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Dossier de la Commission : 590‐02‐44771

 

 

 

 

 

 

 

DANS L’AFFAIRE D’UNE COMMISSION DE L’INTÉRÊT PUBLIC


EN VERTU DE LA LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL

 

 

 

 

ENTRE :

 

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

(l’« Alliance »)

‐et‐



CONSEIL DU TRÉSOR

(« CT »)

Pour le groupe Services de l’exploitation (SV)

Devant : – M. Brian Keller, président, Bob Kingston, personne désignée par le syndicat et Stephen Bird, personne désignée par l’employeur

 

 

 

 

Audiences tenues par vidéoconférence du 28 au 30 novembre et le 8 décembre 2022.

Médiation les 20 et 21 décembre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


Rapport ou décision

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

[1] La Commission a été établie en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral à l’égard des employés du groupe Services de l’exploitation [SV]. Le mandat de la Commission figure à l’article 175 de la Loi. Il prévoit les facteurs que la Commission doit prendre en considération dans la rédaction de son rapport.

[2] « 175 Dans la conduite de ses séances et l’établissement de son rapport, la commission de l’intérêt public prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’elle juge importantes;

c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables, compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale de l’État fédéral.

[3] Le groupe compte environ 10 402 employés. Ils sont répartis dans les sous‐groupes suivants :

 

Pompiers [FR] – 516

Manœuvres et hommes de métier [GL] – 4 261

Services divers [GS] – 3 343

Chauffage, force motrice et opération de machines fixes [HP] – 384

Services hospitaliers [HS] – 302

Gardiens de phare [LI] – 110

Équipages de navires [SC] – 1 483

Services d’imprimerie [supervision] [PR] – 3

 

 

[4] Les employés susmentionnés travaillent dans un certain nombre de ministères fédéraux, dont la Défense nationale, Pêches et Océans, ainsi que Services publics et Approvisionnement. Les sous‐groupes eux‐mêmes ne sont pas nécessairement homogènes et bon nombre comportent un certain nombre de classifications.

[5] Il va sans dire que la diversité des travaux exécutés et les compétences requises par les divers sous‐groupes et classifications rendent la négociation difficile, étant donné que chaque sous‐groupe a ses propres préoccupations, priorités et besoins.

[6] Au début des négociations entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et le Conseil du Trésor (CT), il a été convenu qu’il y aurait à la fois une table des enjeux communs, ainsi que des tables distinctes pour répondre à ce qui pourrait être appelé des enjeux locaux pour les divers groupes distincts. Le présent rapport ne porte pas sur les enjeux communs.

[7] Afin de bien comprendre la brièveté du présent rapport et l’insuffisance des recommandations, l’historique des négociations et les coûts des diverses propositions sont pertinents.

[8] La première séance de négociation a eu lieu le 17 juin 2021. Les parties se sont rencontrées en personne pendant environ deux heures. L’agent négociateur a déposé 47 propositions. L’employeur a déposé 82 propositions.

[9] Les parties se sont ensuite rencontrées du 21 au 23 septembre 2021. Au cours de cette période, elles ont passé environ quatre heures à discuter en personne. L’agent négociateur a déposé deux autres propositions. Trois des propositions de l’employeur ont été résolues, car il ne s’agissait que de changements rédactionnels.

[10] La prochaine séance a eu lieu du 26 au 28 octobre 2021. Les parties se sont rencontrées pendant environ 2,5 heures pour discuter en personne. L’agent négociateur a déposé cinq autres propositions, en a retiré une et en a modifié une. Deux propositions de l’employeur ont été transférées à la table des enjeux communs.

[11] La quatrième séance de négociation a eu lieu du 18 au 20 janvier 2022. Les parties ont passé environ 2,5 heures à négocier en personne. L’agent négociateur a déposé 57 autres propositions et l’employeur a déposé 8 autres propositions.

[12] La prochaine séance de négociation a eu lieu les 2 et 3 mars 2022, dont un total d’environ trois heures a été consacré aux négociations en personne. L’agent négociateur a déposé huit nouvelles propositions, en a modifié une et en a retiré six. L’employeur a déposé deux nouvelles propositions, en a modifié une et en a retiré une.

[13] La sixième séance de négociation a eu lieu les 4 et 5 mai 2022. L’agent négociateur a retiré deux propositions. L’employeur a déposé une première proposition globale qui comprenait 10 contre‐propositions. Il a retiré six propositions et en a modifié six autres.

[14] Au cours des six séances de négociation, les parties se sont rencontrées en personne pendant un peu moins de 16 heures. L’agent négociateur a déposé un total de 119 propositions, en a retiré 9 et en a modifié 2. Pour sa part, l’employeur a déposé 100 propositions [dont 10 contre‐propositions aux propositions de l’AFPC], en a retiré 7, en a modifié 7 et les 3 changements rédactionnels susmentionnés ont été acceptés.

[15] Les parties se sont rencontrées en médiation du 11 au 14 octobre 2022. Elles se sont rencontrées pendant environ six heures, y compris les séances plénières et les discussions latérales. L’agent négociateur a retiré trois propositions et trois de ses propositions ont été résolues. L’employeur a retiré deux de ses propositions et les parties ont accepté d’apporter un changement rédactionnel à l’une de ses propositions.

[16] En résumé, après de nombreux jours de négociation, puis de médiation, les parties étaient à peu près dans la même situation qu’elles l’étaient au départ.

[17] L’employeur a informé la Commission que, tel que cela est indiqué ci‐dessus, pendant la négociation, il avait fourni à l’agent négociateur une proposition globale dont il espérait entraînerait des progrès importants vers un règlement, mais à laquelle l’agent négociateur n’a jamais répondu. Pour sa part, l’agent négociateur a répondu qu’il ne pouvait pas répondre à la proposition globale de l’employeur, car, à son avis, elle n’abordait pas les priorités de ses membres.

