Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant avait présenté une plainte de pratique déloyale de travail alléguant que son agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable – les parties ont convenu d’un règlement de la plainte – le plaignant a souhaité retirer son consentement de l’entente de règlement et a demandé que la Commission entende la plainte sur le fond – la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas démontré qu’il avait conclu l’entente de règlement sous la contrainte – la Commission a conclu que l’entente de règlement était valide, définitive et exécutoire – la Commission a également conclu que c’était le plaignant, et non son agent négociateur, qui avait violé l’entente de règlement – la Commission a ordonné la fermeture du dossier de plainte.

Directives données.

Contenu de la décision

Date: 20230105

Dossier: 561-34-43069

 

Référence: 2023 CRTESPF 2

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

CHRISTOPHER PRIEST

 

plaignant

 

et

 

institut professionnel de la fonction publique du cAnada

 

défendeur

Répertorié

Priest c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour le défendeur : Simon Ferrand, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 5 juillet et les 5 et 17 août 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Affaire devant la Commission

[1] Dans la présente affaire, je dois déterminer si une entente conclue entre les parties pour régler cette plainte (l’« entente de règlement ») était valide, définitive et exécutoire. Deuxièmement, si l’entente de règlement était valide, définitive et exécutoire, la question est de savoir si une ou plusieurs de ses dispositions ont été violées et ce qui devrait être accordé en tant que redressement.

[2] Le 1er juin 2021, Christopher Priest (le « plaignant »), un employé de l’Agence du revenu du Canada (l’« Agence »), a déposé une plainte devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Il a allégué que son agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « défendeur » ou l’« Institut ») avait violé son devoir de représentation équitable tel qu’il est énoncé à l’article 187 de la Loi.

[3] Le plaignant a allégué que l’Institut avait violé son devoir de représentation équitable dans le traitement des griefs qu’il avait déposés auprès de l’Agence, alléguant que certaines des actions de dotation de l’Agence constituaient une discrimination fondée sur l’âge. La plainte indique que l’Institut a retiré sa représentation sur ces griefs lorsqu’il a déterminé qu’il s’agissait de questions liées à la dotation. Le plaignant a poursuivi les griefs par lui-même, mais l’Agence les a rejetés. En février 2021, le plaignant a déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale en ce qui concerne le rejet de ses griefs par l’Agence.

[4] Le plaignant a allégué que l’Institut avait violé son devoir de représentation équitable lorsqu’il avait décidé de ne pas le représenter dans le processus de règlement des griefs. Il a également allégué que la décision du défendeur de ne pas le représenter devant la Cour fédérale constituait une violation de ce devoir.

[5] Le défendeur a soulevé deux objections préliminaires au sujet de la plainte. Premièrement, il a soutenu que la plainte était hors délai, car elle n’avait pas été faite dans le délai obligatoire de 90 jours pour l’élaboration de telles plaintes prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Deuxièmement, il a soutenu que même si toutes les allégations avancées par M. Priest étaient acceptées comme vraies, il n’existait aucune cause défendable selon laquelle le défendeur avait violé l’article 187 de la Loi en fournissant une représentation qui était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[6] La Commission a invité les parties à déposer des arguments écrits sur les deux objections préliminaires et a indiqué qu’elle s’attendait à pouvoir se prononcer sur celles-ci sur la base de ces arguments.

[7] Pendant que ces arguments étaient déposés, les parties ont également convenu d’utiliser les Services de médiation et de règlement des différends du Secrétariat de la Commission pour tenter de régler la plainte. La médiation a eu lieu les 20 et 21 décembre 2021. À la suite de la médiation, le personnel des services de médiation a confirmé qu’un règlement avait été conclu et qu’il incombait au plaignant d’informer la Commission du moment où les modalités de l’entente de règlement avaient été mises en œuvre.

[8] Les 3 et 11 janvier 2022, le plaignant a écrit à la Commission et a déclaré qu’il [traduction] « annulait » son acceptation de l’entente de règlement et qu’il souhaitait aller de l’avant avec sa plainte. Les 4 et 12 janvier 2022, le défendeur a écrit à la Commission et a déclaré que les parties avaient conclu un règlement final et exécutoire de la plainte, que le défendeur demeurait disponible pour s’acquitter de ses obligations conformément à l’entente, et que le plaignant n’avait pas respecté sa partie de l’entente (le retrait de la plainte).

[9] La Commission a tenu une conférence de gestion des cas avec les parties le 31 mai 2022. À cette occasion, le plaignant et le défendeur ont confirmé qu’ils avaient tous deux signé une entente de règlement à l’égard de la plainte le 21 décembre 2021.

[10] D’après les décisions Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, Fillet c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 43, et Tench c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) et ministère de la Défense nationale, 2013 CRTFP 124, au par. 4, lorsqu’un règlement a été conclu sur un grief ou une plainte dont la Commission est saisie, sa compétence se limite aux trois questions suivantes :

1) Une entente valide, définitive et exécutoire a-t-elle été conclue?

2) Une partie a-t-elle omis de respecter les conditions de l’entente de règlement?

3) Si c’est le cas, quelle est la mesure de redressement appropriée?

 

[11] Après la conférence de gestion des cas, la Commission a invité les parties à fournir des arguments écrits sur ces trois questions et a établi un calendrier à cet effet.

[12] Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’une entente valide, définitive et exécutoire a été conclue entre les parties à cette plainte le 21 décembre 2021. Je conclus également que le défendeur n’a pas enfreint les conditions de l’entente de règlement. Je conclus en outre que le plaignant n’a pas rempli ses obligations prévues dans l’entente et, par conséquent, il l’a violée. Je conclus que la mesure de redressement appropriée est la fermeture de ce dossier.

