de métiers, mais on ne peut pour autant qualifier ce qu’ils font de travail « non qualifié ». Il s’agit plutôt de travail « non spécialisé » de construction ou de travaux généraux de construction en opposition au travail spécialisé des menuisiers, plombiers, maçons ou autres métiers de la construction.

[59] Selon les fonctionnaires, leur description de travail doit comprendre les travaux de rénovation, de réfection et de démolition en plus des travaux de construction et d’entretien qui y sont déjà compris. Selon l’employeur, les termes « construction » et « entretien » couvrent déjà les ajouts proposés par les fonctionnaires. La preuve présentée par les fonctionnaires ne m’a pas convaincu que la rénovation, la réfection et la démolition sont des fonctions qui ne font pas partie de la construction et de l’entretien. Le terme « construction » est un terme générique qui peut être interprété comme englobant toutes les activités de ce domaine.

[60] Par contre, la description de travail énumère une série de domaines de la construction dans lesquels les fonctionnaires sont appelés à travailler. J’en rappelle le libellé : « […] tels que la menuiserie, la plomberie, la tôlerie, la peinture et l’électricité. » Les fonctionnaires proposent d’y ajouter la maçonnerie, alors que, selon l’employeur, la liste n’a pas à être exhaustive, car elle débute par les termes « tels que ». Lors de son témoignage, M. Houle a expliqué le travail qu’il faisait à partir de cinq projets sur lesquels il avait travaillé. Or, deux de ces cinq projets impliquaient du travail non spécialisé dans le domaine de la maçonnerie. Cette preuve n’a pas été contredite. Il est vrai que la liste des domaines débute par « tels que », mais cela ne justifie pas d’omettre un domaine important d’intervention sur cette seule base. L’employeur a choisi d’inclure une énumération des domaines de la construction dans la description de travail. Cette liste n’a pas à inclure les situations exceptionnelles, mais elle devrait au moins faire mention des domaines où les interventions peuvent se produire sur une base régulière. Selon la preuve, c’est le cas pour les travaux de maçonnerie.

[61] Les fonctionnaires demandent d’ajouter à la description de travail la mention « planification et organisation des tâches » de construction, la description de travail ne faisant mention que de l’exécution de ces tâches. L’employeur n’est pas d’accord avec cet ajout, car les fonctions de planification et d’organisation relèvent du surveillant en construction. Sur ce point, je suis d’accord avec l’employeur. Le rôle des fonctionnaires est de planifier et organiser le travail des détenus, mais ce sont les superviseurs qui planifient et organisent les projets de construction. Je m’en remets d’ailleurs au témoignage de M. Carmona qui, sans en avoir une connaissance détaillée, a une vision globale du rôle de chacun dans la structure de Construction CORCAN. Qui plus est, la description de travail du surveillant en construction comprend la mention suivante : « Planifier, organiser, diriger et contrôler l’exécution du travail relié aux programmes de construction […] ».

[62] Les fonctionnaires suggèrent d’ajouter l’entretien des outils et de l’équipement de chantiers dans la description de travail. La preuve soumise ne me convainc pas d’ordonner l’ajout d’une telle mention. La description de travail stipule déjà que les fonctionnaires utilisent des outils et de l’équipement et qu’ils doivent contrôler et gérer ces outils et cet équipement. Cela implique nécessairement qu’ils doivent en assurer le bon fonctionnement. Rien dans la preuve ne porte à croire qu’ils réparent ce qui est défectueux.

[63] Les fonctionnaires proposent aussi des changements à la section « Responsabilités » de la description de travail. Ils suggèrent d’y ajouter des responsabilités relatives à la garde des détenus et à la coordination des projets de construction. Je ne suis pas d’accord avec ces ajouts. Rien dans la preuve ne m’amène à conclure que le libellé actuel de la description de travail ne couvre pas suffisamment les activés relatives à la garde des détenus. Quant à la coordination des projets de construction, elle incombe au surveillant de construction qui a la responsabilité de « […] Planifier, organiser, diriger et contrôler l’exécution du travail relié aux programmes de construction […] ».

[64] Selon la jurisprudence, l’employeur n’est pas tenu d’utiliser une formulation particulière, mais cette formulation doit au moins décrire les responsabilités et fonctions exécutées. Également, le rôle de l’arbitre n’est pas de corriger la formulation utilisée. Je suis évidemment d’accord avec ces principes. Par contre, la question de savoir si nous sommes en présence de tâches non-qualifiées ou de tâches non‑spécialisées ou encore si on doit ou non ajouter des tâches de maçonnerie par exemple ne sont pas de simples questions de formulation. Ces questions relèvent plutôt du droit d’un fonctionnaire de recevoir un exposé complet de ses fonctions et responsabilités. J’ai ici opté pour des propositions concrètes de changements de façon à régler le litige qui oppose les parties. À titre d’exemple, j’aurais pu me contenter d’ordonner à l’employeur de modifier le titre du poste de façon à mieux en refléter la nature. J’ai écarté une telle approche qui risquerait de déplacer le litige au lieu de le régler.

[65] S’appuyant sur Coallier, l’employeur allègue que mon ordonnance entre en vigueur au plus tôt 25 jours avant le dépôt des griefs. Je suis d’accord avec cette position, d’autant plus que les fonctionnaires ne m’ont rien présenté allant à l’encontre de la position de l’employeur. Selon la convention collective, les fonctionnaires avaient 25 jours pour déposer des griefs pour contester leur nouvelle description de travail. C’est ce qu’ils ont fait. Les changements que j’ordonne à l’employeur seront donc rétroactifs à 25 jours avant le dépôt des griefs.

[66] Pour ces motifs, la Commission accueille les griefs des fonctionnaires et elle rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[67] J’accueille les griefs.

[68] J’ordonne à l’employeur d’apporter les modifications suivantes à la description de travail des fonctionnaires :

· Modifier le titre de la description de travail à « ouvrier polyvalent »;

 

· Dans les sections « Résultats axés sur la clientèle » et « Activités principales » de la description de travail, remplacer les mots « non qualifiés » par les mots « non spécialisés » ou par le mot « généraux », au choix de l’employeur;

 

· Ajouter le domaine de la maçonnerie à la liste de domaines spécifiés dans la description de travail de sorte que cette liste se lise comme suit : « tels que la menuiserie, la plomberie, la tôlerie, la peinture, l’électricité et la maçonnerie ».

 

[69] J’ordonne à l’employeur de réviser les sections « Habiletés », « Efforts », « Conditions de travail », et « Information additionnelle » de la description de travail des fonctionnaires afin de tenir compte au besoin des modifications qui pourraient être requises à la suite des changements ordonnés aux sections « Résultats axés sur la clientèle » et « Activités principales ».

[70] Je demeure saisi des griefs pour régler tout litige qui pourrait être porté à mon attention dans les 120 jours de ma décision.

Le 10 novembre 2022.

 

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.