Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a renvoyé des griefs individuels à la Commission dans lesquels les employés s’estimant lésés alléguaient que l’employeur avait enfreint la procédure d’allocation des heures supplémentaires prévue à la convention collective – les parties avaient signé un protocole d’entente pour régler les griefs et établir la façon dont les erreurs futures dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires seraient traitées à l’avenir – la Commission était appelée à se prononcer sur l’interprétation du paragraphe 3 du protocole d’entente portant sur les erreurs futures dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires – la Commission avait compétence pour décider si l’employeur avait respecté les conditions du protocole d’entente, la mise en application de celui-ci et son interprétation – la Commission a examiné les mots utilisés dans le protocole d’entente non seulement dans le contexte du paragraphe 3, mais également dans le protocole d’entente dans son ensemble – le paragraphe 3 indiquait que l’employeur remplacera le salaire normal pour le prochain quart de travail régulier avec le taux des heures supplémentaires égal aux heures du quart d’heures supplémentaires perdu lors d’erreurs d’attribution – la Commission a déterminé que le paragraphe 3 devait être interprété selon les mots écrits dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion de l’entente – le mot substitute au paragraphe 3 voulait dire « remplacer », synonyme de substituer – le paragraphe 3 ne pouvait être interprété comme voulant dire un « remplacement en sus » du salaire normal; il était clair et sans ambiguïté – de plus, le préambule du protocole d’entente était clair et précis car il signalait que l’employeur n’était pas d’accord avec la mesure de redressement revendiquée par l’agent négociateur – il n’était alors pas nécessaire pour la Commission de recourir à la preuve extrinsèque pour interpréter le paragraphe 3 – l’agent négociateur avait allégué que la préclusion fondée sur une promesse s’appliquait – la preuve a démontré que l’agent négociateur et l’employeur avaient une compréhension différente du paragraphe 3, mais cela n’équivalait pas à des promesses de la part de l’employeur.

Dossiers de griefs fermés.

Contenu de la décision

Date: 20221021

Dossiers: 466-SC-00402 à 408

 

Référence: 2022 CRTESPF 88

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail au

Parlement

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

MÉLANIE BEAULNE, ERICK CARRIÈRE, ÉRIC LABELLE, ÉRIC LANGLOIS, EMMANUEL LINDOR, MATTHIEU PROULX ET DAMIEN SABOURIN

employés s’estimant lésés

 

et

 

SÉNAT DU CANADA

 

employeur

Répertorié

Beaulne c. Sénat du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 63(1)a) de la Loi sur les relations de travail au Parlement

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les employés s’estimant lésés : Geneviève Brunet Baldwin, avocate

Pour l’employeur: George Vuicic, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

Le 14 janvier 2020 et par arguments écrits le 5 février et les 21 et 28 février 2020.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Le 24 décembre 2015, l’Association des employés du Service de sécurité du Sénat (l’« agent négociateur » ou le « syndicat ») a renvoyé des griefs individuels (« Sabourin et al. ») à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) dans lesquels les employés s’estimant lésés (les «employés ») allèguent que le Service de protection parlementaire (l’« employeur ») a enfreint la procédure d’allocation des heures supplémentaires prévu à l’article 21 et à l’annexe C de la convention collective intervenue entre le Sénat du Canada et l’agent négociateur, dont la date d’expiration est le 30 septembre 2017 (la « convention collective »). Le 24 janvier 2018, les parties ont signé une entente pour régler les griefs (le « protocole d’entente ») et établir la façon dont les erreurs futures dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires seront traitées à l’avenir. La présente décision porte uniquement sur les interprétations divergentes des clauses portant sur les erreurs futures dans l’attribution des quarts de travail prévues dans le protocole.

[2] Le protocole d’entente prévoit ce qui suit :

[Traduction]

Attendu que des griefs ont été déposés par des membres de l’Association dans le cadre de Beaulne et al. (466-SC-402 à 408), qui demandent une indemnisation complète pour une erreur administrative; et

Attendu que l’employeur a accepté que l’erreur s’est produite, mais que la mesure de redressement demandée par les fonctionnaires s’estimant lésés n’a pas été acceptée par l’employeur; et

Attendu que les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral;

Attendu que les parties ont convenu d’un règlement pour régler les griefs et d’une entente sur la façon dont les erreurs commises dans les heures supplémentaires seront traitées à l’avenir;

En conséquence, les parties conviennent de ce qui suit :

1-L’employeur indemnisera les fonctionnaires s’estimant lésés pour les heures supplémentaires perdues, au taux des heures supplémentaires indiqué dans la convention collective, y compris les primes de poste. L’indemnisation pour les heures supplémentaires peut être reçue à titre de rémunération ou de congés compensatoires, conformément à la convention collective.

2-Les fonctionnaires s’estimant lésés retireront immédiatement leurs griefs. L’AESSS est chargée d’informer la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral que l’affaire est réglée.

3-À la signature de la présente entente, si un employé est qualifié, admissible et disponible pour travailler des heures supplémentaires conformément à la convention collective, mais qu’il ne se voit pas offrir d’heures supplémentaires en raison d’une erreur de la part de l’employeur, ce dernier doit remplacer le salaire normal de l’employé pour son ou ses prochains quarts de travail normaux prévus par le taux de rémunération des heures supplémentaires applicables, et cela pour un nombre d’heures équivalant aux heures supplémentaires dont l’employé n’a pas bénéficié. Cet ajustement de la rémunération doit aussi comprendre les primes de poste que l’employé aurait reçues si le quart de travail d’heures supplémentaires lui avait été offert comme il convenait.

Par exemple : En raison d’une erreur, l’employeur n’a pas offert de quart de travail d’heures supplémentaires de 12 heures à l’« agent Jim » à l’occasion de son premier jour de repos. Les quarts réguliers ultérieurs de l’agent Jim sont des quarts de huit heures le lundi et le mardi, au taux de rémunération normal. Afin d’être indemnisé pour l’erreur liée aux heures supplémentaires, l’agent Jim sera rémunéré conformément à la convention collective de l’AESSS, de la manière suivante :

· Au taux des heures supplémentaires le lundi (quatre heures au tarif et demi + quatre heures au tarif double)

· Au taux des heures supplémentaires le mardi (quatre heures au tarif double) + rémunération normale pour le reste des heures du quart de travail

4-L’Association comprend et accepte que l’administration des heures supplémentaires soit actuellement effectuée par des membres de l’unité de négociation. À compter de la date de signature du présent protocole d’entente, les erreurs commises par un membre à l’égard de ces fonctions seront officiellement traitées par l’employeur au moyen de mesures administratives ou disciplinaires, lorsque les circonstances le justifient. Il est également entendu et accepté que l’employeur ne tolérera aucune forme de malhonnêteté ou de collusion de la part d’un membre relativement à l’attribution ou à la rémunération des heures supplémentaires.

