Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s'estimant lésé était un agent des services frontaliers qui travaillait à Calgary, en Alberta – il était également le président de la succursale d’Alberta du Syndicat des Douanes et de l’Immigration, un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance ») – le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief alléguant que l’employeur lui avait refusé un congé payé pour deux jours de déplacement afin d’assister à une audience de la Commission de l’intérêt public (CIP) et à une réunion préalable à la CIP à Ottawa, en Ontario – l’article 14 de la convention collective était silencieux en ce qui concerne les déplacements aux fins des affaires de l’Alliance – la Commission a examiné le sens clair et ordinaire du libellé de la convention collective et la convention dans son ensemble – la Commission a fait remarquer que l’agent négociateur et l’employeur avaient expressément prévu plusieurs types de congés qui pouvaient être demandés et accordés, étant donné qu’environ le tiers de la convention portait sur les différents types de congés – à l’article 14, ils ont expressément prévu les modalités d’octroi des congés et les conditions pour les employés qui participaient aux affaires de l’Alliance – lorsqu’ils ont souhaité traiter des questions relatives aux déplacements et à leur rémunération, ils l’ont fait spécifiquement à l’article 32, en vertu duquel le temps de déplacement était indemnisé uniquement dans les circonstances et dans les limites prévues par cet article – une interprétation selon le sens clair et ordinaire du libellé de la convention collective a amené la Commission à conclure que les parties à la convention n’avaient pas prévu le paiement d’un congé payé pour les déplacements aux fins des affaires de l’Alliance – en outre, un congé payé comporte un coût financier pour l’employeur et doit être clairement et expressément accordé – la convention collective ne prévoyait aucun congé payé pour les déplacements aux fins des affaires de l’Alliance – étant donné que la clause 32.03 précisait expressément que le temps de déplacement n’était rémunéré que dans les circonstances et dans les limites prévues par cet article, et ne prévoyait aucun congé payé pour le temps de déplacement aux fins des affaires de l’Alliance, cet avantage n’était prévu ni clairement ni expressément.
Grief rejeté.
Contenu de la décision
Date : 20221128
Référence : 2022 CRTESPF 98
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral et
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ENTRE
Steve Pellerin‑Fowlie
fonctionnaire s’estimant lésé
et
(Agence des services frontaliers du Canada)
employeur
Répertorié
Pellerin‑Fowlie c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage
Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Pamela Sihota, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l’employeur : Larissa Volinets Schieven, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 26 juillet et le 22 août 2022.
(Traduction de la CRTESPF)
MOTIFS DE DÉCISION
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(TRADUCTION DE LA CRTESPF)
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I.
Grief individuel renvoyé à l’arbitrage
[1] Steve Pellerin‑Fowlie, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était, pendant toute la période pertinente aux faits de la présente décision, employé par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») et travaillait pour l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en tant qu’agent des services frontaliers (ASF) du groupe Techniciens divers, classifié au groupe et au niveau FB‑03. Pendant la période pertinente, son poste était à Calgary, en Alberta. En plus de son poste d’ASF, il était également le président de la succursale de l’Alberta du Syndicat des Douanes et de l’Immigration (SDI).
[2] Le SDI est un élément syndical qui fait partie de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance »).
[3] À l’époque pertinente, les conditions d’emploi du fonctionnaire étaient régies, en partie, par une convention collective conclue entre le CT et l’Alliance visant tous les employés du groupe Services frontaliers, qui a été signée le 29 janvier 2009 et qui est venue à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »).
[4] Le 21 décembre 2012, le fonctionnaire a déposé un grief alléguant que l’employeur lui avait refusé un congé payé pour les 6 et 11 décembre 2012, à titre de jours de déplacement pour qu’il participe à une médiation contractuelle le 7 décembre 2012 (incorrectement indiqué comme étant le 8 décembre 2012 sur le formulaire de grief) et à une audience de la Commission de l’intérêt public (CIP) le 10 décembre 2012. En guise de réparation, le fonctionnaire a demandé que l’Alliance soit remboursée directement pour les deux jours (les 6 et 11 décembre 2012) et qu’il soit indemnisé intégralement.
[5] L’employeur a rejeté le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et le fonctionnaire l’a renvoyé à l’arbitrage devant l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP »).
[6] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; la « LCRTEFP ») a été proclamée en vigueur (TR/2014‑84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »), remplaçant l’ancienne CRTFP ainsi que l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014 84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une procédure engagée au titre de la LRTFP avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.
[7] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).
II.
Résumé de la preuve
[8] Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents.
