Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée était une agente correctionnelle – alors qu’elle assurait la surveillance accrue du risque de suicide d’un détenu, il a été constaté qu’elle n’avait pas maintenu une supervision directe et constante du détenu – il a été constaté qu’elle n’avait pas bien consigné les activités du détenu – il a été constaté qu’elle avait dormi pendant son service – l’employeur a mis fin à son emploi – la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu qu’elle n’avait pas dormi pendant son service – elle a demandé que le licenciement soit remplacé par une suspension – la Commission a conclu que l’employeur n’a pas établi toutes les allégations d’inconduite – la Commission a conclu que l’employeur a établi que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas maintenu une surveillance directe et constante du détenu et qu’elle n’avait pas bien consigné les activités du détenu – la Commission a conclu que l’employeur n’a pas établi que la fonctionnaire s’estimant lésée avait dormi pendant son service – la Commission a conclu que l’inconduite était grave, mais que la mesure disciplinaire était excessive – l’employeur n’a pas tenu compte du fait que la fonctionnaire s’estimant lésée avait reconnu ses erreurs et avait présenté ses excuses relativement à l’inconduite établie au cours de la procédure disciplinaire – la Commission a fait remarquer qu’un autre agent correctionnel avait reçu une suspension de 15 jours pour une inconduite très semblable qui est survenue en fonction de faits presque identiques au même établissement pour la surveillance accrue du risque de suicide du même détenu (voir Desjarlais c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2022 CRTESPF 103) – la Commission a remplacé le licenciement par une suspension de 15 jours, soit la même mesure disciplinaire que l’employeur a imposée dans Desjarlais – la Commission a réintégré la fonctionnaire s’estimant lésée dans son poste.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date: 20221222

Dossiers: 566-02-14326, 14468, 14469 et 14525

 

Référence: 2022 CRTESPF 104

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Grace Scott

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Scott c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Christophe Haaby, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN)

Pour le défendeur : Marie-France Boyer, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence

du 30 août au 3 septembre et le 13 octobre 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] La fonctionnaire s’estimant lésée, Grace Scott (la « fonctionnaire »), était employée par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») et travaillait pour le Service correctionnel du Canada (SCC) en tant qu’intervenante de première ligne (IPL) à l’Établissement d’Edmonton pour femmes (EEF ou l’« Établissement »), situé à Edmonton, en Alberta, dans la région des Prairies du SCC. Elle occupait un poste au groupe et au niveau CX-2.

[2] Dans les établissements pour femmes du SCC, les CX-2 sont identifiés comme des IPL.

[3] Le 20 mars 2017, la fonctionnaire a été suspendue sans solde, en attendant le résultat d’une enquête disciplinaire sur des allégations d’inconduite se rapportant à des incidents survenus au petit matin le 23 janvier 2017 (le « 23 janvier »), alors qu’elle était de service dans l’unité d’isolement de l’EEF. La suspension sans solde a été prolongée le 10 avril 2017, ainsi que les 1er et 23 mai 2017. Le 30 mars 2017, la fonctionnaire a déposé un grief pour contester la suspension sans solde initiale. Le 5 juin 2017, elle a déposé des griefs supplémentaires pour contester les deux prolongations de la suspension, le 1er mai et le 23 mai. Ces griefs portent respectivement les numéros de dossier de la Commission 566-02-14326, 14468 et 14469.

[4] Par une lettre du 6 juillet 2017 (la « lettre de licenciement ») signée par la directrice de l’EEF, Brigitte Bouchard, la fonctionnaire a été licenciée rétroactivement au 20 mars 2017. Les parties pertinentes de la lettre de licenciement se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente lettre a pour but de vous informer de l’issue du processus disciplinaire concernant les allégations selon lesquelles, le 23 janvier 2017, vous avez fait preuve de négligence dans l’exercice de vos fonctions alors que vous assuriez la surveillance accrue du risque de suicide de la détenue [nom caviardé] à l’Établissement d’Edmonton pour femmes.

Le Service correctionnel du Canada (SCC) s’attend à ce que tous les employés se conduisent d’une manière conforme aux Règles de conduite professionnelle du SCC et aux Directives du commissaire. Après un examen approfondi de la preuve, y compris les séquences vidéo du 23 janvier 2017 et les renseignements que vous avez fournis au cours du processus disciplinaire, je conclus que vos actions n’étaient pas conformes au comportement attendu d’un employé du SCC. Le 23 janvier 2017, vous avez omis d’exercer une surveillance directe et constante de la détenue [nom caviardé], et vous avez également omis de consigner correctement les activités de la détenue comme l’exige la politique. Par conséquent, vous avez fait preuve de négligence et votre comportement montre un mépris évident pour les Règles de conduite professionnelle. En conséquence, il a été constaté que vous avez commis les infractions suivantes à la DC 060 : Code de discipline :

Responsabilité dans l’exécution des tâches

· Alinéa 6f) « omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons »;

· Alinéa 6g) « omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions »;

Plus précisément : Directive du Commissaire 843, Gestion des comportements d’automutilation et suicidaires chez les détenus, article 11, « Dans le cas de détenus placés sous surveillance accrue ou modifiée du risque de suicide/d’automutilation, l’agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou le professionnel de la santé mentale, le cas échéant) consignera les activités du détenu dans le Rapport sur l’observation de l’isolement et de la contrainte (CSC/SCC 1006), selon les besoins, mais au moins toutes les 15 minutes », et article 17, « Les détenus placés sous surveillance accrue du risque de suicide/d’automutilation seront sous l’observation directe constante d’un agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou il peut s’agir d’un professionnel de la santé mentale dans les centres régionaux de traitement). La surveillance par caméra ne satisfait pas [sic] cette exigence. »

· Alinéa 6j) « volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions »;

· Alinéa 6m) « exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du Service ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort »;

Conduite et apparence

· Alinéa 8i) « dort pendant qu’il est de service ».

Après mûre réflexion, j’ai conclu que vous ne vous comportez pas selon les valeurs et les principes d’éthique attendus des employés du SCC, tels qu’ils sont décrits dans l’Énoncé de mission du SCC. Par vos actions, vous avez irrémédiablement rompu et compromis la relation d’emploi. Votre inconduite est d’une nature si grave que vous avez enfreint les principes fondamentaux d’équité, de professionnalisme et de responsabilité dans le cadre de la relation d’emploi qui doit exister entre vous et le SCC. Je ne suis donc pas en mesure de maintenir ma confiance dans votre capacité à remplir vos fonctions d’employée du SCC et d’agente de la paix.

En conséquence, compte tenu de la gravité de votre inconduite, il a été décidé de mettre fin à votre emploi pour des raisons disciplinaires. Par conséquent, en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques et des pouvoirs qui me sont délégués par le sous-ministre, je mets fin à votre emploi au Service correctionnel du Canada en date du 20 mars 2017.

[…]

 

[5] Le 31 juillet 2017, la fonctionnaire a déposé un grief pour contester son licenciement et a demandé les mesures de réparation suivantes :

[Traduction]

[…]

Je demande l’annulation de mon licenciement et la réintégration dans mon poste, le remboursement rétroactif de toutes les sommes que j’ai perdues et que je perdrai, notamment au titre des rajustements de pension et du RPC, ainsi qu’une indemnité pour la perte d’avantages sociaux que j’ai subie et que je subirai en raison de la décision de l’employeur.

Je demande que tous les autres droits que me confèrent la loi et la convention collective, ainsi que les dommages réels, moraux ou exemplaires, soient appliqués rétroactivement avec intérêts légaux sans préjudice aux autres droits acquis.

[…]

 

[6] Tous les griefs ont été rejetés au cours de la procédure de règlement des griefs et tous les quatre ont été renvoyés à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission) pour arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

II. Résumé de la preuve

A. Contexte

[7] Les faits à l’origine de l’inconduite qui a mené à la suspension et au licenciement de la fonctionnaire se sont produits entre 23 h le 22 janvier 2017 (le « 22 janvier ») et 3 h le 23 janvier dans l’unité d’isolement, parfois appelée l’unité sécurisée ou l’unité d’isolement sécurisée de l’EEF. Par souci de simplicité, j’emploierai l’expression « unité d’isolement ».

[8] Une détenue (identifiée dans la présente décision comme la « détenue A ») a été désignée comme présentant un risque élevé d’automutilation et de suicide et a été placée sous surveillance accrue du risque de suicide (SARS) à partir de 17 h environ le 20 janvier 2017, jusqu’à 14 h le 23 janvier. Pendant cette période, elle se trouvait dans la première cellule en entrant dans l’unité d’isolement de l’EEF, soit la cellule no 182.

[9] La SARS est parfois désignée dans la preuve comme la « surveillance accrue ».

[10] Au moment de son licenciement, la fonctionnaire comptait environ neuf ans de service auprès de l’employeur au sein du SCC. Elle a commencé à travailler au SCC en 2008, à l’Établissement pour femmes Grand Valley (« EGV »), à Kitchener, en Ontario. Elle a travaillé à cet endroit jusqu’à ce qu’elle soit mutée en Alberta, à sa demande il semblerait, pour des raisons personnelles. Elle a commencé à travailler à l’EEF à la fin de 2016 ou au début de 2017. La fonctionnaire mesure 5 pieds et 6 pouces.

[11] À la date de l’audience, Mme Bouchard occupait depuis octobre 2020 le poste de directrice de district du district Montréal métropolitain de la CSC, dans la région du Québec. Au moment des faits, elle était la directrice de l’EEF. Elle a témoigné qu’elle avait été absente à certains moments entre février et mai 2017 et que d’autres employés l’avaient remplacée.

[12] Au moment de l’audience, Belinda Cameron était la gestionnaire de la stratégie d’intervention intensive à l’EEF. À différents moments entre février et mai 2017, elle a été la directrice intérimaire de l’EEF.

[13] À certains moments en février 2017, Lee Anne Skene a été la directrice intérimaire de l’EEF.

[14] Au moment de l’audience, Henry Shea était le directeur adjoint des opérations à l’Établissement de Kent, un établissement à sécurité maximale pour hommes situé dans la vallée du Fraser, dans l’ouest de la Colombie-Britannique, dans la région du Pacifique du SCC. Aux moments pertinents pour les questions faisant l’objet du grief, il était le directeur adjoint des opérations à l’EEF.

[15] Au moment de l’audience et au moment des faits pertinents au grief, Janice Marghella était une gestionnaire correctionnelle (GC) à l’EEF.

[16] Au moment de l’audience, Clover Henry était un GC à l’EGV.

[17] Au moment de l’audience, Iris Bussey était agente de projet au sein de la section des services de santé du SCC, à son administration centrale à Ottawa, en Ontario. Elle était notamment responsable d’offrir de la formation en matière de services de santé, notamment d’offrir de la formation au personnel des services opérationnels (agents correctionnels (CX) et IPL) sur des questions liées à la santé mentale, à l’automutilation et au suicide.

[18] Au moment de l’audience, Mark Anderson était à la retraite. Avant de prendre sa retraite, il travaillait au SCC depuis le mois de mars 1981. Il a occupé divers postes, notamment des postes de CX-1, de CX-2 et de GC. Il a aussi occupé, de façon intérimaire, les postes de directeur adjoint et de sous-directeur.

[19] Au moment de l’audience et depuis mars 2017, Daphne Desjarlais occupait un poste de CX-2 à l’Établissement de Mission, un établissement à sécurité moyenne pour hommes situé dans la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique, dans la région du Pacifique du SCC. Avant ce temps, elle était IPL (CX-2) à l’EEF. Au moment pertinent aux faits donnant lieu à l’inconduite et aux griefs, elle effectuait le même quart de travail que la fonctionnaire et interagissait avec elle. Mme Desjarlais s’est également vu imposer une mesure disciplinaire en lien avec sa conduite lors de la SARS qui a été effectuée pendant le quart de travail en cause dans la présente affaire. Mme Desjarlais a déposé un grief pour contester la mesure disciplinaire, que j’ai instruit dans le cadre d’une audience distincte (dossier de la Commission 566-02-14845).

[20] Au moment de l’audience, Danisa Jara occupait depuis 2005 un poste d’IPL de groupe et de niveau CX-2 à l’EEF. Aux moments pertinents au grief, elle était également la présidente de la section locale du syndicat.

[21] Au moment de l’audience, Jeffery Robinson occupait depuis mars 2019 un poste d’IPL de groupe et de niveau CX-2 à l’EGV. De novembre 2013 à mars 2019, il a occupé un poste d’IPL de groupe et de niveau CX-2 à l’EEF. Il a effectué le même quart de travail que la fonctionnaire et a interagi avec elle.

[22] Au moment de l’audience, Matthew McLaren occupait depuis une dizaine d’années un poste d’IPL à l’EGV. Il était également très actif au sein du syndicat, où il a occupé différents postes, notamment ceux de président et de vice-président de la section locale et d’agent de santé et sécurité.

[23] Une copie d’un rapport de l’enquête disciplinaire (le « rapport d’enquête ») a été déposée en preuve. Le rapport d’enquête, du 20 mars 2017 et rempli par M. Anderson et Maria Popiwchak (dont le poste ne m’a pas été précisé), concernait l’inconduite présumée formulées de la fonctionnaire et de Mme Desjarlais.

[24] L’enquête disciplinaire sur la conduite de la fonctionnaire a été ouverte par Mme Cameron, en sa qualité de directrice intérimaire, par un ordre de convocation daté du 8 février 2017. Mme Cameron a témoigné qu’elle avait ouvert l’enquête après qu’une note anonyme eut été portée à son attention. La note indiquait ce qui suit : [traduction] « Grace Scott a passé son temps, pendant la surveillance accrue le samedi soir, à dormir recroquevillée dans une couverture sur un matelas dans la rangée » (la « note anonyme »). L’enquête initiale concernant la fonctionnaire a finalement été élargie pour inclure Mme Desjarlais.

[25] Par une note de service du 8 février 2017, Mme Cameron a informé M. Anderson et Mme Popiwchak de leur mandat à l’égard de l’enquête, en leur envoyant une copie de l’ordre de convocation du 8 février 2017. Dans le cadre des instructions données à M. Anderson et à Mme Popiwchak, Mme Cameron a indiqué ce qui suit : [traduction] « […] si, au cours de l’enquête, vous constatez une autre inconduite qui diffère considérablement de l’inconduite faisant l’objet de l’enquête, vous êtes tenus de communiquer avec moi pour demander un ordre de convocation modifié à cet égard. »

[26] Dans une lettre du 30 janvier 2017, Mme Cameron a informé la fonctionnaire qu’elle était placée en congé administratif payé, en attendant que les allégations se rapportant à sa supervision de la détenue A le 23 janvier fassent l’objet d’un examen plus approfondi.

[27] Le 21 février 2017, en sa qualité de directrice intérimaire de l’EEF, Mme Skene a modifié l’ordre de convocation du 8 février 2017 en élargissant son mandat pour que celui-ci englobe la conduite de Mme Desjarlais dans le cadre de la SARS de la détenue A effectuée pendant le quart de travail du 23 janvier.

[28] Dans une lettre du 20 mars 2017, Mme Bouchard a avisé la fonctionnaire qu’elle était suspendue sans solde à compter de ce jour-là, en attendant l’issue du processus disciplinaire. Elle l’a en outre informée qu’elle réexaminerait périodiquement sa décision de suspendre la fonctionnaire sans solde, afin de déterminer si elle était toujours nécessaire. La fonctionnaire a été suspendue sans solde du 20 mars 2017 jusqu’au jour où elle a reçu la lettre de licenciement.

[29] M. Shea a témoigné que c’est l’agent du renseignement de sécurité (ARS) de l’EEF qui avait porté la note anonyme à son attention. Il a donc examiné l’horaire de la fonctionnaire pour savoir à quel moment exactement elle était responsable de la SARS le 23 janvier. Après avoir déterminé à quel moment la fonctionnaire était responsable de la SARS, il a examiné les vidéos de la rangée de l’unité d’isolement. Il a ensuite enregistré et sécurisé les vidéos de l’unité et de la cellule no 182, où se trouvait la détenue A.

[30] L’unité d’isolement se compose d’une zone dans laquelle se trouvent le poste de contrôle de l’unité d’isolement (PCUI), une rangée (la « rangée ») et quatre cellules. La rangée ressemble au couloir d’une maison qui permet d’accéder aux différentes pièces. Dans le cas de l’unité d’isolement, les pièces seraient les cellules, dont les portes donnent sur la rangée. La rangée elle-même est séparée du reste de l’Établissement par une porte verrouillée (la « porte de la rangée »). Elle est située à une extrémité de l’unité. En parcourant du regard la rangée, on peut voir le PCUI, qui est adjacent à la porte de la rangée et situé à gauche de celle-ci. Le PCUI dispose de fenêtres qui donnent sur la rangée et permet d’avoir une vue sur les portes des cellules. Lorsque l’on se tient à la porte de la rangée et que l’on parcourt du regard la rangée, les cellules se trouvent à droite. Il y a quatre cellules. Dès qu’on entre dans la rangée, immédiatement à droite, avant la première cellule, se trouve la douche de l’unité d’isolement (la « douche »). Après la douche se trouve la première cellule, dans laquelle la détenue A était placée, soit la cellule no 182.

[31] M. Shea a témoigné que deux caméras se trouvent à chaque extrémité de la rangée de l’unité d’isolement, dans les coins supérieurs, et que toutes les cellules de l’unité sont équipées d’une caméra. Il a déclaré que les séquences vidéo sont conservées sur un serveur pendant une période de 30 jours, après quoi, si elles n’ont pas été enregistrées (téléchargées), elles sont écrasées par de nouvelles séquences plus récentes. Il a déclaré que seuls son bureau et celui de l’ARS ont accès au serveur et aux vidéos. M. Shea a témoigné au sujet des mesures de sécurité mises en place pour s’assurer que les vidéos ne sont pas trafiquées. Rien ne prouve que les vidéos produites à l’audience n’étaient pas authentiques.

[32] Deux vidéos ont été déposées à titre d’éléments de preuve. La première a été prise par la caméra située à l’intérieur de la cellule de la détenue A (la « vidéo de la cellule ») et la seconde, par la caméra située au fond de la rangée (la « vidéo de la rangée »). Les deux séquences vidéo ont été enregistrées à partir de 23:58:00 le 22 janvier. Les séquences sont accompagnées d’un enregistrement continu de l’heure qui indique l’heure en heures, minutes, secondes et millisecondes. Toutefois, dans les présents motifs, lorsque je ferai référence à l’heure de la vidéo, j’indiquerai seulement les heures, les minutes et les secondes (sous le format 00:00:00).

[33] Aux fins de la présente audience et de l’instruction du grief de Mme Desjarlais, Mme Marghella a pris des mesures et créé un schéma des parties pertinentes de la rangée et de l’emplacement des choses qui se trouvent dans la rangée à proximité de la cellule no 182 et qui sont pertinents pour comprendre les allégations d’inconduite et le déroulement des événements. Le schéma a été identifié par Mme Marghella et déposé en preuve. Les éléments pertinents pour la compréhension de la présente décision sont les suivants :

· la rangée est un long rectangle;

· lorsqu’on entre dans la rangée et qu’on parcourt celle-ci du regard depuis la porte de la rangée, les cellules se trouvent toutes sur le côté droit;

· immédiatement à gauche de la porte de la rangée se trouve une partie du PCUI, qui empiète un peu sur la rangée et est dotée d’une fenêtre qui donne à la fois sur la rangée et sur les portes des cellules;

· en remontant la rangée et après la partie du PCUI qui empiète sur la rangée, du côté gauche de la rangée, se trouve un mur en béton (le « mur du fond »), qui est parallèle aux cellules de l’unité d’isolement;

· la distance entre les portes des cellules de l’unité d’isolement et le mur du fond est de 149 pouces ou 12 pieds et 5 pouces;

· la douche se trouve immédiatement à côté de la porte de la rangée, entre la porte et la cellule no 182;

· à peu près au milieu de la rangée se trouve une table rectangulaire (la « table de la rangée »), fixée au sol, qui compte six tabourets, soit trois de chaque côté de la table, qui semblent être fixés soit à la table, soit au sol;

· la rangée est dotée d’une caméra (la « caméra de la rangée »); lorsqu’on se tient à la porte de la rangée et qu’on parcourt la rangée du regard, la caméra est située dans le coin supérieur gauche du mur du fond de la rangée et couvre les quatre cellules.

