Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté des plaintes en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) alléguant un abus de pouvoir dans un processus de nomination interne annoncé visant à doter un poste d’agent principal de l’observation des échanges commerciaux de groupe et de niveau FB-04 – le plaignant a allégué que l’intimé avait rejeté sa candidature à la suite d’un processus de sélection trompeur, parce qu’il considérait que le plaignant s’exprimait en anglais avec un accent et en raison de sa race – l’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir – une date d’audience a été fixée et les parties ont été informées du besoin de fixer une conférence préparatoire à l’audience – le plaignant a informé qu’il n’assisterait pas à l’audience ni à aucune autre procédure et qu’elles devraient se dérouler sans lui – l’intimé a déposé une requête visant à faire rejeter les plaintes aux motifs que le plaignant ne pourra pas s’acquitter de son fardeau de la preuve et qu’il avait effectivement abandonné ses plaintes – le plaignant n’a pas répondu à la requête et n’a communiqué davantage avec la Commission ou l’intimé – l’audience a été annulée – la Commission a accueilli la requête et a rejeté les plaintes – les faits étaient clairement contestés et ne pouvaient être réglés qu’au moyen d’une audience – le plaignant ne pouvait pas simplement s’appuyer sur les déclarations contenues dans ses plaintes et les allégations pour établir l’abus de pouvoir – la décision du plaignant de ne pas se présenter à l’audience a eu pour conséquence que, si celle ci avait été tenue, aucune preuve n’aurait été apportée à l’appui de son argumentation – en raison de son défaut de communication et de participation aux procédures, le plaignant a effectivement abandonné ses plaintes.

Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Date: 20230418

Dossiers: 771-02-40646, 40689, 40690 et 40700

 

Référence: 2023 CRTESPF 39

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

ENTRE

 

Ricardo Silva

plaignant

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

intimé

Répertorié

Silva c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir déposées en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Personne

Pour l’intimé : Ryssa Ndabihore, parajuriste, Services juridiques du Conseil du Trésor

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras, analyste principal

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 16 décembre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Requête visant à faire rejeter les plaintes

[1] En juin et juillet 2019, Ricardo Silva (le « plaignant ») a déposé quatre plaintes auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), dans lesquelles il a allégué un abus de pouvoir de la part du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« intimé »). Les quatre plaintes visent le processus de nomination interne annoncé (portant le numéro 2018-IA-QC-900-FB_04-212) concernant un poste d’agent principal de l’observation des échanges commerciaux de groupe et de niveau FB-04. Les quatre plaintes ont été regroupées sous le dossier principal 771‑02-40646 de la Commission.

[2] Le plaignant a affirmé que l’intimé avait rejeté sa candidature à la suite d’un processus de sélection trompeur et parce que ce dernier considérait que le plaignant s’exprimait en anglais avec un accent, et ce, en dépit des compétences avérées de ce dernier et de son expérience de travail antérieure. Le plaignant a affirmé que l’intimé avait rejeté sa candidature en partie en raison de sa race (latino) ou de son origine nationale ou ethnique (brésilienne).

[3] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination et avoir commis d’autres actes répréhensibles.

[4] Les plaintes devaient être entendues les 16 et 17 février 2023. Le 13 décembre 2022, le greffe de la Commission a écrit aux parties pour fixer une conférence préparatoire à l’audience. Le 14 décembre 2022, le plaignant a informé la Commission qu’il ne pourrait pas assister à l’audience et que celle-ci, ainsi que toute autre procédure, devrait se dérouler sans lui.

[5] Le 16 décembre 2022, l’intimé a présenté une requête visant à faire rejeter les plaintes. Il a soutenu que la décision du plaignant de ne pas se présenter à l’audience signifie qu’il ne pourra pas s’acquitter de son fardeau de la preuve et que cela équivaut à un abandon de ses plaintes. Pour ces motifs, l’intimé a demandé l’annulation de l’audience devant se tenir les 16 et 17 février 2023 et le rejet des plaintes.

