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Date: 20230413

Dossier: 566‑02‑14242

 

Référence: 2023 CRTESPF 35

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Heather Nash

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

administrateur général

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Nash c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Elle‑même

Pour le défendeur : Amanda Bergmann

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 4 novembre, les 21 au 23 et le 30 décembre 2021 et le 18 janvier 2022. (Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Heather Nash, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était auparavant employée par le Conseil du Trésor à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») à titre de commis au courrier CR‑03 (le « poste CR‑03 »). Elle a reçu l’approbation de prendre sa retraite pour des raisons médicales en 2015. Elle a pris sa retraite de la fonction publique fédérale pour des raisons médicales à compter du 2 septembre 2016.

[2] Le 8 août 2016, la fonctionnaire a déposé le grief suivant :

[Traduction]

[…]

Je dépose un grief contre le fait que l’employeur a fait preuve de discrimination envers moi dans le cadre de mon emploi, contrairement aux dispositions du code canadien des droits de la personne. J’ai une incapacité physique dont l’employeur a été informé et pourtant, il n’a pris aucune mesure d’adaptation pour répondre à mes besoins ni même reconnu l’incapacité.

[…]

 

[3] La fonctionnaire a demandé les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

[…]

que je retourne au travail à un poste qui réponde convenablement à mon incapacité, que je sois indemnisée intégralement, ce qui comprend le versement de tous les salaires, les avantages sociaux et les crédits de pension perdus ainsi que les autres avantages que j’accumule en tant qu’employée.

 

[4] Le 1er mai 2017, la fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2). Elle a fourni l’avis de renvoi à l’arbitrage à la Commission canadienne des droits de la personne.

[5] Le 4 novembre 2021, l’employeur a déposé une objection préliminaire à la compétence de la Commission. La présente décision tranche cette objection.

[6] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[7] Dans la présente décision, la Commission et ses prédécesseurs sont appelés la « Commission ».

[8] Le présent cas a été instruit par écrit à la demande de la fonctionnaire et en raison de renseignements médicaux indiquant qu’elle n’était pas en mesure de participer à une audience.

II. Les faits

[9] L’historique de la carrière de la fonctionnaire à la fonction publique fournit un certain contexte pour les événements qui sous‑tendent le grief. Le 20 octobre 2021, la Commission a résumé la situation comme suit dans ses instructions aux parties :

[Traduction]

[…]

En août 2001, la fonctionnaire a été licenciée de son emploi à titre d’inspectrice des douanes PM‑02 en raison de son incapacité. Le 17 octobre 2007, un examinateur tiers indépendant (ETI) a conclu que la fonctionnaire avait été victime d’une discrimination fondée sur son incapacité et elle a reçu une indemnisation à cet égard. La fonctionnaire, avec l’aide de son agent négociateur, et l’employeur ont signé un protocole d’entente (PE) concernant le retour au travail de la fonctionnaire en 2009 à un poste au groupe et au niveau CR‑03. Le 8 août 2016, la fonctionnaire a accepté la retraite pour raisons médicales et a donné une date de retraite du 2 septembre 2016.

[…]

 

[10] Les documents reçus comportant les arguments des parties indiquent qu’à la suite de la décision de l’examinateur tiers indépendant (ETI), l’employeur et l’agent négociateur de la fonctionnaire ont signé un protocole d’entente (PE) en 2009, dont une condition énonçait expressément ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employée et l’AFPC conviennent de ce qui suit :

7. Consentir à la rétrogradation pour des raisons non disciplinaires à un poste de niveau inférieur, soit commis, salle de courrier, CR‑3, au bureau régional de Windsor St Clair de l’ASFC, le 1er mars 2010.

[…]

 

[11] Conformément au PE, l’employeur a préparé une offre de mutation pour le poste CR‑03. Lorsqu’elle s’est présentée au travail le 1er mars 2010, la fonctionnaire l’a signé pour indiquer son acceptation.

[12] Le 20 janvier 2011, la fonctionnaire a commencé un congé non payé pour cause de maladie. Elle a par la suite fait la transition aux prestations d’invalidité de longue durée de la société d’assurance Sun Life (« Sun Life ») à compter du 5 février 2011. Elle n’est jamais retournée au lieu de travail.

[13] Selon les documents dont dispose la Commission, le 6 février 2013, la Sun Life a informé la fonctionnaire qu’elle était [traduction] « […] considérée comme ayant une invalidité totale et étant incapable d’occuper une profession équivalente ». Les prestations d’invalidité totale ont été approuvées.

[14] Le 14 octobre 2013, le médecin de la fonctionnaire a indiqué qu’elle était [traduction] « […] atteinte d’une incapacité permanente et incapable de retourner au travail ».