 

[34] La caméra de la rangée filme la rangée, du fond de l’unité d’isolement jusqu’à l’avant de celle-ci. Dans les vidéos prises par cette caméra, les portes des cellules se trouvent à gauche; la dernière cellule de la rangée est la première à gauche dans les vidéos et la cellule no 182 est la dernière à gauche. Le mur du fond se trouve à droite. Au milieu de la séquence filmée, on peut voir la porte de la rangée et, à sa droite, le PCUI, qui empiète sur la rangée.

[35] Un IPL est posté dans le PCUI et contrôle l’accès à la rangée jusqu’à un moment après que les lumières sont éteintes pour la nuit, moment où la porte de la rangée est déverrouillée. On ne m’a pas dit à quel moment la porte est reverrouillée.

[36] Le schéma de Mme Marghella indique également les caractéristiques et les dimensions de la porte de la cellule no 182, qui sont les suivantes :

· elle est d’une largeur de 36 pouces (3 pieds);

· elle est d’une hauteur de 84 pouces (7 pieds);

· elle est dotée de deux fenêtres qui permettent de voir à l’intérieur de la cellule, une dans le haut de la porte et une dans le bas de la porte; les deux fenêtres sont séparées par une ouverture destinée à la distribution de nourriture;

· les deux fenêtres sont de même dimension, soit 23 pouces de large sur 25 pouces de hauteur (presque 2 pieds carrés);

· la distance entre la fenêtre inférieure et le sol est de 11 pouces;

· la distance entre le haut de la fenêtre inférieure et le sol est de 36 pouces (3 pieds);

· la distance entre le bas de l’ouverture destinée à la distribution de nourriture et le sol est de 40 pouces et demi;

· la distance entre le haut de la fenêtre inférieure et le bas de l’ouverture destinée à la distribution de nourriture est de 4 pouces et demi;

· la hauteur de l’ouverture destinée à la distribution de nourriture est de 6 pouces;

· la distance entre le haut de l’ouverture destinée à la distribution de nourriture et le bas de la fenêtre supérieure est de 5 pouces;

· la distance entre le haut de la fenêtre supérieure et le haut de la porte est de 7 pouces et demi.

 

[37] Bien que le schéma n’indique pas la distance entre le bord de la porte et le bord des fenêtres, il semble dans les vidéos que les fenêtres sont centrées sur la largeur de la porte.

[38] La cellule no 182 est peu spacieuse. Je n’ai pas les dimensions de la cellule, mais compte tenu du fait qu’elle contient un lit sur lequel une personne doit pouvoir s’allonger, il semble, d’après les vidéos, y avoir au moins 6 pieds entre la porte et le mur au fond de la cellule. Si l’on se tient à l’extérieur de la cellule et que l’on regarde par la fenêtre, le lit est contre le mur droit de la cellule, perpendiculaire au mur où se trouve la porte. Il est fixé au sol et semble fixé contre le mur qui est partagé avec la douche. L’extrémité du lit la plus proche de la porte de la cellule, d’après la taille de tous les éléments apparaissant dans les vidéos, semble être située à une distance d’au moins 3 pieds à 3 pieds et demi de la porte de la cellule.

[39] Lorsqu’on se tient devant la porte de la cellule et qu’on regarde à l’intérieur, la caméra de la cellule est située au fond de celle-ci, dans le coin supérieur gauche. Dans les vidéos captées par cette caméra, la porte de la cellule se trouve plus à droite de l’écran, tandis que le lit sur lequel se trouvait la détenue A est visible au centre et à la gauche de l’écran. La détenue A dormait la tête du côté du mur arrière et les pieds du côté de la porte.

[40] M. Anderson a témoigné au sujet des mesures prises par Mme Popiwchak et lui pour mener leur enquête, notamment la collecte et l’examen des documents pertinents, y compris les vidéos captées par la caméra de la rangée et la caméra de la cellule (qu’il a déclaré avoir reçues de M. Shea) ainsi que des entrevues menées avec différentes personnes, dont la fonctionnaire. Les deux vidéos ont été visionnées à l’audience et, à certains moments, l’avocate de l’employeur et le représentant de la fonctionnaire ont posé des questions à M. Anderson sur ce qui se passait dans les vidéos et ce qui était consigné dans le rapport d’enquête. M. Anderson a témoigné qu’il s’était rendu à l’unité d’isolement à deux occasions, le 15 février 2017 et le 20 février 2017.

[41] J’ai visionné les enregistrements vidéo dans leur intégralité.

B. Lois, règlements, directives du commissaire et politiques et procédures du SCC applicables, et description de travail d’un IPL

[42] Dans de nombreux documents du SCC, les détenus sont souvent appelés « délinquants ».

[43] La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. 1992, ch. 20; la « LSCMLC ») est la loi qui régit les services correctionnels ainsi que la mise en liberté sous condition et la détention de personnes (détenus). C’est la loi qui régit le SCC. En vertu de la LSCMLC, le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (DORS/92-620) a été adopté, et son article 3 prévoit ce qui suit :

 

 

 

 

 

 

3 L’agent doit :

3 Every staff member shall

a) bien connaître la Loi et le présent règlement ainsi que les directives écrites d’orientation générale qui concernent ses fonctions;

(a) be familiar with the Act, these Regulations and every written policy directive that relates to the staff member’s duties;

b) exercer ses fonctions avec impartialité et diligence, conformément aux principes énoncés dans la Loi et dans le document intitulé Mission du Service correctionnel du Canada, publié par le Service, compte tenu de ses modifications éventuelles;

[…]

(b) perform the staff member’s duties impartially and diligently and in accordance with the principles set out in the Act and in the Mission of the Correctional Service of Canada, published by the Service, as amended from time to time ….

 

[44] Une copie de la Directive du commissaire (DC) 060 – Code de discipline (le « Code ») qui était en vigueur au moment de l’inconduite et de la prise des mesures disciplinaires, a été déposée à titre de preuve. Les passages pertinents se lisent comme suit :

[…]

OBJECTIF DE LA POLITIQUE

1. Établir des normes de conduite rigoureuses pour les employés du Service.

RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES

[…]

3. Il incombe aux employés du Service de respecter les Règles de conduite professionnelle. Des règles de conduite professionnelle découle un certain nombre de règles précises que doivent observer les employés du Service correctionnel du Canada. Une liste d’exemples d’infractions est présentée sous chaque règle précise. Ces listes ne sont pas exhaustives.

4. On s’attend aussi à ce que chacun des employés du Service connaisse et respecte les lois, règlements et politiques auxquels est assujetti le personnel du SCC ainsi que les instructions et directives du Service.

RÈGLES DE CONDUITE PROFESSIONNELLE

Responsabilité dans l’exécution des tâches

5. Les employés doivent avoir une conduite qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, en travaillant ensemble pour atteindre les objectifs du Service correctionnel du Canada. Ils s’acquitteront de leurs tâches avec diligence et compétence, et en ayant soin de respecter les valeurs et les principes décrits dans le document sur la Mission, ainsi que les politiques et procédures établies dans la législation, les directives, les guides et autres documents officiels. Les employés sont obligés de suivre les instructions de leurs superviseurs et de tout autre employé responsable du lieu de travail. Ils doivent également servir le public avec professionnalisme, courtoisie et promptitude.

Infractions

6. Commet une infraction l’employé qui :

a. omet de consigner ses présences ou celles d’un autre employé, ou les consigne de façon frauduleuse;

b. se présente en retard au travail ou ne s’y présente pas, ou quitte son lieu de travail sans autorisation;

c. cherche à obtenir, ou obtient, frauduleusement les documents nécessaires pour recevoir l’approbation d’un congé;

d. refuse de témoigner ou de présenter des preuves lors d’une enquête effectuée selon les lois du Parlement ou lors de toute enquête officielle que prévoit la Directive du commissaire 041 – Enquêtes sur les incidents, ou fait obstruction à ladite enquête, ou nuit à son déroulement de toute autre façon;

[…]

f. omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons;

g. omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

[…]

j. volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions;

[…]

l. omet de signaler à un supérieur tout objet interdit trouvé en la possession d’un autre employé, d’un délinquant ou d’un membre du public;

m. exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du Service ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort;

[…]

Conduite et apparence

7. Le comportement des employés, qu’ils soient de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter d’une façon qui projette une bonne image professionnelle, tant par leurs paroles que par leurs actes. De même, lorsqu’ils sont de service, leur apparence et leurs vêtements doivent refléter leur professionnalisme et être conformes aux normes de santé et de sécurité au travail.

Infractions

8. Commet une infraction l’employé qui :

a. présente une apparence et/ou un comportement indigne d’un employé du Service lorsqu’il est de service ou en uniforme;

[…]

c. se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non;

[…]

g. consomme de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes pendant qu’il est de service;

h. se présente au travail en état d’ébriété ou inapte à remplir ses fonctions parce qu’il a consommé de la drogue ou de l’alcool;

i. dort pendant qu’il est de service.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[45] La DC 843 a pour titre Gestion des comportements d’automutilation et suicidaires chez les détenus, et les parties pertinentes se lisent comme suit :

[…]

PROCÉDURE D’ATTRIBUTION D’UN NIVEAU D’OBSERVATION DE LA SURVEILLANCE DU RISQUE DE SUICIDE

Dépistage du risque de suicide

6. Tous les détenus feront l’objet d’un dépistage à l’aide de la Liste de contrôle des besoins immédiats – Risque de suicide, conformément à la DC 705-3 – Entrevues sur les besoins immédiats et à l’admission.

7. En plus des exigences énoncées dans la DC 705-3 – Entrevues sur les besoins immédiats et à l’admission, la Liste de contrôle des besoins immédiats – Risque de suicide sera utilisée :

a. dans les 24 heures suivant l’arrivée du détenu à un nouvel établissement

b. au moment du placement du détenu en isolement préventif

c. par tout employé, autre que le personnel de soins de santé, qui intervient auprès du détenu lorsqu’il y a des motifs de croire que celui-ci peut présenter un risque de suicide et qu’un professionnel de la santé mentale n’est pas immédiatement disponible, y compris lorsque le détenu revient à l’établissement depuis un tribunal extérieur ou lorsque le motif de son placement en isolement préventif change.

8. S’il y a des motifs de croire que le détenu présente un risque imminent de tentative de suicide, l’employé contactera immédiatement un professionnel de la santé mentale et le gestionnaire correctionnel de service. Le professionnel de la santé mentale attribuera un niveau d’observation fondé sur une évaluation en personne. Si aucun professionnel de la santé mentale n’est disponible, le gestionnaire correctionnel de service placera immédiatement le détenu sous surveillance accrue, et ce dernier sera évalué par un professionnel de la santé mentale le plus rapidement possible, mais dans les 24 heures.

9. L’aiguillage vers un professionnel de la santé mentale (au moyen du formulaire Renvoi aux Services de psychologie/santé mentale en établissement, CSC/SCC 0450) doit être consigné dans le Registre des interventions.

Niveaux d’observation de la surveillance du risque de suicide (surveillance accrue du risque de suicide, surveillance modifiée du risque de suicide et surveillance de la santé mentale)

10. Un détenu qui, selon son évaluation, nécessite une surveillance accrue ou modifiée du risque de suicide :

a. sera placé dans une cellule d’observation

b. sera soumis à une évaluation de son état de santé mentale, en personne, par un professionnel de la santé mentale dans un délai de 24 heures; la fréquence des évaluations ultérieures sera établie par un professionnel de la santé mentale. Le professionnel de la santé mentale examinera le Rapport sur l’observation de l’isolement et de la contrainte (CSC/SCC 1006) en incorporant tout renseignement pertinent dans l’évaluation et y apposera ses initiales

c. recevra la visite quotidienne d’un membre du personnel infirmier, conformément à la DC 800 – Services de santé (section sur l’isolement préventif).

11. Les détenus placés sous surveillance accrue du risque de suicide seront sous l’observation directe constante d’un agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou d’un professionnel de la santé mentale dans les centres régionaux de traitement). La surveillance par caméra seulement est interdite.

[…]

13. L’agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou le professionnel de la santé mentale, le cas échéant) consignera les activités du détenu dans le Rapport sur l’observation de l’isolement et de la contrainte (CSC/SCC 1006), selon les besoins, mais au moins toutes les 15 minutes.

[…]

15. Le professionnel de la santé mentale remplira le Formulaire d’observation de la surveillance accrue du risque de suicide (CSC/SCC 1434), le Formulaire d’observation de la surveillance modifiée du risque de suicide (CSC/SCC 1435) ou le Formulaire de surveillance de la santé mentale (CSC/SCC 1436). Une copie sera remise au gestionnaire correctionnel de service, qui veillera à ce que les employés qui interagissent régulièrement avec le détenu pendant tous les quarts de travail y aient accès. Si le détenu fait l’objet d’un Plan de gestion interdisciplinaire (CSC/SCC 1432) actif, les formulaires d’observation de la surveillance du risque de suicide ne sont pas requis.

[…]

Surveillance accrue du risque de suicide

17. Un détenu qui présente un risque imminent de comportement suicidaire ou d’automutilation est placé sous surveillance accrue du risque de suicide.

18. Le détenu placé sous surveillance accrue du risque de suicide recevra à tout le moins :

a. une jaquette de sécurité, en tout temps

b. un matelas et une couverture de sécurité, sauf s’il essaie d’utiliser ces articles pour s’automutiler ou pour empêcher le personnel de le surveiller. Dans ce cas, ceux-ci pourront être retirés de la cellule, puis retournés dès qu’ils cessent de constituer un danger pour la sécurité du détenu

c. de la nourriture et des liquides qui peuvent être consommés facilement sans ustensiles ni vaisselle (mets qui se mangent avec les doigts)

d. des articles d’hygiène (le professionnel de la santé mentale déterminera, avec l’avis du gestionnaire correctionnel de service, quand fournir des articles d’hygiène si ces objets sont associés à un risque quelconque de comportement suicidaire ou d’automutilation).

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[46] Une copie de la description de travail d’un IPL a été déposée à titre de preuve. Les extraits pertinents pour le présent grief se lisent comme suit :

[Traduction]

Résultats axés sur le service à la clientèle […]

Opérations correctionnelles visant la sécurité et la protection du public, du personnel, des détenus et de l’établissement […]

Activités principales […]

1. Veiller à la sécurité au sein de l’établissement (celle du public, du personnel, des bénévoles, des visiteurs, des fournisseurs de services et des détenus) : assurer la sécurité au poste assigné; s’occuper du fonctionnement du matériel et des appareils de sécurité ainsi qu’assurer leur protection et les maintenir en bon état de fonctionnement; découvrir et signaler les défectuosités et les risques possibles pour la sécurité; fouiller les secteurs afin de prévenir l’introduction d’objets interdits.

[…]

Effort […]

[…]

(12) Attention soutenue

[…]

3. Évaluer le comportement et les attitudes des détenus à la lumière des stratégies correctionnelles. De nombreuses distractions peuvent rendre cette tâche plus difficile.

4. Surveiller et observer le comportement des détenus lors des activités de programme et de loisirs. Cette attention est requise tout au long de la journée de travail, afin de découvrir les risques liés à la sécurité ou les infractions et de prendre des mesures en conséquence.

[…]

Responsabilités […]

[…]

(6) Surveillance de la conformité

1. Effectuer les patrouilles, assurer la surveillance et procéder aux inspections régulières ainsi qu’assurer la surveillance des détenus, des visiteurs et du personnel dans l’établissement, et assurer le respect des lois, des règlements et des politiques applicables au SCC (la LSCMLC).

2. En tant que membre de l’équipe de gestion des cas, surveiller et consigner le comportement des détenus par rapport aux objectifs de leurs plans correctionnels ainsi que des politiques et lois applicables. Partager la responsabilité d’établir et de signaler aux responsables concernés de l’établissement les progrès accomplis ou les infractions commises par les détenus par rapport à ces plans. Les infractions peuvent entraîner des mises en accusation, l’expulsion des programmes ou le transfèrement vers une unité ayant un niveau d’encadrement supérieur.

[…]

 

C. Les 22 et 23 janvier 2017

[47] À 16 h 47 le 20 janvier 2017, la détenue A a été évaluée par un professionnel de la santé mentale, qui a rempli un formulaire CSC/SCC 1434 intitulé « Formulaire d’observation de la surveillance accrue du risque de suicide ». Le formulaire indiquait que la détenue A devait recevoir une jaquette de sécurité, un matelas et une couverture de sécurité, de la nourriture qui se mange avec les doigts, un gobelet jetable pour les liquides et des articles d’hygiène à utiliser sous surveillance. Dans la case « Observation method - Méthode d’observation », il est indiqué : [traduction] « Observation constante en personne par un membre du personnel. » En outre, les notes suivantes ont été consignées par le professionnel de la santé mentale, dans la case « Notes - Remarques » :

[Traduction]

L’auteur a rencontré [la détenue A] à 16 h 47 après qu’il eut été signalé qu’elle s’était perforé le poignet gauche avec un stylo (blessure superficielle). [La détenue A] s’est montrée coopérative lors de l’entretien mené dans la salle d’interrogatoire. GC McCormick, GC Bevan et GC Kowalchuk ont été consultés. Compte tenu de la présentation de [la détenue A], de ses antécédents et de la situation, il est recommandé que [la détenue A] fasse l’objet d’une surveillance accrue du risque de suicide.

 

[48] Le soir du 22 janvier, la détenue A se trouvait dans la cellule no 182 de l’unité d’isolement. Puisqu’il avait été déterminé qu’elle présentait un risque élevé de suicide et qu’elle devait être constamment surveillée dans sa cellule par un IPL, un formulaire CSC/SCC 1006 (le « formulaire 1006 ») a été utilisé. Il s’agit du formulaire dans lequel l’IPL qui assure la SARS d’un détenu doit consigner le comportement du détenu toutes les 15 minutes. Il s’agit d’un formulaire pré-imprimé comportant trois longues colonnes. Il y a une colonne pour le quart de jour (de 7 h à 14 h 45), une colonne pour le quart d’après-midi (de 15 h à 22 h 45) et une colonne pour le quart de nuit (de 23 h à 6 h 45). L’équipe de nuit est de service pendant la dernière heure d’une journée et les 6 heures et 45 minutes de la journée suivante.

[49] Chaque colonne est divisée en intervalles de 15 minutes et il y a deux espaces à côté de chaque intervalle. Le premier espace est réservé à l’inscription d’un code numérique et le deuxième espace est réservé aux initiales de l’IPL qui surveillait le détenu à ce moment précis et qui a observé son comportement. La partie supérieure du formulaire 1006 comporte un cadre. Ce cadre contient une légende indiquant un code numérique, de 1 à 21, correspondant à une activité différente. Par exemple, le code 1 signifie que le détenu [traduction] « [f]rappe sur la porte, le mur ou le plancher » et le code 2 signifie qu’il [traduction] « [c]rie ou hurle ».

[50] La preuve montre que la fonctionnaire et Mme Desjarlais étaient les deux IPL qui ont effectué la SARS de la détenue A pendant le quart de travail de 23 h le 22 janvier à 7 h le 23 janvier. La fonctionnaire était responsable de la surveillance accrue de 23 h à environ 3 h 05, et Mme Desjarlais a pris la relève à ou vers 3 h 05.

