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Date: 20221221

Dossier: 566-02-09994

 

Référence: 2022 CRTESPF 102

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

AMANDA PETERMAN

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Peterman c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Barry Reid, représentant

Pour l’employeur : Marc Séguin, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence,
les 11 et 12 janvier 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Amanda Peterman, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a fait ses études à l’Université de l’Alberta à Edmonton. Elle a obtenu un diplôme avec distinction d’un programme de baccalauréat ès arts (« BA ») de quatre ans en psychologie, avec une mineure en sociologie et un accent sur la criminologie. Elle a ensuite suivi un programme de formation de deux ans en soins infirmiers, a obtenu son diplôme en soins infirmiers et est devenue infirmière autorisée (« IA »). Elle a travaillé dans trois établissements différents du Service correctionnel du Canada (« SCC » ou l’« employeur »). À tous les égards, elle est une excellente infirmière en santé mentale et un membre du personnel solide qui met efficacement en application ses connaissances en santé mentale, son esprit d’initiative et ses compétences en leadership au nom de l’employeur.

[2] La convention collective pertinente fournit une indemnité de formation aux infirmiers et infirmières qui ont fait des études en plus de leurs diplômes en soins infirmiers si cette formation est utilisée dans l’exercice de leurs fonctions professionnelles.

[3] L’employeur n’a déposé aucune preuve et n’a pas sérieusement contesté la preuve présentée ou contesté le fait que la fonctionnaire a utilisé ses études supplémentaires dans l’exercice de ses fonctions professionnelles. Il a soutenu que le présent cas portait simplement sur l’interprétation de la convention collective. Le diplôme en psychologie de la fonctionnaire n’était pas admissible pour l’indemnité parce qu’il n’était ni « un diplôme de cycle supérieur » à son diplôme en sciences infirmières ni « une formation ou une éducation en sciences infirmières » qui étaient tous requis par la convention collective. En outre, la psychologie ne faisait pas partie des domaines d’études acceptables liés aux sciences infirmières pour lesquels un diplôme pourrait être admissible aux fins de l’indemnité. L’employeur a également fait valoir que le grief était hors délai, mais a retiré cette objection, a déclaré qu’il s’agissait d’un grief continu et, par conséquent, qu’il avait été présenté dans le délai prévu, mais qu’il était assujetti à une réparation rétroactive restreinte.

[4] Je conclus que, dès le tout début de son embauche à l’Établissement d’Edmonton pour femmes, le SCC n’a pas versé à la fonctionnaire son indemnité de formation appropriée de 2 750 $ par année, soit le montant accordé pour trois années d’études universitaires pertinentes. Cependant, je suis contrainte par le grief, qui a demandé que ce montant soit payé à partir du 29 novembre 2010, date à laquelle elle a été déployée à l’Établissement d’Edmonton, un établissement pour délinquants de sexe masculin. J’ai ordonné la réparation demandée dans le grief, mais j’encourage aussi fortement l’employeur à verser volontairement à la fonctionnaire son indemnité appropriée rétroactivement à sa date de début initiale du 2 janvier 2007.

II. Résumé de la preuve

[5] Pour obtenir son diplôme, la fonctionnaire a suivi les cours de psychologie suivants : processus de psychologie de base, comportement individuel et social, psychologie sociale, cerveau et comportement, psychologie du développement, personnalité, principes du comportement, développement perceptuel et cognitif, psychologie anormale, neuropsychologie humaine, sujets avancés en psychologie du développement et en art d’être parent, introduction à la psychologie clinique, sujets en psychologie avancée I/développement adolescent, principes d’apprentissage, sujets en psychologie avancée II/psychologie du sexe, psychologie éducative aux fins de l’enseignement et psychologie de l’étrangeté à soi.

[6] Elle a suivi les cours de sociologie et de criminologie suivants : introduction à la sociologie, à la criminologie, aux Autochtones et au système de justice pénale canadien, introduction à la famille, administration de la justice pénale au Canada, sociologie du vieillissement, sociologie de la déviance et de la conformité, délinquance juvénile, sociologie de la religion et sociologie du passage de la vie à la mort.

[7] Elle a ensuite suivi le programme de formation en soins infirmiers donné au Grant MacEwan College à Edmonton. Le programme comportait des cours suivis d’un placement clinique, qu’elle a demandé de faire à l’Établissement d’Edmonton pour femmes (l’« EEF »). Ce stage a consolidé sa passion pour ce domaine de travail, et quand elle a reçu son diplôme en sciences infirmières, elle a été réembauchée à l’EEF en tant qu’infirmière occasionnelle. La fonctionnaire était encore infirmière bachelière à ce moment-là, ce qui signifie qu’elle n’avait pas encore reçu son autorisation. Elle a obtenu son autorisation en décembre 2006, et le 2 janvier 2007, devenue une IA à cette date, elle a accepté une offre d’emploi pour une période indéterminée au SCC au groupe et au niveau NU-HOS-03.

[8] Le libellé pertinent de la convention pertinent se trouve à l’appendice B de l’entente relative aux services de santé (SH) entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat ») [dates d’expiration : 30 septembre 2007, 2011 et 2014; la « convention collective »]. Au cours de ces années, l’appendice B se lisait comme suit :

**APPENDICE « B »

 

INDEMNITÉS DE FORMATION -

GROUPE SCIENCES

INFIRMIÈRES

**Appendix “B”

 

EDUCATION ALLOWANCES –

NURSING GROUP

 

Aux fins de la rémunération et en vigueur à compter de la date de signature de la présente convention collective, les taux annuels de rémunération des niveaux du groupe Sciences infirmières stipulés à l’appendice « A » sont modifiés par l’addition des montants précisés ci-dessous dans la colonne II compte tenu des circonstances exposées dans la colonne I.

Effective on the date of signing of the collective agreement and for all purposes of pay, the annual rates of pay for the Nursing Levels stipulated in Appendix “A” shall be altered by the addition of the amount specified hereunder in Column II in the circumstances specified in Column I.

 

Colonne I

Indemnités de formation

Colonne II

Column I

Educational Allowances

Column II

Lorsque les éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions :

 

Where the following post-graduate nursing training or nursing education is utilized in the performance of duties of the position:

 

a) Cours reconnu de formation spécialisée y compris le Programme d’habiletés en soins primaires, 3 à 6 mois.

605 $

(a) Recognized speciality training course including the Primary Care Skills Program, 3-6 months

$605

b) Cours reconnu de formation spécialisée, 7 à 12 mois.

935 $

(b) Recognized speciality training course, 7-12 months

$935

c) (i) Cours universitaire d’une année menant à un certificat en administration, enseignement et surveillance, gérontologie, gestion des services de santé 1, gestion des services de santé 2, hygiène publique, milieu clinique, organisation des soins et éducation, psychiatrie, santé communautaire, santé mentale, sciences infirmières, toxicomanie ou dans n’importe quel autre domaine d’études connexe et approuvé par l’employeur.

1 650 $

(c) (i) One academic year university leading to a certificate* in Administration, Administration and Education
(« organisation des soins et éducation »), Clinical Fields (« milieu clinique »), Community Health (« santé communautaire »), Gerontology
(« gérontologie »), Health Services Administration I and Health Services Administration II (« gestion des services de santé 1 et 2 »), Mental Healthsanté mentale »), Nursing, Psychiatry, Public Health, Teaching and Supervision, Substance Abuse Prevention and Intervention or in any other related field of study approved by the Employer.

$1,650

(ii) Deux cours universitaires d’une année menant à un certificat tel que décrit en (i).

2 200 $

(ii) Two certificates* each representing one academic year university as described in (i) above.

$2,200

(iii) Trois cours universitaires d’une année menant à un certificat tel que décrit en (i)

2 750 $

(iii) Three certificates* each representing one academic year university as described in (i) above.

$2,750

d) Baccalauréat en sciences infirmières.

3 300 $

(d) Baccalaureate degree in nursing

$3,300

e) Maîtrise en sciences infirmières ou dans n’importe quel autre domaine d’études relié à la santé approuvé par l’employeur.

3 850 $

(e) Master’s degree in nursing or any other health related field of study approved by the Employer.

$3,850

Conformément au paragraphe B, une (1) seule indemnité est versée pour la plus haute qualification pertinente.

One (1) allowance only will be paid for the highest relevant qualification under paragraph B.

 

**

**

 

Dans la présente convention le terme « certificat » fait référence à un certificat dans un programme de premier cycle qui totalise 30 crédits (ou 10 cours) dans un domaine d’études dans la province de Québec ou son équivalent dans les autres provinces.

In the present collective agreement “certificate” refers to a certificate in a first cycle program that results in 30 credits (or 10 courses) in a field of study in the province of Quebec or the equivalent in the other provinces.

 

[Je mets en évidence]

 

A. Établissement d’Edmonton pour femmes (2007-2010) – la fonctionnaire a reçu 1 650 $

[9] La fonctionnaire a décrit son premier emploi à l’EEF comme un poste d’« infirmière d’étage ». Ses fonctions étaient l’administration de médicaments, la « parade des malades », les cliniques avec les médecins, et ainsi de suite. La santé mentale n’était pas encore son rôle assigné; toutefois, elle s’occupait nécessairement de nombreux patients souffrant de troubles de santé mentale, qui sont endémiques dans les populations incarcérées en général et qui sont répandus à l’EEF. Dans le cadre de ses fonctions d’administration de médicaments, elle devait entre autres administrer des médicaments antipsychotiques injectables.

[10] La fonctionnaire a expliqué que sa formation en soins infirmiers n’avait inclus qu’un module de six semaines sur la santé mentale et une rotation. Elle se souvient que d’autres infirmières nouvellement formées ont été abasourdies par la gravité des problèmes de santé mentale présents à l’EEF. Elles ont dit que cela ne correspondait pas à leurs attentes et qu’elles n’avaient pas l’impression que leur formation en sciences infirmières leur avait fourni les outils nécessaires pour gérer ce genre de problèmes.

[11] La fonctionnaire, quant à elle, avait un intérêt à l’égard de la santé mentale et estimait que ses études l’avaient bien outillée et qu’elles étaient mises à profit. Sans ses études en psychologie, elle croit que, comme ses collègues, elle se serait également sentie mal outillée pour gérer les problèmes de santé mentale à l’EEF.

[12] La description de travail de la classification NU-HOS-03 a été déposée en preuve. Les extraits qui suivent sont des exemples qui illustrent la mesure dans laquelle la santé mentale est intégrée dans notre concept actuel des sciences infirmières, et particulièrement dans les soins infirmiers en établissement correctionnel. Il y a de nombreux autres exemples; la description de travail contient plus de 20 références à la santé mentale ou à des facteurs sociaux et culturels. Les premiers mots de la description de travail sur la rubrique « Résultats axés sur le service à la clientèle » sont [traduction] « prestation de services de soins infirmiers (santé physique et/ou mentale) […] ».

[13] Voici certaines des « principales activités » du poste :

[Traduction]

· Servir de fournisseur de soins de santé primaires en ce qui concerne le traitement et le soutien physiques, mentaux, aigus, chroniques et palliatifs […]

[…]

· Faire subir des examens de santé initiaux ou complets aux délinquants à leur admission ou à leur transfert; ces examens comportent une évaluation des antécédents et de la santé physique ciblée, et des antécédents en santé mentale pour inclure les troubles ou les conditions psychiatriques passés et actuels qui doivent être surveillés de près […]

· […] participer à l’élaboration et à l’exécution de programmes favorisant une santé optimale dans les domaines de la santé physique et mentale, et du bien-être culturel, spirituel pour les délinquants […]

[…]

· […] administrer et appuyer la conformité des médicaments pour les délinquants ayant un diagnostic de santé physique et mentale, par l’éducation sanitaire des délinquants; et être responsable de la prestation de soins infirmiers aux patients ambulatoires et hospitalisés ayant des besoins en santé physique ou mentale.

[…]

· Favoriser le bien-être individuel et collectif par des activités d’éducation en santé physique et mentale, y compris le counseling et l’enseignement dans des programmes structurés […]

[…]

· Organiser et coordonner des cliniques de soins infirmiers, médicaux, physiques et de santé mentale […]

[Je mets en évidence]

 

[14] Voici quelques extraits de la section « compétences - Connaissance du domaine de travail » :

[Traduction]

[…] fournir des services de santé dans un milieu correctionnel (pour la prestation éclairée de soins de santé); les tendances actuelles dans la profession d’infirmière et la connaissance de la culture et des valeurs des détenus, afin d’offrir aux détenus des soins infirmiers globaux.

[…]

Connaissance des compétences et pratiques en matière d’évaluation et de processus en soins infirmiers utilisés dans le cadre d’un examen de santé physique et mentale et d’un test diagnostique. […]

[…]

[] Connaissance des médicaments psychotropes pour évaluer les répercussions et le succès de ces types de médicaments […]

[Je mets en évidence]

 

[15] Cory Simon, le gestionnaire actuel de la fonctionnaire, a expliqué dans son témoignage que les soins infirmiers impliquent de regarder l’ensemble du client et qu’un baccalauréat en psychologie est non seulement très avantageux pour une infirmière en santé mentale, mais avantageux pour le rendement professionnel de toute infirmière travaillant dans les services correctionnels.

[16] Toutefois, la lettre d’offre de la fonctionnaire ne mentionnait pas d’indemnité de formation et elle ignorait que la convention collective en prévoyait une. Des mois plus tard, elle a appris qu’un collègue avait reçu une indemnité de formation pour sa formation paramédicale antérieure. Elle a communiqué avec son superviseur, qui était d’accord pour dire que son diplôme en psychologie était pertinent pour le poste et qu’elle devrait recevoir l’indemnité. Le 9 octobre 2007, 10 mois après avoir obtenu son poste pour une période indéterminée, le SCC a modifié sa lettre d’offre initiale pour ajouter une indemnité de formation de 1 650 $ par année, rétroactive à sa date de début du 2 janvier 2007.

