Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un agent correctionnel dont le lieu de travail normal était à Dorchester, au Nouveau-Brunswick, a été affecté, selon l’entente mutuelle conclue entre parties, à un poste adapté où il exerce des fonctions liées à l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP) à Moncton, au Nouveau-Brunswick – il a allégué qu’il aurait dû être mis en déplacement et remboursé ses frais de déplacement, conformément à la Directive sur les voyages du Conseil national mixte – la Commission a conclu que l’employeur n’avait pas exigé que le fonctionnaire s’estimant lésé effectue des voyages en service commandé – il exerçait ses fonctions liées à l’AIPRP dans le cadre d’un processus d’adaptation – l’adaptation est un processus coopératif qui est incompatible avec un processus qui confère à l’employeur le pouvoir unilatéral d’autoriser un voyage en service commandé en exigeant qu’un employé exerce ses fonctions à un lieu autre que sa zone d’affectation – le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas travaillé à l’extérieur de sa zone d’affectation pendant son affectation; il travaillait dans une nouvelle zone d’affectation et occupait un nouveau poste – même s’il travaillait à un bureau autre que celui de son poste d’attache, son nouveau lieu de travail affecté est devenu ce bureau – la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait obtenu ni une autorisation préalable ni une autorisation de voyager en service commandé – la Commission a conclu qu’il effectuait un trajet plus court et que les employés ne sont pas remboursés leurs frais de stationnement – la Commission a eu du mal à comprendre comment le remboursement des repas dans les circonstances constituait une dépense qui avait été raisonnablement engagée – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué en outre qu’il avait signé, sous la contrainte, l’entente d’affectation conclue avec l’employeur, en acceptant qu’il ne soit pas en déplacement – la Commission a conclu que l’employeur n’avait exercé aucune pression sur le fonctionnaire s’estimant lésé afin qu’il signe l’entente d’affectation relative au nouveau poste.

Grief rejeté.

(La version intégrale de la décision sera publiée lorsqu’elle sera disponible dans les deux langues officielles.)

Contenu de la décision

Date : 20230127

Dossier : 566-02-14768

 

Référence : 2023 CRTESPF 10

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Michael McCarthy

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

McCarthy c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Sheryl Ferguson, conseillère syndicale, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l’employeur : Peter Doherty, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence

le 22 mars 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Michael McCarthy, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), un agent correctionnel qui travaille normalement au Pénitencier de Dorchester (« Dorchester ») à Dorchester au Nouveau-Brunswick, a allégué qu’il aurait dû être considéré comme en déplacement et qu’il aurait dû être admissible au remboursement de ses frais de déplacement encourus de janvier à juin 2016, conformément à la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (la « Directive »). Pendant cette période, en raison d’une incapacité, le fonctionnaire était affecté à un poste adapté à ses besoins à l’administration régionale (AR) du Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur »), à Moncton au Nouveau-Brunswick. Il a allégué par ailleurs avoir signé sous l’effet de la contrainte l’entente d’affectation préparée par l’employeur, dans laquelle il acceptait de ne pas être considéré comme en déplacement.

[2] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique ainsi que le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. Il convient de noter que dans la présente décision, la « Commission » s’entend de l’entité dans sa forme actuelle et de ses prédécesseurs.

II. Renseignements généraux et contexte

[3] À titre de mise en contexte, les parties m’ont renvoyé à la décision rendue par la Commission dans McCarthy c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 45, qui se rapporte aux faits du présent cas et dans laquelle M. McCarthy alléguait que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation suffisantes pour répondre à son incapacité.

[4] Le fonctionnaire a commencé à travailler à titre d’agent correctionnel en 2005, dans un poste de groupe et niveau CX-01. Il a été affecté à Dorchester en 2008. À la suite d’un incident survenu en février 2011, le fonctionnaire a été en congé pour accident du travail durant plusieurs années, puis il a amorcé un retour au travail progressif en tant qu’agent correctionnel. Le fonctionnaire a été autorisé à reprendre le travail à temps plein le 2 janvier 2015. À la fin de janvier 2015, il travaillait à temps plein, soit 40 heures par semaine. Trois incidents se sont alors produits, ce qui a été pour lui une dure épreuve.

[5] Le fonctionnaire a repris le travail à la mi-mars 2015. Les conclusions d’une évaluation médicale indépendante précisaient que le fonctionnaire ne devait pas être en contact avec les détenus. Il a été affecté à un poste où il était chargé du calendrier de formation, une tâche revenant normalement à un employé de niveau CX-02.

[6] Selon les conclusions d’une nouvelle évaluation médicale réalisée en août 2015, le fonctionnaire avait une limitation permanente et ne devait avoir aucun contact avec les détenus.

[7] Afin que le fonctionnaire ne réintègre pas les fonctions qu’il assumait avant l’accident, Travail sécuritaire NB (TSNB) a informé le SCC de sa limitation qui l’empêchait d’occuper un poste exigeant un contact direct avec les détenus et a rappelé à l’employeur son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé.

[8] Le SCC a mis fin à l’affectation du fonctionnaire à la planification du calendrier de formation en raison du caractère permanent de sa limitation et a déclaré qu’il fallait trouver un poste permanent qui convienne dans ces circonstances.

[9] Après avoir pris en considération et rejeté un certain nombre de possibilités à Dorchester, l’employeur a affecté le fonctionnaire à un poste de coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP), à l’AR, du 7 janvier au 5 juin 2016, poste qui était adapté à ses besoins.

[10] En octobre 2016, à la lumière de nouveaux renseignements provenant du psychologue traitant, TSNB est revenu sur sa décision et a informé l’employeur qu’à compter d’août 2016, le fonctionnaire était entièrement apte à réintégrer ses fonctions d’agent correctionnel, sans aucune limitation. Le fonctionnaire a repris ses fonctions d’agent correctionnel en octobre 2016.

III. Question à trancher

[11] L’employeur aurait-il dû, conformément à la Directive, considérer le fonctionnaire comme étant en déplacement durant la période où il était affecté à un poste adapté à ses besoins à l’AR (soit du 7 janvier au 5 juin 2016), ce qui lui donnait droit aux indemnités décrites dans la Directive, y compris le remboursement du kilométrage, des frais de stationnement et des repas?

IV. Résumé de la preuve

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[12] Le fonctionnaire occupe un poste d’agent correctionnel au Pénitencier de Dorchester depuis décembre 2005. Il est également vice-président régional de l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agent correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur ») pour la région de l’Atlantique.

[13] Dans son grief, qu’il a rédigé lui-même puis signé le 26 janvier 2016, le fonctionnaire alléguait que l’employeur avait enfreint l’article 41 de la Convention entre le Conseil du Trésor et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN qui expirait le 31 mai 2014 (la « convention collective »).

[14] L’événement qui a mené au dépôt du grief est l’offre, à titre de mesure d’adaptation, du poste de coordonnateur régional de l’AIPRP à l’AR. Cette mesure d’adaptation découlait d’une priorité interne établie par l’employeur en raison de son obligation de fournir des mesures d’adaptation au fonctionnaire pour répondre à l’incapacité qu’il avait à l’époque.

[15] Le fonctionnaire travaillait au Pénitencier de Dorchester en tant qu’agent correctionnel et avait certaines limitations. L’employeur avait mis en place des mesures d’adaptation. Toutefois, trois mois avant la fin de l’affectation, le fonctionnaire a pris un congé sans solde, ce qui lui a permis d’utiliser ses crédits de congé pour raisons personnelles afin de continuer d’être rémunéré pendant que l’employeur cherchait une autre mesure d’adaptation convenant à ses limitations.

[16] À la mi-décembre 2015, le fonctionnaire a participé à une réunion avec Renée Leger, administratrice régionale, Communications et Services à la haute direction, dans le but de discuter d’une éventuelle mesure d’adaptation au sein de son service. La réunion avait été organisée en réponse à un courriel de la directrice adjointe du Pénitencier de Dorchester, qui tentait de trouver d’autres postes adaptés aux besoins du fonctionnaire dans d’autres services.

[17] Lors de cette réunion, Mme Leger et le fonctionnaire ont examiné un certain nombre de possibilités. Deux postes étaient vacants dans l’équipe de Mme Leger : le poste de coordonnateur régional de l’AIPRP et un autre poste aux Services aux victimes.

[18] Peu après la réunion, on a offert au fonctionnaire le poste de coordonnateur de l’AIPRP. Le 11 janvier 2016, l’offre d’affectation, qu’il n’avait jamais vue avant, lui a été transmise par écrit. Il a demandé l’autorisation d’examiner le document avec les conseillers de son agent négociateur. Il ne connaissait pas ses droits.

[19] La question des déplacements a été soulevée auprès de la direction. Selon le fonctionnaire, le document semblait contradictoire. Le poste de coordonnateur de l’AIPRP était un poste de groupe et niveau PM-02. On devait lui accorder du temps de déplacement en réduisant ses heures de travail, de 7 h 30 à 15 h 30. L’horaire normal d’un employé occupant un poste PM-02 aurait été de 8 h à 16 h, avec une pause-repas de 30 minutes.

[20] Toutefois, une case était cochée dans le document pour préciser que le fonctionnaire ne serait pas considéré comme en déplacement pendant l’affectation et qu’il n’aurait donc pas droit aux indemnités mentionnées dans la Directive.

[21] De manière générale, la Directive prévoit le remboursement de dépenses raisonnables qui ont dû être engagées par un employé pendant un voyage en service commandé à l’extérieur de sa zone d’affectation.

[22] Dans les jours qui ont suivi, le fonctionnaire a abordé ce point avec la direction et des représentants de l’agent négociateur. Le 13 janvier, après avoir fait le tour de la question avec des représentants de l’agent négociateur, le fonctionnaire est parvenu à la conclusion qu’il n’avait d’autre choix que d’accepter l’offre puisqu’il avait besoin de mesures d’adaptation.

[23] D’après le fonctionnaire, la Directive du commissaire no 254 (la « DC no 254 »), qui présente la politique de l’employeur sur le programme de retour au travail et la procédure en cas d’accident du travail, précise que les employés doivent accepter toute proposition raisonnable de mesures d’adaptation.

[24] Selon la politique de TSNB, les prestations d’un employé peuvent être suspendues si celui-ci refuse une offre d’emploi convenable.

[25] Il a été conseillé au fonctionnaire de signer l’entente, sous la contrainte. L’information que le fonctionnaire a reçue de la direction au sujet de l’application de la Directive n’était pas claire. S’il avait refusé de signer l’entente, il aurait pu perdre la totalité de son revenu et de ses prestations d’indemnisation. Le fonctionnaire a appliqué le principe syndical fondamental « obéir d’abord, se plaindre ensuite ».

[26] Le fonctionnaire a signé l’entente le 14 janvier 2016. Il a commencé à travailler le jour même. Il a immédiatement fait part de ses préoccupations à l’employeur et a déposé son grief le 26 janvier, soit dans les deux semaines suivant la date de début de l’affectation.

[27] La politique de TSNB, dans laquelle il est question de la suspension des prestations, a été jointe au grief.

[28] Selon le fonctionnaire, la Directive aurait dû s’appliquer dans son cas puisque sa situation correspondait aux définitions données dans le document. Il a affirmé que son lieu de travail permanent était le Pénitencier de Dorchester et que son lieu de travail temporaire était l’AR. À son avis, la définition d’« affectation » donnée par le Conseil du Trésor englobait sa mutation temporaire à l’AR. Il a déclaré avoir accompli des fonctions désignées dans le Module 2 de la Directive, lequel s’applique dans le cas d’un employé en service commandé hors de sa zone d’affectation.

[29] On a attiré l’attention du fonctionnaire sur la décision rendue le 17 mars 2016 par la direction au sujet du grief, plus précisément sur le troisième paragraphe, qui est ainsi rédigé : [traduction] « Vous avez accepté les modalités de l’entente d’affectation en signant le document, lequel précise que “l’employé ne sera PAS en déplacement et, par conséquent, le temps de déplacement ne sera PAS payé et AUCUNS frais ne seront remboursés”. »

[30] Le fonctionnaire a affirmé que l’entente précisait effectivement qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement, mais qu’elle mentionnait par ailleurs que du temps lui serait accordé pour ses déplacements. Il a demandé l’autorisation d’examiner l’entente avec un représentant de l’agent négociateur. Il a signé et retourné le document. La réplique au grief ne précisait pas que le fonctionnaire avait ouvertement exprimé son désaccord quant au fait qu’il ne serait pas considéré en déplacement. Il s’est senti contraint de signer l’entente par crainte de perdre son revenu. Il n’approuvait pas la phrase du troisième paragraphe de la réplique au grief, selon laquelle la direction ne croyait pas qu’il avait signé l’entente sous l’effet de la contrainte.

[31] On a attiré l’attention du fonctionnaire sur le bulletin de gestion des ressources humaines no 2014-03 (le « bulletin no 2014-03 »), que la Direction générale des ressources humaines du SCC a préparé dans le but d’aider les gestionnaires à mettre en application la Directive. Le fonctionnaire a dit qu’il ne pouvait pas affirmer qu’il connaissait l’existence de ce document avant de signer l’entente, mais il a toutefois eu l’occasion d’en prendre connaissance par la suite. Selon le bulletin, « [l]’employé ne devrait pas être en statut de déplacement, sauf dans des situations exceptionnelles ».

[32] Il y avait un poste vacant, pour lequel le fonctionnaire n’avait pas postulé puisqu’il s’agissait d’un poste de niveau inférieur. L’obligation qu’avait l’employeur de prendre des mesures d’adaptation est l’unique raison pour laquelle il a présenté sa candidature. Il affirme avoir malgré lui accepté l’offre d’emploi, pour se conformer aux exigences de la politique.

[33] À sa connaissance, aucune autre candidature n’avait été prise en considération pour le poste à cette époque. Un certain nombre de responsabilités avaient été modifiées afin qu’il puisse occuper le poste.

[34] Comme le fonctionnaire n’est pas bilingue, une autre personne devait remplir les dossiers qui exigeaient une connaissance du français. Une autre personne devait aussi s’occuper des dossiers « Protégé C », car il ne possédait pas de cote de sécurité de niveau « Secret ».

[35] À son avis, un certain nombre de ces facteurs correspondaient à ce qui était défini comme une situation « exceptionnelle ».

[36] Le fonctionnaire s’est reporté à l’entente d’affectation, qui mentionnait une affectation au poste de coordonnateur régional de l’AIPRP à Moncton, du 13 janvier au 13 mai 2016. L’entente prévoyait ce qui suit : [traduction] « L’employé ne sera PAS en déplacement et, par conséquent, le temps de déplacement ne sera PAS payé et AUCUNS frais ne seront remboursés. » Une note manuscrite précisait que les heures de travail seraient de 8 h 30 à 15 h 30. M. McCarthy a affirmé avoir paraphé cette disposition.