II. Chronologie des événements pertinents à l’affaire dont la Commission est saisie

[13] La chronologie suivante des événements pertinents à la présente affaire est tirée des arguments des parties et du dossier.

[14] En juillet 2021, les deux parties ont accepté de participer à la médiation de cette plainte. En août 2021, pendant qu’elles attendaient qu’une date soit fixée pour la médiation, elles ont néanmoins terminé le processus de présentation d’arguments écrits sur les objections du défendeur sur le non-respect des délais prescrits de la plainte et sur l’absence de cause défendable. La Commission n’a pas rendu de décision sur ces arguments écrits.

[15] En septembre 2021, un médiateur du personnel des Services de médiation et de règlement des différends du Secrétariat du Conseil a été nommé (le « médiateur »). Le 14 octobre 2021, les parties ont été informées que la médiation aurait lieu les 20 et 21 décembre 2021. Selon le plaignant, le 16 décembre 2021, il a eu un appel téléphonique préliminaire d’une heure avec le médiateur.

[16] Le 20 décembre 2021, le médiateur a tenu des séances préalables à la médiation avec chaque partie. Le plaignant se représentait lui-même. Simon Ferrand représentait l’Institut. Le 21 décembre 2021, les parties ont signé une entente de médiation et ont ensuite participé à la médiation.

[17] À la suite des discussions de médiation, dans l’après-midi du 21 décembre, M. Ferrand a préparé une ébauche d’entente de règlement qui a été remise à M. Priest. M. Priest a proposé certaines modifications. Vers 15 h 45, les deux parties avaient signé l’entente de règlement.

[18] Le 23 décembre 2021, la Cour fédérale a fixé au 25 janvier 2022 la date de l’audience pour la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Priest concernant les décisions de l’Agence relatives à ses griefs.

[19] Le 28 décembre 2021, M. Priest a envoyé à M. Ferrand un courriel, qui se lisait comme suit : [traduction] « Simon, quand pouvons-nous parler? » Une réponse d’absence du bureau a été générée à partir du compte de courriel de M. Ferrand, indiquant qu’il serait à l’extérieur du bureau du 24 décembre 2021 au 4 janvier 2022 et qu’il aura un accès limité à ses courriels. L’adresse de courriel de son adjoint était également indiquée.

[20] Le 3 janvier 2022, le plaignant a écrit au médiateur et au personnel des services de médiation pour [traduction] « annuler » son acceptation de l’entente de règlement. Dans son courriel, le plaignant a déclaré qu’au cours de la médiation, il [traduction] « […] négociait un mandat de représentation avec le conseiller juridique de l’Institut » et qu’il avait été mal informé de la disponibilité de cette aide pendant les négociations. Il a déclaré qu’à la fin de la médiation, il avait demandé d’utiliser le mandat de représentation ce jour-là, ce qu’on lui avait refusé. Il a déclaré que lorsqu’il a demandé d’utiliser le mandat de représentation le lendemain (le 22 décembre), on lui a dit que M. Ferrand ne serait pas disponible avant le 10 janvier. Il a déclaré que [traduction] « ce manque de disponibilité enlève toute valeur au mandat de représentation […] » et [traduction] « […] cela aurait dû être communiqué pendant les négociations et les coordonnées de conseillers juridiques remplaçants auraient dû être fournies pour donner de la valeur ». Il a également déclaré ce qui suit : [traduction] « Je me représente moi-même et j’ai été occupé pendant ces vacances à me préparer sans l’aide attendue du mandat de représentation. Il est maintenant trop tard pour l’utiliser. La date du 10 janvier est insignifiante. »

[21] Le 4 janvier 2022, M. Ferrand a écrit un courriel de réponse au plaignant, dont le médiateur a reçu une copie. Il a estimé que les parties avaient conclu une entente valide et exécutoire pendant la médiation. M. Ferrand a insisté sur le fait qu’il avait informé le plaignant [traduction] « dès le début de la médiation » qu’il ne serait pas disponible avant la nouvelle année en raison de son horaire de travail et des vacances qui approchaient. Il a également mentionné que le défendeur n’avait pas enfreint les modalités de l’entente de règlement et qu’il demeurait déterminé à respecter ses obligations aux termes de l’entente, malgré ce qu’indiquait le courriel de M. Priest daté du 3 janvier. M. Ferrand a offert de fournir de l’aide relativement à la demande de contrôle judiciaire de M. Priest, s’il en avait besoin.

[22] Le 11 janvier 2022, le plaignant a écrit à la Commission, insistant sur le fait qu’il avait [traduction] « annulé » l’entente de règlement, affirmant de nouveau que les renseignements avaient été communiqués après la fin de la médiation, ce qui éliminait ainsi tout avantage de l’entente, et demandant à la Commission [traduction] « […] d’aller de l’avant avec cette plainte et de laisser aux parties le soin de discuter de la validité de l’entente ».

[23] Le 12 janvier 2022, le défendeur a écrit à la Commission, prenant encore une fois la position que l’entente de règlement était valide et exécutoire. Il a dit :

[Traduction]

[…]

L’Institut nie catégoriquement les allégations de M. Priest. L’Institut est d’avis que l’Entente de règlement (ER) du 21 décembre 2021, signée par les deux parties, est une entente valide et exécutoire qui constitue un règlement complet et définitif des affaires dans le dossier de la Commission numéro 561-34-43069. En outre, et conformément à l’ER, la plainte dans le dossier de la Commission numéro 561-34-43069 a été retirée.