[18] À la suite d’observations officielles devant la Commission, les parties se sont rencontrées en médiation sous toute réserve. Des propositions globales ont été échangées et rejetées par les deux parties. La Commission a exhorté les parties à faire des contre‐propositions globales. L’employeur a accepté de le faire. Les négociateurs syndicaux ont informé la Commission que l’équipe de négociation avait choisi de ne pas présenter une contre‐proposition, car elle estimait que les propositions de l’employeur ne répondaient toujours pas à leurs préoccupations. À ce moment‐là, la médiation a pris fin.

[19] L’employeur a établi les coûts des propositions déposées par l’agent négociateur. Aux fins du présent rapport, nous sommes disposés à accepter ces coûts comme généralement exacts. Selon les renseignements fournis par l’employeur, les diverses propositions déposées par l’agent négociateur entraîneraient une augmentation des coûts d’environ 371 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de salaire de 47 % pour le groupe SV.

[20] Le fait que les parties n’ont pas été en mesure de s’entendre sur la durée de la convention collective [qui devrait vraisemblablement figurer à la table des enjeux communs] constitue un autre obstacle au règlement.

[21] En lisant la prochaine partie du présent rapport, la Commission souhaite indiquer clairement que ce qui suit n’est pas une critique des négociateurs et ne devrait pas être interprété comme une telle critique. Il s’agit plutôt d’un commentaire sur l’approche globale adoptée par les parties relativement à ces négociations.

[22] La négociation collective ne commence pas à la table de négociation. Dans une très large mesure, le succès ou l’échec des négociations est préétabli par les directives données aux négociateurs par leurs dirigeants. Il va sans dire que plus les directives sont raisonnables, plus il y a de chances de régler les différends à la table de négociation. À l’inverse, les propositions déraisonnables aboutissent rarement à des négociations fructueuses. En ce qui concerne les nombreuses propositions déposées au cours de cette ronde de négociations par les deux parties, il aurait dû être raisonnablement évident, à notre avis, que ce que les négociateurs devaient essayer de réaliser serait en fin de compte impossible et ne donnerait lieu à aucun autre résultat que l’échec. Les deux parties ont trop de questions en suspens et de propositions à la table.

[23] Les membres de la Commission connaissent bien la façon dont les mandats sont fixés. Nous comprenons la dynamique de la partie syndicale, surtout avec un groupe diversifié comme celui‐ci, comportant de nombreux groupes professionnels, sous‐groupes et classifications différents. Nous comprenons également la nécessité perçue d’un employeur de rationaliser ses opérations et/ou de faciliter la gestion. Afin que les négociations soient fructueuses, ces intérêts concurrents doivent être conciliés.

[24] Compte tenu du coût global présenté par l’employeur, qui n’était généralement pas contesté, les propositions de l’agent négociateur ne semblent pas réalistes pour ce qui devrait être une étape de négociation assez avancée. Les nombreuses propositions ne sont pas ciblées et elles aboutiraient à une augmentation de rémunération bien au‐delà de ce qui est raisonnable. La Commission ne dit pas que ce qu’il n’y a pas de fondement à certaines demandes, mais nous disons que, sans être ciblées, il est impossible de même commencer à les aborder individuellement.

[25] De même, bien qu’un certain nombre de propositions de l’employeur soient fondées, nous ne comprenons pas pleinement la justification qui a donné lieu à au moins certaines d’entre elles. Notre problème n’est pas la façon dont elles sont exprimées, mais plutôt l’absence d’une justification convaincante indiquant la souplesse ou le pouvoir de gestion accru demandé et qui n’est pas déjà à la disposition de l’employeur en vertu de la loi ou de dispositions existantes de la convention collective, même si l’exercice de ce pouvoir ou de cette souplesse comporte un coût d’exploitation accru.

[26] La Commission a lu avec intérêt le rapport du commissaire Slotnick lors de la dernière ronde de négociations. Nous faisons remarquer que M. Slotnick a abordé un grand nombre des mêmes questions que les parties ont présentées à la Commission. Nous acceptons et approuvons le contenu de son rapport. Il appartiendrait aux parties de relire le rapport.

[27] Le rôle de la Commission ne consiste pas à remplacer les parties et à négocier pour elles. L’article 172 de la Loi définit notre fonction comme suit :

« [...] d’aider les parties au différend à conclure ou à réviser la convention collective. »

 

[28] Par conséquent, la Commission refuse de traiter les questions individuelles en litige. Nous ne constatons aucune voie utile vers l’avenir où nos recommandations sur les questions individuelles en litige, à ce stade, aideraient les parties de manière réaliste. Il y a beaucoup trop de questions à régler. À notre avis, il n’y a eu aucune véritable négociation. En ce qui concerne au moins certaines des questions en litige, la justification présentée n’est pas convaincante ou la nécessité n’a pas été démontrée. Dans l’ensemble, les questions en litige sont trop non ciblées pour nous permettre d’aider les parties à trouver une voie utile vers le règlement.

[29] Toutefois, nous formulons la recommandation suivante : même si nous ne sommes pas optimistes quant à la possibilité d’un règlement à l’aide de ce qui semble être les mandats actuels des parties, nous recommandons que les parties retournent à la table de négociation avec moins de propositions et des propositions plus ciblées qui leur permettraient d’amorcer une négociation significative en vue de renouveler ou de réviser la convention collective existante, comme l’exige le paragraphe 105(1) de la Loi.

[30] Le présent rapport est unanime.

 

Ottawa, le 26 janvier 2023.

 

M. Brian Keller, président, pour la Commission

 

Traduction de la CRTESPF

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