5-Dans la mesure du possible, l’employeur peut mettre en œuvre des politiques, des procédures ou une technologie pour réduire les erreurs potentielles. L’Association sera consultée conformément à la convention collective avant leur mise en œuvre.

6-La présente entente demeurera en vigueur jusqu’à ce que les parties conviennent de la modifier ou de la résilier, ou si la question est réglée par une nouvelle convention collective.

 

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, L.C. 2013, c. 40, art. 365.

II. Résumé de la preuve

[4] Les parties ont soumis un énoncé conjoint des faits. L’agent négociateur a convoqué Brian Faust et Erick Carrière. Au moment de la négociation du protocole d’entente et du renvoi des griefs, M. Faust était le président du syndicat et M. Carrière était le vice-président du syndicat. L’employeur a convoqué Shawn Garby, conseiller en relations de travail.

[5] Les employés ont allégué dans les griefs que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en répartissant les quarts de travail d’heures supplémentaires de manière inappropriée et ils ont revendiqué une « indemnisation complète » pour l’erreur. La convention collective prévoit, à l’article 21 et à l’annexe C, que le temps supplémentaire est offert en fonction des disponibilités et par ordre d’ancienneté des employés inscrits sur la liste de temps supplémentaire. Lorsqu’un quart de travail d’heures supplémentaires est disponible, les employés sont appelés en ordre d’ancienneté et l’employeur leur offre la possibilité de travailler le quart d’heures supplémentaires. Le caporal ou le sergent gère le personnel. Celui-ci est responsable pour l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires. Selon le témoignage de M. Carrière, le caporal et le sergent sont tous les deux membres du syndicat.

[6] Pendant la procédure interne de règlement des griefs, l’employeur a reconnu qu’il y avait eu des erreurs dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires. Toutefois, il n’était pas d’accord avec la mesure de redressement revendiquée par l’agent négociateur qui consistait à indemniser les employés pour la totalité du quart de travail d’heures supplémentaires perdu.

[7] L’employeur était seulement prêt à leur offrir une autre possibilité d’effectuer un quart de travail d’heures supplémentaires. L’agent négociateur a refusé cette offre, en déclarant que cette mesure de redressement causerait un préjudice à d’autres employés qui avaient maintenant droit aux quarts de travail d’heures supplémentaires.

[8] Selon les témoignages de MM. Faust et Carrière, la convention collective accorde une priorité à tout employé qui effectue du temps supplémentaire jusqu’à quatre quarts de travail en temps supplémentaire. La position de l’employeur de permettre aux employés d’effectuer du temps supplémentaire correspondant aux heures perdues à un autre moment créait différents préjudices pour d’autres employés, et c’est la raison pour laquelle cette option n’était pas acceptable pour l’agent négociateur.

[9] C’est en octobre 2017 que les parties ont amorcé leurs discussions dans le but de régler les griefs. MM. Faust et Carrière ont eu une discussion avec M. Garby. Initialement, M. Garby avait proposé que les employés qui avaient déposé des griefs seraient rémunérés au taux supplémentaire pour le prochain quart de travail régulier et ce pour la moitié des heures supplémentaires perdues.

[10] À cette époque, l’agent négociateur voulait que les employés soient compensés pour la totalité des heures de temps supplémentaires perdues. Selon les témoignages de MM. Faust et Carrière, cette position n’a jamais changé. M. Garby a reconnu que les griefs revendiquaient le montant total perdu pour les erreurs commises dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires.

[11] Selon M. Garby, c’était la position initiale de l’agent négociateur. Toutefois, l’employeur ne voulait pas faire « un chèque en blanc » aux employés. L’employeur n’était pas à l’aise à ce que les employés soient rémunérés alors qu’ils étaient à la maison sans travailler. Son but était de faire bouger l’agent négociateur de sa position initiale. Selon son souvenir, l’agent négociateur n’avait pas pris position par rapport à la rémunération pour les erreurs futures.

[12] M. Garby a témoigné que la position initiale de l’employeur était de compenser les erreurs futures par la différence entre le surtemps qu’ils auraient perçu s’ils avaient travaillé le quart d’heures supplémentaires perdu et le paiement de leur quart de travail régulier au taux supplémentaire.

[13] M. Garby a dit qu’à aucun moment MM. Faust et Carrière n’ont soulevé des objections au sujet de sa proposition pour la compensation des erreurs futures. Ils n’ont pas insisté que les membres soient remboursés le total du montant perdu. M. Garby a utilisé l’exemple de l’ « agent Jim », qui fut ultimement incorporé au paragraphe 3 du protocole d’entente. Il a expliqué qu’il se souvenait avoir expliqué l’exemple à MM. Faust et Carrière. Il a témoigné avoir fait plusieurs calculs avec eux. Il a confirmé que le tableau déposé en preuve reflétait la rémunération prévue au paragraphe 3 du protocole d’entente.

[14] M. Garby a témoigné que les employés victimes d’erreurs futures seraient rémunérés au taux des heures supplémentaires pour leur prochain quart de travail régulier. Il n’était pas question que les employés soient rémunérés au taux des heures supplémentaires en sus de leur quart de travail régulier. Si c’était le cas, l’employeur n’aurait jamais accepté une telle entente puisqu’il n’y aurait pas eu de compromis de la part du syndicat. Selon M. Garby, l’employeur s’attendait à ce qu’il y ait un compromis de la part de l’agent négociateur pour les erreurs futures. C’est la raison pour laquelle l’entente a réussi.

[15] MM. Carrière et Faust ont témoigné que durant leurs discussions avec M. Garby, ils ont soulevé l’exemple des jours fériés désignés pour appuyer leur position. M. Carrière a témoigné que, selon son souvenir, M. Garby avait compris son exemple de paiement pour les jours fériés désignés. M. Carrière s’est souvenu que M. Garby avait répondu que oui, il avait compris. Si M. Garby avait dit non, la discussion serait finie. Selon lui, l’employeur avait ce qu’il voulait et l’employé avait tout son argent. Il avait l’intention de faire passer cette offre de règlement, tel qu’il l’avait compris, au vote par les membres du syndicat à une assemblée syndicale. Il n’avait aucun pouvoir d’approuver l’offre de règlement sans l’accord des membres.

[16] M. Garby a témoigné qu’il ne se souvenait pas de discussions ou de référence au paiement pour les jours fériés désignés. Il se souvenait seulement d’avoir discuté de l’exemple de l’« agent Jim » et d’avoir fait les calculs avec MM Faust et Carrière. Il croyait que MM. Faust et Carrière comprenaient comment le calcul serait fait. Si l’employeur avait accepté l’interprétation de l’agent négociateur, les griefs auraient été accordés et le protocole d’entente n’aurait pas été nécessaire. Autrement, les employés auraient reçu leur salaire pour le quart de travail régulier et le plein montant pour les heures supplémentaires perdues.

[17] En contre-interrogatoire, M. Faust a expliqué qu’il n’avait pas insisté à ce que le protocole d’entente mentionne « jours fériés désignés », car c’était leur compréhension mutuelle du calcul de la rémunération des erreurs futures.

