Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable en agissant d’une manière arbitraire – elle a allégué que la défenderesse ne l’avait pas aidée efficacement à obtenir un relevé d’emploi (RE) auprès de son ancien employeur – elle lui a demandé de présenter une plainte ou déposer un grief contre son ancien employeur pour son retard à délivrer son RE, ce qu’elle a refusé de faire – la Commission a conclu que la défenderesse avait fait preuve de diligence dans ses efforts pour aider la plaignante à obtenir son RE, et ce, à deux reprises parce que le RE délivré contenait des erreurs – lorsque l’ancien employeur a délivré un troisième RE contenant des erreurs, la plaignante n’a demandé aucune aide supplémentaire à la défenderesse – bien que la défenderesse ait donné à la plaignante l’espoir qu’une plainte officielle puisse être présentée, elle a plus tard déterminé que ses ressources ne seraient pas utilisées de manière utile si elle présentait une plainte qui ne découlait pas de la convention collective ou de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) – il n’y avait aucune preuve d’une conduite arbitraire.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20230420

Dossier: 561-02-44648

 

Référence: 2023 CRTESPF 43

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Whitney Manstan

plaignante

 

et

 

Union CANADIENNE DES EMPLOYÉS DES TRANSPORTS

 

défenderesse

Répertorié

Manstan c. Union canadienne des employés des transports

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Audrey Lizotte, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour la défenderesse : Sandra Gaballa, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 24 mai, le 6 juin et le 7 septembre 2022.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 28 avril 2022, Whitney Manstan (la « plaignante ») a présenté une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF) contre la défenderesse, l’Union canadienne des employés des transports (UCET ou la « défenderesse »), alléguant qu’elle avait manqué à son devoir de représentation équitable. L’UCET est un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). L’AFPC a répondu à la plainte au nom de l’UCET.

[2] La plaignante était employée par Transports Canada (l’« employeur ») pour une période déterminée à un poste CR-04 du 17 mai 2021 à sa démission, le 21 février 2022. Elle prétend que la défenderesse a agi de manière arbitraire et négligente dans la gestion de ses questions urgentes concernant son ancien employeur. Plus précisément, elle prétend qu’elle ne l’a pas aidée efficacement à obtenir un relevé d’emploi (« RE ») après qu’elle a mis fin à son emploi et qu’elle n’a pas tenu compte de ses demandes d’aide pour présenter une plainte officielle auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son ancien employeur.

[3] À l’appui de sa plainte relative au devoir de représentation équitable, la plaignante a renvoyé à d’autres événements où elle n’était pas satisfaite de la représentation qu’elle avait reçue de la part de la défenderesse. Selon le paragraphe 190(2) de la LRTSPF, les plaintes doivent être présentées dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. Étant donné que ces événements supplémentaires se sont produits plus de 90 jours avant la date à laquelle la plainte a été présentée, ils n’ont pas été pris en compte dans la présente décision (voir, par exemple, Mongeon c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 24).

[4] La plaignante demande, à titre de mesure corrective, une ordonnance en vertu de l’alinéa 192(1)d) de la LRTSPF exigeant que la défenderesse l’aide à porter plainte contre son ancien employeur et qu’elle déploie davantage d’efforts pour obtenir son RE.

[5] La défenderesse nie avoir manqué à son devoir de représentation équitable. Elle demande à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de rejeter la plainte sans audience. Elle soutient que la plaignante n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir, à première vue, qu’elle a fourni une représentation inéquitable en agissant d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Elle prétend qu’elle a aidé la plaignante à assurer un suivi auprès de son employeur après la fin de son emploi et qu’en fin de compte, elle a reçu son RE, son T4 et sa dernière paye. Elle fait également valoir qu’il aurait été vain de présenter la plainte demandée puisque l’affaire relève du Règlement sur l’assurance-emploi (DORS/96-332; le « Règlement sur l’AE »), et non de la convention collective pertinente ou de toute loi à l’égard de laquelle la Commission a compétence.

[6] La Commission a informé les parties qu’elle proposait de trancher la plainte sur la base d’arguments écrits et les a invitées à présenter d’autres arguments. Les parties ont été avisées que, sur réception des arguments, la plainte pourrait être fixée pour audience ou être rejetée sur la base des arguments écrits, auquel cas le dossier serait fermé.

[7] Pour les motifs énoncés dans la présente décision, je suis convaincue qu’aucune audience n’est nécessaire et que la plainte devrait être rejetée.

II. Résumé des événements

[8] Les faits qui ont mené à la présente plainte ne sont, pour la plupart, pas contestés. En effet, la plupart des événements ont été décrits dans des messages textes et des courriels échangés entre différentes parties, et des copies ont été fournies à la Commission à titre de pièces à l’appui des arguments des parties. Bien que la question de savoir si la plaignante a en fin de compte obtenu un troisième RE puisse être contestée, elle n’est pas au cœur de la décision, comme cela sera expliqué plus loin dans la présente décision.

[9] La plaignante affirme qu’elle a informé Mike Johnson, président de la section locale 90915 de l’UCET, le 8 mars 2022, de son salaire que son employeur ne lui avait pas versé. Elle a demandé si l’UCET pourrait faire quoi que ce soit pour l’aider. M. Johnson lui a indiqué qu’il appellerait Elyse Thibeault, la conseillère en ressources humaines et relations de travail de l’employeur.