[51] Le formulaire 1006 de la détenue A (le « formulaire 1006 de la détenue A »), qui couvrait la période allant de 7 h le 22 janvier à 6 h 45 le 23 janvier, a été déposé en preuve. Une entrée (6 h 46) a été ajoutée à la main au bas du formulaire. Les cinq codes numérotés utilisés pour consigner les activités de la détenue pendant cette période de 24 heures sont les suivants :

· « 8 », qui représente le fait d’être debout;

· « 9 », qui représente le fait d’être couché ou assis;

· « 11 », qui représente le fait d’être silencieux;

· « 20 », qui représente une interaction quelconque avec le détenu;

· « 21 », qui représente une activité non visée par les autres codes.

 

[52] Sur le formulaire 1006 de la détenue A, à plusieurs reprises lorsque le code 21 a été utilisé, l’IPL qui assurait la surveillance a noté entre parenthèses l’activité particulière, comme manger ou faire de l’exercice. Lorsque le code 20 a été utilisé, l’IPL qui assurait la surveillance a noté qui interagissait avec la détenue (par exemple un professionnel de la santé mentale).

[53] Sur le formulaire 1006 de la détenue A, c’est la fonctionnaire qui a paraphé toutes les entrées entre 23 h 15 le 22 janvier et 3 h le 23 janvier. La fonctionnaire a paraphé 16 entrées au total, et deux codes numériques ont été utilisés dans toutes ces entrées, soit les codes 9 et 11, qui représentent le fait d’être couché ou assis et le fait d’être silencieux.

[54] Un établissement est un lieu hautement contrôlé et réglementé. Parmi ses systèmes de contrôle, le SCC utilise des journaux de bord pour documenter les événements. Les pages pertinentes des journaux de bord du PCUI et du poste de contrôle principal de l’EEF ont été déposées en preuve. Les journaux de bord servent à garder une trace des événements, même les plus banals. En ce qui concerne un détenu qui fait l’objet d’une SARS, un journal de bord spécial est utilisé en plus du formulaire 1006. Il permet de documenter tout ce qui se passe avec le détenu.

[55] Ce journal de bord spécial ressemble aux autres journaux de bord utilisés par le SCC dans ses établissements. Il comporte de nombreuses pages lignées. Une partie du journal de bord spécial rempli pendant que la détenue A faisait l’objet d’une SARS dans l’unité d’isolement (le « journal de bord concernant la détenue A ») a été déposée en preuve. Les entrées sont consignées de la manière suivante : l’heure est indiquée au moyen d’un cycle de 24 heures; l’activité précise est notée; s’il reste de l’espace, un trait est tiré jusqu’au bout de la ligne afin que rien d’autre ne puisse être entré, puis les initiales de l’employé sont inscrites. Au début de chaque journée, la date est inscrite. Mme Marghella a témoigné qu’il est attendu que l’IPL qui assure la SARS examine le journal de bord spécial au moment où il entame la surveillance accrue, ou avant, afin de savoir ce qui se passe avec la détenue. Le journal de bord est conservé dans le dossier du détenu, qui contient également le formulaire de SARS et le formulaire 1006, le tout étant en la possession de l’IPL qui assure la SARS.

[56] Aux fins de la présente décision, j’omettrai les traits à la fin des entrées ainsi que les initiales des agents. Les entrées pertinentes à la présente décision sont les suivantes :

[Traduction]

[…]

2017-01-22

[…]

1515 – [nom de l’IPL caviardé] en poste

1520 – [nom de l’IPL caviardé] en poste

1605 – [nom de l’IPL caviardé] de nouveau en poste

1636 – fait de l’exercice - (squats, redressements assis) pendant 5 minutes

1641 – s’étire les jambes

1705 – repas livré et accepté

1905 [nom de l’IPL caviardé] en poste, [la détenue A] est couchée sur son côté droit dans le lit et se repose, bouge parfois, mais semble dormir

2000 dort encore

2005 [nom de l’IPL caviardé] prend la relève de [nom de l’IPL caviardé] pendant sa pause

2010 [nom de l’IPL caviardé] de nouveau en poste

2110 se lève pour uriner et se recouche après avoir demandé l’heure

2125 dort

2220 bouge; [la détenue A] a gardé la tête couverte lorsqu’elle était au lit pendant ce quart de travail

2300 dort - bouge de temps en temps

2017-01-23

1217 - [nom de l’IPL caviardé] en poste

[…]

 

[57] Aucune des entrées du 22 ou du 23 janvier dans le journal de bord concernant la détenue A n’a été faite par la fonctionnaire ou Mme Desjarlais.

[58] Mme Marghella a témoigné que le quart de nuit/matin commence à 18 h 30 et se termine à 7 h 15 le lendemain. La réunion préparatoire au quart est à 18 h 30. Dans le présent cas, le quart de travail aurait donc commencé à 18 h 30 le 22 janvier et se serait terminé à 7 h 15 le 23 janvier. L’appel nominal a été déposé en preuve; Mme Marghella a témoigné qu’il y avait un effectif complet lors de ce quart de travail, plus deux employés supplémentaires au besoin, par exemple s’il avait fallu escorter quelqu’un quelque part ou que quelque chose d’autre arrivait. C’est lors de la réunion préparatoire au quart que les affectations de travail sont confirmées ou modifiées. La réunion préparatoire au quart est menée par le GC de service.

[59] Au cours de la SARS de la détenue A, quatre chaises ont été utilisées. La première chaise est un tabouret télescopique (le « tabouret ») qui ressemble à un tabouret de bar avec un dossier et un siège pivotant, et dont la hauteur peut être réglée (même à sa hauteur minimale, le tabouret est plus haut qu’une chaise de bureau ordinaire). Le tabouret permet aux CX ou aux IPL, dans le cas des établissements pour femmes, de s’asseoir pour regarder dans la cellule d’isolement par la fenêtre supérieure. Ils peuvent ainsi voir le détenu de la tête aux pieds lorsqu’il est allongé sur le lit (certaines parties de son corps peuvent être recouvertes par une couverture de sécurité).

[60] La deuxième chaise est une chaise en plastique blanche comme celles qu’on trouve sur les terrasses ou dans les jardins (la « chaise blanche »). Elle n’est pas dotée de roulettes. Les troisième et quatrième chaises semblent être deux chaises de bureau ordinaires, montées sur roulettes (la « chaise de bureau no 1 » et la « chaise de bureau no 2 »).

[61] Le 20 février 2017, la fonctionnaire a été interrogée dans le cadre de l’enquête disciplinaire. Elle était accompagnée d’un représentant syndical. En plus du rapport d’enquête, les notes manuscrites de M. Anderson sur ses entrevues avec la fonctionnaire et les notes manuscrites de Mme Popiwchak ont été déposées en preuve. M. Anderson a témoigné qu’il avait examiné les notes et qu’elles reflétaient fidèlement le déroulement de l’entretien.

[62] Les parties pertinentes du rapport d’enquête qui portent sur l’entretien avec la fonctionnaire se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

L’IPL SCOTT a été interrogée à l’Établissement d’Edmonton pour femmes le 20 février 2017 […]

[…] L’IPL SCOTT a confirmé [à la Commission] qu’elle avait été chargée d’effectuer la surveillance accrue du risque de suicide d’une détenue le 23 janvier 2017. Ni elle ni l’autre intervenante de première ligne chargée d’effectuer la surveillance accrue du risque de suicide n’étaient formées pour travailler dans le poste de sous-contrôle de l’unité de garde en milieu fermé, ce qui signifie qu’elles ne pouvaient pas effectuer une rotation entre ce poste et la surveillance accrue du risque de suicide. L’IPL SCOTT a indiqué qu’elle devait assurer la surveillance accrue du risque de suicide pendant quatre heures.

L’IPL SCOTT a indiqué qu’elle avait été transférée de l’Établissement Grand Valley en décembre 2016 et que, pendant son emploi à l’Établissement Grand Valley, elle avait assuré plusieurs fois la surveillance accrue du risque de suicide d’une détenue. La surveillance accrue du 23 janvier 2017 était sa première à l’Établissement d’Edmonton pour femmes […] L’IPL SCOTT a expliqué que la surveillance accrue exige que l’intervenant de première ligne maintienne un contact visuel constant avec le détenu et qu’il assure une surveillance constante.

L’IPL SCOTT a expliqué qu’elle avait une blessure aux côtes, mais qu’elle ne voulait pas utiliser trop de jours de congé de maladie étant donné qu’elle était à l’Établissement d’Edmonton pour femmes depuis peu. Selon elle, elle était capable d’accomplir toutes ses tâches malgré sa blessure aux côtes.

L’IPL SCOTT a décrit les chaises de bureau mises à la disposition des intervenants de première ligne dans l’unité d’isolement et la façon dont elles sont utilisées pour observer les détenues dans leur cellule. Il y a une chaise réglable que le personnel peut utiliser pour regarder par la fenêtre qui se trouve dans le haut de la porte de la cellule [le tabouret]. La porte de la cellule est dotée de deux fenêtres qui sont séparées par une ouverture destinée à la distribution de nourriture en métal. La chaise de bureau ordinaire [la chaise de bureau] ne permet pas aux employés de voir à l’intérieur de la cellule; elle est à la même hauteur que l’ouverture destinée à la distribution de nourriture.

L’IPL SCOTT a déclaré s’être assise sur le tabouret et avoir observé [la détenue A]. L’IPL SCOTT a expliqué que [la détenue A] dormait les pieds près de la porte et la tête à l’autre bout du lit. À un moment donné, [la détenue A] a dit : « Vous qui vous disputez, taisez-vous. » L’IPL SCOTT a déclaré que le jour de travail précédent, d’autres intervenants de première ligne et elle avaient reçu l’ordre d’un membre de l’équipe de santé mentale de ne pas interagir avec [la détenue A]. L’IPL SCOTT pensait que [la détenue A] était peut-être instable et a choisi de s’éloigner de la porte de la cellule.

L’IPL SCOTT s’est procuré un matelas et l’a placé sur le sol juste en face de la cellule de [la détenue A]. L’IPL SCOTT a expliqué qu’elle pouvait voir [la détenue A] de la tête aux pieds et qu’elle pouvait surveiller sa respiration et ses mouvements, dont ceux de ses jambes. L’IPL SCOTT a répété que sa décision de s’éloigner de la cellule visait à s’assurer que [la détenue A] reste calme et à empêcher que la situation dégénère. L’IPL SCOTT est restée sur le sol pendant deux heures à regarder par la fenêtre qui se trouve dans le bas de la porte de la cellule.

L’IPL SCOTT a déclaré qu’elle ne savait pas si elle s’était assoupie ou non. Elle n’avait pas d’horloge avec elle. Si elle s’est assoupie, ce n’était pas intentionnel. L’IPL SCOTT a déclaré : « Personne n’est venu voir si j’allais bien ou pas. Je ne me rappelle pas m’être assoupie. J’étais fatiguée, mais j’ai rempli la feuille de contrôle aux 15 minutes. Je n’avais pas d’horloge, alors j’ai estimé le temps écoulé entre les entrées. » L’IPL SCOTT s’est demandé pourquoi quelqu’un aurait déclaré qu’elle dormait, sans aller la voir pour s’assurer que tout allait bien.

[…]

 

[63] Sur le formulaire 1006 de la détenue A, toutes les entrées (au nombre de quinze) entre 19 h 15 et 22 h 45 le 22 janvier ont été paraphées par l’IPL qui a effectué la SARS de la détenue A pendant cette période. Toutes les entrées, sauf une, consignent deux codes numériques, soit 9 et 11, ce qui signifie que la détenue était couchée ou assise et qu’elle était silencieuse. La seule entrée différente est celle de 21 h 15, qui consigne les codes numériques 16 et 9. Le code 16 signifie que la détenue A est allée aux toilettes. Les entrées précédentes, entre 17 h 45 et 19 h 15, ont été paraphées par un autre IPL, et ces entrées, au nombre de 6, consignent aussi les codes numériques 9 et 11.

[64] Mme Desjarlais a été interrogée à deux reprises au cours de l’enquête, la première fois le 15 février 2017 (notée par erreur comme étant le 16 janvier dans le rapport d’enquête), et la deuxième fois le 21 février 2017. Les parties du rapport d’enquête qui se rapportent aux entretiens de Mme Desjarlais et qui sont pertinentes dans le contexte de la présente audience sont les suivantes :

[Traduction]

[…]

[…] L’IPL DESJARLAIS a confirmé à la Commission qu’elle avait été chargée d’effectuer la surveillance accrue du risque de suicide d’une détenue le 23 janvier 2017.

L’IPL DESJARLAIS a indiqué que ce n’était pas la première fois qu’elle effectuait la surveillance accrue du risque de suicide d’une détenue. L’IPL DESJARLAIS a expliqué que l’intervenant de première ligne doit s’asseoir à la porte de la cellule de la détenue et la surveiller. Elle a également indiqué qu’il est nécessaire de remplir la feuille de contrôle du journal (annexe G4) toutes les quinze minutes. La détenue reçoit une jaquette et une couverture pour dormir sur le lit. Un matelas est posé sur le cadre métallique surélevé.

L’IPL DESJARLAIS a indiqué que plusieurs chaises se trouvent dans l’unité d’isolement et que les intervenants de première ligne doivent en choisir une pour s’asseoir à la porte de la cellule : il y a une grande chaise de bureau [le tabouret], une chaise de bureau ordinaire [la chaise de bureau no 1 ou la chaise de bureau no 2] et une petite chaise en plastique [la chaise blanche]. L’IPL DESJARLAIS a décrit les fenêtres de la porte de la cellule d’isolement. Il y a une grande fenêtre dans le haut de la porte et une grande fenêtre dans le bas de la porte. Les deux fenêtres sont séparées par une ouverture destinée à la distribution de nourriture en métal. L’IPL DESJARLAIS préfère utiliser la grande chaise de bureau pour observer les détenues à travers la fenêtre supérieure. L’IPL DESJARLAIS a expliqué que si elle utilisait la chaise de bureau ordinaire, il faudrait qu’elle se penche pour regarder à travers la fenêtre inférieure, parce que l’ouverture destinée à la distribution de nourriture lui bloquerait la vue dans la cellule.

L’IPL DESJARLAIS a expliqué qu’elle avait vu l’IPL SCOTT transporter un matelas et des couvertures dans la rangée de cellules d’isolement. L’IPL DESJARLAIS a demandé à l’IPL SCOTT ce qu’elle faisait, ce à quoi elle a répondu qu’elle avait froid et qu’elle allait placer le matelas contre le mur afin de pouvoir voir dans la cellule.

[…]

L’IPL DESJARLAIS n’a pas signalé que l’IPL SCOTT avait apporté un matelas et des couvertures dans l’unité d’isolement. L’IPL DESJARLAIS a indiqué qu’il n’était pas normal d’avoir un matelas et des couvertures dans la rangée pendant la surveillance accrue du risque de suicide d’une détenue. À 3 h, l’IPL SCOTT lui a demandé si elle voulait utiliser le matelas et les couvertures, ce à quoi elle a répondu non, que ce n’était pas une bonne idée. L’IPL SCOTT lui a dit qu’elle avait appris à faire ça lorsqu’elle travaillait à l’Établissement Grand Valley.

[…]

La Commission a demandé à l’IPL DESJARLAIS si elle avait effectué des patrouilles de sécurité dans l’unité d’isolement. L’IPL DESJARLAIS a déclaré qu’elle était au poste 15 avant de commencer la surveillance accrue du risque de suicide. Elle a effectué des patrouilles de sécurité dans l’unité d’isolement […]

[…]

 

[65] Dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait pas dormi lorsqu’elle était de service entre minuit et 3 h le 23 janvier. Mme Desjarlais et M. Robinson ont tous deux déclaré dans leur témoignage qu’ils se sont rendus dans la rangée de cellules d’isolement le matin du 23 janvier et que, lorsqu’ils avaient vu la fonctionnaire, elle ne dormait pas. Mme Desjarlais a également témoigné que, lorsque la fonctionnaire était sur le matelas, elle était assise, le dos contre le mur du fond de la rangée.

[66] J’exposerai plus en détail les éléments de preuve tirés de la vidéo de la rangée, mais la vidéo ne montre pas la fonctionnaire en train de dormir pendant qu’elle est de service ou s’allonger sur le matelas.

[67] Aucun témoin n’a témoigné avoir vu la fonctionnaire dormir pendant qu’elle était de service ou s’allonger sur le matelas.

1. Éléments de preuve tirés des vidéos de la rangée et de la cellule

[68] Les vidéos de la rangée et de la cellule commencent à 23:58:00 le 22 janvier et se terminent juste après 07:15:00 le 23 janvier.

[69] À 23:58:00, les vidéos de la rangée et de la cellule montrent la fonctionnaire à la porte de la cellule no 182, en train de regarder à travers la fenêtre supérieure de la porte. Au début, elle est assise sur le tabouret et regarde par la fenêtre supérieure, mais peu après, elle en descend et se tient debout, tout en continuant de regarder par la fenêtre supérieure. Le tabouret est placé devant la porte de la cellule, bien qu’un peu en retrait de celle-ci.

[70] À 00:00:35, la vidéo de la rangée montre la fonctionnaire qui s’éloigne de la porte de la cellule et se dirige vers la porte de la rangée. Elle revient ensuite vers la porte de la cellule à 00:00:51, jette un coup d’œil à l’intérieur, puis regarde vers le bas. À 00:00:56, elle s’éloigne de nouveau de la porte de la cellule et se dirige vers la porte de la rangée. Au même moment, la vidéo montre Mme Desjarlais qui entre dans la rangée, puis la fonctionnaire qui en sort. Mme Desjarlais pose quelques articles sur la chaise blanche qui se trouve dans la rangée, laquelle est placée à côté du mur entre la douche et la porte de la cellule no 182. À 00:01:08, elle regarde dans la cellule. Elle s’assoit ensuite sur le tabouret, qu’elle avance un peu vers la porte et observe la détenue A à travers la fenêtre supérieure de la porte de la cellule. À 00:01:16, on voit Mme Desjarlais en train d’observer la détenue A par la fenêtre supérieure de la porte de la cellule.

[71] À 00:06:43, alors que Mme Desjarlais est en train d’observer la détenue A par la fenêtre supérieure de la porte de la cellule no 182, la porte de la rangée s’ouvre et on voit la fonctionnaire entrer dans la rangée de l’unité d’isolement avec un matelas. À 00:06:55, Mme Desjarlais cesse d’observer la détenue A et se retourne pour regarder la fonctionnaire. On le voit également très bien sur la vidéo de la cellule. Le matelas n’est pas très épais, si bien que la fonctionnaire peut l’empoigner d’une seule main. La fonctionnaire déplace ensuite la chaise de bureau no 1, sur laquelle des objets semblent avoir été posés, et elle la pousse vers la table de la rangée, près de la partie de la table de la rangée qui est la plus proche du mur du fond de la rangée. Elle plie ensuite le matelas de sorte que la moitié de celui-est appuyé contre le mur du fond et l’autre moitié est sur le sol.

[72] À 00:07:07, Mme Desjarlais n’a toujours pas reporté son regard vers la cellule no 182 et on la voit se lever du tabouret. À 00:07:09, après avoir manié le matelas et la chaise de bureau no 1, la fonctionnaire se dirige de nouveau vers la porte de la rangée. Alors que la fonctionnaire se rapproche de la porte de la rangée, Mme Desjarlais est debout, et il est clair que les deux femmes échangent quelques mots. À 00:07:21, Mme Desjarlais, toujours debout, se retourne pour regarder dans la cellule no 182, et la fonctionnaire sort de la rangée. Mme Desjarlais reste debout devant la porte de la cellule et observe la détenue A par la fenêtre supérieure.

[73] Lors de son interrogatoire principal, Mme Desjarlais a été invitée à expliquer comment la fonctionnaire avait positionné le matelas sur le plancher de la rangée. Elle a déclaré que le matelas était plié en deux, placé sur le sol et appuyé contre le mur du fond. On lui a également demandé si elle avait eu une conversation avec la fonctionnaire à ce moment-là. Elle a répondu qu’elles s’étaient parlé et qu’elle avait dit à la fonctionnaire que ce qu’elle faisait avec le matelas paraîtrait mal. Elle a ajouté que la fonctionnaire lui avait dit que c’était ce qu’ils faisaient à l’EGV et qu’elle serait en mesure de voir la détenue A.

