Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a contesté la mise en œuvre de la politique sur la vaccination contre la COVID-19 qui exigeait que les employés fournissent une attestation de leur vaccination – le plaignant a affirmé que l’exigence relative à la politique et à l’attestation créait un conflit de loyauté entre ses valeurs personnelles et son engagement à servir les Canadiens et Canadiennes et à protéger leurs droits fondamentaux – le plaignant a allégué que la Gendarmerie royale du Canada avait exercé des représailles contre lui pour avoir exercé son droit de déposer un grief concernant ces questions – la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas présenté de cause défendable de représailles de la part de son employeur – rien n’indiquait que des représailles avaient eu lieu après qu’il eut exercé ses droits – l’imposition de la vaccination et le fait de ne pas tenir compte de son conflit de loyauté n’ont pas fait suite au dépôt des griefs, mais l’ont précédé.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20230504

Dossier: 561-02-45554

 

Référence: 2023 CRTESPF 47

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

MikaËl Marleau

plaignant

 

et

 

Conseil du Trésor

(Gendarmerie royale du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Marleau c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Daniel Normandin

Pour le défendeur : Lyne Poulin, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés
les 17 et 27 janvier et le 7 février 2023.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Mikaël Marleau (le « plaignant ») est un enquêteur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le 18 juillet 2022, il a déposé une plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contestant les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée à la COVID-19.

[2] En effet, en octobre 2021, le Conseil du Trésor, l’employeur légal du plaignant, a mis en vigueur la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada (la « Politique »), qui inclut l’obligation pour les employés de présenter à l’employeur une attestation de leur vaccination.

[3] Le refus de la vaccination et de l’attestation pouvait entraîner pour les employés un congé sans solde. Le plaignant s’est opposé à l’imposition de l’attestation obligatoire en raison de ce qu’il appelle son conflit de loyauté. Dans sa plainte, le plaignant précise qu’il ne demande pas une mesure d’adaptation pour un motif religieux, médical ou autre.

[4] Selon le plaignant, la Politique et l’obligation d’attestation crée un conflit entre ses valeurs personnelles et son engagement à servir et protéger les droits fondamentaux des Canadiens et Canadiennes.

[5] Il invoque à l’appui de sa plainte divers textes législatifs et réglementaires, notamment les suivants : la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), dont l’article 2 protège la liberté de pensée et d’opinion, et dont l’article 7 protège le droit à la sécurité et l’intégrité de la personne, ainsi que le Code de déontologie de la GRC, qui stipule au paragraphe 3.1 le respect de la loi et des droits des individus.

[6] La plainte a été présentée à la Commission en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui prévoit le dépôt d’une plainte contre l’employeur lorsque celui-ci commet une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi. Nous reviendrons au détail des dispositions législatives dans le cadre de l’argumentation des parties.

[7] Le 15 novembre 2022, le défendeur a répondu par une objection à la compétence de la Commission. Selon le défendeur, la plainte n’est pas recevable parce qu’elle ne correspond pas à la définition d’une plainte de pratique déloyale selon la Loi.

[8] Les faits sous-jacents à la plainte n’étant pas contestés, la Commission a proposé aux parties de traiter l’objection du défendeur à l’aide d’arguments écrits. La présente décision ne traite que de l’objection du défendeur, et non du conflit de loyauté énoncé par le plaignant.

II. Résumé de l’argumentation

A. Objection du défendeur

[9] Le plaignant a déposé des griefs contre la vaccination obligatoire et sur le défaut de traiter son objection au vaccin sur la base de son conflit de loyauté.

[10] Selon le défendeur, la présente plainte n’a pas de fondement juridique. La plainte est déposée au titre de l’article 185 de la Loi, qui se lit comme suit :

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[Mise en évidence dans l’original]

185 In this Division, unfair labour practice means anything that is prohibited by subsection 186(1) or (2), section 187 or 188 or subsection 189(1).

 

[11] Les articles 187 et 188 de la Loi concernent les pratiques déloyales commises par l’agent négociateur, et ne s’appliquent pas au présent cas. Le paragraphe 189(1) concerne les droits de représentation de l’employé, qui ne sont pas visés dans cette plainte. Les sections pertinentes des paragraphes 186(1) et (2) se lisent comme suit :

186 (1) Il est interdit à l’employeur ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

186 (1) No employer, and, whether or not they are acting on the employer’s behalf, no person who occupies a managerial or confidential position and no person who is an officer as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act or who occupies a position held by such an officer, shall

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

(a) participate in or interfere with the formation or administration of an employee organization or the representation of employees by an employee organization; or

b) de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

(b) discriminate against an employee organization.