[…]

 

[24] Comme il a été mentionné, la Commission a convoqué une conférence de gestion des cas le 31 mai 2022. Dans l’invitation à la conférence, on indiquait que la Commission souhaitait entendre les observations des parties sur l’applicabilité des décisions Amos, Fillet et Tench à cette affaire.

[25] Lors de la conférence, les deux parties ont confirmé que l’entente de règlement avait été signée le 21 décembre 2021. Elles ont également confirmé que le plaignant n’avait pas retiré sa plainte.

[26] À la suite de la conférence de gestion des cas, la Commission a écrit aux parties pour leur demander de présenter leurs arguments écrits sur les trois questions suivantes :

1) Une entente valide, définitive et exécutoire a-t-elle été conclue?

2) Dans l’affirmative, une partie a-t-elle manqué au respect des conditions de l’entente de règlement?

3) Si oui, quelle est la mesure de redressement appropriée?

III. L’entente de règlement

[27] Avant d’analyser les positions des parties sur les trois questions ci-dessus, il est important de prendre note de certaines des dispositions de l’entente de règlement. Les parties ont convenu de ne pas divulguer le contenu de l’entente, sauf à des fins administratives ou judiciaires, mais je conclus qu’il est impossible de trancher cette question sans reproduire directement des parties de l’entente.

[28] Le préambule de l’entente se lit comme suit :

[Traduction]

Les parties ont décidé de recourir à la médiation pour régler la plainte présentée par Christopher Priest (dossier de la CRTESPF 561-02-43069). Les parties reconnaissent que tous les aspects de cette affaire ont été réglés à leur satisfaction conformément aux modalités présentées ci-dessous.

 

[29] Dans l’entente de règlement, l’Institut a convenu de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

1. examiner les documents liés à la demande de contrôle judiciaire présentée par le plaignant le 4 février 2021 et faire part de ses commentaires au mieux de sa connaissance;

2. répondre au meilleur de ses connaissances, aux questions procédurales se rapportant aux procédures de la Cour fédérale.

[…]

 

[30] En contrepartie des engagements de l’Institut, M. Priest a convenu dans l’entente de règlement de [traduction] « retirer sa plainte (dossier 561-02-43069) », de ne pas s’attendre à ce que l’Institut lui fournisse des conseils juridiques ou le représente, de libérer l’Institut et ses représentants à tous égards en ce qui concerne les faits qui ont donné lieu à sa plainte, et de ne pas entamer de nouvelles procédures découlant de sa plainte.

[31] L’entente de règlement contient également une clause de confidentialité et précise que l’entente constituait une résolution complète et définitive de la plainte de M. Priest.

IV. Analyse

A. Question 1 : Une entente valide, définitive et exécutoire a-t-elle été conclue?

1. Les arguments du plaignant

[32] Les arguments du plaignant comprennent 20 pages au total, en plus des pièces jointes.

[33] Le plaignant soutient essentiellement que l’Institut a modifié unilatéralement deux clauses liminaires importantes aux termes desquelles l’entente de règlement a été négociée. Premièrement, il a dit qu’avant de signer l’entente, l’Institut ne lui avait pas dit que seul M. Ferrand lui fournirait des conseils. Deuxièmement, il a affirmé que ce n’est qu’après la fin de la médiation que M. Ferrand lui a dit qu’il ne serait pas en mesure de fournir ces conseils pendant plus de deux semaines. Le plaignant a fait valoir qu’il était essentiel de respecter les délais pour sa demande de contrôle judiciaire et que l’Institut aurait dû le savoir et l’inscrire dans l’entente.

[34] Le plaignant a fait valoir que le fait que l’Institut ne l’ait pas informé de ces points rendait l’entente de règlement nulle et non avenue. En imposant de nouvelles conditions après la signature de l’entente de règlement, l’Institut avait répudié l’entente. Il a soutenu qu’en annulant l’entente dans son courriel du 3 janvier 2022, il [traduction] « acceptait leur répudiation ».

[35] Le plaignant a fait valoir qu’il a participé à la médiation afin d’obtenir les deux engagements suivants :

[Traduction]

[…]

2. Je demande que mon syndicat me fournisse des conseils juridiques, mais si ces conseils sont insuffisants ou que je demande plus de profondeur, je serai financé par le syndicat pour obtenir une aide extérieure, selon les besoins.

3. Mon syndicat fournit gratuitement des services de commissaire à l’assermentation.

[…]

 

[36] Le plaignant a fait valoir que le respect des délais pour ses demandes était un facteur fondamental et qu’il recevrait des conseils de quelqu’un de l’Institut en mesure de les fournir. M. Ferrand aurait dû savoir que le respect des délais était essentiel quand il a rédigé l’entente de règlement, et le fait que l’Institut [traduction] « […] n’ait pas inclus une clause de rigueur des délais témoigne de son défaut de consigner les circonstances de façon appropriée ». Il a soutenu que le respect des délais est toujours essentiel dans les affaires de relations de travail ou lorsque l’objet d’un contrat pourrait rapidement perdre de sa valeur dans le temps (voir McDonald v. Service Employees International Union, Local 1, 2021 CanLII 81834 (ON LRB), au par. 17, citant Daley v. Amalgamated Transit Union, Local 1572, [1982] OLRB Rep. March 420, 1982 CanLII 864 (ON LRB), au par. 20, et Sail Labrador Ltd. c. Challenge One (The), [1999] 1 R.C.S. 265, aux paragraphes 54 et 62).