[17] L’appendice B de la convention collective prévoit une indemnité de 1 650 $ pour une année universitaire menant à un certificat dans plusieurs domaines connexes, dont l’un est la santé mentale. La fonctionnaire ignorait pourquoi l’employeur avait choisi ce montant afin de reconnaître son diplôme de psychologie de quatre ans. Elle se souvient d’une discussion qui s’est terminée quand son superviseur a fini par dire : [traduction] « Faisons-le, tout simplement. » L’employeur n’a pas expliqué pourquoi la fonctionnaire avait reçu une indemnité réduite ou pourquoi elle en avait reçu une, compte tenu de la thèse selon laquelle ses études ne satisfaisaient à aucune des exigences.

[18] Pendant qu’elle était à l’EEF, l’employeur a reconnu l’expertise en santé mentale de la fonctionnaire en lui confiant la tâche de gérer ce que l’on appelle le « portefeuille » de la santé mentale, parce que le financement d’un poste réel en santé mentale dans la prison pour femmes n’était disponible que par intermittence. La fonctionnaire a travaillé en alternance comme infirmière d’étage, relevant du gestionnaire des services de santé, et comme infirmière en santé mentale, relevant du chef de la psychologie chaque fois que des fonds étaient disponibles. Dans son curriculum vitae, elle estime qu’au total, elle a travaillé un an comme infirmière en santé mentale pendant qu’elle se trouvait à l’EEF. En fin de compte, en raison du manque de fiabilité du financement, le portefeuille de la santé mentale a été éliminé, et les responsabilités en matière de santé mentale de la fonctionnaire ont été redistribuées à l’ensemble du personnel infirmier de l’EEF.

[19] Cependant, l’Établissement d’Edmonton, un établissement à sécurité maximale pour les délinquants de sexe masculin, l’a approchée pour savoir si elle voulait occuper un poste d’infirmière en santé mentale entièrement financé là-bas. Le 29 novembre 2010, la fonctionnaire a été déployée à l’Établissement d’Edmonton.

B. Établissement d’Edmonton (2010-2012) – la fonctionnaire a reçu 2 200 $

[20] Avant de commencer son nouveau poste, la fonctionnaire a demandé au chef de la psychologie, Eldon (Don) Bossin, si son indemnité de formation pouvait être portée à 2 750 $. Après une discussion, M. Bossin a suggéré qu’ils « répartissent la différence » à 2 200 $ par année, soit le montant prévu à l’annexe B pour deux ans d’université. Par conséquent, pour son diplôme de psychologie de quatre ans, elle a reçu une indemnité de formation plus importante, mais dont l’actualisation est encore inexplicable, à l’Établissement d’Edmonton. L’employeur n’a offert aucune explication à ce sujet.

[21] À l’Établissement d’Edmonton, la fonctionnaire s’occupait des évaluations de la santé mentale et des médicaments. Elle organisait la clinique psychiatrique hebdomadaire composée de psychiatres contractuels. Elle faisait partie de l’équipe de la santé mentale, qui était composée du psychologue en chef, à qui l’équipe rendait compte, en plus de trois ou quatre autres psychologues et plus tard, d’une deuxième infirmière en santé mentale. La deuxième infirmière n’avait pas de formation supplémentaire et n’a donc pas reçu d’indemnité de formation. Plus tard encore, un travailleur social et un ergothérapeute ont été ajoutés à l’équipe de la santé mentale.

[22] La fonctionnaire a expliqué que ses connaissances et sa compréhension de la psychologie du développement étaient inestimables dans son travail d’évaluation des besoins des délinquants, qui souffraient de problèmes comme le syndrome d’alcoolisme fœtal, des lésions cérébrales et des comportements d’automutilation. Elle devait rédiger des rapports et offrir des services de conseils de soutien. Elle intervenait en cas de crise et rédigeait des rapports. Outre les avantages évidents de ses cours de psychologie, de sociologie et de criminologie, ses cours d’anglais et de statistique ont également été utiles dans ce poste. En effet, à son avis, ses études n’étaient pas un atout, mais une nécessité. Elle estime qu’elle n’aurait pas pu faire le travail correctement sans elles.

[23] À un moment donné, un agent correctionnel a dit à la fonctionnaire qu’il avait trouvé des documents dans une imprimante qui contenaient ses renseignements personnels. Il s’est avéré qu’il s’agissait de copies imprimées de courriels qui révélaient des discussions continues sur la gestion interne et les ressources humaines (« RH ») au sujet de son indemnité de formation (les « courriels de l’imprimante »). La discussion portait sur la question de savoir si son indemnité devrait être de 1 650 $, 2 200 $ ou 2 750 $. Elle ignorait que cette discussion avait lieu. Personne ne lui avait demandé de fournir des renseignements ou des commentaires.

[24] Après avoir vu ces courriels, la fonctionnaire a communiqué avec Peter Kosof, qui avait remplacé M. Bossin en tant que psychologue en chef. M. Kosof était d’accord avec le fait qu’elle avait droit à l’indemnité complète de 2 750 $ et lui a demandé à quel moment elle aurait dû commencer à recevoir le plein montant, selon elle. Croyant apparemment que seul un poste en santé mentale spécifiquement désigné pourrait être admissible pour l’indemnité elle lui a dit qu’à l’EEF, elle avait alterné entre les soins infirmiers d’étage et les soins infirmiers en santé mentale. Elle n’avait aucun registre des périodes pendant lesquelles elle avait travaillé à chaque poste. M. Kosof a suggéré qu’ils [traduction] « gardent les choses simples » en utilisant la date à laquelle elle avait commencé comme infirmière en santé mentale officielle et permanente à l’Établissement d’Edmonton.

[25] La première chaîne de courriels trouvée dans l’imprimante était datée du 17 octobre 2011, environ un an après que la fonctionnaire avait commencé à travailler à l’Établissement d’Edmonton. Sonja Popp, généraliste adjointe aux ressources humaines, demandait de l’aide pour déterminer si la fonctionnaire devait continuer de recevoir 2 200 $, comme M. Bossin l’avait recommandé lorsque la fonctionnaire avait commencé à travailler à l’Établissement. Le courriel indique que la fonctionnaire avait reçu 1 650 $ à l’EEF, mais qu’elle avait un diplôme en psychologie ainsi qu’un diplôme en sciences infirmières, ce qui, selon Mme Popp, lui donnerait droit à une indemnité plus élevée.

[26] Le 19 octobre 2011, Mme Popp a posé ses questions à M. Kosof. Il a répondu en envoyant une copie confirme à Jerilyn Robertson, conseillère en rémunération et avantages sociaux; Kelly Hartle, directrice; Bradley Sass, gestionnaire des évaluations et des interventions; Shansheng Zhao, chef des ressources humaines, comme suit :

[Traduction]

Conformément à la convention actuelle avec l’IPFPC :

À l’appendice « B », Indemnités de formation : groupe Sciences infirmières (p. 172), l’alinéa c)(iii), indique ce qui suit :

Trois certificats complétés représentant chacun une année académique universitaire de 30 crédits donnent droit à une indemnité d’étude de 2 750 $.

Le baccalauréat en psychologie qu’Amanda Peterman a obtenu équivaut à 120 crédits, soit 4 années universitaires [2 750 $]. Son baccalauréat en psychologie est très pertinent pour son poste, ses fonctions et ses connaissances requises en tant qu’infirmière en santé mentale et elle affiche les connaissances acquises dans ses cours et met en application l’information bien au-delà du niveau normalement prévu pour son poste.

Remarque : Le montant pour un baccalauréat complet (3 300 $) est spécifiquement destiné à un diplôme en soins infirmiers et ne s’applique donc pas à Amanda Peterman.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[27] Le 3 novembre 2011, Mme Robertson a demandé à Mme Popp si une lettre d’offre révisée indiquant 1 650 $ ou 2 750 $ devait être préparée ou si l’indemnité de 2 200 $ demandée au départ par M. Bossin était exacte et pouvait être payée.

[28] Le 15 décembre 2011, Carey Allchurch, conseillère en ressources humaines, a envoyé un courriel à Terri Wolkowski (titre inconnu), en envoyant une copie conforme à Mme Popp et M. Kosof, au sujet de la date d’entrée en vigueur pour l’indemnité de formation de la fonctionnaire de 2 750 $. Elle a fait remarquer que la fonctionnaire avait été embauchée à l’origine le 2 janvier 2007 et qu’elle aurait pu être payée à un taux incorrect à l’EEF avant de venir à l’Établissement d’Edmonton. Mme Allchurch a déclaré : [traduction] « On ignore si et quand elle aurait dû être payée au taux d’indemnité plus élevé. »

[29] Mme Allchurch, qui ne semblait pas avoir reçu de réponse, a fait un suivi auprès de M. Kosof le 21 décembre 2011, en lui demandant s’il ferait un suivi quant au moment où la fonctionnaire [traduction] « […] aurait dû recevoir l’indemnité de formation supérieure […] ». Elle a déclaré que s’il ne pouvait lui donner de réponse, elle s’informerait auprès d’une autre source.

[30] Le 20 février 2012, Mme Allchurch, qui ne semblait pas avoir obtenu de réponse, s’est renseignée auprès d’une autre source. Elle a communiqué avec le chef des soins de santé et plusieurs autres (titres inconnus) à l’EEF, ainsi qu’avec M. Kosof, en leur demandant si l’un d’eux avait [traduction] « […] des détails concernant la date d’entrée en vigueur de l’indemnité de formation d’Amanda Peterman de 2 750 $ ». Elle a expliqué que la fonctionnaire avait été embauchée à l’origine à l’EEF le 2 janvier 2007 et qu’elle avait peut-être été payée de façon erronée. Elle a répété : [traduction] « On ignore si et quand elle aurait dû être payée au taux d’indemnité de formation plus élevé ».

[31] Le 21 février 2021, M. Kosof s’est excusé de ne pas avoir répondu à la demande précédente de Mme Allchurch et a recommandé que la date d’entrée en vigueur de l’indemnité soit la date de début de la fonctionnaire à l’Établissement d’Edmonton. Mme Allchurch a répondu : [traduction] « […] Nous comprenons qu’elle a été déployée en septembre 2010, mais elle aurait peut-être été admissible à être payée au niveau supérieur avant cette date aussi. »

[32] M. Kosof a répondu comme suit, en envoyant une copie conforme à la fonctionnaire, en l’incluant donc pour la première fois dans la discussion :

[Traduction]

1. Excellente observation et je crois comprendre que le montant pour études supérieures est entré en vigueur lorsque Amanda Peterman a commencé à travailler comme infirmière en santé mentale.

2. La convention entre le Conseil du Trésor et l’IPFPC (qui arrive à échéance le 30 septembre 2011) l’atteste (page 162) :

Appendice « B » Indemnités de formation : groupe Sciences infirmières

Indemnités de formation

Lorsque les éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions […]

3.Lorsque Amanda Peterman a commencé à travailler comme infirmière en santé mentale en septembre 2011, les études de cycle supérieur étaient utilisées et étaient donc applicables à son poste d’infirmière en santé mentale. Amanda Peterman a été déployée au poste d’infirmière en santé mentale à l’Établissement d’Edmonton à partir d’un poste d’infirmière à l’EEF. Ses études supérieures portaient sur les soins infirmiers en santé mentale. Avant le déploiement, les études de cycle supérieur n’étaient pas utilisées directement dans l’exercice des fonctions de son ancien poste d’infirmière.

4. Amanda Peterman est en affectation à un poste d’infirmière en santé mentale communautaire, par conséquent, le montant d’indemnité de formation plus élevée continue d’être applicable à son poste d’infirmière en santé mentale communautaire.

[Les passages en évidences le sont dans l’original]

 

[33] Le 26 avril 2012, après avoir été incluse dans la discussion par M. Kosof, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Allchurch et à Mme Robertson, en envoyant une copie conforme à M. Kosof pour lui demander ce qui avait été décidé, car elle ne recevait encore que 2 200 $. Mme Allchurch a répondu : [traduction] « Jusqu’à présent, on a continué de chercher à obtenir des éclaircissements, sans succès. Je vous serais reconnaissante de m’envoyer votre preuve d’études numérisée à partir de la nomination initiale, ainsi que tout autre cours suivi [je mets en évidence]. »

[34] M. Kosof a fondé sa recommandation sur sa connaissance que la fonctionnaire a utilisé son diplôme en psychologie dans son poste en santé mentale à l’Établissement d’Edmonton et qu’elle continuerait de l’utiliser lorsqu’elle serait déployée en libération conditionnelle à Edmonton en tant qu’infirmière en santé mentale communautaire. Toutefois, la date de début qu’il a recommandée se fondait sur l’hypothèse qu’il avait formulée, selon laquelle elle n’avait pas utilisé ses études dans son rôle d’infirmière d’étage à l’EEF. Il n’existe aucune preuve selon laquelle il s’est penché sur le fait que la fonctionnaire avait reçu une indemnité de formation à l’EEF, bien qu’elle ait été inexplicablement réduite. Il n’y avait pas non plus de preuve selon laquelle il a demandé d’autres renseignements avant de confirmer sa recommandation concernant la date de début, malgré le fait que Mme Allchurch et Mme Popp aient constamment mentionné qu’il semblait qu’elle avait peut-être reçu moins qu’elle ne l’aurait dû à l’EEF.

[35] Le 28 mai 2012, la fonctionnaire a demandé à son conseiller en rémunération et avantages sociaux, Ryan Slywka, s’il y avait des nouvelles, car elle ne recevait encore que 2 200 $. M. Slywka, à son tour, a demandé la même chose à Mme Allchurch, en envoyant une copie conforme à la fonctionnaire. Mme Allchurch a répondu qu’elle s’attendait à recevoir d’autres précisions de l’Administration centrale et qu’elle les informerait quand elle les recevrait. Elle s’est excusée du retard continu.

[36] La fonctionnaire a continué d’attendre, selon les directives, et a continué de recevoir une indemnité de formation de 2 200 $. Pendant cette période, elle a également travaillé à l’obtention de son certificat en soins infirmiers psychiatriques et en santé mentale de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Elle l’a obtenu juste avant de quitter l’Établissement d’Edmonton et d’être déployée au bureau de libération conditionnelle à Edmonton.

C. Bureau de libération conditionnelle d’Edmonton (depuis 2012) – la fonctionnaire a reçu 605 $ jusqu’en juin 2019, puis 0 $

[37] Jason Mackenzie a témoigné qu’il a commencé à travailler au SCC en 2007 en tant que travailleur social clinique. De 2010 à 2015, il était directeur régional par intérim de la Santé mentale communautaire, qui offre des services de santé mentale aux délinquants mis en liberté par l’intermédiaire du Bureau de libération conditionnelle du district de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. Les témoins ont parlé du service de santé mentale et de son emplacement en employant la forme abrégée [traduction] « Bureau d’Edmonton ». Je ferai de même dans la présente décision.

[38] M. Mackenzie a dit qu’il recrutait activement la fonctionnaire, car il était conscient de sa réputation d’infirmière solide et de membre d’équipe important. Il avait auparavant mené un processus de sélection, mais n’avait pas été en mesure de trouver des infirmières qualifiées qui accepteraient le poste. Il a dit que le Bureau d’Edmonton était un site bien connu et que le recrutement de personnes qualifiées était difficile en raison d’un écart de salaire avec d’autres services. Il avait espéré que la fonctionnaire viendrait au printemps 2012, mais il a été frustré par un retard de plusieurs mois parce que l’Établissement d’Edmonton, invoquant des préoccupations opérationnelles, ne la laissait pas partir. M. Mackenzie a expliqué que son intérêt à l’égard du curriculum vitae de la fonctionnaire reposait sur sa récente expérience en santé mentale et, comme il l’a dit [traduction] « évidemment, un baccalauréat en psychologie – toute étude en santé mentale serait un avantage ».

[39] Il a expliqué que sa lettre d’offre ne mentionnait pas d’indemnité de formation parce que les RH lui avaient conseillé de ne pas s’engager à en verser une, car elles attendaient une interprétation imminente de la part de l’Administration centrale. Mme Popp a demandé à M. Mackenzie si elle devait exclure l’indemnité de la lettre d’offre de la fonctionnaire et la modifier une fois la décision prise. Il a répondu : [traduction] « Ça va. Nous exclurons l’indemnité de formation pour l’instant jusqu’à ce que les RT [Relations de travail] nous répondent. »

[40] Le 16 juillet 2012, M. Slywka a écrit à Mme Allchurch et à Mme Popp ce qui suit :

[Traduction]

J’attends toujours l’interprétation ou les directives des Relations de travail à l’Administration centrale (par l’entremise de Carey) sur l’indemnité de formation d’Amanda. Je vais y mettre fin à compter du 30 juillet 2012, car ce n’est pas dans la lettre d’offre.

Il serait utile que nous obtenions des précisions sur l’indemnité de formation d’Amanda, parce qu’elle pose des questions à ce sujet et attend patiemment le résultat depuis un certain temps maintenant. Elle estime qu’elle devrait être de 2 750 $ au lieu de 2 200 $.

 

[41] Le 30 juillet 2012, la fonctionnaire a été déployée au Bureau d’Edmonton à titre d’infirmière en santé mentale communautaire au groupe et au niveau NU-CHN-03, poste qu’elle occupe toujours. Non seulement son indemnité de formation n’a-t-elle pas été portée à 2 750 $, mais les 2 200 $ qu’elle avait reçus à l’Établissement d’Edmonton ont pris fin brusquement, comme M. Slywka l’avait indiqué, si l’on ne recevait aucune précision de l’Administration centrale. Pour résumer, pour son diplôme de psychologie de quatre ans, la fonctionnaire a reçu 1 650 $ à l’EEF (le montant pour une année d’université), 2 200 $ à l’Établissement d’Edmonton (le montant pour deux années d’université), et rien du tout une fois qu’elle a commencé à travailler au Bureau d’Edmonton.

[42] M. Mackenzie a expliqué que la fonctionnaire exerçait un large éventail de fonctions, les principales étaient d’évaluer les clients, d’élaborer et de réévaluer continuellement les plans de traitement dans le but de mettre fin aux services à un moment donné, lorsque les clients ont pu réintégrer la collectivité. Ce travail exigeait de déployer beaucoup d’efforts pour défendre les délinquants et renforcer les capacités communautaires, car certains services communautaires ne veulent pas travailler avec les délinquants. Cela signifie également former les partenaires communautaires, comme le personnel de la maison de transition et les agents de libération conditionnelle. Il est important d’intégrer les services de santé mentale dans les structures existantes, par exemple, les agents de libération conditionnelle qui n’ont pas eu à composer avec des délinquants souffrant de troubles de santé mentale dans le passé. Les infirmières sont un élément important d’une équipe multidisciplinaire.

[43] M. Mackenzie a maintenu catégoriquement que le diplôme en psychologie de la fonctionnaire est un atout important qui ajoute une valeur considérable à la façon dont le travail est exécuté. Il permet à un membre du personnel de comprendre l’histoire et les théories de la psychologie et de ses différentes spécialités, comme le fonctionnement cognitif et la psychologie judiciaire. Les théories de la psychologie du développement sont directement liées à l’élaboration de plans de traitement. La fonctionnaire avait également acquis des connaissances sociologiques grâce à son diplôme, ce qui donne une vision plus large du coût social de la criminalité qui permet de comprendre qu’il faut se concentrer sur les facteurs sociaux plutôt que sur les déficits individuels. Le volet recherche de ses études a également été utile. En général, son diplôme en psychologie en faisait une infirmière meilleure et plus qualifiée.

[44] M. Mackenzie a dit que la fonctionnaire était exceptionnelle. Elle s’est rapidement intégrée dans un milieu de travail difficile, a assumé un rôle de leadership, et était l’un de ses employés les plus solides. En étroite collaboration avec les psychologues, elle a été une chef de file dans l’intégration des travailleurs sociaux dans une équipe multidisciplinaire en expansion. Elle dirigeait la clinique psychiatrique hebdomadaire. Elle a remplacé M. Mackenzie à plusieurs reprises, un rôle pour lequel un membre du personnel doit être solide d’un bout à l’autre. De l’avis de M. Mackenzie, les études de la fonctionnaire l’ont outillée pour exercer ses fonctions professionnelles à un niveau de rendement élevé.

[45] Dans son témoignage, M. Mackenzie a repris l’histoire racontée dans les courriels de l’imprimante, car elle s’est poursuivie jusqu’en 2013, impliquant un certain nombre d’employés régionaux, qui essayaient tous encore d’obtenir une réponse afin qu’ils puissent faire leur travail, aucun d’eux ne comprenant pourquoi il demeurait impossible de verser l’indemnité de formation appropriée à la fonctionnaire. Les employés régionaux des RH ont indiqué à plusieurs reprises qu’ils attendaient toujours une interprétation, qu’ils faisaient un suivi mensuel auprès de l’Administration centrale et qu’ils en informeraient tout le monde dès qu’ils auraient des nouvelles à ce sujet.

[46] Frustré par l’absence de réponse, M. Mackenzie a dit à sa gestionnaire Heather Thompson, alors directrice régionale, Services de santé, région des Prairies, que la fonctionnaire envisageait de déposer un grief. Ils ont discuté de lui demander d’attendre, afin de donner à Mme Thompson le temps de soulever la question à un niveau supérieur. Il a fourni à Mme Thompson un compte rendu écrit du contexte. Le 25 avril 2013, il a dit à la fonctionnaire qu’il avait arrêté de communiquer avec les RH et que Mme Thompson tenterait de faire avancer les choses. Il a ajouté : [traduction] « Je vous demande d’attendre un peu plus longtemps avant de déposer votre grief pour nous donner la chance de soulever la question à un niveau plus élevé. »

[47] Mme Thompson a envoyé un courriel à Katherine Kesslering, administratrice régionale des Ressources humaines pour la région des Prairies, l’informant que l’affaire était en suspens depuis deux ans. Mme Kesslering a examiné la question et a répondu à Mme Thompson comme suit :

[Traduction]

Une interprétation a été demandée à l’AC depuis un certain temps déjà […] On me dit que l’interprétation devrait être communiquée très bientôt […] Une fois l’interprétation reçue, on s’attend à ce que l’indemnité de formation appropriée à verser à Mme Peterman soit appliquée.

 

[48] Cela a créé une vague d’optimisme déplacé dans la région. Le gestionnaire de la fonctionnaire et son conseiller en rémunération lui ont dit qu’ils devraient obtenir une réponse très bientôt. La correspondance révèle que tous les intervenants dans ce dossier étaient heureux de l’entendre. Toutefois, aucun élément de preuve ne montre que Mme Kesslering ne se soit jamais adressée à l’Administration centrale. La seule preuve disponible montre qu’elle a communiqué avec Barbara Banks, gestionnaire régionale des Relations de travail, et qu’on lui a simplement dit la même chose - on attendait la réponse de l’Administration centrale et une interprétation devait être présentée sous peu.

[49] La fonctionnaire a continué d’évoquer la question avec M. Mackenzie. Elle en a parlé régulièrement lors de leurs réunions de supervision. Le 19 septembre 2013, elle lui a demandé s’il pensait qu’elle devrait soulever la question à la prochaine réunion régionale de consultation patronale-syndicale au lieu de déposer un grief. Il a dit qu’il [traduction] « ne se donnerait pas la peine de le faire ».

[50] Le 5 novembre 2013, elle lui a dit que le grief était prêt à être déposé, mais qu’elle vérifiait une fois de plus si l’Administration centrale avait rendu une décision avant de le déposer. M. Mackenzie a compris qu’elle l’avait fait parce qu’ils s’étaient entendus sur le fait qu’ils voulaient que le problème soit réglé au plus bas niveau possible, et elle avait retardé le dépôt de son grief à sa demande. M. Mackenzie, qui a dit qu’il se rendait compte maintenant qu’il était naïf de penser que l’affaire pourrait être résolue sans un grief, a répondu : [traduction] « Je n’ai rien entendu de plus depuis un certain temps […] faites ce que vous souhaitez. » Elle a déposé le grief le lendemain, le 6 novembre 2013.

[51] Après le dépôt du grief, la fonctionnaire a demandé à M. Mackenzie si elle pouvait au moins avoir une indemnité de formation pour son certificat de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en soins psychiatriques en santé mentale, puisqu’elle n’avait reçu aucune indemnité depuis qu’elle avait commencé à travailler au Bureau d’Edmonton en juillet 2012. Pour obtenir ce certificat, une infirmière doit avoir travaillé 1 950 heures dans la spécialisation, avoir suivi les cours et passé un examen, ce qui a nécessité beaucoup de temps d’étude le soir et le week-end.

[52] M. Mackenzie en a discuté avec Mme Thompson et les RH. Ils se sont entendus sur le fait qu’ils devraient verser un montant quelconque à la fonctionnaire s’ils le pouvaient, même s’ils savaient qu’elle devrait recevoir 2 750 $. Ils ont estimé qu’il s’agissait d’une solution provisoire pendant qu’ils continuaient d’attendre l’interprétation. M. Mackenzie a décrit sa frustration. Il estimait qu’il était [traduction] « tout à fait anormal qu’elle ne reçoive rien – elle avait fait le travail et obtenu les certificats ». Il a été heureux de pouvoir au moins lui donner la petite indemnité de 605 $ pour ce certificat, mais il savait bien que ce montant ne correspondait pas à ce qu’il aurait dû être.

[53] Le 18 décembre 2015, deux ans et demi après avoir commencé à travailler au Bureau d’Edmonton, la lettre d’offre de la fonctionnaire a été modifiée et elle a commencé à recevoir une indemnité de formation de 605 $ par année, le montant accordé pour un cours spécialisé de trois à six mois, rétroactivement à sa date de début du 30 juillet 2012.

[54] Épilogue : Cette petite indemnité a également cessé d’être versée pendant le congé parental prolongé de la fonctionnaire en juin 2019 et n’a pas été réactivée à son retour au travail en janvier 2021. Elle n’a reçu aucune indemnité de formation depuis. L’employeur n’a offert aucune explication à ce sujet.

D. La pratique normale de l’employeur

[55] Cory Simon est le superviseur direct de la fonctionnaire depuis avril 2017 à titre de gestionnaire régional de la Santé mentale communautaire, le même poste que M. Mackenzie avait occupé par intérim jusqu’en décembre 2015. Entre-temps, l’ancien titulaire de ce poste y était revenu et M. Mackenzie avait repris son poste d’attache. Lorsque le titulaire est parti, M. Simon est devenu le nouveau gestionnaire régional. Il gère le personnel dans trois provinces des Prairies et à Thunder Bay (Ontario).

[56] M. Simon est infirmier psychiatrique autorisé (« IPA ») depuis 30 ans et travaille pour le SCC depuis 20 ans, dont 17 ou 18 au Centre psychiatrique régional de Saskatoon (Saskatchewan). En plus d’être un IPA, il détient un baccalauréat en sciences (B. Sc.) en sciences infirmières. Il a travaillé comme infirmier d’étage et a occupé plusieurs postes de direction. Il a été superviseur de poste de soins infirmiers pendant 7 ans, où il devait entre autres gérer l’horaire, effectuer l’embauche et s’assurer que chaque unité du Centre psychiatrique régional avait le personnel approprié. Il a été chef de la rotation des services de santé mentale de 16 infirmiers et infirmières, ainsi que de travailleurs sociaux et de psychologues. Il a agi comme gestionnaire de programme dans plusieurs unités différentes, gérant environ 40 infirmiers et infirmières, travailleurs sociaux et employés des programmes. Il a estimé qu’il a supervisé environ 100 infirmiers et infirmières sur 10 ans. Il a également pris un an de congé pour gérer un programme de soins infirmiers psychiatriques.

[57] Dans le cadre des rôles de gestion que M. Simon a joués, il a souvent dû recommander ou approuver l’indemnité de formation d’un infirmier ou d’une infirmière. Il a dit que chaque fois que de nouveaux membres du personnel infirmier sont embauchés, s’ils ont des études qui satisfont aux critères de convention collective d’être pertinents pour l’emploi, ils reçoivent une indemnité dès le départ. Il a dit que les gestionnaires [traduction] « l’examinent toujours » quand les infirmiers et infirmières commencent à travailler au SCC.

[58] Il a expliqué qu’il venait d’une génération plus âgée où de nombreux infirmiers et infirmières n’avaient que leur diplôme en soins infirmiers à leurs débuts. Au fil du temps, la pratique s’est développée et s’ils avaient fait d’autres études pertinentes pour l’emploi, elles seraient comptabilisées dans l’indemnité de formation. Il a donné son histoire comme exemple. Lorsqu’il a commencé au Centre psychiatrique régional, il était un IPA ayant huit années d’expérience et avait terminé la moitié (deux ans) de son B. Sc. en sciences infirmières. Le SCC lui a donné la moitié de l’indemnité de formation applicable, a payé une partie de ses études et, lorsqu’il a terminé son diplôme, il a commencé à recevoir l’indemnité de formation complète.

[59] Ce n’est pas aussi courant maintenant parce que la grande majorité des infirmiers et infirmières ont un diplôme en soins infirmiers lorsqu’ils commencent à occuper leur emploi. Par exemple, le programme d’IPA à Calgary évolue dans ce sens, mais jusqu’à présent, il est toujours possible d’être un IPA sans diplôme. Les trois infirmières en santé mentale qu’il supervise actuellement ont une formation supplémentaire pertinente à leur poste, y compris la fonctionnaire. L’infirmière qui travaille à Winnipeg, au Manitoba, détient une maîtrise en sciences infirmières et reçoit donc une indemnité de formation de 3 850 $, tandis que l’infirmière qui travaille à Calgary reçoit 3 300 $ pour son B. SC. en sciences infirmières.

[60] M. Simon a expliqué que si le SCC embauche un infirmier ou une infirmière possédant un diplôme supplémentaire lié à son poste, le fait qu’il ou elle l’ait obtenu avant ou après son diplôme en soins infirmiers n’importe pas. Cependant, en général, ils l’auraient obtenu auparavant, parce que c’était probablement la raison pour laquelle ils avaient été embauchés. Des études supplémentaires connexes sont utilisées comme outil de présélection important; l’employeur cherche à embaucher des infirmiers et infirmières qui apporteront des connaissances plus larges. Il est important d’avoir des infirmiers et infirmières qui comprennent les clients. L’indemnité de formation aide l’employeur à recruter et à maintenir en poste des infirmiers et infirmières qualifiés.

[61] Il a confirmé que de nombreux autres employés du SCC qui, comme la fonctionnaire, avaient déjà des diplômes en soins infirmiers reçoivent des indemnités de formation. Bon nombre de personnes vont d’abord à l’université, obtiennent leur diplôme dans un domaine pertinent pour le poste qu’ils veulent, et puis suivent un programme plus pratique ou appliqué, comme les soins infirmiers, pour obtenir un emploi. Les diplômes antérieurs ne sont pas toujours des diplômes en soins infirmiers et n’ont pas à l’être, tant qu’ils sont pertinents pour le poste.

[62] Lorsqu’on lui a demandé s’il avait déjà vu l’employeur refuser de verser une indemnité de formation pour un diplôme acquis antérieurement, M. Simon a répondu non, et qu’il ne l’avait seulement constaté quand il y avait un problème lié à la pertinence pour l’emploi. Par exemple, dans un cas, il a été déterminé que la microbiologie n’était pas pertinente, de sorte que l’indemnité de formation a été refusée à ce motif. Cependant, tout ce qui ressemble à la psychologie ou la santé mentale était toujours considéré comme pertinent.

[63] Lorsqu’on lui a demandé s’il examinerait la candidature de la fonctionnaire pour le poste d’infirmière en santé mentale communautaire si elle se présentait aujourd’hui avec un diplôme en soins infirmiers et un baccalauréat en psychologie antérieur, M. Simon a dit qu’il le ferait, que son baccalauréat ès arts serait pertinent et un atout pour un emploi dans n’importe quel domaine du système correctionnel, particulièrement en santé mentale communautaire, et qu’il recommanderait qu’elle reçoive l’indemnité de formation.

[64] Il a noté en outre que l’alinéa c)(i) de l’appendice B énumère les différents domaines jugés pertinents pour l’emploi. La liste inclut la santé mentale et, à son avis, la psychologie relève de la santé mentale. Comme il ne s’agit pas d’un diplôme en soins infirmiers, il ne recommanderait pas 3 300 $, mais il ajouterait certainement 2 750 $ dans sa lettre d’offre parce qu’elle satisfait aux exigences.

[65] M. Simon a décrit ce que la fonctionnaire fait dans son rôle actuel. Elle participe à des réunions de triage bihebdomadaires avec des psychologues et un travailleur social afin d’examiner les renvois d’établissements de délinquants sur le point d’être mis en liberté. L’examen vise à déterminer s’ils satisfont aux critères : ils doivent souffrir de troubles de santé mentale diagnostiqués et des besoins modérés à élevés en matière de santé mentale pour avoir accès au service. Elle dirige une clinique psychiatrique hebdomadaire et reste en contact avec les clients, évalue tout besoin d’ajustements de médicaments et approuve le paiement des médicaments. Elle est responsable d’une liste de clients et les rencontre régulièrement. Elle assume également d’autres fonctions, comme la tenue de séances d’enseignement avec des agents de libération conditionnelle, qui la consultent pour mieux comprendre les délinquants - d’où ils viennent et comment ils s’en sortent.

[66] Elle doit bien comprendre les besoins complexes des clients en matière de santé mentale, comme le mauvais fonctionnement, les troubles de la personnalité, le syndrome d’alcoolisation fœtale, la toxicomanie, le TDAH, les lésions cérébrales, les troubles bipolaires, l’automutilation et les idées suicidaires. La plupart ont des comorbidités. M. Simon a confirmé l’opinion de M. Mackenzie selon laquelle un diplôme en psychologie est extrêmement utile dans toutes ces situations. Il offre également une compréhension du fonctionnement de la société et des préjudices des clients, dont la majorité sont autochtones, afin de pouvoir les aider à faire leur transition dans la collectivité et éviter de retourner dans un établissement. De telles études, a-t-il dit, sont utiles à tout infirmier et à toute infirmière qui travaille dans les services correctionnels.

[67] En contre-interrogatoire, quand on lui a demandé ce qu’est une « formation en sciences infirmières », M. Simon a dit qu’il pourrait s’agir de tout ce qu’on apprend et de tout ce qu’on applique qui aide à accomplir des tâches professionnelles. Une personne qui travaille dans le domaine des soins infirmiers doit examiner le client dans son ensemble, y compris les facteurs sociaux et de santé mentale. C’est aussi une pratique interdisciplinaire. Les infirmiers et les infirmières travaillent avec des psychologues, des travailleurs sociaux, des prêtres et des aînés, pour n’en nommer que quelques-uns. Le champ d’application des études en sciences infirmières est très large, comme on peut le voir dans tous les domaines énumérés à l’alinéa c)(i) de l’appendice B qui peuvent donner lieu à une indemnité de formation. Pour ceux qui travaillent en tant qu’infirmiers et infirmières dans le domaine des services correctionnels ou de la santé mentale, un diplôme en psychologie les aidera certainement à remplir les fonctions du poste; par conséquent, il s’agit d’études en sciences infirmières. M. Simon a dit qu’il a la chance d’avoir trois très bonnes infirmières bien formées qui ont des antécédents en santé mentale et que la fonctionnaire est absolument égale aux deux autres, qui détiennent toutes deux des diplômes d’études supérieures en sciences infirmières.

[68] M. Simon a également déclaré franchement que, bien qu’il soit le superviseur de la fonctionnaire, il n’est au fait de cette situation que depuis peu en raison de la mise au rôle de la présente audience. Il a dit qu’il parlait probablement hors contexte, mais qu’il a été très surpris lorsqu’il en a entendu parler et qu’il ne comprend pas pourquoi la fonctionnaire ne reçoit pas son indemnité de formation. Il a également dit que Carson Gaudet, gestionnaire des Services de santé, a appelé pour demander son avis sur la date à laquelle l’audience était prévue. Ils en ont discuté, et aucun d’entre eux ne pouvait comprendre pourquoi il s’agissait d’un problème; ils ont tous deux estimé que la fonctionnaire devrait certainement recevoir son indemnité de formation. L’employeur n’a pas appelé Mme Gaudet et n’a pas contesté ce témoignage. J’accepte le témoignage de M. Simon à tous les égards, y compris le point de vue de Mme Gaudet sur cette situation, tel qu’il l’a décrit.

[69] Conformément à son argument selon lequel il s’agissait d’une question d’interprétation du libellé et non d’un différend factuel, l’employeur n’a pas appelé de témoins. Les deux témoins de la direction ont été appelés par la fonctionnaire. L’avocat de l’employeur a contre-interrogé la fonctionnaire et chacun de ses témoins brièvement, mais n’a pas sérieusement cherché à contester leurs témoignages. La majeure partie de la preuve documentaire a été déposée sur consentement dans un cahier de preuve documentaire conjoint.

III. Arguments du syndicat

[70] Le syndicat a fourni à la Commission la jurisprudence qui a interprété l’appendice B de la convention collective. Il a soutenu que l’interprétation stricte offerte par la décision de 1986 dans Bainbridge c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social), dossier de la CRTFP 166-02-16132 (19861229), (1986) 10 décisions de la CRTFP 47 (Résumé) (pour être admissible à une indemnité, l’enseignement complémentaire devait être des études en sciences infirmières, définies comme l’enseignement dispensé aux étudiants en sciences infirmières par la suite) avait été considérablement assouplie par plusieurs décisions.

[71] Si, d’après l’interprétation que l’on fait de l’appendice B, seules les études suivies après un diplôme en sciences infirmières (un diplôme d’études supérieures) et dans une école de sciences infirmières attiraient une indemnité, on obtiendrait l’absurde résultat qu’un diplôme de quatre ans n’attirerait aucune indemnité, alors qu’un diplôme de deux ans plus un cours spécialisé de trois mois l’attireraient. Cela serait incompatible avec l’ensemble de la structure de l’appendice B et avec l’intention claire qu’elle a de faire en sorte que des études supplémentaires entraînent une indemnité de formation supérieure.

[72] L’employeur connaissait les cas postérieurs à la décision Bainbridge avant que la fonctionnaire ne vienne travailler pour le SCC. Il avait déjà une interprétation et il ne l’aimait tout simplement pas. En outre, il n’a pas déposé de preuve quant à son interprétation de l’appendice B, ce qui indique qu’il sait très bien que l’interprétation qu’il a contestée n’est pas celle qu’il applique dans la pratique.

[73] Le syndicat a également noté que le libellé lourd du préambule de l’appendice B, qui était demeuré le même dans les trois conventions collectives en litige, avait depuis été révisé et quelque peu clarifié dans la convention collective subséquente (qui arrivait à échéance en 2018). Depuis 2018, le préambule se lit comme suit : « En tant qu’infirmière autorisée, pour qui les éléments suivants de formation en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions […] ».

[74] En ce qui concerne le respect des délais, la fonctionnaire a soulevé la question dans les cinq jours qui ont suivi l’avis selon lequel l’indemnité n’apparaissait pas sur son chèque de paye lorsqu’elle a commencé à travailler au Bureau d’Edmonton, ce qui respecte amplement les délais prévus pour entamer des discussions de bonne foi avec l’employeur afin de tenter de résoudre la question sans avoir besoin de déposer un grief. L’affaire aurait dû être résolue bien avant. À la fin de 2011 au moins, l’employeur s’inquiétait du fait que la fonctionnaire avait peut-être droit à une indemnité de formation plus élevée à la date de début initiale. On lui a dit que son superviseur examinait la question, qu’il devait attendre une interprétation et que sa lettre d’offre serait ajustée une fois l’interprétation passée. On lui a demandé de retarder le dépôt de son grief, elle a attendu patiemment et a compté à son détriment sur les promesses de l’employeur.

[75] Dans sa réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a refusé le grief parce qu’il était prématuré. Un grief ne peut pas être prématuré et hors délai en même temps. La réponse au grief mentionnait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je ne puis malheureusement accueillir votre grief pour le moment. Toutefois, veuillez noter que l’interprétation sur l’indemnité de formation (appendice B de la Convention collective pour le groupe Services de santé) sera présentée sous peu. Une fois que les Relations de travail ministérielles et les Services de santé ministériels auront fait part de la décision concernant cette interprétation, la région la mettra en œuvre en conséquence.

Par conséquent, votre grief est rejeté et votre mesure corrective ne peut être accordée.

 

[76] À titre subsidiaire, la fonctionnaire a demandé une prorogation de délai pour déposer le grief, conformément à l’article 61 de la Loi. Aucune demande n’a été déposée comme le veut normalement la Commission, et la demande a été faite oralement à l’audience. Il a été soutenu que la fonctionnaire satisfaisait aux critères énoncés dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. Il y avait une raison claire et convaincante de tout retard, c’est-à-dire la confiance préjudiciable de la fonctionnaire à l’égard des promesses de l’employeur et sa demande de retarder le dépôt de son grief. La fonctionnaire a également fait preuve de diligence raisonnable. Elle avait régulièrement soulevé l’affaire, verbalement et par écrit, et ne l’avait jamais laissée tomber dans l’oubli.

IV. Arguments de l’employeur

[77] L’employeur a commencé son argumentation de clôture en retirant son objection liée au respect des délais, déclarant que le grief était un grief continu et, par conséquent, opportun, mais que la décision Coallier c. Canada (Office national du film) [1983] A.C.F. 813 devrait être appliquée de manière à ce que toute réparation soit limitée à 25 jours précédant le dépôt du grief.

[78] L’employeur a soutenu que cette affaire n’est pas une question de faits contestés, mais plutôt d’interprétation du libellé et que les mots de la convention collective sont clairs; par conséquent, leur sens ordinaire doit être appliqué, conformément aux principes d’interprétation des contrats. Il a soutenu que la fonctionnaire avait le fardeau de prouver sa cause selon la prépondérance des probabilités (voir Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17) et que lorsqu’un droit à un avantage pécuniaire est invoqué, un fonctionnaire s’estimant lésé doit démontrer le libellé précis qui impose une telle obligation à l’employeur (voir Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 5 et Allen c. Conseil national de recherches du Canada, 2016 CRTEFP 76).

[79] Le simple fait qu’une disposition puisse sembler injuste ne signifie pas qu’on peut ignorer ce qu’elle dit. (Voir Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, Ontario Power Generation v. Society of Energy Professionals, 2012 CanLII 90054 (ON LA), Delios c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 133, et Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117.) Comme l’a dit la Commission dans Delios, il faut donner effet à une interprétation fondée sur le langage ordinaire, même si cela mène à une situation inéquitable et injuste. Toute iniquité devrait être réglée à la table des négociations.

[80] L’employeur a reconnu que son interprétation pouvait sembler simpliste, mais a soutenu qu’elle avait néanmoins déterminé que la fonctionnaire n’avait pas droit à une indemnité parce que son baccalauréat ès arts en psychologie n’était pas un diplôme d’études supérieures en sciences infirmières ou autre. En outre, il ne s’agissait pas d’un diplôme en formation en soins infirmiers ou en enseignement en soins infirmiers, et il ne s’agissait pas d’un domaine d’études acceptable, comme il est indiqué à l’alinéa c)(i) de l’appendice B. Il s’est appuyé sur l’interprétation précédente de ce libellé dans Bainbridge, qui a déterminé qu’un diplôme en éducation n’était pas une formation en sciences infirmières comme l’exige l’appendice B, et a soutenu que même si Bainbridge a été rendue il y a longtemps de cela, elle demeure pertinente, car il n’y a pas tant de cas sur le sujet.

[81] L’employeur a ajouté que si l’intention était de fournir une indemnité de formation pour une formation générale, le préambule de l’appendice B n’aurait pas précisé la formation ou les études en sciences infirmières. Si un diplôme général était acceptable, il serait très difficile d’établir une distinction entre un diplôme utilisé dans ses fonctions professionnelles et un diplôme qui ne l’est pas; par conséquent, nous devons respecter le libellé négocié.

V. Motifs de décision

A. Examen de la jurisprudence antérieure sur l’interprétation de l’appendice B

[82] L’employeur a fourni à la Commission Bainbridge, sur laquelle il s’est appuyé, mais pas les décisions beaucoup plus récentes qui ont interprété le libellé de l’appendice B sur ces mêmes questions, y compris une décision qui cadre parfaitement avec la présente affaire. Pire encore, ce sont toutes des décisions liées au SCC dont l’employeur devait avoir eu connaissance.

1. La décision Bainbridge (1986)

[83] L’employeur s’est appuyé sur cette décision rendue par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), qui portait sur une infirmière en santé communautaire travaillant dans une collectivité éloignée du Nord et employée par la Direction générale des services médicaux du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social. En plus d’être une IA, elle a également obtenu un baccalauréat ès arts, un baccalauréat en éducation et un certificat d’enseignant de l’Ontario. Elle a demandé une indemnité de formation pour son diplôme d’enseignement, car ses fonctions comprenaient l’enseignement de cours réguliers de santé aux écoliers ainsi que de cours prénataux, de premiers soins, de nutrition et d’autres cours liés à la santé aux membres de la collectivité.

[84] La décision Bainbridge a interprété l’appendice B d’une version antérieure de la même convention pour le groupe Services de santé, qui est arrivée à échéance le 2 janvier 1985. Le libellé contesté dans le préambule était le même; il faisait référence aux « […] éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d’instruction postscolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions […] ». L’arbitre de grief a conclu que pour attirer une indemnité de formation, l’enseignement supplémentaire devait être la formation en sciences infirmières ou l’enseignement des soins infirmiers, qu’il a défini comme étant l’enseignement destiné spécifiquement aux infirmières. Même s’il a reconnu qu’un diplôme d’études est susceptible d’être utile pour le rôle d’enseignant de la fonctionnaire s’estimant lésée, il a conclu qu’il ne s’agissait pas de formation ou d’éducation en sciences infirmières.

[85] Aucune question n’a été soulevée dans Bainbridge pour savoir si le baccalauréat en éducation de la fonctionnaire s’estimant lésée était un diplôme d’études supérieures ou si elle l’avait acquis avant ou après son accréditation en tant qu’IA. La décision Bainbridge a simplement déterminé qu’un diplôme en éducation ne correspondait pas à des études en sciences infirmières. C’était il y a plus de 35 ans, et une telle décision pourrait bien être différente aujourd’hui, car la vision des sciences infirmières a évolué et s’est considérablement élargie depuis. Comme l’a témoigné M. Simon, le métier d’infirmier et infirmière est une profession globale qui consiste en l’examen du client dans son ensemble et qui comporte souvent un large éventail de tâches et une approche multidisciplinaire. Je suis d’accord avec lui pour dire que toute éducation utilisée dans les fonctions d’infirmier et infirmière et qui ajoute de la valeur à l’exécution de ces fonctions est une éducation en sciences infirmières.

[86] Quoi qu’il en soit, Bainbridge portait sur un diplôme d’enseignement dans une collectivité éloignée et ne fournit pas de conseils précis en ce qui concerne un diplôme en psychologie dans un milieu correctionnel. Toutefois, elle a fourni quelques conseils utiles qui ont été adoptés plus tard dans Gervais c. Conseil du Trésor (Avocat général - Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-28207 (19980909), [1998] C.R.T.F.P.C. no 84 (QL), et dans Sumaling c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 32, par le commentaire suivant : « L’indemnité est offerte aux infirmières qui ont acquis une formation spécifique en matière de sciences infirmières se rapportant à leur travail et qu’elles mettront ensuite à profit en accomplissant précisément ces tâches rattachées à certains postes. » À mon avis, à la lumière du témoignage incontesté fourni par trois témoins, un infirmier ou une infirmière travaillant dans les services correctionnels avec un baccalauréat en psychologie satisfait à ce critère.

2. La décision Gervais (1998)

[87] Douze ans plus tard, Bainbridge a été suivie par Gervais, liée au SCC et portée sur un au sujet d’une infirmière auxiliaire autorisée (IAA) qui est devenue par la suite une IA. Les deux programmes de formation en sciences infirmières menant à ces titres de compétence étaient des programmes de deux ans distincts au même niveau. Ils offraient le même programme de première année et divergeaient au cours de la deuxième année, lorsque le programme d’IA continuait de mettre l’accent sur la maladie physique (avec une certaine formation en santé mentale), tandis que le programme d’IAA se concentrait sur la maladie mentale. La fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu un crédit pour ses cours de pharmacologie, de psychiatrie et de biologie dans le cadre du programme d’IAA, mais elle a dû suivre le programme d’IA axé sur l’obstétrique et les rotations chirurgicales médicales pendant 16 autres mois pour devenir une IA.

[88] On lui a refusé une indemnité de formation pour son accréditation d’IAA parce que le SCC avait soutenu que les deux accréditations étaient au même niveau; par conséquent, aucun des deux ne correspondait à un diplôme d’études supérieures par rapport à l’autre.

[89] Le président suppléant de la CRTFP a fait remarquer que la version française de la convention collective (aussi officielle, conformément à l’article 3 de la convention) était beaucoup plus claire que la version anglaise, comme suit à la page 9 :

La question est de savoir si la formation de R.P.N. de la fonctionnaire constitue une « formation en sciences infirmières » ou une « instruction post-scolaire en sciences infirmières » au sens de l’alinéa B. L’employeur soutient que la formation doit non seulement être en sciences infirmières, mais qu’elle doit également être postscolaire. La fonctionnaire maintient pour sa part qu’elle peut être l’un ou l’autre.

L’esprit dans lequel les parties ont rédigé l’alinéa B devient très clair lorsqu’on lit la version française : Lorsque les éléments suivants de formation en sciences infirmières ou d’instruction post-scolaire en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions.

Dans la version française, le terme « post-scolaire » ne qualifie pas toute la formation en sciences infirmières mais figure dans le libellé à titre d’élément qui doit être pris en considération […]

 

[90] La décision Gervais a conclu que même si le programme d’IAA était au même niveau et n’était pas considéré comme un « diplôme d’instruction post-scolaire » au programme d’IA, les 16 mois de formation supplémentaires étaient séparés et, par conséquent, justifiaient une indemnité de formation. On peut lire ceci à la page 10 :

[…] La formation de la fonctionnaire en soins infirmiers psychiatriques consistait en une formation de 16 mois qui n’était pas considérée comme remplissant les conditions du certificat R.N. Comme la fonctionnaire a produit une preuve du titre qu’elle détient en soins infirmiers psychiatriques, elle a prouvé par conséquent qu’elle possède ce que, en Colombie-Britannique, on considère comme une année de formation distincte en psychiatrie en sus du certificat de R.N. Elle a donc droit à l’indemnité de formation prévue au sous-alinéa Bb), qui est de 475 $.

 

[91] La présidente suppléante a distingué l’affaire dont elle était saisie et la question exposée dans Bainbridge comme suit :

L’arbitre Young n’avait pas à déterminer si la formation en sciences infirmières devait être postscolaire par rapport au titre de R.N. de base, et je ne considère pas que son observation suivante a pour effet de trancher la question en litige ici : Il doit s’agir d’une formation ou d’une instruction postscolaires en sciences infirmières, que l’employée doit ensuite utiliser dans l’exercice de ses fonctions d’infirmière, aux fins du droit à l’indemnité. Ce qu’il devait déterminer, c’était de savoir si le baccalauréat en éducation constituait une formation en sciences infirmières, et il a conclu par la négative […]

 

3. La décision Krenus (2003)

[92] Cinq ans plus tard, la décision Krenus c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 62, traitait avec une fonctionnaire s’estimant lésée embauchée au SCC et possédant deux accréditations en tant qu’IAA et IA. On ne lui a pas donné d’indemnité de formation au début, mais à la suite de Gervais, elle a déposé un grief et a reçu son indemnité rétroactivement au début de son embauche.

[93] Elle était également titulaire d’un baccalauréat en sciences infirmières et elle a demandé si une indemnité pour chaque « cours d’une année universitaire » conformément à l’alinéa B(c) de l’appendice B (tel qu’il était à l’époque) voulait dire qu’elle pouvait recevoir une indemnité à mesure qu’elle terminait chaque segment de ses études (habituellement appelé cours). Ses gestionnaires ont dit qu’il faudrait attendre qu’elle ait terminé son diplôme. La CRTFP était d’accord et a rejeté son grief, concluant que l’indemnité ne serait payable qu’à la fin de son diplôme.

[94] Cependant, il n’était pas contesté dans Krenus que les trois années d’université menant au diplôme ne seraient pas admissibles pour l’indemnité une fois terminées :

[28] Il est plus raisonnable d’interpréter cette disposition en se disant qu’elle est censée récompenser les fonctionnaires qui ont obtenu un titre professionnel additionnel, comme d’ailleurs les autres dispositions du paragraphe B. Dans le cas de l’alinéa Bc), ce seraient des cours universitaires d’une année, autrement dit des programmes menant à un certificat ou un diplôme dans un des domaines figurant à l’Appendice « B ». Des programmes comme ceux-là pourraient comprendre plusieurs « cours » universitaires individuels.

[29] Cette interprétation est plus compatible avec les indemnités croissantes et avec la nature des autres types de formation et d’études pour lesquelles elles sont versées.

 

4. La décision Sumaling (2005)

[95] Cette décision liée au SCC cadre parfaitement avec le grief dont je suis saisie. Elle donne une interprétation de l’appendice B dans le contexte d’une situation de fait pratiquement identique et traite des mêmes arguments que ceux que l’employeur a présentés dans la présente affaire. Elle a été rendue deux ans avant que la fonctionnaire commence à travailler au SCC.

a. Un diplôme antérieur en psychologie correspond à une éducation en sciences infirmières; le « troisième cycle » n’est inclus que dans ce qui doit être pris en considération

[96] Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Sumaling travaillait au Centre régional de traitement de l’Établissement du Pacifique du SCC à Abbotsford (Colombie-Britannique), un établissement pour les détenus atteints de maladies mentales et de problèmes de comportement. Il était un IAA et avait déjà obtenu un B. Sc. en psychologie. (La fonctionnaire dans le présent cas est une IA qui avait déjà obtenu un baccalauréat ès arts en psychologie. L’appendice B ne fait aucune distinction entre les deux accréditations de soins infirmiers (IA/IAA) ou entre les deux baccalauréats (B. Sc./baccalauréat ès arts) aux fins d’une indemnité de formation.)

[97] Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Sumaling a demandé une indemnité de formation pour trois années universitaires conformément au paragraphe B(c)(iii) de l’appendice B (tel qu’il était à l’époque), mais s’est plutôt vu accorder le montant inférieur qui s’appliquait à un cours spécialisé reconnu de trois à six mois. L’arbitre de grief a demandé des arguments sur les interprétations des versions française et anglaise de l’appendice B, a examiné la jurisprudence antérieure et a conclu ce qui suit :

[20] Cet examen des décisions antérieures me permet de conclure que l’expression « formation en sciences infirmières ou instruction postscolaire en sciences infirmières » désigne la formation ou les études qui ont été suivies avant les études ou la formation en sciences infirmières qui constituent l’élément principal du poste du fonctionnaire. Dans la décision Gervais, supra, on a déterminé que la formation en soins infirmiers psychiatriques justifie une indemnité pour une infirmière autorisée, même si la formation psychiatrique a eu lieu avant la formation à titre d’infirmière autorisée. Quant à l’interprétation du terme « postscolaire », je conclus que l’approche adoptée dans la décision Gervais, supra, est le seul moyen de concilier les versions française et anglaise du préambule du paragraphe B. Ainsi, le terme « postscolaire » ne qualifie pas toute la formation ou les études en sciences infirmières mais « figure dans le libellé à titre d’élément qui doit être pris en considération ». Le critère consiste à déterminer si le fonctionnaire a acquis une formation spécifique en sciences infirmières, comme on l’explique dans la décision Bainbridge, supra.

 

b. La santé mentale en tant que domaine d’étude comprend la psychologie

[98] L’arbitre de grief a également fait remarquer que pour satisfaire aux exigences, l’éducation du fonctionnaire s’estimant lésé devait également se faire dans l’un des domaines d’études énumérés au paragraphe B(c)(i) de l’appendice B, à propos duquel il a dit ceci :

[38] L’un des domaines d’étude figurant dans la liste est la « santé mentale ». Puisque l’Appendice « B » prévoit les indemnités pour les infirmiers et les infirmières et que le fonctionnaire s’estimant lésé est un infirmier psychiatrique, j’estime raisonnable de conclure que le domaine de la santé mentale vise, entre autres, les soins infirmiers psychiatriques. La définition fournie ci-dessus décrit la psychologie comme étant une science qui s’intéresse aux processus mentaux, normaux et anormaux, et à leurs manifestations sur le comportement. Je crois qu’il est également raisonnable de conclure que les études en psychologie sont des études en santé mentale. Cette dernière expression est suffisamment vaste pour y inclure la psychologie.

 

c. Des études supplémentaires devraient entraîner une indemnité de formation supérieure

[99] Enfin, aux paragraphes 39 à 45, l’arbitre de grief s’est penché sur le résultat absurde auquel l’interprétation de l’employeur mènerait, indiquant au paragraphe 41 que l’approche « […] porte préjudice au concept général des indemnités de formation ». Il a alors conclu comme suit, aux paragraphes 44 et 45 :

[44] […] l’objectif consiste à interpréter le texte d’une manière qui soit conforme à la convention dans son ensemble […] lorsqu’un fonctionnaire obtient, au mieux, une reconnaissance minimale pour un diplôme obtenu après avoir suivi de nombreux cours universitaires, comparativement à un certificat résultant d’un cours universitaire d’une année, le résultat porte atteinte à l’un des éléments les plus importants des indemnités de formation. Par ailleurs, la conclusion selon laquelle un diplôme (ou autre certificat ou titre) obtenu après plusieurs cours est équivalent à « trois cours universitaires d’une année » est conforme au principe selon lequel les indemnités augmentent en fonction du niveau de scolarité.

[45] Je conclus que le paragraphe B doit être interprété tel qu’il a été rédigé et selon la décision Krenus, supra. Par conséquent, lorsqu’un fonctionnaire a suivi trois cours universitaires d’une année et a obtenu le titre (diplôme ou certificat) qui correspond à ces cours, il a droit à l’indemnité prévue au sous-alinéa Bc)(iii).

 

B. L’appendice B est mal libellé, mais il a déjà été interprété

[100] Ce n’est pas parce que l’employeur insiste sur le fait que le libellé de l’appendice B est clair et sans ambiguïté qu’il l’est. En effet, c’est un argument cynique à faire par l’employeur, compte tenu de son incapacité sur une période extrêmement longue à produire l’interprétation promise de celle-ci. En outre, c’est la quatrième fois que le SCC demande à la Commission d’interpréter l’appendice B. Dans ce contexte, il n’y a guère de sens à affirmer que le libellé est clair et sans ambiguïté. En fait, l’appendice B est ambigu ou du moins libellé de façon très maladroite. Cependant, le point saillant est qu’elle a déjà été interprétée. J’ai peu à ajouter à l’interprétation de l’appendice B qui n’a pas déjà été dit dans les cas précédents.

[101] Par conséquent, j’adopte le commentaire tiré de Bainbridge mentionné plus tôt : « L’indemnité est offerte aux infirmières qui ont acquis une formation spécifique en matière de sciences infirmières se rapportant à leur travail et qu’elles mettront ensuite à profit en accomplissant précisément ces tâches rattachées à certains postes. » Cela a déjà été appliqué dans les décisions Gervais et Sumaling, cette dernière portant sur un diplôme en psychologie dans un milieu correctionnel.

[102] Je souscris à l’opinion formulée dans Sumaling selon laquelle un baccalauréat en sciences infirmières est inclus dans la liste de ce qui est décrit comme « […] formation ou […] instruction postscolaire en sciences infirmières […] », et puisqu’il attire la deuxième plus grande indemnité de formation, le terme « post-scolaire » doit avoir un sens plus large que son sens typique d’un diplôme universitaire de niveau supérieur après un diplôme universitaire de premier cycle.

[103] Je suis également d’avis que l’interprétation du terme « diplôme d’études supérieures » comme limitant l’admissibilité à un diplôme obtenu après un diplôme plutôt qu’avant celui-ci n’est pas une interprétation rationnelle.

[104] Je suis d’accord avec les décisions Gervais et Sumaling pour dire que les versions française et anglaise de la convention collective offrent plusieurs interprétations possibles et contradictoires du terme « post-scolaire ». La seule façon de les réconcilier est d’accepter que le terme ne fût pas destiné à qualifier strictement la formation en sciences infirmières et en sciences infirmières, mais plutôt qu’il « […] figure à titre d’élément qui doit être pris en considération ».

[105] Je note également que M. Simon a témoigné que, à son avis, un diplôme d’études postscolaires dans ce contexte signifiait toute éducation reçue après l’école secondaire. Cela pourrait être perçu comme étant conforme au terme utilisé dans la version française – post-scolaire.

[106] Je suis d’accord avec les décisions Krenus et Sumaling pour dire qu’en dépit de l’utilisation maladroite du terme « cours » pour désigner les années universitaires, trois années d’études universitaires menant à un diplôme ou un certificat pertinent donnent droit à un infirmier ou une infirmière à une indemnité de formation.

[107] Je suis d’accord avec Sumaling pour dire que l’interprétation de l’alinéa c) de l’appendice B, de sorte qu’un cours universitaire d’un an attire une indemnité de formation et qu’un diplôme de quatre ans ne le fait pas, porte préjudice au concept général des indemnités de formation et à la structure de l’appendice B, qui était clairement destiné à offrir des indemnités pour des études supplémentaires.

[108] Et je suis d’accord avec Sumaling pour dire que le terme général « santé mentale » comprend évidemment la psychologie.

[109] Dans Georgian College of Applied Arts & Technology v. O.P.S.E.U. (1997), 59 L.A.C. (4e) 129, le conseil d’arbitrage a traité d’une situation similaire, dans laquelle une jurisprudence antérieure avait déjà tranché les questions. À la page 135, il s’est exprimé comme suit:

[Traduction]

Donc, deux conseils d’arbitrage de différends différents ont conclu que la « durée du service » aux fins du calcul de l’ancienneté conformément à l’article 14.3 correspond à la période totale à partir de la date d’embauche de l’employé, même à temps partiel. À part tout le reste, il s’agit d’une lecture des deux autres conseils du libellé contractuel formulé de façon pratiquement identique et ayant exactement le même sens en ce qui concerne ce que l’article 11.1 contient […]

Bien que nous ne soyons pas liés par l’interprétation faite par les deux conseils, nous ne devrions pas être en désaccord à moins d’être convaincus qu’ils se sont trompés. Au contraire, nous sommes d’accord avec eux.

 

[110] Il en va de même dans le présent cas. Le prédécesseur de la Commission a déjà interprété le libellé de l’appendice B. Même si la Commission n’est pas strictement liée par les décisions antérieures, l’employeur n’a pas tenté sérieusement de les distinguer ou de faire valoir qu’elles étaient fausses et qu’elles ne devraient pas être suivies. Le fait de répéter simplement les mêmes arguments semble être un exercice inutile pour toutes les parties intéressées.

[111] Cela est particulièrement vrai étant donné que le libellé du préambule a été modifié dans la convention collective qui a été signée après ces événements. Il n’est pas déraisonnable de présumer que les changements ont eu lieu en raison des décisions de la CRTFP; ils sont certainement en accord avec elles. Les changements semblent éliminer la plupart des ambiguïtés, du moins celles du préambule, de sorte que l’appendice B transmet maintenant de façon plus précise l’interprétation de la Commission et la pratique réelle de l’employeur. Le préambule actuel se lit maintenant comme suit : « En tant qu’infirmière autorisée, pour qui les éléments suivants de formation en sciences infirmières sont utilisés dans l’exercice de leurs fonctions […] ».

[112] Le nouveau libellé en anglais élimine le terme problématique « postscolaire » et le remplace par le terme « supplémentaire ». Il semble clair, dans ce libellé, que l’instruction « supplémentaire » en sciences infirmières n’a pas besoin d’être un diplôme postscolaire au sens traditionnel du terme et qu’il pourrait être acquis avant ou après un diplôme en sciences infirmières. De plus, la distinction désuète entre la « formation en sciences infirmières » et l’« instruction en sciences infirmières » a été éliminée, et seul le terme plus général demeure.

[113] Encore une fois, il semble inutile pour l’employeur de présenter les mêmes arguments qui ont déjà été rejetés, mais c’est particulièrement le cas en ce qui concerne le libellé historique qui n’existe plus. Il a été modifié il y a des années, apparemment conformément aux décisions de l’ancienne Commission.

C. La pertinence du diplôme de la fonctionnaire pour son emploi

[114] La fonctionnaire n’est pas titulaire d’un diplôme « général », comme le croit l’employeur. Elle est titulaire d’un baccalauréat en psychologie, avec une mineure en sociologie et un accent sur la criminologie. Il est difficile d’imaginer un diplôme plus pertinent pour le travail d’une infirmière qui travaille dans un milieu correctionnel.

[115] Et il est très facile d’établir une distinction entre un diplôme utilisé dans le cadre de son travail et un autre qui ne l’est pas. L’employeur accepte clairement que la fonctionnaire utilise son diplôme dans le cadre de son travail et qu’elle l’a toujours fait, comme à plusieurs reprises, elle lui a donné une indemnité de formation pour le faire, y compris lorsqu’elle était infirmière d’étage.

[116] Rien dans l’appendice B ne permet de classer les montants des indemnités en fonction de rien d’autre que le nombre d’années d’études, jusqu’à un maximum de trois. Pourquoi l’employeur lui a-t-il versé 1 650 $ et ensuite 2 200 $ pour un diplôme qui, comme il le soutient maintenant, ne satisfait pas aux exigences d’une indemnité de formation? Si l’employeur avait vraiment pensé que son diplôme n’était pas admissible parce qu’il n’était pas un « postscolaire », « de formation ou d’instruction en sciences infirmières », ou dans un domaine d’études acceptable, alors elle n’aurait rien reçu.

[117] Le témoignage fourni par la fonctionnaire et deux de ses gestionnaires a expliqué que son diplôme lui permet de mieux comprendre ses clients ainsi que les questions de santé mentale et les facteurs sociaux avec lesquels ils éprouvent des difficultés, que ses études sont mises à profit tous les jours dans pratiquement tous les aspects de son emploi actuel en tant qu’infirmière en santé mentale et qu’il serait pertinent et utile pour toute infirmière qui travaille dans les services correctionnels.

[118] La fonctionnaire a obtenu le portefeuille de la santé mentale à l’EEF en raison de ses connaissances reconnues des questions de santé mentale, qu’elle a acquises en étudiant pour son diplôme en psychologie. Elle a été recrutée et embauchée à l’Établissement d’Edmonton et au Bureau d’Edmonton en raison de ses connaissances et de son expertise en santé mentale. Lorsqu’on lui a demandé ce qui était intéressant dans le curriculum vitae de la fonctionnaire, M. Mackenzie a répondu qu’il s’agissait de son expérience en santé mentale et qu’il s’agissait [traduction] « évidemment d’un baccalauréat ès arts en psychologie ». M. Simon et M. Mackenzie ont tous deux témoigné que l’employeur cherche expressément des candidats ayant ce genre d’études supplémentaires. Il est utilisé comme outil de présélection pour trouver des candidats qualifiés. Il est important aux fins de recrutement et de maintien en poste.

[119] Le témoignage a révélé que, selon la pratique normale de l’employeur, toute infirmière qui fait des études supplémentaires, qu’il s’agisse d’études postscolaires selon tous les sens du terme et qu’elles soient acquises avant ou après un diplôme d’infirmière, reçoit une indemnité tant que l’éducation est pertinente au rôle et ajoute de la valeur au rendement dans le poste. M. Simon a dit que tout ce qui a trait à la santé mentale est toujours considéré comme pertinent pour le travail. L’employeur applique généralement l’indemnité de façon proactive dans la lettre d’offre. Comme l’a expliqué M. Simon, lorsqu’un nouvel infirmier ou une nouvelle infirmière commence [traduction] « nous l’examinons toujours ». L’employeur n’a pas expliqué pourquoi cette fonctionnaire a subi un traitement différent.

[120] La fonctionnaire a reçu une indemnité à l’EEF, même si elle était considérablement réduite, alors qu’elle occupait un poste d’« infirmière d’étage ». Lorsque le poste en santé mentale, parfois actif, parfois inactif, a été éliminé en raison d’un manque de financement, les responsabilités en matière de santé mentale de la fonctionnaire ont été réaffectées à l’ensemble du personnel infirmier. Cela indique très clairement, tout comme la description de travail, que la gestion de troubles de santé mentale est une partie fréquente, attendue et importante d’un poste d’infirmière d’étage, ainsi qu’un poste d’infirmière en santé mentale.

[121] En effet, les diplômes en psychologie ont également été reconnus comme étant pertinents pour les postes de soins infirmiers à l’extérieur de l’environnement correctionnel. Voir, par exemple la décision St. Boniface General Hospital v. St. Boniface Nurses, MONA Local 5, [1991] M.G.A.D. No. 51 (QL), dans laquelle le conseil d’arbitrage a commenté comme suit la mesure dans laquelle les aspects psychosociaux des soins sont maintenant intégrés dans les exigences standard de la profession d’infirmière :

[Traduction]

Les cours de psychologie qu’elle a suivis lui ont été très utiles dans l’exercice de ses fonctions prévues par la Loi, qui tenait compte de nombreux aspects autres que les simples soins physiques. On a fait référence aux normes de soins infirmiers établies par la Manitoba Association of Registered Nurses « […] que l’infirmière autorisée devait « effectuer des interventions en soins infirmiers pour modifier le fonctionnement émotionnel, professionnel ou social de la personne ». Une infirmière devait atténuer les préoccupations d’un patient au sujet de sa santé et l’un des critères était « les problèmes de santé, y compris les problèmes physiologiques, psychologiques et éducatifs ». Il peut suffire de dire que [les normes de soins infirmiers] font référence d’un bout à l’autre, non seulement aux considérations physiques ou aux besoins, mais aussi aux considérations psychologiques et sociales […]

 

VI. Respect des délais et rétroactivité de la réparation

[122] L’employeur a maintenu son objection au respect des délais tout au long de l’audience, bien qu’il n’ait déposé aucune preuve, contesté le témoignage de la fonctionnaire ou même expliqué le fondement de sa position. Il a retiré l’objection seulement dans ses arguments de clôture, estimant qu’il s’agissait d’un grief continu, qu’il pouvait être déposé à chaque nouvelle violation, et qu’il respectait donc les délais, mais que toute réparation devrait être limitée à la période de 25 jours précédant le grief, en se fondant sur le principe énoncé dans Coallier.

[123] Pour sa part, l’agent négociateur a soutenu qu’une réparation juste et raisonnable devrait commencer la première journée de travail de la fonctionnaire à l’EEF en 2007 ou, subsidiairement, commencer au moins par sa mutation à l’Établissement d’Edmonton le 29 novembre 2010.

[124] Je suis d’accord avec le fait qu’il s’agit d’un grief continu, en ce sens que l’indemnité de formation est payée ou non sur chaque chèque de paye, mais je ne suis pas d’accord pour dire que c’est la seule raison pour laquelle il respecte les délais.

[125] Tout d’abord, j’accepte les arguments de la fonctionnaire selon lesquels elle a soulevé cette question auprès de l’employeur quelques jours après avoir remarqué que l’indemnité ne se trouvait plus sur son chèque de paye au Bureau d’Edmonton, que des discussions, certaines dont elle avait eu connaissance, avaient lieu à ce sujet depuis 2011, qu’on lui avait dit à plusieurs reprises que la question serait réglée et qu’on lui avait demandé de ne pas déposer de grief. Elle a compté sur tous ces événements à son détriment. Si l’employeur n’avait pas retiré son objection sur le respect des délais, j’aurais conclu qu’il était préclus de soulever un argument sur le respect des délais.

[126] Deuxièmement, l’employeur a rejeté le grief au deuxième pallier parce qu’il était prématuré. Un grief ne peut pas être prématuré et hors délai en même temps.

[127] Troisièmement, j’accepte plutôt les arguments de la fonctionnaire selon lesquels elle avait des raisons claires et convaincantes de retarder le dépôt d’un grief et qu’elle ait fait preuve de diligence raisonnable en soulevant régulièrement l’affaire et qu’elle satisfaisait ainsi aux critères énoncés dans Schenkman. Par conséquent, si j’avais conclu que le grief est hors délai, j’aurais accordé la prorogation de délai demandée pour le déposer.

[128] Je conclus que le grief respectait les délais pour ces raisons également, et pas seulement parce qu’il s’agit d’un grief continu. Cela dit, je répondrai à l’argument de l’employeur en disant que même si un grief continu peut être déposé après chaque infraction, toute réparation, devrait être restreinte au délai pendant lequel un grief pourrait être déposé en respectant les délais relativement à la dernière violation, ce qui, dans le présent cas, correspond à 25 jours.

A. Le principe Coallier

[129] L’objectif du principe Coallier est de veiller à ce que les parties ne s’assoient pas sur leurs droits pendant de longues périodes et de surprendre la partie adverse en lui imposant une responsabilité importante pour les sommes dues. La façon dont il a été utilisé en l’espèce me semble contraire à son but. Il a été utilisé comme une épée, et une épée dégainée par surprise à ce sujet, et pas comme un bouclier contre une responsabilité déraisonnable. L’employeur n’a présenté aucun argument afin d’expliquer pourquoi il serait approprié de l’appliquer dans le présent cas. Le principe « Coallier » a été lancé à la dernière minute en tant que principe d’une règle de droit immuable qui devrait simplement s’appliquer sans conteste.

[130] À mon avis, l’employeur ne se présente pas devant la Commission avec une attitude irréprochable. Il a choisi de ne fournir aucune information, aucune explication pour son traitement de la fonctionnaire au fil des ans. Il a simplement fait valoir l’argument fallacieux selon lequel le grief n’était qu’une affaire d’interprétation du libellé ordinaire de la convention collective, tout en ignorant la jurisprudence qui avait déjà interprété ce libellé.

[131] Je note en outre que les faits de ce cas sont similaires à plusieurs égards aux faits décrits dans Macri c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), dossier de la CRTFP no 166-02-15319 (19871016) (confirmé dans Canada (Conseil du Trésor) c. Macri, [1988] A.C.F. no 581 (C.A.) (QL)). Dans Macri, l’employeur a fait savoir à la fonctionnaire que les fonctions d’une classification supérieure qu’elle avait accomplies seraient reconnues. Elle ne pensait pas qu’elle devait déposer un grief pour faire reconnaître que la direction était d’accord avec le fait qu’elle aurait dû le faire. La décision Macri a formulé les observations suivantes sur l’applicabilité du principe Coallier dans ces circonstances :

51 Je dois dire que des situations telles que celle-ci sont particulièrement troublantes. On ne devrait pas attendre deux ou trois ans et la présentation d’un grief pour répondre à une demande de reclassification, si inhabituelle soit-elle. S’il existe maintenant quelque doute au sujet du niveau réel auquel Mme Macri a travaillé pendant trois ans, l’employeur ne doit s’en prendre qu’à lui-même. L’employée s’estimant lésée était de toute évidence découragée et troublée par les événements qui se sont produits et par suite du fait qu’elle a dû présenter un grief pour obtenir quelque chose qui, croyait-elle, lui avait été offert longtemps auparavant comme stimulant. Son rendement était de beaucoup supérieur à ce qu’on attendait d’elle. Il faut espérer que son désenchantement n’entraînera pas pour la Fonction publique la perte du genre d’employés que celle-ci devrait s’efforcer de garder à son service.

52 Il n’a pas été fait mention devant moi de la recevabilité du grief ou de la question de savoir si Mme Macri pouvait chercher à demander une rémunération provisoire pour une période précédant de plus de vingt‑cinq jours la date de la présentation de son grief. Cette question aurait pu sembler pertinente, compte tenu du jugement rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Coallier (dossier de la Cour A-405-83; dossier de la Commission 166-8-13465) et de la clause 39.10 de la convention collective no 503/82. Toutefois, je ne crois pas que le jugement rendu dans l’affaire Coallier empêche Mme Macri de présenter une demande, et ce, pour les motifs suivants.

53 Premièrement, les deux parties ont convenu que la question de la classification du poste occupé par Mme Macri était à l’étude et avait été à l’étude depuis un certain temps. Ce travail n’était pas terminé, mais l’employée s’estimant lésée n’avait rien à y voir. Deuxièmement, l’employeur a déjà admis qu’il était prêt à rémunérer Mme Macri au niveau AS‑1 avec effet rétroactif au mois d’août 1982. L’employeur croyait que le niveau AS‑1 était suffisamment élevé, mais on n’a pas laissé entendre que quelque autre niveau que je pourrais juger plus opportun ne devrait pas s’appliquer à la période en question (dans la mesure, bien sûr, où il existe suffisamment de faits à l’appui d’une telle conclusion). Troisièmement, Mme Macri a finalement exigé une réponse en mars 1985. Son supérieur a alors laissé entendre, semble‑t‑il, que sa cause n’était pas aussi bonne qu’on lui avait antérieurement laissé croire. Dans les quinze jours ouvrables qui ont suivi, elle a présenté un grief. Je crois que l’employée s’estimant lésée a agi raisonnablement et dans les délais où elle pouvait le faire, puisque ce n’est que le 14 mars 1985 qu’on lui a donné une réponse pouvant la porter à croire qu’elle avait peut‑être raison de se sentir lésée.

 

[132] Dans le présent cas, la fonctionnaire a bénéficié du plein appui de la direction régionale. M. Kosof a déclaré par écrit qu’elle avait droit à son indemnité de formation complète à partir de sa date de début à l’Établissement d’Edmonton, le 29 novembre 2010. Pour sa part, Mme Allchurch a mentionné à plusieurs reprises qu’il semblait qu’elle aurait dû recevoir l’indemnité supérieure dès le début de son embauche à l’EEF.

[133] Pendant plus de deux ans, on lui a dit que sa situation serait résolue dès que l’Administration centrale aurait donné son interprétation promise. M. Mackenzie a clairement indiqué que l’exclusion de l’indemnité de formation dans la lettre d’offre de la fonctionnaire au Bureau d’Edmonton était strictement temporaire et que sa lettre d’offre serait finalement modifiée pour l’inclure. La rétroactivité à sa date de début a été présumée.

[134] Mme Thompson a tenté de mobiliser des niveaux supérieurs de gestion pour faire avancer l’affaire et Mme Kesslering a également posé des questions. M. Mackenzie et Mme Thompson ont décidé ensemble de demander à la fonctionnaire de retarder le dépôt de son grief tellement ils étaient sûrs que l’affaire serait réglée de façon appropriée. Les spécialistes des RH et les conseillers rémunération ont présenté à plusieurs reprises des excuses à la fonctionnaire pour le retard inexplicable et ont indiqué qu’ils mettraient en œuvre son indemnité immédiatement après avoir reçu le mot de l’administration centrale. La fonctionnaire avait toutes les raisons de croire que l’on travaillait sur son dossier et que son indemnité serait réintégrée rétroactivement au niveau approprié.

[135] Dans Baker c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 34, l’ancienne Commission s’est penchée sur la question de savoir si le principe Coallier devait être appliqué pour restreindre la réparation et a déterminé qu’il devrait l’être, puisqu’il n’y avait aucune preuve dans ce cas que l’employeur avait retardé la procédure de grief. Cependant, la Commission a dit ceci au sujet de la notion d’application automatique du principe à tout grief continu :

18 […] Je note aussi que, dans la décision Macri c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15319 (19871016) (confirmée par Canada (Conseil du Trésor) c. Macri, [1988] A.C.F. no 581 (C.A.F.) (QL), on n’a pas suivi la règle générale énoncée dans Coallier, et ce, au motif qu’une limitation stricte de 20 jours pour obtenir un redressement inciterait un employeur à retarder la procédure de règlement du grief. Je conviens qu’il y avait là des préoccupations en matière de politique, mais rien n’indique que cela soit le cas dans l’affaire qui nous occupe.

19 En résumé, lorsqu’il y a grief continu en vertu de la convention collective, il ne peut pas y avoir de problème de respect des délais par suite du dépôt tardif du grief. Toutefois, tout redressement sollicité eu égard à ce grief se limite à la période de 25 jours précédant la présentation du grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs individuels. Je conviens avec l’agent négociateur que cette approche décidément technique ne devrait pas être appliquée à l’extrême. Par exemple, des situations où il y a renonciation, préclusion ou d’autres considérations équitables peuvent nécessiter que l’on dévie de cette approche (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 161-02-703 (19931220) et St. Raphael’s Nursing Home Ltd. v. London and District Service Workers’ Union, Local 220 (1985), 18 L.A.C. (3e) 430).

[Je mets en évidence]

 

[136] Cette analyse a été adoptée et appliquée par la Commission dans Campbell c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 42, qui, comme Baker, a également appliqué le principe Coallier pour restreindre la réparation au motif qu’il n’y avait pas de preuve dans ce cas pour suggérer que l’employeur avait retardé le processus de grief afin de réduire au minimum les dommages possibles.

[137] Dans Barbour c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2018 CRTESPF 80, la Commission a traité d’une question de répartition équitable des heures supplémentaires. L’employeur avait dit aux fonctionnaires s’estimant lésés qu’il examinait la question et ne leur avait pas fourni les renseignements nécessaires sur la répartition des heures supplémentaires. La Commission a noté que :

113 L’employeur avait les renseignements et aurait dû les fournir aux fonctionnaires. Il ne pouvait pas se présenter devant la Commission et se cacher derrière un argument sur les délais alors que c’est son inaction qui a causé le retard.

 

[138] Dans Roy c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 49, la Commission a noté que les faits dont elle était saisie étaient très différents de ceux exposés dans Coallier. Comme c’est le cas en l’espèce, les fonctionnaires s’estimant lésés dans Roy s’attendaient à ce que leurs indemnités d’instructeurs soient payées parce qu’elles l’avaient été dans le passé et parce que leur superviseur examinait l’affaire. La Commission a noté que :

84 Dans la décision Coallier, la Cour d’appel fédérale a décidé que l’employé qui avait attendu deux ans pour réclamer le salaire qui lui était dû ne pouvait réclamer l’augmentation qu’à partir des 25 jours précédant son grief, parce que rien ne l’aurait empêché de faire un grief dès le départ. Le témoignage des fonctionnaires, non contredit, est tout autre. M. Bercier avait toujours reçu la prime, il s’attendait encore à la recevoir. Il a laissé entendre à M. Roy qu’elle serait versée. D’après les témoignages des fonctionnaires, leur supérieur immédiat a dit qu’il se renseignerait, laissant entendre que lui aussi s’attendait à ce que la prime soit versée comme auparavant.

85 Il n’était pas illogique d’attendre pour voir comment les choses se règleraient. Cela n’a rien à voir avec l’inaction qu’on constate dans l’affaire Coallier. Dès qu’il a été certain que la prime ne serait pas versée, à la fin de la formation, les fonctionnaires ont déposé leurs griefs.

 

[139] La décision Macri précise également ce qui suit en ce qui concerne le champ d’application du principe Coallier :

54 Si le jugement rendu par la Cour d’appel fédérale est interprété de façon à empêcher Mme Macri ou quelque employé s’estimant lésé de recevoir ce qui lui est apparemment dû pour une période plus longue que les vingt ou vingt‑cinq jours (selon le cas) précédant celui où un grief a été présenté et dans lesquels des mesures doivent être prises, cela entraîne à coup sûr des conséquences malheureuses pour les deux parties. Cela forcera les employés à exiger que la direction ne prenne pas plus de vingt ou vingt‑cinq jours pour prendre des décisions, à défaut de quoi un grief pourra automatiquement être présenté en vue de protéger leurs droits. Cela pourrait nuire à des négociations délicates à un moment tout à fait inopportun. Cela pourrait bien mener à une augmentation inutile du nombre de griefs présentés devant la Commission. D’un autre côté, si le raisonnement adopté dans l’arrêt Coallier est tel que je le crains, la chose incitera l’employeur à retarder sa décision dans l’espoir que l’employé en cause négligera de présenter un grief avant le vingtième ou le vingt‑cinquième jour, de sorte qu’il omettrait ainsi de protéger ses intérêts et ne pourrait plus demander son dû. En d’autres termes, cela inciterait l’employeur à ne pas agir. Un tel résultat serait déraisonnable ou inéquitable.

 

[140] Je suis entièrement d’accord. L’application du principe Coallier à tous les griefs continus, quelles que soient les circonstances, aurait certainement des conséquences malheureuses pour les deux parties, notamment en incitant un employeur à retarder la prise de décisions, délibérément ou non.

[141] L’employeur n’a présenté aucun argument afin d’expliquer pourquoi une telle limite à la réparation serait appropriée dans le présent cas. En règle générale, l’employeur ne devrait certainement pas être exposé à une responsabilité prolongée découlant du fait qu’un fonctionnaire s’estimant lésé est assis sur ses droits et qu’il n’a pas déposé de grief. Cependant, cela ne veut certainement pas dire qu’une réparation rétroactive pour chaque grief continu doit être automatiquement limitée à un délai de 20 ou 25 jours. À mon avis, les circonstances de chaque cas doivent être prises en considération avec soin pour éviter un résultat inconcevable ou inéquitable.

[142] Dans le présent cas, l’employeur a refusé ou négligé d’agir pendant une longue période, a fait à maintes reprises des observations à la fonctionnaire sur lesquelles elle s’appuyait pour dire que le montant de son indemnité serait réglé à temps et lui a demandé expressément de ne pas déposer son grief pendant que l’affaire était éclaircie. La région a fait un suivi auprès de l’Administration centrale une fois par mois pendant plus de deux ans afin de savoir quand l’« interprétation » serait reçue. La fonctionnaire s’est fondée sur les nombreuses déclarations de l’employeur selon lesquelles il travaillait à résoudre l’affaire et a accepté sa demande de ne pas déposer de grief.

[143] Étant donné que l’employeur n’a pas contesté le témoignage de la fonctionnaire ou n’a pas fourni de réponse ou d’explication pour ses actions ou son inaction, je ne peux en déduire que toute information qu’il aurait pu fournir n’aurait pas été utile à son cas. Par conséquent, je conclus, au vu de la preuve dont je dispose, que l’employeur a fait preuve d’aveuglement délibéré, d’inaction, de malfaisance, ou de tout ce qui précède, dans son traitement de la fonctionnaire. Comme l’a dit la Commission dans Barbour :

116 L’employeur ne peut pas se dissimuler derrière son aveuglement volontaire, son inaction, ou sa malfaisance. Les éléments de preuve ont indiqué clairement que les fonctionnaires ont demandé des renseignements en raison de leurs préoccupations. Seul l’employeur aurait pu les fournir.

 

[144] Compte tenu de toutes ces circonstances, le fait de limiter la réparation rétroactive de la fonctionnaire aux 25 jours précédant son grief constituerait clairement un résultat inconcevable et inéquitable.

B. Jusqu’où la réparation devrait-elle remonter?

[145] Par conséquent, je ne limiterai pas la réparation de la fonctionnaire aux 25 jours précédant le dépôt de son grief. Toutefois, étant donné les années qui se sont écoulées depuis que l’erreur initiale a été commise dans la détermination du montant de son indemnité de formation, je vais maintenant me pencher sur la question de savoir si la réparation de la fonctionnaire devrait être limitée dans une certaine mesure.

[146] Il semble qu’au cours de ses premières années au SCC, l’indemnité de la formation de la fonctionnaire a été accordée à la demande de ses superviseurs. Tout d’abord, son superviseur de l’EEF a dit : [traduction] « Faisons-le, tout simplement » (1 650 $). Puis, M. Bossin à l’Établissement d’Edmonton a dit : [traduction] « Répartissons seulement la différence » (2 200 $).

[147] Son successeur, M. Kosof, a déclaré qu’elle avait droit au montant total de 2 750 $, mais seulement à la date de début à l’Établissement d’Edmonton, pour [traduction] « garder les choses simples ». Il ne semble pas qu’il ait cherché à obtenir des renseignements sur ses fonctions à l’EEF ou qu’il ait consulté la description de travail de l’infirmière d’étage avant d’informer les RH que ses études n’ont pas été utilisées dans son travail là-bas. Il a dit : [traduction] « […] je crois comprendre que le montant pour études supérieures est entré en vigueur lorsque Amanda Peterman a commencé à travailler comme infirmière en santé mentale [le passage en évidence l’est dans l’original]. » Et il ne s’est pas penché non plus sur le fait qu’elle avait reçu une indemnité à l’EEF et qu’elle devait, par conséquent, avoir utilisé ses études dans son travail là-bas. En outre, il n’a pas vraiment tenu compte de la question soulevée à plusieurs reprises par les spécialistes des RH, à savoir qu’il semblait qu’une erreur avait été commise au point d’embauche.

[148] Ce qui ressort de la preuve est une tendance de trois superviseurs, qui ont tous fait des recommandations arbitraires fondées sur des renseignements incomplets, des hypothèses et des erreurs de lecture de la convention collective. Aucun d’entre eux ne semblait connaître la pratique de l’employeur telle que décrite par M. Simon, et aucun n’a accordé à l’affaire l’attention qu’elle méritait. Dans chaque cas, la fonctionnaire a décrit une « discussion » avec son superviseur qui s’est terminée par son consentement à la somme que le superviseur lui avait suggérée.

[149] Une convention collective ne doit pas être interprétée et appliquée par une « discussion » entre un superviseur et un fonctionnaire suivie de l’acquiescement du fonctionnaire. Il s’agit de négocier avec un fonctionnaire et, comme demander à un fonctionnaire de retarder le dépôt d’un grief, c’est une pratique du travail injuste.

[150] Il incombe avant tout à l’employeur de mettre en place des systèmes adéquats et d’assurer la transparence et l’efficacité de ces systèmes en veillant à ce que les personnes chargées de son administration soient dûment instruites, afin de donner un effet complet à la convention collective (voir Royal Ottawa Health Care Group v. OPSEU (Kwizera), 2015 CarswellOnt 18458; Royal Ottawa Hospital v. ONA (1990), 19 C.L.A.S. 553; Haldimand-Norfolk (Regional Municipality) v. Health, Office & Professional Employees, Local 175, 1991 CarswellOnt 6501).

[151] Dans Schlegel Villages v. SEIU, Local 1 (2015), 259 L.A.C. (4e) 225, au par. 39, l’arbitre a fait des commentaires sur l’affirmation de la Cour suprême du Canada au paragraphe 63 de l’arrêt Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71 :

[Traduction]

39 La Cour suprême du Canada a reconnu […] le principe accepté depuis longtemps dans le droit du travail que : « les parties doivent, de façon générale, exécuter leurs obligations contractuelles de manière honnête et raisonnable, et non de façon abusive ou arbitraire » (selon le juge Cromwell dans l’arrêt Bhasin c. Hrynew, supra, au par. 63) […]

 

[152] L’arbitre dans Canadian Pacific Forest Products v. IWA-Canada, Local 1-85, 1991 CarswellBC 2612, a conclu qu’un long défaut d’inclure les primes dans le taux d’emploi aux fins de la paye des jours fériés n’était pas une affaire d’interprétation, mais une erreur administrative prolongée. Lorsqu’il a été porté à son attention, l’employeur a corrigé le problème de façon prospective, mais la question de rétroactivité est demeurée. Au paragraphe 13, la décision indique ce qui suit :

[Traduction]

13 Je suis d’accord avec l’arbitre dans la décision B.C. Forest Products Limited (Hammond Division) pour dire que la responsabilité initiale de l’adhésion aux modalités de la convention collective — en particulier ceux concernant le calcul des gains des employés — incombe à l’employeur. En ramenant cette noble proposition sur terre, l’obligation qui incombe à l’employeur […] est de mettre en place les systèmes nécessaires pour donner une idée complète au contenu substantiel de l’accord, et de veiller à ce que les personnes chargées de l’administration quotidienne de la convention soient dûment instruites à cet égard.

[Je mets en évidence]

 

[153] La fonctionnaire n’aurait pas dû découvrir l’existence d’une indemnité de formation par hasard 10 mois après avoir commencé son embauche. Elle n’aurait pas dû la demander ou « en discuter » avec son superviseur, au-delà de fournir des renseignements qui ne figuraient pas déjà sur son curriculum vitae. Elle aurait dû figurer dans sa première lettre d’offre et sur son premier chèque de paye, comme c’est la pratique de l’employeur, selon le témoignage de M. Simon.

[154] La fonctionnaire ne s’est pas vu refuser son indemnité de formation légitime parce que l’employeur avait une interprétation différente de l’appendice B, comme il l’a soutenu. Elle lui a été refusée parce que l’employeur ne disposait pas d’un système adéquat pour s’assurer que tous les employés étaient traités équitablement et de façon juste, conformément au libellé de convention collective et à la pratique normale de l’employeur.

[155] À la fin de 2011 au moins, les RH régionales se sont rendu compte qu’une erreur avait été commise au point d’embauche à l’EEF. Il incombait à l’employeur de corriger la situation rétroactivement à la date d’embauche et c’est exactement ce que les RH régionales essayaient de faire. Malheureusement, pour une raison ou une autre, ils n’ont pu obtenir l’approbation, ni aucune réponse, de la part de l’administration centrale. Au lieu de corriger l’erreur, l’employeur en a remis, a mis fin complètement à l’indemnité de la fonctionnaire et a refusé de donner suite à son « interprétation » promise qui était de résoudre la question.

[156] M. Mackenzie et M. Simon ont tous deux témoigné qu’il était difficile d’attirer et de maintenir en poste des employés qualifiés et ont expliqué l’importance de l’indemnité de formation pour les efforts de recrutement et de maintien en poste. Il est difficile de comprendre la réponse de l’employeur à la demande légitime de la fonctionnaire de faire respecter le droit que lui confère la convention collective. Cela ne pourrait servir qu’à démoraliser une employée très estimée. Comme la Commission l’a dit au sujet de la fonctionnaire s’estimant lésée dans Macri : « Il faut espérer que son désenchantement n’entraînera pas pour la Fonction publique la perte du genre d’employés que celle-ci devrait s’efforcer de garder à son service. » Mme Peterman a témoigné qu’elle aime toujours son travail. De nombreux fonctionnaires ne seraient pas en mesure de séparer leur passion pour leur travail d’un traitement si irrespectueux. Sa capacité à le faire est admirable.

[157] À mon avis, il ne fait aucun doute que la fonctionnaire avait droit à une indemnité de formation de 2 750 $ dès sa première journée en tant qu’employée pour une période indéterminée à l’EEF. Cependant, je suis contrainte par son incapacité à contester l’indemnité inférieure qu’elle y a reçue. Bien que sa représentante ait demandé un paiement de réparation à partir de la date d’embauche initiale à l’audience, l’employeur n’avait pas été avisé qu’une telle demande serait faite. Le grief déposé demande seulement l’indemnité complète rétroactive au 29 novembre 2010 lorsqu’elle a commencé à l’Établissement d’Edmonton.

[158] Par conséquent, j’ordonnerai que l’indemnité complète soit payée à partir du 29 novembre 2010, mais, en outre, j’encourage fortement l’employeur à faire les choses correctement en payant volontairement à la fonctionnaire son droit complet de 2 750 $ à compter du 2 janvier 2007, sa date de début initiale en tant qu’employée pour une période indéterminée à l’EEF.

[159] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[160] L’employeur doit verser à la fonctionnaire son indemnité de formation appropriée au montant de 2 750 $ par année, y compris toute augmentation subséquente de ce montant, à compter de sa date de début du 29 novembre 2010 à l’Établissement d’Edmonton, moins les montants déjà payés.

[161] Je demeurerai saisie de l’affaire pour une période de 60 jours si les parties éprouvent des difficultés à mettre la présente ordonnance en œuvre.

Le 21 décembre 2022.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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