[9] À l’époque pertinente, la convention collective était expirée et l’Alliance et l’employeur avaient entamé le processus d’audience de la CIP. Le fonctionnaire était membre de l’équipe de négociation de l’Alliance.
[10] Dans un courriel envoyé le 26 octobre 2012 à 14 h 59, heure locale, le fonctionnaire a informé Celine Bourgoin, qui était la chef intérimaire des opérations commerciales du district du Centre de l’Alberta de l’ASFC, que la médiation qui était prévue le 23 novembre 2012 avait été annulée et que le congé qu’il avait demandé antérieurement devrait être annulé et transféré aux 6, 7, 10 et 11 décembre 2012. Il a ajouté qu’ils étaient tous les deux visés par la clause 14.04 de la convention collective.
[11] Le 27 novembre 2012, Mme Bourgoin a informé le fonctionnaire qu’un congé payé avait été accordé pour le vendredi 7 décembre et le lundi 10 décembre 2012, en vertu de la clause 14.04 de la convention collective, et qu’un congé non payé en vertu de la clause 14.10 avait été accordé pour les jours de déplacement du jeudi 6 décembre et du mardi 11 décembre 2012.
[12] Dans un courriel envoyé le 4 décembre 2012 à 14 h 49, Scott Hazlitt, un conseiller principal en relations de travail, a acheminé un courriel de l’administration centrale de l’ASFC à Kevin Hewson et à Mike Shoobert au sujet du congé pour l’audience de la CIP prévue à Ottawa, en Ontario, le 10 décembre 2012. Le poste de M. Hewson et la pertinence de celui‑ci à l’égard du grief ne m’ont pas été communiqués. M. Shoobert a été identifié en tant que directeur intérimaire pour le district de Calgary de l’ASFC. Le courriel indiquait ce qui suit :
[Traduction]
[...]
Ce qui suit fait suite à des discussions récentes avec les directeurs régionaux des ressources humaines au sujet du Congé payé ou non payé pour les affaires de l’Alliance (article 14 de la convention collective des Services frontaliers) et vise à préciser le type de congé qui peut être accordé aux membres de l’équipe de négociation pour participer au processus de la Commission de l’intérêt public (CIP) à Ottawa.
Comme vous le savez, une audience de médiation de la CIP pour le groupe FB est prévue les 8 et 9 décembre 2012. Au besoin, une audience de la CIP est également prévue le 10 décembre 2012.
Un congé pour les affaires de l’Alliance en vue de participer au processus de la CIP est accordé, lorsque les nécessités du service le permettent, uniquement aux membres de l’équipe de négociation.
Un congé payé, conformément à la clause 14.04, peut être accordé pour la période du 8 au 10 décembre 2012.
Nous avons reçu des questions concernant les demandes de congé lorsqu’un déplacement est nécessaire pour assister à la CIP. Un congé non payé, conformément à la clause 14.09, peut être accordé pour les déplacements à destination et en provenance d’Ottawa.
Si les membres demandent un congé pour assister aux réunions préparatoires de négociations contractuelles (habituellement la veille, par exemple), un congé non payé en vertu de la clause 14.10 peut être accordé.
[...]
[13] Dans un courriel envoyé le 5 décembre 2012 à 15 h 13, Mme Bourgoin a informé le fonctionnaire que ses congés payés et non payés qui avaient été approuvés étaient modifiés en changeant le congé payé du 7 décembre 2012 en congé non payé, accordant ainsi au fonctionnaire trois jours de congé non payé, soit les 6, 7 et 11 décembre, et un jour de congé payé, soit le 10 décembre 2012. Dans un courriel de retour envoyé le même jour à 16 h 14, le fonctionnaire a réitéré sa demande de congé payé pour les 6, 10 et 11 décembre 2012 et de congé non payé pour le 7 décembre 2012.
[14] Les documents indiquaient de manière variée ce qui se passait le 7 décembre 2012, soit une médiation liée à l’audience de la CIP, des négociations contractuelles et une réunion de préparation de l’Alliance à l’audience de la CIP. Étant donné que le caractère exact de ce dont il s’agissait n’est pas déterminant, dorénavant, je l’appellerai simplement la réunion « préalable à la CIP ».
[15] Dans un courriel envoyé le 7 décembre 2012 à 12 h 48 et provenant de Mme Bourgoin, M. Shoobert a informé le fonctionnaire que le congé que Mme Bourgoin avait approuvé le 5 décembre 2012, soit un congé non payé de trois jours et un congé payé d’un jour, serait accordé.