[18] En novembre 2017, les parties ont conclu un protocole d’entente pour régler les griefs ainsi que les erreurs futures. M. Garby avait préparé la première ébauche du protocole d’entente et il l’avait ensuite envoyée à MM. Faust et Carrière le 5 novembre 2017. La première ébauche indiquait, au paragraphe 1, que les employés qui avaient déposé des griefs seraient remboursés la moitié des heures supplémentaires perdues au taux supplémentaire, tel qu’il est prévu dans la convention collective. Selon M. Garby, à ce moment-là, il n’y avait pas eu de discussions par rapport à la rémunération pour les erreurs futures prévues au paragraphe 3.

[19] Le 8 novembre 2017, MM. Faust et Garby ont discuté de leur compréhension respective quant à la rémunération proposée au paragraphe 1 de l’ébauche du protocole d’entente. Le paragraphe 1 faisait référence à la moitié des heures perdues. Selon le souvenir de M. Garby, les parties s’étaient entendues que la rémunération serait pour la moitié des heures perdues et non une rémunération complète. M. Faust, pour sa part, ne se souvenait pas d’avoir accepté la moitié car les membres du syndicat n’auraient pas accepté une telle offre.

[20] M. Carrière a confirmé qu’il était furieux avec la première ébauche car elle ne reflétait pas leur échange. Il n’était pas content. Il avait informé M. Garby par courriel qu’il ne pouvait pas proposer cette offre aux membres. Le 15 novembre 2017, il a demandé une rencontre avec la directrice, Jane MacLatchy, pour lui faire part de sa frustration. Il lui a expliqué qu’il y avait eu un protocole d’entente, mais pas pour la moitié des heures supplémentaires. Elle lui a dit qu’elle ferait des vérifications de son côté.

[21] M. Garby a expliqué qu’il avait compris de ses discussions avec l’agent négociateur que ce dernier accepterait la moitié de la rémunération revendiquée dans les griefs. Il ne se souvenait pas que l’agent négociateur n’accepterait pas la moitié ou qu’on ne serait pas en mesure de convaincre les employés d’accepter la moitié. Il a témoigné qu’à ce moment-là il avait seulement l’autorité d’offrir la moitié du montant revendiqué dans les griefs. Il n’aurait pas tenté d’inclure dans le protocole d’entente ce libellé s’il croyait que l’agent négociateur n’aurait pas accepté l’offre. Il était insulté que le syndicat semble maintenant l’accuser d’avoir tenté d’inclure des mots dans le protocole d’entente à leur insu.

[22] Les représentants de l’agent négociateur avaient consulté leur avocat pour réviser l’ébauche du protocole d’entente, et ils avaient apporté quelques modifications mineures. Le document démontre que le mot [traduction] « demi » dans le paragraphe 1 est biffé. Il n’y avait aucune proposition de modifications au paragraphe 3 qui faisait référence à la rémunération applicable pour les erreurs futures. Le 1er décembre 2017, M. Faust a envoyé l’ébauche du protocole d’entente avec les changements proposés à M. Garby. C’est lui qui avait biffé le mot [traduction] « demi » au premier paragraphe en rouge et il avait ajouté en rouge [traduction] « y compris les primes de poste et les indemnités de repas ».

[23] Le 13 décembre 2017, M. Garby a envoyé une autre ébauche du protocole d’entente, et il a accepté les changements proposés par l’agent négociateur. Dans son courriel, M. Garby a confirmé que la prime de quart de travail pour les heures supplémentaires serait payée aux employés éligibles sous le paragraphe 1. Toutefois, l’employeur n’était pas d’accord de payer l’indemnité de repas puisque les employés n’avaient pas travaillé le quart. De plus, il a indiqué avoir ajouté au paragraphe 5 le fait que l’employeur ne serait pas limité dans sa capacité d’éviter les erreurs futures dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires. M. Garby avait joint à son courriel un tableau indiquant la rémunération de tous les employés visés par le paragraphe 1 du protocole d’entente.

[24] M. Garby a reconnu qu’il n’y avait aucune mention dans son courriel indiquant qu’il avait effectué un changement au deuxième point du paragraphe 3 dans l’exemple de l’agent Jim. M. Garby a témoigné qu’il ne se souvenait pas si c’était lui ou l’agent négociateur qui avait ajouté le texte supplémentaire. Il a expliqué que l’ajout de ce texte supplémentaire reflète simplement le fait que, dans l’exemple de l’agent Jim, le montant équivalant aux heures supplémentaires perdues aurait déjà été payé au taux des heures supplémentaires applicable; les heures restantes seraient rémunérées selon le taux horaire régulier de l’employé. M. Faust a répondu qu’il était d’accord avec l’ébauche du protocole d’entente, telle qu’elle avait été révisée par M. Garby.

[25] En contre-interrogatoire, M. Garby a dit qu’il n’avait jamais dit que les employés recevraient la moitié des montants dus pour les erreurs futures. Il a tout simplement fait référence à l’exemple de l’agent Jim et le calcul.

[26] Le 24 janvier 2018, M. Carrière a envoyé un courriel à M. Garby pour l’informer que l’agent négociateur avait revu l’ébauche du protocole d’entente, et qu’il manquait les mots [traduction] « y compris les primes de poste » après [traduction] « taux des heures supplémentaires » dans le paragraphe 3. M. Garby a répondu que c’était un oubli, et qu’il ajouterait ces mots. Les parties ont signé le protocole d’entente le 24 janvier 2018.

[27] Quelque temps après la signature du protocole d’entente, les parties avaient des interprétations divergentes du paragraphe 3. Le 5 mars 2018, M. Faust a écrit à M. Garby qu’il y avait confusion, car l’agent négociateur avait toujours pris la position que l’employé ne perdrait pas d’argent, que les heures supplémentaires seraient payées en sus du salaire normal.

[28] En contre-interrogatoire, M. Garby a reconnu que, selon les calculs de l’agent négociateur, un employé qui aurait travaillé un quart de travail d’heures supplémentaires de 12 heures serait normalement rémunéré pour un total de 22 heures. Toutefois, selon le libellé prévu au paragraphe 3 du protocole d’entente, cet employé serait seulement rémunéré pour un total de 10 heures. Selon M. Garby, ce calcul n’avait pas été effectué avec l’agent négociateur pendant les négociations du protocole d’entente. L’agent négociateur n’avait pas proposé de libellé à cet effet.

[29] M. Garby a expliqué que la rémunération prévue au paragraphe 3 du protocole d’entente représente la différence entre la rémunération que l’employé aurait perçue pour son quart de travail régulier à la suite du quart de travail d’heures supplémentaires manqué, et la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé le quart de travail d’heures supplémentaires. Selon M. Garby, cela reflète le compromis qui était essentiel pour l’employeur. Les employés affectés recevraient donc le bénéfice d’être rémunéré au taux des heures supplémentaires pour le quart de travail régulier qu’ils auraient travaillé. Toutefois, les employés affectés par des erreurs futures ne recevraient pas la rémunération complète pour le quart de travail d’heures supplémentaires perdu en plus de leur quart de travail régulier.