[37] Dans ses arguments, le plaignant a expliqué qu’une demande de dates d’audition avait été déposée devant la Cour fédérale et que M. Ferrand aurait dû savoir que l’audience serait prévue prochainement. Le plaignant a fait valoir qu’en effectuant une recherche dans la base de données en ligne de l’Institut canadien d’information juridique (CanLII), il n’a pas pu trouver de preuve de toute comparution de M. Ferrand devant la Cour fédérale. Le plaignant a également prétendu que M. Ferrand n’avait que présenté des arguments écrits à la Commission et qu’il n’avait pas comparu en personne devant elle. Le plaignant a déclaré qu’il s’attendait à ce que l’Institut trouve une expertise avec la Cour fédérale ou une aide juridique auprès d’autres membres de son organisation.

[38] Le plaignant a également fait valoir que le défendeur n’aurait pas dû rédiger l’entente de règlement, car l’Institut était biaisé. Il a déclaré qu’il avait fait une proposition de mandat de représentation si les conseils de l’Institut étaient insuffisants et que M. Ferrand était d’accord avec elle, mais que cela n’était pas reflété dans l’entente écrite. Le plaignant a fait valoir que c’est le médiateur qui aurait dû rédiger l’entente. Le plaignant a déclaré qu’il était [traduction] « furieux » lorsqu’il a vu l’ébauche d’entente et qu’il avait dû être conduit dans une salle de réunion pour être calmé. Il a fait valoir qu’il n’avait pas le temps d’examiner pleinement l’ébauche d’entente. Il a dit que l’entente comportait deux aspects incendiaires et qu’il avait proposé des modifications à l’ébauche. Une fois ces modifications apportées, il a dit qu’il avait été poussé par le médiateur à signer immédiatement l’entente, ce qu’il a fait.

[39] Le plaignant a fait valoir ce qui suit :

[Traduction]

[…]

On ignore s’il y a eu un véritable accord des volontés. Il existe un désaccord important sur ce qui a été convenu. Plus précisément, il existait un désaccord sur le moment où je devais recevoir les conseils et de qui je devais les recevoir. En outre, sans examen adéquat et après que l’on a refusé de m’accorder du temps pour examiner l’entente, la validité de mon acceptation devrait être mise en doute.

[…]

 

[40] Le plaignant a affirmé que l’Institut avait délibérément tenté de retarder la médiation de la plainte parce que, même si le médiateur avait été nommé le 1er septembre 2021, la médiation n’était prévue que les 20 et 21 décembre 2021, ce qui était attribuable à la disponibilité de l’Institut, selon le plaignant.

[41] Le plaignant a déclaré que les déclarations faites de vive voix pendant la médiation indiquaient que l’Institut ne serait pas disponible entre Noël et le jour de l’An. Il a soutenu que l’Institut a répudié l’entente de règlement quand, après sa signature, il lui a dit qu’il ne pouvait l’aider du 21 décembre 2021 au 10 janvier 2022. Il a déclaré qu’il [traduction] « […] s’attendait à pouvoir fixer un délai à la fin des négociations pour que nous puissions nous engager à mettre en œuvre l’entente », mais que M. Ferrand a refusé de le faire après la signature de l’entente.

[42] En se fondant sur son courriel intitulé [traduction] « quand pouvons-nous parler? » envoyé à M. Ferrand le 28 décembre 2021 et sur la réponse d’absence du bureau qu’il a reçue, le plaignant a conclu que M. Ferrand aurait dû être disponible les 22 et 23 décembre 2021 et après le 4 janvier 2022. Le plaignant a affirmé que M. Ferrand avait fait de fausses déclarations sur sa disponibilité et qu’il n’avait pas fait en sorte qu’il ait la marge de manœuvre nécessaire dans son horaire pour mettre en œuvre la partie de l’entente de règlement qui incombait à l’Institut.

[43] Le plaignant a soutenu qu’en faisant de fausses déclarations sur sa disponibilité et en frustrant l’entente de règlement, l’Institut l’a rendue nulle (voir Deschenes v. Lalonde, 2020 ONCA 304, au par. 30; Kiernicki v. Jaworski, (1956) Man R 37 (CA), 1956 CanLII 676 (CA MB); Iermolaieva v. Mok dba Spectrum Stone, 2021 BCCRT 1228).

[44] Le plaignant a fait valoir que, puisque M. Ferrand a rédigé l’entente de règlement, M. Ferrand devrait être tenu à une norme de transparence plus élevée en ce qui concerne le libellé et les intentions de l’entente, et M. Ferrand aurait dû inscrire une clause de rigueur des délais pour assurer la mutualité.

[45] Le plaignant a fait valoir qu’avant la médiation, les deux parties avaient signé une convention de médiation indiquant qu’elles seraient prêtes et autorisées à participer à la médiation, mais que M. Ferrand n’était pas en mesure d’accepter la proposition du plaignant sur le paiement des honoraires à un commissaire à l’assermentation jusqu’à ce que M. Ferrand parle à la direction de l’Institut. Le plaignant a déclaré que M. Ferrand lui avait dit que l’Institut n’était pas prêt à offrir ces services. Il a affirmé qu’[traduction] « [a]près une analyse ultérieure », M. Ferrand n’avait pas été en mesure de communiquer avec sa direction. Le plaignant a fait valoir qu’il s’agissait d’une négociation de mauvaise foi et que le retrait de l’appui pour ces services était fondé sur de fausses déclarations.