[16] La convention collective contient sept « chapitres » et est composée de 64 « articles » et de neuf « annexes ». Sans compter les annexes, elle compte 97 pages, dont deux sont les pages de signature. L’un des chapitres, soit le chapitre IV, est intitulé « Congés » et comporte 20 articles distincts, totalisant 30 pages, qui décrivent les différents types de congés envisagés, dont plusieurs sont ensuite ventilés dans chacune des dispositions. En plus de ces dispositions relatives aux congés, un article distinct est consacré aux congés payés ou non payés pour les affaires de l’Alliance, soit l’article 14, qui comporte trois pages et est rédigé comme suit :
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[17] Le chapitre III de la convention collective est intitulé « Conditions de travail ». L’article 32, qui comporte trois pages, est intitulé « Temps de déplacement » et est rédigé comme suit :
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[18] La convention collective fait également référence aux déplacements à l’article 25, intitulé « Durée du travail », plus précisément à la clause 25.27, qui est rédigée comme suit :
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[19] L’Alliance a remboursé le fonctionnaire pour ses jours de déplacement. L’employeur n’avait aucune connaissance de ce remboursement.
III.
Résumé de l’argumentation
A.
Pour le fonctionnaire s’estimant lésé
[20] Le fonctionnaire a soutenu que l’article 14 de la convention collective démontre sans ambiguïté l’intention des parties d’accorder un congé payé ou un congé non payé afin de permettre aux membres de l’agent négociateur d’assister à certaines affaires syndicales et d’y participer. Même si le fonctionnaire a également assisté à la réunion préparatoire avec l’agent négociateur le 7 décembre 2012, pour laquelle il a obtenu un congé non payé en vertu de la clause 14.10, il a tout de même dû entreprendre deux jours de déplacement à destination et en provenance de la CIP, ce qui signifie que la clause 14.04 devrait être appliquée en vue d’inclure les deux jours de déplacement du fonctionnaire. Le fonctionnaire a fait valoir qu’en refusant un congé payé pour le temps de déplacement vers la CIP, l’employeur ajoute des mots à la disposition initiale qui ne fait aucune distinction entre le fait de comparaître devant le CIP et le fait de se déplacer pour comparaître devant elle.
[21] En examinant la convention collective dans son ensemble, l’article 32 de la convention collective porte sur le temps de déplacement et sur la façon dont les employés seront rémunérés lorsqu’ils se déplacent pour leur emploi et le moment où ils recevront la rémunération pour ce déplacement. Le libellé de l’article 32 prévoit des limites et des paramètres concernant le moment où un employé sera rémunéré ou indemnisé pour un déplacement lié au travail. Aucune limitation de ce genre ni aucun paramètre de ce genre ne sont prévus à l’article 14 qui porte sur l’octroi de congés payés et non payés pour les affaires de l’Alliance. Par conséquent, en l’absence d’une disposition expresse énonçant que le déplacement n’est pas inclus, le fonctionnaire a soutenu qu’un congé payé aurait dû lui être accordé en vertu de la clause 14.04 de la convention collective pour deux jours de déplacement.
[22] Le fonctionnaire a demandé à la Commission de déclarer que l’employeur a contrevenu à la convention collective. Il a également demandé à être indemnisé intégralement et bénéficier de toute autre mesure corrective que la Commission estime appropriée.
[23] Le fonctionnaire m’a renvoyé à l’ouvrage Canadian Labour Arbitration, 5e édition, de Donald J. M. Brown et David M. Beatty, au chapitre 4, « The Collective Agreement » [La convention collective], paragraphe 4:2100, à « The Object of Construction: Intention of the Parties » [L’objet de la rédaction : Intention des parties], à Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 108 (« IPFPC c. CT »), et à Fields c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2016 CRTEFP 78.
B.
Pour l’employeur
[24] L’employeur a soutenu que lorsqu’un avantage comporte un coût financier pour l’employeur, il doit être clairement et expressément stipulé dans la convention collective. Il incombe donc au fonctionnaire de prouver clairement et sans équivoque que les avantages pécuniaires demandés constituaient le résultat voulu.