[74] À 00:08:02, la vidéo de la rangée montre la fonctionnaire qui entre dans la rangée, des couvertures à la main. Mme Desjarlais détourne les yeux de la détenue A pendant un instant pour regarder la fonctionnaire. La fonctionnaire prend un sac à dos qui se trouve sur la chaise blanche, puis elle le place, avec les couvertures, à proximité du matelas, le long du mur qui se trouve sous les fenêtres du PCUI. Elle retourne ensuite dans la zone située entre la porte de la rangée et la porte de la cellule no 182, et on la voit parler à Mme Desjarlais. Mme Desjarlais semble être debout et observer la détenue A.

[75] À 00:08:20, la fonctionnaire ramasse un dossier posé sur la chaise blanche et le place à proximité du matelas, des couvertures et du sac à dos. À 00:08:24, Mme Desjarlais détourne les yeux de la cellule no 182, regarde la fonctionnaire et semble lui parler. Personne ne regarde la détenue A. À 00:08:39, la vidéo de la rangée montre la fonctionnaire debout, agrippant le dossier du tabouret, alors qu’elle parle à Mme Desjarlais, qui s’est éloignée de la cellule no 182 et se trouve à proximité de la porte de la rangée, dos à la cellule no 182. La fonctionnaire éloigne ensuite le tabouret de la cellule no 182 et le place près de la partie de la table de la rangée qui est la plus éloignée du mur du fond et la plus proche de la cellule no 182. La fonctionnaire et Mme Desjarlais semblent poursuivre leur discussion.

[76] À 00:08:45, la vidéo de la rangée montre Mme Desjarlais qui se tourne vers la porte de la rangée pour sortir et la fonctionnaire qui se dirige vers le mur du fond de la rangée et le matelas, dos à la cellule no 182. À 00:08:54, Mme Desjarlais quitte la rangée. À ce moment-là, la chaise blanche est clairement visible près du mur entre la porte de la cellule no 182 et la douche.

[77] La fonctionnaire ne surveille pas la détenue A et ne regarde pas dans la cellule no 182 ni même en direction de celle-ci. À 00:09:02, on peut voir la fonctionnaire déplier une des couvertures, la secouer et l’étendre sur le matelas qui se trouve sur le sol. Elle tripote un peu la couverture et, à 00:09:32, elle rapproche le tabouret de la table de la rangée, apparemment pour empêcher qu’il obstrue son champ de vision entre le matelas et la fenêtre inférieure de la cellule no 182. Elle retourne ensuite arranger le matelas, et les lumières de la rangée s’éteignent à 00:09:35. Il faut une seconde pour que la caméra s’adapte à la vision nocturne. La fonctionnaire continue à arranger le matelas, et il est évident qu’elle ne surveille pas la détenue A. Elle fait dos à la cellule no 182. À 00:09:44, elle pousse le tabouret encore plus près de la table de la rangée. À 00:09:50, elle est à genoux, probablement sur le matelas, et fait dos à la cellule. Elle continue d’arranger le matelas ou les couvertures.

[78] Bien que les lumières de la rangée aient été éteintes, les lumières de la cellule no 182 sont restées allumées. Les lumières des autres cellules de l’unité d’isolement ont été éteintes.

[79] À 00:10:01, la vidéo de la rangée montre la fonctionnaire qui s’assoit sur le matelas, le dos contre le mur du fond. Elle fait face à la cellule no 182. Elle semble ensuite placer une couverture sur ses jambes étendues.

[80] De 23:58:00 à 00:10:01, lorsque la fonctionnaire s’assoit sur le matelas appuyé contre le mur du fond, la vidéo de la cellule montre la détenue A allongée sur le lit, dans la cellule no 182. Son corps tout entier, y compris une grande partie de sa tête, est recouvert d’une couverture. À aucun moment, la vidéo ne donne d’indication visuelle que la détenue A interagit de quelque façon que ce soit avec l’IPL en poste devant la porte de sa cellule.

[81] À 00:17:10, Mme Desjarlais entre dans la rangée pour effectuer sa patrouille de sécurité sur les détenues qui s’y trouvent. À 00:17:45, Mme Desjarlais sort de la rangée. On a demandé à Mme Desjarlais ce que faisait la fonctionnaire lorsqu’elle est entrée dans la rangée. Elle a répondu que la fonctionnaire était assise sur le matelas, dos au mur du fond, avec une couverture. Après que Mme Desjarlais quitte la rangée, la fonctionnaire reste contre le mur du fond de la rangée.

[82] La prochaine activité digne de mention sur la vidéo de la rangée survient à 01:14:10, alors que Mme Desjarlais entre dans la rangée et effectue une patrouille de sécurité. À 01:15:03, on voit Mme Desjarlais arrêtée près de l’endroit où la fonctionnaire est assise sur le matelas. À 01:16:00, elle sort de la rangée. Encore une fois, en interrogatoire principal, on a demandé à Mme Desjarlais ce que faisait la fonctionnaire à ce moment-là, ce à quoi Mme Desjarlais a répondu que la fonctionnaire était assise sur le matelas, dos au mur du fond, et que ses jambes, qui semblaient être croisées, étaient recouvertes d’une couverture.

[83] La prochaine activité digne de mention sur la vidéo de la rangée est l’entrée de Mme Desjarlais dans la rangée à 02:11:29, encore une fois pour sa patrouille de sécurité. À 02:12:30, Mme Desjarlais sort de la rangée. Encore une fois, en interrogatoire principal, on lui a demandé ce que faisait la fonctionnaire à ce moment-là, ce à quoi elle a répondu que la fonctionnaire était assise sur le matelas, dos au mur du fond, avec une couverture sur les jambes.

[84] À 02:16:25, pour la première fois depuis qu’elle s’est assise sur le matelas à 00:10:01, la fonctionnaire se lève et s’éloigne du matelas et du mur du fond, se dirige vers la porte de la cellule no 182 et regarde à l’intérieur, puis elle s’éloigne et fait les cent pas. À 02:19:54, Mme Desjarlais entre dans la rangée et la fonctionnaire en sort. Mme Desjarlais prend le papier hygiénique posé sur la chaise blanche (qui est toujours contre le mur entre la cellule no 182 et la douche) et le place sur le rebord de la fenêtre du PCUI. Elle revient vers la porte de la cellule no 182, regarde à l’intérieur, puis tend la main pour soulever la chaise blanche et la place à quelques pieds de la porte, légèrement à la gauche de la porte si on regarde vers la cellule. La chaise fait face à la porte de la rangée et non à la porte de la cellule no 182. Mme Desjarlais s’assoit sur la chaise.

[85] À 02:29:03, la fonctionnaire entre dans la rangée et retourne au matelas appuyé contre le mur du fond. Mme Desjarlais détourne les yeux de la détenue A et semble discuter avec la fonctionnaire. Elle regarde en direction de la fonctionnaire et non en direction de la cellule no 182. À 02:31:33, Mme Desjarlais se lève, laisse la chaise blanche là où elle se trouve, et continue de discuter avec la fonctionnaire. À 02:40:30, Mme Desjarlais se dirige vers le matelas, se penche et semble s’accroupir à côté de la fonctionnaire. À 02:47:45, Mme Desjarlais se relève.

[86] On a interrogé Mme Desjarlais sur ce qui s’était passé à 02:16:25 et elle a déclaré que la fonctionnaire avait demandé une pause. Mme Desjarlais a expliqué qu’elle l’avait remplacée pendant une courte période, après quoi la fonctionnaire était revenue et était retournée s’asseoir sur le matelas, contre le mur du fond.

[87] À 02:55:50, M. Robinson entre dans la rangée, se dirige vers l’endroit où se trouvent la fonctionnaire et Mme Desjarlais, et un échange a lieu entre eux. Mme Desjarlais et M. Robinson ont tous deux déclaré dans leur témoignage que M. Robinson récupérait des clés de la fonctionnaire.

[88] À 02:56:15, Mme Desjarlais et M. Robinson quittent la rangée. À 02:57:53, la fonctionnaire se lève et s’avance vers la table de la rangée pour y déposer quelque chose. Elle se dirige ensuite vers la cellule no 182. À 02:58:10, elle jette un coup d’œil par la fenêtre supérieure de la cellule. À 02:58:11, elle se détourne de la fenêtre de la cellule, ajuste son uniforme et son équipement, puis, en continuant d’ajuster son uniforme et son équipement, revient vers le mur du fond, dos à la cellule. Ce n’est qu’à 02:59:10 que la fonctionnaire retourne à la porte de la cellule et jette un coup d’œil à l’intérieur de la cellule no 182. Elle boit ensuite dans un récipient, puis place le récipient sur le tabouret avec le sac ou le sac à dos qu’elle avait placé plus tôt à cet endroit. Elle fait dos à la cellule, puis se dirige vers le mur du fond de la rangée. À 02:59:37, elle ramasse la couverture, retourne vers la cellule no 182 et la plie en se tenant devant la porte de la cellule. À 02:59:51, elle pose la couverture sur la chaise blanche et s’éloigne de nouveau de la cellule. Elle se tient près du tabouret, prend une autre couverture et la plie. À 03:00:22, elle retourne à la porte de la cellule no 182 et demeure à cet endroit.

[89] Entre 03:05:45 et 03:10:45, on voit ce qui suit sur la vidéo de la rangée :

· À 03:05:45 : Mme Desjarlais entre dans la rangée et tire la chaise de bureau no 2; la fonctionnaire et elle semblent se parler, et la fonctionnaire semble regarder dans la cellule no 182.

· À 03:07:23 : Ni la fonctionnaire ni Mme Desjarlais ne regardent dans la cellule no 182. La fonctionnaire s’éloigne de la porte de la cellule no 182 et fait dos à la porte de la cellule. Mme Desjarlais fait dos à la cellule; elle regarde la fonctionnaire et fait face au mur du fond.

· À 03:07:38 : La fonctionnaire ramasse les couvertures qu’elle avait pliées et placées sur le tabouret.

· À 03:08:14 : Ni la fonctionnaire ni Mme Desjarlais ne regardent dans la cellule no 182.

· À 03:08:26 : La fonctionnaire et Mme Desjarlais ne regardent toujours pas dans la cellule no 182. La fonctionnaire se dirige vers la porte de la rangée.

· À 03:08:29 : Ni la fonctionnaire ni Mme Desjarlais ne regardent dans la cellule no 182. La fonctionnaire sort de la rangée. Mme Desjarlais est dos à la porte de la cellule no 182 et déplace la chaise de bureau no 2 vers le mur du fond.

· À 03:09:50 : Mme Desjarlais est en train de manipuler le tabouret lorsqu’elle se tourne et regarde vers la porte de la rangée, qui s’ouvre. La fonctionnaire entre dans la rangée. Elle passe devant la cellule no 182 et effectue une patrouille de sécurité en jetant un coup d’œil par la fenêtre de toutes les autres cellules.

· À 03:10:36 : La fonctionnaire se dirige vers la porte de la rangée.

· À 03:10:38 : La fonctionnaire passe devant la cellule no 182 sans regarder à l’intérieur.

· À 03:10:45 : La fonctionnaire quitte la rangée.

 

[90] La fonctionnaire est retournée dans la rangée à 06:45:40 pour remplacer Mme Desjarlais pendant une courte période.

2. Les éléments de preuve non liés aux vidéos

[91] La fonctionnaire et Mme Desjarlais ont confirmé dans leur témoignage que la fonctionnaire avait apporté le matelas et les couvertures dans la rangée à, ou vers, l’heure indiquée sur la vidéo de la rangée. Mme Desjarlais a confirmé dans son témoignage que, comme la vidéo l’a montré, elle n’avait pas utilisé le matelas pendant qu’elle effectuait la SARS de la détenue A.

[92] Lorsqu’on a demandé à Mme Desjarlais dans quel état elle avait trouvé la fonctionnaire lorsqu’elle était entrée dans la rangée pour effectuer sa patrouille, elle a répondu que la fonctionnaire était éveillée et qu’elle n’était pas couchée.

[93] En interrogatoire principal, on a demandé à la fonctionnaire combien de fois elle avait assuré la SARS d’une détenue au cours de sa carrière, ce à quoi elle a répondu qu’elle l’avait fait souvent, ajoutant qu’elle estimait l’avoir fait une centaine de fois. À la question de savoir combien de fois elle avait effectué la surveillance accrue d’une détenue à l’EEF, elle a répondu une fois. Elle a déclaré qu’elle avait utilisé un matelas dans l’exercice de ses fonctions liées à la SARS des détenues lorsqu’elle travaillait à l’EGV.

[94] La fonctionnaire a témoigné qu’à l’époque pertinente elle venait de quitter l’Ontario pour s’installer en Alberta et que, pendant le déménagement, elle s’était blessée aux côtes. Elle a affirmé qu’elle avait une note médicale et qu’elle l’avait fournie à un membre de la direction. Aucune note médicale n’a été produite en preuve. Rien n’indique que, pendant la période en cause, soit de 23 h le 22 janvier à 7 h le 23 janvier, la fonctionnaire a demandé des mesures d’adaptation ou qu’elle avait besoin de telles mesures. Aucun document médical relatif à la blessure n’a été fourni en preuve et aucun professionnel de la santé n’a témoigné.

[95] En interrogatoire principal, on a demandé à la fonctionnaire pourquoi elle avait apporté un matelas au lieu d’une chaise, ce à quoi elle a répondu que le tabouret n’avait pas de bras et qu’elle ne pouvait pas y répartir son poids [traduction] « en raison de [sa] blessure ». Elle a confirmé avoir apporté des couvertures supplémentaires et les avoir placées sur ses jambes, affirmant qu’il faisait froid dans l’unité d’isolement.

[96] La fonctionnaire a déclaré qu’elle pouvait voir la détenue A d’où elle était assise, contre le mur en face de la porte de la cellule no 182. Elle a confirmé qu’elle avait reçu le formulaire de SARS et le formulaire 1006 de la détenue A. Elle a également confirmé qu’elle n’avait pas de montre ou d’horloge. Elle a affirmé qu’elle avait demandé une horloge à un collègue de travail, qui n’était pas un GC. Elle a dit qu’elle ne se souvenait pas à qui elle l’avait demandé, mais qu’elle pensait que c’était à l’IPL du PCUI ou à Mme Desjarlais, qui lui auraient tous deux dit qu’ils avaient besoin de leurs montres ou de leurs horloges pour accomplir leurs tâches.

[97] Une copie de la réfutation du rapport d’enquête que la fonctionnaire a envoyée par courriel à la directrice Bouchard le 15 mai 2017 a été déposée en preuve. Les commentaires suivants étaient pertinents dans le cadre l’audience :

[Traduction]

[…]

Je comprends mon rôle d’IPL tel qu’il est décrit dans la DC 843.

Le fait de ne pas avoir inclus mon interaction avec [la détenue A], qui a conduit à ma décision de m’éloigner de sa cellule pour assurer sa surveillance constante et directe, s’explique comme suit :

En me fondant sur mes années d’expérience de travail avec des détenues au tempérament instable, j’ai jugé qu’il était préférable que je m’abstienne de donner suite à l’interaction de [la détenue A] avec moi pour éviter que la situation dégénère.

Cette interaction a eu lieu entre deux entrées de 15 minutes et n’a donc pas été incluse dans le journal.

Pour ce qui est du fait que je n’avais pas de montre ou d’horloge et que j’ai déclaré que j’avais fait des entrées aux 15 minutes environ, il n’y a pas d’horloge dans l’unité d’isolement et je ne portais pas de montre, ce qui n’est d’ailleurs pas exigé par la loi ou par la politique.

[…]

Après mon interaction initiale avec [la détenue A], elle a dormi et l’enregistrement du fait qu’elle était couchée et silencieuse pendant le reste de mon quart de travail est véridique.

Les propos que j’ai tenus lors de mon premier entretien ont été mal interprétés. À aucun moment je n’ai déclaré ni admis que je dormais pendant mon quart de travail.

[…]

[98] La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait rempli le formulaire 1006 de la détenue A en se basant sur son estimation de l’heure. Lorsqu’on lui a demandé comment elle avait estimé les intervalles, elle a répondu : [traduction] « toutes les heures, une patrouille était effectuée donc c’était mon point de référence, puis j’ai séparé l’intervalle en quatre; c’est comme ça que je m’y suis prise ». Elle a déclaré qu’elle était chargée de la SARS à compter de 23 h. Elle a dit que la détenue A était agitée pendant la première heure de sa période de surveillance et qu’elle avait essayé de lui parler pour la calmer, mais que, voyant que c’était inefficace, elle lui avait donné de l’espace. Quand on lui a demandé à quel moment elle avait donné de l’espace à la détenue A, la fonctionnaire a répondu qu’elle ne le savait pas. Elle a ensuite dit qu’elle l’avait fait sur une certaine période, pas à un moment précis. Elle a dit qu’elle lui avait donné de l’espace en s’assoyant sur le matelas contre le mur du fond, à une certaine distance de la porte. En interrogatoire principal, lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle avait utilisé le matelas et non le tabouret, elle a répondu que le tabouret n’avait pas de bras et qu’elle ne pouvait donc pas répartir son poids en raison de sa blessure. Interrogée au sujet de la couverture, elle a répondu qu’il faisait très froid.

[99] Dans le formulaire 1006 de la détenue A, l’entrée de 23 h est paraphée par la fonctionnaire (et un autre IPL). Toutes les entrées subséquentes, jusqu’à 3 h, sont paraphées par la fonctionnaire. À l’endroit prévu pour le code numérique, la fonctionnaire a écrit « 9/11 » sur chacune des 17 lignes de 23 h à 3 h. Le code 9 signifie que la détenue était couchée ou assise, et le code 11 signifie que la détenue était silencieuse.

[100] En contre-interrogatoire, le journal de bord concernant la détenue A a été passé en revue avec la fonctionnaire. À la question de savoir si elle l’avait lu, elle a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas. On lui a montré les entrées indiquant qu’entre 19 h 05 et 23 h la détenue A dormait, et on lui a fait remarquer qu’elle n’avait pas consigné le comportement allégué de la détenue A. Elle a répondu qu’elle était habituée à un journal de bord distinct.

[101] Interrogée quant à la possibilité d’être relevée de ses fonctions, la fonctionnaire a déclaré qu’elle n’était pas formée pour travailler au PCUI ou au poste de contrôle principal et que Mme Desjarlais lui avait dit qu’elle avait des documents à remplir avant son transfert à Mission.

[102] La fonctionnaire a témoigné que son entretien avec les enquêteurs s’était déroulé sans qu’on lui montre la vidéo de la rangée ou celle de la cellule. Mme Jara a visionné les vidéos de la cellule et de la rangée le 27 mars 2017. Lorsque Mme Bouchard a autorisé la fonctionnaire à visionner les vidéos de la cellule et de la rangée, la fonctionnaire avait déménagé à l’extérieur de l’Alberta et n’a pas pu les visionner. Elle a déclaré qu’elle était retournée en Ontario pendant la longue fin de semaine de mai 2017, soit pendant sa suspension.

[103] En réinterrogatoire, la fonctionnaire a été ramenée au rapport d’enquête, qui relatait ses propos aux enquêteurs au sujet du comportement de la détenue A. On lui a demandé s’il était possible qu’elle ait confondu cet événement avec un autre, ce à quoi elle a répondu que c’était possible.

[104] Mme Marghella a témoigné que l’IPL chargé de la SARS d’une détenue est censé observer la détenue de façon constante et directe pour s’assurer qu’elle n’a pas de comportement violent, qu’elle ne s’automutile pas et qu’elle ne tente pas de se suicider. À la question de savoir où elle s’attendait à ce que l’IPL se place pendant la SARS, Mme Marghella a répondu que l’IPL devait se placer juste à l’extérieur de la cellule. Elle a précisé qu’un tabouret roulant dont la hauteur est réglable était fourni. Elle a déclaré qu’avant les événements survenus au petit matin le 23 janvier 2017 elle n’avait jamais entendu parler d’un IPL qui effectuait la SARS sans être à la porte de la cellule.

