Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a présenté une requête en rejet de la plainte au motif que la plaignante ne jouissait pas d’un droit de recours parce qu’elle avait été nommée à un poste de directeur dans le cadre du même processus de nomination qui faisait l’objet de la plainte – il a soutenu qu’elle n’était pas une candidate non reçue – le fardeau de la preuve incombait à l’intimé puisqu’il avait présenté la requête – l’annonce de possibilité d’emploi (APE) indiquait que le processus visait à pourvoir un poste de « directeur (divers postes) » aux niveaux AS-06, PM-05 et PM-06 à plusieurs endroits au Canada – l’APE faisait également état de nominations de durées diverses et indiquait que le processus visait à créer un bassin de candidats préqualifiés ou pleinement qualifiés pour doter des postes semblables ou identiques dans le cadre de trois volets – le poste auquel la personne nommée a été nommée était celui de « directeur, Projet SGCG, Système de gestion des cours et du greffe (le “poste SGCG”) » – la plaignante avait exprimé son intérêt pour le poste SGCG avant sa nomination au poste de directrice – elle a soutenu que, même si elle avait été nommée à un poste dans le cadre du même processus, elle n’avait pas été reçue pour le poste précis faisant l’objet de l’examen – elle a également soutenu que cette nomination concernait un poste complètement différent de celui qu’elle avait accepté – elle a indiqué qu’avant d’accepter son poste de directrice, on lui avait dit qu’on ne l’empêcherait pas d’être prise en considération pour le poste SGCG, ce qui avait été discuté avec son gestionnaire – elle a également soutenu qu’il y avait des différences importantes entre le poste de directeur des Opérations et le poste SGCG – elle a également eu une discussion informelle avec l’intimé après la publication de la notification de candidature retenue – la Commission a distingué Hagerty c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2007 TDFP 36, et a indiqué que la phrase clé de cette décision est la conclusion au paragraphe 12 selon laquelle « […] le droit […] de présenter une plainte doit être déterminé en fonction de chaque notification, et non en fonction du processus de nomination dans son ensemble » – la Commission a indiqué qu’un processus de nomination peut servir à pourvoir des postes semblables, et parfois des postes différents – par conséquent, compte tenu des circonstances de chaque cas, cela ne devrait pas empêcher un candidat qui a été nommé à un poste dans le cadre du processus d’exercer ses droits à l’égard d’une nomination subséquente ou d’une nomination proposée découlant du même processus de nomination – en conséquence, la Commission a conclu que, compte tenu des faits, qui n’ont pas été contestés par l’intimé, la plaignante était une candidate non reçue par rapport au poste SGCG auquel la personne nommée avait été nommée dans le cadre du processus de nomination – par conséquent, la plaignante avait qualité pour agir devant la Commission et sa plainte sera instruite.

Requête rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20230210

Dossier : 771-02-44376

 

Référence : 2023 CRTESPF 13

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans

la fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Maggie Lau

plaignante

 

et

 

Administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Lau c. Administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour l’intimé : Richard Vallée

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, analyste principale

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 16 mars, les 5 et 11 avril, le 24 juin et le 14 juillet 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] La présente décision a trait à une requête en rejet de la présente plainte pour défaut de compétence déposée par l’intimé (l’administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires).

[2] La plaignante, Maggie Lau, a déposé la présente plainte le 16 mars 2022 au sujet de la nomination de Denise Heeney (la « personne nommée ») dans le cadre du processus de nomination 20-CAJ-IA-058 à un poste de directeur – volet 2 (PM-06) au Service administratif des tribunaux judiciaires à Toronto (Ontario).

[3] Le 5 avril 2022, l’intimé a présenté sa requête en rejet de la plainte au motif que la plaignante ne jouit pas d’un droit de recours parce qu’elle a été nommée à un poste de directeur dans le cadre du même processus de nomination qui fait l’objet de la présente plainte. L’intimé a soutenu que, comme la plaignante n’était pas une candidate non reçue de ce processus, elle n’avait pas le droit de déposer une plainte, et la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») ne peut pas l’entendre.

[4] La Commission de la fonction publique (CFP) a également soutenu que si la plaignante a été nommée à un poste dans le cadre du même processus de nomination interne, elle ne serait pas considérée comme une candidate non reçue ayant un droit de recours.