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

(2) No employer, no person acting on the employer’s behalf, and, whether or not they are acting on the employer’s behalf, no person who occupies a managerial or confidential position and no person who is an officer as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act or who occupies a position held by such an officer, shall

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(a) refuse to employ or to continue to employ, or suspend, lay off, discharge for the promotion of economy and efficiency in the Royal Canadian Mounted Police or otherwise discriminate against any person with respect to employment, pay or any other term or condition of employment, or intimidate, threaten or otherwise discipline any person, because the person

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir —, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

(i) is or proposes to become, or seeks to induce any other person to become, a member, officer or representative of an employee organization, or participates in the promotion, formation or administration of an employee organization,

(ii) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à toute procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1, ou pourrait le faire,

(ii) has testified or otherwise participated, or may testify or otherwise participate, in a proceeding under this Part or Part 2 or 2.1,

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1,

(iii) has made an application or filed a complaint under this Part or Division 1 of Part 2.1 or presented a grievance under Part 2 or Division 2 of Part 2.1, or

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1;

(iv) has exercised any right under this Part or Part 2 or 2.1;

b) d’imposer — ou de proposer d’imposer —, à l’occasion d’une nomination ou relativement aux conditions d’emploi, une condition visant à empêcher le fonctionnaire ou la personne cherchant un emploi d’adhérer à une organisation syndicale ou d’exercer tout droit que lui accorde la présente partie ou les parties 2 ou 2.1;

(b) impose, or propose the imposition of, any condition on an appointment, or in an employee’s terms and conditions of employment, that seeks to restrain an employee or a person seeking employment from becoming a member of an employee organization or exercising any right under this Part or Part 2 or 2.1; or

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger une personne soit à s’abstenir ou à cesser d’adhérer à une organisation syndicale ou d’occuper un poste de dirigeant ou de représentant syndical, soit à s’abstenir :

(c) seek, by intimidation, threat of dismissal or any other kind of threat, by the imposition of a financial or other penalty or by any other means, to compel a person to refrain from becoming or to cease to be a member, officer or representative of an employee organization or to refrain from

(i) de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1,

(i) testifying or otherwise participating in a proceeding under this Part or Part 2 or 2.1,

(ii) de révéler des renseignements qu’elle peut être requise de communiquer dans le cadre d’une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1,

(ii) making a disclosure that the person may be required to make in a proceeding under this Part or Part 2 or 2.1, or

(iii) de présenter une demande ou de déposer une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1 ou de déposer un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1.

(iii) making an application or filing a complaint under this Part or Division 1 of Part 2.1 or presenting a grievance under Part 2 or Division 2 of Part 2.1.

 

[12] Le défendeur a cité la décision Musolino c. Agence du revenu du Canada, 2022 CRTESPF 47, dans laquelle la Commission a rejeté une plainte pour pratique déloyale portant sur la Politique de vaccination parce qu’il ne s’agissait pas d’une pratique déloyale au sens de la Loi.

[13] Selon le défendeur, il n’y a aucune correspondance entre la plainte et les paragraphes 186(1) et (2) de la Loi, et la Commission n’a donc pas compétence pour l’entendre. La façon appropriée de contester les conditions d’emploi est par voie de grief, ce que le plaignant a déjà fait.

B. Réponse du plaignant

[14] Le plaignant convient que la plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, et soutient qu’il s’agit d’une pratique déloyale au sens de l’article 185. Je cite ici quelques paragraphes de la plaidoirie du plaignant :

[…]

La « pratique déloyale » ainsi dénoncée par le Gendarme Marleau, est directement reliée au litige opposant ce dernier à la GRC – suite aux pressions de l’administration pour qu’il se fasse vacciné en vertu d’une obligation de la Commissaire Brenda Lucki. Dans son obligation, la Commissaire Lucki fait même référence au Code de valeurs et d’éthique du secteur public afin de forcer ses membres à lui fournir une « attestation véridique ». Le Gendarme Marleau s’identifie à ce Code, car il protège certaines valeurs fondamentales dont sa dignité et son intégrité en vertu de la CCDL [Charte].