[46] Le plaignant a fait valoir que plusieurs éléments du processus de médiation signifiaient qu’il agissait sous contrainte. Il s’agissait notamment des allégations de fausses déclarations au sujet de la disponibilité de l’Institut déjà mentionnée, du manque de temps pour examiner l’ébauche de l’entente, du manque prétendu de préparation de M. Ferrand pour la médiation, de la pression exercée par le médiateur pour conclure l’entente et de la frustration après la signature de l’entente par l’Institut. Le plaignant a fait valoir que le fait que le défendeur a rédigé l’entente constituait également une forme de contrainte et qu’il s’y était opposé à l’époque. Dans ses arguments écrits, il a cité, à titre d’autorité, les descriptions du processus de médiation des sites Web du gouvernement du Québec et du gouvernement de l’Ontario.

[47] Compte tenu de tous les arguments susmentionnés, le plaignant a soutenu que l’entente de règlement devrait être déclarée nulle et non avenue et que la Commission devrait ordonner que sa plainte relative au devoir de représentation équitable soit entendue sur le fond.

2. Les arguments du défendeur

[48] Le défendeur a dit que pendant la médiation, et avant de signer l’entente de règlement, M. Ferrand avait dit au plaignant qu’il n’était pas disponible jusqu’au 10 janvier 2022, en raison de son horaire, de la fermeture pendant les vacances et de ses vacances personnelles. Il a déclaré que toutes les discussions étaient fondées sur le fait que M. Ferrand était le seul contact de M. Priest. Pendant la médiation, M. Priest n’a pas laissé entendre que le respect des délais était essentiel et il n’y avait aucune raison de croire que c’était le cas. À la date de la médiation, la Cour fédérale n’avait pas encore fixé de date d’audition de la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Priest.

[49] Le défendeur a déclaré qu’au début de l’après-midi, le 21 décembre 2021, les parties étaient parvenues à un accord verbal pour régler la plainte, et M. Ferrand a été chargé de préparer une ébauche d’entente de règlement, qu’il a envoyé au médiateur à 14 h 36. En réponse aux préoccupations soulevées par le plaignant, deux modifications ont été apportées au préambule de l’entente. Le plaignant n’a pas proposé de libellé quant au moment où l’Institut était prêt à lui fournir une assistance. Vers 15 h 30, M. Ferrand a fourni une ébauche de règlement révisée et signée et, vers 15 h 45, il a reçu une copie signée par M. Priest.

[50] L’Institut a fait valoir que l’entente de règlement signée par les parties était valide, définitive et exécutoire et que l’Institut avait respecté ses modalités. L’entente devrait être interprétée en donnant aux mots qui figurent dans l’entente un sens « […] qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat » (voir Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, au par. 47). Le défendeur a soutenu qu’au moment de la signature de l’entente, le plaignant savait que M. Ferrand n’était pas disponible avant le 10 janvier et que la Cour fédérale n’avait pas encore prévu la date de l’audition de la demande de contrôle judiciaire de M. Priest.

[51] Après la médiation, lorsque M. Priest a communiqué avec M. Ferrand par courriel le 28 décembre 2021, il n’a exprimé aucune urgence; il n’a pas non plus informé M. Ferrand que la Cour fédérale avait fixé une date d’audition pour sa demande de contrôle judiciaire. Il a seulement écrit : [traduction] « Quand pouvons-nous parler? »

[52] Le 3 janvier 2022, alors que l’Institut était encore fermé pour la période des fêtes, M. Priest a envoyé son courriel dans lequel il [traduction] « annulait » son acceptation de l’entente de règlement. Ce courriel indiquait également qu’il n’avait plus besoin de l’aide de l’Institut, car il était trop tard. Dans sa réponse du 4 janvier 2022, l’Institut a clairement indiqué que son offre d’aide était toujours valable, conformément à l’entente de règlement. En date du 4 janvier, il restait encore trois semaines avant l’audience de la Cour fédérale prévue pour le 25 janvier. Le défendeur a fait valoir que M. Ferrand avait encore amplement le temps d’aider M. Priest à examiner les documents de la cour ou à répondre à toute question de procédure concernant le processus d’audience.

[53] Le défendeur a soutenu que M. Priest n’aurait pas dû signer l’entente de règlement s’il avait besoin de plus de temps pour l’examiner. Il ne peut pas prétendre que l’entente devrait être interprétée comme s’il avait négocié une disposition de « rigueur des délais ».

[54] L’Institut a soutenu que les intentions des parties au moment de la signature de l’entente de règlement devraient être déterminées en faisant référence aux mots qu’elles ont employés dans la rédaction du document, et non aux intentions subjectives des parties (voir Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] R.C.S. 129, au par. 54). L’entente ne précise pas que le plaignant bénéficierait d’une aide pendant les vacances. M. Priest affirme que l’entente ne repose pas sur un accord des volontés, mais sa signature de l’entente sans preuve réelle de contrainte rend cet argument insoutenable, a fait valoir l’Institut.

3. Motifs

[55] Je reconnais que, dans leurs arguments écrits, les parties ne s’entendent pas sur les renseignements échangés au sujet de la disponibilité de M. Ferrand avant la signature de l’entente de règlement. M. Priest indique dans ses arguments qu’avant la signature, on lui avait dit que M. Ferrand ne serait pas disponible entre [traduction] « Noël et le jour de l’An » et que ce n’est qu’après la signature de l’entente de règlement qu’il a été informé que la période de non-disponibilité se situait entre [traduction] « le 21 décembre et le 10 janvier ». Dans ses arguments, le défendeur affirme que la non-disponibilité de M. Ferrand entre le 21 décembre et le 10 janvier avait été communiquée avant la signature.