[6] Le 13 janvier 2023, la Commission a annulé l’audience et a informé les parties qu’une décision écrite concernant la requête de l’intimé serait rendue ultérieurement.

[7] Pour les motifs exposés ci-après, la Commission estime qu’il convient d’accueillir la requête de l’intimé et de rejeter les plaintes.

II. Contexte

[8] Le 25 septembre 2018, l’intimé a affiché le processus de sélection annoncé afin de constituer un bassin de candidats pour le poste d’agent principal de l’observation des échanges commerciaux.

[9] Le 9 octobre 2018, le plaignant a soumis sa candidature et a ensuite pris part au processus de sélection.

[10] Le 16 avril 2019, le plaignant a été informé que sa candidature ne serait pas davantage étudiée car il n’avait pas obtenu la note de passage en ce qui concerne les exigences [traduction] « Capacité à communiquer efficacement de vive voix » et [traduction] « Adaptabilité » à l’étape de l’entrevue. Les notes de passage étaient respectivement de 7/10 et 6/10, et il a obtenu les notes de 6/10 et 3,5/10.

[11] Les 6 et 13 juin, ainsi que les 3 et 17 juillet 2019, l’intimé a affiché un « Avis de nomination ou de proposition de nomination » (ANPN) en vue de la nomination promotionnelle de six personnes.

[12] Chaque ANPN a donné lieu à une plainte distincte (dossiers 771-02-40646, 40689, 40690 et 40700 de la Commission), mais les motifs invoqués pour chacune de ces plaintes sont identiques.

[13] La Commission canadienne des droits de la personne a été informée de l’existence de ces plaintes, dans la mesure où celles-ci comportaient des allégations de discrimination. Le 18 juillet 2019, elle a indiqué qu’elle ne prendrait pas part à la procédure et qu’elle ne présenterait pas d’arguments.

[14] Le 15 juillet 2020, le Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada (SEIC) a cessé de représenter le plaignant dans la présente affaire.

[15] Le 16 juillet 2020, le plaignant a fourni, à l’appui de ses plaintes, un exposé détaillé de 8 pages de ses allégations et arguments, ainsi que 25 documents à l’appui.

[16] Le 7 août 2020, l’intimé a répondu aux allégations. Il a nié tout abus de pouvoir ou acte répréhensible de sa part. Dans sa réponse, il a contesté les allégations du plaignant selon lesquelles le processus de sélection était trompeur et que l’accent du plaignant était mal perçu. Il a soutenu que le plaignant ne répondait pas aux critères de mérite et que, pour cette raison, sa candidature avait été rejetée.

[17] Le 26 octobre 2022, le greffe de la Commission a avisé les parties par courriel que l’audience relative aux plaintes se tiendrait les 16 et 17 février 2023, par vidéoconférence. Une copie de la Politique sur les remises d’audiences de la Commission était jointe à l’avis.

[18] Le 28 novembre 2022, l’intimé a envoyé un courriel au greffe de la Commission, avec copie au plaignant, et a demandé à ce que des services d’interprétation soient fournis à l’audience.

[19] Le 13 décembre 2022, le greffe de la Commission a informé les parties par courriel qu’une conférence préparatoire à l’audience devait être organisée avant la tenue de l’audience, afin de discuter des questions relatives au dossier. Les parties ont reçu des propositions de dates pour les deux premières semaines de janvier 2023 et ont été invitées à confirmer leur disponibilité auxdites dates.

[20] Tous les courriels susmentionnés ont été envoyés à l’adresse électronique que les parties et la Commission avaient déjà utilisée pour communiquer avec le plaignant. Le 13 décembre 2022, le courriel qui lui a été adressé a été retourné comme étant non distribuable.

[21] Le 14 décembre 2022, le greffe de la Commission a écrit à l’intimé et au SEIC pour les informer qu’il avait tenté de contacter le plaignant par téléphone et par courriel, en vain, et leur a demandé de lui communiquer les coordonnées les plus récentes dont ils disposaient. L’intimé a fourni à la Commission une adresse électronique personnelle le jour même.