[105] On a demandé à Mme Marghella s’il était approprié qu’un IPL s’éloigne de la porte de la cellule pendant la SARS si la détenue est instable ou crie, ce à quoi elle a répondu qu’il est attendu que l’IPL reste à la porte et observe la détenue. C’est l’objectif même de la SARS. Lorsqu’on lui a demandé s’il était approprié qu’un IPL s’assoie sur un matelas pour effectuer la SARS, elle a répondu que ce n’était pas approprié. Lorsqu’on lui a demandé s’il était approprié que la fonctionnaire tourne le dos pendant qu’elle effectuait la SARS, elle a répondu que ce n’était pas approprié.

[106] Au moment de l’audience, Mme Henry était une GC à l’EGV, à Kitchener. Elle a déclaré que lorsqu’elle était IPL ou CX, elle avait fait des SARS et observé d’autres IPL pendant qu’ils s’acquittaient de ces fonctions. Mme Henry a témoigné qu’elle était responsable de la formation en cours d’emploi de la fonctionnaire et qu’elle était GC à l’EGV à l’époque où la fonctionnaire y travaillait, avant qu’elle soit transférée à l’EEF à la fin de 2016. Des photos prises par Mme Henry, qui montrent une cellule d’isolement de l’EGV, ont été déposées en preuve.

[107] La première série de photos montre la porte de la cellule, qui comporte une petite fenêtre supérieure d’environ un pied carré et un panneau métallique coulissant pour couvrir la fenêtre. La seule autre façon de voir à l’intérieur de la cellule, c’est de regarder par l’ouverture destinée à la distribution de nourriture, qui semble se trouver à environ le tiers de la hauteur de la porte, à partir du sol. La deuxième série de photos montre une porte avec deux fenêtres qui sont semblables, voire identiques, à celles de la cellule no 182 de l’EEF. Il y a une fenêtre supérieure et une fenêtre inférieure, qui sont séparées par une ouverture destinée à la distribution de nourriture. Mme Henry a témoigné avoir pris les photos dans la semaine du 24 et du 25 août 2021, et que la dernière photo, qui a été prise par quelqu’un d’autre, la montre assise dans une chaise qui ressemble au tabouret de l’EEF, en train de regarder dans une cellule par la fenêtre supérieure.

[108] Mme Henry a déclaré que les portes des cellules de l’unité d’isolement utilisées pour la SARS à l’EGV sont passées du modèle à une petite fenêtre au modèle à deux fenêtres de taille supérieure vers 2012 ou 2013. Elle a déclaré que, lorsqu’ils effectuent la SARS, les IPL sont censés se placer à la porte de la cellule et garder en tout temps un contact visuel avec la détenue sous surveillance. Puisque les détenues qui font l’objet d’une surveillance accrue présentent un risque élevé de tentative de suicide ou d’automutilation, les IPL doivent les surveiller de près pour déceler tout comportement à risque. À la question de savoir si elle avait déjà entendu parler de CX ou d’IPL qui s’assoyaient contre le mur à une certaine distance de la porte de la cellule pour assurer la surveillance accrue, Mme Henry a répondu non et a déclaré qu’il n’était pas approprié de procéder de cette façon.

[109] Mme Henry a témoigné que les GC de l’EGV tiennent des réunions trimestrielles au cours desquelles ils discutent de diverses questions et préoccupations qui sont soulevées. Elle a précisé que ces réunions couvrent tous les sujets liés à l’Établissement et à leurs responsabilités, y compris la gestion et la supervision des CX. Elle a déclaré qu’il n’avait jamais été mentionné, lors de ces réunions, que les IPL effectuaient la SARS de détenues en se plaçant ailleurs que juste à l’extérieur de la porte de la cellule. Elle a déclaré que la question de l’utilisation de matelas par les IPL pour effectuer la SARS n’avait non plus jamais été soulevée lors de ces réunions à l’EGV.

[110] En contre-interrogatoire, Mme Henry a confirmé que les IPL pouvaient effectuer une rotation lors de la SARS, soit toutes les heures ou toutes les quatre ou huit heures. À la question de savoir si elle avait déjà, en tant que GC, dit aux IPL à quelle fréquence ils devaient se relayer ou se remplacer, elle a répondu qu’elle pouvait le faire et qu’elle l’avait déjà fait, mais que souvent les IPL s’organisaient entre eux.

[111] Mme Bussey a témoigné au sujet du dossier de formation de la fonctionnaire et des documents qu’il contenait. Le dossier de formation de la fonctionnaire a été déposé en preuve. Il révèle que la fonctionnaire a suivi une formation sur le suicide et l’automutilation, d’abord dans le cadre du Programme de formation des agents correctionnels, puis dans le cadre de cours de perfectionnement en 2010, 2011, 2013 et 2015.

[112] Mme Bussey a indiqué que le dossier de formation de la fonctionnaire montre qu’elle a suivi avec succès toutes les formations qui y étaient consignées. Mme Bussey a déclaré que la formation sur la santé mentale et les détenus aurait été suivie sur deux jours en décembre 2009.

[113] Le matériel de formation fourni comprenait des renseignements importants sur le suicide et l’automutilation ainsi que sur les signes manifestés par les détenus. Une partie de la preuve se composait de documents créés en 2014 dans le cadre d’un cours de perfectionnement sur le suicide et l’automutilation, qui a été donné en ligne. Ces documents indiquaient entre autres ce qui suit : « Tous les membres du personnel des établissements doivent connaître les responsabilités qui leur incombent en vertu de la Directive du commissaire 843, Gestion des comportements d’automutilation et suicidaires chez les détenus, ci-après DC 843. »

[114] Une audience disciplinaire a été tenue par conférence téléphonique, car la fonctionnaire vivait alors en Ontario. Les circonstances exactes du déménagement de la fonctionnaire ne m’ont pas été expliquées clairement.

[115] L’enregistrement audio de l’audience disciplinaire de la fonctionnaire a été déposé en preuve, ainsi qu’une version dactylographiée des notes de l’agent des relations de travail (ART) qui a aussi assisté à l’audience. J’ai écouté l’enregistrement audio et j’ai examiné les notes. Bien que les notes ne soient pas une transcription exacte de l’enregistrement audio, elles rapportent en grande partie et de façon précise les points saillants de l’audience. Les extraits pertinents à ma décision sont les suivants :

[Traduction]

[…]

Question no 2

Brigitte Bouchard (BB) : Je vais vous poser une question. Pourriez-vous commenter les infractions alléguées au Code de discipline (DC 060) se rapportant à l’inconduite visée par l’enquête […] en ce qui concerne le fait d’avoir omis de prendre les mesures voulues ou négligé vos fonctions d’agent de la paix d’autres façons, le fait d’avoir omis de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à vos fonctions, plus précisément les directives 5664 et 843, le fait d’avoir, volontairement ou par négligence, fait ou signé une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de vos fonctions, le fait d’avoir exercé vos fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, avoir mis en danger un autre employé du SCC ou une autre personne quelconque ou causé des blessures ou la mort, et le fait d’avoir dormi pendant que vous étiez de service?

Réponse de GS : Je n’ai pas dormi pendant que j’étais de service. Je n’ai jamais affirmé avoir dormi pendant que j’étais de service. J’ai été extrêmement franche lors de l’enquête, et j’ai dit que j’étais fatiguée, parce que je l’étais. Ça arrive à tous ceux qui travaillent pendant le quart de nuit […] Je prends la surveillance accrue très au sérieux. Pour ce qui est de la falsification de documents, cela n’a jamais été mon intention. Je n’avais pas d’horloge – et j’ai fait du mieux que j’ai pu. Donc, vous savez quoi? Vous avez raison. Je me suis peut-être trompée de quelques minutes quand j’ai consigné l’information. Je suis plutôt bonne à estimer le temps, grâce à mon expérience, mais je n’avais pas d’horloge… aucune horloge n’a été fournie […] J’ai fait du mieux que j’ai pu dans les circonstances. Le fait de m’être assise sur un matelas dans l’unité d’isolement – ce n’est pas contraire à la politique ou aux règles de conduite. Ce n’est pas pour rien que les portes comportent deux fenêtres. La détenue a même dit qu’elle ne savait pas que j’étais assise là, ce qui signifie à mon sens que mon approche était efficace […]

Question no 3 de Brigitte Bouchard (BB) : Dans la réfutation que vous m’avez envoyée, vous avez dit que vous aviez l’impression que le comité d’enquête avait déformé vos propos.

Réponse de Grace Scott (GS) : Oui, parce que le rapport contenait de nombreuses opinions. J’ai été tout à fait honnête et franche en affirmant que j’étais fatiguée, mais les membres du comité d’enquête se sont servis de ma franchise pour déformer mes propos et affirmer qu’ils croyaient que je dormais […] jamais une seule fois je n’ai même laissé entendre que je dormais… J’ai été franche […] Et non, je n’ai pas dormi pendant que j’étais de service. J’ai essayé de m’expliquer, mais je pense que j’ai été mal comprise. Je n’ai jamais dit ça, et je ne le dirai jamais… parce que je ne, je n’ai pas fait ça. Il y a tellement de choses qui se passent. J’ai l’impression que mes propos ont été déformés et que j’ai été mal comprise… Je n’ai jamais eu l’intention non plus de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. J’essayais juste d’expliquer, pour me défendre – car il n’y avait que ma parole –, que je ne dormais pas, parce que si je dormais, pourquoi personne n’était intervenu? Un gestionnaire? Ou quelqu’un d’autre? Pour moi, c’est de la négligence de la part de tout le monde. Parce que cette détenue est sous surveillance accrue. Donc, comme l’indique le rapport, ils n’ont rien fait pendant ce quart. C’est tout simplement dangereux, à mon avis. Si un employé pense qu’un autre employé est endormi ou en détresse médicale, il doit aller le voir ou, s’il ne se sent pas à l’aise de le faire, en parler au gestionnaire, parce que la détenue est sous surveillance accrue pour une raison. Ce que j’essayais de faire, c’était de donner des explications, au-delà de ma simple parole, et j’ai l’impression que mes propos ont été déformés et ont été interprétés comme un déni de responsabilité. Mais je ne suis pas comme ça. J’accepte la responsabilité de mes actions.

Question no 4

Brigitte Bouchard (BB) : Dans le rapport, il est mentionné que vous n’avez pas assuré une surveillance constante et directe de la détenue (GS est intervenue avant que BB ne puisse terminer sa question).

Réponse de Grace Scott (GS) : Vous savez quoi? Honnêtement, je n’y ai pas pensé sur le coup, mais le comité d’enquête a raison. Pendant une brève période, j’aurais été dos à la détenue. Après presque dix ans à assurer la surveillance accrue, je suis devenue complaisante. Et je suis désolée. Ce n’était pas intentionnel ni délibéré, je ne voulais faire de mal à personne. Je suis devenue complaisante et dépendante […] Mais vous avez raison; j’ai totalement tourné le dos pendant une brève période, et j’ai donc perdu le contact visuel et je n’ai pas assuré une surveillance constante. Ce n’était pas volontaire. Jusqu’à ce que je lise le rapport, je n’y avais même pas pensé. Et je suis honnête. Je fais ça depuis de nombreuses années et c’était mon erreur. Je suis devenue complaisante […]

[…]

Commentaire de Danissa [sic] Jara (DJ) : Il est donc juste de dire que, maintenant que vous avez lu le rapport et le raisonnement, vous comprenez parfaitement en quoi consistait votre inconduite?

Commentaire de GS : Oui. Je continue de penser que l’affaire aurait pu être réglée, mais je comprends pourquoi la direction a choisi la voie qu’elle a choisie, et la gravité de la situation. Je m’excuse si vous avez pensé que je ne prenais pas la situation au sérieux. Il doit y avoir eu un malentendu, et mes efforts. Il semble que plus j’essayais de faire comprendre à quel point je prenais la situation au sérieux, plus j’avais l’air d’adopter une attitude presque de défi. Ce n’était pas mon intention, au contraire. Je suis consciente de l’importance de notre travail; je suis consciente de ce qui peut arriver si nous ne faisons pas notre travail, surtout lorsqu’une détenue est sous surveillance accrue; je suis consciente de la responsabilité de chacun, personnelle et professionnelle, car cela a des répercussions sur les gens. C’est ce que j’essayais de communiquer et je pense que ça a été perçu comme une attitude de défi. Plus j’essayais de m’expliquer, plus j’avais l’air provocatrice. Ce que j’essayais de faire, c’était de dire écoutez, je comprends; j’essaie de comprendre, et je comprends parce que j’ai vécu ce genre de choses; je sais les répercussions que ça entraîne pour tout le monde. Je l’ai vu, je prends la situation au sérieux.

[…]

Question no 6

Brigitte Bouchard (BB) : Comprenez-vous la décision prise par le comité d’enquête quant au fait qu’il vous était impossible de faire une observation constante de la détenue? Comprenez-vous comment ils sont arrivés à cette conclusion?

Réponse de Grace Scott (GS) : Oui, apparemment, ils ont regardé la vidéo et ont vu que j’ai tourné le dos à la détenue pendant une brève période lorsque je marchais de la porte de la cellule au matelas de l’unité d’isolement.

Commentaire de BB : Dans la section analyse du rapport, il est question de la façon dont le matelas était placé et de l’emplacement des deux fenêtres, de sorte qu’il aurait été impossible d’assurer une surveillance directe.

Commentaire de GS : Oh, oui d’accord. Je ne suis pas d’accord avec ça, pour être tout à fait honnête. Je sais que je l’ai vue bouger […] J’ai l’impression d’avoir pu la surveiller. Maintenant, compte tenu des conclusions tirées par le comité d’enquête et de ce que la direction pense de tout ça, est-ce que je le referais? Non. Mais est-ce que je pense m’être acquittée de mes devoirs professionnels cette nuit-là? Oui.

[…]

 

[116] Mme Bouchard a témoigné qu’elle n’était pas à l’EEF lorsque la note anonyme avait été envoyée. Elle a dit qu’elle ne se souvenait pas d’avoir regardé la vidéo de la rangée ou la vidéo de la cellule. Elle a déclaré que, puisqu’elle avait au départ placé la fonctionnaire en congé administratif payé en raison de la grave allégation selon laquelle la fonctionnaire avait dormi pendant la SARS, il était difficile de la faire travailler en attendant l’issue de l’enquête. Elle a déclaré qu’elle s’était fondée sur les discussions qu’elle avait eues avec les représentants des Relations de travail et sur les conseils qu’ils lui avaient donnés. Elle a dit qu’elle avait placé la fonctionnaire en congé sans solde une fois l’enquête terminée. Elle a expliqué qu’elle avait modifié le statut du congé à ce stade parce que le rapport d’enquête faisait état d’une inconduite suffisamment grave pour placer la fonctionnaire en congé administratif sans solde. Elle a déclaré qu’il n’était pas approprié que la fonctionnaire se trouve sur le lieu de travail, parce que le rapport faisait état d’une inconduite grave, qu’il n’y avait pas de travail qui ne nécessitait pas de contact avec les détenues et que les conclusions indiquaient que le fait de lui permettre de demeurer en poste posait un risque pour les détenues et ses collègues de travail.

[117] Mme Bouchard a déclaré que dans la description de travail des IPL il est question de l’attention soutenue et de la surveillance de la conformité, deux éléments essentiels à la SARS. Elle a expliqué que la SARS nécessite une supervision directe et constante. Elle a précisé qu’en aucun cas l’IPL ne peut s’éloigner de la porte et que le SCC s’attend à ce que l’IPL soit prêt à intervenir, car la préservation de la vie fait partie du mandat du SCC. Elle a expliqué que si l’IPL doit partir, il doit demander à quelqu’un de le remplacer. Lorsqu’une détenue est mise sous surveillance accrue, c’est parce qu’il existe un risque élevé qu’elle s’enlève la vie de façon imminente. Mme Bouchard a déclaré qu’il était inapproprié que les IPL assurent la SARS assis sur un matelas en ce qui concerne le temps de réponse. Il faudrait du temps à l’IPL pour se lever et bouger.

[118] On a montré à Mme Bouchard la réponse de la fonctionnaire au rapport d’enquête et on lui a posé des questions à cet égard. Elle a dit qu’elle essayait de faire comprendre à la fonctionnaire que ce qu’elle avait fait était mal et qu’elle ne devait pas le refaire. Elle a dit qu’elle aurait voulu que la fonctionnaire demande ce qu’il ne fallait pas faire, afin de ne pas répéter ses erreurs. Elle a dit que la fonctionnaire avait plutôt essayé de justifier son comportement. En ce qui concerne la déclaration de la fonctionnaire selon laquelle elle n’avait pas de montre ou d’horloge, Mme Bouchard a affirmé que ce n’était pas une excuse légitime, car il y a des horloges dans tous les postes de contrôle. La fonctionnaire aurait dû en demander une. Mme Bouchard a déclaré qu’il était étrange que la fonctionnaire n’ait pas eu de montre, car toutes les fonctions des IPL dans l’Établissement sont associées à une certaine durée.

[119] En ce qui concerne le fait que la fonctionnaire a expliqué qu’elle s’était éloignée de la cellule en raison de l’allégation du comportement instable de la détenue, Mme Bouchard a déclaré que ce n’était pas la procédure ordinaire. Elle a déclaré qu’il est de la responsabilité du SCC et des IPL de s’assurer que les détenues se trouvent dans un environnement sûr et sécuritaire. C’est prévu dans l’énoncé de mission du SCC.

[120] Mme Bouchard a déclaré qu’elle comprenait que la fonctionnaire avait dit qu’elle ne dormait pas, mais que c’était seulement une partie du problème. L’autre partie du problème, c’était le fait qu’elle [traduction] « était assise à quatre mètres de la cellule et n’assurait pas une observation constante et directe ». Elle a déclaré qu’elle n’était pas convaincue que la fonctionnaire avait accepté la responsabilité de ses actes et que la fonctionnaire n’avait pas reconnu la gravité de la situation. Elle a ajouté que la fonctionnaire était agressive et sur la défensive. Mme Bouchard a dit qu’elle voulait que la fonctionnaire la convainque qu’elle pouvait la remettre au travail, mais que celle-ci avait plutôt essayé de justifier ses actes. Mme Bouchard a déclaré que la fonctionnaire n’avait pas reconnu son inconduite. Elle a dit que, même après avoir lu le rapport d’enquête et pris connaissance de l’explication claire de ce qui n’est pas approprié, la fonctionnaire a continué d’affirmer que ce qu’elle avait fait était correct et qu’elle le referait. Mme Bouchard a dit qu’elle s’était demandé comment elle pouvait réintégrer la fonctionnaire dans son poste si celle-ci ne comprenait pas les erreurs qu’elle avait commises. Mme Bouchard a déclaré que si la fonctionnaire avait accepté la responsabilité de ses actes, elle en aurait tenu compte, mais que le défaut de la fonctionnaire d’accepter la responsabilité de ses actes avait motivé sa décision de la licencier.

[121] Lorsqu’elle a été interrogée sur le fait que la fonctionnaire était nouvelle à l’EEF, Mme Bouchard a répondu qu’elle y avait accordé une certaine attention, mais pas beaucoup, car la fonctionnaire n’était pas nouvelle au sein du SCC. Elle a déclaré que la fonctionnaire avait acquis de l’expérience à l’EGV, qui est un type d’établissement semblable à l’EEF.

[122] En contre-interrogatoire, Mme Bouchard a été invitée à expliquer la différence entre s’asseoir sur le matelas et s’asseoir sur une chaise, et elle a précisé que le fait de s’asseoir sur une chaise aurait permis à la fonctionnaire de se lever et de réagir plus rapidement.

[123] Mme Bouchard a dit qu’elle avait tenu compte du dossier de la fonctionnaire et que celle-ci semblait répondre aux attentes.