[5] Le 10 juin 2022, la Commission a rendu une lettre de décision dans laquelle elle déclarait être incapable de statuer sur la requête en se fondant sur les renseignements fournis par les parties. Elle a demandé à l’intimé des renseignements supplémentaires sur le processus de nomination, y compris l’annonce du poste, une description des différents volets du processus de nomination, ainsi que de l’information sur les volets auxquels la plaignante a postulé. La Commission a également invité l’intimé à présenter d’autres arguments. Après avoir reçu ces renseignements, la Commission a invité la plaignante, la CFP et la personne nommée à présenter d’autres arguments et, enfin, elle a donné l’occasion à l’intimé de répliquer à ces arguments.

[6] Le 24 juin 2022, l’intimé a fourni les renseignements supplémentaires demandés par la Commission, mais aucun argument supplémentaire.

[7] Le 14 juillet 2022, la plaignante a présenté ses arguments supplémentaires. La CFP n’a présenté aucun autre argument, la personne nommée n’a présenté aucun argument et l’intimé n’a présenté aucun autre argument.

[8] À la lumière des renseignements et des arguments qui m’ont été présentés et pour les motifs qui suivent, je conclus que la plaignante a bel et bien un droit de recours en ce qui concerne la nomination de la personne nommée. La requête en rejet de la plainte est rejetée et les délais dans le dossier sont réactivés.

II. Contexte

[9] L’intimé a amorcé un processus de nomination interne annoncé (20‑CAJ‑IA‑058) dont la date limite pour la présentation d’une candidature était fixée au 12 février 2020.

[10] L’annonce de possibilité d’emploi indiquait que le processus visait à pourvoir un poste de « directeur (divers postes) » aux niveaux AS-06, PM-05 et PM-06 à plusieurs endroits au Canada. L’annonce faisait état de nominations de durées diverses, comme des nominations par intérim, des nominations pour une période indéterminée, des détachements, des affectations, des mutations ou des nominations pour une période déterminée.

[11] L’annonce de possibilité d’emploi indiquait que le processus visait à créer un bassin de candidats préqualifiés ou pleinement qualifiés pour doter des postes semblables ou identiques dans les trois volets suivants :

· volet 1 – PM-05, directeur de bureau local;

· volet 2 – PM-06, directeur des Opérations;

· volet 3 – AS-06, directeur, Services de gestion.

 

[12] La plaignante a réussi toutes les étapes de l’évaluation et a été placée dans le bassin de candidats qualifiés. L’intimé a soutenu qu’elle avait posé sa candidature pour les volets 2 et 3.

[13] Le 19 mars 2021, une « notification de nomination ou de proposition de nomination » (NAPA) a été publiée, indiquant que la plaignante avait reçu une nomination constituant une promotion à un poste d’une durée indéterminée à la suite de ce processus annoncé. Le même jour, la plaignante a reçu (et a accepté) une lettre d’offre à un poste intitulé [traduction] « Directeur, Opérations I », numéro de poste 00027778, au niveau PM-06, au Greffe général du Bureau régional de Toronto de l’intimé à compter du 29 mars 2021. Il s’agissait d’une nomination dans le cadre du volet 2 du processus.

[14] Selon la plaignante, le poste auquel la personne nommée a été nommée était celui de directeur, Projet SGCG, Système de gestion des cours et du greffe (le « poste SGCG »), ce que l’intimé n’a pas contesté.

[15] La plaignante a indiqué qu’elle avait d’abord manifesté son intérêt pour le poste SGCG en novembre 2020, avant d’être nommée directrice en mars 2021. Elle a affirmé avoir communiqué plusieurs fois avec le gestionnaire responsable de l’embauche afin de lui faire part de son intérêt continu à l’égard du poste après sa nomination comme directrice des Opérations.

[16] Le 21 juin 2021, une « notification de candidature retenue » (NCR) a été affichée, indiquant que l’intimé envisageait la nomination de la personne nommée. La plaignante a demandé la tenue d’une discussion informelle sur la nomination proposée. Elle a soutenu que la discussion informelle avait été accordée pour discuter des raisons pour lesquelles elle avait été éliminée de la liste des candidatures étudiées pour le poste. La plaignante a fait valoir qu’elle avait indiqué qu’elle entendait porter plainte ultérieurement et qu’on ne lui avait jamais dit qu’elle ne pouvait pas déposer de plainte parce qu’elle avait été une candidate reçue à un autre poste de directeur.

[17] Le 2 mars 2022, une NAPA a été affichée pour la nomination de la personne nommée issue du même processus susmentionné à un poste de directeur – volet 2 au niveau PM-06 à Toronto. La présente plainte a été déposée le 16 mars 2022.

III. Résumé de l’argumentation

[18] L’intimé a déposé une requête en rejet de la plainte au motif que la plaignante n’a pas le droit de porter plainte devant la Commission.

[19] L’intimé a soutenu que, conformément à l’alinéa 77(2)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), lorsqu’une nomination est faite ou proposée, un candidat non reçu dans la zone de sélection peut porter plainte devant la Commission.

[20] L’intimé a fait valoir que la plaignante ne peut pas prétendre qu’elle est une candidate non reçue, car elle a été nommée à partir du même processus de nomination un an avant la nomination en cause. Elle ne peut pas porter plainte parce qu’elle n’a pas été nommée ou proposée aux fins d’une nomination à la suite du processus de nomination. Comme il est indiqué dans Hagerty c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2007 TDFP 36, au paragraphe 13, une fois que des candidats qualifiés dans un processus de nomination interne annoncé ont été nommés ou proposés pour une nomination, ils ne sont plus considérés comme des candidats non reçus.

[21] L’intimé a fait remarquer que la plaignante et la personne nommée ont toutes deux été nommées à des postes dans le volet 2 du processus de nomination en cause. Il a soutenu que la plaignante n’avait pas le droit de porter plainte au sujet de cette nomination, puisqu’elle était une candidate reçue dans le cadre du processus de nomination en cause, et que la Commission devrait rejeter sommairement la plainte.

[22] La plaignante a soutenu que même si elle a été nommée à un poste dans le cadre du même processus de nomination, elle n’a pas été reçue pour le poste précis faisant l’objet de l’examen. En tant que candidate non reçue pour ce poste, elle avait le droit de déposer une plainte. Elle a fait valoir que le droit de porter plainte est créé par la notification d’une nomination (voir les décisions Hagerty, au par. 12, et Czarnecki c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 1).

[23] La plaignante a soutenu que la nomination faisant l’objet de l’examen concernait un poste complètement différent de celui qu’elle a accepté. Elle a soutenu qu’avant d’accepter son poste de directrice, on lui avait dit qu’on ne l’empêcherait pas de poser sa candidature pour le poste SGCG. Elle a déclaré qu’elle avait accepté sa nomination en attendant la finalisation du processus du poste qui [traduction] « l’intéressait vraiment », et elle en avait discuté avec le gestionnaire responsable de l’embauche.

[24] La plaignante a soutenu qu’elle ne pouvait pas déposer une plainte en prévision d’une nomination ou d’une proposition de nomination. Elle a également soutenu qu’il ne serait pas logique ou raisonnable de s’attendre à ce qu’un candidat refuse une offre qui lui est présentée, simplement pour conserver le droit de porter plainte pour des nominations futures qui pourraient ou non se produire. La LEFP est rédigée de façon à ce que seules les personnes ayant un intérêt personnel à l’égard de la nomination puissent porter plainte; voir Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2006 TDFP 16. Elle a soutenu qu’elle avait maintenu un intérêt personnel à l’égard du poste SGCG.

[25] La plaignante a fait valoir qu’il ne faut pas présumer que les candidats déjà nommés à partir d’un bassin ne seraient pas pris en considération pour des nominations futures à partir du même processus de nomination. Elle a affirmé que les candidats qui ont déjà accepté des postes par l’intermédiaire du bassin ont reçu des courriels leur demandant s’ils étaient intéressés par des nominations à d’autres bureaux régionaux et de confirmer s’ils souhaitent demeurer dans le bassin de candidats qualifiés.

[26] La plaignante a soutenu que l’intimé l’a traitée comme une candidate non reçue lorsqu’il a accepté de la rencontrer pour une discussion informelle après l’affichage de la NCR pour cette nomination en juin 2021.

[27] L’intimé a indiqué que les deux nominations provenaient du volet 2, et que les deux postes sont fondés sur la même description d’emploi. Le poste de la personne nommée est un poste nouvellement créé, dont aucun employé ne relève pour l’instant, mais des postes subalternes devraient être ajoutés une fois le projet SGCG lancé.

[28] La plaignante a soutenu qu’il y a des différences importantes entre le poste de directeur des Opérations et celui de directeur du projet SGCG. Le premier est responsable d’une grande unité de personnel et de la gestion des opérations quotidiennes. Il a une responsabilité importante en matière de ressources humaines et financières. Son champ d’action couvre la Cour d’appel fédérale, la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour fédérale. En revanche, le directeur du projet SGCG ne supervise pas une unité et n’est pas responsable de la gestion des ressources humaines et financières. Elle a soumis un organigramme montrant ces différences. Elle a également déclaré que la portée du poste SGCG ne couvre que la Cour fédérale et qu’il relève directement de l’administration centrale à Ottawa, en Ontario.

[29] Comme il a été mentionné, la CFP est d’avis que si le processus de nomination interne qui fait l’objet de la présente plainte était annoncé et que la plaignante a été nommée à un poste dans le cadre du même processus de nomination un an avant la nomination qui fait l’objet de la plainte, la plaignante ne serait pas considérée comme une candidate non reçue et ne se trouverait pas dans la zone de recours. La CFP a donc affirmé que la plaignante n’aurait aucun droit de recours devant la Commission.

IV. Motifs

[30] Étant donné que c’est l’intimé qui a déposé la requête en rejet, il lui incombe de prouver que la plaignante n’est pas une candidate non reçue dans le cadre du processus de nomination interne annoncé en cause dans la présente plainte.

[31] Le droit de présenter une plainte devant la Commission est énoncé aux paragraphes 77(1) et (2) de la LEFP, comme suit :

Plaintes relatives aux nominations internes devant la Commission des relations de travail et de l’emploi

Complaints to Board — Internal Appointments

Motifs des plaintes

Grounds of complaint

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle na pas été nommée ou fait lobjet dune proposition de nomination pour lune ou lautre des raisons
suivantes :

77 (1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may — in the manner and within the period provided by the Board’s regulations — make a complaint to the Board that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise of its or his or her authority under subsection 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

(b) an abuse of authority by the Commission in choosing between an advertised and a non-advertised internal appointment process; or

c) omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

(c) the failure of the Commission to assess the complainant in the official language of his or her choice as required by subsection 37(1).

Zone de recours

Area of recourse

(2) Pour l’application du paragraphe (1), une personne est dans la zone de recours si :

(2) For the purposes of subsection (1), a person is in the area of recourse if the person is

a) dans le cas d’un processus de nomination interne annoncé, elle est un candidat non reçu et est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34;

(a) an unsuccessful candidate in the area of selection determined under section 34, in the case of an advertised internal appointment process; and

b) dans le cas d’un processus de nomination interne non annoncé, elle est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34.

(b) any person in the area of selection determined under section 34, in the case of a non-advertised internal appointment process.

 

 

[32] Si l’on résume le paragraphe 77(1), on comprend que « [l]orsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne […] », « la personne [peut présenter une] plainte » si […] « elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination […] » (pour les motifs exposés aux al. 77(1)a) à c)). La condition supplémentaire du droit de porter plainte est énoncée au paragraphe 77(2), qui énonce qu’une personne est dans la zone de recours si elle est « […] un candidat non reçu et est dans la zone de sélection […] ».

[33] La LEFP ne définit pas le terme « candidat non reçu ». Selon Casper c. Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2016 CRTEFP 49, au paragraphe 18, « […] pour être un candidat non reçu, un plaignant doit avoir été un candidat dans le processus de nomination interne en cause […] ». Il n’est pas contesté que la plaignante était candidate à ce processus de nomination.

[34] Au paragraphe 2(1) de la LEFP, l’expression « processus de nomination interne » est défini comme un « […] processus de nomination dans lequel seules peuvent être prises en compte les personnes employées dans la fonction publique ».

[35] Il est clair que dans la présente affaire, la plaignante a participé à un processus de nomination interne, à partir duquel elle a été nommée avec succès à un poste. Elle était l’un d’au moins deux candidats nommés à un poste à la suite du processus (elle-même et la personne nommée, et peut-être d’autres).

[36] Toutefois, le fait qu’elle ait été une candidate reçue pour un poste, à la suite du processus de nomination interne mené par l’intimé, signifie-t-il qu’elle n’a aucun droit de recours à l’égard d’autres nominations effectuées à la suite de ce processus?

[37] Il est clair que le droit de présenter une plainte est déclenché par une nomination à partir d’un processus de nomination interne. Je souscris à l’opinion de l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal »), qui a conclu comme suit dans Hagerty que chaque notification déclenche un droit de présenter une plainte (au paragraphe 12) :

12 À chaque notification concernant au moins une nomination ou proposition de nomination est associé un droit de porter plainte au Tribunal en vertu de la LEFP. Par conséquent, le droit d’un plaignant de présenter une plainte doit être déterminé en fonction de chaque notification, et non en fonction du processus de nomination dans son ensemble.

[Je mets en évidence]

 

[38] Dans Hagerty, un processus de nomination a donné lieu à trois séries de nominations, effectuées le 13 mars 2007 (six personnes), le 22 mars 2007 (deux personnes ou plus) et le 6 juin 2007 (cinq personnes). La plainte a été déposée à la suite de la première série de notifications du 13 mars 2007. Le plaignant dans cette affaire a été nommé à la troisième série. L’intimé dans cette affaire a demandé que sa plainte soit rejetée au motif que le plaignant n’était pas un candidat non reçu. Le Tribunal a conclu que le plaignant était un candidat non reçu au moment de la première notification et a rejeté la requête de l’intimé. Il a également conclu que « [l]e plaignant n’avait pas le droit de présenter de plainte relativement à la troisième notification, étant donné que sa candidature y avait été proposée en vue d’une nomination; il ne pouvait donc pas être considéré comme un candidat non reçu » (au paragraphe 13).

[39] L’intimé a soutenu que cette décision du Tribunal répondait à la question de savoir si une personne nommée à la suite d’un processus peut ou ne peut pas présenter une plainte au sujet de nominations subséquentes découlant de ce processus.

[40] Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation de Hagerty. Cette affaire est différente du présent cas. La question dont le Tribunal était saisi était de savoir si le plaignant, qui avait déposé sa plainte avant d’être nommé plus tard dans le processus, avait le droit de présenter une plainte concernant la première série de nominations. Le plaignant n’a pas déposé une plainte au sujet d’une nomination faite après sa nomination. En outre, la décision ne mentionne pas s’il y avait différents volets ou si les postes en cause étaient différents. Il est logique que le plaignant dans Hagerty ne puisse pas se plaindre de l’avis de nomination dans lequel il a lui-même été nommé. À mon avis, cependant, cela n’exclut pas la possibilité de présenter une plainte à l’égard de nominations futures, selon les circonstances.

[41] Selon moi, la phrase clé dans Hagerty réside dans la conclusion selon laquelle le « […] droit d’un plaignant de présenter une plainte doit être déterminé en fonction de chaque notification, et non en fonction du processus de nomination dans son ensemble » (au par. 12).

[42] Dans la présente affaire, il est question d’un processus de nomination à partir duquel un bassin été créé et à partir duquel de nombreux postes pouvaient être pourvus. La LEFP ne traite pas de l’utilisation des bassins. Dans le présent cas, le bassin a été utilisé pendant près de deux ans (de février 2020 à mars 2022, au moins) afin de pourvoir un large éventail de postes de durée différente (par intérim, période indéterminée, affectation, mutation et période déterminée) dans trois volets et à différents groupes et niveaux : PM-05, PM-06 et AS-06.

[43] L’intimé et la CFP ont soutenu qu’une fois qu’une personne est un candidat reçu à un poste par l’intermédiaire du processus de nomination, elle perd son droit de recours prévu dans la LEFP. Hypothétiquement, cela signifierait qu’une personne qui a été nommée à un poste PM-05 par intérim par l’intermédiaire de ce bassin n’aurait pas le droit de recours pour les nominations subséquentes faites pour une période indéterminée ou à un groupe et à un niveau supérieurs. À mon avis, cette croyance va à l’encontre des droits de recours de ces personnes, qui pourraient avoir un intérêt légitime à être prises en considération pour des nominations futures à partir du bassin.

[44] Dans le présent cas, la plaignante a clairement laissé entendre que l’intimé avait utilisé le bassin pour effectuer une série de nominations. Elle a dit que l’intimé communiquerait avec les candidats qualifiés dans le bassin, et avec ceux qui avaient été précédemment nommés à même celui-ci, lorsqu’il serait temps de pourvoir un autre poste couvert par le bassin. Plus particulièrement, la plaignante a déclaré clairement que le poste SGCG était celui qu’elle préférait, qu’elle avait exprimé son intérêt pour ce poste avant et après sa nomination au poste de directrice des Opérations et que l’intimé avait examiné sa candidature pour le poste, mais a plutôt choisi de nommer la personne nommée. L’intimé n’a pas réfuté ces faits.

[45] Elle a également fourni des arguments clairs montrant que même si les deux postes en question provenaient du même volet, ils étaient très différents. L’un comportait une part importante de travail liée aux ressources humaines et à la gestion d’équipes, tandis que l’autre concernait la gestion d’un projet précis. L’un gérait un bureau régional, tandis que l’autre relevait directement de l’administration centrale de l’intimé.

[46] La plaignante a également fait remarquer que le gestionnaire responsable de l’embauche de l’intimé avait tenu une discussion informelle avec elle après la publication de la NCR le 21 juin 2021. Elle a soutenu que l’intimé l’avait traitée comme une candidate non reçue lors de cette discussion. Elle a dit qu’elle avait alors indiqué qu’elle déposerait une plainte si l’intimé envisageait d’aller de l’avant avec la nomination en cause. Elle a fait valoir que l’intimé ne l’avait pas informée à ce moment-là qu’elle n’aurait pas le droit de présenter une plainte, et il a ensuite retardé la nomination pendant un certain temps (jusqu’en mars 2022).

[47] Je n’accorde aucune importance au fait que l’intimé n’a pas informé la plaignante en juin 2021 qu’il s’opposerait à sa capacité de déposer une plainte au sujet de la nomination de la personne nommée.

[48] Cela dit, la discussion informelle repose sur le fait que la candidature d’un candidat est examinée aux fins d’une nomination et que les autres ont été éliminés. Ce principe est expliqué à l’article 47 de la LEFP, qui est rédigé comme suit :

47 À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

47 Where a person is informed by the Commission, at any stage of an internal appointment process, that the person has been eliminated from consideration for appointment, the Commission may, at that person’s request, informally discuss its decision with that person.

 

[49] Je souscris à l’opinion de la plaignante selon laquelle la LEFP est rédigée de façon à ce que seules les personnes ayant un intérêt personnel à l’égard d’une nomination puissent déposer une plainte. Les personnes qui ne font pas partie de la zone de sélection ne peuvent pas déposer une plainte. Dans le cadre d’un processus de nomination annoncé, les personnes qui n’ont pas posé leur candidature ne peuvent pas déposer une plainte. Les gens ne peuvent pas déposer une plainte au nom d’autrui.

[50] Dans le présent cas, la plaignante a démontré qu’elle avait un intérêt à l’égard du poste SGCG auquel la personne nommée a été nommée. Elle a dit qu’elle avait fait part de son intérêt à l’intimé à plusieurs reprises. Elle a demandé une discussion informelle, et une a eu lieu. Elle a été en mesure de différencier clairement la nature du poste de directeur des Opérations et le poste du projet SGCG et de démontrer que les deux postes sont de nature différente.

[51] Un processus de nomination peut servir à pourvoir des postes semblables, et parfois des postes différents. Je suis d’avis que, compte tenu des circonstances de chaque cas, cela ne devrait pas empêcher un candidat qui a été nommé à un poste dans le cadre de ce processus d’exercer ses droits à l’égard d’une nomination subséquente ou d’une nomination proposée découlant du même processus de nomination.

[52] Compte tenu de ces faits, qui n’ont pas été contestés par l’intimé, je conclus que la plaignante était une candidate non reçue par rapport au poste SGCG auquel la personne nommée a été nommée dans le cadre de ce processus de nomination. Elle a posé sa candidature pour le processus et elle n’a pas été nommée.

[53] J’estime donc que l’intimé ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve qui lui incombait dans la présente requête, puisqu’il n’a pas établi que la plaignante n’est pas une candidate non reçue. Par conséquent, la plaignante a qualité pour agir devant la Commission en ce qui concerne la présente plainte et celle-ci sera instruite en vertu de la LEFP.

[54] Les délais prévus dans la présente plainte ont été suspendus en attendant une décision sur la présente requête. Étant donné que la présente décision est maintenant rendue, les délais peuvent être réactivés. La prochaine étape du processus de plainte sera l’achèvement de la période d’échange de renseignements par la plaignante et l’intimé.

[55] Toutes les parties devraient consulter le Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6) et le Guide de procédures pour les plaintes relatives à la dotation de la Commission pour calculer les délais modifiés et s’assurer qu’elles apportent les modifications nécessaires aux délais qui leur sont applicables.

[56] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[57] La requête de l’intimé visant à faire rejeter la plainte de façon sommaire est rejetée.

[58] Les délais sont réactivés; par conséquent, la plaignante et l’intimé ont jusqu’au 7 mars 2023 pour terminer la période d’échange de renseignements.

Le 10 février 2023.

(Traduction de la CRTESPF)

David Orfald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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