[56] Si le cas portait sur cette question, une audience avec des témoignages sous serment aurait pu mener à une conclusion ferme quant à la déclaration qui était vraie. Toutefois, je ne crois pas que la question devant moi se fonde sur une conclusion quant à la version de ces faits qu’il faut croire.

[57] De son propre aveu, le plaignant savait clairement avant de signer l’entente de règlement que M. Ferrand ne serait pas disponible entre Noël et le jour de l’An. Autrement dit, à la date de signature du 21 décembre 2021, le plaignant savait que pendant 11 des 14 jours suivants, il ne serait pas en mesure de joindre M. Ferrand. Si le respect des délais était vraiment essentiel, le plaignant aurait pu exiger d’inclure dans l’entente de règlement des engagements précis en matière de temps. Rien n’indique dans ses arguments ou dans ceux du défendeur qu’il a présenté des demandes pour inclure des délais précis dans l’entente de règlement. Aucun calendrier précis n’est décrit dans l’entente de règlement.

[58] Dans ses arguments au sujet du contexte touchant la médiation, le plaignant a déclaré ce qui suit : [traduction] « Ma date de comparution devant la Cour fédérale était dans un mois, le 2022-01-25. » Cependant, comme nous l’avons déjà indiqué dans cette décision, cela n’est que partiellement exact. À la date de l’entente de règlement, la Cour fédérale n’avait pas encore fixé de date pour l’audition de la demande de contrôle judiciaire du plaignant. La Cour fédérale ne l’a fait que le 23 décembre 2021, soit deux jours après la fin de la médiation et la signature de l’entente de règlement.

[59] Il ne ressortait pas un sentiment d’urgence clair du courriel du plaignant du 28 décembre 2021, dans lequel il demandait à M. Ferrand [traduction] « [q]uand pouvons-nous parler ». Le plaignant n’a pas informé M. Ferrand que la Cour fédérale avait fixé une date pour l’audition de sa demande de contrôle judiciaire ou indiqué toute attente ou tout besoin en ce qui concerne le moment où il voulait que l’Institut lui fournisse son aide. Rien n’indique non plus que le plaignant ait fait un effort pour communiquer avec l’adjoint de M. Ferrand en son absence, comme l’indiquaient les instructions données pour répondre aux affaires urgentes dans la réponse d’absence du bureau générée par le compte de courriel de M. Ferrand.

[60] Même si je concluais que M. Ferrand n’a expliqué qu’après la signature de l’entente de règlement qu’il ne serait pas disponible avant le 10 janvier, il est clair qu’au 28 décembre, sa disponibilité s’était améliorée — sa réponse d’absence du bureau générée par courriel indiquait clairement qu’il serait absent du bureau du 24 décembre 2021 au 4 janvier 2022. Il était bel et bien de retour au travail le 4 janvier 2022, comme en témoigne le courriel qu’il a envoyé au plaignant ce jour-là.

[61] De son propre aveu, M. Priest a dit qu’il avait été informé que M. Ferrand serait absent du bureau entre Noël et le jour de l’An. Pourtant, M. Priest a écrit à M. Ferrand le 28 décembre 2021 et soutient maintenant que M. Ferrand aurait dû répondre à ce courriel en offrant de fixer une rencontre au lieu de simplement fournir une réponse automatisée d’absence du bureau.

[62] Il convient de noter que le 28 décembre 2021 était un mardi. Le 1er janvier tombait un samedi, ce qui signifie que le jour férié fédéral du Nouvel An a été reporté au 3 janvier 2022, et ce jour-là, un jour férié fédéral, M. Priest a cherché à [traduction] « annuler » son consentement à l’entente de règlement en écrivant à la Commission.

[63] Selon mon évaluation, cette séquence d’événements démontre que M. Priest a développé une attente après le règlement selon laquelle il avait droit à l’aide de l’Institut entre le 28 décembre et le 3 janvier. Selon toute vraisemblance, son désir de recevoir de l’aide au cours de cette période est devenu plus urgent lorsque, le 23 décembre 2021, il a appris que la Cour fédérale avait fixé la date d’audition de sa demande de contrôle judiciaire au 25 janvier 2022.

[64] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Eli Lilly & Co., les attentes subjectives d’une partie à une entente ne peuvent pas être utilisées pour supplanter le libellé clair de l’entente signée par les deux parties. Autrement dit, comme la Section de première instance de la Cour fédérale l’a exprimé dans Macdonald c. Canada, [1998] J.C.F. no 1562 (T.D.) (QL), au par. 35 :

[35] En me reportant au critère applicable pour déterminer s’il y a eu arrangement et exécution, je suis convaincu qu’il y a eu un arrangement entre le ministère, l’IPFP et le demandeur, quel qu’ait été son état d’esprit lorsqu’il l’a signé […] L’intention qu’il a exprimée est celle de signer l’entente. C’est ce qui est pertinent. Son intention non exprimée n’est pas pertinente.

 

[65] Je conclus que les allégations de M. Priest selon lesquelles il a signé l’entente de règlement sous la contrainte de l’Institut sont infondées. Il a soutenu que les fausses déclarations constituent une forme de contrainte, mais j’ai déjà conclu que M. Ferrand n’avait pas fait de fausses déclarations au sujet de sa disponibilité. M. Priest a soutenu que la [traduction] « frustration » du contrat est une forme de contrainte. À mon avis, il est plus approprié de statuer sur cet argument en se demandant si le défendeur a violé l’entente.

[66] En ce qui concerne l’allégation du plaignant selon laquelle l’Institut a violé la convention de médiation en ne se préparant pas à la médiation pour répondre à sa demande de financement pour les services d’un commissaire à l’assermentation, il n’appartient pas à la Commission de trancher cette question. La Commission a seulement à trancher la question de savoir si l’entente de règlement était valide, définitive et exécutoire. De même, les allégations du plaignant selon lesquelles M. Ferrand n’était pas qualifié pour lui fournir les conseils qu’il cherchait à obtenir de l’Institut n’ont pas leur place dans les affaires que la Commission doit trancher.

[67] Je me dois toutefois de répondre aux allégations du plaignant selon lesquelles le médiateur ne lui avait pas accordé suffisamment de temps pour bien examiner l’entente de règlement. Je conclus que cette allégation ne concorde pas avec la version même des événements du plaignant. Il a dit qu’il avait reçu une ébauche de l’entente peu avant 15 h le 21 décembre 2021. Il a dit qu’il était furieux quand il a lu l’ébauche et qu’il avait rencontré le médiateur. Par la suite, il a proposé deux modifications à l’entente, qui ont ensuite été remises à l’Institut. Une version révisée de l’entente a été préparée et signée vers 15 h 45. Le plaignant n’a pas seulement eu le temps de lire l’ébauche d’entente de règlement, il l’a clairement fait, et des modifications ont même été apportées avant sa signature. Il convient également de noter que l’entente de règlement ne compte que deux pages complètes et moins de 400 mots.

[68] Quant à l’allégation du plaignant selon laquelle il été soumis à des pressions du médiateur pour signer l’entente, le plaignant n’a fourni aucun détail qui indiquerait qu’il était soumis à une pression indue dans ses observations initiales ou en réponse. Il n’a fourni aucun argument selon lequel il n’avait pas la capacité émotionnelle ou physique pour conclure une entente. M. Priest a lui-même affirmé qu’il avait eu beaucoup de temps pour se préparer à la médiation. Il a été informé des dates de la médiation en octobre 2021, a participé à un appel préliminaire d’une heure avec le médiateur le 16 décembre 2021 et a participé à la séance préalable à la médiation avec le médiateur le 20 décembre. La convention de médiation signée le 21 décembre 2021 indique clairement que le processus de médiation est volontaire et peut être résilié par le médiateur ou les parties à tout moment. Je ne puis conclure, selon la prépondérance des probabilités, que toute pression que le plaignant a sentie quant à la signature de l’entente de règlement était une pression indue.

[69] Dans l’évaluation de la présente affaire, je suis d’abord et avant tout lié par les mots utilisés dans l’entente de règlement signée par le plaignant et l’Institut. Le préambule indiquait clairement que les [traduction] « […] parties reconnaissent que tous les aspects de cette affaire ont été réglés à leur satisfaction conformément aux modalités présentées ci-dessous ». L’entente indiquait clairement qu’elle constituait un règlement complet et définitif des questions découlant de la plainte. Elle contenait également un accord de la part du plaignant de ne pas déposer d’autres plaintes ou de demander d’autres recours découlant de la plainte.

[70] Le plaignant a lui-même avoué avoir attendu après la signature de l’entente de règlement afin de tenter de discuter avec M. Ferrand du moment où ils pourraient se rencontrer pour discuter de sa demande de contrôle judiciaire. Après coup, il a indiqué qu’il avait [traduction] « cherché à utiliser le mandat de représentation cet après-midi‑là ». Toutefois, l’entente qu’il venait de signer ne contenait aucun mandat de représentation. L’entente stipule clairement que l’Institut examinera les documents et fournira des conseils sur les questions d’ordre procédural, au meilleur de ses connaissances. Comme l’a déclaré la Section de première instance de la Cour fédérale dans Macdonald, ce qui est pertinent est « [l]'intention qu’il a exprimée [en] sign[ant] l’entente ». Ce que M. Priest voulait en fait de l’Institut lorsqu’il a participé à la médiation, ou ce qu’il voulait par la suite, n’est donc pas pertinent à ma décision quant à ce que l’entente indique réellement. Il aurait peut-être voulu un mandat de représentation, ou voulu que l’Institut lui fournisse des conseils rémunérés par un conseiller juridique extérieur ou paye un commissaire à l’assermentation, mais aucune de ces attentes n’a été officialisée dans l’entente.

[71] Je n’accorde aucune importance au fait que M. Ferrand était celui qui a rédigé l’entente de règlement. Il se peut que dans d’autres administrations (selon les sites Web des tribunaux de l’Ontario et du Québec cités par le plaignant), un médiateur rédige l’entente. Cela n’en a pas fait le processus attendu dans le présent cas. Au contraire, la pratique de longue date de la Commission, comme celle de ses prédécesseurs, est que les médiateurs du Secrétariat de la Commission ne participent pas à la rédaction des ententes de règlement et qu’ils laissent la rédaction aux parties elles-mêmes. Quoi qu’il en soit, il était loisible à M. Priest de demander des modifications au libellé de l’entente rédigée par M. Ferrand. M. Priest a lui-même avoué l’avoir fait avant de signer l’entente.

[72] Conformément aux décisions Amos, Fillet et Tench, il m’incombe donc de déterminer si les parties avaient conclu une entente valide, définitive et exécutoire. Au vu du dossier dont je suis saisi, je constate qu’elles l’ont fait.