[37] L’entente prévoyait également que le fonctionnaire demeurerait dans son groupe et niveau actuel pendant toute la durée de l’affectation et que son organisation d’attache continuerait d’administrer son salaire.

[38] À l’organisation d’accueil, Mme Leger a signé l’entente le 6 janvier 2016. Le gestionnaire subdélégataire de l’organisation d’attache a signé le document le même jour et M. McCarthy, le 7 janvier 2016. Ce dernier a reconnu avoir pris quatre jours pour examiner l’entente.

[39] Le fonctionnaire a expliqué que l’entente d’affectation visait un poste de groupe et niveau PM-02. Il a conservé son poste CX-01 ainsi que le salaire et les avantages correspondant à ce poste. Son organisation d’attache payait l’écart de salaire et l’écart dans les indemnités.

[40] Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait relevé un certain nombre d’incohérences. Il a mentionné que le titulaire du poste de coordonnateur régional de l’AIPRP devait être bilingue et qu’il ne répondait pas aux exigences en matière de sécurité, puisqu’il ne possédait pas de cote de sécurité de niveau « Secret ». Il a expliqué que, selon l’entente, son organisation d’attache devait payer l’écart au titre du salaire et des avantages sociaux, mais que celle-ci n’avait jamais pris part aux discussions sur la question des déplacements. Le dernier point concernait la condition ajoutée à la main selon laquelle ses heures de travail seraient modifiées. Une objection a été soulevée par rapport à cette série de questions et on y a donc renoncé.

[41] On a demandé au fonctionnaire s’il devait payer son stationnement quand il travaillait à Dorchester. Il a répondu que le stationnement était fourni.

[42] Il a expliqué que les employés devaient prendre leur voiture pour se rendre au travail, mais qu’un programme de covoiturage avait été mis en place. Il a précisé que son lieu de travail permanent offrait une plus grande flexibilité.

[43] L’entente, qui devait prendre fin le 16 mai, a été prolongée jusqu’au 5 juin 2016. Mme Leger, M. Muise et le fonctionnaire ont signé le document le 10 mai 2016. On a demandé au fonctionnaire si des modifications avaient été apportées à la disposition sur les déplacements dans l’entente de prolongation. Il a répondu qu’il n’y en avait pas eu.

[44] Une note manuscrite a également été ajoutée dans l’entente de prolongation : [traduction] « Les heures de travail seront de 8 h 30 à 15 h 30, comme le prévoyait l’entente initiale. » On a voulu savoir s’il avait demandé une diminution de ses heures de travail. Il a répondu que ce n’était pas le cas et qu’il avait abordé la question. On lui a répondu que cette façon de faire permettait à la direction de ne pas avoir à payer d’heures supplémentaires.

[45] On a cherché à savoir s’il connaissait bien la Directive. Il a affirmé qu’il la connaissait assez bien puisque, pour les besoins d’un poste situé à Moncton, le personnel est payé pour les heures supplémentaires effectuées lors des déplacements et reçoit une indemnité pour les repas. Il a mentionné qu’il était au fait de la Directive en raison de son rôle de représentant de l’agent négociateur dans le cadre duquel il représente des agents correctionnels qui sont appelés à travailler à l’Île-du-Prince-Édouard pour des périodes de plus de 24 heures.

[46] On l’a renvoyé à une chaîne de courriels datés du 11 février 2016 portant sur une demande de remboursement de frais de déplacement.

[47] On lui a demandé quelle était l’origine de cette chaîne de courriels. Il a répondu que son organisation d’attache était le Pénitencier de Dorchester, lequel était responsable de payer toutes ses dépenses de même que les indemnités applicables. Il avait initialement envoyé à son organisation d’attache les demandes de remboursement visant ses deux premières semaines de travail. L’organisation a transféré ses deux demandes à l’AR. Il a tenté de savoir où en étaient ses demandes.

[48] Il a voulu savoir pourquoi son organisation d’attache avait transféré ses demandes à l’organisation d’accueil pour que celle-ci prenne les décisions, alors que ce n’était pas ce que prévoyait l’entente d’affectation. La question a été adressée à Mme Leger.

[49] Mme Leger a répondu au fonctionnaire que la Direction générale des finances lui avait confirmé que ses demandes de remboursement des frais de déplacement devaient être présentées à l’organisation d’accueil et non à l’organisation d’attache.

[50] Comme le fonctionnaire était affecté à un poste de niveau inférieur, son organisation d’attache devait payer l’écart sur le plan du salaire et des indemnités par rapport à son poste d’attache, de manière à ce qu’il ne soit pas pénalisé financièrement pour avoir accepté une affectation à un poste moins bien rémunéré.

[51] Mme Leger lui a mentionné que toute autre demande d’indemnité, par exemple les demandes concernant les déplacements entre le domicile et le lieu de travail, devait lui être acheminée.

[52] Plus précisément, Mme Leger lui a répondu ce qui suit :

[Traduction]


[...]

 

Je n’ai pas accès à mon système en ce moment, mais je vous invite à consulter mon courriel du 22 janvier 2016 (16 h 25) qui vous informait de mon refus d’autoriser votre demande de déplacement. Je réitère que l’entente d’affectation que vous avez signée (et que nous vous avons autorisé à examiner avec votre syndicat pendant plus de quatre jours) mentionnait clairement que vous ne seriez pas considéré comme en déplacement pendant l’affectation.

 

Par conséquent, je maintiens ma décision de rejeter votre demande de déplacement. Je n’autoriserai aucun déplacement dans le cadre de votre affectation au poste de PM-02 à l’AR.

 

[...]

 

[53] Le fonctionnaire a envoyé la réponse suivante :

[Traduction]


[...]

 

Je ne comprends pas car, selon l’article 4 de l’entente ci-jointe, l’organisation d’attache est responsable de rembourser « tout écart de salaire entre le poste de PM-02 et le poste de CX ainsi que tout écart dans les indemnités applicables », tandis que l’organisation d’accueil est uniquement responsable « du poste de PM-02 ».

Quoi qu’il en soit, le grief a été déposé, mais je ne sais pas à qui il sera transmis en vue d’un règlement. Je continuerai donc, aux fins de documentation du grief, à présenter [au Pénitencier de Dorchester] mes demandes de remboursement des frais de déplacement pour la période de l’affectation, en supposant qu’elles seront refusées compte tenu de cette décision. Je maintiens toutefois mon objection. Maintenant que nous nous entendons sur la question de savoir qui a la responsabilité d’approuver ou de refuser les demandes, nous pouvons laisser le dossier suivre son cours.

 

[...]

 

[54] On a renvoyé le fonctionnaire aux « Lignes directrices no 254-2 » du Programme de retour au travail. On lui a demandé quelles étaient les parties du document applicables à sa situation à l’époque. Il a répondu que l’ensemble du document s’appliquait aux travailleurs blessés, sauf dans les cas où la blessure n’était pas liée au travail.

[55] On l’a renvoyé à la section 4 et on lui a demandé si quelqu’un avait examiné ce document avec lui à un moment ou à un autre. Il a répondu : [traduction] « Pas expressément, non. » Il a affirmé qu’il avait consulté le document, qu’il avait déjà occupé un autre poste adapté dans le passé et que les lignes directrices lui étaient familières. On lui a demandé quelles étaient selon lui ses obligations. Il a répondu qu’il devait participer activement au processus et collaborer avec les organismes pertinents et son superviseur. Il a exprimé clairement ses besoins. Il a déclaré avoir fait de son mieux pour rester en contact avec son superviseur.

[56] Son superviseur immédiat à l’AR était Robert McGregor, agent de projet. Mme Leger était à la tête du service. Il n’a pas parlé de ses mesures d’adaptation avec M. McGregor. Il a tenté par tous les moyens de reprendre son poste d’agent correctionnel. TSNB a supervisé le processus.

[57] On lui a demandé quelles auraient été les conséquences s’il avait rejeté l’offre. La politique de TSNB était sans équivoque : s’il n’avait pas accepté le fait que son temps de déplacement n’était pas rémunéré, il aurait risqué de perdre ses indemnités. Accepter l’offre était une décision plus raisonnable. Il devait accepter une situation qui n’était pas parfaite.

[58] On lui a demandé s’il estimait que l’affectation à l’AR permettait de répondre à ses besoins en matière de mesures d’adaptation. Il a répondu que s’il avait été un employé régulier, ses besoins auraient pu être comblés sous réserve d’un certain nombre de modifications. Il ne s’agissait pas d’une situation habituelle. C’était une situation exceptionnelle.

[59] On a attiré l’attention du fonctionnaire sur une demande de remboursement des frais de déplacement datée du 28 janvier 2016. Il s’agit de la première demande de remboursement des frais de déplacement qu’il a présentée. Il en a soumis une pour chaque journée travaillée à l’AR. Sa demande a été acheminée au Pénitencier de Dorchester. Il a affirmé qu’il avait été affecté à un poste hors de son lieu de travail permanent jusqu’au 28 juin 2016.

[60] La deuxième page du document comporte une liste détaillée de ses dépenses. Il y est indiqué que le tarif de stationnement s’élevait à 10 $ par jour.

[61] Les agents correctionnels prennent leur repas à leur poste.

[62] Le Pénitencier de Dorchester est situé à 30 km de l’AR. Le fonctionnaire a demandé le remboursement de son kilométrage et de ses repas.

[63] Il a fait référence à un certain nombre de ses demandes de remboursement des frais de déplacement signées et présentées au Pénitencier de Dorchester, notamment celle du 15 février 2016 visant la période du 29 janvier au 16 février, celle du 14 mars visant la période du 15 février au 11 mars, et celle du 11 avril visant la période du 14 mars au 8 avril 2016.

[64] On lui a posé des questions au sujet d’un hôtel situé près des bureaux de l’AR qui offrait des places de stationnement payables à la journée. Le fonctionnaire a mentionné que la plupart des membres du personnel ne sont pas autorisés à stationner leur véhicule sur le site. La majorité des employés permanents paie un abonnement mensuel dans le but de réduire les coûts. Pendant la période où il a occupé le poste de coordonnateur de l’AIPRP, toutes les places de stationnement étaient réservées et les employés intéressés devaient s’inscrire sur une liste d’attente. Son nom figurait sur une de ces listes.

[65] On lui a montré ses reçus de frais de stationnement pour la période allant du 11 avril au 16 juin 2016. Il a affirmé qu’il avait fait les démarches pour s’inscrire au système de présentation des demandes de remboursement en ligne, et qu’il avait effectivement envoyé ses demandes à l’aide du système. Toutefois, comme il n’avait pas obtenu de reçu l’attestant, il a soumis ses reçus de frais de stationnement.

[66] On lui a demandé s’il connaissait bien la Directive et s’il avait présenté des demandes pour tout ce à quoi il avait droit en vertu de celle-ci. Il a répondu que l’employeur avait réduit ses heures de travail et qu’il n’avait donc pas soumis de demande relative à son temps de déplacement.

[67] Il a confirmé que pendant toute la période en cause, il demeurait à Moncton. Il a également confirmé que les bureaux de l’AR étaient situés dans la même ville.

[68] Le Pénitencier de Dorchester est situé à Dorchester, à environ 30 km des bureaux de l’AR à Moncton.

[69] On lui a demandé s’il était au fait de la Directive avant d’accepter l’entente en janvier 2016. Il a répondu par l’affirmative et mentionné qu’il avait déjà été affecté à l’Hôpital de Moncton pour y accompagner des détenus. Il y avait été affecté régulièrement et, pour ce travail, ses heures supplémentaires étaient rémunérées et son kilométrage et ses repas lui étaient remboursés.

1. Contre-interrogatoire

[70] Le fonctionnaire a été invité à dire s’il s’inquiétait au sujet du remboursement de ces dépenses et s’il avait exprimé ses préoccupations à Mme Leger. Il a répondu qu’il avait éprouvé de l’inquiétude avant et après la signature de l’entente, et qu’il en avait fait part à Mme Leger en janvier 2016.

[71] Mme Leger lui a remis l’ébauche d’entente le 11 janvier 2016. On a demandé au fonctionnaire s’il connaissait la disposition précise de l’entente qui prévoyait qu’aucune indemnité de déplacement ne lui serait versée.

[72] Il a affirmé avoir cherché à savoir pourquoi l’entente était contradictoire en ce sens qu’elle prévoyait une réduction de ses heures de travail pour tenir compte de ses déplacements, tout en mentionnant qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement. À sa connaissance, si on lui accordait des heures de travail réduites pour tenir compte de ses déplacements, ça ne pouvait être que parce qu’il était considéré en déplacement. Il a confirmé que l’employeur avait coché la case du formulaire indiquant qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement.

[73] Lors de sa rencontre avec Mme Leger le 11 janvier 2016, il lui a demandé pourquoi les heures de travail étaient réduites. Elle lui a répondu que c’était pour éviter d’avoir à payer des heures supplémentaires. Il a voulu comprendre comment on pouvait lui payer son temps de déplacement s’il n’était pas considéré comme en déplacement. Selon le fonctionnaire, Mme Leger lui a répondu que la diminution des heures pour tenir compte du temps de déplacement était autorisée, mais que le remboursement des dépenses liées au fait d’être en déplacement ne l’était pas.

[74] Le fonctionnaire s’est accordé quelques jours pour examiner l’entente avec l’agent négociateur, puis il l’a signée et retournée le 14 janvier 2016.

[75] En mai 2016, encore une fois sous l’effet de la contrainte, il a signé l’entente de prolongation qui reprenait les mêmes dispositions que l’entente initiale.

[76] On lui a demandé si quelqu’un lui avait ordonné de signer l’entente. Il a affirmé qu’on l’aurait retourné chez lui sans travail et sans salaire et que, s’il n’avait pas signé le document, ses revenus auraient été amputés.

[77] On lui a demandé si Mme Leger lui avait donné l’ordre de signer l’entente, ce à quoi il a répondu que non.

[78] Il a été invité à dire s’il avait pris part à une réunion avec Mme Leger en décembre 2015 et, le cas échéant, s’ils avaient discuté ensemble des possibilités de stationnement. À cette époque, un certain nombre de postes étaient envisagés en tant que mesures d’adaptation. Il s’agissait d’une séance d’accueil et le fonctionnaire ne savait plus si Mme Leger et lui avaient abordé la question du stationnement pendant cette réunion.

[79] Il a reconnu que Mme Leger et lui avaient parlé des possibilités de stationnement le 7 janvier 2016. On lui a demandé s’il se souvenait que Mme Leger lui avait mentionné l’existence d’un stationnement gratuit à la Place Heritage.

[80] Elle lui a fait part de la possibilité d’obtenir un permis de stationnement mensuel, mais qu’il y avait des listes d’attente. Elle lui a effectivement mentionné qu’il pouvait stationner sans frais son véhicule à la Place Heritage. Le fonctionnaire n’est toutefois pas parvenu à trouver ce stationnement. Il n’existait pas d’aire de stationnement réservée aux employés du gouvernement du Canada.

