Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le grief concernait les horaires de travail des agents des pêches en Colombie-Britannique et au Yukon – pendant la saison de pointe, soit de juin à septembre, les agents devaient travailler le soir, la nuit et la fin de semaine – l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a allégué que les agents étaient des travailleurs de jour en tout temps et que toutes les heures travaillées en dehors du lundi au vendredi, de 6 h à 18 h, devaient être payées au taux des heures supplémentaires – toutefois, l’employeur a soutenu qu’il avait le droit d’attribuer des heures de travail irrégulières en vertu de la convention collective – la Commission a conclu que l’employeur avait eu un besoin urgent d’attribuer des postes irréguliers aux agents des pêches afin qu’ils puissent exercer leurs fonctions – de plus, la clause 25.09 de la convention collective, qui autorise le travail « irrégulier », s’appliquait aux agents des pêches – le travail des agents des pêches est lié aux fluctuations des sommets d’activité des ressources naturelles qu’ils aident à protéger – la Commission a conclu que l’interprétation de l’AFPC de la clause 25.09 enfreindrait la définition d’« heures supplémentaires » prévue dans la convention collective – lue dans son intégralité, la convention collective ne prévoyait pas qu’un agent des pêches travaille 37,5 heures par semaine et qu’une partie de ces heures, travaillées pendant la fin de semaine en été, soit payée au taux des heures supplémentaires.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20230216

Dossier: 567-02-169

 

Référence: 2023 CRTESPF 19

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Alliance de la fonction publique du Canada

agent négociateur

 

et

 

Conseil du trésor

(ministère des Pêches et des Océans)

 

employeur

Répertorié

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l’arbitrage

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur : Pamela Sihota

Pour l’employeur : Laetitia Auguste

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 29 et 30 août 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] Ce grief collectif concerne les agents des pêches qui effectuent des inspections et des opérations d’application de la loi en Colombie-Britannique et au Yukon. Leurs horaires de travail sont fortement influencés par les tendances saisonnières des ressources halieutiques, comme la montaison annuelle du saumon et les activités connexes des utilisateurs des ressources ou des pêcheurs.

[2] Au sommet de l’activité, soit de juin à septembre inclusivement, le ministère des Pêches et des Océans (l’« employeur ») planifie des activités d’inspection et d’application de la loi tout au long de la semaine et de la fin de semaine, le jour et la nuit. Le travail mené le soir, la nuit et la fin de semaine pendant la saison de pointe estivale garantit qu’une tendance prévisible d’activités d’application de la loi menées uniquement de jour ne profite pas au braconnage illégal de poissons et d’autres ressources.

[3] Ces activités de pointe contrastent avec le travail effectué pendant la basse saison, qui est généralement effectué de 6 h à 18 h. Certaines heures supplémentaires sont utilisées tout au long de l’année à des fins d’inspection et d’application de la loi, et ne sont pas en cause dans la présente affaire.

[4] Le grief porte sur l’invocation par la direction de ses droits de gestion prévus par la loi et sur la clause de la convention collective relative au travail par postes qui permet d’attribuer des heures de travail irrégulières pendant la saison de pointe estivale, puis des heures de travail de jour pendant la basse saison hivernale. Cette convention était conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services techniques, et elle est arrivée à échéance le 21 juin 2014 (la « convention collective »).

[5] Les griefs allèguent que les agents sont des travailleurs de jour en tout temps et que, par conséquent, toutes les heures travaillées en dehors du lundi au vendredi, de 6 h à 18 h, doivent être payées au taux des heures supplémentaires. L’agent négociateur a soutenu que cela s’appliquerait même si une semaine normale de travail de 37,5 heures était attribuée du mercredi au dimanche inclusivement, ce qui pourrait donc signifier que 15 heures sur 37,5 heures de travail par semaine seraient payées à ces employés au taux des heures supplémentaires.

[6] Je ne suis pas de cet avis. L’employeur a invoqué à juste titre ses droits de gestion prévus par la loi et la clause relative aux heures « irrégulières », la clause 25.09, qui permettait d’attribuer des postes qui ne devaient pas nécessairement correspondre à ce que le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé être les heures normales de travail de jour du lundi au vendredi.

[7] Le grief est rejeté.

II. Convention collective

[8] Les parties ont fait valoir conjointement que la convention collective régissait leurs droits et responsabilités pendant toute la période pertinente de l’affaire devant moi.

[9] En particulier, les parties ont présenté des arguments sur l’article 2 de la convention collective, intitulé « Interprétation et définitions » et contenant la définition de « heures supplémentaires ». Les parties se sont appuyées sur cette définition et sur ces autres dispositions :

[…]

a) dans le cas d’un employé-e à temps plein, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire;

[…]

(a) in the case of a full-time employee, authorized work in excess of the employee’s scheduled hours of work ….

ARTICLE 25

DURÉE DU TRAVAIL

ARTICLE 25

HOURS OF WORK

Disposition de dérogation

Alternate Provision

Le présent article ne s’applique pas aux employé-e-s de l’unité de négociation PI (voir les dispositions de l’appendice M).

This Article does not apply to employees in the PI bargaining unit (see provisions of Appendix M).

Généralités

General

25.01 La durée du travail prévue à l’horaire d’un employé-e ne doit pas être considérée comme une garantie d’une durée minimale ou maximale du travail.

25.01 An employee’s scheduled hours of work shall not be construed as guaranteeing the employee minimum or maximum hours of work.

25.02 L’Employeur convient, avant de modifier l’horaire des heures de travail, de discuter des modifications avec le représentant approprié de l’Alliance si la modification touche la majorité des employé-e-s assujettis à cet horaire.

25.02 The Employer agrees that, before a schedule of working hours is changed, the changes will be discussed with the appropriate steward of the Alliance if the change will affect a majority of the employees governed by the schedule.

25.03 Pourvu qu’un préavis soit donné dans un délai suffisant, et avec l’autorisation de l’Employeur, les employé-e-s peuvent s’échanger des postes si cela n’augmente pas les frais de l’Employeur.

25.03 Provided sufficient advance notice is given and with the approval of the Employer, employees may exchange shifts if there is no increase in cost to the Employer.

Travail de jour

Day Work

**

**

25.04 Sous réserve du paragraphe 25.09 :

25.04 Except as provided for in clause 25.09:

a) la semaine de travail normale est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures,

(a) the normal work week shall be thirty-seven decimal five (37.5) hours,

b) du lundi au vendredi inclusivement,

(b) from Monday to Friday inclusive,

c) réparties sur cinq (5) jours de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives chacun, sauf la pause-repas,

(c) comprising of five (5) days of seven decimal five (7.5) consecutive hours each, exclusive of a lunch period,

et

et

d) est prévue à l’horaire au cours d’une période de neuf (9) heures située entre 6 h et 18 h, à moins qu’il n’en ait été convenu autrement au cours de consultations au niveau approprié entre l’Alliance et l’Employeur.

(d) shall be scheduled to fall within a nine (9) hour period between the hours of 06:00 and 18:00, unless otherwise agreed in consultation between the Alliance and the Employer at the appropriate level.

**

**

25.05 Horaire d’été et d’hiver

25.05 Summer and Winter Hours

Les durées du travail prévues à l’horaire hebdomadaire et à l’horaire journalier stipulées à l’alinéa 25.04 peuvent être modifiées par l’Employeur, à la suite de consultations avec l’Alliance, pour permettre de mettre en vigueur des heures d’été et des heures d’hiver, pourvu que le total annuel ne change pas.

The scheduled weekly and daily hours of work stipulated in 25.04 may be varied by the Employer, following consultation with the Alliance, to allow for summer and winter hours, provided the annual total is not changed

[…]

Travail par poste

Shift Work

25.09 Dans le cas des employé-e-s qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière :

25.09 For employees who work on a rotating or irregular basis:

a) la durée normale du travail est portée à l’horaire de manière que les employé-e-s travaillent :

(a) Normal hours of work shall be scheduled so that employees work:

(i) en moyenne trente-sept virgule cinq (37,5) heures par semaine et en moyenne cinq (5) jours par semaine;

(i) an average of thirty-seven decimal five (37.5) hours per week and an average of five (5) days per week;

et

et

(ii) sept virgule cinq (7,5) heures par jour

(ii) seven decimal five (7.5) hours per day.

b) L’Employeur fait tout effort raisonnable pour prévoir à l’horaire une pause-repas d’au moins une demi-heure (1/2), durant chaque poste complet, la pause-repas ne faisant pas partie de la période de travail. Une telle pause-repas est placée aussi près que possible du milieu du poste, à moins que d’autres dispositions n’aient fait l’objet d’un accord au niveau approprié entre l’Employeur et l’employé-e. Si l’employé-e ne bénéficie pas d’une pause-repas prévue à l’avance, toute la période comprise entre le commencement et la fin de son poste complet est considérée comme du temps de travail.

(b) The Employer shall make every reasonable effort to schedule a meal break of one-half (1/2) hour during each full shift which shall not constitute part of the work period. Such meal break shall be scheduled as close as possible to the midpoint of the shift, unless an alternate arrangement is agreed to at the appropriate level between the Employer and the employee. If an employee is not given a meal break scheduled in advance, all time from the commencement to the termination of the employee’s full shift shall be deemed time worked.

c) Lorsque le poste d’horaire d’un employé-e ne commence ni ne finit le même jour, un tel poste est considéré à toutes fins avoir été intégralement effectué :

(c) When an employee’s scheduled shift does not commence and end on the same day, such shift shall be deemed for all purposes to have been entirely worked:

(i) le jour où il a commencé, lorsque la moitié (1/2) ou plus des heures effectuées tombent ce jour-là;

(i) on the day it commenced where one-half (1/2) or more of the hours worked fall on that day;

ou

or

(ii) le jour où il finit, lorsque plus de la moitié (1/2) des heures effectuées tombent ce jour-là.

(ii) on the day it terminates where more than one-half (1/2) of the hours worked fall on that day.

En conséquence, le premier (1er) jour de repos est considéré commencer immédiatement après l’heure de minuit du jour civil durant lequel l’employé-e a effectué ou est censé avoir effectué son dernier poste d’horaire. Le deuxième (2e) jour de repos commence immédiatement après l’heure de minuit du jour qui suit le premier (1er) jour de repos de l’employé-e ou immédiatement après l’heure de minuit d’un jour férié désigné payé situé entre ces deux (2) jours, si les jours de repos se trouvent de ce fait séparés.

Accordingly, the first (1st) day of rest will be deemed to start immediately after midnight of the calendar day on which the employee worked or is deemed to have worked his or her last scheduled shift; and the second (2nd) day of rest will start immediately after midnight of the employee’s first (1st) day of rest, or immediately after midnight of an intervening designated paid holiday if days of rest are separated thereby.

d) L’Employeur fait tout effort raisonnable :

(d) Every reasonable effort shall be made by the Employer:

(i) pour ne pas prévoir à l’horaire un commencement de poste dans les huit (8) heures qui suivent la fin du poste précédent de l’employé-e;

(i) not to schedule the commencement of a shift within eight (8) hours of the completion of the employee’s previous shift;

**

**

(ii) pour éviter les fluctuations excessives des heures de travail et réduire au minimum les changements dans les jours de repos de l’employé-e;

(ii) to avoid excessive fluctuations in hours of work and to minimize changes to an employee’s days of rest;

(iii) pour tenir compte des désirs de la majorité des employé-e-s touchés par la répartition des postes à l’intérieur d’un horaire de postes;

(iii) to consider the wishes of the majority of employees concerned in the arrangement of shifts within a shift schedule;

(iv) pour répartir les postes sur une période ne dépassant pas cinquante-six (56) jours et pour afficher les horaires au moins quatorze (14) jours avant la date de début du nouvel horaire;

(iv) to arrange shifts over a period of time not exceeding fifty-six (56) days and to post schedules at least fourteen (14) days in advance of the starting date of the new schedule;

(v) pour accorder à l’employé-e au moins deux (2) jours de repos consécutifs.

(v) to grant an employee a minimum of two (2) consecutive days of rest.

e) Afin de poursuivre les pratiques actuelles relatives à la préparation des horaires des techniciens de la haute atmosphère, les dispositions prévues aux sous-alinéas 25.09a)(ii) et d)(i) ne s’appliquent pas.

(e) In order to continue the present scheduling practices for upper air technicians, the provisions of subparagraphs 25.09(a)(ii) and (d)(i) will not apply.

f) Sous réserve des alinéas 25.09a) à 25.09 e), les pratiques relatives à la préparation des horaires sont maintenues dans les domaines spécialisés comme suit :

(f) Subject to paragraphs 25.09(a) through 25.09(e), scheduling practices will continue in specialized areas as follows:

(i) les observateurs des glaces à bord des brise-glaces travaillent cinquante-six (56) heures par semaine;

(i) ice observers aboard icebreakers shall work fifty-six (56) hours per week,

(ii) les techniciens de la haute atmosphère ne travaillent pas moins de cinq (5) heures par poste

(ii) upper air technicians shall work not less than five (5) hours per shift.

g) Nonobstant les dispositions du présent article, il peut être avantageux, sur le plan de l’exploitation, d’appliquer des horaires de travail qui diffèrent de ceux prévus dans le présent paragraphe. Toute entente spéciale peut être établie à la demande de l’une ou l’autre partie et doit être acceptée mutuellement par l’Employeur et la majorité des employé-e-s touchés.

(g) Notwithstanding the provisions of this Article, it may be operationally advantageous to implement work schedules for employees that differ from those specified in this clause. Any special arrangement may be at the request of either party and must be mutually agreed between the Employer and the majority of employees affected.

[…]

ARTICLE 27

ARTICLE 27

PRIMES DE POSTE ET DE FIN DE SEMAINE

SHIFT AND WEEKEND PREMIUMS

Dispositions exclues

Excluded Provisions

Le présent article ne s’applique pas aux employé-e-s qui travaillent de jour et qui sont couverts par les paragraphes 25.04 à 25.06 ou le paragraphe 25.04 de l’appendice M.

This Article does not apply to employees on day work, covered by clauses 25.04 to 25.06, or clause 25.04 of Appendix M.

27.01 Prime de poste

27.01 Shift Premium

L’employé-e qui travaille par postes, touche une prime de poste de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées entre 16 h et 8 h. La prime de poste n’est pas payée pour les heures de travail effectuées entre 8 h et 16 h.

An employee working on shifts will receive a shift premium of two dollars ($2.00) per hour for all hours worked, including overtime hours, between 16:00 and 08:00. The shift premium will not be paid for hours worked between 08:00 and 16:00.

27.02 Prime de fin de semaine

27.02 Weekend Premium

a) L’employé-e qui travaille par postes, la fin de semaine, reçoit une prime supplémentaire de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

(a) An employee working on shifts during the weekend will receive an additional premium of two dollars ($2.00) per hour for all hours worked, including overtime hours, on Saturday and/or Sunday.

b) Dans le cas des employé-e-s travaillant à une mission à l’étranger où le samedi et le dimanche ne sont pas considérés comme une fin de semaine, l’Employeur peut leur substituer deux (2) autres jours consécutifs pour se conformer à l’usage local.

(b) Where Saturday and Sunday are not recognized as the weekend at a mission abroad, the Employer may substitute two (2) other contiguous days to conform to local practice.

[…]

 

[10] Je fais remarquer que l’exception relative à l’applicabilité de l’article 27 aux employés visés à l’appendice M de la convention collective n’est pas pertinente à la présente affaire, étant donné que cet appendice fait référence aux membres du groupe Inspection des produits primaires (PI) qui s’occupent des inspections des produits.

III. Témoignages

[11] Chaque partie a appelé un témoin.

[12] Perry Powers a témoigné au nom des fonctionnaires s’estimant lésés. Il a commencé sa carrière chez l’employeur en 1997. Il possède une vaste expérience des opérations de conservation et de protection sur le terrain et de l’application de la loi, et a occupé des postes de direction chez l’employeur ainsi qu’un poste de cadre de direction dans son unité de négociation.

[13] Dans son témoignage, M. Powers a parlé de l’importance des fonctions et de la vaste étendue géographique du travail des agents des pêches, ainsi que des nombreuses responsabilités qui leur incombent dans le cadre de leur mandat réglementaire en ce qui concerne l’inspection et l’application de la loi dans le cas de questions touchant le poisson, d’autres formes de vie marine et l’habitat.

[14] Voici un résumé de son témoignage :

· L’employeur a modifié les jours de travail afin d’inclure les heures de fin de semaine et ainsi d’éviter de payer des heures supplémentaires.

· Selon lui, les agents des pêches étaient des travailleurs de jour, dont les heures normales de travail « de base » étaient de 8 h à 16 h, du lundi au vendredi.

· La majeure partie de l’année, ces heures et jours de travail n’étaient pas en cause, car la majeure partie de leur travail était prévu à l’intérieur de celles-ci.

· À l’occasion, au cours de l’année, des projets ou des opérations spéciaux ont été planifiés en dehors des heures normales de base et souvent de nuit, pour cibler la pêche illégale du poisson.

· Comme il n’y avait pas assez d’agents des pêches pour effectuer les postes de travail, l’employeur les affectait aux opérations après les heures de travail et les payait au taux des heures supplémentaires.

· Il faisait parfois un grand nombre d’heures supplémentaires. En 1998-1999, il a reçu environ 18 000 $ en heures supplémentaires en plus de son salaire normal, qui était alors d’environ 28 000 $.

· Toutefois, en 2013, l’employeur a présenté davantage de demandes pour mener plus d’activités durant la saison de pointe, qui va de la mi-juin à la mi-septembre à peu près, et qui était dictée, par exemple, par la montaison annuelle du saumon, où l’utilisation des ressources et les activités des pêcheurs atteignaient un sommet connexe.

· Étant donné les heures de travail accrues pendant les mois estivaux d’activité maximale, les agents étaient affectés à des tâches le soir, parfois la nuit, et, régulièrement, la fin de semaine. Ils devaient travailler du mardi au samedi, ce qui, selon l’agent négociateur, contrevenait à la clause 25.04 de la convention collective — la disposition sur le travail de jour.

· Les heures supplémentaires ont continué d’être ajoutées à ces heures de fin de semaine d’été prévues et payées, ce qui signifiait que les agents devaient travailler au-delà de leur semaine de travail de 37,5 heures en raison des priorités d’inspection ou d’application de la loi.

 

[15] Au cours de son témoignage, M. Powers a déclaré que les agents des pêches étaient en tout temps des travailleurs de jour, au sens de la clause 25.04 de la convention collective, et qu’il n’y avait pas de postes dans leur bureau, parce qu’il n’y avait pas assez d’agents pour effectuer une série de postes de jour, de soir et de nuit. Il a ajouté que l’ensemble du travail attribué en dehors des heures de bureau de jour du lundi au vendredi doit être payé au taux des heures supplémentaires requis par la convention collective.

[16] M. Powers a fait référence à un courriel du 25 mars 2014 d’un collègue de travail qui disait ce qui suit :

[Traduction]

Perry,

Vous trouverez ci-joint ce que nous avons reçu au sujet de l’établissement des postes en 2013 pour le détachement de Fraser Valley East. L’établissement des postes a commencé le 20 juin et s’est terminé le 13 septembre. Comme vous pouvez le voir dans le document ci-joint, la direction voulait que les postes de travail soient prolongés jusqu’en octobre et que nous renoncions aux deux jours de fin de semaine. Vous pouvez lire dans le document que l’expéditeur fait référence à la diminution des ressources, à l’absence d’agents supplémentaires et au partage des postes pour réduire les coûts des heures supplémentaires.

Nous avons demandé de travailler du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h. Cette offre a été refusée et le poste suivant a été imposé.

Le résultat final a été que le personnel de Chilliwack a reçu l’ordre de travailler selon un horaire de cinq jours de travail et de deux jours de repos, ces jours étant le vendredi et le samedi (de 8 h à 16 h). Le personnel de la mission a demandé une semaine de travail comprimée avec des jours de repos étant samedi et dimanche, et samedi, dimanche et lundi. On leur a demandé de travailler selon un horaire de 5-2, 4-3, leurs jours de repos étant le dimanche et le lundi, ainsi que le dimanche, le lundi et le mardi.

Les personnes qui ont signé ce document l’ont lu et ont confirmé qu’on leur a imposé ce poste.

[…]

 

[17] Même si cette question n’est pas déterminante du litige dans la présente affaire, je note l’utilisation fréquente (six fois) du terme « poste », sous différentes formes, où un agent des pêches l’utilise pour décrire l’avis donné par l’employeur de l’horaire de travail de haute saison estivale avec les heures (postes) de travail en dehors des heures normales de travail de jour. En outre, les jours variables de la semaine (postes) étaient assignés de sorte que le personnel de l’application de la loi soit en service sept jours par semaine.

[18] En contre-interrogatoire, M. Perry a admis que les agents des pêches avaient reçu une prime de poste lorsqu’on leur avait attribué des heures de fin de semaine. On lui a présenté son rapport sur les feuilles de temps de juin 2013 pour une [traduction] « Paye pour services supplémentaires/Travail par poste » et a confirmé qu’il avait reçu une prime de fin de semaine parce qu’on lui avait attribué une semaine de travail du mardi au samedi.

[19] Lorsqu’on l’a interrogé en contre-interrogatoire au sujet des heures « irrégulières » permises à la clause 25.09 de la convention collective, il a répondu que cette clause ne s’appliquait pas, car les agents n’étaient pas des travailleurs par poste, mais plutôt des travailleurs de jour avec des heures régulières du lundi au vendredi.

[20] L’employeur a appelé Nicole Gallant pour témoigner. Elle a commencé sa carrière chez l’employeur il y a 29 ans et, depuis la fin de 2020, elle travaille comme directrice régionale de la conservation et de la protection dans la région du Pacifique de l’employeur, qui englobe la Colombie-Britannique et le Yukon.

[21] Elle a témoigné comme suit :

· Les inspections et les activités d’application de la loi qu’elle supervise s’appuient sur des agents des pêches classés aux niveaux GT-02, GT-03 et GT-04. Les agents GT-05 sont des superviseurs sur le terrain; on trouve au-dessus d’eux des superviseurs promus à la classification PM. Elle avait deux de ces superviseurs dans sa région, dont M. Powers.

· Pendant de nombreuses années, les opérations sur le terrain des agents relevant de sa compétence avaient été affectées à des postes de pointe d’été qui assuraient l’application de la loi pendant les sept jours de la semaine et qui comprenaient des travaux tôt le matin débutant à 5 h et d’autres travaux débutant à 16 h pour couvrir la fin de la soirée. Elle a expliqué que l’application de la loi n’était pas assurée pendant les 24 heures de la journée par des postes, mais de nombreux postes de nuit ou « d’obscurité » étaient utilisés pour s’assurer que ceux qui mènent des activités illégales ne puissent pas s’attendre à être exempts du risque d’interdiction par des agents d’application de la loi, même en pleine nuit.

· Ces postes étaient essentiels pour éviter que les activités d’application de la loi ne tombent dans une routine prévisible d’une heure de la journée ou d’un jour de la semaine en particulier, ce qui aurait fourni aux pêcheurs illégaux un accès pratiquement illimité au saumon et à d’autres ressources marines.

· Le modèle normal des postes de pointe estivaux était les trois suivants : un poste le matin à partir de 5 h, un poste de jour à partir de 8 h et un poste du soir à partir de 16 h.

· Chaque poste dépendait des activités liées aux ressources et aux pêcheurs, comme l’ouverture de la pêche tôt le matin ou une forte diminution de l’activité des pêcheurs en cas de chaleur extrême l’après-midi dans la vallée du Fraser et dans l’intérieur de la Colombie-Britannique.

· Elle a également expliqué que les fermetures de pêche du soir et les activités de pêche illégales étaient souvent menées sous le couvert de l’obscurité pour tenter d’éviter la détection, ce qui nécessitait des patrouilles régulières d’application de la loi jusqu’en fin de soirée.

· Ces activités de pointe estivales pour lesquelles ces postes étaient nécessaires commençaient à la mi-juin et se terminaient souvent à la mi-septembre, mais les facteurs liés aux ressources naturelles qu’ils protégeaient pouvaient nécessiter des dates de début de saison quelque peu différentes, avant de revenir à l’horaire de travail d’hiver.

· Différentes patrouilles régulières exigeaient un nombre précis d’agents, car le travail exigeait de ne jamais faire patrouiller un agent seul. Des agents supplémentaires provenant d’autres régions ou unités opérationnelles étaient régulièrement appelés à effectuer des opérations précises de courte durée.

IV. Jurisprudence

[22] L’agent négociateur a invoqué la décision de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »; il convient de mentionner que dans cette décision, la « Commission » fait référence à son incarnation actuelle ainsi qu’à l’un de ses prédécesseurs) dans Cooke c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2021 CRTESPF 42, qui énonce ce qui suit :

[…]

[49] En l’espèce, l’employeur n’a pas prouvé que la façon dont il a exercé ses droits de la direction reposait sur un besoin opérationnel. Il s’est appuyé sur le fait que la lettre de nomination modifiée de M. Cooke indiquait qu’il pourrait avoir à travailler par poste et qu’il avait consulté le syndicat au sujet de la conversion des agents d’application de la loi sur la faune en travailleurs par poste.

[50] Ce qui distingue toutefois le plus cette affaire de Hodgson, c’est la décision de l’employeur de convertir M. Cooke d’un statut de travailleur de jour en celui de travailleur par poste, puis de nouveau en un travailleur de jour en l’espace d’une semaine. Je ne crois pas que Hodgson soit favorable à cette proposition. Je souscris à la conclusion de la Commission dans Hodgson selon laquelle le fait de modifier le statut professionnel d’un employé constitue une modification fondamentale des conditions d’emploi. La direction a besoin d’une bonne raison pour exercer ses droits à cet égard.

[51] En outre, le libellé de la convention collective à la clause 25.09 ne dit pas [traduction] « l’horaire des employé-e-s qui travaillent par poste sera prévu comme suit […] ». Il commence par la phrase suivante : « Dans le cas des employé-e-s qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière ». Toutes ses dispositions découlent de ce fondement.

[52] Malgré le libellé de sa lettre de nomination modifiée, M. Cooke n’était pas un employé qui travaillait par roulement ou de façon irrégulière. Il était un travailleur de jour depuis la date de sa nomination en 2009 jusqu’au 12 septembre 2012. L’employeur l’a affecté à des postes irréguliers et par roulement pour une période de 56 jours commençant le 13 septembre 2012. Cependant, il n’a travaillé que deux postes de ce genre, soit la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012. Par la suite, il n’a travaillé que durant le jour.

[53] Étant donné que le fonctionnaire n’était pas un employé qui travaillait par roulement ou de façon irrégulière, l’affirmation de l’employeur selon laquelle il était visé par la clause 25.09 doit être rejetée. Par défaut, la convention collective prévoit que les employés qui ne sont pas visés par la clause 25.09 sont des travailleurs de jour dont les heures de travail doivent être prévues conformément à la clause 25.04.

[54] Étant donné que les heures qu’il a travaillées la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012 étaient en dehors des heures de travail autorisées en vertu de la clause 25.04, elles ne peuvent pas être considérées comme des heures normales de travail prévues par la convention collective.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[23] L’agent négociateur a mentionné la conclusion aux paragraphes 51 et 52 selon laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé dans Cooke était en tout temps un travailleur de jour, même si son employeur l’avait affecté à des postes irréguliers et par roulement.

[24] L’employeur a répliqué à cet argument et a souligné l’importance de lire ces passages de Cooke dans le contexte de la décision de la Commission dans Hodgson c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 2005 CRTFP 30. L’employeur s’est fondé sur les mots utilisés par la Commission au paragraphe 50 de Cooke, qui est toutefois à distinguer de Hodgson en raison des faits.

[25] L’employeur a fait valoir que la même question des faits différents que la Commission a relevée dans Cooke devrait distinguer sa conclusion de ce cas, en particulier le fait que Cooke portait sur l’affectation de deux postes seulement comme étant considérablement différente de l’affectation d’une saison de quatre mois de postes irréguliers.

[26] L’employeur a également attiré l’attention sur le fait que les arguments soulevés par l’agent négociateur ne portaient pas sur la question des heures « irrégulières » à la clause 25.09 de la convention collective.

[27] Il a en outre fait valoir que l’agent négociateur avait laissé entendre que les postes « par roulement » prévus dans cette clause étaient limités en ce qu’ils devaient être constitués de postes réguliers de durée régulière, chacun ayant un effectif complet, et qu’il n’y avait pas assez d’agents des pêches pour remplir adéquatement chaque poste.

[28] À l’appui de cette limite sur ce que le travail par poste devait inclure, l’agent négociateur a invoqué la décision rendue par la Commission dans Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, où elle tirait la conclusion suivante :

[…]

61 La question en l’espèce est de déterminer le sens donné à « travailleurs par postes » dans l’article 27 de la convention. Aucun des termes « postes », « travail par postes » ou « travaille par postes » n’est défini dans la convention collective. Je dois donc me demander si un sens ou une définition ordinaire et généralement accepté est donné au terme « travail par postes » (c’est-à-dire de travailler par postes). À cet égard, je note que le Canadian Oxford Dictionary (Toronto, 1998) définit le « travail par postes » comme étant du [traduction] « travail effectué dans des périodes souvent variables indépendantes d’une journée de travail normale, habituellement le soir (fatigué après un mois de travail par postes) ». Le site Web de Sloan Work and Family Research Network du Boston College fournit les définitions suivantes du « travail par postes » :

[Traduction]

Le travail par postes renvoie à un horaire de travail dans lequel les employés travaillent à des heures autres que les heures normales de 8 h à 17 h ou à un horaire autre que la semaine de travail normale, du lundi au vendredi, aux États‑Unis (Grosswald, 2004, p. 414).

En général, le terme « travail par postes » est assez vague et comprend toute organisation des heures de travail qui diffère de la période de travail diurne traditionnelle; il est parfois synonyme d’heures de travail irrégulières ou atypiques (Costa, 2003, p. 264).

[…] la plupart des études sur le travail par postes classent le travailleur par postes comme étant toute personne qui travaille en-dehors des heures normales de jour (c.-à-d. entre environ 7 h et 18 h, du lundi au vendredi). Selon ces définitions, les travailleurs par postes comprennent toutes les personnes qui travaillent des postes de soir ou de nuit, des postes par roulement, des postes fractionnés ou des horaires irréguliers ou sur appel, que ce soit la semaine ou la fin de semaine (Institut de recherche sur le travail et la santé, n.d.).

Le travail par postes est défini comme du travail en-dehors des heures de jour, du lundi au vendredi. Ceci comprend le travail la fin de semaine et les tâches commençant beaucoup avant 7 h et se terminant après 19 h ou plus tard (Wallace, n.d.).

La journée de travail normale se déroule dans une fenêtre de 8 h à 17 h. Nous considérons les travailleurs par postes comme des personnes qui travaillent à des heures atypiques. » (Root, 2004).

62 Le site Web dictionary.com donne la définition suivante de « poste » :

[Traduction]

Une période de travail prévue à l’horaire d’une personne, notamment une portion de la journée portée à l’horaire comme étant une journée de travail, lorsque l’atelier, le service, le bureau ou l’industrie fonctionne de manière continue, le jour et la nuit : Elle préfère le poste du matin.

63 Selon moi, toutes ces définitions décrivent une situation où les activités normales durant un cycle de 24 heures sont divisées en deux ou trois périodes de travail, chaque période représentant une journée de travail complète d’un employé. Un exemple courant de ce type de travail serait celui effectué dans les hôpitaux, notamment par le personnel infirmier qui doit être présent 24 heures sur 24. Comme personne ne peut travailler 24 heures sur 24 de manière continue, ce cycle est divisé en « postes » de 12 heures ou de 8 heures. Naturellement, les lieux de travail ne fonctionnent pas tous selon un cycle de 24 heures sur 24, certains ont des cycles plus courts. Cependant, quel que soit le cycle, il est trop long pour qu’un seul employé puisse le travailler de manière normale et continue; il doit être divisé en « postes ». Chaque poste est comblé par un employé (normalement) différent. Par conséquent, le travail par postes comporte au moins 2, ou peut-être 3, périodes de travail pendant un cycle de 24 heures qui seraient comblés par 2 (ou 3, selon le cas) employés.

[…]

 

[29] À l’appui de son affirmation sur ce point, l’agent négociateur a cité la référence aux postes dans les hôpitaux au paragraphe 63, qui a conclu que les lieux de travail, comme les hôpitaux, fonctionnent 24 heures par jour et que les employés travaillent à plein temps dans les opérations avec trois postes identiques de 8 heures.

[30] L’employeur a toutefois répliqué qu’il ne s’agit pas d’une description exacte de la décision de la Commission sur ce point. Je partage cet avis.

[31] En fait, la Commission a ajouté ce qui suit au paragraphe 63 :

63 [] Naturellement, les lieux de travail ne fonctionnent pas tous selon un cycle de 24 heures sur 24, certains ont des cycles plus courts. Cependant, quel que soit le cycle, il est trop long pour qu’un seul employé puisse le travailler de manière normale et continue; il doit être divisé en « postes ». Chaque poste est comblé par un employé (normalement) différent. Par conséquent, le travail par postes comporte au moins 2, ou peut-être 3, périodes de travail pendant un cycle de 24 heures qui seraient comblés par 2 (ou 3, selon le cas) employés.

 

[32] L’employeur a invoqué la décision Hodgson de la Commission dans ses observations finales, notant cette conclusion :

[…]

[128] Il est clair que les droits généraux de gestion attribués au Conseil du Trésor peuvent être considérablement limités par les conditions d’emploi négociées qui se trouvent dans une convention collective (voir notamment Public Service Alliance of Canada v. Canadian Grain Commission, supra. En l’espèce, j’ai déterminé que la convention collective ne limite pas le droit de l’employeur de déterminer les heures de travail de manière à convertir un travailleur de jour en travailleur par poste. Cela ne décharge cependant pas la direction de l’obligation de consulter l’agent négociateur au sujet d’une modification aussi fondamentale des conditions d’emploi (voir l’article 21 sur la consultation mixte).

[…]

[Je mets en évidence]

 

[33] Je suis d’accord avec l’argument de l’employeur selon lequel Cooke doit être distinguée en fonction de ses faits. La Commission a expliqué la situation dans Cooke, à savoir que les employés n’étaient réaffectés qu’à des heures irrégulières pour deux postes, ce qui constitue une caractéristique distincte de la décision Hodgson.

[34] Enfin, l’agent négociateur a mentionné la décision rendue par la Commission dans Paudel c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2021 CRTESPF 79, au par. 90, qui se lit comme suit :

[90] Toutefois, je commenterai brièvement l’approche adoptée dans Keen. Le commissaire s’est appuyé sur les définitions du [traduction] « travail par quart » énoncées dans Chafe, qui ne comprenaient pas la définition du [traduction] « travail par quart » acceptée par l’arbitre de griefs dans cette décision. Comme il a été indiqué précédemment, dans Chafe, l’arbitre de griefs a déterminé que le fait de travailler [traduction] « par quarts » signifie qu’il y aurait au moins deux (2), voire trois (3), périodes de travail au cours d’un cycle de 24 heures qui seraient effectuées par deux (2) employés ou plus. Cette interprétation a également été acceptée dans Vaillancourt. J’estime que les décisions rendues dans Chafe et Vaillancourt sont plus convaincantes pour déterminer ce qu’est ou n’est pas le « travail par quart », puisque les interprétations dans ces décisions étaient nécessaires pour trancher les griefs et n’étaient pas, comme dans Keen, une simple parenthèse (ou une remarque incidente).

 

[35] L’agent négociateur a laissé entendre que ce passage étayait son affirmation selon laquelle ils étaient en tout temps des travailleurs de jour et qu’à ce titre, ils ne pouvaient pas passer du travail de jour au travail par poste. Il a mentionné la clause 25.05 de la convention collective, intitulée « Horaire d’été et d’hiver », qui stipule : « Les durées du travail prévues à l’horaire hebdomadaire et à l’horaire journalier stipulées au paragraphe 25.04 peuvent être modifiées par l’Employeur, à la suite de consultations avec l’Alliance, pour permettre de mettre en vigueur des heures d’été et des heures d’hiver, pourvu que le total annuel ne change pas. » Je fais remarquer que l’agent négociateur n’a présenté aucun argument au sujet de la consultation.

[36] L’agent négociateur a soutenu que cette clause, lorsqu’elle est interprétée de façon littérale, ne porte que sur les heures et non sur les jours de travail. Par conséquent, cette clause ne devrait pas permettre à l’employeur d’attribuer des postes pendant la période estivale de pointe qui couvraient tout ou partie des fins de semaine, car cela modifiait les jours de travail et devrait donc être considéré comme contraire aux « heures » de travail énoncées à la clause 25.05 de la convention collective.

[37] L’agent négociateur n’a fourni aucune jurisprudence à l’appui de ses arguments sur le sens anglais simple du terme « heures » de travail et sur son interprétation littérale, qui ferait référence aux heures du jour et non aux jours de la semaine. L’employeur a répondu qu’il n’y avait pas de précédent à cet égard et que les « heures » de travail avaient toujours été interprétées comme s’appliquant aux heures de travail attribuées un jour ou l’autre.

[38] Je rejette l’interprétation littérale que fait l’agent négociateur du terme « heures » utilisé dans la clause 25.05 de la convention collective, car cela relèverait de ce contre quoi Brown et Beatty, dans Canadian Labour Arbitration, mettent en garde, à savoir le résultat absurde qu’une telle interprétation pourrait avoir, comme je l’ai tranché dans Lodge c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2021 CRTESPF 5 :

[…]

[66] L’arbitre de grief dans Lessard a mentionné le risque de suivre la voie du sens « normal ou ordinaire » des mots afin de déterminer l’intention des parties, comme suit :

[…]

32 Pour trancher le litige, je dois interpréter le texte de l’appendice « P » afin d’y déceler l’intention des parties. Dans leur ouvrage Canadian Labour Arbitration, les auteurs Brown et Beatty résument bien les règles d’interprétation qui doivent guider l’arbitre de grief appelé à interpréter les dispositions d’une convention collective :

 

[Traduction]

On a souvent dit que, au moment d’interpréter les termes d’une convention collective, l’essentiel consiste à découvrir l’intention des parties à la convention.

[…]

En conséquence, pour déterminer l’intention des parties, l’hypothèse fondamentale est que les parties avaient l’intention de dire ce qu’elles ont dit et qu’il faut rechercher le sens de la convention collective dans ses dispositions expresses […]

[…]

En cherchant à découvrir l’intention des parties à l’égard d’une disposition particulière de la convention, les arbitres ont généralement supposé que le libellé dont ils sont saisis doit s’entendre au sens normal ou ordinaire, à moins que cette interprétation ne donne lieu à une absurdité ou à une contradiction avec le reste de la convention collective, ou à moins que le contexte ne révèle que les mots sont employés dans un autre sens.

[…]

[Je souligne]

[67] Je ne suis pas lié par le résultat obtenu dans Lessard et je ne puis accepter celui-ci. Je conclus que le résultat, dans la mesure où il est question de l’approche à l’égard de l’interprétation, appartient à la catégorie des résultats absurdes contre lesquels Brown et Beatty mettent en garde et qui devraient porter une personne à s’arrêter et à examiner la question de nouveau après avoir mené une analyse du sens normal et ordinaire du libellé en litige quand elle se trouve devant un milieu de travail très technique et très réglementé, comme c’est le cas en l’espèce.

[…]

 

[39] L’employeur a invoqué Hodgson comme fondement de la proposition selon laquelle l’employeur jouit des droits de gestion créés par la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; la « LGFP »), aux alinéas 7(1)e) et 11(1)a) qui lui permettent d’affecter des employés à un travail de jour ou par poste, ou à un travail irrégulier. Je partage cet avis.

[40] Plus précisément, Hodgson énonce ce qui suit au paragraphe 128 :

[128] Il est clair que les droits généraux de gestion attribués au Conseil du Trésor peuvent être considérablement limités par les conditions d’emploi négociées qui se trouvent dans une convention collective (voir notamment Public Service Alliance of Canada v. Canadian Grain Commission, supra. En l’espèce, j’ai déterminé que la convention collective ne limite pas le droit de l’employeur de déterminer les heures de travail de manière à convertir un travailleur de jour en travailleur par poste. Cela ne décharge cependant pas la direction de l’obligation de consulter l’agent négociateur au sujet d’une modification aussi fondamentale des conditions d’emploi (voir l’article 21 sur la consultation mixte).

 

[41] L’employeur a fait remarquer que la décision de la Commission dans Piotrowski c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2001 CRTFP 94, est conforme à cette conclusion selon laquelle les droits de gestion lui permettent de déplacer un employé d’heures de jour à des heures ou des postes irréguliers, comme suit :

[…]

[23] J’en viens à la conclusion que le nouvel horaire de travail du docteur Piotrowski, à partir de mai 2000, doit être considéré comme un travail par postes aux termes de l’article B2 de la convention collective. D’après le libellé de cet article (B1.02) visant le « régime de travail normal », la journée de travail normale s’effectue entre 6 h et 18 h et ne peut comprendre un horaire de travail qui déborde de ces paramètres. Le nouvel horaire de travail du docteur Piotrowski comporte une heure d’arrivée fixée à 4 h 30 du matin et une heure de départ établie à 12 h 30, et il sort du cadre horaire de 6 h à 18 h du régime de travail normal défini à la clause B1.02. Un horaire de travail qui ne correspond pas à la définition du « régime de travail normal » prévue à la clause B1.02 est, à mon sens, un travail par postes, aux termes de l’article B2 de la convention collective.

[24] La sous-clause B2.01(a) reconnaît à la direction le droit de modifier les heures de travail et de les faire passer d’un régime de travail normal à un travail par postes pour répondre aux nécessités du service. Les nouvelles heures d’ouverture de l’établissement ont donné lieu à la nécessité d’établir un horaire situé en dehors des paramètres de la journée d’un « régime de travail normal ». En imposant l’horaire de 4 h 30 à 12 h 30 au docteur Piotrowski, la direction l’a fait passer à un horaire de « travail par postes » selon l’article B2 de la convention collective.

 

V. Motifs

[42] Étant donné que le travail des agents des pêches est inexorablement lié aux ressources qu’ils aident à protéger, à savoir le saumon et de nombreuses autres espèces aquacoles, il est éminemment raisonnable que leurs heures de travail correspondent au flux et reflux des sommets d’activité de ces ressources naturelles.

[43] Même si l’agent négociateur ne l’a pas contesté, par souci de clarté, je conclus qu’il y a suffisamment de preuves sur lesquelles je puis me fonder pour conclure qu’il était urgent que l’employeur attribue des postes irréguliers à l’exercice des fonctions décrites précédemment par Mme Gallant.

[44] La thèse de l’agent négociateur reposait en grande partie sur l’opinion de M. Powers selon laquelle il n’y avait pas assez d’agents des pêches pour occuper une série de postes distincts et que, si de tels postes étaient créés, ils comprendraient normalement une journée de travail de 24 heures.

[45] La représentante de l’agent négociateur s’est éloignée de cette affirmation, mais elle a poursuivi l’affirmation selon laquelle l’employeur ne pouvait pas se fier à la clause 25.09 de la convention collective intitulée « Travail par poste ».

[46] L’employeur a déclaré dans son argument que la clause 25.09 ne parle pas seulement de travail par poste, mais aussi de travail « irrégulier », mais l’agent négociateur a déclaré en réfutation que cela ne serait pertinent que pour un travail plus temporaire et a suggéré que je distingue Hodgson, car ce cas portait sur une situation spéciale de l’ère du 11 septembre 2001 avec une couverture pratiquement jour et nuit des postes de travail, ce qui, selon lui, est absent du présent cas.

[47] Je ne peux pas être d’accord. Une lecture de la convention collective complète ne confirme pas l’affirmation selon laquelle la clause 25.09, qui stipule que « [d]ans le cas des employé-e-s qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière […] », ne s’applique qu’aux employés occasionnels qui ne peuvent travailler que quelques heures par semaine ou seulement une courte période au cours de l’année, comme l’a laissé entendre l’agent négociateur, ou seulement en ce qui concerne la couverture 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme dans Hodgson.

[48] Conformément à la conclusion tirée dans Hodgson, je conclus que les droits de gestion accordés dans la LGFP s’appliquent dans la présente affaire, puisqu’ils ne sont pas limités par la convention collective comme il a été analysé dans la présente décision.

[49] En outre, comme l’employeur l’a fait remarquer, l’affirmation selon laquelle jusqu’à 15 heures sur 37,5 heures de semaine de travail pourraient être payées à un taux d’heures supplémentaires irait à l’encontre de la définition du terme « heures supplémentaires » à l’article 2 de la convention collective.

[50] Lue dans son intégralité, la convention collective ne prévoit pas qu’un agent des pêches travaille 37,5 heures par semaine et qu’une partie de ces heures (travaillées une fin de semaine en été) soit payée au taux des heures supplémentaires.

[51] Par souci de clarté, je fais remarquer que dans son argumentation de clôture au sujet de la clause 25.09, pour les employés qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière, l’agent négociateur n’a pas fait valoir que cette clause s’adresse à un autre groupe de travailleurs de l’employeur.

[52] Je mentionne également que d’autres clauses de la convention collective, comme la clause 25.09f), stipulent expressément qu’elles s’appliquent à une zone « spécialisée » ou excluent autrement un groupe particulier (comme la clause 25.09e)). Compte tenu de ces autres exceptions explicites, il me semble plus probable que les parties n’avaient pas l’intention de faire appliquer cette clause aux agents des pêches.

[53] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[54] Le grief est rejeté.

Le 16 février 2023.

(Traduction de la CRTESPF)

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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