[22] Le 14 décembre 2022, le plaignant a répondu au courriel de la Commission du 13 décembre 2022 et a fourni de nouvelles coordonnées pour le joindre. Il a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne la conférence préparatoire à l’audience, serait-il possible de la tenir en mode virtuel sur MS Teams? À quel moment de la journée?

Votre réponse m’aidera à décider quel jour choisir.

Nota bene : Je ne serai pas au Canada du vendredi 10 février 2023 au samedi 4 mars 2023.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[23] Le même jour, la Commission a envoyé le courriel suivant aux parties :

[Traduction]

[…]

J’accuse réception d’un courriel envoyé par Ricardo Silva le 14 décembre 2022, fournissant à la Commission ses coordonnées mises à jour.

Les conférences préparatoires à l’audience se déroulent actuellement par vidéoconférence. Nous utilisons généralement Zoom, mais nous pouvons utiliser MS Teams si une partie n’est pas en mesure d’utiliser Zoom. En ce qui concerne l’heure, veuillez confirmer votre disponibilité, notamment l’heure à laquelle vous êtes disponible, aux dates suivantes fournies par la Commission.

• Mercredi 4 janvier 2023

• Jeudi 5 janvier 2023

• Jeudi 12 janvier 2023

• Vendredi 13 janvier 2023

Sachez que la Commission a prévu la tenue d’une audience concernant les questions susmentionnées les 16 et 17 février 2023.

Le plaignant peut-il indiquer s’il assistera à l’audience?

L’audience se déroulera par vidéoconférence. Si le plaignant n’est pas en mesure d’assister à l’audience, il doit demander un ajournement et fournir les motifs de sa demande conformément aux lignes directrices de la Commission sur les demandes d’ajournement. Dans le cas contraire, l’audience se déroulera comme prévu.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[24] Le même jour, le plaignant a répondu par courriel, comme suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez noter que je ne suis pas en mesure de m’absenter de mon travail pour assister à l’audience. Je ne savais pas qu’il s’agirait d’une journée entière, désolé.

Je consens à ce que l’audience et toute autre procédure se poursuivent comme prévu sans ma présence.

[…]

 

[25] Le 16 décembre 2022, l’intimé a présenté sa requête demandant que l’audience soit annulée et que les plaintes soient rejetées, car le plaignant avait indiqué qu’il ne se présenterait pas à l’audience ou à toute autre procédure liée à la présente affaire. L’intimé a présenté des arguments détaillés à l’appui de sa requête, qui sont résumés plus loin dans la présente décision.

[26] Il convient de préciser que les arguments indiquent que, le 15 décembre 2022, l’intimé a informé le plaignant qu’il consentirait à remettre l’audience à une date ultérieure si ce dernier le demandait, mais le plaignant a répondu qu’il ne demanderait pas de report et qu’il maintenait que l’audience devait se dérouler sans sa présence.

[27] Le 16 décembre 2022, le greffe de la Commission a écrit aux parties et a donné au plaignant l’occasion de répondre à la requête visant à faire rejeter ses plaintes. Il lui a donné jusqu’au 6 janvier 2023 pour fournir des arguments écrits et à l’intimé jusqu’au 13 janvier 2023 pour y répondre. Le greffe a informé les parties que la Commission rendrait une décision écrite sur la base de ces arguments. Ces informations ont été envoyées à la toute dernière adresse électronique que le plaignant a fournie et utilisée les 14 et 15 décembre 2022.

[28] Le plaignant n’a pas fourni de réponse avant la date limite du 6 janvier 2023, ni aucun accusé de réception.

[29] Le 9 janvier 2023, l’intimé a écrit au greffe de la Commission et au plaignant pour leur indiquer qu’il n’avait pas reçu la réponse du plaignant à sa requête et que, par conséquent, il n’avait pas de réponse à soumettre. Le plaignant n’a pas accusé réception de cette communication et n’y a pas répondu.

[30] Le 13 janvier 2023, le greffe de la Commission a avisé les parties que l’audience devant se tenir les 16 et 17 février était annulée et qu’une décision écrite concernant la requête de l’intimé serait rendue. Le plaignant n’a pas accusé réception de cet avis et n’y a pas répondu.