[25] L’article 14 est un code complet en ce qui concerne les congés disponibles pour les affaires syndicales, tant payés que non payés. Il ne prévoit pas de congé payé pour les déplacements à destination et en provenance des audiences de la CIP. Il existe manifestement une distinction entre le fait de « représente[r] » l’agent négociateur, comme le prévoit la clause 14.04, et le déplacement à cette fin, à l’égard duquel la convention collective est muette. Le silence sur une question ne soulève pas d’ambiguïté et ne donne pas lieu à droit pécuniaire. Il indique plutôt que les parties ne se sont pas penchées sur cette question. Étant donné le silence de la convention collective sur la question du congé pour les déplacements à destination et en provenance des audiences de la CIP, et compte tenu du fait que l’octroi du congé non payé pour un tel déplacement par l’employeur n’est pas incompatible avec le libellé explicite de la convention collective, l’employeur peut exercer ses droits résiduels de gestion pour déterminer le type de congé disponible, le cas échéant, pour ce type de déplacement. Le fait d’interpréter un tel droit pécuniaire face au silence sur la question équivaudrait à une révision de la convention collective, en violation de l’article 229 de la LRTSPF. Même si l’agent négociateur et l’employeur ont négocié divers congés payés et non payés pour permettre aux employés d’assister aux affaires de l’agent négociateur, ils n’ont manifestement pas négocié des congés payés pour les déplacements pour se rendre à ces affaires.
[26] Comme l’a fait remarquer le fonctionnaire, aucune limite ni aucun paramètre concernant le temps de déplacement ne sont prévus à l’article 14, contrairement à l’article 32, qui régit les déplacements exigés par l’employeur lorsqu’ils sont en service commandé. Cela s’explique par le fait qu’aucun temps de déplacement n’est prévu à l’article 14, de sorte qu’aucune limite ni aucun paramètre de ce type n’est nécessaire. De toute évidence, l’agent négociateur et l’employeur ont négocié que les employés soient payés lorsqu’ils se déplacent pour le compte du gouvernement, à la demande de l’employeur. Toutefois, ils n’ont pas négocié un congé payé pour les déplacements liés aux affaires au nom de l’agent négociateur.
[27] Le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que la clause 14.04 prévoit un congé payé pour les déplacements à destination et en provenance d’une audience de la CIP.
[28] L’employeur a demandé que la Commission rejette le grief.
[29] En plus de la Loi, l’employeur m’a également renvoyé à IPFPC c. CT et à Cruceru c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2021 CRTESPF 30, à Nowlan c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 83, à Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, à Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55 (« Wamboldt c. ARC »), à Denboer c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 58, à Bédard c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2019 CRTESPF 76, à Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17, à Forbes c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 110, à Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2020 CRTESPF 117 (une demande de contrôle judiciaire a été rejetée dans 2022 FCA 69), à Association des juristes de Justice c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 48 (« AJJ c. Conseil du Trésor »), à King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 125 (une demande de contrôle judiciaire a été rejetée dans 2012 CF 488, l’appel a été rejeté dans 2013 CAF 131, et la demande d’autorisation d’appel auprès de la Cour suprême du Canada a été rejetée, 2014 CanLII 3503), à Forster c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 72, à Brain c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 74 et à Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CRTFP 53.
C.
Réponse du fonctionnaire
[30] Le fonctionnaire n’a fourni aucune réponse aux arguments de l’employeur.
IV.
Motifs
[31] Comme l’indique Arsenault, dans des griefs comme celui‑ci, lorsqu’il est allégué qu’il y a eu violation de la convention collective, le fardeau de la preuve incombe au fonctionnaire s’estimant lésé et à l’agent négociateur qui le soutient, et ils doivent établir que la violation alléguée a eu lieu, selon la prépondérance des probabilités.
[32] Le présent grief porte sur la question très étroite de savoir si le fonctionnaire avait droit à un congé payé pour deux jours de congé lorsqu’il s’est déplacé pour se rendre à une audience d’une journée de la CIP et à une réunion préalable à la CIP à Ottawa. Le fonctionnaire habitait et travaillait à Calgary, nécessitant donc un déplacement le 6 décembre 2012, soit la veille de la réunion préalable à la CIP, et le 11 décembre, soit le lendemain de l’audience de la CIP. L’employeur lui a accordé un congé pour le déplacement, mais non payé.
[33] Toutefois, les jours en litige n’étaient pas des jours d’audience de la CIP ou de réunion préalable à la CIP, mais simplement des jours de déplacement. L’article 14 est muet en ce qui concerne les déplacements pour les affaires de l’Alliance. Toutefois, la jurisprudence dans ce domaine est bien établie. Elle indique que les arbitres de grief, les arbitres de différends et les tribunaux doivent examiner non seulement le sens clair et ordinaire du libellé de la convention collective, mais également la convention dans son ensemble.
[34] Le droit dans ce domaine est bien établi. Il est résumé comme suit dans Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2100 : [traduction] « [...] pour établir l’intention des parties [à une convention collective], la présomption cruciale est que les parties [à une convention collective] sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit et que le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses. »
[35] Au paragraphe 84 de Cruceru, la Commission a déclaré ce qui suit :
[84] Comme le soulignent des sources faisant autorité telles que Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100, et comme le reconnaît la jurisprudence de la Commission, des canons d’interprétation tels que les suivants guident cette analyse : 1) les parties sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit; 2) le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses; 3) libellé de la convention collective doit être interprété selon son sens grammatical et ordinaire; 4) le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, en conformité avec l’économie de la convention collective; 5) lorsque les mêmes mots réapparaissent, il faut leur donner la même interprétation.