[124] Tant dans l’enregistrement audio de l’audience disciplinaire que dans les notes y afférant, il est question d’une reconstitution. La fonctionnaire a déclaré en interrogatoire principal qu’elle n’était pas au courant d’une quelconque reconstitution jusqu’à ce qu’il en soit question à l’audience disciplinaire. Dans le cadre de l’instruction du grief de Mme Desjarlais (dossier de la Commission 566-02-14845), M. Anderson a parlé d’une courte vidéo réalisée par les enquêteurs, qui montre la vue de l’extérieur de la cellule no 182. Cette vidéo a été présentée en preuve. Je l’ai visionnée, mais elle n’a pas été produite dans le cadre de la présente audience.

3. Questions de santé et sécurité au travail

[125] Certains témoins m’ont parlé des problèmes de santé et de sécurité au travail qui avaient été soulevés, principalement à l’EGV, concernant les IPL qui effectuaient des SARS pendant de longues périodes, sans répit, et qui devaient utiliser des chaises inconfortables ou non ergonomiques, ou les deux.

[126] De nombreux documents relatifs aux problèmes de santé et de sécurité au travail liés à la SARS ont également été déposés en preuve. Certains concernaient le temps passé par un IPL sans répit, d’autres concernaient les chaises et leur caractère convenable, leur confort ou leur inconfort, selon le cas. Je ne m’attarderai pas sur ces éléments de preuve, étant donné qu’il est apparu, au fil de l’audience et à mesure que les questions clés sont devenues claires, qu’ils n’étaient pas pertinents pour ce que j’avais à décider.

4. Emploi après le licenciement

[127] La fonctionnaire a témoigné qu’après son licenciement, elle a travaillé en Alberta de novembre 2017 à février 2018, après quoi elle a volontairement quitté son emploi et a déménagé en Nouvelle-Écosse, où elle a travaillé en mars et avril 2018. Elle a ensuite quitté la Nouvelle-Écosse pour l’Ontario, où elle a obtenu un emploi et a travaillé de septembre 2018 à juin 2019. En juin 2019, alors qu’elle occupait cet emploi en Ontario, elle a pris un congé de maternité. Elle a ensuite déménagé en Saskatchewan à la fin du printemps ou au début de l’été 2021, et elle vivait toujours en Saskatchewan à la date de l’audience. Au moment de l’audience, elle a déclaré qu’elle était sans emploi.

[128] La preuve n’était pas du tout claire en ce qui a trait au déménagement de la fonctionnaire de l’Alberta à l’Ontario, qui semble avoir eu lieu en mai 2017, et au moment où la fonctionnaire est revenue en Alberta, étant donné qu’elle a travaillé en Alberta jusqu’en février, lorsqu’elle a déménagé en Nouvelle-Écosse. La preuve ne permet pas non plus d’établir les prestations de maternité qu’elle aurait reçues ni la date à laquelle l’emploi qu’elle occupait avant son congé de maternité a pris fin.

III. Résumé de l’argumentation

[129] L’employeur a invoqué les décisions suivantes : Baptiste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 127; Besirovic c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 33; Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62; Bridgen c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 92; Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Bétournay, 2018 CAF 230; Canadian Union of Public Employees, Local 3207 v. Cheshire Homes of Regina Society, 2016 CanLII 152568 (SK LA); Cassin c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 37; Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119; Cudmore c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-26517 (19960725); Dekort c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 75; Douglas c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 51; Hogarth c. Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services), dossier de la CRTFP 166-02-15583 (19870331); Kikilidis c. Conseil du Trésor (Solliciteur général), dossiers de la CRTFP 166-02-3180 à 3182 (19771011); MacLean c. Conseil du Trésor (ministère du Solliciteur général), dossier de la CRTFP 166-02-757 (19730608); Management and Training Corp. of Canada (c.o.b. Central North Correctional Centre) v. Ontario Public Service Employees Union, [2006] O.L.A.A. no 146 (QL); McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26; N.J. c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 129; Philps c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 110; Rahim c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 121; Ranu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 89; Richer c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 10; Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43; Stead c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 87; Teck Cominco Metals Ltd. v. United Steel, Paper and Forestry, Rubber, Manufacturing, Energy, Allied Industrial and Service Workers International Union (United Steelworkers), Local 480, [2006] B.C.C.A.A.A. no 161 (QL); Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL); Tousignant v. Treasury Board (Solicitor-General of Canada), [1979] C.P.S.S.R.B. no 26 (QL); Yayé c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 51; Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement et du Changement climatique), 2018 CRTESPF 78; William Scott & Co. v. C.F.A.W., Local P-162, 1976 CarswellBC 518.

[130] L’employeur a demandé que les griefs soient rejetés.

[131] La fonctionnaire a elle aussi invoqué les décisions William Scott, Besirovic, Dekort et Yayé, en plus des décisions suivantes : Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24; King c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 84; Kinsey c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 30; Lyons c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 122; Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767; Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354; Carignan c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 86; Matthews c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 38.

[132] La fonctionnaire a reconnu que certaines des allégations d’inconduite liées aux événements du 23 janvier pouvaient être fondées, mais elle estime que son licenciement était une sanction excessive. Elle a demandé que le grief soit accueilli, que le licenciement soit annulé, qu’il soit remplacé par une courte suspension et qu’elle soit indemnisée pour la perte de salaire et d’avantages sociaux.

[133] En outre, la fonctionnaire a demandé que je reste saisi du dossier pour régler toute question découlant de la mise en œuvre de la réparation accordée, le cas échéant.

IV. Motifs

A. Ordonnance de mise sous scellés

[134] L’employeur a demandé que les vidéos de la cellule no 182 et de la rangée de l’unité d’isolement soient mises sous scellés. Lors de l’instruction du grief concernant Mme Desjarlais, l’employeur avait également demandé que le schéma de l’unité d’isolement préparé par Mme Marghella soit mis sous scellés. Bien que l’employeur n’ait pas demandé la mise sous scellés du schéma dans la présente audience, je suppose qu’il s’agit d’une simple omission, puisque le raisonnement qui sous-tend la demande dans cette audience s’applique également dans la présente audience. Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a déclaré ce qui suit aux paragraphes 9 à 11 :

9 La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d’une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l’encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la « liberté d’expression » de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

10 Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non-publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’exigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

11 Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non-publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

1. elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque;

2. ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[135] Dans les circonstances actuelles, je conclus qu’il est approprié de mettre les pièces sous scellés. Il est dans l’intérêt du public de préserver la confidentialité des paramètres de sécurité dans les locaux du pénitencier ainsi que la vie privée de la détenue A. La mise sous scellés des vidéos n’a aucune incidence sur la transparence de la décision ou du processus. Par conséquent, la mise sous scellés des pièces E-1, onglet 45, E-2 et E-4 est ordonnée.

[136] Je fais également remarquer que dans les recueils de documents de l’employeur et de la fonctionnaire, à certains endroits, le nom de la détenue A, par inadvertance, n’a pas été caviardé. Les parties doivent revoir les recueils de documents qu’elles ont soumis pour s’assurer que le nom de la détenue A est caviardé partout. La Commission mettra sous scellés les documents qui pourraient contenir le nom de la détenue A pendant une période de 30 jours pour permettre aux parties de revoir les recueils de documents et d’en fournir une nouvelle version à la Commission.

B. Demande de visite des lieux

[137] J’ai initialement été chargé d’instruire le grief dans le dossier de la Commission 566-02-14845, Desjarlais c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), et cette audience a commencé la semaine du 18 novembre 2019, à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Au cours de cette audience, j’ai appris que la Commission était aussi saisie de la suspension et du licenciement de la fonctionnaire et que ceux-ci découlaient des mêmes événements ou presque. Ce fait a été porté à l’attention de la présidente de la Commission, après quoi ces affaires m’ont également été confiées.

[138] Alors que l’audience relative au grief de Mme Desjarlais qui s’est tenue au cours de la semaine du 18 novembre 2019 tirait à sa fin, et étant donné qu’elle n’était pas terminée, j’ai discuté avec les parties dans cette affaire de la possibilité de poursuivre l’audience à Edmonton, en même temps que l’audience relative à la présente affaire, et d’effectuer une visite de l’unité d’isolement de l’EEF et de la cellule no 182. L’avocat de l’employeur et le représentant de l’employeur sont les mêmes dans les deux dossiers, mais les représentants syndicaux sont différents. J’ai demandé au greffe de la Commission de coordonner la poursuite de l’audience relative au grief de Mme Desjarlais avec l’audience relative de la présente affaire à Edmonton, de sorte qu’une visite puisse être effectuée à l’EEF en présence des représentants chargés des deux dossiers et de moi-même.

[139] Malgré les efforts de toutes les personnes concernées, la pandémie de COVID-19 a frappé avant que les affaires puissent être mises au rôle à Edmonton et qu’une visite de l’EEF soit effectuée. À la mi-mars 2020, la Commission a cessé d’entendre des affaires, annulant toutes les audiences qui avaient été prévues jusqu’à la fin du mois de juillet 2020. À la fin de l’été 2020, la Commission a repris ses audiences, mais elles étaient toutes menées virtuellement au moyen d’une plateforme de vidéoconférence (Zoom ou Microsoft Teams). Depuis le début de la pandémie, le gouvernement fédéral et une grande partie de la fonction publique ont travaillé à domicile et ne sont pas retournés dans leurs bureaux. En outre, les déplacements des fonctionnaires fédéraux ont été fortement limités.

[140] Avant la poursuite de l’audience relative au grief de Mme Desjarlais et le début de la présente audience, j’ai été informé par l’avocat de l’employeur que le SCC effectuait des rénovations à l’unité d’isolement de l’EEF et qu’il se pouvait que l’unité ne soit pas dans le même état après les rénovations que le matin du 23 janvier 2017. Toutefois, à la date de l’audience relative à ces affaires et de la conclusion de l’audience relative au grief de Mme Desjarlais, les 3 et 4 août 2021, ces rénovations avaient été retardées, et l’avocat de l’employeur a réitéré sa demande de visite des lieux.

[141] Bien que les choses se soient améliorées sur le front de la pandémie à la fin de l’été 2021, lorsque j’ai entendu la présente affaire et terminé l’instruction du grief de Mme Desjarlais (les deux par vidéoconférence), le pays se trouvait en plein dans la troisième vague de la pandémie, et de nombreuses restrictions nationales, provinciales et locales étaient encore en place. J’ai décidé, en me fondant sur la preuve que j’avais vue et entendue lors de la présente audience et lors de l’audience relative au grief de Mme Desjarlais (qui était en grande partie identique ou similaire), et en tenant compte de l’état actuel de la pandémie et des recommandations formulées par les autorités sanitaires compétentes, qu’il ne serait pas sûr ni sage de se rendre à l’EEF ou d’exiger que les parties et leurs représentants s’y rendent pour effectuer une visite des lieux.

C. Le bien-fondé des griefs

1. Griefs portant sur la suspension dans les dossiers de la Commission 566-02-14326, 14468 et 14469

[142] Le grief dans le dossier de la Commission 566-02-14326 porte sur la suspension sans solde de la fonctionnaire le 20 mars 2017, tandis que les griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-14468 et 14469 portent sur les prolongations de la suspension ordonnées le 10 avril et les 1er et 23 mai 2017, respectivement.

[143] Comme il a été établi dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, et dans une longue série de décisions de la Commission qui l’ont appliqué, ainsi que dans le récent arrêt Bétournay, pour conclure qu’une question n’est pas théorique, il doit y avoir une question tangible à trancher. La fonctionnaire a en fait été licenciée rétroactivement à la date à laquelle elle a été suspendue sans solde pour la première fois. La question de son licenciement est une question réelle et tangible qui fait non seulement l’objet d’un grief, mais qui fait également l’objet d’un grief devant moi. La réparation demandée par la fonctionnaire dans les griefs concernant sa suspension sans solde et la prolongation de celle-ci est la même que celle qu’elle a demandée dans son grief concernant son licenciement : elle demande d’être réintégrée dans son poste avec plein salaire et avantages en date du 20 mars 2017. À ce titre, j’estime que les griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-14326, 14468 et 14469 sont théoriques et doivent être rejetés.

2. Grief portant sur le licenciement dans le dossier de la Commission 566-02-14525

[144] Les audiences d’arbitrage concernant les mesures disciplinaires au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sont des audiences de novo, et le fardeau de la preuve incombe au défendeur.

[145] Pour trancher les questions portant sur des mesures disciplinaires, on examine habituellement les trois critères suivants (voir William Scott) : la fonctionnaire a-t-elle fait preuve d’une inconduite? Si oui, la mesure disciplinaire imposée par l’employeur était-elle une sanction excessive dans les circonstances? Si oui, quelle autre mesure, qui serait juste et équitable, devrait y être substituée dans les circonstances?

a. La fonctionnaire a-t-elle fait preuve d’une inconduite?

[146] Les actes d’inconduite allégués se rapportent tous à la façon dont la fonctionnaire a exercé ses fonctions dans l’unité d’isolement de l’EEF le matin du 23 janvier. Dans la lettre de licenciement, l’employeur a déclaré que la fonctionnaire avait été négligente dans l’exercice de ses fonctions alors qu’elle effectuait la SARS de la détenue A, et qu’elle avait enfreint les Règles de conduite professionnelle et les dispositions du Code de discipline, en particulier la règle 1 – Responsabilité dans l’exécution des tâches, comme suit :

[Traduction]

[…]

· Alinéa 6f) « omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons »;

· Alinéa 6g) « omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions »;

Plus précisément : Directive du Commissaire 843, Gestion des comportements d’automutilation et suicidaires chez les détenus, article 11, « Dans le cas de détenus placés sous surveillance accrue ou modifiée du risque de suicide/d’automutilation, l’agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou le professionnel de la santé mentale, le cas échéant) consignera les activités du détenu dans le Rapport sur l’observation de l’isolement et de la contrainte (CSC/SCC 1006), selon les besoins, mais au moins toutes les 15 minutes » et article 17, « Les détenus placés sous surveillance accrue du risque de suicide/d’automutilation seront sous l’observation directe constante d’un agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou il peut s’agir d’un professionnel de la santé mentale dans les centres régionaux de traitement). La surveillance par caméra ne satisfait pas [sic] cette exigence. »

· Alinéa 6(j) « volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions »;

· Alinéa 6(m) « exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du Service ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort »;

[…]

 

et la règle 2 – Conduite et apparence, comme suit :

[Traduction]

[…]

· Alinéa 8(i) « dort pendant qu’il est de service ».

[…]

[147] Le 20 janvier 2017, un professionnel de la santé mentale a jugé que la détenue A présentait un risque d’automutilation ou de suicide, et il a été déterminé qu’elle ferait l’objet d’une SARS. Elle a été placée dans la cellule no 182 de l’unité d’isolement. La cellule no 182 est la première cellule située à droite lorsqu’on entre dans l’unité d’isolement. Si l’on regarde la cellule no 182 en se tenant à sa porte, à gauche se trouve une autre cellule, et à droite, la douche.

[148] Entre minuit et 7 h le 23 janvier, deux IPL, soit la fonctionnaire et Mme Desjarlais, ont été chargées d’effectuer la SARS de la détenue A. De minuit environ à 3 h environ, c’est la fonctionnaire qui en était chargée, et de 3 h environ à 7 h environ, c’est Mme Desjarlais qui en était chargée. Toutefois, la vidéo de la rangée déposée en preuve montre qu’il n’y avait pas une période claire où chacune était chargée exclusivement de la SARS et qu’elles étaient parfois présentes dans la rangée en même temps de sorte que l’une ou l’autre aurait pu être chargée de la surveillance accrue. Il en sera question plus en détail plus loin dans les présents motifs.

[149] Les allégations formulées contre la fonctionnaire se rapportent aux actes d’inconduite suivants :

i) la fonctionnaire n’a pas assuré une surveillance constante et directe de la détenue A lorsqu’elle n’était pas assise contre le mur du fond de la rangée de l’unité d’isolement;

ii) la fonctionnaire n’a pas assuré une surveillance constante et directe de la détenue A lorsqu’elle était assise contre le mur du fond de la rangée de l’unité d’isolement;

iii) la fonctionnaire dormait alors qu’elle était censée effectuer la SARS de la détenue A;

iv) la fonctionnaire n’a pas correctement consigné les activités de la détenue A dans le formulaire 1006.

 

i. La fonctionnaire n’a pas assuré une surveillance constante et directe de la détenue A lorsqu’elle n’était pas assise contre le mur du fond de la rangée de l’unité d’isolement
ii. La fonctionnaire n’a pas assuré une surveillance constante et directe de la détenue A lorsqu’elle était assise contre le mur du fond de l’unité d’isolement

[150] J’ai regroupé ces deux questions, car le critère à appliquer est en grande partie le même : la fonctionnaire a-t-elle assuré une observation constate et directe de la détenue A pendant la période où elle était chargée d’effectuer la SARS de la détenue A au petit matin le 23 janvier?

[151] Dans la description de travail d’un IPL, la première ligne sous la rubrique [traduction] « Résultats axés sur le service à la clientèle » indique [traduction] « [o]pérations correctionnelles visant la sécurité et la protection du public, du personnel, des détenus et de l’établissement […] ». Sous la rubrique [traduction] « Activités principales », la première activité mentionnée est la [traduction] « […] sécurité au sein de l’établissement (comprend le public, le personnel, les bénévoles, les visiteurs, les fournisseurs de services et les détenus) ».

[152] La DC 843 traite de la gestion des détenus qui présentent un risque d’automutilation et de suicide. Elle définit les mesures à prendre pour évaluer le comportement d’un détenu. S’il est déterminé que le détenu présente un risque d’automutilation ou de suicide, un protocole est mis en place. La DC 843 définit trois niveaux d’observation pour la surveillance du risque de suicide, dont le plus élevé est la SARS. Les détenus qui doivent faire l’objet d’une SARS sont placés dans une cellule d’observation et « […] seront sous l’observation directe constante d’un agent correctionnel/intervenant de première ligne (ou d’un professionnel de la santé mentale dans les centres régionaux de traitement). La surveillance par caméra seulement est interdite. »

[153] La définition même du terme « SARS » et le fait qu’un professionnel de la santé qualifié, responsable des détenus d’un établissement, ait déterminé qu’un détenu particulier doit être placé sous une SARS indiquent clairement que le détenu en question présente un risque important d’automutilation ou de tentative de suicide, immédiatement ou à tout moment.

[154] Je n’ai aucun doute quant au fait que l’expression « observation directe constante » est à la fois claire et sans ambiguïté. Les mots « constant » et « direct » sont définis comme suit dans le New World Dictionary of the American Language :

[Traduction]

constant

1. qui ne change pas; qui reste le même; en particulier, a) qui reste ferme dans ses intentions; résolu; b) […] c) qui ne varie pas ou ne change pas; régulier; stable 2. Qui dure tout le temps; en continu; persistant […]

[…]

 

[Traduction]

direct

1. […] non interrompu […]3. sans rien ni personne entre les deux; immédiat; proche, de première main ou personnel; 4. En ligne de descendance ininterrompue; linéaire;

 

[155] Je n’ai aucun doute de ce que signifient les termes « constante » et « directe » dans la DC 843 et de ce que les IPL doivent comprendre : il faut surveiller continuellement le détenu pour s’assurer qu’il est en sécurité et qu’il ne pose aucun geste pour tenter de se faire du mal ou de s’enlever la vie. C’est la raison d’être de la SARS. Il ne s’agit pas d’assurer une certaine surveillance du détenu, de le surveiller de temps en temps ou de jeter un coup d’œil dans la cellule. Il faut toujours le surveiller.

Lorsque la fonctionnaire n’était pas assise contre le mur du fond

 

[156] Il est clair, d’après la vidéo de la rangée, qu’il y a eu des périodes entre minuit et 3 h, alors que la fonctionnaire était censée être responsable de la SARS de la détenue A, pendant lesquelles elle n’a pas assuré une surveillance constante et directe de la détenue A. Ces périodes sont les suivantes :

· entre 00:00:35 et 00:10:01;

· entre 02:16:19 et 02:18:17;

· entre 02:57:53 et 03:08:30.