[73] Les allégations de M. Priest semblent être un cas de remords du signataire de l’entente de règlement fondé sur le fait que des attentes se sont développées après la signature de l’entente de règlement. Cela ne peut rendre l’entente invalide ou non exécutoire après coup.

B. Question 2 : Une partie a-t-elle manqué au respect des conditions de l’entente de règlement?

[74] Le plaignant a fait valoir que l’Institut n’a pas respecté les conditions de l’entente de règlement parce que M. Ferrand n’a pas immédiatement convenu, à la fin de la médiation du 21 décembre 2021, d’établir des dates ou de mettre au point un processus d’examen de la demande de contrôle judiciaire du plaignant. En outre, le plaignant croit que l’Institut n’a pas respecté l’entente parce que M. Ferrand aurait dû répondre au courriel de M. Priest [traduction] « [q]uand pouvons-nous parler » en offrant des dates précises.

[75] Ces allégations sont sans fondement. L’entente de règlement ne précisait pas de dates limites aux communications entre les parties. Selon son propre aveu, M. Priest avait été informé que l’Institut ne serait pas disponible entre Noël et le Jour de l’An et qu’il savait donc qu’entre le 21 décembre 2021, date de la signature de l’entente, et le 3 janvier 2022, date à laquelle il a tenté d’annuler son entente, l’Institut était disponible pour trois jours ouvrables seulement.

[76] Étant donné que son courriel [traduction] « [q]uand pouvons-nous parler » a été envoyé le 28 décembre, il était tout à fait irréaliste pour le plaignant de s’attendre à plus qu’une réponse d’absence du bureau ce jour-là. Il savait que l’Institut était fermé pour la période des fêtes. Le courriel dans lequel le plaignant « annule » l’entente a été envoyé le 3 janvier 2022. Comme il a été indiqué, c’était en fait un jour férié. Le premier jour de son retour au travail après la fermeture pour la période des fêtes, le 4 janvier 2022, M. Ferrand a écrit au plaignant et au médiateur et a déclaré que l’Institut était toujours prêt et disponible pour s’acquitter de sa partie de l’entente de règlement. À ce moment-là, la date fixée par la Cour fédérale pour entendre la demande de contrôle judiciaire de M. Priest était encore dans trois semaines. L’Institut disposait encore de suffisamment de temps pour examiner les documents et donner des conseils sur les questions procédurales, au meilleur de ses connaissances. M. Priest a choisi de ne pas exercer son droit garanti par l’entente de demander cette aide.

[77] Bref, je conclus que l’Institut n’a pas violé l’entente de règlement. L’entente contenait deux engagements essentiels de l’Institut : examiner les documents relatifs à la demande de contrôle judiciaire du plaignant et lui faire part de ses commentaires, et répondre à ses questions d’ordre procédural concernant les procédures de la Cour fédérale. Le premier jour ouvrable suivant la réception de la demande d’aide de M. Priest, l’Institut a offert de respecter ces engagements. Toutefois, M. Priest n’a pas donné suite à cette offre. Au lieu de cela, il a tenté de relancer sa plainte.

[78] En fait, je conclus que c’est M. Priest qui a clairement violé l’entente de règlement. En n’acceptant pas l’offre d’aide renouvelée de M. Ferrand du 4 janvier 2021, le plaignant a empêché l’Institut de s’acquitter de ses engagements, conformément à l’entente. Il est certain que lorsqu’une partie a l’obligation de fournir une assistance, l’autre partie a, par déduction nécessaire, l’obligation correspondante d’accepter cette assistance. En toute justice et équité, le plaignant ne devrait pas avoir le droit de se fier à ses propres actions pour étayer une allégation selon laquelle l’Institut n’a pas respecté l’entente. Cela est particulièrement vrai lorsque l’Institut a clairement essayé de s’acquitter de ses engagements prévus dans l’entente.

[79] Le 4 janvier 2022, le défendeur a dit à M. Priest qu’il était toujours disponible pour lui donner les conseils qu’il s’était engagé à lui donner par l’intermédiaire de l’entente de règlement. Toutefois, M. Priest n’a pas cherché à obtenir ces conseils; il n’a pas non plus retiré la plainte comme il s’y était engagé dans l’entente de règlement. Au lieu de cela, il a écrit de nouveau à la Commission le 11 janvier 2022, et a tenté une deuxième fois d’[traduction] « annuler » son acceptation de l’entente.

C. Question 3 : Étant donné que M. Priest a violé l’entente de règlement, quelle est la mesure de redressement appropriée?

[80] J’ai conclu que les parties ont conclu une entente valide, définitive et exécutoire pour régler cette plainte. Je conclus que le plaignant a violé l’entente de règlement en empêchant l’Institut de s’acquitter de ses engagements prévus dans l’entente et en ne retirant pas sa plainte comme il s’y était engagé dans l’entente de règlement.

[81] Dans un autre cas, où une plaignante n’a pas respecté son engagement de retirer sa plainte pour manquement au devoir de représentation équitable, la Commission a conclu que la mesure de redressement appropriée était une ordonnance de fermer le dossier (voir la décision de suivi de Fillet c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 43, dans Fillet c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 54).

[82] Étant donné que j’ai conclu que l’Institut avait tenté de respecter ses engagements conformément à l’entente et que le plaignant avait refusé son aide, je suis d’accord avec le raisonnement exposé par la Commission dans cette affaire et je rends la même ordonnance dans le présent cas.

[83] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[84] J’ordonne que la plainte dans le dossier de la Commission 561-34-43069 soit fermée.

Le 5 janvier 2023.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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