2. Réinterrogatoire

[81] Le fonctionnaire a été invité à dire si les employés recevaient une aide au transport quotidien à l’époque où il travaillait à Dorchester. Il a répondu par l’affirmative. On lui a également demandé s’il avait continué de recevoir l’aide au transport quotidien pendant la période où il relevait de l’AR. Il a répondu que non.

B. Pour l’employeur – Mme Leger

[82] En janvier 2016, Mme Leger occupait, au sein du SCC, le poste d’administratrice régionale, Communications et Services à la haute direction, pour la région de l’Atlantique. En acceptant d’être affecté au poste de coordonnateur de l’AIPRP, le fonctionnaire s’est joint à l’organisation de Mme Leger.

[83] Avant son affectation, le fonctionnaire travaillait au Pénitencier de Dorchester. Mme Leger est devenue la superviseure indirecte du fonctionnaire lorsque celui-ci a signé l’entente d’affectation.

[84] Les bureaux de l’AR sont situés rue Main, à Moncton. Le Pénitencier de Dorchester se trouve à environ 45 minutes de Moncton.

[85] On a attiré l’attention de Mme Leger sur l’entente d’affectation, en particulier sur le passage [traduction] « [l]’employé ne sera PAS en déplacement [...] » et sur la note manuscrite qui figure en dessous, soit [traduction] « heures de travail [...] de 8 h 30 à 15 h 30 ». On a demandé à Mme Leger d’expliquer cette phrase.

[86] Les heures de travail étaient précisées de manière à ce que l’affectation n’occasionne pas d’heures supplémentaires, car les heures de travail pour le poste de coordonnateur de l’AIPRP différaient de celles que le fonctionnaire effectuait à Dorchester. La phrase visait à confirmer que ses heures de travail étaient différentes et à faire en sorte que le fonctionnaire n’ait pas à effectuer des déplacements en dehors de ses heures de travail normales pendant l’affectation.

[87] On a demandé à Mme Leger quel avait été son rôle dans la préparation de l’entente d’affectation. Elle a répondu que c’est elle qui l’avait préparée. Elle a été invitée à dire pourquoi le fonctionnaire n’était pas considéré comme en déplacement.

[88] Elle a répondu que deux raisons expliquaient cette décision. Dans un premier temps, l’affectation était une mesure d’adaptation visant à lui permettre de travailler pendant la période où il ne pouvait pas occuper son poste d’attache à Dorchester. Dans un deuxième temps, l’affectation n’allait pas occasionner de dépenses personnelles pour le fonctionnaire parce que sa résidence était située beaucoup plus près du lieu de l’affectation que du Pénitencier de Dorchester.

[89] Mme Leger avait appris du conseiller en matière de retour au travail assigné au dossier du fonctionnaire que ce dernier habitait dans la région de Moncton.

[90] On a montré à Mme Leger le bulletin no 2014-03. Elle a mentionné qu’il s’agissait d’un document ayant pour but d’aider les gestionnaires du SCC à interpréter les modalités de la Directive concernant le fait pour un employé d’être ou non en situation de déplacement. On a attiré son attention sur l’article 5 du bulletin. :

[91] L’article 5 porte le titre « Facteurs à être considérés par le gestionnaire délégué pour décider si le statut de déplacement est autorisé » et est ainsi libellé :

L’employé ne devrait pas être en statut de déplacement, sauf dans des situations exceptionnelles. Le gestionnaire délégué devrait considérer les facteurs suivants lorsqu’il décide si un employé devrait être en statut de voyage pendant une affectation, une nomination intérimaire ou un détachement :

· les qualifications recherchées;

· la durée de l’affectation, de la nomination intérimaire ou du détachement;

· le bassin de candidats qualifiés à l’intérieur de la zone d’affectation;

[...]

· le besoin d’attirer des candidats qualifiés à l’extérieur de la zone d’affectation;

· les dépenses qui devront être encourues et leur impact sur le budget.

 

[92] Mme Leger a affirmé que ces facteurs orientent les décisions de la direction. On lui a demandé sur quels facteurs elle s’était appuyée pour prendre la décision de ne pas considérer le fonctionnaire comme étant en déplacement.

[93] Elle a répondu que les premiers éléments de la liste n’avaient pas été pris en considération puisque la situation concernait une mesure d’adaptation et non une mesure de dotation. Elle a tenu compte du dernier facteur, soit celui qui concernait les dépenses qui allaient devoir être engagées et l’incidence sur le budget.

[94] L’attention de Mme Leger a été attirée sur l’entente de prolongation. Elle a préparé le document puis elle l’a envoyé au fonctionnaire pour qu’il en prenne connaissance et le signe.

[95] L’entente de prolongation prévoyait que le fonctionnaire ne serait pas en déplacement et, comme dans l’entente initiale, une note manuscrite indiquait que les heures de travail seraient de 8 h 30 à 15 h 30. Comme dans l’entente initiale, ces heures de travail étaient différentes des heures de travail normales de manière à ce que le fonctionnaire n’ait pas à effectuer de déplacements en dehors des heures de travail normales.

[96] L’attention de Mme Leger a été attirée sur une série de courriels. L’un d’eux avait été envoyé par Mme Leger à un certain nombre d’employés le 17 décembre 2015. Selon ce courriel, Mme Leger avait rencontré le fonctionnaire dans l’après-midi et ce dernier lui avait dit que sa candidature pouvait être prise en considération pour un poste bilingue, mais que ses compétences linguistiques n’avaient jamais été évaluées. Elle lui avait demandé s’il pouvait se soumettre à cette évaluation afin qu’elle puisse examiner la possibilité de lui confier un poste lié aux services à la haute direction.

[97] Elle a affirmé avoir décrit les fonctions du poste de coordonnateur de l’AIPRP pendant cette réunion. Elle a également expliqué les possibilités de stationnement au fonctionnaire. Elle a mentionné au fonctionnaire que la Place Heritage, située à 15 ou 20 minutes de marche de l’AR, offrait des places de stationnement gratuites, et qu’il pouvait également stationner son véhicule sans frais dans la rue. Les hôtels à proximité du bureau offraient également du stationnement payant. Tous ces espaces de stationnement étaient disponibles. L’employeur ne paie pas les frais de stationnement des employés.

[98] La plupart des employés choisissent de stationner leur véhicule sans frais à la Place Heritage.

[99] Mme Leger a été invitée à regarder un courriel que lui avait envoyé Tracy Theriault, conseillère en relations de travail, le 8 février 2016, dont voici un extrait :

[Traduction]

 

[...]

 

[…] je crois que tu as rencontré Mike et que tu lui as dit que ses frais de déplacement ne lui seraient pas remboursés puisque c’est ce qui avait été convenu dans l’entente d’affectation. Mike a dit qu’il avait signé l’entente sous la contrainte. Toutefois, il a apporté le document à la maison pour l’examiner avec son syndicat pendant la fin de semaine avant de le signer et de le retourner.

 

En ce qui concerne sa demande de remboursement des frais de stationnement, je crois comprendre, Renée, que tu as indiqué à Mike l’emplacement d’un stationnement gratuit (à la Place Heritage). Il a toutefois choisi d’utiliser le stationnement payant de l’hôtel V Suites.

 

[...]

 

[100] Mme Leger a affirmé qu’elle avait rencontré le fonctionnaire vers le jeudi 6 janvier 2016 pour lui présenter l’entente. Elle lui a alors expliqué que les frais de déplacement, y compris les frais de stationnement, ne seraient pas remboursés. Le fonctionnaire et elle-même étaient présents à la réunion. Elle a passé l’entente en revue avec lui et lui a mentionné que les frais de stationnement ne lui seraient pas remboursés parce qu’il habitait à Moncton. Le fonctionnaire a demandé l’autorisation d’examiner l’entente avec l’agent négociateur.

[101] Mme Leger a revu le fonctionnaire le jour où ce dernier a signé l’entente, soit le 14 janvier.

[102] Mme Leger a été invitée à regarder un courriel qu’elle avait envoyé au fonctionnaire le 22 janvier 2016.

[103] Voici un extrait de ce courriel :

[Traduction]

 

[...]

 

La présente a pour but de confirmer que la requête par laquelle vous demandez à être considéré comme en déplacement pendant votre affectation à l’AC est refusée.

 

Comme il en a été question précédemment, l’entente d’affectation que vous avez signée mentionne clairement qu’AUCUN temps de déplacement ne serait rémunéré et qu’AUCUNS frais ne vous seraient remboursés pendant votre affectation au poste de PM-02 à l’AR. Je refuserai donc votre demande dans le système de gestion des voyages.

 

[...]

 

[104] Mme Leger a fait remarquer qu’on aurait dû lire « AR » plutôt que « AC » dans la première phrase. Elle a également affirmé qu’elle se souvenait que M. McCarthy avait entré la demande de remboursement des frais de déplacement du fonctionnaire dans le système prévu à cette fin.

[105] L’attention de Mme Leger a été attirée sur la décision de l’employeur au premier palier de la procédure de règlement des griefs, qui a été rendue le 17 mars 2016. Elle a mentionné que c’est elle qui avait assumé le rôle de décideur au premier palier. Elle a été invitée à résumer sa décision. Elle a répondu qu’il avait été déterminé que le fonctionnaire ne serait pas considéré comme en déplacement à la lumière de l’entente d’affectation initiale. Elle estimait que la situation du fonctionnaire n’était pas exceptionnelle et c’est ce qui a motivé sa décision. Le fonctionnaire n’a pas engagé de dépenses personnelles et il occupait un poste dans le contexte d’une mesure d’adaptation.

1. Contre-interrogatoire

[106] On a demandé à Mme Leger si, à titre d’administratrice, elle avait déjà supervisé un employé bénéficiant de mesures d’adaptation. Elle a répondu qu’elle n’avait jamais eu à superviser un employé ayant besoin de mesures d’adaptation qui ne relevait pas d’elle.

[107] On a voulu savoir s’il y avait déjà eu un agent correctionnel parmi les employés qui relevaient d’elle et si elle comprenait la convention collective des agents correctionnels. Elle a répondu qu’elle connaissait la convention collective, mais qu’elle n’avait jamais eu à gérer d’employé visé par celle-ci.

[108] L’horaire de travail du coordonnateur de l’AIPRP (PM-02) correspondait à 7,5 heures par jour pendant les heures normales de travail prévues à la convention collective de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, ou 37,5 heures par semaine. Mme Leger a été invitée à dire si elle était au courant des heures de travail des agents correctionnels. Elle a répondu qu’elle ne connaissait pas leur horaire de travail.

[109] On a attiré son attention au bas de l’entente d’affectation, sur la case [traduction] « [...] l’employé ne sera PAS en déplacement [...] » qui était cochée et sur la mention selon laquelle les heures avaient été réduites pour tenir compte du temps de déplacement pendant les heures normales de travail. On lui a fait remarquer que l’entente n’était pas du tout claire puisqu’elle prévoyait du temps de déplacement, mais qu’elle n’autorisait pas le remboursement des dépenses connexes.

[110] Elle a confirmé qu’elle était globalement responsable de la gestion de l’affectation, mais qu’elle n’avait jamais géré d’employé du milieu correctionnel. Elle était au fait que les heures de travail étaient différentes. Pour éviter que le fonctionnaire ait à effectuer son trajet quotidien entre le domicile et le bureau en dehors de ses heures normales de travail, elle lui a accordé du temps pour lui permettre d’effectuer ces déplacements pendant ses heures de travail.

[111] Elle a inclus son temps de trajet quotidien dans ses heures de travail. Il était payé pour une semaine de travail de 40 heures et, en réalité, il était payé pour se rendre au travail et en revenir.

[112] Mme Leger a été invitée à dire si elle savait que les agents correctionnels travaillant à Dorchester recevaient une aide au transport quotidien et que le fonctionnaire avait cessé de toucher cette indemnité pendant la période où il avait été affecté à l’AR. Elle a répondu qu’elle ne le savait pas.

[113] Elle a mentionné le bulletin no 2014-03, plus précisément la question 6 de l’Annexe A, qui propose des réponses à certaines questions.

[114] La question no 6 est la suivante : [traduction] « Les employés ont-ils accès à d’autres indemnités que celles prévues dans la Directive sur les voyages du CNM? » Voici la réponse :

[Traduction]


Les employés en déplacement peuvent aussi avoir droit à des indemnités selon ce que prévoit leur convention collective, y compris à des heures supplémentaires pour le temps de déplacement, selon les circonstances. Le gestionnaire délégataire doit appliquer les dispositions de la convention collective pertinente.

Remarque : Pour éviter de payer des heures supplémentaires, le gestionnaire délégataire peut demander à l’employé de voyager pendant ses heures normales de travail.

 

[115] Mme Leger a été invitée à dire si le poste vacant de coordonnateur de l’AIPRP était entièrement financé. Elle a répondu que c’était le cas et que le titulaire était en affectation. La direction avait prévu de lancer un processus de dotation, mais cela n’avait pas été fait finalement.

[116] On lui a demandé si elle savait comment les bulletins étaient élaborés, plus précisément si ces documents découlaient de négociations entre la direction et l’agent négociateur ou s’ils étaient uniquement l’œuvre de l’employeur. Elle a répondu qu’ils n’étaient pas le fruit de négociations.

[117] Par rapport aux facteurs qui doivent être pris en considération par le gestionnaire délégataire afin de déterminer s’il doit autoriser l’employé à être en déplacement et si des circonstances exceptionnelles justifient cette décision, Mme Leger a été invitée à dire s’il était normal ou exceptionnel au sein du ministère de considérer en déplacement un employé ayant une incapacité. Elle a répondu qu’il s’agissait de circonstances normales, pas d’une situation exceptionnelle.

[118] On lui a demandé s’il y avait, à la Place Heritage, des panneaux indiquant que des places de stationnement étaient disponibles pour les employés du gouvernement du Canada. Elle a répondu que c’était un fait bien connu de tous.

[119] Elle a été invitée à dire si le bulletin no 2014-03 s’appliquait seulement au SCC. Elle a répondu que c’était effectivement le cas.

[120] Elle a été invitée à dire si un employé pouvait avoir plus d’une zone d’affectation. Elle a répondu que l’affectation était à l’AR, bien que Dorchester payait l’écart de salaire.

[121] Mme Leger a été invitée à dire si elle avait, à un moment ou à un autre, donné suite à l’allégation du fonctionnaire selon laquelle il avait signé l’entente sous la contrainte. Elle a mentionné qu’elle avait eu une conversation avec lui pendant son affectation et qu’il lui avait dit qu’il comptait déposer un grief et qu’il allait gagner sa cause.

2. Réinterrogatoire

[122] Mme Leger a été invitée à dire si, à son avis, les heures de travail d’un employé pouvaient être réduites même si ce dernier ne se déplaçait pas en service commandé. Elle a répondu par l’affirmative.

[123] On a voulu savoir si M. McCarthy lui avait demandé où était situé le stationnement gratuit. Elle a mentionné qu’elle lui avait expliqué l’emplacement du stationnement.

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[124] À la lumière de la preuve relative à la situation du fonctionnaire, ce dernier n’avait pas vraiment le choix. D’après la politique du milieu de travail, il risquait de perdre son revenu. Il se trouvait dans une position délicate. Il a dû se poser cette question : « Dois-je signer l’entente même si j’estime que je ne devrais pas me voir refuser les indemnités? »

[125] Mme Leger n’a pas expliqué pourquoi le fonctionnaire ne pouvait pas être considéré comme en déplacement, mais que son temps de déplacement pouvait tout de même être rémunéré.

[126] Elle a fait référence aux Lignes directrices no 254-2. Le fonctionnaire a décrit ses obligations. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation et l’obligation de réembaucher sont clairement établies.

[127] L’autre document dont il a été question est le bulletin no 2014-03, lequel doit être examiné parallèlement à son Annexe A. L’agent négociateur n’a pas participé à l’élaboration du bulletin.

[128] L’employeur a préparé le document afin d’offrir aux gestionnaires un cadre pour les guider dans l’application de la Directive.

[129] La Directive fait partie intégrante de l’article 41 de la convention collective.

[130] Selon Mme Leger, la situation du fonctionnaire n’était pas exceptionnelle lorsqu’il s’agissait de lui offrir des mesures d’adaptation à l’AR. Pourtant, quand on se reporte au bulletin no 2014-03 et à l’Annexe A, il semble qu’il y avait des circonstances exceptionnelles.

[131] Il n’y avait aucune autre candidature pour le poste. Aucun processus de dotation n’avait été entrepris, et le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences du poste.

[132] Le fonctionnaire a témoigné qu’il connaissait la Directive étant donné que les agents correctionnels affectés à l’Hôpital de Moncton étaient considérés comme en déplacement.

[133] La conseillère syndicale a fait référence au grief et aux définitions suivantes tirées de la Directive :

[...]

 

Lieu de travail (workplace)

Permanent/régulier (permanent/regular) – endroit permanent unique déterminé par l’employeur où un fonctionnaire exerce habituellement les fonctions de son poste ou d’où il relève.

Temporaire (temporary) – endroit unique où un fonctionnaire exerce temporairement les fonctions de son poste ou d’où il relève dans la zone d’affectation.

Zone d’affectation (headquarters area) – aux fins de la présente directive, région qui s’étend sur 16 kilomètres du lieu de travail assigné en empruntant la route terrestre la plus directe, sûre et praticable.

 

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[134] Le lieu de travail régulier du fonctionnaire était le Pénitencier de Dorchester.

[135] Le fonctionnaire était affecté temporairement à l’AR. Aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que son affectation n’était pas temporaire.

[136] Selon la preuve, la distance entre le Pénitencier de Dorchester et l’AR équivaut à deux fois 16 kilomètres.

[137] Selon la compréhension de Mme Leger, la zone d’affectation du fonctionnaire n’était plus Dorchester, mais plutôt l’AR. Aucun élément de preuve ne démontre qu’elle a avisé le fonctionnaire du changement de zone d’affectation.

[138] La conseillère syndicale a fait référence à l’article 1.9 de la Directive, plus précisément au paragraphe 1.9.2. Voici un extrait de l’article 1.9, qui s’intitule « Changement du lieu de travail » :

1.9 Changement du lieu de travail (ne s’applique que dans la zone d’affectation)

 

[...]

 

1.9.2 Lorsqu’un fonctionnaire est assigné d’un lieu de travail permanent à un lieu de travail temporaire, pour une durée de 30 jours civils consécutifs et plus, les dispositions de la présente directive doivent être suivies sauf si les conditions suivantes sont réunies : le fonctionnaire doit obtenir, par écrit, un préavis de 30 jours civils concernant le changement du lieu de travail. Dans les cas où le fonctionnaire n’est pas avisé par écrit du changement de lieu de travail, les dispositions de la présente directive doivent être suivies pour la durée du changement de lieu de travail jusqu’à concurrence de 60 jours civils.

 

[...]

 

[139] La Directive s’applique à moins que l’employé n’ait été avisé 30 jours à l’avance du changement de lieu de travail.

[140] L’article 3.2 (Module 2), qui s’appliquait à la situation du fonctionnaire, prévoit notamment ce qui suit :

3.2 Module 2 – Voyages hors de la zone d’affectation – sans nuitée

Les dispositions énoncées dans le présent Module sur les voyages s’appliquent dans le cas d’un voyageur en service commandé hors de la zone d’affectation pour un séjour sans nuitée au Canada ou ailleurs dans le monde.

 

[...]

 

[141] La conseillère syndicale a fait référence à la convention collective, en particulier aux paragraphes 27.02, 27.03 et 27.04 ainsi qu’à l’article 40.

[142] L’article 27 est intitulé « Temps de déplacement », et les paragraphes 27.02 à 27.04 ainsi que le paragraphe 41.03 sont ainsi libellés :

27.02 Lorsque l’employé-e est tenu de se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation en service commandé, au sens donné par l’Employeur à ces expressions, l’heure de départ et le mode de transport sont déterminés par l’Employeur, et l’employé-e est rémunéré pour le temps de déplacement conformément aux paragraphes 27.03 et 27.04. Le temps de déplacement comprend le temps des arrêts en cours de route, à condition que ces arrêts ne dépassent pas trois (3) heures.

27.03 Aux fins des paragraphes 27.02 et 27.04, le temps de déplacement pour lequel l’employé-e est rémunéré est le suivant :

Lorsqu’il utilise les transports en commun, le temps compris entre l’heure prévue de départ et l’heure d’arrivée à destination, y compris le temps de déplacement normal jusqu’au point de départ, déterminé par l’Employeur.

Lorsqu’il utilise des moyens de transport privés, le temps normal, déterminé par l’Employeur, nécessaire à l’employé-e pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail.

Lorsque l’employé-e demande une autre heure de départ et/ou un autre moyen de transport, l’Employeur peut acquiescer à sa demande, à condition que la rémunération du temps de déplacement ne dépasse pas celle qu’il aurait touchée selon les instructions initiales de l’Employeur.

27.04 Lorsque l’employé-e est tenu de voyager ainsi qu’il est stipulé aux paragraphes 27.02 et 27.03 :

a) Un jour de travail normal pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il touche sa rémunération journalière normale.

b) Un jour de travail normal pendant lequel il voyage et travaille, il touche :

(i) la rémunération normale de sa journée pour une période mixte de déplacement et de travail ne dépassant pas les heures de travail normales prévues à son horaire,

et

(ii) le taux applicable des heures supplémentaires pour tout temps de déplacement additionnel qui dépasse les heures normales de travail et de déplacement prévues à son horaire, le paiement maximal versé pour ce temps de déplacement additionnel ne devant pas dépasser douze (12) heures de rémunération au taux des heures normales.

c) Un jour de repos ou un jour férié désigné payé, il est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable pour le temps de déplacement, jusqu’à concurrence de douze (12) heures de rémunération au taux des heures normales.

[...]

41.03

a) Les directives suivantes, qui peuvent être modifiées de temps à autre par suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvées par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention [...]

 

[143] Les parties se sont entendues sur la convention collective et sur la Directive, mais pas sur le bulletin no 2014-03, lequel a orienté le processus de décision.

[144] Même si Mme Leger a clarifié que l’employeur reconnaissait le changement dans les habitudes quotidiennes de déplacement du fonctionnaire, pourquoi l’employeur a-t-il réduit ses heures de travail pour la durée de son affectation temporaire à l’AR?

[145] Selon son témoignage, le fonctionnaire faisait du covoiturage pour se rendre à Dorchester et ne réclamait pas le remboursement de ses frais de stationnement. Il n’était pas parvenu à trouver le stationnement gratuit situé à 15 ou 20 minutes de son lieu de travail temporaire. Qui plus est, quand les reçus de stationnement ont été transmis à Mme Leger, cette dernière n’a pas fait de suivi en demandant au fonctionnaire la raison pour laquelle il n’utilisait pas le stationnement gratuit.

[146] L’entente d’affectation porte à confusion. Selon le document, le fonctionnaire ne pouvait être considéré comme en déplacement, mais il a pourtant été rémunéré pour son temps de déplacement.

[147] Trouver de la jurisprudence sur ce point a été ardu.

[148] La conseillère syndicale s’est appuyée sur un certain nombre de décisions du CNM concernant la Directive.

[149] Le dossier no 21.4.1112 du CNM (7 novembre 2018) concernait un employé occupant un poste d’une durée indéterminée à qui la direction avait demandé de se rendre à un lieu de travail temporaire pendant la fin de semaine parce que des manifestants occupaient les bureaux où il travaillait habituellement. Il y avait des places de stationnement gratuites dans la rue au lieu de travail permanent de l’employé.

[150] Environ 750 m séparaient les deux lieux de travail. Pendant la procédure de règlement du grief, l’employeur a déterminé que l’employé était admissible au remboursement selon le taux kilométrique établi pour la période pendant laquelle il s’était trouvé au lieu de travail temporaire. La question en litige concernait l’admissibilité de l’employé au remboursement des frais de stationnement.

[151] Le Comité exécutif du CNM a conclu que l’employé n’avait pas été traité selon l’esprit de la Directive sur les voyages puisqu’il s’agissait d’un changement temporaire de lieu de travail dans la zone d’affectation et que l’article 1.9 de la Directive s’appliquait. L’employé avait reçu un préavis d’une journée concernant le changement temporaire de lieu de travail, plutôt qu’un préavis de 30 jours comme l’exigeait la Directive.

[152] Dans le dossier no 21.4.1113 du CNM (19 juin 2019), il était question d’un nouvel employé dont le lieu de travail permanent devait être le Lieu A. Toutefois, en raison de problèmes opérationnels au Lieu A, l’employé n’a jamais commencé à travailler à cet emplacement, et il a immédiatement été affecté au Lieu B. Le Comité exécutif a conclu que, puisque l’employeur reconnaissait clairement que le lieu de travail permanent était le Lieu A et que le lieu de travail temporaire était le Lieu B, l’employé n’avait pas été traité selon l’esprit de la Directive, car il n’avait pas reçu un avis écrit 30 jours avant le changement de lieu de travail, conformément au paragraphe 1.9.2 de la Directive. La demande de remboursement présentée par l’employé pour ses déplacements entre le lieu de travail et sa résidence a été accueillie.

[153] Le dossier no 21.4.1092 du CNM (15 décembre 2016) concernait un employé qui faisait partie d’un bassin de candidats qualifiés et avec qui le Ministère B avait communiqué pour une affectation. Une partie des conditions convenues de l’affectation prévoyait le remboursement des frais de déplacement (kilométrage, repas et péage aux ponts) par le Ministère pendant l’affectation.

[154] La période visée par l’affectation initiale allait du 7 janvier au 3 mai 2013. L’affectation a été prolongée jusqu’au 31 mars 2014, puis jusqu’au 31 décembre 2014, et l’entente stipulait que toutes les conditions de l’affectation initiale allaient être maintenues pour la durée de la prolongation.

[155] En septembre 2014, l’employé a été informé qu’il ne serait plus admissible au remboursement des frais de déplacement à compter d’octobre 2014 puisque, pour le reste de l’affectation, il ne serait plus considéré comme étant en déplacement. L’employé a eu le choix entre poursuivre l’affectation sans se faire rembourser ses frais de déplacement et retourner à son poste d’attache au Ministère A.

[156] La décision de mettre fin au paiement des indemnités découlait d’une décision régionale visant à réduire le déficit. Le Comité exécutif a conclu qu’à la lumière de l’entente d’affectation initiale, et comme l’employé n’avait en aucun moment consenti aux nouvelles conditions d’emploi, ce dernier était encore admissible aux indemnités en vertu de la Directive.

[157] La conseillère syndicale a souligné que les contraintes budgétaires ne constituaient pas un motif suffisant pour refuser le versement des indemnités, d’autant plus que les parties ne s’étaient pas entendues sur la réduction.

[158] Dans Lannigan c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 31, l’arbitre de grief a conclu que le travail de surveillance effectué par les agents correctionnels à l’escouade des hôpitaux n’était pas un travail d’escorte de détenus et que l’appendice de la convention collective qui prévoit des indemnités pour le travail d’escorte ne s’appliquait pas. Les frais de déplacement des agents correctionnels travaillant à l’escouade des hôpitaux devaient être remboursés conformément à la Directive.

[159] Dans son témoignage, le fonctionnaire a fait mention des agents correctionnels de Dorchester affectés à l’Hôpital de Moncton pour surveiller les détenus. Ces agents avaient droit aux indemnités prévues par la Directive.

[160] La conseillère syndicale s’est reportée au paragraphe 33 de Lannigan, qui mentionne que la Directive a été élaborée et rédigée conjointement par ou pour le compte de tous les agents négociateurs et employeurs membres du CNM. Elle a également cité le paragraphe 16 de cette décision, qui précise que le représentant des fonctionnaires s’estimant lésés avait affirmé que la Directive faisait partie intégrante de la convention collective.

[161] La Directive doit être interprétée en tant que document indépendant. Le bulletin no 2014-03 a été élaboré unilatéralement.

[162] Dans Allain c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2009 CRTFP 54, le litige concernait le remboursement des frais de déplacement et s’articulait autour de l’interprétation de la Directive. La conseillère syndicale a mentionné que la Directive y était ainsi décrite :

[...]

 

[…] conjointement élaborée par le Conseil du Trésor, en tant qu’employeur officiel de fonctionnaires fédéraux, et les représentants des agents négociateurs de ces employeurs, par l’entremise d’une organisation syndicale-patronale appelée Conseil national mixte de la fonction publique du Canada (CNM) […]

 

[...]

 

[163] Selon la position de l’employeur, le fonctionnaire n’avait pas droit au remboursement du kilométrage parce qu’il avait une distance moins grande à parcourir pour aller à l’AR que pour aller à Dorchester. Dorchester remboursait les frais de déplacement de M. Lannigan lorsqu’il devait se rendre à l’Hôpital de Moncton, même s’il habitait à Moncton.

[164] Au paragraphe 25 de Allain, l’arbitre de grief fournit une directive claire : « [...] pour trancher cette affaire, on doit simplement s’en tenir au libellé de la Directive, qui fait partie de la convention collective. »

[165] La conseillère syndicale a également invoqué Baird c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 117. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a conclu que les technologues en surveillance et en guerre électronique travaillant à l’Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott (IMFCS) à Halifax, en Nouvelle-Écosse, étaient admissibles aux indemnités décrites dans la Directive lorsqu’ils participaient à des essais en mer à bord de navires ou de sous-marins.

[166] La conseillère syndicale a cité le paragraphe 25 de cette décision : « Par ailleurs, aucune disposition de la convention collective ne prévoit que la Directive sur les voyages ne s’applique pas au travail effectué lors des essais en mer. »

[167] Le lieu de travail régulier du fonctionnaire était le Pénitencier de Dorchester, pas l’AR. Aucune disposition de la Directive ne prévoit qu’un employé visé par des mesures d’adaptation ne puisse pas être admissible aux indemnités.

[168] L’agent négociateur a demandé à la Commission de conclure que le fonctionnaire était admissible aux indemnités décrites dans la Directive pendant son affectation à l’AR, y compris au remboursement du kilométrage, des frais de stationnement et des repas.

B. Pour l’employeur

[169] Le fonctionnaire n’était pas tenu par l’employeur d’aller à l’AR. Il s’est vu offrir un poste adapté à ses besoins en matière de mesures d’adaptation à l’AR et il l’a accepté.

[170] Il ne répondait pas aux conditions du voyage en service commandé telles qu’elles sont énoncées dans la Directive. L’employeur a convenablement exercé son pouvoir discrétionnaire en n’autorisant pas que le fonctionnaire soit considéré comme en déplacement parce que les conditions n’étaient pas satisfaites. Quatre conditions devaient être réunies. Celles-ci sont énoncées en partie aux articles 27 et 41 de la convention collective.

[171] L’article 41 stipule que la Directive fait partie intégrante de la convention collective. Voici un extrait du paragraphe 27.02 : « Lorsque l’employé-e est tenu de se rendre à l’extérieur de sa zone d’affectation en service commandé, au sens donné par l’Employeur à ces expressions [...] ».

[172] L’employé doit être tenu par l’employeur de se déplacer. Cette condition n’a pas été remplie.

[173] Le fonctionnaire doit être tenu par l’employeur de se déplacer à l’extérieur de sa zone d’affectation. Le fonctionnaire n’a pas été appelé à travailler à l’extérieur de sa zone d’affectation, qui était l’AR pour la période de son affectation.

[174] L’objet et la portée de la Directive sont exprimés en ces termes :

La présente directive a pour objet de garantir un traitement juste aux fonctionnaires appelés à effectuer des voyages en service commandé conformément aux principes susmentionnés. Les dispositions de la présente directive sont impératives et prévoient le remboursement de dépenses raisonnables qui ont dû être engagées pendant un voyage en service commandé. Ces dispositions font en sorte que les fonctionnaires n’ont pas à engager des frais supplémentaires. Elles ne doivent pas constituer une source de revenu ni de rémunération quelconque, lesquels ouvriraient la voie au gain personnel.

 

[175] La troisième condition est que le fonctionnaire tenu de voyager en service commandé ne tire pas profit de la situation : les dépenses doivent être raisonnables et ne pas constituer une source de revenu ou de rémunération quelconque, lesquels ouvriraient la voie au gain personnel.

[176] La quatrième condition a trait à l’autorisation de voyager en service commandé.

[177] Les paragraphes 1.1.1 et 1.1.2 de l’article « Autorisation » de la Directive sont ainsi libellés :

1.1.1 Il incombe à l’employeur d’autoriser les voyages en service commandé et de déterminer s’il est nécessaire de voyager, et de garantir que tous les préparatifs de voyage sont conformes aux dispositions de la présente directive. Comme suite à une consultation entre l’employeur et le fonctionnaire, l’organisation des préparatifs de voyage doit répondre au mieux aux besoins et aux préférences des fonctionnaires et aux nécessités du service de l’employeur.

1.1.2 Les voyages en service commandé doivent être autorisés par écrit au préalable de manière à garantir que tous les préparatifs de voyage sont conformes aux dispositions de la présente directive. Dans des circonstances particulières, le voyage peut être autorisé après coup par l’employeur.

 

[178] L’employeur n’a pas autorisé le fonctionnaire à voyager en service commandé.

[179] Dans Hamilton c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 91, il est question de deux employés qui avaient accepté des détachements à des postes de gestionnaire de cours au Centre d’apprentissage en gestion correctionnelle (CAGC) du SCC, situé à Cornwall, en Ontario. Pendant leur détachement d’une durée de trois ans, les fonctionnaires ne devaient pas se rendre à leur lieu de travail régulier. Un des fonctionnaires s’estimant lésés occupait un poste à l’Établissement de Joyceville, à Kingston (Ontario), tandis que l’autre fonctionnaire concernée travaillait au Quartier général de la Défense nationale du ministère de la Défense nationale, à Ottawa (Ontario).

[180] Les fonctionnaires s’estimant lésés demandaient le remboursement de leurs frais de repas et de déplacement au lieu de travail où ils étaient détachés. Les ententes de détachement précisaient que les frais de déplacement ne seraient pas remboursés aux fonctionnaires. L’arbitre de grief a conclu qu’il ne s’agissait pas de déplacements en service commandé autorisés par l’employeur et elle a rejeté les demandes de remboursement.

[181] Dans le présent cas, l’entente d’affectation comportait une disposition particulière précisant que le fonctionnaire ne se déplacerait pas en service commandé. Avec Mme Leger, il a abordé le fait qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement. Dans le courriel qu’il a reçu en février 2016, le fonctionnaire a une fois de plus été avisé que ses frais de déplacement ne seraient pas remboursés.

[182] Le courriel du 22 janvier 2016 mentionnait également qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement. Le fonctionnaire comprenait qu’il n’avait pas l’autorisation, ou l’autorisation préalable, d’être en situation de déplacement. La condition relative à l’autorisation de voyager en service commandé n’a pas été remplie.

[183] Selon l’objet de la Directive, l’employé doit être tenu par l’employeur de se déplacer.

[184] Le « voyage en service commandé » s’entend d’un voyage autorisé par l’employeur.

[185] Dans Hamilton, les déplacements que l’employeur n’avait pas exigés n’ont pas été remboursés.

[186] Dans le présent cas, l’employeur n’a jamais demandé ou ordonné au fonctionnaire de voyager. Le fonctionnaire n’a pas reçu l’ordre de signer l’entente d’affectation. On lui a offert un poste dans le cadre d’un processus de mise en place de mesures d’adaptation, et il a accepté le poste après y avoir réfléchi pendant plusieurs jours.

[187] Le fonctionnaire a affirmé avoir été contraint de signer l’entente. De quelle contrainte est-il question ici exactement? Dès le 17 décembre 2015, au moment d’un entretien avec Mme Leger, le fonctionnaire a été informé que le poste disponible à l’AR pourrait se prêter à une mesure d’adaptation. Une autre rencontre a eu lieu quelques jours avant que le fonctionnaire accepte l’affectation. Après cette rencontre, il a pris plusieurs jours pour examiner l’offre avec son agent négociateur, puis il a signé l’entente. Il n’a pas reçu l’ordre de signer le document.

[188] Selon le grief, la DC no 254 exige que les employés acceptent toute proposition raisonnable de mesures d’adaptation.

[189] La DC no 254 ne contient aucune mention à cet effet. Le fonctionnaire a affirmé qu’il devait accepter toute offre d’emploi convenable, conformément à la politique de TSNB.

[190] L’employeur ne peut pas être tenu responsable de la politique de TSNB. Quelle est donc cette contrainte exercée par l’employeur?

[191] Comme l’a reconnu l’employeur, il est bien établi dans la jurisprudence que le processus de mise en place de mesures d’adaptation exige que chaque partie fasse sa part, soit ouverte au dialogue et apporte sa collaboration. Dans le corpus jurisprudentiel, l’employé a la responsabilité d’accepter toute mesure d’adaptation raisonnable. Il ne s’agit pas d’une exigence de l’employeur. L’employeur n’a pas contraint le fonctionnaire à accepter la mesure d’adaptation. Il est difficile de concevoir que le fonctionnaire ait pu se retrouver en situation de contrainte dans le contexte d’un processus d’adaptation. Au paragraphe 168 de Bourdeau c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2021 CRTESPF 43, la Commission résume l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[192] L’employeur n’a pas obligé le fonctionnaire à accepter l’affectation à l’AR.

[193] Le fonctionnaire ne travaillait pas à l’extérieur de sa zone d’affectation. Il a affirmé qu’il aurait dû recevoir les indemnités prévues au Module 2 de la Directive parce qu’il a été appelé à se déplacer hors de sa zone d’affectation.

[194] Dans Campeau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 120, rendue récemment, le fonctionnaire s’estimant lésé, un employé du SCC, avait accepté un certain nombre d’affectations à l’extérieur de la zone d’affectation de son poste d’attache. Il soutenait qu’il était en déplacement pendant ces affectations.

[195] La Commission a rejeté le grief, suivant le raisonnement de l’arbitre de grief dans Hamilton. Dans Hamilton, l’arbitre de grief a conclu que les employés en détachement n’étaient pas admissibles au remboursement des frais de déplacement engagés pour se rendre à leurs lieux de travail réguliers et en revenir.

[196] Mme Leger comprenait que le fonctionnaire ferait la navette entre son domicile et le lieu de travail. Lorsqu’il a commencé à travailler au nouveau lieu assigné, la zone d’affectation a changé en conséquence, ainsi qu’il est défini dans la Directive.

[197] S’il est vrai que le lieu de travail était différent de celui de son poste d’attache, il ne s’agit pas d’un élément qui est pris en considération au moment de déterminer la zone d’affectation. Son poste d’attache n’était pas mentionné lorsqu’il a accepté l’affectation à l’AR. Les dispositions du Module 2 de la Directive ne s’appliquaient pas à sa situation.

[198] La quatrième condition énoncée dans l’objet et la portée de la Directive concerne le fait que les dispositions ne peuvent ouvrir la voie au gain personnel. Le fonctionnaire n’a pas eu à engager des frais supplémentaires.

[199] Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2018 CRTESPF 4, concernait un grief collectif dans le cadre duquel les fonctionnaires s’estimant lésés cherchaient à obtenir le remboursement des frais de stationnement mensuels. Le grief a été rejeté. La Commission a conclu qu’elle ne trouvait rien indiquant que les fonctionnaires s’estimant lésés devaient se voir rembourser les dépenses supplémentaires et que c’étaient eux qui avaient choisi de payer pour le stationnement à leur lieu de travail.

[200] Le fonctionnaire n’a fait aucune démarche sérieuse afin de trouver le stationnement gratuit. Il a stationné son véhicule à l’hôtel pendant toute la durée de l’affectation. Il n’appartenait pas à Mme Leger de faire un suivi auprès de lui sur ce point.

[201] L’AR étant située plus près de sa résidence que le Pénitencier de Dorchester, le fonctionnaire a réduit son temps de trajet quotidien, ce qui lui a permis de réaliser des économies. Le fonctionnaire habitait à Moncton. Le Pénitencier de Dorchester est situé à 32 km de Moncton.

[202] Comme c’était le cas dans Hamilton, le fonctionnaire a profité des avantages inhérents au temps de déplacement plus court. Il a demandé le remboursement de ses frais de repas. Son nouveau lieu de travail était situé plus près de sa résidence. Il ne pouvait pas demander le remboursement de son repas du midi à titre de frais de déplacement.

[203] Le fonctionnaire ne remplissait pas les conditions d’admissibilité de base pour pouvoir demander le remboursement de ses frais de déplacement. L’employeur n’avait pas autorisé le fonctionnaire à être en déplacement et il ne l’a pas obligé à accepter l’affectation. Le fonctionnaire ne travaillait pas hors de sa zone d’affectation et il n’a pas eu à engager de frais supplémentaires.

[204] L’employeur a refusé à juste titre d’exercer son pouvoir discrétionnaire lui permettant de considérer le fonctionnaire comme en déplacement.

[205] Suivant la Directive, il incombe à l’employeur d’autoriser les voyages en service commandé et de déterminer s’il est nécessaire de voyager. Aux termes du paragraphe 27.02 de la convention collective, l’employeur est tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire au moment de définir ces expressions. La convention collective ne précise pas comment l’employeur doit exercer ce pouvoir discrétionnaire.

[206] Le bulletin no 2014-03 vient répondre à cette question en établissant les facteurs que l’employeur devrait prendre en considération dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. D’après les articles 3 et 6, l’employeur a le pouvoir de déterminer si l’employé est en affectation. Si ce n’est pas le cas, l’employé ne sera pas considéré comme en déplacement. Mme Leger a consulté le bulletin. Même s’il s’agit d’un document élaboré par l’employeur, il demeure utile pour clarifier les dispositions de la convention collective.

[207] Dans Doran c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 1, qui se rapporte à un grief déposé contre la décision du SCC de refuser de rembourser aux fonctionnaires s’estimant lésés l’indemnité de repas qu’ils demandaient en vertu de la Directive et de la convention collective, la Commission a formulé, au paragraphe 21, l’observation suivante quant au fait que l’employeur avait consulté son bulletin pour orienter l’application des dispositions de la convention collective concernant les pauses-repas : « Comme les bulletins, tel celui dans le cas présent, servent couramment à normaliser et clarifier une approche nationale relativement à certaines dispositions d’une convention collective, je suis d’avis que ce bulletin doit aussi être examiné. »

[208] Dans Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236, rendue par la Cour d’appel fédérale, les appelants, des employés opérationnels à temps plein de l’installation de la Commission canadienne des grains à Thunder Bay (Ontario), contestaient la décision de la Commission de les mettre en situation d’inactivité, eux et leurs collègues. La Cour a formulé une observation sur les vastes pouvoirs de gestion exercés par le Conseil du Trésor en vertu de la loi. Dans Canada (Procureur général) c. Association des juristes de Justice, 2016 CAF 92, la même cour a affirmé ce qui suit au paragraphe 24 : « Dans l’exercice de ses fonctions, il est bien établi que l’employeur peut faire tout ce qui ne lui est pas expressément ou implicitement interdit par une convention collective ou par une loi [...] ».

[209] L’employeur a publié une politique pour combler un vide. Le fonctionnaire ne remplissait pas les conditions fondamentales pour être admissible aux dispositions de la Directive. L’employeur a à juste titre rejeté sa demande de remboursement.

C. Réplique du fonctionnaire s’estimant lésé

[210] Il importe de consulter Lannigan et les décisions du CNM. Aux paragraphes 27 à 29 de Lannigan, l’arbitre de grief a clairement établi que l’escorte et la surveillance des détenus dans un hôpital constituaient deux fonctions distinctes, que l’appendice D de la convention collective pertinente ne s’appliquait pas aux agents correctionnels qui effectuaient un travail de surveillance à l’escouade des hôpitaux et que, par conséquent, les frais de voyage des fonctionnaires s’estimant lésés devaient être remboursés conformément à la Directive. Les fonctionnaires n’escortaient pas de détenus, et lorsqu’ils effectuaient un travail de surveillance à l’escouade des hôpitaux, ils étaient appelés à travailler à l’extérieur de leur zone d’affectation.

[211] L’agent négociateur a convenu que l’appendice D ne s’appliquait pas aux circonstances du présent cas.

[212] Les faits dans Baird s’apparentent à ceux du présent cas. Dans Baird, l’employeur faisait valoir que les fonctionnaires s’estimant lésés se trouvaient dans leur zone d’affectation, conformément à la définition donnée dans la Directive, lorsqu’ils travaillaient à bord d’un navire. L’arbitre de grief a conclu que leur lieu de travail régulier était l’IMFCS à Halifax.

[213] De la même façon, la zone d’affectation du fonctionnaire n’a jamais changé.

[214] En ce qui concerne les quatre conditions qui devaient être remplies pour que le fonctionnaire soit admissible aux indemnités prévues dans la Directive, soulignons dans un premier temps qu’il était tenu de se déplacer puisque son travail ne pouvait être effectué au Pénitencier de Dorchester. Dans un deuxième temps, sa zone d’affectation pouvait être changée seulement s’il en était avisé par écrit 30 jours à l’avance. Dans un troisième temps, la condition selon laquelle un employé ne doit pas tirer un profit de l’affectation ne s’applique pas : il faisait du covoiturage quand il travaillait à Dorchester, tandis qu’il devait conduire sa voiture cinq jours par semaine pendant son affectation. Suivant la Directive, il n’est pas nécessaire de présenter des reçus pour les repas. Le fonctionnaire a vraiment tenté de trouver l’emplacement du stationnement gratuit.

[215] Pour ce qui est de l’autorisation de voyager en service commandé, le fonctionnaire a rejeté, en déposant un grief, la position de l’employeur selon laquelle la Directive ne s’appliquait pas à sa situation. Il a appliqué le principe « obéir d’abord, se plaindre ensuite ».

[216] Hamilton se distingue de la présente affaire en ce sens que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient dans ce cas cherché à obtenir les détachements en question. Dans le présent cas, le fonctionnaire n’avait pas demandé à occuper un poste de PM. Ce poste lui a été offert parce que l’employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

[217] D’après le témoignage clair du fonctionnaire, compte tenu des lignes directrices de l’employeur et de l’obligation qu’il avait de se conformer, il n’avait d’autre choix que d’accepter l’affectation, car il avait épuisé sa banque de congés qui lui permettait de continuer de toucher son plein salaire. Il avait l’obligation d’accepter l’affectation, sans quoi il ne serait plus rémunéré.

[218] Selon le témoignage de Mme Leger, le fonctionnaire recevait le salaire d’un agent correctionnel pendant son affectation à titre de PM-02. Toutefois, il n’exécutait pas la totalité des tâches associées au poste de PM-02 et il ne s’agissait pas de son poste d’attache. Ces circonstances devraient constituer une situation exceptionnelle au sens du bulletin no 2014-03.

[219] En ce qui a trait au fait que le fonctionnaire n’avait pas l’autorisation d’être considéré comme en déplacement, il est clair que le fonctionnaire avait fait savoir qu’il chercherait à être considéré comme tel. Mme Leger a témoigné en ce sens.

VI. Événements postérieurs à l’audience

[220] Pendant le processus de rédaction de la décision, la formation de la Commission a appris qu’une décision qui pouvait se révéler utile pour trancher les questions soulevées dans le présent cas avait été rendue par la Commission après la fin de l’audience, le 22 mars 2022. Il s’agit de Cabelguen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel Canada), 2022 CRTESPF 32. Les parties se sont vu accorder la possibilité de présenter leurs arguments écrits à la Commission sur l’éventuelle utilité de l’affaire pour résoudre les questions à trancher dans le présent cas.

[221] Dans Cabelguen, la Commission s’est penchée sur un grief individuel et sur un grief de principe qui portaient sur une décision du SCC visant l’application de la Directive.

[222] Le grief de principe concernait des employés qui s’étaient portés volontaires pour des affectations temporaires. L’employeur avait avisé les employés à l’avance qu’ils ne seraient pas admissibles aux indemnités prévues dans la Directive et qu’ils ne seraient pas considérés comme en déplacement.

[223] La Commission a fait remarquer que ses prédécesseurs et elle avaient eu à se prononcer sur l’application de la Directive à des situations comparables à celles dont il était question dans ces griefs. Après avoir cité Lannigan, Hamilton et Campeau, la Commission a déclaré ce qui suit au paragraphe 45 :

[45] Compte tenu de la jurisprudence et sur la base de ce qui m’a été soumis, je rejette donc le grief de principe, car l’agent négociateur ne m’a pas convaincu, sur la balance des probabilités, que les fonctionnaires acceptant des offres d’affectations temporaires à un poste différent de leur poste régulier devraient être considérés comme étant en service commandé. Le nouveau lieu de travail de leurs affectations est devenu leur lieu habituel de travail au sens de la Directive sur les voyages.

 

[224] La Commission a souligné que sa conclusion pourrait cependant être différente selon les faits applicables à une situation particulière.

A. Commentaires du fonctionnaire s’estimant lésé

[225] Le dossier présente certaines similitudes avec la présente affaire, entre autres sur ces deux points :

1) Les deux fonctionnaires s’estimant lésés étaient en affectation temporaire. Les deux fonctionnaires ont déposé des griefs pour contester l’application de la Directive par l’employeur.

2) Les deux griefs reprennent essentiellement les mêmes éléments de la Directive, les taux de remboursement constituant l’unique différence.

 

[226] Dans Cabelguen, le fonctionnaire s’estimant lésé avait présenté sa candidature pour un poste temporaire. Dans le présent cas, le fonctionnaire n’a pas posé sa candidature. L’employeur lui a offert le poste aux Services à la haute direction afin de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. Selon son témoignage à l’audience, le fonctionnaire s’est senti contraint d’accepter le poste offert parce que celui-ci répondait à ses besoins, parce que TSNB aurait pu suspendre le versement de ses prestations pour perte de gains et parce qu’il avait épuisé sa banque de congés et se serait retrouvé sans revenu s’il avait refusé le poste. Contrairement au fonctionnaire, M. Cabelguen avait eu le choix. Il n’avait subi aucune pression et n’avait pas été forcé d’accepter le poste.

[227] Le fonctionnaire a conservé son poste d’attache au niveau CX-01 et a continué de recevoir la même paie pendant son affectation aux Services à la haute direction. Il ne touchait pas le salaire du poste auquel il était affecté. M. Cabelguen était rémunéré selon le taux du poste pour lequel il avait présenté sa candidature. Il n’y a aucun employé de groupe et niveau CX-01 à l’AR. Ces employés travaillent dans des établissements à sécurité moyenne ou maximale et exécutent des fonctions liées à la sécurité de première ligne. L’AR n’offre pas ce type d’emplois.

[228] Le lieu de travail régulier et permanent du fonctionnaire était le Pénitencier de Dorchester, pas l’AR. C’est à Dorchester qu’il accomplissait ses fonctions de CX-01. Son lieu de travail temporaire, l’AR, était situé à l’extérieur de la zone d’affectation du Pénitencier de Dorchester.

[229] Ni M. Cabelguen ni le fonctionnaire ne pouvaient avoir deux zones d’affectation. Dans Cabelguen, la Commission a clairement convenu que M. Cabelguen ne pouvait se voir attribuer deux zones d’affectation. L’agent négociateur m’a demandé d’appliquer cette décision au fonctionnaire et de conclure que ce dernier ne pouvait avoir deux zones d’affectation.

B. Commentaires de l’employeur

[230] La position de l’employeur correspond en tous points à Cabelguen. À l’audience, le 22 mars 2022, l’employeur a maintenu que le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences de base pour voyager en service commandé au sens de la Directive en raison des facteurs suivants :

1) Le fonctionnaire ne travaillait pas en dehors de sa zone d’affectation, telle qu’elle est définie dans la Directive à la section « Définitions » et au Module 2.

2) L’employeur n’avait pas autorisé le fonctionnaire à voyager en service commandé au sens de l’article 1.1 de la Directive.

3) Le fonctionnaire n’était pas tenu de voyager en service commandé aux termes de la section « Objet et portée » de la Directive.

4) Les trois points qui précèdent ont guidé la Commission dans sa décision de rejeter le grief dont il était question dans Cabelguen. La Commission a exposé ses principales conclusions aux paragraphes 44 et 45 :

[44] […] un fonctionnaire en affectation volontaire dans un poste en dehors de sa zone d’affectation change le lieu habituel de son travail. Son nouveau lieu de travail devient son lieu habituel de travail situé dans une nouvelle zone d’affectation. De ce fait, il n’est alors pas en service commandé à la suite d’une exigence de l’employeur. Il ne fait que se rendre à son nouveau lieu de travail et ne peut alors réclamer le remboursement de ses dépenses de voyage à moins, évidemment, que l’employeur pour diverses raisons en ait donné l’autorisation préalable.

[45] Compte tenu de la jurisprudence et sur la base de ce qui m’a été soumis, je rejette donc le grief de principe, car l’agent négociateur ne m’a pas convaincu, sur la balance des probabilités, que les fonctionnaires acceptant des offres d’affectations temporaires à un poste différent de leur poste régulier devraient être considérés comme étant en service commandé. Le nouveau lieu de travail de leurs affectations est devenu leur lieu habituel de travail au sens de la Directive sur les voyages.

 

[231] Au paragraphe 44, la Commission a conclu que lorsque M. Cabelguen a accepté l’affectation, le nouveau lieu de travail qui lui a été assigné est devenu sa nouvelle zone d’affectation. Cette conclusion cadre avec les décisions rendues par la Commission dans Campeau et Hamilton.

[232] Si on applique le même principe au présent cas, l’AR est devenue la nouvelle zone d’affectation du fonctionnaire lorsque ce dernier a accepté d’être affecté à ce lieu de travail. Par conséquent, les dispositions du Module 2 de la Directive, « Voyages hors de la zone d’affectation », ne s’appliquaient pas pendant son affectation à l’AR.

[233] Il ne se déplaçait pas en service commandé. Il effectuait son trajet quotidien entre son domicile et sa nouvelle zone d’affectation. Contrairement à ce qu’affirmait le fonctionnaire dans ses arguments écrits présentés le 20 juin 2022, son niveau et son taux de rémunération n’ont rien à voir dans la définition de sa zone d’affectation conformément à la Directive.

[234] Au paragraphe 44 de Cabelguen, la Commission a aussi estimé que M. Cabelguen n’avait pas reçu l’autorisation préalable de son employeur pour voyager en service commandé. De la même façon, le fonctionnaire dans le présent cas n’avait pas reçu l’autorisation de l’employeur. Il a malgré tout demandé le remboursement de ses frais de déplacement, même si le paragraphe 1.1.2 de la Directive exige clairement que « [les] voyages en service commandé [soient] autorisés [...] au préalable [...] ». En outre, toujours au paragraphe 44, la Commission a jugé que M Cabelguen n’était pas en service commandé à la suite d’une « exigence de l’employeur ». M. Cabelguen s’était plutôt porté volontaire pour l’affectation.

[235] Voici ce que prévoit la section « Objet et portée » de la Directive : « La présente directive a pour objet de garantir un traitement juste aux fonctionnaires appelés à effectuer des voyages [...] ».

[236] Le fonctionnaire a tenté d’établir une distinction sur ce point entre le présent cas et Cabelguen, en alléguant qu’il avait accepté l’affectation à l’AR sous la contrainte, contrairement à M. Cabelguen. Cet argument est totalement dénué de fondement.

[237] Rien n’indique que le fonctionnaire a subi des pressions ou a été contraint d’accepter l’affectation. L’employeur a offert au fonctionnaire une affectation à l’AR dans le cadre d’un processus de mise en place de mesures d’adaptation. Il est bien établi que ce processus repose sur la collaboration de l’employeur et de l’employé. De ce fait, l’employeur a offert au fonctionnaire une affectation à un poste adapté à ses besoins, et ce dernier l’a acceptée après avoir pris quelques jours pour y réfléchir et pour examiner l’entente avec son agent négociateur.

[238] Bien que le fonctionnaire ait l’obligation légale d’accepter toute proposition raisonnable de mesure d’adaptation, cette obligation n’a pas été créée ou imposée par l’employeur.

[239] Cette obligation ne constitue certainement pas une contrainte ou une pression, comme il a été allégué. On voit difficilement comment une situation de contrainte aurait pu s’installer dans le contexte de ce processus d’adaptation, l’employeur ayant activement répondu aux besoins du fonctionnaire et cherché un poste convenant à ses limitations. Au paragraphe 46 de Cabelguen, la Commission a fait remarquer que dans certaines circonstances, un employé en affectation pourrait aussi être en service commandé. La Commission a ajouté qu’« [...] il ne suffit certainement pas pour l’employeur d’annoncer qu’il ne paiera pas des déplacements pour le dégager de ses obligations de les payer selon la Directive sur les voyages ». Enfin, la Commission a conclu que chaque cas devrait être examiné en fonction des faits qui lui sont propres.

[240] En réponse à ces remarques incidentes, l’employeur a fait valoir, dans un premier temps, que sa position n’était pas uniquement fondée sur le fait que l’entente d’affectation remise au fonctionnaire mentionnait explicitement qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement. L’employeur a tout de même maintenu que le fait qu’il n’avait pas autorisé le fonctionnaire à être en service commandé et que ce dernier comprenait qu’il n’avait pas l’autorisation de voyager constituait une preuve convaincante.

[241] Dans un deuxième temps, sur le plan des faits, rien ne laisse croire que le fonctionnaire a voyagé en service commandé pendant son affectation. Dans le contexte de son affectation, l’AR est l’endroit unique au sein de la nouvelle zone d’affectation où il a exercé sur une base régulière les fonctions du poste qui lui avait été assigné pour la période allant du 14 janvier au 15 juin 2016.

[242] Le fonctionnaire n’a pas été appelé à se déplacer où que ce soit pendant son affectation. Encore une fois, la preuve indique que le fonctionnaire faisait le trajet quotidien entre son domicile et son lieu de travail, et non qu’il effectuait des déplacements en service commandé.

C. Réplique du fonctionnaire s’estimant lésé aux commentaires de l’employeur

[243] Lorsqu’il a déposé son grief, le fonctionnaire a clairement mentionné qu’il avait signé l’entente d’affectation sous la contrainte. Le grief comprenait un passage de la politique de TSNB concernant le fait que les travailleurs doivent accepter tout emploi raisonnable disponible. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait presque épuisé ses crédits de congé, qu’il aurait été mis en congé sans solde et qu’il n’aurait eu que les prestations de TSNB comme source de revenu.

[244] Il a aussi affirmé que le montant des prestations de TSNB était considérablement moins élevé que son salaire.

[245] L’affirmation de l’employeur selon laquelle aucun élément de preuve ne démontre que le fonctionnaire a signé l’entente sous la contrainte est tout simplement fausse et ne concorde pas avec son témoignage.

[246] Le fonctionnaire a été en tout temps un employé de Dorchester. Il n’est pas d’accord avec l’employeur quand ce dernier affirme que sa zone d’affectation a changé en raison de l’affectation. Son poste d’attache a continué d’être celui d’agent correctionnel à Dorchester. Dorchester était sa zone d’affectation, et il a été affecté temporairement à l’AR, qui n’est jamais devenue sa nouvelle zone d’affectation.

[247] Occuper un emploi à l’AR a occasionné des dépenses pour le fonctionnaire. Comme ce dernier l’a mentionné dans son témoignage, il ne pouvait plus faire du covoiturage, il payait sa place de stationnement et, comme il travaillait uniquement de jour, il devait se rendre au bureau plus fréquemment que lorsqu’il travaillait comme agent correctionnel suivant un horaire variable. Il a abordé la question du stationnement gratuit dans son témoignage. Il n’est pas parvenu à trouver ce stationnement, et le témoin de l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve démontrant qu’on avait demandé au fonctionnaire pourquoi il n’utilisait pas le présumé stationnement gratuit ou qu’on lui avait offert de l’aide pour le repérer.

[248] Selon le fonctionnaire, pour ces motifs et ceux mentionnés précédemment, Cabelguen ne s’applique pas à son cas. Il n’a pas présenté sa candidature pour le poste, on le lui a attribué en guise de mesure d’adaptation, il a signé l’entente sous la contrainte, il a engagé des dépenses en raison de son affectation et sa zone d’affectation était Dorchester, pas l’AR, comme l’a maintenu l’employeur.

VII. Analyse

[249] La convention collective du fonctionnaire établit les conditions d’emploi sur lesquelles se sont entendus son agent négociateur et son employeur. Selon le paragraphe 41.01, les ententes conclues par le CNM et que l’agent négociateur et l’employeur ont ratifiées font partie intégrante de la convention collective. Le paragraphe 41.03 énumère les directives qui font partie de la convention. La Directive sur les voyages y figure.

[250] Les dispositions pertinentes de la Directive sont les suivantes :

[...]

 

Principes

Les principes énoncés ci-après ont été élaborés par les représentants des agents négociateurs de concert avec les représentants de la partie patronale du Conseil national mixte. Ces principes constituent la pierre angulaire de la gestion des voyages du gouvernement et devraient aider tous les membres du personnel et de la direction à établir des pratiques de voyage justes, raisonnables et modernes dans toute la fonction publique.

Confiance – accroître le pouvoir et la latitude des fonctionnaires et des gestionnaires d’agir d’une manière juste et raisonnable.

Souplesse – créer un environnement dans lequel les décisions de gestion respectent l’obligation d’adaptation, répondent au mieux aux besoins et aux préférences des fonctionnaires et tiennent compte des nécessités du service dans l’organisation des préparatifs de voyage.

Respect – créer un environnement sensible aux besoins des fonctionnaires et des processus favorables aux voyages.

Valorisation des gens – reconnaître les fonctionnaires d’une manière professionnelle tout en soutenant les fonctionnaires, leurs familles, leur santé et la sécurité lors des voyages.

Transparence – assurer l’application cohérente, juste et équitable de la politique et de ses pratiques.

Pratiques de voyage modernes – adopter des pratiques de gestion des voyages qui soutiennent les principes et tiennent compte des tendances et des réalités de l’industrie des voyages; élaborer et mettre en œuvre le cadre et la structure appropriés de responsabilisation des voyages.

Généralités

Convention collective

La présente directive est considérée comme faisant partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du Conseil national mixte. Les fonctionnaires doivent pouvoir la consulter facilement.

[...]

Objet et portée

La présente directive a pour objet de garantir un traitement juste aux fonctionnaires appelés à effectuer des voyages en service commandé conformément aux principes susmentionnés. Les dispositions de la présente directive sont impératives et prévoient le remboursement de dépenses raisonnables qui ont dû être engagées pendant un voyage en service commandé. Ces dispositions font en sorte que les fonctionnaires n’ont pas à engager des frais supplémentaires. Elles ne doivent pas constituer une source de revenu ni de rémunération quelconque, lesquels ouvriraient la voie au gain personnel.

Champ d’application

La présente directive s’applique aux fonctionnaires de la fonction publique, au personnel exonéré et à d’autres personnes voyageant en service commandé, y compris à des fins de formation. Elle ne s’applique pas aux personnes dont les voyages sont régis par d’autres autorisations.

Définitions

[...]

Déplacement (travel status) – a lieu quand un fonctionnaire ou un voyageur effectue un voyage en service commandé autorisé.

Employeur (employer) – sa Majesté du chef du Canada, représentée par le Conseil du Trésor; comprend en outre les personnes autorisées à exercer les pouvoirs conférés au Conseil du Trésor.

[...]

Fonctionnaire (employee) – personne au service de la fonction publique.

[...]

Lieu de travail (workplace)

Permanent/régulier (permanent/regular) – endroit permanent unique déterminé par l’employeur où un fonctionnaire exerce habituellement les fonctions de son poste ou d’où il relève.

Temporaire (temporary) – endroit unique où un fonctionnaire exerce temporairement les fonctions de son poste ou d’où il relève dans la zone d’affectation.

[...]

 

Voyage en service commandé (government travel) – désigne tous les voyages autorisés par l’employeur. L’expression est utilisée en rapport avec les circonstances dans lesquelles les dépenses prévues dans la présente directive peuvent être payées ou remboursées par les fonds publics.

Voyageur (traveller) – une personne qui voyage en service commandé autorisé.

Zone d’affectation (headquarters area) – aux fins de la présente directive, région qui s’étend sur 16 kilomètres du lieu de travail assigné en empruntant la route terrestre la plus directe, sûre et praticable.

Partie I – Administration

1.1 Autorisation

1.1.1 Il incombe à l’employeur d’autoriser les voyages en service commandé et de déterminer s’il est nécessaire de voyager, et de garantir que tous les préparatifs de voyage sont conformes aux dispositions de la présente directive. Comme suite à une consultation entre l’employeur et le fonctionnaire, l’organisation des préparatifs de voyage doit répondre au mieux aux besoins et aux préférences des fonctionnaires et aux nécessités du service de l’employeur.

1.1.2 Les voyages en service commandé doivent être autorisés par écrit au préalable de manière à garantir que tous les préparatifs de voyage sont conformes aux dispositions de la présente directive. Dans des circonstances particulières, le voyage peut être autorisé après coup par l’employeur.

1.1.3 Les dépenses découlant d’une interprétation erronée ou d’une autre erreur peuvent ou non être remboursées. Toutefois, ces situations seront examinées au cas par cas.

[...]

1.5 Responsabilités

1.5.1 L’employeur doit :

a) établir la structure de délégation adéquate en vue de se conformer à la présente directive;

b) s’assurer que la présente directive est accessible au lieu de travail normal du fonctionnaire, pendant les heures de travail de ce dernier;

c) veiller à ce que, en consultation avec le fonctionnaire et son superviseur immédiat, le gestionnaire s’étant vu déléguer des pouvoirs s’occupe:

(i) déterminer s’il est nécessaire de voyager;

(ii) faire en sorte que les préparatifs de voyage sont conformes aux dispositions de la présente directive;

(iii) veiller à prendre des mesures d’adaptation tant qu’il n’en résulte pas une contrainte excessive.

d) autoriser les voyages, y compris l’autorisation générale de voyager;

e) vérifier et approuver les demandes d’indemnité de déplacement avant que les frais ne soient remboursés;

f) faire en sorte que tous les préparatifs de voyage respectent les lois fédérales et les politiques de l’employeur qui s’appliquent, telles que l’équité en matière d’emploi et les langues officielles.

1.5.2 Le voyageur doit :

a) prendre connaissance des dispositions de la présente directive;

b) consulter et obtenir l’autorisation de voyager conformément à la présente directive, ce qui inclut l’autorisation générale de voyager;

c) informer l’employeur ou ses fournisseurs des mesures d’adaptation qui doivent être prises pour répondre à ses besoins;

d) remplir et présenter une demande d’indemnité de déplacement accompagnée des documents à l’appui nécessaires aussitôt que possible après la fin du voyage. Lorsque le voyage dure plus d’un mois, le voyageur peut présenter une demande d’indemnité de déplacement provisoire avant la fin du voyage; et

e) être responsable de l’annulation des réservations au besoin, de la sauvegarde des avances de voyage et des fonds fournis et de la remise des fonds excédentaires en temps opportun.

1.5.3 Lorsque l’employeur et le fonctionnaire n’arrivent pas à trouver une solution aux obstacles qui nuisent aux personnes handicapées pouvant découler de l’application de la présente directive, l’employeur et le fonctionnaire doivent consulter un spécialiste de l’équité en matière d’emploi du ministère ou de la partie syndicale, ou les deux.

[...]

1.9 Changement du lieu de travail (ne s’applique que dans la zone d’affectation)

1.9.1 Lorsqu’un fonctionnaire est assigné d’un lieu de travail permanent à un lieu de travail temporaire pour une durée de moins de 30 jours civils consécutifs, les dispositions de la présente directive doivent être suivies.

1.9.2 Lorsqu’un fonctionnaire est assigné d’un lieu de travail permanent à un lieu de travail temporaire, pour une durée de 30 jours civils consécutifs et plus, les dispositions de la présente directive doivent être suivies sauf si les conditions suivantes sont réunies : le fonctionnaire doit obtenir, par écrit, un préavis de 30 jours civils concernant le changement du lieu de travail. Dans les cas où le fonctionnaire n’est pas avisé par écrit du changement de lieu de travail, les dispositions de la présente directive doivent être suivies pour la durée du changement de lieu de travail jusqu’à concurrence de 60 jours civils.

1.9.3 Lorsque les conditions stipulées ci-haut relatif au changement de lieu de travail ne sont pas respectées, le transport jusqu’au lieu de travail temporaire est fourni ou le fonctionnaire doit être remboursé selon le taux par kilomètre pour la distance parcourue entre la résidence et le lieu de travail temporaire, ou entre le lieu de travail permanent et le lieu de travail temporaire, selon la plus courte de ces distances.

[...]

3.2 Module 2 – Voyages hors de la zone d’affectation – sans nuitée

Les dispositions énoncées dans le présent Module sur les voyages s’appliquent dans le cas d’un voyageur en service commandé hors de la zone d’affectation pour un séjour sans nuitée au Canada ou ailleurs dans le monde.

 

[...]

 

[251] Le bulletin no 2014-03, dont l’objectif est d’aider les gestionnaires délégataires à déterminer si un employé doit être considéré comme en déplacement, selon la Directive, dans une situation d’affectation, de nomination intérimaire ou de détachement, est également pertinent.

[252] Même si le bulletin no 2014-03 n’est pas le fruit de négociations ou d’une entente entre les parties, la Directive est un document sur lequel les parties se sont entendues et celle-ci confère expressément à l’employeur de vastes responsabilités et un large pouvoir discrétionnaire. Je partage l’avis de la Commission lorsqu’elle affirme, dans Doran, que le bulletin doit être examiné.

[253] Les passages pertinents du bulletin no 2014-03 sont ainsi libellés :

[...]

 

1. Application

Ce bulletin s’applique aux employés de la fonction publique qui acceptent une affectation, une nomination intérimaire ou un détachement.

Si l’affectation, la nomination intérimaire ou le détachement est de plus d’un an, la Directive sur la réinstallation du CNM pourrait s’appliquer.

2. Définitions

Employé : une personne employée dans la fonction publique.

Déplacement : a lieu quand un fonctionnaire ou un voyageur effectue un voyage en service commandé autorisé.

Zone d’affectation : région qui s’étend sur 16 kilomètres du lieu de travail assigné en empruntant la route terrestre la plus directe, sûre et praticable.

3. Responsabilités du gestionnaire délégué

Le gestionnaire délégué a la responsabilité de :

· s’assurer qu’il a l’autorité financière déléguée pour autoriser le statut de déplacement;

· décider si un employé sera en statut de déplacement ou non;

· s’assurer que l’entente formelle ou la lettre d’offre mentionne si l’employé sera en statut de déplacement ou non pendant la période de l’affectation, de la nomination intérimaire ou du détachement;

· discuter de l’entente formelle (formulaire ou lettre d’offre) avec l’employé avant que l’entente ou la lettre d’offre soit signée par l’employé;

· lorsque le statut de déplacement est autorisé, s’assurer que la demande de voyage est soumise et approuvée suivant l’Outil de gestion des dépenses et qu’on fournisse une confirmation à l’employé d’avance.

 

[...]

 

[254] Dans Allain, au paragraphe 25, l’arbitre de grief a affirmé que, pour trancher des affaires de cette nature, « [...] on doit simplement s’en tenir au libellé de la Directive, qui fait partie de la convention collective ».

[255] L’employeur a fait valoir que M. McCarthy ne répondait pas aux conditions du voyage en service commandé énoncées dans la Directive et qu’il avait par conséquent exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en n’autorisant pas le fonctionnaire à être considéré comme en déplacement. La condition contestée est la suivante : Le fonctionnaire était-il tenu par l’employeur de se déplacer à l’extérieur de sa zone d’affectation?

[256] L’employeur a affirmé qu’il n’avait pas obligé le fonctionnaire à se déplacer à l’AR ou, pour reprendre les formulations de la convention collective et de la Directive, que le fonctionnaire n’était pas tenu de voyager en service commandé à l’extérieur de sa zone d’affectation.

[257] Le fonctionnaire a répliqué qu’il était tenu de se déplacer puisque son travail ne pouvait être effectué au Pénitencier de Dorchester. S’il est vrai qu’il ne pouvait plus exercer ses fonctions d’agent correctionnel au Pénitencier de Dorchester, cela ne veut pas dire pour autant que l’employeur l’a obligé à voyager en service commandé pour accomplir le travail d’agent de l’AIPRP dans un poste adapté à ses besoins.

[258] La jurisprudence est sans équivoque : comme l’affirme la Commission dans Bourdeau, au paragraphe 168, le processus d’adaptation est fondé sur la coopération des parties. L’employé est tenu de collaborer au processus et d’accepter toute mesure d’adaptation raisonnable. Un processus fondé sur la coopération est incompatible avec un processus dont les parties ont convenu qui confère à l’employeur le pouvoir unilatéral d’autoriser le voyage en service commandé en exigeant d’un employé qu’il accomplisse ses fonctions dans un autre lieu de travail situé à l’extérieur de sa zone d’affectation.

[259] Compte tenu des faits de l’affaire, je ne suis pas en mesure de conclure que le fonctionnaire était tenu par l’employeur de voyager en service commandé conformément aux dispositions de la convention collective et de la Directive. Le fonctionnaire, dont le lieu de travail permanent était le Pénitencier de Dorchester, a-t-il été assigné à un lieu de travail temporaire, l’AR, conformément aux définitions de ces termes données dans la Directive, ou l’AR est-elle plutôt devenue son lieu de travail permanent?

[260] Selon l’agent négociateur, l’article 3.2 de la Directive, « Module 2 – Voyages hors de la zone d’affectation – sans nuitée », s’applique aux faits de l’affaire. Il s’est appuyé sur un certain nombre de décisions du CNM dans lesquelles le Comité exécutif a appliqué la Directive et conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas été traités selon l’esprit de la Directive.

[261] Au sens de la Directive, le lieu de travail temporaire désigne l’endroit unique où un fonctionnaire exerce temporairement les fonctions de son poste ou d’où il relève dans la zone d’affectation.

[262] Il a été fait mention du dossier no 21.4.1112 du CNM. Dans ce cas, la direction avait demandé à un employé occupant un poste d’une durée indéterminée de se rendre à un lieu de travail temporaire pendant la fin de semaine parce que des manifestants occupaient les bureaux où il travaillait habituellement. Le Comité exécutif a conclu que l’employé n’avait pas été traité selon l’esprit de la Directive.

[263] Dans le même ordre d’idées, le dossier no 21.4.1113 du CNM concernait un nouvel employé dont le lieu de travail permanent devait être le Lieu A. Toutefois, en raison de problèmes opérationnels, l’employé n’a jamais commencé à travailler à cet emplacement, et il a été affecté au Lieu B.

[264] Dans le dossier no 21.4.1092 du CNM, l’employeur avait reconnu que la Directive s’appliquait à un cas d’affectation temporaire. Toutefois, il avait décidé de mettre fin au paiement des indemnités en raison d’une initiative de réduction du déficit.

[265] À mon humble avis, ces trois cas se distinguent de celui qui est devant moi, en ce sens qu’il semble que la direction avait demandé aux employés concernés d’exercer temporairement les fonctions de leurs postes dans un lieu de travail temporaire.

[266] De la même façon, l’arbitre de grief dans Lannigan a conclu que les agents correctionnels qui effectuaient un travail de surveillance à l’escouade des hôpitaux devaient être traités selon l’esprit de la Directive. Les agents correctionnels exerçaient les fonctions de leurs postes à l’extérieur de leur zone d’affectation dans un lieu de travail temporaire, à la demande de l’employeur. Il y a des similitudes entre ce cas et les dossiers du CNM dont il a été question précédemment et, à mon avis, il est aisé de faire la distinction avec la situation du fonctionnaire.

[267] Dans Baird, l’arbitre de grief a conclu que les technologues en surveillance et en guerre électronique travaillant à l’IMFCS à Halifax étaient admissibles aux indemnités décrites dans la Directive lorsqu’ils participaient à des essais en mer à bord de navires ou de sous-marins. Encore une fois, un thème commun se dégage de la décision Baird mais n’est pas observé dans le présent cas : les employés étaient tenus d’accomplir leurs fonctions dans un lieu de travail temporaire situé en dehors de leur zone d’affectation.

[268] Dans Hamilton, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient accepté des détachements à des postes de gestionnaire de cours au CAGC pour une période de trois ans pendant laquelle ils ne seraient pas appelés à se rendre à leur lieu de travail régulier.

[269] Les fonctionnaires s’estimant lésés demandaient le remboursement de leurs frais de repas et de déplacement au lieu de travail auquel ils étaient détachés, à Cornwall. L’arbitre de grief a déclaré ce qui suit au paragraphe 34 :

[34] En l’espèce, le lieu de travail régulier des fonctionnaires pendant qu’ils travaillaient au CAGC était le campus de Cornwall. Cela dépasserait l’entendement s’il fallait les dédommager pour le kilométrage parcouru pour se rendre à leur nouveau lieu de travail et en revenir (le nouveau lieu de travail étant plus près que leurs lieux de travail régulier respectif : soit Kingston et Ottawa), alors qu’ils travaillent à des affectations temporaires qu’ils ont volontairement et activement tenté d’obtenir. Cela dépasse également l’entendement qu’une personne puisse aller déjeuner chez elle le midi, parce que son lieu de travail où elle a été détachée est plus près de sa résidence que son lieu de travail régulier, demande ensuite une indemnité de repas en invoquant le fait que, puisqu’elle est affectée à un nouveau lieu de travail, elle se trouverait alors en service commandé.

 

[270] Dans Campeau, le fonctionnaire, qui travaillait pour le SCC, était en affectation aux endroits et aux dates qui suivent :

[...]

 

1) du 12 février 2007 au 22 janvier 2008 : Ville de Laval;

2) du 10 mars au 1er mai 2008 : Administration régionale du Québec, 3, place Laval, Chomedey, Ville de Laval;

3) du 2 juin 2008 au 28 février ou 12 mars 2009 (les parties ne sont pas d’accord sur la date de la fin de l’affectation), CCC (Centre correctionnel communautaire) Laferrière, Saint-Jérôme.

 

[...]

 

[271] Pendant toute cette période, le fonctionnaire résidait à la même adresse, dans une municipalité située au nord de Montréal.

[272] L’employeur a refusé de rémunérer le temps de déplacement réclamé par le fonctionnaire s’estimant lésé. Le grief a été rejeté aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs. Au premier palier, l’employeur a justifié sa décision en soulignant qu’il fallait moins de temps au fonctionnaire pour se rendre à son lieu de travail assigné qu’au lieu de travail de son poste d’attache.

[273] La Commission a interprété et appliqué la Directive ainsi que les définitions de la « zone d’affectation » et du « voyage en service commandé » comme suit dans ses motifs exposés aux paragraphes 42 et 43 :

[42] Je suis d’avis que le raisonnement dans la décision Hamilton résout entièrement la question en l’espèce. Le fonctionnaire ne travaillait pas hors de sa zone d’affectation lorsqu’il était en affectation; il travaillait dans une nouvelle zone d’affectation. Il assumait les fonctions du poste dans ces endroits pendant la période de temps établie. Le service commandé signifie tous voyages autorisés par l’employeur ailleurs qu’au lieu habituel de travail. Pendant le temps que le fonctionnaire travaillait dans un autre bureau que celui de son poste d’attache, son lieu habituel de travail (« lieu de travail assigné », selon la définition de la zone d’affectation) devenait ce bureau. Il ne s’agit pas de service commandé, qui vise, comme l’indique assez clairement le titre de la Directive, les voyages. […]

[43] Comme le souligne la décision Hutchison, l’employeur ne rémunère pas le temps que prend l’employé pour se rendre au travail, parce que l’employé n’est pas au travail. Il peut y avoir des exceptions, où l’employé est rémunéré même s’il n’est pas en train de travailler. L’arbitre de grief énumère ces exceptions comme suit : le déplacement dans le cadre de l’exécution d’une tâche assignée hors du lieu de travail habituel, le fait d’être tenu en disponibilité, et le temps dans un espace d’où l’employé ne peut partir, comme un bateau par exemple. Il n’y a aucune commune mesure avec la situation du fonctionnaire, qui, pendant un an, se rend à un nouveau lieu de travail. L’employeur n’a pas à le rémunérer pour ce déplacement à son lieu de travail assigné, qui pour le temps de l’affectation, est son lieu de travail habituel.

 

[274] Ainsi qu’elle le souligne dans Cabelguen, la Commission a retenu de Hamilton et Campeau qu’un fonctionnaire en affectation volontaire dans un poste situé en dehors de sa zone d’affectation change de lieu habituel de travail. Son nouveau lieu de travail devient son lieu habituel de travail situé dans une nouvelle zone d’affectation et, de ce fait, il n’est alors pas en service commandé à la suite d’une exigence de l’employeur.

A. Application de ces décisions aux faits du présent cas

[275] Le fonctionnaire n’était plus en mesure d’exercer ses fonctions d’agent correctionnel à Dorchester parce qu’une limitation l’empêchait d’occuper un poste exigeant un contact avec les détenus. Dans le cadre d’un processus visant à lui fournir des mesures d’adaptation, on lui a offert le poste de coordonnateur régional de l’AIPRP pour la période allant de janvier à juin 2016.

[276] Je suis convaincu qu’il faut adopter le raisonnement appliqué dans Hamilton, Campeau et Cabelguen. Le fonctionnaire ne travaillait pas hors de sa zone d’affectation lorsqu’il était en affectation; il occupait un nouveau poste situé dans une nouvelle zone d’affectation. Pendant la période où le fonctionnaire a travaillé dans un autre bureau que celui de son poste d’attache, ce nouveau bureau est devenu son lieu habituel de travail (le lieu de travail assigné).

B. Le fonctionnaire était-il en position de tirer un gain personnel du voyage en service commandé?

[277] L’employeur a fait valoir que l’employé tenu de voyager en service commandé ne doit pas tirer profit de la situation. Les dépenses engagées doivent être raisonnables et ne pas constituer une source de revenu ni de rémunération quelconque, lesquelles ouvriraient la voie au gain personnel. Dans le présent cas, le fonctionnaire a bénéficié d’un temps de déplacement plus court entre son domicile et le travail puisqu’il habitait à Moncton, dans la même ville que les bureaux de l’AR. Par ailleurs, les frais de stationnement n’étaient pas remboursés aux employés et le fonctionnaire n’a pas déployé d’efforts raisonnables ou fait preuve de diligence raisonnable pour trouver l’emplacement du stationnement gratuit. En outre, j’ai peine à comprendre comment les frais de repas pouvaient constituer une dépense raisonnable dans de telles circonstances.

C. L’employeur a-t-il autorisé, ou préalablement autorisé, le fonctionnaire à voyager en service commandé?

[278] La Directive mentionne clairement qu’il incombe à l’employeur d’autoriser les voyages en service commandé et de déterminer s’il est nécessaire de voyager, et que ces voyages doivent être autorisés par écrit au préalable de manière à garantir que tous les préparatifs de voyage sont conformes aux dispositions de la Directive.

[279] L’employeur a fait valoir que, compte tenu des faits du présent cas, il n’avait pas autorisé ou préalablement autorisé le fonctionnaire à voyager en service commandé.

[280] Il ressort clairement des faits que le voyage en service commandé n’avait pas été autorisé ou préalablement autorisé dans le présent cas.

D. Le fonctionnaire a-t-il paraphé sous la contrainte la disposition de l’entente d’affectation qui précisait qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement?

[281] Dans Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, l’arbitre de grief s’est penché sur le cas d’une fonctionnaire s’estimant lésée qui avait été rétrogradée après avoir fait l’objet d’une plainte présentée en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (L.C. 2005, ch. 46). Plutôt que d’accepter le poste de niveau inférieur, la fonctionnaire a pris sa retraite.

[282] Elle a déposé un grief, soutenant entre autres que son départ à la retraite n’avait pas été volontaire, mais qu’il avait plutôt été imposé par son employeur.

[283] Au paragraphe 143 de Hassard, l’avocate de l’employeur aborde la question de la qualité de la preuve servant à démontrer l’existence d’une contrainte ou d’une influence indue. Elle se reporte aux paragraphes 43 à 46 de Lawton c. Canada (Revenu national), 2012 CF 1074, qui mentionnent que la contrainte exige des menaces de mort ou de violence physique importante, la coercition, l’intimidation ou le recours à une pression illégitime, ou encore la capacité d’une personne de forcer l’autre à agir contre son gré.

[284] La Commission a rejeté la preuve selon laquelle le départ de la fonctionnaire avait été imposé par l’employeur, et elle a affirmé entre autres ce qui suit au paragraphe 163 de Hassard : « Tout d’abord, il n’existe simplement aucune preuve de coercition, au sens juridique du terme. Ni la fonctionnaire ni un de ses proches n’a été menacé de violence physique. La fonctionnaire n’a pas été trompée quant aux faits pertinents, pas plus qu’elle n’a subi de contrainte indue. »

[285] Dans Lawton, au paragraphe 43, la Cour fédérale a examiné l’interprétation juridique du concept de contrainte dans le contexte d’une demande présentée par une employée de l’Agence du revenu du Canada dans le but de faire annuler une entente qui mettait fin à son emploi.

[286] La Cour fédérale a expliqué que le concept initial de la contrainte avait été établi en common law pour permettre aux tribunaux d’annuler un contrat qu’une personne avait été forcée de signer sous la menace de violence physique. L’equity a étendu la portée de ce concept de manière à permettre aux tribunaux d’annuler un contrat ou de ne pas en exiger l’exécution lorsque des pressions illégitimes ont été exercées sur une personne pour la forcer à signer ou à conclure un contrat.

E. Application de ces principes aux faits du présent cas

[287] Le fonctionnaire a témoigné que l’employeur ne lui avait pas donné l’ordre de signer l’entente d’affectation et a admis qu’il ne serait pas admissible aux dispositions de la Directive concernant les déplacements.

[288] Il a demandé l’autorisation d’examiner l’entente d’affectation avec des conseillers de son agent négociateur, ce qui lui a été accordé. Il a signé puis retourné l’entente quatre jours plus tard.

[289] Il est parvenu à la conclusion qu’il n’avait pas d’autre choix que d’accepter l’offre puisqu’il avait besoin de mesures d’adaptation.

[290] Il a témoigné que, selon la politique de TSNB, les employés pouvaient perdre des prestations s’ils refusaient une offre d’emploi convenable. Il a fait remarquer que s’il avait refusé de signer l’entente, il aurait pu perdre la totalité de son revenu et de ses prestations d’indemnisation.

[291] Il a affirmé qu’accepter l’offre était une décision plus raisonnable. Il devait accepter une situation qui n’était pas parfaite.

[292] Ainsi qu’il a été souligné précédemment, le processus d’adaptation est fondé sur la coopération des parties. Les employeurs sont tenus d’offrir des mesures d’adaptation aux employés ayant une incapacité. L’employeur n’a pas besoin de fournir une mesure d’adaptation instantanée, une mesure d’adaptation parfaite ou la mesure d’adaptation préférée de l’employé.

[293] L’employé est tenu de collaborer au processus et d’accepter toute mesure d’adaptation raisonnable.

[294] Comme l’a mentionné le fonctionnaire, accepter l’offre était la décision la plus raisonnable à prendre. Aucun élément de preuve ne démontre que l’employeur a exercé des pressions indues sur lui pour qu’il signe le document.

[295] La seule référence à une possible conséquence pour le fonctionnaire s’il refusait de signer l’entente est une politique de TSNB qui mentionne que les travailleurs blessés devraient accepter toute offre d’emploi convenable, qu’ils sont tenus de participer activement au processus de réadaptation et de retour au travail, notamment en acceptant toute offre d’emploi convenable, et que TSNB peut réduire ou suspendre temporairement les prestations lorsque des preuves démontrent que le travailleur blessé ne se conforme pas aux dispositions législatives en matière d’indemnisation des accidents du travail ou qu’il a refusé une offre d’emploi convenable.

[296] Il ne s’agit pas d’une preuve que le fonctionnaire a subi des pressions de la part de l’employeur pour qu’il signe le document. TSNB n’était pas partie à l’entente. Sa politique, dans la mesure où elle énonce les obligations des travailleurs blessés, reflète les obligations des employés dans le contexte où l’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Je ne suis pas convaincu que le fonctionnaire a paraphé sous la contrainte la disposition de l’entente d’affectation ou de l’entente de prolongation qui précisait qu’il ne serait pas considéré comme en déplacement.

[297] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


 

VIII. Ordonnance

[298] Le grief est rejeté.

Le 27 janvier 2023.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.