[15] Le 11 mars 2013, le 14 mars 2016 et le 21 juillet 2016, l’employeur a envoyé et envoyé à nouveau des lettres à la fonctionnaire lui offrant trois options : la retraite, la démission ou le licenciement. Chaque option aurait eu pour effet de mettre fin à son emploi dans la fonction publique. Tout au long de ces années, la fonctionnaire a continué de manifester son désir de retourner au travail. Des plans de retour au travail ont été étudiés avec un consultant en santé au travail dont les services ont été retenus par la Sun Life. Toutefois, elle n’a jamais été en mesure de retourner au travail.

[16] En 2015, Santé Canada a approuvé la retraite pour raisons médicales de la fonctionnaire. Comme il a été indiqué, elle a pris sa retraite de la fonction publique fédérale pour des raisons médicales à compter du 2 septembre 2016. Peu avant cette date, elle a présenté le grief qui a été renvoyé à l’arbitrage.

III. Objection préliminaire à la compétence de la Commission

A. Pour l’employeur

[17] Le 20 octobre 2017, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission à l’égard du grief. Les motifs de l’objection ont été décrits dans ses arguments du 4 novembre 2021.

[18] L’employeur a fait remarquer que la Commission ne pouvait examiner que les allégations de discrimination découlant de questions relevant du paragraphe 209(1) de la Loi et a soutenu que le grief ne découlait d’aucun motif de renvoi.

[19] Même si le grief a été renvoyé à la Commission en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la Loi, l’employeur a examiné l’applicabilité de chaque alinéa du paragraphe 209(1) au pouvoir de la Commission de procéder à l’arbitrage du grief. Les arguments sont résumés comme suit.

1. Alinéa 209(1)a)

[20] L’alinéa 209(1)a) de la Loi porte sur l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. Conformément au paragraphe 209(2), avant de poursuivre, un fonctionnaire s’estimant lésé doit obtenir l’approbation de l’agent négociateur pour se représenter lui‑même devant la Commission dans une telle affaire. La fonctionnaire n’a pas obtenu l’approbation requise. Par conséquent, le grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a).

2. Alinéa 209(1)b)

[21] L’alinéa 209(1)b) de la Loi autorise le renvoi à l’arbitrage d’un grief découlant d’une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Aucune forme de mesure disciplinaire n’est alléguée dans le grief. Par conséquent, l’alinéa 209(1)b) ne s’applique pas et la Commission n’avait pas compétence à l’égard du grief.

3. Alinéa 209(1)c)

[22] L’alinéa 209(1)c) de la Loi est divisé en deux parties. La première partie porte sur la rétrogradation ou le licenciement prévus par la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11; la « LGFP ») en vertu des alinéas 12(1)d) et e) pour un rendement insatisfaisant ou pour une raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite. La deuxième partie concerne une mutation sans consentement.

[23] La réparation demandée est le retour de la fonctionnaire à un poste qui tient compte de son incapacité. L’employeur fait valoir que son licenciement en 2001, sa réintégration à un poste CR‑03 de niveau inférieur en 2010 et sa retraite pour des raisons médicales en 2016 sont les seuls événements que peut viser le grief.

[24] L’ETI a rendu une décision relative au licenciement. Il s’agissait de l’autorité d’examen appropriée à l’époque. Par conséquent, sa décision a tranché de manière définitive la question (appelé également res judicata) conformément à Tuccaro c. Canada, 2014 CAF 184, car les mêmes parties étaient impliquées, la question était la même et la décision de l’ETI était définitive.

[25] À la suite de la décision de l’ETI, l’employeur a annulé le licenciement et a réintégré la fonctionnaire au lieu de travail, conformément aux modalités d’un protocole de règlement. Si la fonctionnaire estimait que les conditions d’emploi ou les mesures d’adaptation proposées au moment de la réintégration étaient inadéquates, elle aurait pu déposer un grief au moment opportun. Elle ne l’a pas fait et le moment est maintenant passé.

[26] La rétrogradation découlait de la décision de l’ETI. Il s’agissait de muter la fonctionnaire d’un poste PM‑02 au poste CR‑03. Elle était volontaire et a été mise en œuvre conformément aux modalités du protocole d’entente. La Commission n’a pas le pouvoir de remettre en question l’entente conclue entre les parties, qui énonçait expressément que la rétrogradation était pour des motifs autres que disciplinaires et qu’elle constituait un règlement complet et définitif de toutes les questions liées à l’emploi entre la fonctionnaire et l’employeur.