III. Résumé de l’argumentation

[31] L’intimé soutient que la tenue d’une audience n’est pas nécessaire dans ces circonstances et que la Commission devrait rejeter les plaintes pour les motifs suivants :

• Le plaignant a indiqué qu’il n’assistera pas à l’audience ni à aucune des procédures dans la présente affaire.

• L’article 29 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6) autorise la Commission à tenir une audience et à statuer sur une plainte sans autre avis si l’une des parties ne se présente pas à l’audience.

• Le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Pour s’acquitter de ce fardeau, il doit présenter des preuves lors de l’audience, car les allégations seules ne constituent pas des preuves. Dans des décisions antérieures, la Commission a estimé que lorsqu’un plaignant ne se présente pas à une audience concernant une plainte en matière de dotation, il ne s’acquitte pas du fardeau de la preuve qui lui incombe et l’affaire peut être classée sans suite.

• Le manque d’intérêt du plaignant pour ses plaintes démontre clairement qu’il les a abandonnées. La Commission a estimé que le manque de coopération d’un plaignant, ainsi que sa non-comparution, suffisent à établir l’abandon d’une plainte. La Commission a également conclu dans des cas similaires que l’intérêt public et l’administration efficace de la justice justifiaient que les plaintes en l’espèce soient considérées comme abandonnées.

 

[32] L’intimé invoque Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 50; Patwell c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social, 2018 CRTESPF 37, aux paragraphes 31, 34 et 35; Sharma c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2011 TDFP 27, au paragraphe 12; Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14, au paragraphe 49; Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2007 TDFP 20, aux paragraphes 24, 33 et 50; Kerr c. Statisticien en chef du Canada de Statistique Canada, 2012 TDFP 1; Taticek c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2019 CRTESPF 18, au paragraphe 12; Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2011 CRTFP 143, au paragraphe 15; Smid c. Administrateur général (Service administratif des tribunaux judiciaires), 2014 CRTFP 24, aux paragraphes 24 à 26; et Champagne c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 44.

IV. Motifs

[33] L’intimé fait valoir que l’audience devrait être annulée et les plaintes rejetées au motif que la décision du plaignant de ne pas assister à l’audience signifie qu’il ne peut pas s’acquitter du fardeau de la preuve et équivaut à l’abandon de ses plaintes. Je suis d’accord pour les motifs exposés ci-après.

[34] Tout d’abord, j’estime que pour statuer sur ces plaintes, la tenue d’une audience est nécessaire.

[35] La Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) prévoit que la Commission peut trancher toute affaire dont elle est saisie sans tenir d’audience (voir l’art. 22). Je ne crois pas qu’il soit possible de le faire dans le présent cas.

[36] J’ai examiné avec attention les allégations détaillées et les documents à l’appui présentés par le plaignant, ainsi que la réponse de l’intimé à ces allégations. Il est clair que les faits du présent cas sont contestés. C’est la raison pour laquelle une audience a été fixée.

[37] Après avoir établi la nécessité de tenir une audience dans le présent cas, la deuxième question à aborder est celle de savoir si le plaignant pouvait néanmoins s’acquitter de son fardeau de la preuve sans être présent à l’audience.

[38] À cet égard, l’intimé a renvoyé à un certain nombre de décisions de la Commission et de ses prédécesseurs. J’estime que les faits du présent cas se rapprochent particulièrement de ceux de Taticek. Dans cette décision, M. Taticek avait demandé que la Commission rende une décision fondée uniquement sur le dossier de la Commission. La Commission a estimé, aux paragraphes 12 et 13, que les plaintes et les allégations ne peuvent pas être considérées comme des preuves :

12 Comme il est indiqué ci-dessus, le plaignant a demandé à la Commission de rendre directement une décision sur la foi du dossier. Par conséquent, il a décidé de ne pas présenter de preuves dans le cadre d’une audience. La description de la plainte dans chacun des formulaires de plainte ainsi que les allégations correspondantes au dossier pour chacune des affaires constituent le fondement des plaintes d’abus de pouvoir. Cependant, les descriptions des plaintes et les allégations au dossier ne constituent pas des éléments de preuve devant la Commission, lesquels peuvent lui être présentés au moyen, par exemple, d’affidavits ou de témoignage dans le cadre d’une audience. Une simple affirmation ne suffit pas; il doit y avoir une preuve quelconque pour l’appuyer (voir Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2016 CRTEFP 33).

13 Sans preuve, la Commission n’a aucun fondement pour se prononcer sur la validité des plaintes. Pour ce motif, les plaintes doivent être rejetées.

[Je mets en évidence]

 

[39] Dans Portree, l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a expliqué que, pour conclure à l’existence d’un abus de pouvoir, la présentation de preuves convaincantes est nécessaire :

[…]

47 L’allégation d’abus de pouvoir est une question très grave et ne doit pas être prise à la légère. En résumé, pour obtenir gain de cause devant le Tribunal, une plainte d’abus de pouvoir doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a un acte répréhensible grave ou une faute majeure dans le processus, qui constitue plus qu’une simple erreur, omission ou conduite irrégulière justifiant l’intervention du Tribunal.

[…]

49 Les employés qui allèguent qu’il y a eu abus de pouvoir et qui, partant, invoquent une contravention à la LEFP et souhaitent obtenir un redressement en raison de cette contravention, doivent présenter des éléments de preuve et des arguments convaincants pour obtenir gain de cause […]

[Je mets en évidence]

 

[40] De même, lorsque le plaignant formule une allégation de discrimination, il lui incombe d’établir une preuve à première vue (voir Lablack c. Sous-ministre de Santé Canada, 2013 TDFP 7).

[41] Les conséquences du défaut d’un plaignant de se présenter à une audience ont également été examinées dans Patwell, où la Commission, aux paragraphes 34 à 36, a indiqué ce qui suit :

34 Dans une plainte liée à la dotation, le plaignant a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, le bien‑fondé des allégations d’abus de pouvoir qu’il invoque (voir Tibbs c. Canada (Défense nationale), 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 50). En l’espèce, le plaignant a soulevé des allégations sans toutefois présenter des éléments de preuve les étayant.

35 Un plaignant ne peut simplement s’appuyer sur des déclarations contenues dans une plainte ou sur des allégations pour établir la présence d’abus de pouvoir. Ces affirmations doivent être étayées par des éléments de preuve, sous la forme de témoignages, de faits ou de documents (voir Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux et al., 2007 TDFP 20, au paragraphe 50). Le défaut de présenter des éléments de preuve à l’appui d’allégations peut donner lieu au rejet de la plainte (voir Kerr c. Statisticien en chef du Canada de Statistique Canada, 2012 TDFP 1, et Sharma c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2011 TDFP 27).

36 Puisque le plaignant n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations, sa plainte doit être rejetée. L’abus de pouvoir n’a pas été établi.

[Je mets en évidence]

 

[42] J’estime que les mêmes conclusions s’appliquent dans le présent cas.

[43] En effet, pour que la Commission puisse conclure à un abus de pouvoir, le plaignant doit présenter des preuves et des arguments convaincants qui prouvent la validité des plaintes selon la prépondérance des probabilités. Dans le présent cas, la décision du plaignant de ne pas se présenter à l’audience a pour conséquence que, si celle-ci avait été tenue, aucune preuve n’aurait été apportée à l’appui de son argumentation. Là encore, les déclarations et les allégations contenues dans les plaintes sont contestées et il est impossible de se prononcer à leur sujet en l’absence d’éléments de preuve. Par conséquent, en ne fournissant pas de preuves, le plaignant ne peut pas s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe.

[44] Cela me conduit à la question suivante, celle de savoir si le plaignant a effectivement abandonné ses plaintes.