Suite au refus du syndicat (FPN) du plaignant de lui fournir conseils, soutien bureautique, représentation, celui-ci a dû procéder par lui-même à se défendre contre la GRC en déposant deux griefs : l’un contre la Commissaire Lucki pour avoir obligé ses membres à se faire vacciner et le second grief contre Martin Dubois, officier responsable des relations Employeur/Employés pour avoir omis de reconnaître et/ou de traiter son conflit de loyautés.

Il est important de noter et de comprendre que l’omission par l’Officier responsable de ne pas avoir traiter son signalement du conflit de loyautés est l’élément déclencheur et/ou le lien causal qui l’a amené en arrêt de travail-maladie par son médecin traitant.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

C. Réplique du défendeur

[15] Le défendeur note dans sa réplique que le plaignant n’a toujours pas démontré comment le texte de l’article 185 de la Loi s’appliquait à sa plainte, et répète que le recours contre une condition d’emploi est le grief.

D. Réplique finale du plaignant

[16] Dans sa réplique finale, le plaignant précise que la plainte a été déposée en vertu des sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi. Pour faciliter la lecture de la décision, ces dispositions se lisent comme suit :

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

(2) No employer, no person acting on the employer’s behalf, and, whether or not they are acting on the employer’s behalf, no person who occupies a managerial or confidential position and no person who is an officer as defined in subsection 2(1) of the Royal Canadian Mounted Police Act or who occupies a position held by such an officer, shall

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(a) refuse to employ or to continue to employ, or suspend, lay off, discharge for the promotion of economy and efficiency in the Royal Canadian Mounted Police or otherwise discriminate against any person with respect to employment, pay or any other term or condition of employment, or intimidate, threaten or otherwise discipline any person, because the person

[…]

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1,

(iii) has made an application or filed a complaint under this Part or Division 1 of Part 2.1 or presented a grievance under Part 2 or Division 2 of Part 2.1, or

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1;

(iv) has exercised any right under this Part or Part 2 or 2.1;

 

[17] Le plaignant écarte la décision Musolino comme ne s’appliquant pas au présent cas, et cite plusieurs décisions de la Commission dans lesquelles sa compétence est contestée en vertu de l’article 209 de la Loi.

[18] Selon le plaignant, la Commission a pleine compétence pour entendre la plainte.

[19] Le plaignant soutient que le défendeur dans cette affaire est bien la GRC, et non le Conseil du Trésor. Il détaille ensuite comment la GRC a été impliquée dans des décisions et des rapports pour sa culture malsaine en termes de relation de travail.

[20] Le plaignant plaide que la Charte, ayant primauté sur toutes les autres lois, doit nécessairement s’appliquer dans le présent cas pour protéger sa liberté d’expression vis-à-vis l’obligation de loyauté inhérente au contrat de travail. La Commission devrait considérer cet argument d’office.

[21] Par conséquent, semble conclure le plaignant, la Commission a l’autorité d’entendre la plainte.

III. Analyse

[22] Le plaignant insiste beaucoup sur le fait que le défendeur est la GRC, et non le Conseil du Trésor. Je n’ai pas de difficulté à accepter que la GRC est à l’origine du litige qui oppose le plaignant à son employeur. Il faut comprendre l’organisation fédérale : le Conseil du Trésor est l’employeur légal (voir la définition de « employeur » au paragraphe 2(1) de la Loi). La délégation des ressources humaines fait en sorte que la GRC ou d’autres personnes qui agissent pour le compte de celle-ci peuvent prendre certaines décisions à l’égard du plaignant (voir la Partie I de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11)).

[23] Je veux également faire le point sur ce qui définit la compétence de la Commission. Celle-ci est un tribunal administratif, qui ne peut exercer sa compétence que dans les limites données par sa loi habilitante.

[24] La plainte est déposée en vertu des sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi. Ces dispositions visent à empêcher l’employeur d’exercer des représailles contre un employé pour avoir, entre autres, déposé un grief ou pour avoir exercé ses droits en vertu des parties 1, 2 ou 2.1 de la Loi. Le paragraphe 191(3) de la Loi prévoit que la présentation écrite d’une plainte faisant état d’une contravention du paragraphe 186(2) constitue une preuve de la contravention et qu’il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire. Cependant, avant que l’on puisse demander à l’employeur de prouver qu’il n’a pas contrevenu aux interdictions, le plaignant doit se fonder sur une des circonstances prévues au paragraphe 186(2). Il doit présenter une cause défendable d’une violation du paragraphe 186(2) de la Loi (voir Quadrini c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 37). Or, même en prenant les allégations du plaignant pour vraies, il n’y a rien qui indique une mesure de représailles qui fait suite à l’exercice de ses droits en vertu de la Loi.

[25] Le plaignant s’est prévalu du recours prévu par la Loi, soit le dépôt de griefs contre ses conditions d’emploi. Les actions qu’il reproche à l’employeur, soit d’imposer la vaccination et de ne pas tenir compte de son conflit de loyauté, ne font pas suite au dépôt des griefs, elles le précèdent. Le plaignant n’a pas décrit comment ces actions peuvent être des mesures de représailles motivées par l’exercice d’un droit de recours, soit en refusant de l’employer, en le suspendant ou en faisant à son égard des distinctions illicites. De même, bien que le plaignant fasse allusion aux rapports et décisions qui parlent de problèmes de relations de travail à la GRC, ces faits ne touchent pas les violations de la Loi qu’il allègue. Par conséquent, de façon semblable à la situation dans Musolino, le plaignant n’a présenté aucune allégation ni aucun argument pour démontrer comment l’employeur a enfreint les sous‑alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi.

[26] Le plaignant soutient que l’action de l’employeur a brimé ses droits en vertu de la Charte. La Commission convient que l’application des lois doit se faire dans le respect des valeurs de la Charte, comme la Cour suprême du Canada l’a maintes fois répété. Le problème, dans le présent cas, c’est que le plaignant n’a pas démontré comment les dispositions invoquées s’appliquent. S’il y a atteinte aux droits prévus par la Charte, le plaignant n’a pas expliqué comment cela se rapporte aux sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi. Il n’y a pas pour la Commission une compétence résiduelle qui lui permettrait de considérer les actions de l’employeur à la simple lumière de la Charte. Au risque de me répéter, la Commission ne peut agir que dans le cadre donné par sa loi habilitante (voir R. v. Conway, 2010 SCC 22).

[27] Le libellé des dispositions invoquées est étroit. Il ne protège pas contre toute atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution canadienne. Il protège uniquement contre des représailles appliquées pour l’exercice des droits prévus dans la Loi.

[28] Le plaignant a cité nombre de décisions dans lesquelles la compétence de la Commission avait été contestée par l’employeur, à tort selon la Commission, et dans certains cas selon la Cour d’appel fédérale (voir Féthière c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 16; Alexis c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CRTESPF 9; Nasrallah c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 12; Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113).

[29] Dans toutes ces décisions, la disposition en cause était l’article 209 de la Loi, qui définit quels sont les griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Le raisonnement applicable aux griefs n’est pas transférable aux plaintes, parce que les conditions d’application ne sont pas les mêmes. Lorsque la jurisprudence reconnaît la compétence de la Commission, alors qu’elle est contestée par l’employeur, elle le fait en interprétant l’article 209 de la Loi. Cette interprétation ne peut valoir pour les plaintes, situées dans une autre partie de la Loi, sous des dispositions bien différentes.

[30] Dans le cas des plaintes prévues à l’alinéa 190(1)g), leur portée se restreint aux termes de la Loi, dans un but précis : prévenir une pratique déloyale, spécifiquement définie.

[31] Le plaignant peut considérer que le fait de ne pas tenir compte de son conflit de loyauté constitue selon lui une pratique déloyale. Toutefois, encore une fois, un tribunal administratif tel que la Commission n’exerce sa compétence que dans les limites de sa loi habilitante. Je ne peux étendre la définition de « pratique déloyale » pour y inclure une situation qui n’est simplement pas prévue par la Loi.

[32] L’objection du défendeur était formulée en termes de la compétence de la Commission. La Commission conclut que les allégations du plaignant, même tenues pour vraies, ne pourraient établir une violation des sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi. Par conséquent, la plainte est rejetée.

[33] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

IV. Ordonnance

[34] La plainte est rejetée.

Le 4 mai 2023.

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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