[27] De plus, la fonctionnaire n’allègue pas qu’elle a accepté la retraite pour des raisons médicales sous la contrainte. Quoi qu’il en soit, la retraite pour des raisons médicales est entrée en vigueur le 2 septembre 2016, après le dépôt du grief.

4. Alinéa 209(1)d)

[28] Cet alinéa ne s’applique pas. Il exige que l’employé soit employé dans un organisme distinct, ce qui n’était pas le cas de la fonctionnaire. Elle avait antérieurement été employée dans l’administration publique centrale au sens de la LGFP.

[29] De plus, l’employeur a invoqué la retraite de la fonction publique pour des raisons médicales de la fonctionnaire en tant qu’obstacle à la compétence de la Commission, en citant l’article 211 de la Loi, qui exclut le renvoi à l’arbitrage de tout grief concernant un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). Étant donné que la retraite pour des raisons médicales constitue un licenciement volontaire en vertu de la LEFP, elle ne relève pas de la compétence de la Commission.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[30] La fonctionnaire a présenté quatre arguments entre le 21 et le 30 décembre 2021 pour répondre à l’objection préliminaire. Ils fournissent un examen exhaustif des événements à compter de son évaluation aux fins d’un poste d’inspectrice des douanes (PM‑02) en 1999.

[31] La fonctionnaire a répété qu’elle avait déposé le grief en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la Loi et a déclaré ce qui suit : [traduction] « Le grief que j’ai déposé ne portait, en aucun temps, sur un licenciement en 2001. Il a toujours porté sur les déclarations faites par l’employeur lors de la réunion du 30 juin 2016. »

[32] La fonctionnaire a indiqué qu’au cours de la réunion du 30 juin 2016, un représentant de l’employeur lui a dit qu’il ne croyait pas qu’elle était handicapée et que l’employeur n’avait pas à prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son handicap. Elle a fourni des affidavits d’autres participants à la réunion à cet effet.

[33] De l’avis de la fonctionnaire, toute mesure d’adaptation prise antérieurement pour satisfaire à ses besoins doit être examinée dans cette optique. Il s’agit de l’élément essentiel du grief.

IV. Analyse

[34] Le législateur a créé la Commission et son pouvoir lui est conféré par la Loi. Lorsque le grief a été renvoyé à l’arbitrage, la Commission était régie par la Loi.

[35] En ce qui concerne les griefs renvoyés à l’arbitrage, le pouvoir de la Commission est limité par le paragraphe 209(1) de la Loi. Lorsque le grief a été renvoyé à l’arbitrage, ce paragraphe énonçait ce qui suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

(1) An employee may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(c) in the case of an employee in the core public administration,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui‑ci était nécessaire;

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

[36] La fonctionnaire a déclaré clairement que le renvoi de son grief à l’arbitrage était fondé sur l’alinéa 209(1)c) de la Loi. Néanmoins, compte tenu du fait qu’elle se représentait elle‑même, la Commission a examiné toutes les dispositions du paragraphe 209(1) avant de décider si elle avait compétence à l’égard de la question.

[37] En ce qui concerne l’alinéa 209(1)a), le renvoi à l’arbitrage ne comportait pas l’approbation de l’agent négociateur requise pour représenter la fonctionnaire dans cette affaire, conformément au paragraphe 209(2). Sans cette approbation, la Commission n’a pas le pouvoir d’instruire l’affaire en vertu de l’alinéa 209(1)a).

[38] En ce qui concerne l’alinéa 209(1)b), à première vue, le grief ne comporte aucune allégation selon laquelle l’employeur a imposé un élément de mesure disciplinaire. Les réponses au grief ne comportent pas non plus une mention de mesure disciplinaire. J’accepte que la fonctionnaire n’allègue pas qu’elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire liée aux événements en litige. En l’absence d’une mesure disciplinaire, la Commission n’a pas compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b). (Voir Matchett c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 6.)

[39] Pour ce qui est de l’alinéa 209(1)c), le présent cas ne comporte aucune allégation de rétrogradation, de licenciement pour rendement insatisfaisant ou de tout autre motif n’ayant aucun lien avec une mesure disciplinaire ou une inconduite, ni une mutation sans consentement.

[40] Les documents indiquent plutôt que la fonctionnaire a réglé la question de son licenciement en 2001 et qu’en 2010, elle a accepté de retourner au travail au poste CR‑03. Elle a fait la transition vers un congé d’invalidité de longue durée en 2011. En 2013, son médecin l’a informée qu’elle était atteinte d’une incapacité permanente et qu’elle n’était pas apte à retourner à un travail quelconque. Elle a pris sa retraite de la fonction publique pour des raisons médicales à compter de septembre 2016.

[41] Il se peut que la fonctionnaire soit venue devant la Commission pour déclarer qu’elle a été licenciée involontairement, car elle s’était sentie contrainte à accepter la retraite pour des raisons médicales en raison des options que l’employeur lui avait présentées de 2013 à 2016. Toutefois, cela n’est pas évident dans le grief.

[42] Même si c’était le cas, l’argument a été examiné en détail dans Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90, qui est un cas comparable où le fonctionnaire s’estimant lésé était absent du lieu de travail pendant une période prolongée sans une date prévisible de retour au travail. L’employeur a présenté au fonctionnaire s’estimant lésé des options semblables et il a choisi ce qu’il considérait être une retraite pour des raisons médicales forcée. Il a soutenu que puisqu’il avait été forcé de prendre sa retraite, il s’agissait d’un licenciement qui relevait de l’alinéa 209(1)c) de la Loi et que l’employeur aurait pu continuer à satisfaire à ses besoins de mesures d’adaptation au moyen d’un congé.

[43] Dans Mutart, au paragraphe 92, la Commission a conclu que la démission de la fonction publique, y compris la retraite pour des raisons médicales, est volontaire en déclarant qu’elle est « […] une coupure unilatérale de la relation d’emploi de la part d’un employé ».

[44] De plus, la Commission a conclu qu’elle n’avait aucun pouvoir à l’égard de la démission. En premier lieu, la LEFP prévoit la démission à l’article 63 et, en deuxième lieu, l’article 211 de la Loi interdit expressément « […] le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur : […] tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […] ».

[45] Par conséquent, même si le fonctionnaire s’estimant lésé dans Mutart a affirmé qu’il avait pris sa retraite contre son gré et qu’il aurait préféré demeurer en congé prolongé, la Commission a conclu que son choix de prendre sa retraite de la fonction publique pour des raisons médicales l’empêchait d’examiner davantage la question.

[46] Conformément à ce raisonnement, dans Stevenson c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2016 CRTEFP 17, au paragraphe 71, la Commission a déclaré que « [d]es pressions pécuniaires ne constituent pas une contrainte et la décision de prendre sa retraite, par conséquent, n’est pas un geste involontaire […] ».

[47] Dans le présent cas, la fonctionnaire a choisi de prendre sa retraite de la fonction publique pour des raisons médicales. Cette décision a été étayée par des preuves médicales présentées par son propre professionnel de la santé. La retraite pour des raisons médicales est une mesure volontaire prise par un employé pour mettre fin à la relation de travail. Elle ne constitue pas un licenciement. Conformément à Mutart et à Stevenson, la Commission n’a pas compétence pour l’examiner en vertu de l’alinéa 209(1)c).

[48] En conclusion, en ce qui concerne l’alinéa 209(1)c), le grief ne porte pas sur une rétrogradation, un licenciement ou une mutation qui relèverait de la compétence de la Commission.

[49] En ce qui concerne l’alinéa 209(1)d), la fonctionnaire n’était pas une employée d’un organisme distinct, mais de l’employeur. Il fait partie de l’administration publique centrale, conformément à ce qui est indiqué à l’annexe IV de la LGFP. Par conséquent, elle ne pouvait pas invoquer l’alinéa 209(1)d) afin que la Commission accepte le renvoi à l’arbitrage.

[50] Enfin, tout au long de ses arguments, la fonctionnaire a répété que ses griefs portaient sur des déclarations qu’un représentant du ministère lui avait faites le 30 juin 2016. Elle a allégué qu’il avait déclaré qu’il doutait qu’elle soit handicapée. À son avis, la déclaration contrevenait à ses droits de la personne.

[51] Comme il a été indiqué, le paragraphe 209(1) limite le pouvoir de la Commission de procéder à l’arbitrage d’un grief. Le grief doit être lié aux motifs énoncés au paragraphe 209(1). Le présent grief ne porte sur aucun de ces motifs. Il s’agit d’une plainte autonome en matière de droits de la personne dans laquelle il est allégué que les mots utilisés lors de la réunion du 30 juin 2016 étaient discriminatoires. La fonctionnaire l’a précisé clairement dans ses arguments écrits à la Commission.

[52] La Commission ne peut interpréter ou appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6) que dans les cas où elle a compétence sur le fond du grief. Dans le présent cas, elle n’a pas compétence et l’affaire ne peut pas être instruite davantage (voir Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115; confirmée dans 2015 CF 50).

[53] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

[54] La Commission n’a pas compétence pour instruire la présente affaire.

[55] La fermeture du dossier est ordonnée.

Le 13 avril 2023.

Traduction de la CRTESPF

Joanne Archibald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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