[36] Au paragraphe 109 d’AJJ c. Conseil du Trésor, la Commission a déclaré ce qui suit :
109 Un certain nombre de règles d’interprétation sont à mon avis utiles pour établir l’intention des parties dans l’interprétation du libellé utilisé dans la convention collective. D’abord, il faut donner aux mots d’une convention collective leur sens ordinaire normal. Ensuite, une convention collective doit être interprétée dans son ensemble, et les modalités identiques ou semblables utilisées dans différentes parties de la convention collective doivent se voir accorder un sens identique ou semblable. Troisièmement, la règle expressio unius alterius prévoit que la mention explicite d’un élément sous‑entend l’exclusion d’un autre; voir Collective Agreement Arbitration in Canada, aux pages 27 à 32.
[37] Lorsqu’il s’agit d’interpréter une convention collective, l’article 229 de la Loi prévoit que la décision de l’arbitre de grief ou de la Commission ne peut pas avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.
[38] Au paragraphe 67 de Forbes, la Commission a déclaré ce qui suit :
[67] La Commission devrait être extrêmement prudente pour ne pas ajouter d’avantages aux conventions que les parties à ces conventions n’ont pas négociés. Le législateur a adopté une telle restriction à l’égard de la défense créative par les parties à l’article 229 de la LRTSPF, qui interdit aux arbitres de grief de rendre des décisions qui modifieraient les modalités d’une convention collective.
[39] Lors de la négociation de la convention collective, l’Alliance et l’employeur ont expressément prévu plusieurs types de congés qui peuvent être demandés et accordés, et ceux-ci sont contenus dans 21 articles distincts englobant plus de 33 pages, soit environ le tiers de l’ensemble de la convention collective, à l’exclusion des annexes. En résumé, l’Alliance et l’employeur ont manifestement examiné de manière approfondie les dispositions relatives aux congés, étant donné qu’environ le tiers de la convention porte sur les différents types et les différentes options concernant les congés.
[40] En effet, lors de la négociation de la convention collective, l’Alliance et l’employeur ont expressément prévu à l’article 14, qui est intitulé « Congé payé ou non payé pour les affaires de l’Alliance », les modalités d’octroi des congés et le motif sur lequel ils sont accordés pour les employés qui participent à certaines activités. En fait, il y a 13 situations différentes listées concernant un congé pour un employé qui participe aux affaires de l’Alliance. Ces situations sont subdivisées davantage, en fonction du rôle que joue l’employé dans la situation.
[41] L’Alliance et l’employeur, lorsqu’ils ont voulu aborder les questions relatives aux déplacements et à leur rémunération, l’ont fait expressément. L’article 32 de la convention collective est intitulé « Temps de déplacement ». La clause 32.03 précise particulièrement que « [...] le temps de déplacement n’est rémunéré que dans les circonstances et dans les limites prévues par le présent article. » Son libellé est clair et non ambigu.
[42] Une interprétation selon le sens clair et ordinaire des mots de la convention collective m’amène à conclure que les parties à la convention n’ont pas prévu le paiement d’un congé payé pour les déplacements effectués pour le compte de l’Alliance et, par conséquent, le fonctionnaire n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la convention collective accorde cet avantage. Par conséquent, il n’a pas établi que l’employeur a contrevenu à la convention collective.
[43] De plus, comme l’indique Wamboldt c. ARC, la Commission a déclaré que « [...] un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur, doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective [...] ». Étant donné qu’un congé payé comporte un coût financier pour l’employeur, il doit avoir été clairement et expressément stipulé. Étant donné que la convention collective ne prévoit nulle part un congé payé pour les déplacements concernant les affaires de l’Alliance, et puisque la clause 32.03 précise expressément que « [...] le temps de déplacement n’est rémunéré que dans les circonstances et dans les limites prévues par le présent article » et ne prévoit aucun temps de déplacement pour les affaires de l’Alliance, cet avantage n’est prévu ni clairement ni expressément et le grief doit être rejeté pour ce motif également.
[44] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :
(L’ordonnance apparaît à la page suivante)
V.
Ordonnance
[45] Le grief est rejeté.
Le 28 novembre 2022.
Traduction de la CRTESPF
John G. Jaworski,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral