Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’ Association des juristes de justice (AJJ) a déposé un grief de principe alléguant que l’employeur avait contrevenu à la convention collective lorsqu’il a exigé ou permis aux membres du groupe Praticien du droit (LP) de travailler plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur des périodes de quatre semaines – la Commission a conclu que certains LP ont en fait travaillé plus que la durée normale du travail et que les heures excédentaires qu’ils avaient travaillées n’avaient pas été compensées entièrement par les congés de direction accordés – la Commission a conclu qu’un nombre important de LP avait travaillé des heures excédentaires pour lesquelles ils n’ont pas reçu de congé de direction ou d’autres formes d’indemnisation – toutefois, la Commission a conclu que la convention collective permettait à l’employeur d’exiger des LP qu’ils travaillent plus que la durée normale du travail – la convention collective prévoyait un mécanisme par lequel le « nombre d’heures excessif » non défini travaillé pouvait être compensé, en tout ou en partie, par l’octroi discrétionnaire d’un congé de direction payé – la convention collective comportait une lacune importante : elle était silencieuse quant aux heures excédentaires qui n’atteignaient pas le seuil du nombre d’heures excessif – la Commission a rejeté l’argument de l’AJJ selon lequel les LP qui travaillent des heures excédentaires devraient avoir droit à une prime – la Commission a rejeté l’argument de l’employeur selon lequel la rémunération au rendement constituait un facteur pertinent dans l’analyse de la question de savoir si un employé s’est acquitté de ses obligations en ce qui concerne la durée normale du travail – la Commission a conclu que l’employeur n’avait pas contrevenu à la convention collective – néanmoins, la Commission a encouragé l’employeur à s’efforcer d’assurer la clarté, l’uniformité et la responsabilité concernant l’octroi de congés de direction pour le nombre d’heures excessif travaillé – la Commission a rejeté le grief de principe parce qu’elle ne pouvait pas remédier aux lacunes dans la convention collective concernant les heures excédentaires qui n’atteignent pas le seuil du nombre d’heures excessif – la question de longue date concernant la durée normale du travail doit être réglée dans le cadre de la négociation collective.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date : 20230113

Dossier : 569‑02‑42485

 

Référence : 2023 CRTESPF 5

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

agent négociateur

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

 

employeur

Répertorié

Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant : Amélie Lavictoire, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Sean McGee, avocat

Pour l’employeur : Richard Fader, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence

les 27 et 29 avril, le 18 mai et les 16 et 17 juin 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

[1] Le présent cas concerne la « durée normale du travail » des membres du groupe Praticien du droit (LP), telle qu’elle est définie dans la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Association des juristes de justice (AJJ ou l’« agent négociateur »), qui est venue à échéance le 9 mai 2022 (la « convention de 2022 » ou la « convention collective »).

[2] Selon les clauses 13.01 (applicable aux LP aux groupes et aux niveaux LP‑01 et LP‑02) et 13.02 (applicable à ceux aux groupes et aux niveaux LP‑03 à LP‑05) de la convention collective, la durée normale du travail pour les LP à temps plein « […] est de trente‑sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines […] ».

[3] En mars 2020, l’agent négociateur a déposé un grief de principe, alléguant que l’employeur a contrevenu à la convention collective lorsqu’il a exigé ou permis aux membres de l’unité de négociation de l’AJJ de travailler plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur des périodes de quatre semaines. En janvier 2021, le grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[4] Tout au long des présents motifs, l’expression « durée normale du travail » sera utilisée pour décrire un horaire de travail de 37,5 heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre semaines. Les heures travaillées au‑delà de cette moyenne de quatre semaines seront décrites comme des « heures excédentaires » et ne doivent pas être confondues avec l’expression « nombre d’heures excessif » utilisée dans la convention collective concernant l’octroi d’un congé de direction payé.

[5] Selon le grief de principe de l’AJJ, les clauses 13.01 et 13.02 ont un libellé clair et obligatoire qui impose un nombre maximal uniforme d’heures de travail que l’employeur peut exiger d’un LP. L’AJJ soutient que l’employeur a contrevenu à la convention collective lorsqu’il a exigé que de nombreux LP travaillent, de façon régulière et continue, des heures qui dépassent la durée normale du travail, ce qui a donné lieu à un exercice déraisonnable, injuste et de mauvaise foi des droits de la direction. L’AJJ demande des déclarations reconnaissant que son interprétation des clauses 13.01 et 13.02 est exacte et confirmant que l’employeur les a enfreintes. Elle demande également une déclaration selon laquelle l’employeur est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la convention collective en litige de la manière définie par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[6] L’employeur ne conteste pas le fait que certains LP peuvent être tenus de travailler plus de 37,5 heures en moyenne sur une période de quatre semaines, mais il nie que la convention collective a été enfreinte. Selon l’employeur, les modalités de la convention collective lui permettent d’exiger qu’un LP travaille plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre semaines et de lui octroyer un congé de la direction discrétionnaire lorsque les heures travaillées sont excessives. Il s’agit de l’entente négociée par les parties et la Commission doit respecter ses modalités. L’employeur soutient que l’AJJ tente, à l’aide du présent grief de principe, de réécrire l’entente conclue par les parties lorsqu’elles ont négocié la convention collective.

[7] Au début de l’audience, l’AJJ a élargi la nature de la réparation demandée en vue d’y inclure une indemnisation pour les LP individuels qui doivent travailler plus de la durée normale du travail. L’employeur s’est opposé à cette demande qui, à son avis, constituait une tentative de modifier la nature du grief, était hors délai et visait à demander des réparations qui ne pouvaient être demandées par un agent négociateur dans le contexte d’un grief de principe. Une ordonnance visant à scinder la procédure a été rendue, laissant la question relative à la disponibilité des réparations individuelles à trancher à une étape ultérieure de la procédure, si le grief était accueilli.

[8] Pour les motifs qui suivent, le grief est rejeté.

[9] La convention collective que les parties ont négociée permet à l’employeur d’exiger des LP qu’ils travaillent plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre semaines et prévoit un mécanisme discrétionnaire à l’aide duquel l’employeur peut traiter le nombre d’heures de travail excessif, nombre qui n’est pas défini. La convention collective est silencieuse quant aux heures excédentaires qui ne constituent pas un nombre d’heures excessif.

[10] Le rôle de la Commission consiste à interpréter et à appliquer la convention collective, telle qu’elle est rédigée. Elle ne peut pas modifier ses modalités ni combler les lacunes que les parties n’ont pas traitées à la table de négociation. Compte tenu du libellé de la convention collective, je ne peux pas conclure que l’employeur a contrevenu à ses modalités, malgré les éléments de preuve selon lesquels un certain nombre de LP doivent travailler au-delà de la durée normale du travail.

II. Résumé de la preuve

[11] La majorité des LP de la fonction publique fédérale travaillent pour le ministère de la Justice (JUS) et le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC). Il y avait 2 540 LP à temps plein et 100 à temps partiel à JUS au 31 décembre 2021 et 555 LP à temps plein et 17 à temps partiel au SPPC à la même date. Même si les LP sont également employés ailleurs dans l’administration publique centrale, les éléments de preuve présentés à la Commission ne concernaient que les heures de travail des LP représentés qui travaillent à JUS et au SPPC.

[12] Ce que constitue une durée normale du travail pour les LP et la façon dont les heures excédentaires devraient être traitées ne sont pas de nouvelles questions. L’historique des discussions et des négociations à l’égard de ces questions est long.

A. Historique de la convention collective et des discussions entre les parties

[13] À la suite de l’accréditation de l’AJJ en tant qu’agent négociateur pour tous les avocats non exclus du groupe LP (alors appelé le groupe LA), une convention collective a été imposée par voie de décision arbitrale (dossier de la Commission 585‑02‑25). Cette décision, rendue en 2009, reconnaissait qu’une question importante en litige à l’époque avait trait aux heures supplémentaires et à la rémunération des heures supplémentaires. La convention collective qui en a découlé constituait l’entente conclue entre l’employeur et l’AJJ qui est venue à échéance le 9 mai 2011 (la « convention de 2011 »). Elle comprenait des clauses (13.01 a) et 13.02 a)) portant sur ce que constituait la durée normale du travail pour les LA‑1 et LA‑2A (les équivalents aux LP‑01 et LP‑02) et pour les LA‑2B et les LA‑3 (les équivalents aux LP‑03 et LP‑04). Ces deux clauses se lisent comme suit :

[…]

a. Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente‑sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’Employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

a. The normal hours of work for lawyers shall average thirty‑seven decimal five (37.5) hours per week over each four (4) week period. Subject to the approval of the Employer, the hours of work shall be arranged to suit a lawyer’s individual duties and to permit the lawyer to carry out his or her professional responsibilities.

 

[14] La convention de 2011 comprenait également des dispositions concernant la rémunération des heures travaillées par les LA‑1 et LA‑2A « au-delà » de la durée normale du travail (clause 13.01 e)). Cette rémunération (la « rémunération des heures supplémentaires ») était à un taux de 1,5 fois le taux horaire de rémunération d’un avocat pour chaque heure travaillée [traduction] « […] au-delà des heures de travail normales […] ».

[15] Contrairement à leurs homologues LA‑1 et LA‑2A, les avocats aux groupes et aux niveaux LA‑2B et LA‑3 n’avaient pas droit à la rémunération des heures supplémentaires, mais ils avaient droit à un « congé exceptionnel » payé (tel était alors appelé le congé de direction) jusqu’à concurrence de cinq jours par exercice financier, comme leur gestionnaire délégué le jugeait approprié (clause 13.02 e)). La convention collective comprenait un exemple de situation dans laquelle l’octroi d’un congé exceptionnel pouvait être approprié; c’est‑à‑dire, si un LA‑2B ou un LA‑3 avait été tenu de « travailler un nombre d’heures excessif ». Dans des circonstances exceptionnelles, un administrateur général pouvait également approuver un congé exceptionnel payé pour une période supplémentaire jusqu’à concurrence de cinq jours (clause 13.02 f)).

[16] Des changements ont ensuite été apportés à la structure de classification des avocats. Le groupe LP a été créé et l’ancien groupe professionnel LA a été aboli.

[17] Les négociations collectives qui ont suivi ont donné lieu à une convention collective qui est venue à échéance le 9 mai 2014 (la « convention de 2014 »). Les clauses 13.01 a) et 13.02 a) définissaient toujours la durée normale du travail. Leur libellé est demeuré inchangé par rapport à la convention de 2011. Toutefois, des modifications ont été apportées à la rémunération des heures supplémentaires et au congé de direction payé.

[18] Selon Ursula Hendel, ancienne présidente de l’AJJ et membre à l’époque de son équipe de négociation, la rémunération des heures supplémentaires avait été largement impopulaire auprès de la direction et de certains membres de l’unité de négociation de l’AJJ. Elle a témoigné que, même si les LP n’ont touché une rémunération pour les heures supplémentaires que pendant une courte période, bon nombre des membres de l’unité de négociation étaient insatisfaits, en grande partie parce que seuls les LP‑01 et les LP‑02 (LA‑01 et LA‑2A) y avaient droit. Certains ont touché une rémunération importante des heures supplémentaires, surtout les avocats plaidants. Les LP‑03 et LP‑04 qui travaillaient des heures semblables à celles de leurs homologues subalternes n’y avaient pas droit. Mme Hendel a décrit des situations où les avocats subalternes et les avocats principaux traitant le même dossier et travaillant de longues heures semblables ne seraient pas rémunérés de la même manière; seul l’avocat subalterne toucherait une rémunération des heures supplémentaires.

[19] Mme Hendel a également fait état de l’insatisfaction relative à la rémunération des heures supplémentaires en raison de l’obligation d’obtenir l’approbation préalable de la direction. La nature des postes que certains LP occupaient rendait fondamentalement difficile d’estimer avec précision au préalable le nombre d’heures supplémentaires qui seraient nécessaires. Cette estimation était particulièrement difficile pour les avocats plaidants et les avocats occupant certains rôles consultatifs.

[20] Au cours des négociations qui ont mené à la convention de 2014, les parties ont convenu d’une augmentation de salaire de 2 % pour tous les LP et ont supprimé la disposition sur la rémunération des heures supplémentaires. La nouvelle convention a également permis à tous les LP de bénéficier d’un congé de direction discrétionnaire payé à compter du 1er avril 2013, et non seulement les avocats principaux (clauses 13.02 e) à g)). Le congé de direction payé jusqu’à concurrence de cinq jours par exercice financier pouvait être accordé selon ce que le gestionnaire délégué jugeait approprié (clause 13.02 e)). Cette clause prévoyait des exemples de situations où ce congé pouvait être accordé, notamment lorsqu’un LP devait travailler un nombre d’heures excessif ou était considérablement restreint en raison du fait qu’il était en disponibilité. Dans des circonstances exceptionnelles et sur la recommandation d’un gestionnaire délégué, un administrateur général pouvait également approuver une période supplémentaire de congé de direction jusqu’à concurrence de cinq jours (clause 13.02 f)).

[21] Lorsque le moment est venu de négocier le renouvellement de la convention de 2014, une impasse est survenue. Les parties ont convenu qu’une série de questions en suspens seraient résolues par voie de conciliation exécutoire en vertu de l’article 182 de la Loi.

[22] Comme c’est la pratique dans le cadre de la conciliation exécutoire, l’AJJ a présenté un mémoire qui contenait sa proposition. Cette proposition comprenait une demande visant à ce que tous les LP bénéficient de 45 heures de congé de direction payé par année, peu importe le nombre d’heures travaillé, [traduction] « […] en reconnaissance des heures supplémentaires que les avocats sont régulièrement tenus de travailler pour s’acquitter de leurs obligations professionnelles »; voir Mémoire de conciliation de l’Association des juristes de justice/Association of Justice Counsel, le 27 juin 2017, au paragraphe 159. Elle demandait également que la disposition relative aux congés de direction soit modifiée de façon à inclure un élément échelonné selon lequel un nombre croissant d’heures de congé de direction serait accordé à un LP en fonction des heures excédentaires travaillées. Cet élément échelonné s’appliquerait aux LP travaillant 180 heures ou plus en moyenne sur une période de quatre (4) semaines.

[23] En juillet 2018, un bureau de conciliation exécutoire a rendu sa décision concernant les questions en suspens relatives au renouvellement de la convention de 2014 (dossier de la Commission 591‑02‑01). Parmi les sujets abordés figurait la question de la rémunération, au moyen de congés payés, des LP appelés à travailler un nombre d’heures excessif. Il a rejeté les propositions de l’AJJ comme suit :

[…]

[70] Les propositions formulées par l’AJJ à ce chapitre dans la mesure où elles se traduisent en droit à des congés rémunérés revêtent un aspect pécuniaire ou économique certain en ce sens qu’elles impliquent une réduction du temps effectif de travail.

[71] Il est admis que lors de la dernière ronde, les parties ont convenu d’un échange qui s’est traduit par la renonciation à la rémunération du temps supplémentaire contre une augmentation générale des taux de salaires de l’ordre de 2 %, en outre de l’adoption de dispositions relatives à un congé compensatoire.

[72] L’historique des règlements intervenus est pertinent à la présente démarche et il n’y a pas lieu pour nous d’en ignorer la portée. Or, si l’universalité de l’effectif touche toujours le fruit d’un compromis librement convenu en négociation il n’y a pas lieu d’intervenir; ni conséquemment, de retenir cette proposition qui effectivement a des allures de retour unilatéral en arrière.

[73] En revanche, le [Conseil du Trésor] a intérêt à assurer que les gestionnaires chargés de l’administration des clauses pertinentes leur donnent une interprétation et en assurent une application qui soient cohérentes et justes. Au risque, à défaut de le faire, que l’agent négociateur n’exerce les recours qu’il possède en présence de gestes arbitraires, discriminatoires ou abusifs.

[…]

 

[24] David McNairn est le président de l’AJJ depuis 2020. Il était un membre du conseil d’administration de l’AJJ pendant les négociations collectives qui ont donné lieu à la convention de 2014 examinée par le bureau de conciliation exécutoire. En tant que membre du conseil d’administration, il a été informé des progrès réalisés à la table de négociation. Dans leur témoignage, lui et Mme Hendel ont contesté la description que le bureau de conciliation a faite de l’entente conclue par les parties, mais ont reconnu que la disposition sur la rémunération des heures supplémentaires a été supprimée en échange d’une série de concessions qui incluaient, sans toutefois s’y limiter, une augmentation de salaire pour tous les LP et la disponibilité de congés de direction payés pour tous les LP, peu importe leur classification.

[25] À la suite de la décision du bureau de conciliation exécutoire, une nouvelle convention collective a été ratifiée. Elle est venue à échéance le 9 mai 2018 (la « convention de 2018 »). Les clauses 13.01 a) et 13.02 a) de cette convention, qui concernent la durée normale du travail, sont demeurées les mêmes que dans les conventions collectives précédentes.

[26] Il est allégué que, au cours des négociations relatives à la convention de 2022, dont l’interprétation et l’application sont en litige dans le présent cas, l’employeur a brièvement proposé une modification aux clauses 13.01 a) et 13.02 a).

[27] Mme Hendel et M. McNairn ont témoigné que l’employeur avait présenté une proposition écrite visant à instaurer des heures minimales de travail pour les LP. Aucune copie de cette proposition n’a été déposée en preuve. Mme Hendel s’est souvenue du contenu en général; notamment, l’employeur souhaitait modifier le libellé des clauses 13.01 a) et 13.02 a) pour exiger une moyenne [traduction] « minimale » de 37,5 heures de travail par semaine sur une période de quatre (4) semaines. Elle a témoigné que l’AJJ avait demandé des éclaircissements à l’employeur au sujet de l’application pratique ou de l’effet du libellé proposé, mais n’a reçu aucune explication. La proposition n’a fait l’objet d’aucune discussion détaillée et, en fin de compte, l’employeur l’a retirée. Le libellé des clauses n’a pas changé.

[28] Voici les dispositions de la convention de 2022 au cœur de ce différend :

[…]

Article 5 : droits de la direction

Article 5: management rights

[…]

5.02 L’employeur agit raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la présente convention collective.

5.02 The Employer will act reasonably, fairly and in good faith in administering this agreement.

[…]

**Article 13 : durée du travail

**Article 13: hours of work

À compter du 1er avril 2013, les alinéas 13.02(i), (j) et (k) s’appliqueront à tous les juristes (Congé de Direction).

Effective April 1, 2013, 13.02(i), (j) and (k) will apply to all lawyers (Management leave).

**

**

13.01 Ce qui suit s’applique aux juristes des niveaux LP‑01 et LP‑02 :

13.01 The following applies to lawyers at the LP‑01 and LP‑02 levels:

a. Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente‑sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

a. The normal hours of work for lawyers shall average thirty‑seven decimal five (37.5) hours per week over each four (4) week period. Subject to the approval of the Employer, the hours of work shall be arranged to suit a lawyer’s individual duties and to permit the lawyer to carry out his or her professional responsibilities.

b. En prenant les dispositions relatives aux heures de travail normales, le juriste se verra accorder dans la mesure du possible une certaine flexibilité, qui peut s’étendre aux heures d’arrivée et de départ, afin de lui permettre de concilier ses obligations familiales et professionnelles.

b. In making arrangements for hours of work, lawyers will be permitted reasonable flexibility in the times during which they perform their work, including arrival and departure from the workplace, to enable them to balance work and family responsibilities.

[…]

(Décision de conciliation exécutoire datée du 10 juillet 2018, disposition des alinéas 13.01(d), (e), (f), (g) et (h) en vigueur le 7 novembre 2018)

(Binding Conciliation Decision dated July 10, 2018, provision of paragraphs 13.01(d), (e), (f), (g) and (h) effective November 7, 2018)

**

**

13.02 Les alinéas suivants s’appliquent aux juristes des niveaux LP‑03, LP‑04 et LP‑05. À compter du 1er avril 2013, les alinéas (i), (j) et (k) s’appliqueront à tous les juristes.

13.02 The following applies to lawyers at the LP‑03 and LP‑04 and LP‑05 levels. Effective April 1, 2013, paragraphs (i), (j) and (k) will apply to all lawyers.

a. Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente‑sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

a. The normal hours of work for lawyers shall average thirty‑seven decimal five (37.5) hours per week over each four (4) week period. Subject to the approval of the Employer, the hours of work shall be arranged to suit a lawyer’s individual duties and to permit the lawyer to carry out his or her professional responsibilities.

b. En prenant les dispositions relatives aux heures de travail normales, le juriste se verra accorder dans la mesure du possible une certaine flexibilité, qui peut s’étendre aux heures d’arrivée et de départ, afin de lui permettre de concilier ses obligations familiales et professionnelles.

b. In making arrangements for hours of work, lawyers will be permitted reasonable flexibility in the times during which they perform their work, including arrival and departure from the workplace, to enable them to balance work and family responsibilities.

[…]

j. Le juriste est admissible à un congé de direction payé que le gestionnaire délégué considère comme approprié. Un exemple de situation dans laquelle un tel congé peut être accordé est celui où le juriste doit travailler un nombre d’heures excessif.

j. Lawyers are eligible for management leave with pay, as the delegated manager considers appropriate. An example of a situation where such leave may be granted is where lawyers are required to work excessive hours.

k. Le congé de direction payé accordé sous l’alinéa (a) ci‑haut mentionné peut être reporté à l’exercice financier suivant et doit être utilisé dans les six (6) mois de la date où il est autorisé.

k. Management leave with pay granted under (a) above can be carried over into the next fiscal year, and is to be used within six (6) months of being granted.

[…]

(Décision de conciliation exécutoire datée du 10 juillet 2018, disposition des alinéas 13.02(d), (e), (f), (g) et (h) en vigueur le 7 novembre 2018)

(Binding Conciliation Decision dated July 10, 2018, provision of paragraphs 13.01(d), (e), (f), (g) and (h) effective November 7, 2018)

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[29] M. McNairn a témoigné que, lorsque les négociations qui ont donné lieu à la convention de 2022 ont pris fin, les parties ont convenu d’entreprendre des discussions de bonne foi visant à élaborer conjointement des directives pour JUS et le SPPC sur les congés de direction. Selon lui, l’objectif de l’exercice était d’améliorer la clarté et l’uniformité dans l’octroi des congés de direction en déterminant les circonstances dans lesquelles il serait approprié qu’un gestionnaire délégué accorde un congé et en fournissant des directives sur le nombre de congés de direction à accorder dans les circonstances. Des discussions ont eu lieu avec JUS et le SPPC, mais n’ont pas abouti à l’adoption d’une directive élaborée conjointement. Selon M. McNairn, le SPPC a par la suite émis unilatéralement ses propres directives sur les congés de direction, soit la Directive concernant le congé de direction pour les avocats représentés ou exclus.

[30] Christian Roy, avocat général principal et directeur exécutif des Services juridiques de Santé Canada, était membre de l’équipe de JUS qui a participé aux discussions avec l’AJJ sur cette question. Il a témoigné que les parties se sont rencontrées et ont échangé des propositions, mais qu’elles n’ont pas pu parvenir à une entente. En contre‑interrogatoire, M. Roy a témoigné qu’à peu près au moment où les discussions avec l’AJJ ont cessé, JUS a apporté des modifications aux lignes directrices qu’il fournissait aux gestionnaires délégués dans son Guide des congés pour gestionnaires. Une limite existante sur le nombre d’heures de congé de direction qui pouvait être accordé à un LP a été supprimée et le pouvoir délégué d’accorder un congé de direction supplémentaire a été réduit.

B. Éléments de preuve concernant les heures de travail

[31] Une grande partie des éléments de preuve présentés à la Commission concernait les heures de travail. Il s’agissait notamment des éléments de preuve relatifs aux expériences personnelles de M. McNairn et de Mme Hendel, ainsi que d’une quantité importante de données relatives aux heures de travail consignées par les LP de JUS et du SPPC. Les éléments de preuve seront résumés dans cet ordre.

1. M. McNairn

[32] M. McNairn compte plus de 18 ans d’expérience professionnelle à titre de LP à JUS, en plus de plusieurs années d’expérience juridique au sein des Forces armées canadiennes. Avant de devenir président de l’AJJ, il était un praticien principal du droit dans le domaine de la sécurité nationale au Cabinet du conseiller juridique auprès du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes de JUS. Il était auparavant avocat au sein du Groupe de la révision des condamnations criminelles de JUS.

[33] Sa charge de travail et le nombre d’heures qu’il travaillait par semaine étaient en grande partie déterminés par les besoins des clients, la nature et le volume du travail qui lui était confié, et la taille de l’équipe dont il faisait partie à l’époque. Il a exécuté le travail qui devait être fait et a travaillé les heures requises. Il ne se demandait pas s’il travaillait plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines et n’a pas demandé une rémunération des heures supplémentaires. Il ne se rappelait pas avoir discuté avec la direction des heures excédentaires qu’il travaillait.

[34] Comme d’autres à JUS, il a consigné ses heures de travail. Il a témoigné au sujet du Protocole national de comptabilisation du temps de JUS, un cadre régissant la comptabilisation du temps qui exige que les LP tiennent à jour et consignent le temps consacré aux affaires des clients et du ministère. M. McNairn a décrit la comptabilisation du temps comme une importante mesure de facturation et de recouvrement des coûts qui aide les ministères clients à financer de manière appropriée les services juridiques qui leur sont fournis par les avocats employés par JUS.

[35] Les pratiques de comptabilisation du temps de M. McNairn ont évolué au fil du temps, surtout après que la comptabilisation du temps est devenue obligatoire vers 2010. Il a consigné ses heures quotidiennes dans iCase (le logiciel de comptabilisation du temps utilisé par JUS et le SPPC). Lorsqu’il travaillait au Groupe de la révision des condamnations criminelles, ses heures de travail étaient en moyenne de 37,5 par semaine sur des périodes de quatre semaines. Elles étaient plus élevées lorsqu’il travaillait dans le domaine du droit de la sécurité nationale. Il a décrit l’exercice financier 2017‑2018 comme ayant été particulièrement chargé. Si l’on fait la moyenne des heures qu’il a consignées au cours de cette année-là et que l’on tient compte du fait qu’il a travaillé selon un horaire de travail comprimé à l’époque, le nombre moyen d’heures qu’il a travaillées était de 8,88 par jour. L’avocat de l’AJJ lui a proposé qu’en moyenne, un nombre de 8,88 heures par jour équivalait à un total de 176 heures de travail au-delà des heures normales au cours de l’exercice, rajusté à nouveau en fonction d’un horaire comprimé. Il s’est dit en accord.

[36] L’exercice financier 2017‑2018 a également été la seule année où M. McNairn a obtenu un congé de direction. Un congé de direction payé de cinq jours (ou 37,5 heures) lui a été accordé. Il a témoigné qu’à sa connaissance, il n’y avait aucune norme établie pour accorder un congé de direction. Il a estimé qu’un ratio de 1:5 était souvent utilisé, c’est‑à‑dire qu’un congé de direction d’une heure a été accordé pour toutes les cinq heures travaillées au-delà des heures normales. Il a accepté les calculs que l’avocat de l’AJJ lui a proposés, selon lesquels les cinq jours de congé de direction qui lui ont été accordés en 2017‑2018 équivalaient à 61 heures, ce qui laisse 115 heures excédentaires sans rémunération.

[37] Les données produites par l’employeur et présentées au témoin ont montré que 2017‑2018 a été l’année la plus importante de M. McNairn en ce qui concerne les heures de travail consignées. En contre‑interrogatoire, le témoin a reconnu qu’en plus de recevoir un congé de direction cette année‑là, il a également reçu une cote de rendement « Surpassé » qui, selon lui, lui a permis de recevoir une prime de rendement de 6 % ou 7 %. Il n’a pas contesté que ses heures consignées étaient beaucoup moins nombreuses les autres années et qu’en un an, ses heures excédentaires équivalaient en moyenne à 1,9 par mois.

2. Mme Hendel

[38] Mme Hendel a travaillé au SPPC de 2004 à 2016, puis de 2020 jusqu’à sa retraite à la fin de 2021. Elle a été avocate principale et coordonnatrice des poursuites en matière de terrorisme national de 2009 à 2021, sauf lorsqu’elle était présidente de l’AJJ et en congé.

[39] Selon Mme Hendel, la charge de travail et les heures de travail constituaient des préoccupations permanentes au sein du SPPC, comme elles l’étaient au sein de l’unité de négociation de façon générale. La question du ressourcement a souvent été soulevée dans le cadre de discussions au sein de son équipe et lors de réunions bilatérales entre l’AJJ et JUS et le SPPC. Même si le SPPC a déployé des efforts en matière de dotation, des problèmes liés aux heures de travail et à la charge de travail étaient permanents.

[40] Comme M. McNairn, Mme Hendel a consigné son temps dans iCase. Bien qu’elle ait témoigné que le recouvrement des coûts n’était pas un facteur important au SPPC, elle a néanmoins décrit les pratiques de comptabilisation du temps au SPPC d’une manière qui reflétait généralement celles de JUS. Elle a décrit l’évolution de la quantité et de la complexité des pratiques de comptabilisation du temps au SPPC de 2013 à 2021, mais a ajouté que les procureurs ayant des comparutions fréquentes devant les tribunaux et des horaires imprévisibles étaient souvent incapables de suivre et de consigner leur temps avec exactitude ou en même temps. Selon elle, en 2014 ou en 2015, et après un exercice de conciliation des congés qui a cerné des écarts importants dans les pratiques de comptabilisation du temps, les LP au SPPC savaient que la comptabilisation du temps devait être faite. Une amélioration a été apportée à la comptabilisation du temps.

[41] Selon Mme Hendel, au cours de certaines années, il était fréquent qu’elle consigne plus que la durée normale du travail. À aucun moment un gestionnaire n’a communiqué avec elle au sujet des périodes durant lesquelles elle a travaillé des heures excédentaires. Selon son expérience, les gestionnaires n’examinaient pas de façon proactive ses heures consignées et ne prenaient aucune mesure lorsqu’elles étaient excessives.

[42] À l’exception d’une occasion où elle a soulevé une question au sujet de sa charge de travail et de ses heures de travail, aucune mesure n’a été prise pour remédier au fait qu’elle travaillait régulièrement des heures excédentaires ou pour la rémunérer pour ces heures. La seule fois où elle a soulevé une préoccupation au sujet de ses heures de travail a suivi une augmentation spectaculaire de sa charge de travail en raison d’un incident de sécurité nationale. Elle a qualifié cette période d’augmentation de la charge de travail de [traduction] « presque 24 heures sur 24, sept jours sur sept ». Cette situation l’a amenée à informer son superviseur qu’elle ne serait pas en mesure de supporter la charge de travail beaucoup plus longtemps. Le travail a finalement été redistribué, réduisant ses heures de travail, mais pas à un niveau de 37,5 heures par semaine, en moyenne, sur une période de quatre semaines.

[43] Mme Hendel a témoigné qu’elle a reçu plusieurs fois une cote de rendement « Surpassé » au cours de sa carrière. On ne lui a jamais dit que la rémunération au rendement qu’elle avait reçue visait à la compenser du nombre d’heures qu’elle avait travaillées.

3. Données relatives aux heures de travail

[44] Chaque partie a cité à témoigner un témoin ordinaire pour présenter des données relatives aux heures de travail consignées par les LP. M. Farid Asey a témoigné pour l’agent négociateur, et Cameron Sorlie a témoigné pour l’employeur.

[45] M. Asey est analyste de recherche à l’AJJ. Il a préparé 38 pages de graphiques et de tableaux de données analysant les heures de travail consignées par les LP. Les données qu’il a utilisées ont été fournies par l’employeur en vertu d’un protocole d’entente que les parties ont conclu en vue de l’audience. Selon M. Asey, conformément à cette entente, l’employeur s’est engagé à fournir des données sur les heures de travail des LP employés par JUS et le SPPC pour la période allant du 5 mars 2015 au 31 décembre 2021 (la « période visée par le rapport »), mais de manière à assurer la confidentialité et l’anonymat des LP. Aucun dossier personnel (CIDP) ou autre identificateur n’a été inclus dans les données. L’employeur a attribué au hasard à chaque LP un numéro (l’« ID LP ») qui était ensuite associé au nombre d’heures consignées par cette personne.

[46] M. Sorlie, analyste principal des données au sein du Groupe d’analyse des activités de JUS, a témoigné que les données fournies à l’AJJ étaient les données complètes et brutes de la comptabilisation des heures générées par les employés LP occupant des postes représentés au sein de JUS et du SPPC. Ces données ont été extraites des systèmes de comptabilisation du temps de l’employeur. Afin de s’assurer que l’identité d’un LP ne pouvait être établie en comparant les heures de travail d’une année à l’autre, l’employeur a attribué un nouvel ID LP à chaque personne pour chaque exercice financier. Selon M. Sorlie, il était nécessaire de modifier les ID LP pour chaque année afin d’assurer l’anonymisation tout en fournissant à l’AJJ les données les plus détaillées possibles.

[47] Selon M. Asey, sa capacité d’analyser les données que l’employeur lui a fournies a été compliquée par deux facteurs. Le premier était l’attribution par l’employeur d’un nouvel ID LP à chaque LP pour chaque exercice financier, ce qui rendait impossible la détection ou l’analyse des tendances, d’une année à l’autre, en ce qui concerne les heures de travail d’une personne. Le deuxième problème est attribuable au fait que l’employeur a fourni les données sous forme d’exercice financier plutôt que sous forme d’année civile. Ce format l’a obligé à convertir les données d’un exercice financier à un format d’année civile pour effectuer certaines analyses. Selon lui, ces facteurs – ainsi que le fait que la période visée par le rapport (du 5 mars 2015 au 31 décembre 2021) ne coïncidait pas avec le début et la fin des exercices financiers – ont donné lieu à des analyses qui étaient susceptibles de sous‑déclarer le nombre de fois où les LP ont travaillé plus que les heures normales.

[48] M. Asey a analysé les données relatives aux heures de travail consignées quotidiennement, hebdomadairement et sur une période de quatre semaines. Il n’a pas examiné ni tenu compte des congés payés accordés ou pris; ses analyses n’ont pas non plus tenu compte des horaires de travail comprimés. Voici un résumé de son témoignage sur les résultats de ses analyses.

[49] Lorsqu’il a examiné les heures de travail consignées par jour, il a constaté que la majorité des LP de JUS, quelle que soit leur classification, n’ont pas déclaré avoir travaillé plus de 7,5 heures par jour pendant la période visée par le rapport. Le contraire était vrai au SPPC, où entre 50 % et 58 % des LP (selon leur classification) avaient déclaré travailler plus de 7,5 heures par jour pendant la même période. Le groupe LP‑02 a déclaré le taux le plus élevé d’heures travaillées au-delà de 7,5 par jour, et les LP travaillant dans des fonctions de contentieux et de conseil représentaient la majorité des heures travaillées au-delà de 7,5 par jour. D’une année à l’autre, le nombre d’heures consigné dépassant 7,5 par jour a augmenté. Il a décrit une « tendance manifeste » à JUS et une augmentation perceptible au SPPC.

[50] M. Asey a également analysé les données relatives aux heures de travail consignées hebdomadairement. Il a témoigné qu’entre 16 % (au cours de l’exercice 2015‑2016) et 24 % (en 2020‑2021) des LP de JUS ont travaillé plus de 37,5 heures par semaine au moins une fois au cours de l’exercice financier. La fréquence à laquelle un LP de JUS a travaillé plus de 37,5 heures par semaine variait d’une fois à 14 fois au cours d’un exercice financier. La majorité ne l’a fait qu’une seule fois au cours d’un exercice. Au SPPC, entre 95 % (en 2016‑2017) et 97 % (en 2021‑2021) des LP ont travaillé plus de 37,5 heures par semaine au moins une fois au cours de l’exercice. Cela variait entre 1 et 51 fois au cours d’un exercice financier. Une personne a travaillé plus de 37,5 heures par semaine pendant 51 semaines sur 52. M. Asey a témoigné que, même si les données n’ont pas révélé la fréquence à laquelle un LP a travaillé plus de 37,5 heures par semaine au cours d’un exercice financier donné ou les heures excédentaires qui ont été travaillées – que l’excédent soit d’une heure ou de 20 heures – les données ont indiqué une tendance à la hausse qui s’est développée au fil du temps.

[51] Enfin, M. Asey a témoigné au sujet des données relatives aux heures de travail des LP lorsqu’elles ont été analysées sur une période de quatre semaines. Afin d’analyser le nombre de fois où les LP ont travaillé plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines, il a relevé les fois où un LP a travaillé plus de 150 heures sur une période de quatre semaines au cours d’une année civile. Au cours de chaque année civile de la période visée par le rapport, il est arrivé, à JUS, que la limite de 150 heures a été dépassée. Cette situation s’est produite d’une fois (en 2015) à 25 fois (en 2020), pour un total de 65 fois au cours de la période visée par le rapport. Au SPPC, cela s’est produit beaucoup plus souvent. La fréquence a varié d’un minimum de 1 324 fois en 2015 à un maximum de 2 077 fois en 2017. Lorsque le nombre de fois où les LP ont travaillé plus de 150 heures sur une période de quatre semaines a été analysé pendant toute la période visée par le rapport, les données de JUS et du SPPC ont révélé une tendance à la hausse.

[52] M. Asey a également fourni une analyse hebdomadaire des heures de travail associées à des ID LP particuliers qui ont consigné plus de 37,5 heures de travail par semaine sur au moins une période de quatre semaines au cours de l’année civile. Il a donné 10 exemples de LP à JUS et 5 exemples de LP au SPPC, indiquant les semaines consécutives où les heures de travail consignées dépassaient 37,5 par semaine. Pour JUS, les exemples comprenaient des LP ayant travaillé plus de 37,5 heures par semaine pendant une période maximale de sept semaines consécutives. Au SPPC, les exemples variaient d’un LP ayant travaillé plus de 37,5 heures par semaine pendant 47 semaines de l’année à deux LP ayant travaillé plus de 37,5 heures par semaine chaque semaine de l’année. En contre‑interrogatoire, M. Asey a reconnu que les exemples étaient des LP ayant le plus grand nombre d’heures de travail consignées.

[53] M. Sorlie a témoigné au sujet des analyses qu’il a effectuées au nom de l’employeur, qui ont été reflétées dans une série de graphiques. M. Sorlie a préparé ces graphiques à l’aide des données sur la comptabilisation du temps et des congés saisies par les employés dans plusieurs systèmes que JUS et le SPPC ont utilisés au cours de la période visée par le rapport.

[54] M. Sorlie a témoigné qu’il avait exclu de son analyse et des données fournies à l’AJJ les données relatives aux ID LP pour lesquels il n’y avait aucune heure consignée au cours d’une année donnée. Il a également exclu ce qu’il a décrit comme les valeurs aberrantes les plus extrêmes, notamment les ID LP avec un total d’heures de travail et de congés consignés de moins de 1 %, ou de plus de 199 %, de leurs heures rémunérées au cours de cette année. Ce faisant, il a supprimé les données de 5 à 10 valeurs aberrantes. Il a estimé qu’un LP consignant 200 % des heures normales de travail sur une année complète indiquait probablement une erreur de données, comme ce serait le cas pour un ID LP avec des heures de travail consignées qui dépassent 24 heures par jour. En contre‑interrogatoire, il a reconnu qu’il était possible qu’en supprimant ce qu’il considérait comme des valeurs aberrantes, il ait pu supprimer les données des LP qui ont véritablement travaillé un nombre d’heures extraordinaire. Selon lui, l’élimination des valeurs aberrantes au bas de l’échelle (celles qui ont consigné peu ou pas d’heures de travail) aurait probablement compensé l’élimination des valeurs aberrantes au haut de l’échelle des heures de travail. Toutefois, il a reconnu qu’il faudrait procéder à une analyse plus approfondie pour l’affirmer avec certitude. Néanmoins, il a indiqué qu’à son avis, l’inclusion des valeurs aberrantes dans son analyse n’aurait eu pratiquement aucune incidence sur les résultats ou les conclusions susceptibles d’être tirées des données.

[55] La plupart des analyses que M. Sorlie a effectuées sur les heures de travail des LP au cours de la période visée par le rapport ont également tenu compte des congés discrétionnaires payés (tous types, combinés) et ont été rajustés en fonction de l’état des congés des LP à temps partiel. Voici un résumé des résultats de ses analyses à l’aide de données qui ont soustraient les congés payés des heures de travail rémunérées. Je ferai référence au résultat de cette soustraction comme étant les « heures rajustées ».

[56] Une analyse des données qui se composent des heures de travail rajustées d’un LP de JUS pour la période visée par le rapport révèle une distribution commune qui atteint exactement 37,5 heures rajustées par semaine. Environ 8 % de ces LP ont travaillé exactement 37,5 heures rajustées par semaine, et le reste a travaillé moins ou plus d’heures. Un graphique préparé par M. Sorlie indique la répartition des heures rajustées par incréments équivalant à peu près à 22 minutes au‑dessus et au‑dessous de la note de 37,5 heures rajustées par semaine. Environ 7,5 % des LP ont travaillé en moyenne 22 minutes de plus par semaine, tandis qu’environ 5,5 % ont travaillé en moyenne 22 minutes de moins que 37,5 heures rajustées par semaine. Un peu moins de 6 % des LP ont travaillé en moyenne une heure de plus par semaine, tandis qu’environ 2,3 % ont travaillé en moyenne 3,7 heures rajustées de plus par semaine au cours de la période visée par le rapport. M. Sorlie a témoigné que lorsque cette distribution de données a été superposée à un graphique indiquant l’octroi de congés de direction payés à ces LP, les heures de travail rajustées dépassant 37,5 heures par semaine et la réception de congés de direction payés semblaient être liées.

[57] Le plus petit nombre de LP au SPPC a entraîné une répartition plus large de la moyenne des heures de travail rajustées par semaine. M. Sorlie a témoigné que la distribution tendait vers des heures excédentaires, une conclusion qu’il a décrite comme non imprévue lorsque l’on examine les heures de travail des LP travaillant exclusivement dans le domaine du contentieux. Environ 4 % des LP de SPPC ont travaillé exactement 37,5 heures rajustées par semaine. Environ 4,6 % des LP ont travaillé en moyenne 22 minutes de plus par semaine, tandis qu’environ 2,8 % ont travaillé en moyenne 22 minutes de moins que le seuil de 37,5 heures rajustées par semaine. Un peu plus de 5 % des LP ont travaillé en moyenne une heure de plus par semaine, tandis qu’un autre environ 3,5 % ont travaillé en moyenne 3,7 heures de plus par semaine au cours de la période visée par le rapport.

[58] Des analyses comparatives préparées par M. Sorlie ont montré que les LP à temps plein assumant un rôle consultatif à JUS avaient une répartition des heures annuelles consignées plus élevée que leurs homologues des secteurs législatif et consultatif. Aucune comparaison semblable n’a été effectuée pour le SPPC en raison de l’accent quasi exclusif mis sur le domaine du contentieux dans le cadre du travail effectué par ses LP. Il a été constaté que les LP à temps partiel de JUS et du SPPC travaillaient beaucoup moins que leurs homologues à temps plein, même en tenant compte de leur statut à temps partiel (normalement défini comme travaillant trois jours par semaine).

[59] Lorsqu’il a été invité à formuler des commentaires sur les analyses présentées par M. Asey, M. Sorlie a témoigné que, même si le nombre de LP de JUS et du SPPC a changé de 2011 à 2021, les données ont démontré que les heures moyennes de travail des LP étaient uniformes et stables au cours de la période visée par le rapport. Il a préparé un graphique indiquant la répartition des heures de travail rajustées en moyenne, par semaine, sur des périodes de quatre semaines, en tenant compte des congés payés et des jours fériés. En comparant les données de la période visée par le rapport, M. Sorlie a indiqué que le nombre d’heures consigné par les LP de JUS avait été constant au fil du temps, la médiane se situant à près d’une moyenne de 37,5 heures par semaine sur une période de quatre semaines. Entre les exercices 2011‑2012 et 2021‑2022, les heures de travail rajustées par semaine, calculées en moyenne sur des périodes de quatre semaines, n’ont augmenté que de 1,3 %, ce qu’il a décrit comme rien de plus qu’une [traduction] « dérive ». La seule exception concernait la période qui coïncidait avec le début de la pandémie COVID‑19, au cours de laquelle les heures de travail ont augmenté pour certains LP, mais diminué pour d’autres.

[60] M. Sorlie a effectué une analyse semblable en utilisant seulement les heures consignées des LP de JUS et du SPPC sur des périodes de quatre semaines, sans tenir compte des congés payés comme les congés de direction. Il a indiqué qu’en raison des jours fériés et des congés annuels payés, la moyenne à long terme attendue aurait dû être inférieure à 37,5 heures, compte tenu des tendances annuelles des heures consignées qui indiquent une baisse pendant les mois d’été et la période de congé de fin d’année qui se prolonge habituellement jusqu’au début de l’année suivante. Son graphique indiquait la tendance attendue. Il a également indiqué que la moyenne des heures consignées pour les LP de JUS se situait à près de 35, et pour les LP du SPPC, à près de 37,5. Encore une fois, M. Sorlie a témoigné que la pandémie de la COVID‑19 a entraîné une légère augmentation temporaire de la moyenne des heures consignées sur quatre semaines.

[61] M. Sorlie a également préparé un graphique des cotes de rendement « Surpassé » par rapport aux heures excédentaires consignées par un LP. Il a indiqué que, tant à JUS qu’au SPPC, il existait une corrélation entre le fait de travailler au-delà de la durée normale du travail et le fait de recevoir une cote « Surpassé » à une évaluation du rendement. Lorsque les ensembles de données concernant les heures de travail consignées et les cotes de rendement sont examinés ensemble, la fréquence à laquelle un LP qui a consigné des heures excédentaires a reçu une cote « Surpassé » était clairement plus élevée que ce à quoi on pourrait s’attendre s’il n’y avait aucun lien entre les deux éléments de données. En contre‑interrogatoire, M. Sorlie a reconnu que la présence d’une corrélation ne signifie pas qu’il y ait causalité; cela ne signifie pas non plus qu’un LP qui a travaillé des heures excédentaires pourrait s’attendre à recevoir une cote « Surpassé » dans le cadre de son évaluation du rendement.

C. Éléments de preuve relatifs à la comptabilisation du temps

[62] Les deux parties ont présenté des éléments de preuve concernant les pratiques et les attentes en matière de comptabilisation du temps, car bon nombre des constatations et des analyses examinées précédemment ont utilisé la comptabilisation du temps des LP individuels comme source de données. Les témoignages de M. McNairn et de Mme Hendel sur cette question ont été résumés précédemment dans le cadre de leurs témoignages sur leurs heures de travail.

[63] M. Roy a été le seul gestionnaire à témoigner au nom de l’employeur. Il a occupé de nombreux postes de direction et de haute direction à JUS. Il supervise une équipe d’environ 100 employés, dont environ 58 avocats qui relèvent de directeurs et de gestionnaires qui, à leur tour, relèvent de lui.

[64] Son témoignage concernant l’objectif de la comptabilisation du temps, ses pratiques et attentes connexes et le Protocole national de comptabilisation du temps était en grande partie le même que celui de M. McNairn et de Mme Hendel. Selon lui, la comptabilisation du temps constitue également un outil important d’analyse des affaires et de gestion des ressources humaines. Elle permet à JUS de comptabiliser le temps consacré à des dossiers particuliers, fournit des données utiles pour appuyer les demandes de financement pour des ressources supplémentaires, peut servir de mesure du rendement et peut contribuer à assurer une répartition équitable du travail au sein d’une équipe.

[65] M. Roy a témoigné que chaque LP est responsable de la comptabilisation du temps. Les LP reçoivent régulièrement des rappels de la nécessité de consigner leurs heures. Selon lui, les gestionnaires de JUS sont tenus d’examiner régulièrement la comptabilisation du temps de chaque LP et de discuter de la charge de travail et des heures de travail avec leurs employés. Si les heures consignées des LP dépassent la durée normale du travail, leurs gestionnaires sont tenus de leur dire de rajuster leurs horaires de travail pour équilibrer les heures excédentaires travaillées, comme le prévoit la convention collective.

[66] D’après son expérience, les LP qui ont été informés de rajuster leurs horaires ou encouragés de le faire ne l’ont souvent pas fait. Ce sont des professionnels qui se concentrent sur la réalisation de leur travail. Si un LP a continué à travailler des heures excédentaires après avoir été encouragé à modifier son horaire de travail, un gestionnaire doit, selon M. Roy, examiner la raison pour laquelle le LP a effectué des heures excédentaires, en mettant particulièrement l’accent sur la question de savoir si les heures excédentaires étaient nécessaires compte tenu de la nature du travail ou des circonstances, si elles indiquaient une nécessité de réaffecter ou de redistribuer le travail, ou si elles indiquaient la nécessité d’une formation, d’un mentorat ou d’une meilleure gestion du temps.

[67] M. Roy a témoigné que, d’après son expérience, la majorité des LP de JUS ne travaillent généralement pas plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines. En tant que gestionnaire, il n’a jamais demandé à un LP de ne pas travailler plus de 37,5 heures par semaine ou de ne pas venir travailler parce que le LP avait travaillé plus de 37,5 heures dans une semaine. Toutefois, il a témoigné qu’il a dit aux LP qui avaient travaillé plus de 37,5 heures par semaine pendant quelques semaines de rajuster leurs heures de travail au cours de la période suivante, par exemple en se rendant au travail plus tard ou en partant plus tôt. Ses efforts n’ont pas toujours été fructueux. Les LP ne faisaient pas toujours ce qu’il leur proposait. Il a également témoigné qu’à titre de gestionnaire, il a réaffecté des dossiers, encouragé les LP qui avaient travaillé plus de 37,5 heures par semaine à cesser de travailler sur une tâche particulière, leur a demandé de ne pas entreprendre de nouvelles activités et les a encouragés à éteindre leurs téléphones pendant les heures de repos.

D. Éléments de preuve relatifs au congé de direction

[68] Les témoignages de M. McNairn et de Mme Hendel au sujet de leur expérience personnelle en matière de congé de direction accordé ont été présentés plus tôt dans le résumé de leurs témoignages au sujet de leurs heures de travail.

[69] Mme Hendel a également témoigné au sujet de l’information que la direction du SPPC lui avait fournie sur l’octroi de congés de direction aux LP qui avaient travaillé un nombre important d’heures excédentaires. À titre de représentante de l’AJJ ayant participé à des discussions avec le SPPC en vue d’élaborer des lignes directrices pour l’octroi des congés de direction, elle a reçu un tableau anonyme énumérant toutes les décisions prises par l’administrateur général du SPPC entre juillet 2011 et avril 2020 par lesquelles les LP ont obtenu des congés de direction payés supplémentaires; c’est‑à‑dire un congé en plus des cinq jours de congé de direction qui leur avaient déjà été accordés au niveau de la direction. Selon Mme Hendel, le tableau était incomplet, mais a néanmoins servi à démontrer que les LP qui ont travaillé un nombre important d’heures excédentaires sur une base annuelle n’ont reçu qu’un faible nombre de congés de direction à titre d’indemnisation.

[70] Aucun gestionnaire n’a témoigné au sujet de l’octroi d’un congé de direction au SPPC. M. Roy a témoigné au sujet de la pratique à JUS.

[71] Selon le Guide des congés pour gestionnaires de JUS, les congés de direction payés peuvent être utilisés pour reconnaître le nombre d’heures excessif travaillé. M. Roy a témoigné que le guide a été créé pour fournir des conseils aux gestionnaires en ce qui concerne le nombre de jours de congé de direction qui pourraient être accordés, ainsi que le processus de délégation et d’approbation. Dans le cadre du processus d’approbation actuel, M. Roy peut accorder 10 jours de congé de direction payé, et ses directeurs peuvent accorder 5 jours. S’il souhaite accorder plus de 10 jours de congé de direction, il doit obtenir l’approbation du sous‑ministre adjoint.

[72] Selon M. Roy, l’octroi d’un congé de direction est un exercice subjectif qui exige qu’un gestionnaire examine le cas de la personne et pas seulement ses heures consignées. Un gestionnaire doit d’abord déterminer si l’employeur exigeait que les heures excédentaires soient effectuées. Dans l’affirmative, le gestionnaire peut accorder un congé, mais il peut aussi évaluer la charge de travail de la personne, examiner le travail affecté ou envisager de fournir des ressources supplémentaires. Si l’employeur n’exigeait pas ces heures excédentaires, le gestionnaire peut chercher à déterminer si celles-ci étaient un signe d’inefficacité dans les habitudes de travail, un besoin d’aide ou un manque de formation.

[73] M. Roy a témoigné que le congé de direction est une forme de reconnaissance pour le nombre d’heures excessif travaillé et qu’il n’existe pas de formule fixe pour l’accorder. Il ne s’agit pas d’une rémunération individuelle du nombre d’heures excessif travaillé. Le nombre de congés accordés peut varier en fonction des circonstances, y compris des facteurs tels que l’importance ou la complexité des questions juridiques pour lesquelles des heures excédentaires étaient requises. M. Roy a témoigné que le congé de direction devrait être accordé le plus près possible du moment où le nombre d’heures excessif a été travaillé, de sorte que le congé soit considéré comme une reconnaissance de ce nombre d’heures excessif. Toutefois, les discussions de mi‑année et concernant l’évaluation du rendement peuvent aussi être des occasions d’accorder un congé de direction ou d’augmenter un congé accordé antérieurement.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

[74] Selon l’agent négociateur, le libellé simple et non ambigu des clauses 13.01 et 13.02 de la convention collective étaye la conclusion selon laquelle ces clauses sont obligatoires et qu’elles obligent l’employeur à s’assurer que les LP ont une semaine de travail normale de 37,5 heures en moyenne sur une période de quatre semaines. L’AJJ souligne l’utilisation du mot « shall » dans la version anglaise et l’absence de termes qualificatifs indiquant la nature obligatoire des clauses.

[75] L’employeur ne peut pas maintenir des horaires de travail qui annulent la disposition de la convention collective relative à la durée normale du travail; voir Truro (Town) v. CUPE, Local 734 (2014), 247 L.A.C. (4th) 391 (« Truro »). Il ne peut pas exiger des LP qu’ils travaillent plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre semaines. Dans ce nombre maximal d’heures, la convention collective accorde aux LP la souplesse d’organiser leurs heures de travail en fonction de leurs fonctions individuelles et de leur permettre d’exécuter leurs obligations professionnelles, sous réserve de l’approbation de l’employeur.

[76] Lorsque les parties ont souhaité faire une exception au libellé relatif à ce qui constitue une semaine normale de travail pour les LP, elles l’ont fait. La convention collective incluait auparavant une disposition relative à la rémunération des heures supplémentaires, qui constituait une reconnaissance du fait que les LP pouvaient être tenus de travailler plus que la durée normale du travail. Cette clause – et cette reconnaissance – a été supprimée de la convention collective, et le libellé de la disposition sur la durée normale du travail n’a pas changé.

[77] Selon l’agent négociateur, si l’employeur ne limite pas les heures de travail d’un LP à la durée normale du travail, les heures excédentaires travaillées doivent être considérées comme des heures [traduction] « en dehors des heures normales de travail », pour lesquelles une prime doit être versée en vertu des clauses 13.01 d) et 13.02 d) de la convention collective (les « dispositions relatives à la disponibilité »). L’employeur doit rémunérer les LP de cette façon pour les heures excédentaires travaillées (voir Dufferin Construction Co. v. Universal Workers Union (LIUNA, Local 183) (2013), 239 L.A.C. (4th) 278, au par. 34). Selon l’agent négociateur, les dispositions relatives à la disponibilité constituent un signal que les parties ont eu l’intention de donner effet au libellé obligatoire des clauses 13.01 a) et 13.02 a). Si l’employeur n’était pas tenu de respecter les dispositions relatives à la durée normale du travail, il n’aurait pas été nécessaire pour les parties d’inclure dans la convention collective une obligation pour l’employeur de verser une indemnité de disponibilité. Il pourrait simplement demander aux LP de travailler au-delà de la durée normale du travail.

[78] L’AJJ soutient que la proposition de l’employeur soulevée dans le contexte des négociations qui ont donné lieu à la convention de 2022 appuie son interprétation des clauses 13.01 a) et 13.02 a); plus précisément, les parties ont eu l’intention que les clauses établissent un nombre maximal d’heures de travail que l’employeur pourrait imposer à un LP. La modification proposée par l’employeur révèle qu’il a compris que la convention collective créait une obligation substantielle de maintenir un horaire de travail ne dépassant pas 37,5 heures par semaine, en moyenne sur quatre semaines. Sinon, il n’aurait pas cherché à proposer une modification en vertu de laquelle la convention collective établirait la durée normale du travail à un minimum de 37,5 heures par semaine sur quatre semaines. En ne poursuivant pas davantage sa proposition, l’employeur a accepté le statu quo et a compris que les dispositions conféraient un avantage substantiel à une moyenne de 37,5 heures de travail par semaine sur une période de quatre semaines. Il a compris que les dispositions étaient exécutoires (voir NSUPE, Local 13 v. Halifax (Regional Municipality), 2021 CarswellNS 680, et Stelco Inc. Hilton Works v. USWA, Local 1005, 2000 CanLII 12471 (CRTO)). L’employeur ne devrait pas maintenant avoir le droit de soutenir que les clauses ne créent pas une obligation substantielle.

[79] Dans un grief de principe, il n’y a aucun seuil minimal pour une violation d’une convention collective. L’AJJ fait valoir que si un LP est tenu de travailler plus que la durée normale du travail au cours de l’année en raison de l’interprétation de la convention collective par l’employeur, il y a eu violation de la convention collective et l’employeur doit prendre des mesures pour s’y conformer. L’employeur doit s’assurer que les LP travaillent dans les limites de la moyenne de quatre semaines.

[80] Selon l’AJJ, il ressort des éléments de preuve que l’employeur a constamment autorisé ou exigé que les LP travaillent beaucoup plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines pendant la période visée par le rapport. Ces éléments de preuve non contredits indiquent qu’un certain nombre de LP de JUS travaillent plus que la durée normale du travail chaque année. Seulement 8 % des membres de l’unité de négociation ont travaillé exactement 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines, et jusqu’à 10 % d’entre eux ont travaillé en moyenne entre 40 et 50 heures par semaine sur une période de quatre semaines. Certains ont travaillé plus de 60 heures par semaine sur une période de quatre semaines. Un nombre considérablement plus élevé de LP ont travaillé des heures excédentaires au SPPC, où il est fréquent de faire des heures excédentaires et un nombre d’heures excessif.

[81] L’agent négociateur fait également valoir que les congés de direction payés ne servent pas à compenser les heures travaillées au-delà de la durée normale du travail; ce n’est pas non plus leur objectif. Le congé de direction ne constitue pas une mesure de contrôle sur la durée normale du travail et constitue, au mieux, une méthode imparfaite pour compenser partiellement les heures excédentaires. La direction n’évalue que rarement la charge de travail et les heures de travail des LP. En outre, l’octroi de congés de direction est un exercice discrétionnaire qui donne des résultats incohérents et, au mieux, constitue une reconnaissance partielle des avocats qui travaillent un nombre d’heures « excessif » (clause 13.02 j)).

[82] Malgré l’insistance de l’employeur à l’égard du contraire, la rémunération au rendement n’est pas pertinente pour trancher le présent grief de principe. La rémunération au rendement porte sur la paie. Elle ne fournit pas à un agent négociateur et aux membres de l’unité de négociation une mesure de contrôle sur les heures de travail et la charge de travail. De plus, il ressort des éléments de preuve non contredits que la rémunération au rendement n’est pas accordée en fonction des heures excédentaires travaillées. Une personne qui a travaillé des heures excédentaires ne peut pas s’attendre à toucher une rémunération au rendement pour cette seule raison.

[83] L’agent négociateur fait valoir qu’il n’a pas perdu le droit de se plaindre des heures excédentaires lorsqu’il a accepté de retirer la disposition sur les heures supplémentaires de la convention collective en échange d’un ensemble comprenant une augmentation de salaire de 2 % pour tous les LP et un accès plus large aux congés de direction pour tous les membres de l’unité de négociation. Les parties n’ont pas discuté du fait que le retrait de la disposition sur la rémunération des heures supplémentaires de la convention collective rendrait les clauses 13.01 a) et 13.02 a) non exécutoires ou que l’AJJ n’aurait aucun recours pour se plaindre de la durée normale du travail.

[84] Le fait d’accepter l’argument de l’employeur selon lequel l’AJJ n’a plus le droit de se plaindre des heures de travail reviendrait fondamentalement à modifier la relation entre les parties. L’agent négociateur fait valoir que cela reviendrait à accepter que l’employeur a le droit d’exiger de chaque LP de JUS et du SPPC qu’il travaille autant d’heures qu’il le juge nécessaire jusqu’à ce que les heures deviennent excessives, malgré les clauses de la convention collective qui définissent la durée normale du travail. Le fait d’accepter l’argument de l’employeur signifierait également que les employés n’auraient pas le droit de porter plainte au sujet de leurs heures de travail à moins qu’ils ne puissent démontrer que la décision de leur refuser un congé de direction pour compenser le nombre d’heures excessif était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

B. Pour l’employeur

[85] L’employeur fait valoir que l’AJJ a conclu une entente selon laquelle l’employeur peut exiger des LP qu’ils travaillent plus que la durée normale du travail. Évidemment, les parties ont envisagé que l’employeur puisse le faire. L’AJJ tente maintenant d’annuler ou de réécrire cette entente. La Commission n’a pas le pouvoir de modifier les modalités de la convention collective (voir l’art. 229 de la Loi), et il serait incompatible avec la convention collective que la Commission conclue qu’elle a été enfreinte à l’égard de la disposition sur la durée normale du travail, étant donné que les parties ont négocié une indemnisation pour les travaux effectués au-delà de la durée normale du travail.

[86] L’AJJ a conclu une convention collective prévoyant la rémunération des heures supplémentaires pour certains LP et des congés discrétionnaires exceptionnels pour d’autres. Elle a accepté de supprimer la rémunération des heures supplémentaires en échange d’une augmentation de salaire de 2 % pour tous les membres de l’unité de négociation et d’un congé de direction discrétionnaire pour tous les LP. Tous les membres de l’unité de négociation ont bénéficié de cette entente, y compris les LP dont les fonctions ne les obligeaient pas à travailler des heures supplémentaires. Il serait incompatible avec la convention collective que la Commission conclue qu’il s’agit d’un exercice déraisonnable des droits de la direction pour les LP de travailler régulièrement plus que la durée normale du travail. Au lieu d’effectuer des heures supplémentaires, les parties ont négocié une indemnisation pour les heures travaillées au-delà des heures normales. Cette indemnisation a pris la forme d’une augmentation de salaire et d’un élargissement de la disponibilité des congés de direction.

[87] L’employeur soutient que les clauses relatives à la durée normale du travail ne peuvent pas être considérées comme obligatoires lorsque la même clause prévoit une indemnisation pour les LP qui doivent travailler un nombre d’heures excessif (clause 13.02j)). Le congé de direction fait partie de l’indemnisation offerte aux LP au lieu d’heures supplémentaires.

[88] Les parties ont négocié une convention collective qui ne prévoit aucune définition de l’expression « nombre d’heures excessif » ni aucune formule pour calculer le congé de direction discrétionnaire qui peut être accordé. L’entente conclue ne comprend aucun nombre fixe de congés de direction; elle ne propose pas non plus qu’il soit nécessaire ou obligatoire d’indemniser les heures excédentaires au moyen d’une formule horaire. Il s’agit de l’entente qui a été conclue.

[89] Selon l’employeur, une fois par le passé, l’AJJ a cherché à élargir la portée de l’indemnisation des heures excédentaires en remplacement des heures supplémentaires. Un bureau de conciliation exécutoire a rejeté sa demande de congé de direction payé universel et obligatoire. En rejetant la proposition, le bureau de conciliation a reconnu que faire autrement reviendrait à modifier un compromis librement convenu lors de la négociation et dont tous les membres de l’unité de négociation bénéficiaient. La décision du bureau de conciliation exécutoire est essentielle à la question d’interprétation dont la Commission est saisie puisqu’elle est réputée être intégrée à la convention en vertu du paragraphe 182(5) de la Loi et est expressément mentionnée aux clauses 13.01 et 13.02.

[90] Étant donné que l’AJJ a renoncé par la négociation à son droit à des heures supplémentaires, la seule question qu’elle peut soulever à bon droit devant la Commission est celle de savoir si l’approche de l’employeur relative au congé de direction, telle qu’elle s’applique à l’unité de négociation de façon générale, à première vue, contrevient à la disposition de la convention collective relative au congé de direction discrétionnaire payé. L’octroi d’un congé de direction est un exercice de discrétion fondé sur les faits et en fonction de chaque cas. Un grief de principe ne constitue pas le moyen approprié de trancher une telle question; il ne conviendrait pas non plus que la Commission rende une décision fondée sur quelques cas extrêmes relevés par l’agent négociateur. Les décisions concernant l’octroi de congés de direction sont mieux traitées au moyen de griefs individuels ou collectifs; voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 84 (« AFPC 2008 »).

[91] Si la Commission conclut qu’un grief de principe peut constituer une voie appropriée pour contester l’approche de l’employeur relative au congé de direction, l’employeur fait valoir que lorsque les parties ont eu l’intention d’exiger une indemnité, elles l’ont fait expressément, comme dans le cas de l’indemnité de disponibilité (clauses 13.01 d) à h) et 13.02 d) à h)). Les parties ont convenu de rendre discrétionnaire l’octroi d’un congé de direction, et le choix fait dans le cadre de la négociation collective doit être respecté; voir Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117. Les parties ont également convenu d’une disposition qui n’inclut pas de libellé indiquant un seuil de caractère raisonnable. Par conséquent, l’exercice par l’employeur de son pouvoir discrétionnaire d’accorder un congé de direction doit être évalué en fonction d’une norme visant à déterminer s’il a été exercé d’une manière discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi; voir National Arts Centre Corp. v. P.S.A.C., Loc. 70291 (1996), 56 L.A.C. (4th) 67, aux paragraphes 28 à 30 et 42.

[92] Le SPPC et JUS ont des documents d’orientation portant sur l’octroi de congé de direction. L’employeur fait valoir que rien dans ces documents n’entrave le pouvoir discrétionnaire de la direction; ils ne contiennent rien non plus qui laisse entendre que son évaluation des congés de direction est discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi. Il n’existe aucune formule établie pour accorder ce congé ni aucune limite quant au nombre de celui‑ci qui peut être accordé, et les heures excédentaires sont expressément déterminées être un facteur pouvant justifier l’octroi de ce congé. Le nombre de jours qui peuvent être accordés relève du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire délégué et est fondé sur les circonstances de chaque cas. Le pouvoir discrétionnaire conféré aux gestionnaires de JUS et du SPPC en ce qui a trait à l’octroi d’un congé tient compte du niveau et de la nature du pouvoir discrétionnaire requis par la jurisprudence portant sur les dispositions relatives aux congés discrétionnaires.

[93] Même si la Commission devait appliquer une norme du caractère raisonnable à l’approche de l’employeur relative au congé de direction, rien ne laisse entendre que la façon dont l’employeur accorde un congé de direction « à l’unité de négociation de façon générale » est déraisonnable; voir le paragraphe 220(1) de la Loi. Le nombre d’heures « excessif » n’est pas défini dans la convention collective, et la jurisprudence qui a examiné le sens du terme « excessif » révèle que sa définition dépend du contexte et doit être évaluée par rapport à ce qui est normal ou habituel; voir International Association of Bridge, Structural and Ornamental Iron‑Workers, Local Union 786 v. Stone & Webster Canada Limited, 1989 CanLII 3067 (CRTO). Toute évaluation du caractère raisonnable de l’approche de l’employeur relative au congé de direction doit tenir compte de ce qui est normal ou habituel en ce qui concerne les heures de travail d’un LP. Elle doit également tenir compte de la rémunération au rendement, car il ressort des éléments de preuve qu’il y a une corrélation directe entre le nombre d’heures supplémentaires effectué et le fait de recevoir une cote de rendement « Surpassé ». Les LP sont les seuls employés représentés dans l’administration publique centrale qui touchent une rémunération au rendement, ce qui est une reconnaissance de la nature unique de leur travail.

[94] Depuis 2011, les heures travaillées par les LP de JUS sont constantes d’une année à l’autre. Rien ne laisse entendre que le nombre d’heures moyen actuel travaillé est excessif ou différent d’un modèle normal d’heures travaillées. À l’exception de la pratique antérieure, l’employeur est d’avis que les données démontrent que « l’unité de négociation de façon générale » ne travaille pas un nombre d’heures excessif et que malgré cela, elle bénéficie du congé de direction ainsi que de l’augmentation de salaire de 2 % négociée. Les cas individuels alléguant qu’un LP a travaillé ou travaille un nombre d’heures excessif et qu’il n’est pas indemnisé de manière adéquate par l’octroi d’un congé de direction devraient être traités au moyen de griefs individuels.

[95] L’employeur soutient que les parties ont conclu une convention collective et que le rôle de la Commission ne consiste pas à déterminer si cette convention était bonne. La question de la durée normale du travail devrait être abordée dans le cadre de la négociation collective.

IV. Analyse

[96] L’AJJ demande des déclarations énonçant l’interprétation par la Commission des clauses 13.01 a) et 13.02 a) et indiquant que l’employeur les a enfreintes. Elle demande également une déclaration exigeant que l’employeur les interprète et les applique de la manière décrite par la Commission. Ces déclarations tiennent compte des pouvoirs de réparation limités de la Commission relativement aux griefs de principe; voir l’article 232 de la Loi.

[97] Les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties portaient principalement sur les LP à temps plein. Par conséquent, l’analyse suivante en fera de même.

[98] Selon l’AJJ, la Commission n’a qu’à décider si l’employeur peut exiger que les LP à temps plein travaillent plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines, sans tenir compte de l’octroi de congés de direction payés. Si l’employeur n’a pas le droit de le faire et que la Commission conclut que certains LP de JUS et du SPPC doivent travailler plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines, l’AJJ fait valoir que la Commission doit conclure que l’employeur a enfreint la convention collective.

[99] Au cours de l’audience, la position de l’AJJ a évolué afin d’inclure une demande d’indemnisation pour les heures excédentaires. Selon elle, les LP qui travaillent des heures excédentaires devraient avoir droit à une prime.

[100] Je traiterai des éléments de preuve concernant les heures de travail et l’interprétation de la convention collective avant de traiter de l’argument de l’agent négociateur concernant la prime.

[101] Certains LP à temps plein sont‑ils tenus de travailler plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines?

[102] Les données sur la comptabilisation du temps que les deux parties ont présentées pour la période visée par le rapport, soit du 5 mars 2015 au 31 décembre 2021, m’amènent à répondre à cette question par l’affirmative. Certains LP à JUS et au SPPC ont travaillé plus de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines.

[103] La fréquence à laquelle les LP doivent travailler des heures excédentaires et les heures excédentaires travaillées variaient considérablement, allant d’occurrences peu fréquentes à des occurrences constantes de travailler plus que la durée normale du travail, et d’heures excédentaires mesurées en minutes à un nombre important d’heures excédentaires sur une période de quatre semaines. Les témoignages de Mme Hendel et de M. McNairn en sont deux exemples. Mme Hendel a décrit ses heures de travail comme dépassant régulièrement la durée normale du travail, tandis que M. McNairn a décrit son horaire de travail comme étant habituellement semblable à la durée normale du travail, avec quelques exceptions notables. En règle générale, les données présentées par les parties ont révélé que les heures excédentaires étaient plus fréquentes au SPPC qu’à JUS, une tendance apparemment attribuable aux fonctions de contentieux de la plupart des LP au SPPC. Les LP de JUS qui ont assumé des rôles consultatifs et dans le domaine du contentieux ont consigné un nombre plus important d’heures excédentaires par rapport à leurs homologues.

[104] Un examen des analyses effectuées à l’aide des heures rajustées révèle que les congés payés, en particulier les congés de direction, indemnisent une partie, mais pas la totalité, des heures excédentaires travaillées. Ce n’est pas surprenant, car aucun des témoins n’a décrit les congés de direction comme étant destinés à compenser entièrement les heures excédentaires.

[105] En résumé, certains LP de JUS et du SPPC ont travaillé plus que la durée normale du travail, et les heures excédentaires qu’ils ont travaillées n’ont pas été entièrement compensées par des congés de direction. Un nombre important de LP ont travaillé des heures excédentaires pour lesquelles ils n’ont pas reçu de congé de direction ou d’autres formes d’indemnisation.

[106] Toutefois, ces conclusions ne signifient pas que la convention collective a été enfreinte. La situation n’est pas si simple.

[107] Le désaccord entre les parties a été renvoyé à la Commission en tant que grief de principe, qui est un mécanisme permettant de résoudre – sur une base de principe – les questions relatives à l’interprétation et à l’application des dispositions d’une convention collective; voir AFPC 2008, au paragraphe 68. Aux termes de l’article 220 de la Loi, une partie à une convention collective peut présenter un grief de principe concernant l’interprétation ou l’application d’une convention collective en ce qui la concerne ou en ce qui concerne « l’unité de négociation de façon générale ».

[108] L’arbitrage de la plupart des griefs de principe exige que la Commission utilise les expressions et les termes pertinents de la convention collective comme point de départ. Le présent grief n’est pas différent. Ma principale tâche consiste à interpréter les dispositions de la convention collective en litige. Je ne peux pas modifier ses modalités et je ne peux pas non plus en établir de nouvelles. Je dois déterminer et respecter l’intention des parties lorsqu’elles ont conclu la convention collective, telle qu’elle a été exprimée par écrit.

[109] La convention collective doit être interprétée dans son intégralité. Je dois lire les mots que les parties ont utilisés dans leur contexte global, dans leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie avec l’économie de la convention, son objet et l’intention des parties (voir Beese c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains), 2012 CRTFP 99, aux par. 23 et 24). Dans le présent cas, il s’agit de l’interprétation des clauses 13.01 a) et 13.02 a) et de la question de savoir s’il s’agit de dispositions obligatoires lorsqu’elles sont interprétées dans le contexte de la convention collective dans son ensemble.

[110] En règle générale, la planification du travail a été reconnue comme un droit de la direction. Toutefois, une convention collective peut – et le fait souvent – imposer des limites à ce droit en incluant des dispositions qui définissent la durée normale du travail ou un jour de travail. Le plus souvent, la durée normale du travail est définie par la fixation d’une limite maximale sur les heures de travail (voir, par exemple, Capital Environmental Resource Inc. v. CUPE, Local 1338‑01 (AR‑01), 2004 CarswellOnt 10368, au par. 12, et Longo Brothers Fruit Market Inc. v. U.F.C.W., Local 633 (1995), 52 L.A.C (4th) 113, citant Northern Electric Office Employee Ass’n v. Northern Electric Co. (1968), 19 L.A.C. 125). En général, la durée normale du travail a pour but de déterminer les heures normales de travail et de permettre à l’employeur de disposer d’une souplesse suffisante dans le cadre de ces heures normales pour planifier les heures et la durée des heures travaillées (voir Capital Environmental Resource Inc., au par. 12).

[111] À de rares exceptions près, lorsque les parties à une convention collective ont expressément convenu d’horaires de travail « réguliers » ou « normaux », l’employeur ne peut pas modifier ces horaires sans l’accord de l’agent négociateur. L’employeur ne peut pas utiliser ses droits de la direction pour créer ou maintenir des horaires de travail qui dénueraient de sens les heures et les horaires de travail « normaux » ou « réguliers » prévus dans la convention collective (voir Truro).

[112] Les cas cités par l’agent négociateur en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de la convention collective sur les heures de travail sont d’une utilité limitée. Les clauses 13.01 et 13.02 se distinguent des dispositions en litiges dans ces cas. Les conventions collectives examinées dans les cas cités ne ressemblent pas à la convention collective au libellé général applicable aux LP. Dans la plupart de ces cas, il s’agissait de conventions collectives prévoyant des heures de travail soigneusement limitées, un nombre particulier d’heures de travail par jour et par semaine, ainsi que des heures fixes de début et de fin entre lesquelles l’employeur pouvait prévoir les heures de travail d’un employé; voir, par exemple, Capital Environmental Resource Inc.; Cloutier c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 3, et Truro. Les dispositions relatives à la rémunération des heures supplémentaires étaient d’une importance capitale dans l’analyse de l’arbitre de grief ou de l’arbitre de différends dans bon nombre de ces cas; voir, par exemple, Homer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2019 CRTESPF 55; Longo, citant Northern Electric Co., St. Clair Chemical Ltd. v. Oil, Chemical & Atomic Workers, Loc. 9‑14 (1973), 5 L.A.C. (2d) 50, et Printing Specialities & Paper Products Union, Local 466 v. Interchem Canada Ltd. (1969), 21 L.A.C. 46; Dufferin Construction Co.; et United Utility Workers Assn. of Canada v. AltaLink Management Ltd. (2009), 189 L.A.C. (4th) 408. La convention collective en litige dans le présent cas ne comprend pas une disposition sur la rémunération des heures supplémentaires.

[113] Les clauses 13.01 a) et 13.02 a) de la convention collective sont libellés comme suit :

[…]

a. Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente‑sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

a. The normal hours of work for lawyers shall average thirty‑seven decimal five (37.5) hours per week over each four (4) week period. Subject to the approval of the Employer, the hours of work shall be arranged to suit a lawyer’s individual duties and to permit the lawyer to carry out his or her professional responsibilities.

 

[114] De façon générale, le mot « shall », qui est utilisé dans la version anglaise de la convention collective, est obligatoire et n’est pas discrétionnaire; voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 10, au paragraphe 61. Toutefois, la présomption selon laquelle le terme « shall » dans la version anglaise est obligatoire peut être réfutée, selon le contexte; voir NAPE v. Newfoundland (Treasury Board) (2019), 303 L.A.C. (4th) 355. Il ne peut pas être interprété dans le vide.

[115] Les clauses 13.01 a) et 13.02 a) comprennent également le mot « normale » qui, dans ce contexte, signifie « habituellement » ou « généralement » (voir, par exemple, International Brotherhood of Boilermakers, Local 146 v. Exchanger Industries (2014), 245 L.A.C. (4th) 41, au par. 24). Même si l’employeur devrait s’efforcer de fournir aux LP un horaire de travail qui est de 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines, le libellé des dispositions est sans ambiguïté. Des exceptions peuvent survenir. Compte tenu du libellé de la convention collective, l’employeur peut exiger que les LP travaillent une moyenne supérieure à 37,5 heures par semaine sur une période de quatre semaines. Cette interprétation est renforcée davantage par l’inclusion, dans la partie de la convention collective concernant les heures de travail, d’une disposition qui permet l’octroi de congés de direction payés aux LP qui travaillent un nombre d’heures excessif, ce qui constitue une reconnaissance du fait que les LP peuvent être tenus de travailler plus que la durée normale du travail.

[116] Les parties reconnaissent avoir conclu une entente qui a été reflétée pour la première fois dans la convention de 2014. Elle comprenait une augmentation de salaire pour tous les LP, a supprimé la rémunération des heures supplémentaires et a élargi la disponibilité du congé de direction payé à tous les LP à temps plein. Le libellé des clauses 13.01 a) et 13.02 a), soit les dispositions concernant la durée normale du travail, n’a pas été modifié.

[117] Les parties ne partagent pas la même interprétation des clauses 13.01 a) et 13.02 a). Elles ne s’entendent pas sur la question de savoir s’il s’agit de dispositions obligatoires et exécutoires. Toutefois, à l’audience, les deux parties ont convenu que l’employeur peut exiger des LP qu’ils travaillent plus que la durée normale du travail. L’insistance de l’agent négociateur à dire que les LP qui doivent travailler plus que la durée normale du travail doivent être indemnisés en vertu des dispositions relatives à la disponibilité de la convention collective révèle que le cœur du désaccord réside dans la question de savoir si la convention collective impose à l’employeur l’obligation d’indemniser les LP lorsqu’il exige qu’ils travaillent des heures excédentaires.

[118] L’agent négociateur fait valoir qu’une forme d’indemnisation autre que le congé de direction doit être prévue pour les heures excédentaires travaillées. Devant la Commission, il a soutenu que l’indemnité doit prendre la forme d’une indemnité de disponibilité. Il n’est pas clair s’il a adopté une position semblable dans le cadre du processus interne de règlement des griefs ou à la table de négociation. L’employeur, quant à lui, soutient que son obligation envers les employés découle de l’application des dispositions relatives au congé de direction lorsque les LP sont tenus de travailler un nombre d’heures excessif, ce qui est une mesure discrétionnaire propre aux faits, dont l’application n’est pas convenable dans le cadre d’un grief de principe.

[119] La convention permet à l’employeur d’exiger que les LP travaillent une moyenne supérieure à 37,5 heures par semaine sur une période de quatre semaines. Si les parties avaient eu l’intention de limiter les heures de travail à 37,5 heures par semaine sur une période de quatre semaines sans possibilité d’heures excédentaires non indemnisées, elles l’auraient précisée explicitement dans la convention collective, comme c’était le cas lorsque la convention collective prévoyait que certains LP reçoivent une rémunération des heures supplémentaires.

[120] Il convient également de noter que la convention collective prévoit un mécanisme par lequel le « nombre d’heures excessif » non défini travaillé par un LP peut être compensé, en tout ou en partie, par l’octroi discrétionnaire d’un congé de direction payé. Les parties ont laissé à l’employeur le soin de déterminer à quel moment le nombre d’heures « excessif » devrait être indemnisé – en tout ou en partie – en accordant un congé de direction (voir, par exemple, Homer).

[121] Toutefois, et surtout, la convention collective comporte une lacune importante. Elle est silencieuse quant aux heures excédentaires qui n’atteignent pas le seuil du nombre d’heures excessif. Cette lacune est la source du désaccord entre les parties.

[122] L’agent négociateur fait valoir que les parties n’auraient pas pu avoir l’intention de ne pas traiter les heures excédentaires, ce qui accorderait à l’employeur la capacité illimitée d’exiger des LP qu’ils travaillent plus que la durée normale du travail.

[123] Même si les éléments de preuve extrinsèques tels que l’historique des négociations ne sont généralement admissibles que lorsque les modalités de la convention collective sont ambiguës, ce que les parties reconnaissent n’est pas le cas ici, l’historique des conventions collectives antérieures n’est pas traité de la même manière. Les conventions antérieures peuvent être acceptées en tant qu’éléments de preuve à titre d’aide à l’interprétation contextuelle utilisée pour aider à déterminer l’intention des parties en ce qui concerne les modifications apportées à une convention (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, aux paragraphes 4.36 et 4.37). Toutefois, il ne faut pas permettre à de tels éléments de preuve d’écraser les termes et expressions de la convention à l’étude (voir Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53).

[124] Un examen des conventions collectives antérieures révèle que le désaccord en litige dans le présent cas découle d’une entente conclue par les parties.

[125] Depuis la première convention collective des parties, les dispositions relatives à la durée normale du travail des LP ont été formulées de la même manière. Aucune modification n’a été apportée à ces dispositions. Des modifications ont été apportées à d’autres dispositions qui servaient à indemniser les LP qui travaillaient plus que la durée normale du travail.

[126] Certains LP bénéficiaient auparavant de la rémunération des heures supplémentaires, qui était une forme d’indemnisation qui n’était pas appréciée par tout le monde. Les parties ont convenu de la supprimer de la convention de 2014 en échange d’un ensemble de concessions comprenant une augmentation de salaire pour tous les LP, peu importe si leurs fonctions les obligeaient à travailler des heures excédentaires. Cet ensemble de concessions a également entraîné la modification de la convention collective, ce qui a permis à tous les membres de l’unité de négociation d’avoir droit aux congés de direction payé, et non seulement les LP principaux. Cet échange a été reconnu et décrit dans la décision du bureau de conciliation. La convention collective de 2014 et les conventions collectives subséquentes ont expressément reconnu le nombre d’heures de travail excessif parmi les raisons pour lesquelles un congé de direction pouvait être accordé à un LP.

[127] Même si Mme Hendel et M. McNairn ont contesté la façon dont la décision du bureau de conciliation décrivait l’entente conclue par les parties, l’AJJ n’a pas demandé un contrôle judiciaire de cette décision. Il ne m’appartient pas de remettre en question l’exactitude de la description du bureau de conciliation de l’entente conclue. La décision du bureau de conciliation est expressément mentionnée aux clauses 13.01 et 13.02 de la convention collective et, conformément au paragraphe 182(5) de la Loi, elle est réputée être intégrée dans la convention collective. L’essentiel de l’entente conclue par les parties est décrit aux paragraphes 71 et 72 de cette décision, qui sont reproduits de nouveau ci-dessous, par souci de commodité :

[71] Il est admis que lors de la dernière ronde, les parties ont convenu d’un échange qui s’est traduit par la renonciation à la rémunération du temps supplémentaire contre une augmentation générale des taux de salaires de l’ordre de 2 %, en outre de l’adoption de dispositions relatives à un congé compensatoire.

[72] L’historique des règlements intervenus est pertinente à la présente démarche et il n’y a pas lieu pour nous d’en ignorer la portée. Or, si l’universalité de l’effectif touche toujours le fruit d’un compromis librement convenu en négociation il n’y a pas lieu d’intervenir; ni conséquemment, de retenir cette proposition qui effectivement a des allures de retour unilatéral en arrière.

 

[128] Il convient de répéter que ces déclarations du bureau de conciliation ont été faites en réponse à la demande de l’AJJ d’un congé de direction payé obligatoire pour tous les LP et d’un système prévoyant un élément échelonné selon lequel un nombre croissant d’heures de congé de direction serait accordé aux LP en fonction des heures excédentaires travaillées. Cette demande a été rejetée. Le bureau de conciliation a conclu que l’octroi de la demande de l’AJJ aurait entraîné la réécriture de l’entente que les parties avaient conclue.

[129] Les parties ont conclu une entente en 2014 qui a été maintenue depuis lors et qui est prise en compte dans la convention collective actuelle. Cette convention est silencieuse quant à la question des heures excédentaires et ne prévoit aucune définition du nombre d’heures excessif ni aucun critère pour l’octroi du congé de direction payé lorsqu’un nombre d’heures excessif est travaillé. Ce silence ne rend pas ambigu le libellé de la convention collective. Il indique plutôt que les parties n’ont pas abordé la question (voir, par exemple, Wilson’s Truck Lines Ltd. v. Industrial Wood and Allied Workers of Canada, Local 700 (1999), 80 L.A.C. (4th) 1, par. 27) ou qu’elles ne se sont pas entendues sur la façon dont la situation devrait être régie. Ce dernier point me semble plus probable, étant donné les éléments de preuve selon lesquels les parties ont conclu une entente parallèle prévoyant des discussions de bonne foi visant à élaborer des lignes directrices ou des directives en vue d’améliorer la clarté et la cohérence de l’octroi des congés de direction. Malheureusement, leurs efforts n’ont pas été fructueux.

[130] La convention collective n’est pas ambiguë. Lorsqu’elle est lue dans son ensemble, elle prévoit une description de ce que constitue la durée normale du travail en utilisant un libellé obligatoire, tout en reconnaissant également le droit de l’employeur d’exiger des LP qu’ils travaillent plus que la durée normale du travail, jusqu’à concurrence d’un nombre d’« heures excessif » indéfini.

[131] L’agent négociateur a cherché à invoquer une proposition de l’employeur présentée au début du processus de négociation collective qui a donné lieu à la convention de 2022 pour étayer son interprétation des clauses relatives à la durée normale du travail. Selon l’AJJ, en proposant une modification qui aurait fixé la durée normale du travail à au moins 37,5 heures en moyenne par semaine sur une période de quatre semaines, l’employeur a clairement compris qu’il avait, en vertu de la convention collective existante, une obligation substantielle de maintenir un horaire de travail d’au plus 37,5 heures en moyenne, par semaine, sur une période de quatre semaines et a compris que les dispositions étaient exécutoires (voir NSUPE, Local 13, et Stelco).

[132] Les éléments de preuve d’une telle proposition constituent une preuve extrinsèque. Dans certaines circonstances, les propositions présentées sans succès lors des sessions de négociation collective précédentes peuvent être admissibles (voir NSUPE). Je n’ai pas besoin de décider si une telle preuve est admissible dans le présent cas. La proposition de l’employeur n’a pas été déposée en preuve. La proposition a été retirée par l’employeur sans qu’elle ait été discutée en détail à la table de négociation. Les seuls éléments de preuve fournis à ce sujet étaient les souvenirs généraux de Mme Hendel et de M. McNairn. Même si je peux accepter qu’il soit peu probable que l’employeur ait proposé une modification si, à certains égards, il n’estimait pas que les clauses relatives à la durée normale du travail étaient problématiques, en l’absence d’élément de preuve direct et détaillé, il serait hautement spéculatif que la Commission attribue à l’employeur une intention ou une compréhension de ses obligations en ce qui concerne la durée normale du travail.

[133] L’agent négociateur a fait valoir que l’employeur est tenu d’indemniser les LP qui travaillent plus que la durée normale du travail en leur versant une indemnité de disponibilité, également appelé une prime. Il a soutenu que l’inclusion d’une prime dans la convention collective serait dénuée de sens si l’employeur avait le droit d’exiger des LP qu’ils travaillent plus que la durée normale du travail. Je ne suis pas de cet avis. Une prime et l’état de disponibilité sont pertinents et servent un objectif même si les LP peuvent être tenus de travailler plus que la durée normale du travail en vertu de la convention collective.

[134] Les clauses 13.01 d) à h) et 13.02 d) à h) visent des situations particulières. Elles concernent les situations où les LP ne sont pas en service, mais doivent demeurer disponibles pour se présenter au travail sur demande. Une indemnité est versée aux LP, soit une prime, pour le temps où ils sont en disponibilité. Cette indemnisation est versée en échange d’une assurance de leur disponibilité en dehors des heures normales de travail. Si un LP en état de disponibilité est appelé au travail, il reçoit également un congé payé.

[135] Je ne peux pas accepter l’argument de l’agent négociateur selon lequel les LP qui doivent travailler plus que la durée normale du travail devraient recevoir une prime en vertu de la disposition relative à la disponibilité. Le libellé des dispositions n’étaye pas une telle interprétation et l’agent négociateur n’a fourni aucun exemple de dispositions semblables ayant été interprétées de la manière qu’il a proposée. Même si le libellé des dispositions pouvait étayer une telle interprétation, je refuserais néanmoins d’interpréter la disposition de la manière demandée par l’AJJ. Interpréter les dispositions relatives à la disponibilité de la manière proposée par l’agent négociateur créerait de la confusion quant au statut de travail d’un LP en brouillant les lignes entre les situations dans lesquelles un employé est au travail et les situations dans lesquelles un employé n’est pas en service, mais doit être disponible pour travailler sur demande ou lorsqu’un employé en disponibilité doit se présenter au travail.

[136] L’employeur a présenté des éléments de preuve concernant l’octroi d’un congé de direction aux LP qui travaillent des heures excédentaires. Une partie de l’entente conclue par les parties dans la convention de 2014 consistait à élargir l’accès aux congés de direction payés à tous les LP en échange, en partie, de la suppression d’une disposition sur la rémunération des heures supplémentaires de la convention collective.

[137] La question de savoir si l’employeur accorde des congés de direction, à l’unité de négociation de façon générale, de manière déraisonnable n’est pas l’objet du présent grief de principe. Même si l’AJJ a adopté la position selon laquelle la Commission ne devrait pas écarter le congé de direction, elle a également déclaré à maintes reprises que la Commission devrait conclure que la convention collective a été enfreinte si elle conclut que même un seul LP a été tenu de travailler plus de la durée normale du travail. Son grief, ses éléments de preuve et ses arguments étaient principalement axés les heures de travail consignées des LP. Elle a déployé des efforts importants au cours de l’audience pour présenter un portrait de la durée normale du travail fondé sur des données qui ne tenait pas compte de l’octroi de congés de direction. Elle n’a pas demandé à la Commission de tirer une conclusion concernant le respect de l’employeur des dispositions relatives à la durée normale du travail lorsqu’elles sont lues dans le contexte de l’ensemble de l’article 13, y compris le congé de direction.

[138] Néanmoins, il ressort des éléments de preuve que les congés de direction sont habituellement accordés, même s’ils sont accordés de manière imparfaite ou incohérente, aux LP qui travaillent des heures qui peuvent être qualifiées d’excessives. Le congé de direction ne vise pas à compenser complètement le nombre d’heures excessif. La convention collective ne comprend pas une telle obligation. Rien n’indique qu’une compensation complète n’ait jamais été envisagée. JUS et le SPPC ont tous les deux adopté et appliqué des lignes directrices internes pour aider la direction à accorder un congé discrétionnaire payé pour le nombre d’heures excessif travaillé. Étant donné la nature factuelle discrétionnaire de l’exercice d’octroi de congés de direction, il est préférable de régler les problèmes liés à l’octroi de ce congé pour compenser le nombre d’heures excessif au moyen de griefs individuels ou collectifs.

[139] Même s’il ressort des éléments de preuve que certains LP doivent travailler plus que la durée normale du travail, je ne peux pas conclure que l’employeur a contrevenu à la convention collective. Il a le droit d’exiger qu’un LP travaille plus que la durée normale du travail et la convention collective ne comprend aucun mécanisme pour traiter les heures excédentaires qui ne sont pas un nombre d’heures excessif. Il a mis en œuvre des lignes directrices concernant l’octroi du congé de direction pour le nombre d’heures excessif, et il est ressorti des éléments de preuve qu’un tel congé est habituellement accordé. Toutefois, je reprendrais les propos du bureau de conciliation, reproduits dans le paragraphe ci-dessous, et j’encouragerais l’employeur à s’efforcer d’assurer la clarté, l’uniformité et la responsabilité concernant l’octroi de congés de direction pour le nombre d’heures excessif travaillé :

[73] […] [Le Conseil du Trésor] a intérêt à assurer que les gestionnaires chargés de l’administration des clauses pertinentes leur donnent une interprétation et en assurent une application qui soient cohérentes et justes. Au risque, à défaut de le faire, que l’agent négociateur n’exerce les recours qu’il possède en présence de gestes arbitraires, discriminatoires ou abusifs.

 

[140] Je terminerai par un dernier mot sur la rémunération au rendement. L’employeur a mentionné à maintes reprises que la disponibilité de la rémunération au rendement pour les LP constituait un facteur pertinent dans l’analyse de la Commission, laissant entendre que sa disponibilité sert de mécanisme par lequel les LP travaillant plus que la durée normale du travail peuvent être indemnisés.

[141] Dans Canada (Procureur général) c. Association des juristes du ministère de la Justice, 2011 CF 530, au paragraphe 68, la Cour fédérale a distingué la rémunération au rendement de la rémunération des heures supplémentaires. Comme l’a indiqué la Cour, un employé dont le rendement au travail est exceptionnel ne travaille pas nécessairement aussi au-delà de son horaire normal. On ne peut pas dire non plus – et M. Roy en a convenu – qu’un LP qui travaille des heures excédentaires peut s’attendre à toucher une rémunération au rendement pour cette seule raison. La rémunération au rendement vise à reconnaître l’excellence du rendement. Il ne s’agit pas d’un moyen de compenser un LP pour les heures excédentaires travaillées; elle ne devrait pas non plus être un facteur pour déterminer si un employeur s’est acquitté de ses obligations en ce qui concerne la durée normale du travail.

[142] La convention collective en litige comporte des lacunes que la Commission ne peut pas combler. La Loi lui interdit clairement de rendre une décision qui aurait pour effet de modifier la convention collective. Même si un grief de principe constitue un mécanisme approprié permettant à l’agent négociateur de présenter ses préoccupations au sujet de l’interprétation et de l’application des dispositions d’une convention collective concernant la durée normale du travail devant la Commission, il ne s’agit pas d’un mécanisme qui peut ou devrait être utilisé pour demander de modifier les modalités de la convention. Les modifications doivent être demandées à la table de négociation. La question soulevée dans le présent grief de principe est de longue date et doit être réglée dans le cadre de la négociation collective.

[143] Pour ces motifs, la Commission rend ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[144] Le grief de principe est rejeté.

Le 13 janvier 2023.

Traduction de la CRTESPF

Amélie Lavictoire,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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