[45] Le plaignant a été avisé de la tenue de l’audience et de la proposition de conférence préparatoire à l’audience. Il n’a pas indiqué sa disponibilité pour la conférence préparatoire. Il a fait savoir qu’il n’assisterait ni à l’audience ni à aucune autre procédure. Il a eu la possibilité de demander un report de l’audience, mais il a refusé de le faire. Il a été informé de la requête déposée par l’intimé visant à annuler l’audience fixée aux 16 et 17 février 2023 et à rejeter ses plaintes. Il a eu la possibilité de répondre. Il a également été informé que la Commission rendrait une décision concernant la requête visant à faire rejeter ses plaintes sur la base des arguments qu’elle aurait reçus. Il a choisi de ne pas répondre et de ne pas présenter d’arguments.

[46] Dans Patwell, au paragraphe 31, la Commission a formulé les observations suivantes en concluant qu’une plainte avait été abandonnée :

[31] […] la Commission est d’avis que le comportement du plaignant reflète le comportement de quelqu’un qui a abandonné sa plainte. L’absence de communication avec le greffe, la Commission et le défendeur et l’omission d’informer la Commission de tout changement à ses coordonnées, comme en font foi les événements précédant l’audience, combiné à son défaut de comparaître, sont suffisants pour constituer un abandon de sa plainte. L’intérêt public et une administration de la justice efficace privilégient la conclusion que la plainte soit traitée comme ayant été abandonnée.

 

[47] J’estime que le raisonnement concernant l’abandon de la plainte dans Patwell s’applique également au présent cas. Le plaignant a omis d’aviser la Commission du changement de ses coordonnées, d’indiquer s’il était disponible pour assister à la conférence préparatoire à l’audience, de demander un report et de répondre à la requête de l’intimé. Son manque d’intérêt pour la procédure est corroboré par sa dernière correspondance, dans laquelle il indiquait qu’il n’assisterait pas à l’audience ni à aucune autre procédure et demandait à la Commission de tenir l’audience sans lui.

[48] L’article 29 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6; le « Règlement »), qui est la seule disposition du Règlement portant sur le défaut d’assister à une audience, prévoit ce qui suit :

29 Dans le cas où une partie, un intervenant ou, s’ils ont le statut de participant, la Commission canadienne des droits de la personne ou le commissaire à l’accessibilité, omet de comparaître à l’audience ou à toute continuation de celle-ci, la Commission des relations de travail et de l’emploi peut, si elle est convaincue que l’avis d’audience a bien été donné, tenir l’audience et statuer sur la plainte sans autre avis.

29 If a party, an intervenor or, if they are a participant, the Canadian Human Rights Commission or the Accessibility Commissioner does not appear at the hearing of a complaint or at any continuance of the hearing and the Board is satisfied that notice of the hearing was given to that party, intervenor or participant, the Board may proceed with the hearing and dispose of the complaint without further notice.

[Je mets en évidence]

 

[49] L’article 29 prévoit que la Commission peut tenir une audience et trancher une plainte si l’une des parties « omet de comparaître ». Il ne traite pas explicitement d’une situation comme celle qui nous occupe, dans laquelle un plaignant indique clairement, avant l’audience, qu’il n’assistera pas à l’audience et cesse ensuite de communiquer.

[50] Comme il a été indiqué précédemment, je dois disposer de preuves convaincantes fournies par le plaignant pour pouvoir conclure à l’existence d’un abus de pouvoir. Étant donné que le plaignant a informé la Commission qu’il ne se présenterait pas à l’audience, aucune preuve de ce type ne sera apportée.

[51] La tenue d’une audience est inutile; elle entraînerait des coûts et des inconvénients pour les parties, les témoins et la Commission, et cela simplement pour obtenir la confirmation que le plaignant ne s’y présentera pas. J’estime qu’il serait contraire à l’intérêt public et à l’administration efficace de la justice de tenir une audience dans de telles circonstances.

[52] En conséquence, la requête de l’intimé est accueillie et les plaintes sont rejetées en raison de l’absence de preuve et de l’abandon desdites plaintes.

[53] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

[54] Les plaintes sont rejetées.

Le 18 avril 2023.

Traduction de la CRTESPF

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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