 

[157] Bien que la preuve indique que la fonctionnaire était censée effectuer la SARS de minuit à 3 h avant d’être remplacée par Mme Desjarlais de 3 h à 7 h, elle montre aussi, comme je l’expliquerai plus loin, que, parfois, les deux femmes se trouvaient dans la rangée en même temps et qu’aucune des deux n’assurait la SARS. C’est notamment le cas vers minuit, lorsque la fonctionnaire était censée commencer la SARS, et vers 3 h, lorsqu’elle a été remplacée par Mme Desjarlais.

[158] Entre 00:00:35 et 00:00:56, la fonctionnaire est seule dans la rangée et n’exerce pas une surveillance constante et directe de la détenue A. À certains moments entre 00:00:56 et 00:08:53, Mme Desjarlais et la fonctionnaire sont toutes deux dans la rangée, et la fonctionnaire s’absente deux fois. Pendant les absences de la fonctionnaire, on présume que Mme Desjarlais a assumé la responsabilité de la SARS de la détenue A, mais à certains moments Mme Desjarlais n’exerce pas elle non plus une surveillance directe et constante de la détenue A. Pendant ce temps, la fonctionnaire ne surveille pas du tout la détenue A. À 00:08:54, Mme Desjarlais sort de la rangée. La fonctionnaire est la seule IPL dans la rangée, et elle a déclaré qu’à partir de 00:00:00, elle était censée être responsable de la SARS de la détenue A. Lorsque Mme Desjarlais est assise ou debout devant la porte de la cellule no 182, il est difficile de faire valoir que la fonctionnaire était responsable de la SARS; cependant, à partir de 00:08:53, une fois que Mme Desjarlais quitte la rangée, cette responsabilité incombe clairement à la fonctionnaire. De 00:08:53 jusqu’à ce qu’elle s’assoie sur le matelas appuyé contre le mur du fond, à 00:10:01, la fonctionnaire ne surveille pas du tout la détenue A.

[159] À 02:16:19, on peut voir la fonctionnaire déplacer la couverture, se lever, se diriger vers la porte de la cellule no 182 et regarder à l’intérieur, par la fenêtre supérieure. Ce faisant, elle n’aurait pas été en mesure de voir à l’intérieur de la cellule d’une manière qui aurait permis une observation constante et directe. Une fois debout, sa taille, son emplacement et l’emplacement des fenêtres de la porte de la cellule l’auraient, par simple géométrie, empêché de voir la détenue A jusqu’à ce qu’elle se trouve suffisamment près de la porte pour pouvoir regarder le lit par la fenêtre supérieure.

[160] À 02:16:38, elle regarde par la fenêtre supérieure de la porte de la cellule no 182. À 02:17:04, elle retourne vers le matelas appuyé contre le mur du fond de la rangée. À 02:17:12, elle revient vers la porte de la cellule no 182, puis observe la détenue A par la fenêtre supérieure pendant un peu plus d’une minute. À 02:18:17, elle regarde ensuite vers le matelas, puis quelques secondes plus tard, se retourne pour regarder dans la cellule.

[161] À 02:57:53, la fonctionnaire, qui était assise contre le mur, se lève et s’avance vers la table de la rangée pour y déposer quelque chose. Elle se dirige ensuite vers la cellule no 182. À 02:58:10, elle jette un coup d’œil par la fenêtre supérieure de la cellule. À 02:58:11, elle se détourne de la fenêtre de la cellule et procède à l’ajustement de son uniforme et de son équipement, puis revient vers le mur du fond, dos à la cellule, en continuant à ajuster son uniforme et son équipement. Ce n’est qu’à 02:59:10 que la fonctionnaire retourne à la porte de la cellule no 182 et jette un coup d’œil à l’intérieur de la cellule. Elle boit ensuite dans un récipient, puis pose le récipient sur le tabouret avec le sac ou le sac à dos qu’elle y avait placé auparavant. Elle fait dos à la cellule et se dirige vers le mur du fond de la rangée. À 02:59:37, elle ramasse la couverture, retourne vers la cellule no 182 et la plie en se tenant devant la porte de la cellule. À 02:59:51, elle pose la couverture sur la chaise blanche et s’éloigne de nouveau de la cellule. Elle se tient près du tabouret, prend une autre couverture et la plie.

[162] À 03:00:08, on voit la fonctionnaire tenir une couverture qui masque la vue dans la cellule no 182. À 03:00:22, la fonctionnaire se déplace vers la porte de la cellule no 182 et semble regarder la détenue A. Elle regarde ensuite dans la cellule. À 03:00:30, la fonctionnaire regarde le sol. À 03:05:55, Mme Desjarlais entre dans la rangée assise dans la chaise de bureau, qu’elle fait rouler. À 03:06:45, la fonctionnaire est tournée vers Mme Desjarlais et ne regarde pas la détenue A. À 03:07:30, ni la fonctionnaire ni Mme Desjarlais ne regardent la détenue A. Elles semblent avoir une discussion. Les deux femmes font dos à la cellule. À 03:08:11, la fonctionnaire fait toujours dos à la cellule no 182; elle tient ce qui semble être ses effets personnels, et Mme Desjarlais ne surveille pas la détenue A. À 03:08:29, la fonctionnaire quitte l’unité d’isolement.

[163] Les éléments de preuve montrent, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire, en n’assurant pas une observation directe et constante de la détenue A pendant les périodes susmentionnées, a clairement commis les infractions prévues aux alinéas suivants de la DC 060 : alinéa 6f) (« omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons »), alinéa 6g) (« omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions », en particulier la DC 843) et alinéa 6m) (« exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du SCC ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort »). Cela constitue une inconduite.

Lorsque la fonctionnaire était assise contre le mur du fond

 

[164] Il est clair, d’après la preuve et les arguments présentés par les parties, que l’essentiel du litige portait sur la question de savoir si la fonctionnaire aurait pu effectuer correctement la SARS alors qu’elle était assise sur un matelas (qui reposait sur le sol de l’unité d’isolement), le dos contre le mur du fond, plus ou moins directement en face de la cellule no 182, à environ 12 pieds de la porte de la cellule.

[165] La preuve montre qu’à 00:10:09, la fonctionnaire est installée sur le matelas, en position assise, le dos contre le mur du fond de la rangée. Elle est assise à la droite de la table de la rangée (quand on a le dos contre le mur du fond de la rangée), et elle fait face à la porte de la cellule no 182. Pendant la majeure partie de la période entre 00:10:09 et 02:58:03, la fonctionnaire est assise dans cette position, sauf entre 02:16:19 et 02:30:20, où elle se lève et se déplace pendant quelques minutes (comme je l’ai décrit dans la section précédente) et est remplacée par Mme Desjarlais.

[166] De nombreux paramètre influencent la façon dont une personne peut voir et ce qu’elle peut voir. L’un de ces paramètres est la position de la personne par rapport à ce qu’elle regarde. La position dans laquelle elle se trouve détermine sa perspective. Le New World Dictionary of the American Language propose la définition suivante du terme « perspective » :

[Traduction]

1. L’art de représenter des objets ou une scène de telle manière, par ex. par des lignes convergentes (perspective linéaire), qu’ils apparaissent à l’œil en fonction de la distance relative ou de la profondeur 2. a) l’apparence des objets ou des scènes déterminée par leur distance et leur position relatives b) l’effet de la distance et de la position relatives 3. La relation de proportion entre les parties d’un tout considérée d’un point de vue en particulier ou à un moment donné […]

 

[167] Chaque jour, lorsque nous regardons des choses, le concept de perspective est omniprésent; il est constamment mobilisé. Le fait de se tenir à l’entrée d’une porte, entre deux pièces ou dans un couloir près d’une pièce, en est un bon exemple. Lorsqu’on se tient à l’entrée d’une porte, la tête droite, les yeux offrent une vue à presque 180 degrés, même si on regarde vers l’avant. Si on maintient cette position et qu’on tourne légèrement la tête vers la gauche, il devient impossible de voir une partie de ce qu’on voyait sur la droite. Si on recule ne serait-ce que d’un pas de la position dans laquelle on se trouvait auparavant, on remarque que, selon l’étendue de la pièce de part et d’autre, des parties importantes de ce qu’on pouvait voir auparavant ne sont plus visibles, car elles sont masquées par les côtés de la porte. Si l’entrée de la porte à laquelle on se tient est située plus d’un côté de la pièce que de l’autre, la partie de la pièce qu’on ne peut plus voir de chaque côté changera. Chaque fois qu’on recule d’un pas vers l’extérieur de la pièce, tout en continuant à regarder à travers la porte, sans modifier la hauteur ou la position de son corps, la partie de la pièce qu’on peut voir diminue.

[168] Cela est vrai pour toute ouverture à travers laquelle on regarde pour voir ce qui se trouve de l’autre côté. Par exemple, si on se tient devant une fenêtre pratiquée dans la partie supérieure d’une porte (ce qui est le cas dans la présente affaire) et qu’on approche son visage de la fenêtre, voire que son visage la touche (comme dans l’exemple précédent concernant la porte et la pièce), on peut voir largement à presque 180 degrés d’un côté à l’autre. En outre, en plus de voir à presque 180 degrés, si on regarde vers le bas, on peut voir presque, mais pas tout à fait, jusqu’au point où la limite inférieure de la porte rencontre le sol, le trottoir ou le passage immédiatement à l’extérieur et à côté de la porte. Cependant, dès qu’on bouge d’une façon ou d’une autre, la perspective est modifiée, et ce qu’on peut voir de l’autre côté de la fenêtre change.

[169] Je suis convaincu que, pendant que la fonctionnaire était assise sur le matelas placé contre le mur du fond de l’unité d’isolement, elle était en mesure d’assurer une observation constante et directe de la détenue A, quoique d’une manière inhabituelle, en supposant qu’elle regardait par la fenêtre inférieure de la porte de la cellule. Je me fonde sur une simple compréhension mathématique ainsi que sur ma connaissance de la disposition de l’unité d’isolement et des vidéos déposées en preuve. Puisque je suis convaincu que la fonctionnaire aurait été en mesure d’assurer une observation constante et directe de la détenue A à partir de cette position, l’employeur n’a pas établi cette allégation d’inconduite.

iii. La fonctionnaire dormait alors qu’elle devait assurer la SARS de la détenue A

[170] Le seul élément de preuve qui indique que la fonctionnaire dormait alors qu’elle devait assurer la SARS de la détenue A est la note anonyme envoyée à l’agent du renseignement de sécurité, qui a été à l’origine de l’enquête. Aucun témoin n’a déclaré avoir vu la fonctionnaire dormir. La fonctionnaire a nié avoir dormi pendant qu’elle était de service. Mme Desjarlais a déclaré que chaque fois qu’elle s’est trouvée dans l’unité d’isolement avec la fonctionnaire le matin du 23 janvier 2017, celle-ci était éveillée. La preuve vidéo n’établit pas que la fonctionnaire dormait. La vidéo de la rangée, au mieux, montre la fonctionnaire assise sur le plancher de la rangée de l’unité d’isolement de la manière qu’elle et Mme Desjarlais ont décrite, le dos appuyé contre le mur du fond.

[171] Les notes des deux enquêteurs, ainsi que le résumé de l’entrevue réalisée avec la fonctionnaire au cours de l’enquête, mentionnent que la fonctionnaire a déclaré qu’elle ne se souvenait pas de s’être endormie. Cela ne constitue pas une preuve qu’elle était endormie.

[172] Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que l’employeur n’a pas établi que la fonctionnaire dormait alors qu’elle devait assurer la SARS de la détenue A le 23 janvier et que, par conséquent, elle n’a pas commis l’infraction prévue à l’alinéa 8i) de la DC 060 (« dort pendant qu’il est de service »).

iv. La fonctionnaire n’a pas correctement consigné les activités de la détenue A sur le formulaire 1006

[173] La DC 843 précise que les activités d’un détenu soumis à une SARS seront consignées par l’IPL dans le formulaire 1006 toutes les 15 minutes.

[174] En bref, la preuve montre que la fonctionnaire a consigné les activités de la détenue A dans le formulaire 1006. Cependant, elle n’avait pas de montre ou d’horloge de quelque type que ce soit; il y a donc lieu de se demander si ses notes sont exactes. Par conséquent, l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire a commis les infractions prévues aux alinéas suivants de la DC 060 : alinéa 6g) (« omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions », en particulier la DC 843) et alinéa 6j) (« volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions »).

b. La mesure disciplinaire était-elle une sanction excessive dans les circonstances?

[175] L’employeur ayant établi certains éléments de l’inconduite reprochée, je me pencherai maintenant sur la question de savoir si la sanction imposée, soit le licenciement, était excessive. Pour les raisons qui suivent, je suis convaincu qu’elle l’était et je l’annule.

[176] Il n’est pas clair quelle partie de la sanction se rapporte à l’omission de surveiller la détenue A et quelle partie se rapporte à l’omission de remplir correctement le formulaire 1006.

[177] Il a été question de l’évaluation d’une sanction disciplinaire dans le secteur public fédéral aux paragraphes 179 et 180 de la décision Brazeau, où l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a formulé les observations suivantes :

[179] Dans la quatrième édition de Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty discutent du rôle de l’arbitre de grief lorsqu’il est appelé à évaluer le caractère équitable d’une sanction particulière :

[Traduction]

[…]

L’objet de leur examen est de confirmer personnellement qu’une sanction est juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances – à savoir que la sanction est à la mesure de la faute […] (page 7-129)

[…]

Il est désormais reconnu que l’évaluation du caractère raisonnable d’une sanction disciplinaire passe par un examen étendu de nombreuses circonstances concernant l’employé, l’employeur et l’incident même. (page 7-144)

[…]

Sont invariablement pris en compte la nature de l’inconduite, les circonstances personnelles de l’employé, la façon dont l’employeur a géré la situation, ou un ensemble des trois. De plus, le contexte de l’emploi et la situation professionnelle de l’employé sont souvent des facteurs d’importance.

Pour qu’employeurs et employés comprennent mieux leur cadre analytique, les arbitres leur ont fourni des aide-mémoire qui énumèrent les facteurs les plus importants qui déterminent le plus souvent la structure de leurs délibérations. Dans une ancienne décision fréquemment citée, un arbitre a résumé comme il suit les facteurs susceptibles de compenser la gravité de l’inconduite, toutes choses étant égales par ailleurs :

D’aucuns ont soutenu, toutefois, que, là où un conseil d’arbitrage est habilité à atténuer la sanction imposée au fonctionnaire s’estimant lésé, il doit prendre en considération les facteurs suivants pour rendre une décision :

1. le dossier du fonctionnaire s’estimant lésé;

2. les longs états de service du fonctionnaire s’estimant lésé;

3. la question de savoir si l’infraction était un cas isolé dans les antécédents de travail du fonctionnaire s’estimant lésé;

4. la provocation;

5. la question de savoir si l’infraction a été commise spontanément et représente un écart de conduite ponctuelle, si elle est due à de fortes impulsions émotives ou si elle était préméditée;

6. la possibilité que la sanction ait causé des difficultés financières particulières au fonctionnaire s’estimant lésé, compte tenu de ses circonstances;

7. des indices qui montrent que les règles de l’organisation n’ont pas été appliquées uniformément, ce qui constitue une forme de discrimination;

8. des circonstances montrant que le fonctionnaire n’avait pas d’intention coupable, par exemple la probabilité qu’il a mal compris la nature ou l’intention d’une directive, ce qui l’a porté à l’enfreindre;

9. la gravité de l’infraction en regard de la politique de l’entreprise et de ses obligations;

10. toutes autres circonstances que le conseil devrait prendre en considération (page 7-153).

[…]

[180] Brown et Beatty traitent comme suit du potentiel de réadaptation et de la méthode corrective :

[Traduction]

La question capitale que doivent se poser les arbitres qui recourent à une approche corrective est celle de la capacité du fonctionnaire s’estimant lésé de se conformer à des normes de comportement acceptables à l’avenir. Pour pouvoir répondre à la question, il faut évaluer la capacité et la volonté du fonctionnaire s’estimant lésé de s’amender et de se réadapter pour qu’il soit possible de rétablir une relation d’emploi satisfaisante. En un mot, il incombe à l’arbitre de décider si la personne est « récupérable ». À ce propos, comme l’a signalé un arbitre, l’aide-mémoire des facteurs atténuants « ne représente que les circonstances générales de considérations également générales qui déterminent le potentiel qu’a l’employé d’avoir un comportement acceptable à l’avenir », ce qui est le fond même de l’ensemble de l’approche corrective de la discipline.

Lorsqu’ils évaluent la possibilité qu’une relation d’emploi durable soit rétablie, les arbitres accordent énormément de poids aux excuses sincères que l’employé aurait offertes ou à l’authentique remords qu’il aurait exprimé. Il est supposé que les employés dont c’est le cas ont reconnu le caractère inacceptable de leur comportement et seront vraisemblablement capables de répondre aux attentes légitimes de l’employeur.

 

[178] La preuve montre qu’avant cet incident, la fonctionnaire comptait neuf ans de service et n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire. Je n’ai vu aucune évaluation du rendement, mais je ne suis saisi d’aucun élément de preuve qui laisserait entendre que, abstraction faite de cet incident, son rendement en tant qu’IPL n’était pas satisfaisant.

[179] En ce qui concerne la consignation des activités de la détenue A dans le formulaire 1006, rien n’indique qu’il y ait eu une quelconque provocation ou que ses actions ont été causées par de fortes impulsions émotives. Rien n’indique non plus que la fonctionnaire a mal compris les obligations ou les responsabilités qui lui incombaient ou encore les exigences de la patrouille. La fonctionnaire semblait certainement savoir et comprendre ce qu’on attendait d’elle, car la preuve montre clairement qu’elle avait déjà à de nombreuses occasions été chargée de SARS et qu’elle était donc bien consciente des responsabilités qui lui incombaient à cet égard.

[180] Les établissements, qu’ils soient pour hommes ou pour femmes, sont des lieux très réglementés, notamment par l’application d’un horaire strict. L’allumage et l’extinction des lumières, les repas, la formation, le travail, les loisirs, les déplacements et les patrouilles de sécurité sont des activités contrôlées et surviennent à des heures précises. Dans cet environnement réglementé, les documents écrits, qu’ils soient en format papier ou électronique, servent à consigner une grande partie de ce qui se passe dans tous les secteurs de l’établissement à tout moment de la journée. La fonctionnaire, qui comptait neuf ans d’expérience et avait de son propre aveu assuré une centaine de SARS, aurait été bien consciente qu’il était probablement nécessaire qu’elle ait une montre pendant qu’elle était de service. L’erreur est humaine, mais sachant qu’elle n’avait pas de montre et qu’elle allait effectuer une SARS, la fonctionnaire aurait dû penser à s’en procurer une. De plus, le fait que la fonctionnaire se trouvait juste à l’extérieur du PCUI, qui aurait été doté d’une horloge et aurait été occupé par un autre IPL, aurait pu lui permettre d’obtenir l’heure de façon plus précise. Par exemple, elle aurait pu demander à l’IPL du PCUI de donner un petit coup sur la vitre toutes les 15 minutes.

[181] En ce qui concerne la SARS de la détenue A, encore une fois, compte tenu de l’ensemble de la preuve, rien n’indique qu’il y a eu provocation, que les actions de la fonctionnaire ont été causées par de fortes impulsions émotives ou qu’elle ne comprenait pas la nature de ses obligations et de ses responsabilités.

[182] La fonctionnaire semblait certainement savoir et comprendre ce qu’on attendait d’elle, comme je l’ai déjà mentionné. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle avait déjà assuré des SARS, peut-être une centaine de fois.