[30] MM. Carrière et Faust avaient tous les deux compris que le paragraphe 3 du protocole d’entente prévoyait que le mot « substitute» voulait dire que l’employeur paierait les employés au taux des heures supplémentaires applicable en sus de la rémunération du quart de travail régulier. Les employés victimes d’erreurs futures recevraient donc la rémunération applicable au quart de travail régulier en plus du taux des heures supplémentaires. Selon MM. Faust et Carrière le mot «substitute» voulait dire [traduction] « remplacer en sus de ». Selon M. Faust, les employés devaient être rémunérés tel qu’il est prévu dans la convention collective. Si tel était le cas, les employés ne devraient pas perdre le salaire pour le quart de travail régulier. M. Faust a expliqué que la paie est associée à la pension. Si la paie est modifiée, il y a un impact sur la pension. En vertu de ce protocole d’entente, l’employeur déduit les heures de travail de la paie, cela a un impact énorme. Selon lui, l’employeur ne peut pas faire cela sans faire signer des formulaires de congé sans solde.

[31] En contre-interrogatoire, M. Carrière a reconnu qu’il n’avait jamais suggéré d’enlever le mot « substitute » au paragraphe 3 du protocole d’entente. Il a expliqué que la première fois, l’employeur voulait seulement payer la moitié. Il leur a dit que cela était impossible, que les membres n’allaient pas accepter de perdre de l’argent. Il a dit qu’il ne se pouvait pas que plus tard, l’agent négociateur accepte la moitié, sinon, ils auraient accepté dès le départ. Dans l’exemple de l’ « agent Jim », il avait compris que l’employeur paierait le salaire normal pour les deux jours en question et ensuite les heures supplémentaires pour les heures qui suivent. Il a reconnu qu’il n’y avait aucune mention de payer l’employé comme si c’était un jour férié. Toutefois, il n’était pas question que l’employé perde son salaire normal non plus.

[32] M. Faust a expliqué que selon lui, leur compréhension du paragraphe 3 du protocole d’entente représentait une situation gagnante pour l’agent négociateur et l’employeur. L’employeur recevait ce qu’il voulait, soit la prestation de travail des employés, et les employés recevaient leur salaire ainsi que les heures supplémentaires. Le compromis était que l’employeur ne payait pas un salaire aux employés qui ne travaillent pas. Ce qui était dû aux employés en tant qu’heures supplémentaires perdues leur serait payé en sus de leur salaire normal.

[33] En contre-interrogatoire, M. Faust a reconnu qu’il n’y avait aucune référence à « en sus de », qu’il y a seulement le mot « substitute ». Ils étaient sous l’impression que le paragraphe 3 du protocole d’entente indiquait que les employés seraient rémunérés comme dans le cas d’un jour férié. On n’avait jamais discuté de soustraire le salaire normal.

III. Motifs

[34] En appliquant le raisonnement énoncé dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, c. 22, art. 2) donne compétence à la Commission de décider si le protocole d’entente est définitif et contraignant pour les parties, si les parties s’y sont conformées et, dans la négative, quelle est l’ordonnance qu’il convient d’imposer dans les circonstances.

[35] Les parties ont signé le protocole d’entente et ont convenu qu’il était contraignant et définitif. Aucune partie n’a argué que le protocole d’entente était invalide. Le protocole permettait de régler tous les griefs déposés ainsi que la rémunération pour toute erreur future dans l’attribution des quarts d’heures supplémentaires.

[36] Le rôle de la Commission ne consiste pas à rendre une décision sur le fond des griefs, mais plutôt à déterminer l’interprétation du protocole d’entente et son application. Plus précisément, la Commission doit déterminer si l’employeur a respecté les conditions du protocole d’entente, la mise en application de celui-ci et son interprétation.

[37] Les parties ont confirmé à l’audience que tous les griefs avaient été réglés par la mise en application du protocole d’entente. Les employés affectés ont reçu une rémunération complète pour le quart d’heures supplémentaires qu’ils ont perdu. La seule question à trancher est l’interprétation de la clause prévue au paragraphe 3 du protocole d’entente portant sur les erreurs futures dans l’attribution des quarts de travail d’heures supplémentaires.

[38] L’agent négociateur a présenté une plaidoirie de 19 pages qui peut être résumée par trois arguments principaux. L’employeur pour sa part a présenté une plaidoirie de 29 pages. L’agent négociateur a ensuite répliqué avec une plaidoirie de 8 pages. Je vais traiter les arguments de l’agent négociateur avec la réponse de l’employeur de façon successive.

[39] Dans un premier temps, l’agent négociateur soutient que l’indemnisation intégrale des employés sans exiger qu’ils effectuent un quart de travail compensatoire est la seule mesure de redressement possible selon la clause 21.06 de la convention collective et la jurisprudence de la Commission. L’agent négociateur a fait référence à la décision rendue par la Commission dans Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106, au par. 34, où l’arbitre de grief a conclu que, si l’employé s’estimant lésé était forcé d’effectuer le quart de travail supplémentaire manqué, cela aurait un effet sur les droits d’autres employés. Sur cette question, l’agent négociateur a cité la décision rendue par la Commission dans Hunt c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65, dans laquelle la Commission a conclu que l’exigence par l’employeur d’effectuer le quart de travail supplémentaire manqué causerait un préjudice à d’autres employés.

[40] De plus, l’agent négociateur a soutenu que la clause 21.06 de la convention collective prévoit que si plusieurs jours d’heures supplémentaires sont en cause, le premier employé qui est appelé au travail se voit offrir les heures supplémentaires jusqu’à concurrence de quatre quarts de travail. La jurisprudence de la Commission ainsi que la convention collective confirment que la position de l’employeur causerait un préjudice aux employés, de sorte que ce serait inacceptable pour l’agent négociateur d’accepter que le salaire d’un quart de travail régulier serait substitué ou remplacé par le taux des heures supplémentaires perdues.

[41] L’agent négociateur a souligné que si le protocole d’entente est interprété selon le sens proposé par l’employeur, un employé recevrait moins de 50 % de la somme totale qui lui est due. Selon l’argumentation de l’agent négociateur, si l’interprétation de l’employeur est juste, « l’ agent Jim », en vertu du scénario énoncé dans le protocole d’entente, ne serait rémunéré que pour 10 heures plutôt que pour les 22 heures qui lui sont dues. Selon l’interprétation de l’employeur, les employés seraient payés au taux des heures supplémentaires que pour les heures perdues, mais leur salaire normal serait soustrait de cette somme, ce qui est tout à fait inacceptable, surtout compte tenu du fait que les heures régulières sont des heures ouvrant droit à pension. Le paragraphe 3 du protocole d’entente doit être interprété de façon à ce que la rémunération du quart d’heures supplémentaires perdu soit ajoutée à la rémunération du prochain quart de travail régulier de l’employé. L’agent négociateur soutient que le terme « substitute » qui figure au paragraphe 3 s’entend au sens d’un remplacement en sus du salaire normal d’un employé.