[183] La preuve n’établit pas que l’inconduite a été commise spontanément ou qu’elle représente un écart de conduite ponctuel causé par de fortes impulsions émotives. Je ne dirais pas non plus que l’inconduite était préméditée ou qu’il y a eu provocation. Très franchement, l’inconduite semble avoir été causée par la complaisance de la fonctionnaire, comme elle l’a elle-même reconnu. Elle a été paresseuse dans sa façon de faire son travail. La preuve montre clairement qu’elle a adopté un comportement laxiste et nonchalant dans une situation et à l’égard d’un travail très sérieux. Rien ne montre que la fonctionnaire a mal compris la nature ou l’intention d’une directive qui lui a été donnée, ce qui l’aurait porté à l’enfreindre.

[184] La plupart des témoignages que j’ai entendus portaient sur la manière dont la fonctionnaire a assuré la SARS alors qu’elle était assise contre le mur. Certains des témoignages que j’ai entendus de la fonctionnaire et des témoins appelés par son représentant portaient sur le caractère approprié de cette façon de faire la SARS et sur l’inconfort du tabouret.

[185] Certains des témoins appelés par la fonctionnaire ont aussi déclaré qu’ils pouvaient voir un détenu dans une cellule à une certaine distance de la porte de la cellule. De plus, bien que les politiques et les documents de formation déposés en preuve ne précisent pas que la SARS doit être effectuée en étant debout ou assis directement devant la porte de la cellule où se trouve le détenu, la preuve présentée par la direction et par une GC de l’EGV, Mme Henry, qui était responsable de la formation en cours d’emploi de la fonctionnaire, indique que dans cet établissement l’IPL chargé de la SARS doit être debout ou assis juste devant la porte de la cellule et regarder la détenue directement.

[186] L’inconduite pour laquelle j’ai reconnu la fonctionnaire coupable concerne la manière dont elle a effectué la SARS non pas lorsqu’elle était assise sur le matelas, mais plutôt lorsqu’elle n’était pas assise sur le matelas, alors qu’elle était davantage concentrée sur son propre confort, installant le matelas et la couverture, les déplaçant, rangeant et rassemblant son uniforme et ses affaires. Ces gestes n’auraient pas dû être posés pendant qu’elle était censée assurer une SARS.

[187] Même si, pendant la majeure partie du temps où elle était tenue d’assurer la SARS de la détenue A, c’est ce que la fonctionnaire a fait ou l’employeur n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elle ne l’avait pas fait, il y a tout de même eu de longues périodes pendant lesquelles la fonctionnaire a clairement choisi de ne pas accomplir les tâches qu’elle était censée accomplir. Je les ai déjà exposées et je ne les répéterai pas ici.

[188] L’un des critères énoncés dans Brazeau, qui cite un ouvrage de Brown et Beatty, est « la gravité de l’infraction en regard de la politique de l’entreprise et de ses obligations ». Dans le présent cas, il s’agit du critère le plus important.

[189] La preuve établit clairement que le principal devoir des IPL dans les établissements pour femmes et des CX dans les établissements pour hommes est d’assurer la sécurité des personnes, qu’il s’agisse du personnel, des visiteurs, du public ou des détenus. C’est mentionné dans les [traduction] « Résultats axés sur le service à la clientèle » et les [traduction] « Activités principales » dans la description de travail d’un IPL. En fait, c’est la première chose qui y est mentionnée. Cette obligation est portée à un niveau supérieur lorsque l’IPL est chargé de l’observation constante et directe d’un détenu faisant l’objet d’une SARS. Il s’agit de la tâche la plus importante d’un IPL, hormis sauver la vie de quelqu’un dans le cadre de son travail. La personne qui fait l’objet d’une SARS est une des plus vulnérables. Les personnes chargées de leur sécurité doivent être les plus vigilantes possible. Il n’est pas nécessaire d’être très instruit ou d’avoir suivi une formation spéciale dans le domaine correctionnel ou en tant que CX ou IPL pour le savoir. Ça relève du bon sens. La manière cavalière dont la fonctionnaire a négligé la surveillance de la détenue A, qui était vulnérable et à haut risque, constitue à mon avis un type d’inconduite très grave, voire le plus grave, qui puisse survenir dans le cadre d’un emploi au SCC.

[190] Bien que le fait que la fonctionnaire n’a pas rempli correctement le formulaire 1006 de la détenue A, en se contentant d’estimer le temps, ne soit pas aussi grave que le fait qu’elle n’a pas effectué la SARS en assurant une observation constante et directe de la détenue A, il s’agit d’une obligation extrêmement importante et une exigence du SCC qui concerne directement la santé et la sécurité des personnes. La manière dont la fonctionnaire a effectué cette tâche pendant la SARS de la détenue A témoigne de son mépris à l’égard de l’exécution des tâches liées à la SARS de la détenue A.

[191] Mme Bouchard a déclaré que la fonctionnaire avait indiqué qu’elle agirait de la même façon, malgré l’enquête et ses conclusions. Cette position ne ressort pas de l’enregistrement de l’audience disciplinaire ou des notes y afférant. Mme Bouchard a déclaré dans son témoignage devant moi qu’elle voulait que la fonctionnaire [traduction] « accepte la responsabilité de ses actes » et qu’elle n’était pas convaincue que la fonctionnaire l’avait fait. Elle a déclaré que la fonctionnaire [traduction] « ne reconnai[ssait] pas la gravité de la situation » et qu’elle était [traduction] « agressive et sur la défensive ». Elle a également déclaré que la fonctionnaire continuait à justifier son geste et qu’elle ne comprenait pas que ce qu’elle avait fait était mal. Elle a déclaré que si la fonctionnaire avait accepté la responsabilité de ses actes, elle en aurait tenu compte, mais que le défaut de la fonctionnaire à cet égard avait motivé sa décision de la licencier. J’en comprends que si la fonctionnaire avait accepté la responsabilité de ses actes, Mme Bouchard ne l’aurait pas licenciée.

[192] J’ai eu l’occasion d’entendre l’enregistrement de l’audience disciplinaire et de voir les notes dactylographiées de l’ART, qui ont été admis en preuve. Bien que les notes ne soient pas une transcription exacte de l’enregistrement, il y a peu de différences. J’ai examiné les notes et écouté l’enregistrement, et selon moi le témoignage de Mme Bouchard sur cette question ne peut être accepté. Les notes de l’ART citent les propos de la fonctionnaire à cet égard :

1) En réponse à une question portant sur le fait qu’elle aurait négligé ses fonctions, elle a dit :

 

[Traduction]

[…] Je prends la surveillance accrue très au sérieux. Pour ce qui est de la falsification de documents, cela n’a jamais été mon intention. Je n’avais pas d’horloge – et j’ai fait du mieux que j’ai pu. Donc, vous savez quoi? Vous avez raison. Je me suis peut-être trompée de quelques minutes quand j’ai consigné l’information. Je suis plutôt bonne à estimer le temps, grâce à mon expérience, mais je n’avais pas d’horloge… aucune horloge n’a été fournie… J’ai fait du mieux que j’ai pu dans les circonstances…

2) En réponse à l’allégation selon laquelle elle n’a pas assuré une observation constante et directe, elle a dit :

[Traduction]

[…] Vous savez quoi? Honnêtement, je n’y ai pas pensé sur le coup, mais le comité d’enquête a raison. Pendant une brève période, j’aurais été dos à la détenue. Après presque dix ans à assurer la surveillance accrue, je suis devenue complaisante. Et je suis désolée. Ce n’était pas intentionnel ni délibéré, je ne voulais faire de mal à personne. Je suis devenue complaisante et dépendante […] Mais vous avez raison; j’ai totalement tourné le dos pendant une brève période, et j’ai donc perdu le contact visuel et je n’ai pas assuré une surveillance constante […]

3) En réponse à Mme Jara, qui lui a demandé de confirmer qu’elle comprenait bien maintenant, la fonctionnaire a dit :

[Traduction]

[…] Je continue de penser que l’affaire aurait pu être réglée, mais je comprends pourquoi la direction a choisi la voie qu’elle a choisie, et la gravité de la situation. Je m’excuse si vous avez pensé que je ne prenais pas la situation au sérieux. Il doit y avoir eu un malentendu, et mes efforts [sic]. Il semble que plus j’essayais de faire comprendre à quel point je prenais la situation au sérieux, plus j’avais l’air d’adopter une attitude presque de défi. Ce n’était pas mon intention, au contraire. Je suis consciente de l’importance de notre travail; je suis consciente de ce qui peut arriver si nous ne faisons pas notre travail, surtout lorsqu’une détenue est sous surveillance accrue; je suis consciente de la responsabilité de chacun, personnelle et professionnelle, car cela a des répercussions sur les gens. C’est ce que j’essayais de communiquer et je pense que ça a été perçu comme une attitude de défi. Plus j’essayais de m’expliquer, plus j’avais l’air provocatrice. Ce que j’essayais de faire, c’était de dire écoutez, je comprends; j’essaie de comprendre, et je comprends parce que j’ai vécu ce genre de choses; je sais les répercussions que ça entraîne pour tout le monde. Je l’ai vu, je prends la situation au sérieux.

 

[193] Il est clair pour moi que la fonctionnaire a reconnu ses erreurs et qu’elle s’est excusée. Je ne crois pas qu’elle ait été malhonnête lorsqu’elle a fait ces déclarations. Je mentionne également qu’à certains moments de l’audience disciplinaire, la fonctionnaire était clairement en désaccord avec l’employeur, notamment en ce qui concerne l’allégation selon laquelle elle avait dormi lorsqu’elle était de service et l’allégation selon laquelle elle n’avait pas une vue directe et constante de la détenue A lorsqu’elle était assise sur le matelas appuyé contre le mur du fond.

[194] On ne peut pas reprocher à la fonctionnaire d’avoir été agressive et sur la défensive à l’égard de ces deux allégations, car l’employeur n’a pas établi l’existence d’une inconduite à cet égard. Je n’attends rien de moins, de la part d’une personne innocente, qu’elle nie catégoriquement les accusations qui sont portées contre elle et qu’elle se défende. La fonctionnaire n’a pas accepté que sa conduite était la preuve qu’elle avait dormi lorsqu’elle était de service. Elle n’a pas non plus accepté qu’elle n’avait pas une vue directe et constante de la détenue A. Le refus de la fonctionnaire d’accepter les conclusions de l’enquête à ces deux égards ne valide pas le témoignage de Mme Bouchard sur le fait que la fonctionnaire n’a pas accepté la responsabilité de ses actes.

[195] Le dernier facteur énoncé dans l’ouvrage de Brown et Beatty et repris dans Brazeau est toute autre circonstance que la Commission devrait prendre en considération.

[196] La décision relative au grief de Mme Desjarlais sera rendue en même temps que la présente décision. Mme Desjarlais a également fait l’objet de mesures disciplinaires pour inconduite en raison de son comportement le matin du 23 janvier 2017, plus précisément pour avoir omis d’effectuer correctement les rondes dans l’unité d’isolement et, comme la fonctionnaire, pour avoir omis d’assurer une observation directe et constante de la détenue A, qui faisait l’objet d’une SARS. Contrairement à la fonctionnaire, Mme Desjarlais n’a pas été licenciée; elle a reçu une suspension disciplinaire de trois semaines.

[197] La preuve dans cette affaire, comme en l’espèce, portait en grande partie sur la manière dont Mme Desjarlais avait assuré la SARS de la détenue A. Une partie de la preuve a été exposée dans la présente décision, étant donné qu’à certains moments ses responsabilités dans le cadre de la SARS et celles de la fonctionnaire se chevauchaient. Par conséquent, je suis confronté à deux cas d’inconduite, de nature très semblable, qui découlent de faits presque identiques, survenus dans le même établissement, au cours du même quart de travail, dans la même unité, lors de la même SARS de la même détenue. Dans un cas, la fonctionnaire a été licenciée, et dans l’autre, Mme Desjarlais a reçu une suspension de trois semaines. Il y a une certaine incohérence à ce que la fonctionnaire ait perdu son emploi alors que Mme Desjarlais a reçu une suspension de trois semaines. Bien qu’il y ait certaines différences entre les deux cas, celles-ci ne sont pas suffisamment importantes pour justifier une sanction aussi sévère pour l’une et une sanction beaucoup moins sévère pour l’autre. Je comprends que les mesures disciplinaires ont été imposées par deux gestionnaires différents dans deux régions différentes du SCC, mais au moment des faits la fonctionnaire et Mme Desjarlais étaient toutes deux des IPL au même établissement et ont commis, essentiellement, la même inconduite au même moment. Elles étaient également toutes deux employées par le même employeur, le CT. Cela est préoccupant.

[198] En n’assurant pas une observation directe et constante de la détenue A, la fonctionnaire a commis un manquement très grave à ses obligations. Toutefois, compte tenu de l’ensemble des circonstances que j’ai déjà exposées, je suis convaincu que la sanction imposée est excessive. Le licenciement doit donc être annulé. Je remplace cette sanction par une suspension.

[199] Comme l’employeur a jugé que la conduite de Mme Desjarlais justifiait une suspension disciplinaire de trois semaines, il m’est difficile d’imposer à la fonctionnaire une suspension plus longue, compte tenu de l’évaluation faite par l’employeur à l’égard de Mme Desjarlais.

[200] Le licenciement est donc annulé et sera remplacé par une suspension disciplinaire de trois semaines, et la fonctionnaire sera réintégrée dans son poste d’IPL au SCC.

[201] Je prends note du fait que la preuve montre que la fonctionnaire a occupé plusieurs emplois depuis son licenciement et qu’elle a déménagé plusieurs fois. À la date de l’audience, la fonctionnaire était sans emploi, avait un jeune enfant et vivait en Saskatchewan. Ce sont tous des facteurs qui touchent directement à la question des dommages et du retour au travail. Comme je ne peux pas réintégrer la fonctionnaire dans un autre poste que celui qu’elle occupait, c’est ce que j’ordonne.

[202] Je vais réserver ma décision sur la question des dommages liés aux coûts du déménagement de la fonctionnaire à Edmonton de façon à permettre aux parties de discuter de la question de savoir si la fonctionnaire retournera à l’EEF ou s’il existe un poste pour elle dans la province où elle réside actuellement.

[203] La fonctionnaire recevra la différence entre ce qu’aurait été son salaire si elle n’avait pas été licencié et le revenu qu’elle a gagné entre la date du licenciement et la présente décision.

[204] La fonctionnaire a eu un enfant depuis son licenciement. En temps normal, la fonctionnaire aurait été en congé de maternité pendant un certain temps et, conformément à la politique du SCC concernant les CX, dès l’annonce de sa grossesse, elle aurait été réaffectée à des tâches sans contact avec les détenues. Cela aurait probablement eu une incidence sur le nombre d’heures supplémentaires que la fonctionnaire aurait pu effectuer. Par conséquent, j’ordonne que la fonctionnaire soit également remboursée pour les occasions manquées d’effectuer des heures supplémentaires entre son licenciement et la date à laquelle elle a appris qu’elle était enceinte. Étant donné que la fonctionnaire était nouvelle à l’EEF au moment de son licenciement et que les heures supplémentaires qu’elle avait effectuées à l’EGV et les heures supplémentaires en général à l’EEF n’étaient pas nécessairement les mêmes, les heures supplémentaires perdues seront calculées sur la base du montant le moins élevé entre le nombre moyen d’heures supplémentaires par IPL à l’EEF au cours de l’exercice 2016-2017 et le nombre d’heures supplémentaires que la fonctionnaire a effectuées au cours de son dernier exercice complet à l’EGV (exercice 2015-2016).

[205] Je refuse d’accorder à la fonctionnaire une indemnité pour les occasions manquées d’effectuer des heures supplémentaires pour la période qui a suivi la naissance de son enfant, étant donné l’absence de renseignements sur la situation familiale de la fonctionnaire et sur la question de savoir si, compte tenu de sa situation familiale, la fonctionnaire aurait été prête, apte et disposée à faire des heures supplémentaires.

[206] La banque de congés de maladie de la fonctionnaire sera rajustée. La fonctionnaire recevra les crédits de congés de maladie qu’elle aurait accumulés si elle n’avait pas été licenciée, moins les crédits qu’elle n’aurait pas accumulés pendant son congé de maternité et son congé parental, selon le libellé de la convention collective.

[207] La banque de congés annuels de la fonctionnaire sera également rajustée. La fonctionnaire recevra les crédits de congés annuels qu’elle aurait accumulés si elle n’avait pas été licenciée, moins les crédits qu’elle n’aurait pas accumulés pendant son congé de maternité et son congé parental, selon le libellé de la convention collective.

[208] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[209] Les griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-14326, 14468 et 14469 sont rejetés.

[210] Le grief dans le dossier de la Commission 566-02-14525 est accueilli, et le licenciement est annulé et remplacé par une suspension disciplinaire de 15 jours. Par souci de clarté, la suspension disciplinaire de 15 jours sera calculée sur la base d’une journée comprenant un quart de travail de 12 heures, car c’est le quart de travail auquel la fonctionnaire était affectée au moment de l’inconduite.

[211] La fonctionnaire doit être réintégrée dans son poste d’IPL au SCC à l’EEF à Edmonton, en Alberta, à compter de la date de la présente décision.

[212] Le salaire de la fonctionnaire lors de sa réintégration sera celui qu’elle toucherait à cette date si elle n’avait pas été licenciée.

[213] La fonctionnaire recevra une indemnité égale au salaire brut de CX-2 qu’elle aurait gagné pendant la période commençant 15 jours après son licenciement (calculés sur la base d’un quart de travail de 12 heures), pour tenir compte de la suspension disciplinaire de trois semaines, et se terminant à la date de la présente décision, moins les montants bruts qu’elle a reçus au titre d’un revenu d’emploi ou de prestations d’assurance-emploi ou d’aide sociale, le cas échéant. Le calcul de ce montant doit également tenir compte des prestations de maternité ou parentales auxquelles elle aurait eu droit en vertu de la convention collective en vigueur entre le CT et son syndicat, ainsi que de toute augmentation annuelle de salaire dont elle aurait bénéficié.

[214] La fonctionnaire recevra une indemnité pour les occasions manquées d’effectuer des heures supplémentaires sur la base que j’ai exposée ci-dessus.

[215] La fonctionnaire recevra des intérêts sur tous les montants aux taux d’intérêt avant et après jugement prévus par la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F-7).

[216] Dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, la fonctionnaire et l’employeur discuteront de sa réintégration dans le milieu de travail à Edmonton, en Alberta, ou dans tout autre établissement du SCC dont les parties conviendront. Si, dans les 30 jours, les parties ne parviennent pas à un accord, elles doivent en informer immédiatement le greffe de la Commission, et je trancherai la question.

[217] Les coûts pour retourner la fonctionnaire à Edmonton, en Alberta, ou dans toute autre collectivité où les parties auront convenu que la fonctionnaire travaillera à partir de l’endroit où elle réside actuellement, seront régis par la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte comme si le déménagement avait été demandé par l’employeur.

[218] À partir de la date de la présente décision, la fonctionnaire recevra le salaire d’un CX-2 ou d’un IPL à temps plein, travaillant par quarts réguliers de 12 heures, sans heures supplémentaires, pendant une période de soixante (60) jours pour permettre aux parties de mettre en œuvre les conditions de sa réintégration et de son déménagement, le cas échéant, ou pendant toute autre période convenue par les parties. Si, à l’expiration du délai de 60 jours, la mise en œuvre de la présente décision n’est pas terminée, les parties pourront me demander une nouvelle ordonnance sur cette question, et je la trancherai. Pendant cette période, tous les montants bruts que la fonctionnaire pourrait recevoir à titre de revenu d’emploi et de prestations d’assurance-emploi ou d’aide sociale seront déduits des montants autrement payables.

[219] J’ordonne la mise sous scellés de la pièce E-1, onglet 45 (schéma de l’unité d’isolement), et des pièces E-2 et E-4.

[220] Les parties doivent revoir les documents contenus dans leurs recueils de documents qui ont été soumis à la Commission, et fournir à la Commission, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, des recueils de documents corrigés et caviardés, en remplacement de ceux qui ont été soumis pour l’audience de la présente affaire.

[221] Je demeure saisi de la présente affaire pendant une période de 120 jours pour régler toute question liée à la mise en œuvre de la présente décision.

Le 22 décembre 2022.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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