[42] L’agent négociateur a soutenu que le contexte des négociations entre les parties est pertinent et qu’il doit être pris en considération dans l’interprétation du paragraphe 3 du protocole d’entente, en citant la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, à l’appui de cette proposition. Dans cette cause, au par. 60, la Cour a conclu que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque n’interdit pas au tribunal de tenir compte des circonstances, et qu’en réalité, cette preuve est compatible avec les objectifs relatifs au caractère définitif et certain puisqu’elle sert d’outil d’interprétation qui vient éclairer le sens des documents écrits, et non le changer ou s’y substituer.

[43] L’agent négociateur a aussi souligné que la Commission avait accepté cette approche dans Fehr c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 17, au par. 67, en faisant référence au principe énoncé dans Sattva qui constituait une approche plus moderne de l’interprétation des contrats, qui était plus pratique, fondée sur le sens commun, et qui n’était pas axée sur des règles de forme en matière d’interprétation. Dans Fehr, la Commission a conclu qu’un décideur doit interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical « […] qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat ». Selon l’agent négociateur, les circonstances ont révélé qu’il avait demandé et compris que l’indemnisation serait payée intégralement.

[44] L’agent négociateur a aussi renvoyé à l’exemple énoncé au paragraphe 3 du protocole d’entente, qui indique : [traduction] « indemnisé pour l’erreur liée aux heures supplémentaires », ce qui, a‑t‑il affirmé, confirme son interprétation claire de l’objet du protocole d’entente. En outre, l’agent négociateur a allégué que le remplacement de la rémunération des heures supplémentaires par le salaire normal n’était valable qu’à l’égard des heures supplémentaires perdues ou omises, et que cela ne prévoyait pas la soustraction d’heures normales effectuées par un employé ni une indemnisation inférieure à celle due.

[45] L’employeur, pour sa part, a répondu que les parties étaient sophistiquées et impliquées depuis longtemps dans les négociations collectives, et que les deux parties avaient été représentées par des représentants expérimentés au cours des négociations du protocole d’entente. De plus, il a souligné que l’agent négociateur avait consulté son conseiller juridique. Il a maintenu qu’il n’y avait qu’une seule interprétation raisonnable du paragraphe 3, et que tout malentendu de la part de l’agent négociateur était une erreur unilatérale dont le fardeau lui incombait. Selon lui, le protocole est sans ambiguïté et le terme « substitute » ne peut pas être interprété au sens où un employé recevrait à la fois la rémunération des heures supplémentaires et son salaire normal.

[46] L’employeur a soutenu que dans l’interprétation des contrats, on doit examiner le sens ordinaire et grammatical d’un mot, en citant la jurisprudence à cet effet, et il a souligné que selon la définition qui est énoncée dans le Oxford English Dictionary, 6e édition, le terme substitute (remplacer) s’entend au sens de [traduction] « mettre une personne ou une chose à la place d’une autre ». Selon l’employeur, le terme « substitute » ne pouvait pas s’entendre au sens proposé par l’agent négociateur, et cette interprétation contredisait carrément le sens grammatical ordinaire du terme.

[47] L’employeur a contesté l’interprétation du paragraphe 3 faite par l’agent négociateur, selon laquelle les employés étaient pénalisés en soustrayant la rémunération du salaire normal. Il a soutenu que la formule présentée au paragraphe 3 du protocole d’entente renferme un avantage pour les employés qui ont perdu un quart de travail d’heures supplémentaires, en les rémunérant à un taux de salaire plus élevé pour leur prochain quart de travail normal.

[48] L’employeur a soutenu que l’argumentation de l’agent négociateur concernant le contexte des négociations n’avait rien à voir avec l’interprétation du paragraphe 3 du protocole d’entente, parce que toutes les discussions portant sur l’indemnisation complète se rattachaient au paragraphe 1 et aux griefs antérieurs, et qu’elles étaient tout à fait distinctes des discussions ultérieures portant sur l’indemnisation pour les futures erreurs. Même si les parties se fondaient sur des hypothèses différentes à l’égard du sens du terme, aucune partie n’a fait de déclaration au sujet du sens ou de l’interprétation du paragraphe 3. L’argument avancé par l’agent négociateur n’a aucun fondement logique et il ne tient pas compte de l’illustration précise de l’ « agent Jim » figurant dans le protocole d’entente.

[49] L’employeur a soutenu que si l’agent négociateur s’était fondé sur une hypothèse erronée, il s’agissait d’une erreur unilatérale de sa part et celui-ci ne peut pas l’invoquer pour se soustraire aux modalités contractuelles claires du protocole. L’employeur a cité trois décisions à l’appui de cette affirmation. Dans BHP Billiton Diamonds Inc. v. Public Service Alliance of Canada , 2007 CarswellNat 6246, 161 L.A.C. (4e) 152, Sifto Canada Inc. v. CEP, Local 37-0-2, 83 C.L.A.S. 342, et Teck Cominco Metals Ltd. v. U.S.W.A., Local 480, 154 L.A.C. (4th) 161, le syndicat avait prétendu qu’il s’agissait d’un cas d’erreur mutuelle. L’arbitre de différends a conclu qu’il s’agissait plutôt d’un cas d’erreur unilatérale, puisque le syndicat était la seule partie qui avait mal compris les modalités de l’accord et que la compréhension de l’employeur se reflétait clairement dans le libellé de l’accord. En pareil cas, l’arbitre a conclu que le risque doit être assumé par la partie qui a mal compris les modalités auxquelles elle avait consenti. Selon la conclusion de l’arbitre, l’employeur ignorait l’erreur du syndicat et n’était aucunement obligé de s’assurer que le syndicat avait compris l’accord de la même manière que lui.

[50] L’employeur a fait référence à la décision arbitrale Detroit Windsor Tunnel LLC v. Unifor, Local 195 (Cost of Living Allowance), 2013 CarswellNat 4620, 237 L.A.C. (4e) 423, dans laquelle il a été conclu que, même si le syndicat s’était fondé sur une véritable incompréhension, l’entente était suffisamment claire pour l’interpréter à la lettre. L’employeur a souligné ce cas pour faire valoir aussi que si des déclarations avaient été faites, le libellé clair qui figure dans le protocole d’entente constituait de lui‑même une déclaration et l’emportait sur les libellés antérieurs.

[51] Dans une décision plus récente, Taylor c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada, 2021 FPSLREB 80, la Commission a retenu que « dans les cas d’interprétation de conventions collectives, les autorités doctrinales et la jurisprudence ont constamment conclu que les arbitres de griefs et les commissions des relations de travail doivent d’abord examiner les mots utilisés dans la convention collective non seulement dans le contexte d’une clause donnée, mais également dans la convention collective dans son ensemble ». Cette approche est la même que celle adoptée par la Cour Suprême du Canada dans Sattva. Et je conclus que le même raisonnement s’applique dans le contexte d’interprétation d’un protocole d’entente.

[52] Dans Canadian Labour Arbitration de Brown et Beatty, 3e édition, le paragraphe 3:4400 sur la [traduction] « Preuve extrinsèque » indique que :

[Traduction]

Un témoignage oral ou une preuve extrinsèque, présenté de vive voix ou au moyen de documents, est une preuve extérieure, ou distincte, du document écrit visé par l’interprétation et le champ d’application d’un organe de décision. Même s’il existe de nombreuses exceptions, la règle générale en common law est que la preuve extrinsèque ne peut pas être admise pour contredire ou modifier la convention collective écrite, y ajouter des modalités ou en retirer. Si la convention collective est ambiguë, cependant, une telle preuve est admissible pour faciliter l’interprétation de la convention afin d’en expliquer l’ambiguïté, et non pour modifier les termes de la convention. Les deux formes les plus courantes d’une telle preuve dans les cas d’arbitrage en matière de relations de travail sont les antécédents des négociations entre les parties qui ont mené à la convention collective et les pratiques antérieures et postérieures à la conclusion de la convention. En plus de son utilisation pour faciliter l’interprétation d’une convention collective ou d’une entente de règlement, ou pour établir une préclusion, elle peut être déposée au soutien d’une demande de rectification. Toutefois, cette preuve, pour qu’elle soit invoquée, doit être « consensuelle ». C’estàdire quil ne doit pas sagir du « souhait unilatéral » de lune des parties. Elle ne doit pas être non plus aussi vague et imprécise que la convention écrite ellemême.

 

[53] La Cour suprême du Canada a indiqué dans Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, aux paragraphes 54 à 56, ce qui suit :

54 Le juge de première instance semble avoir considéré que, d’après l’arrêt Consolidated Bathurst, l’interprétation du contrat devrait viser en définitive à vérifier l’intention véritable des parties au moment de conclure le contrat et que, ce faisant, le juge des faits peut admettre des éléments de preuve extrinsèques concernant les intentions subjectives des parties à ce moment-là. À mon avis, cela n’est pas tout à fait exact. L’intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu’elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l’intention subjective d’une partie n’occupe aucune place indépendante dans cette décision.

55 En fait, il n’est pas nécessaire de prendre en considération quelque preuve extrinsèque que ce soit lorsque le document est, à première vue, clair et sans ambiguïté. Pour reprendre les propos de lord Atkinson dans Lampson c. City of Quebec (1920), […] 54 D.L.R. 344 (C.P.), à la p. 350 :

[TRADUCTION] ... l’intention qu’il faut rechercher en interprétant l’acte est celle des parties telle qu’elle se dégage des termes qu’elles ont utilisés dans l’acte lui-même. [...] [S]i la signification de l’acte, selon le sens ordinaire des mots qui y sont employés, est claire et sans ambiguïté, il n’est pas permis aux parties à cet acte, aussi longtemps qu’il n’est pas modifié, de venir affirmer devant une cour de justice : « Notre intention était tout à fait différente de celle qui est exprimée par les termes de l’acte ... »

56 Quand le texte du document est sans ambiguïté, l’idée exprimée dans Consolidated Bathurst, selon laquelle il y a lieu de retenir l’interprétation qui assure un « résultat équitable » ou un « résultat commercial raisonnable », n’est pas déterminante. Certes, il serait absurde d’adopter une interprétation nettement incompatible avec les intérêts commerciaux des parties, si l’objectif est de vérifier leur véritable intention au moment de contracter. Toutefois, il n’est pas difficile d’interpréter un document clair conformément à l’intention véritable des parties contractantes, si l’on présume que les parties voulaient les conséquences juridiques des mots qu’elles ont employés. Cela est conforme à l’opinion incidente de notre Cour dans Joy Oil Co. c. The King, [1951] R.C.S. 624, à la p. 641 :

[TRADUCTION] ... en interprétant un document, il s’agit non pas de chercher à comprendre ce que les mots seulement veulent dire, ni ce que le rédacteur seulement a voulu dire, mais plutôt de chercher ce que les mots employés par le rédacteur veulent dire.

 

[54] Aux paragraphes 57 et 58 d’Eli-Lilly, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’y avait aucune ambiguïté dans le contrat entre les parties et que l’intention était claire selon le sens ordinaire du contrat. À ce titre, la Cour n’a pas eu à recourir à la preuve extrinsèque soumise relativement aux intentions subjectives des parties au moment de rédiger le contrat.

[55] Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2100, indique ce qui suit :

[Traduction]

on a souvent dit que l’objet fondamental de l’interprétation des termes d’une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties qui y ont consenti. […]

[…]

Cependant, l’intention doit être déduite de l’instrument écrit. Le rôle de la Cour consiste à déterminer ce que les parties voulaient dire par les mots qu’elles ont employés; à déclarer le sens de ce qui est écrit dans l’instrument, non de ce qui était censé y avoir été écrit; de donner effet à l’intention exprimée, le sens exprimé étant, aux fins de l’interprétation, équivalent à l’intention.

En conséquence, pour établir l’intention des parties, la présomption cruciale est que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses.

 

[56] Le libellé du protocole d’entente doit être interprété tel qu’il a été écrit, à moins que cette approche ne mène à un résultat absurde. Il faut donner effet au sens des mots écrits, même s’il semble injuste. Je ne vois aucune raison de ne pas appliquer ces lois règles fondamentales d’interprétation des contrats en ce qui concerne les conventions collectives au protocole d’entente rédigé et accepté par les parties en l’espèce.

[57] L’employeur a soutenu que les modalités du protocole d’entente sont claires et qu’elles devraient s’appliquer telles qu’elles ont été rédigées. L’employeur a cité le paragraphe 3, qui prévoit ce qui suit : « Un employé qui, par erreur, ne se voit pas offrir un quart de travail supplémentaire verra sa rémunération normale substituée au taux des heures supplémentaires pour son ou ses prochains quarts de travail normaux prévus. » Il n’y a rien dans le protocole d’entente qui indique que les employés recevront leur salaire pour leur prochain quart de travail régulier en plus de la rémunération pour les heures supplémentaires.

[58] Comme argument subsidiaire pour l’admissibilité de la preuve extrinsèque, l’agent négociateur a allégué que la préclusion fondée sur une promesse s’applique, compte tenu des déclarations que l’employeur aurait faites pendant les négociations qui ont mené à la signature du protocole d’entente. L’agent négociateur a soutenu que l’employeur s’était clairement engagé à compenser à 100 % les employés lésés par les erreurs dans l’attribution du temps supplémentaire et ne peut se retrancher derrière l’interprétation stricte du texte de l’entente pour alléguer le contraire.

[59] Selon celui-ci, l’employeur lui aurait laissé croire, tout au long de la négociation de l’entente, qu’il entendait compenser totalement à 100% les erreurs dans l’attribution du temps supplémentaire. Conséquemment, l’employeur ne peut se défendre dans le présent litige derrière une interprétation de l’entente qui n’est pas conforme à l’entente conclue entre les parties. L’agent négociateur a fait référence aux concepts retenus dans Syndicat des travailleurs du papier, Section locale 2995 et C.I.P Inc., Division forestière de Maniwaki, AZ-89141141; Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3333 c. Société de transport de la Rive sud de Montréal, 2000 CanLII 3289 et Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, local 500 c. Provigo Distribution Inc. Division Maxi (Châteauguay), AZ-02141058.

[60] L’agent négociateur soutient que l’employeur a :

- à de multiples reprises pendant le déroulement de la négociation de l’entente, indiqué que les employés lésés seraient compensés à 100 %;

- que la compensation serait ajoutée au prochain quart régulier de travail;

- que la compensation serait calculée comme l’est la rémunération lors du travail accompli lors des journées fériées;

- accepté le retrait du mot « half » dans la première version de l’entente; n’a jamais informé l’agent négociateur de l’ajout des termes « +Regular pay for remain of shift hours » dans la dernière version de l’entente;

- n’a jamais informé l’agent négociateur que les employés s’estimant lésés par des erreurs futures dans l’attribution du temps supplémentaire recevraient moins que 100 % des montant dûs;

- n’a jamais informé l’agent négociateur que ces mêmes employés recevraient 0,5 heure pour les quatre (4) premières heures de temps supplémentaire perdu et 1 heure pour chacune des heures subséquentes de temps supplémentaire perdu;

- n’a jamais informé l’agent négociateur que dans l’exemple de l’« agent Jim » celui-ci recevrait 10 heures de compensation au lieu des 22 heures perdues.

 

[61] L’employeur fait valoir pour sa part que la préclusion ne s’applique pas dans les circonstances de cette affaire. L’agent négociateur confond le langage utilisé au premier paragraphe de l’entente pour la rémunération intégrale des employés lésés et le paragraphe 3 au sujet des erreurs futures. La seule discussion entre les parties au sujet du paragraphe 3 portait sur l’exemple de « l’agent Jim ». Subsidiairement, si la Commission est d’avis que M. Garby aurait fait des représentations à cet égard, soit verbale ou par son silence, le langage clair du protocole d’entente prévaut. À l’appui de sa prétention, l’employeur réfère aux principes retenus dans : Western Grocers v. Teamsters, Local 987, 2006 CarswellNat 862 at paras. 69-71. De plus, il soutient que le silence d’une partie ne peut être le fondement d’une préclusion lorsque celle-ci ne savait pas que l’autre partie n’avait pas compris. Voir CITV & Canwest Studios v. C.E.P., Local 1900, 2005 CarswellNat 3856.

[62] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les arguments de l’agent négociateur ne peuvent pas être retenus et que le protocole d’entente doit être interprété tel qu’il est écrit. Aucune preuve n’a été présentée par l’agent négociateur que l’employeur aurait fait des représentations verbales ou autres lors des négociations du protocole d’entente.

[63] Le désaccord entre les parties porte sur l’interprétation du paragraphe 3 du protocole d’entente. Le paragraphe 3 de l’entente prévoit :

[Traduction]

3. À la signature de la présente entente, si un employé est qualifié, admissible et disponible pour travailler des heures supplémentaires conformément à la convention collective, mais qu’il ne se voit pas offrir d’heures supplémentaires en raison d’une erreur de la part de l’employeur, ce dernier doit remplacer le salaire normal de l’employé pour son ou ses prochains quarts de travail normaux par le taux de rémunération des heures supplémentaires applicables, et cela pour un nombre d’heures équivalant aux heures supplémentaires dont l’employé n’a pas bénéficié. Cet ajustement de la rémunération doit aussi comprendre les primes de poste que l’employé aurait reçues si le quart de travail d’heures supplémentaires lui avait été offert comme il convenait.

Par exemple : En raison d’une erreur, l’employeur n’a pas offert de quart de travail d’heures supplémentaires de 12 heures à l’« agent Jim » à l’occasion de son premier jour de repos. Les quarts réguliers ultérieurs de l’agent Jim sont des quarts de huit heures le lundi et le mardi, au taux de rémunération normal. Afin d’être indemnisé pour l’erreur liée aux heures supplémentaires, l’agent Jim sera rémunéré conformément à la convention collective de l’AESSS, de la manière suivante :

· Au taux des heures supplémentaires le lundi (quatre heures au tarif et demi + quatre heures au tarif double)

· Au taux des heures supplémentaires le mardi (quatre heures au tarif double) + rémunération normale pour le reste des heures du quart de travail

 

[Je mets en évidence]

 

[64] Les parties étaient représentées par des représentants sophistiqués qui se spécialisent dans les relations de travail du secteur public fédéral. L’employeur avait un conseiller en relations de travail. L’agent négociateur était quant à lui représenté par le président et le vice-président du syndicat. La représentante du syndicat à l’audience avait revu le protocole d’entente. La responsabilité revenait aux parties de s’assurer qu’elles avaient bien compris l’entente et son application.

[65] Le paragraphe 3 du protocole d’entente est clair et sans ambiguïté. Il n’est pas nécessaire de recourir à la preuve extrinsèque pour interpréter le protocole d’entente. Je suis d’accord avec l’argument du syndicat que le libellé du protocole d’entente doit être interprété dans le contexte du règlement dans son ensemble et doit avoir du sens dans ce contexte. Ce principe est en ligne avec la décision de la Cour suprême du Canada dans Sattva et les décisions de la Commission dans Taylor et Fehr quant à l’interprétation des contrats. Je dois donc interpréter le protocole d’entente dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du protocole d’entente.

[66] Au paragraphe 4:2100 de Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty ont écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Toutefois, les arbitres, confrontés à un choix entre deux interprétations que le libellé autorise, se sont laissés guider par l’objet de la disposition pertinente, le caractère raisonnable de chaque interprétation possible, la faisabilité administrative et la question de savoir si l’une de ces interprétations possibles donnerait lieu à des anomalies […].

[…]

 

[67] Selon la théorie de la préclusion prévoit que l’une des parties a, par ses paroles ou sa conduite, fait une promesse ou donné une assurance destinée à modifier leurs rapports juridiques et à inciter à l’accomplissement de certains actes. De plus, le destinataire des déclarations doit prouver que, sur la foi de celles-ci, il a pris une mesure quelconque ou a de quelque manière changé sa position. Conséquemment, la partie qui fait des assurances ou des promesses au détriment de l’autre ne peut exiger l’application stricte de l’entente.

[68] Selon l’agent négociateur, les circonstances ont révélé qu’il avait demandé et compris que l’indemnisation serait payée intégralement. Malheureusement, je n’ai pas entendu de preuve à cet effet. Bien que MM. Faust et Carrière auraient déduit de leurs discussions avec M. Garby que les employés seraient rémunérés intégralement pour le quart d’heures supplémentaires perdu en plus de leur salaire pour leur quart de travail régulier, ce n’est pas ce qui est prévu au paragraphe 3 du protocole d’entente. La preuve a clairement démontré que le syndicat et l’employeur avaient une compréhension différente du paragraphe 3 du protocole d’entente. Ceci n’équivaut pas à des promesses ou des assurances de la part de l’employeur.

[69] Il n’y a aucune preuve me permettant de conclure que M. Garby aurait fait des assurances ou des promesses en ce sens, que ce soit de façon verbale ou par sa conduite. Je conclus toutefois que M. Garby n’a pas cherché à s’assurer que MM. Faust et Carrière comprenaient clairement le paragraphe 3 du protocole d’entente. Toutefois, ceci n’est pas suffisant pour appuyer l’argument de préclusion de l’agent négociateur.

[70] Dans les relations de travail, les parties invoquent généralement le principe de la préclusion pour justifier un écart par rapport à la convention collective (comme des arguments fondés sur la pratique antérieure). Dans Dubé c. Canada (Procureur général), 2006 FC 796, les éléments fondamentaux permettant d’établir l’existence de la préclusion sont :

1. une promesse claire et précise, expresse ou implicite, visant à modifier la relation juridique entre les parties;

2. une promesse qui a amené celui qui l’a reçue à agir autrement qu’il l’aurait fait dans d’autres circonstances.

 

[71] M. Garby n’a pas fait de promesse ou d’assurance claire et précise, ni par ses paroles, ni par ses gestes ou son silence. Le préambule du protocole d’entente est clair et précis, l’employeur ne souscrit pas à une indemnisation complète pour les erreurs futures. Sans la preuve d’une promesse claire et précise, ou une assurance, l’argument de la préclusion doit être rejeté.

[72] Pour ce qui est du reste du protocole d’entente, malgré le langage prévu au paragraphe 4 du protocole d’entente, l’employeur n’a pas présenté de preuve voulant que les employés responsables de l’attribution des heures supplémentaires eussent agi de façon malhonnête dans la répartition des quarts de travail d’heures supplémentaires. Cependant, il est clair que ceci était une préoccupation pour l’employeur puisqu’il a inclus un paragraphe à cet effet dans le protocole d’entente.

[73] Le paragraphe 4 du protocole d’entente reconnaît que les personnes qui répartissent les heures supplémentaires sont membres de l’unité de négociation et confère à l’employeur le droit d’établir des programmes d’audit et de prendre des mesures disciplinaires à l’égard des employés qui auraient réparti les quarts d’heures supplémentaires de façon incorrecte.

[74] Même si l’employeur a reconnu que la répartition des quarts d’heures supplémentaires avait été inappropriée, cela m’incite à croire qu’il soupçonne d’une manière ou d’une autre l’existence de motifs inappropriés tels que l’amitié ou le favoritisme dans les décisions relatives à la répartition, et qu’il ne tolère pas et n’a jamais toléré de telles pratiques. Essentiellement, je perçois de la part de l’employeur l’ombre d’un reproche du genre « C’est votre faute, ce sont vos membres qui exploitent le système et pas en notre nom. » Si tel est le cas, l’employeur n’a pas eu recours à cet argument pour expliquer sa réticence à indemniser l’erreur intégralement. Les parties n’ont soumis aucune preuve et aucun argument à cet effet.

[75] Je souligne que les modalités du protocole d’entente, dans l’exemple de « l’agent Jim », indiquent que les employés seront indemnisés pour l’erreur [traduction] « conformément à la convention collective de l’AESSS », et je ne vois pas comment une indemnisation inférieure à 50 % de la somme due serait conforme à la convention collective. L’agent négociateur était sous l’impression que le paragraphe 3 du protocole d’entente voulait dire que les heures supplémentaires seraient payées en sus du salaire normal. Il m’apparaît que cette impression est fondée sur le sens à donner à « heures supplémentaires » dans la clause 21.01(a) de la convention collective. La clause 21.01 (a) donne la définition suivante : « Aux fins de l’application du présent article, « heures supplémentaires » désigne tout travail autorisé exécuté en sus ou en dehors d’un jour normal ou d’une semaine normale de travail. » Donc, ce serait sous-entendu dans l’expression « heures supplémentaires ». Toutefois, le préambule qui figure au haut du protocole d’entente indique sans aucun doute que l’employeur ne souscrit pas à l’indemnisation complète, ce qui donne à penser que cet accord est un compromis, même si le syndicat ne l’a pas vu à ce moment‑là. Je ne peux pas ignorer le langage clair et sans ambiguïté du préambule du protocole d’entente.

[76] Je vois que le syndicat n’a pas compris ce que l’employeur a fait, et selon le témoignage de M. Garby je conclus que l’employeur espérait que le syndicat ne saisirait pas. Je ne trouve pas crédible le témoignage de M. Garby à l’effet qu’il ne savait pas que le syndicat recherchait une indemnisation complète. Je ne crois pas que M. Garby avait compris de ses discussions avec l’agent négociateur que ce dernier accepterait la moitié de la rémunération revendiquée dans les griefs. Je ne crois pas non plus que M. Garby ne se souvenait pas que l’agent négociateur n’accepterait pas la moitié. C’est clair, l’agent négociateur n’avait pas saisi l’exemple de « l’agent Jim » formulé par M. Garby.

[77] Je ne vois aucun élément de preuve indiquant que l’employeur savait que c’était le cas, mais je suis sûre qu’il le soupçonnait et qu’il n’a rien fait pour éclaircir la situation. Même s’il ne s’agit pas d’un cas de préclusion, cela pourrait ressembler fort à une pratique déloyale.

[78] Je conclus que le protocole d’entente doit être interprété sur la base des mots écrits dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion de l’entente. Le libellé du protocole indique clairement que l’employeur n’était pas d’accord avec la mesure de redressement revendiquée par l’agent négociateur, c’est-à-dire la rémunération intégrale pour le salaire et la rémunération du quart de travail d’heures supplémentaires perdu.

[79] Le paragraphe 3 du protocole d’entente indique clairement que l’employeur va remplacer le salaire normal pour le prochain quart de travail régulier avec le taux des heures supplémentaires égal aux heures du quart d’heures supplémentaires perdu. Je suis d’accord avec l’employeur et la définition du dictionnaire qu’il soumet, le mot « substitute » veut dire « remplacer », synonyme de substituer. Le libellé du protocole d’entente ne peut être interprété comme voulant dire un remplacement en sus du salaire normal d’un employé.

IV. Conclusion

[80] Le protocole d’entente a été interprété et appliqué correctement par l’employeur.

[81] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[82] Les dossiers relatifs aux griefs seront fermés.

Le 21 octobre, 2022.

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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