[10] Elle affirme avoir fait un suivi le 11 mars 2022. M. Johnson l’a informée que Mme Thibeault ne répondait pas à ses appels et qu’on lui avait dit qu’elle changeait de service. Il a indiqué qu’il enverrait un courriel à son ancien gestionnaire, Tobi Butt. Elle lui a demandé de l’informer lorsqu’il recevrait une réponse et elle a indiqué que sa prochaine mesure serait de s’adresser directement à la Commission. M. Johnson a répondu comme suit : [traduction] « Je le ferai très certainement. » Il lui a par la suite confirmé ce jour-là qu’il avait envoyé un courriel à M. Butt.

[11] La plaignante affirme que, le 14 mars 2022, elle a informé M. Johnson qu’elle avait communiqué avec la Commission le 11 mars 2022 pour présenter une plainte, mais qu’on lui avait dit que son agent négociateur devait l’aider dans le processus. Elle affirme qu’elle lui a explicitement demandé s’il pouvait entamer le processus et qu’ils ont parlé au téléphone pendant 15 minutes ce jour-là pour en discuter.

[12] La plaignante affirme que, le 15 mars 2022, M. Johnson lui a envoyé un message texte, l’informant qu’il avait communiqué avec le directeur associé de Transports Canada, Gerry Currie, par courriel ce matin-là au sujet de sa situation et que M. Currie avait répondu qu’il examinait la situation. La plaignante affirme qu’elle a répondu au message texte en indiquant qu’elle souhaitait toujours présenter une plainte auprès de la Commission et que M. Johnson a répondu : [traduction] « Nous allons très certainement le faire. »

[13] La défenderesse affirme que, le 15 mars 2022, le gestionnaire de cas d’assurance-invalidité de l’employeur, Pierre Lefebvre, lui a envoyé un courriel au sujet de son RE, de son T4 et de sa dernière paye. Le courriel contenait une copie du T4, indiquait qu’elle recevrait un paiement le 16 mars 2022 et l’informait que le RE suivrait la semaine suivant le paiement. Malheureusement, elle n’a pas reçu le courriel en raison d’une erreur typographique dans son adresse courriel.

[14] La plaignante affirme que, le 17 mars 2022, M. Johnson l’a appelée pour l’informer qu’il transmettait sa plainte à une autre personne au siège social de l’UCET parce qu’il n’était pas en mesure de traiter une plainte auprès de la Commission. Il l’a informée qu’il avait déjà parlé à cette personne, laquelle communiquerait avec elle par courriel.

[15] La défenderesse affirme que, le même jour, Chris Bussey, vice-président régional de l’UCET pour la région de l’Atlantique, a envoyé un courriel à la chef de l’équipe des ressources humaines, Geneviève Boisvert, demandant une mise à jour sur le RE, le T4 et la dernière paye de la plaignante. Toujours le même jour, Mme Boisvert a répondu que des renseignements avaient été envoyés au compte Gmail de la plaignante le 15 mars 2022 et a suggéré de communiquer directement avec l’équipe de l’assurance‑invalidité de l’employeur au sujet de la question de la paye.

[16] La plaignante affirme que, le 23 mars 2022, elle a fait un suivi auprès de M. Johnson par message texte et l’a informé qu’elle n’avait pas reçu de nouvelles de la personne au siège social de l’UCET. Elle l’a également informé qu’elle n’avait reçu ni son T4 ni son RE. M. Johnson a indiqué qu’il ferait un suivi.

[17] La défenderesse affirme que, le même jour, M. Johnson a envoyé un courriel à Mme Boisvert, lui demandant le RE et le T4 de la plaignante, et a déclaré : [traduction] « C’est notre troisième tentative d’obtenir le RE et le T4 de Whitney de son employeur, TC. » Il a informé l’employeur que la plaignante n’avait pas encore reçu les renseignements et lui a fourni la bonne adresse courriel pour la joindre.

[18] La défenderesse affirme que, le 24 mars 2022, Mme Boisvert a transmis le courriel de M. Lefebvre à la bonne adresse courriel de la plaignante.

[19] La plaignante affirme que, le 24 mars 2022, elle a fait un suivi auprès de M. Johnson par message texte, lui demandant s’il avait reçu des nouvelles du siège social de l’UCET au sujet de la présentation de la plainte auprès de la Commission. Il a répondu qu’il n’avait encore reçu de nouvelles et a demandé si elle avait reçu son T4 et son RE. Elle l’a informé qu’elle avait reçu son T4, mais qu’elle n’avait toujours pas le RE. Il a demandé qu’elle réponde au courriel de Mme Boisvert pour l’informer qu’elle n’avait toujours pas reçu son RE.

[20] La défenderesse affirme que la plaignante a répondu à Mme Boisvert ce jour-là, en copiant M. Johnson, affirmant qu’elle n’avait toujours pas reçu son RE.

[21] La plaignante affirme que, le 25 mars 2022, Mme Boisvert a répondu à son courriel et l’a informée qu’elle avait transféré son courriel à la direction de l’unité aux fins d’examen et d’intervention.

[22] Plus tard dans la soirée, un RE a été envoyé à la plaignante.

[23] La plaignante affirme que, le 28 mars 2022, elle a informé Mme Boisvert que son RE contenait des renseignements inexacts. Elle affirme qu’il était écrit sur le RE que sa dernière journée de travail était le 18 novembre 2021, mais c’était en fait le 21 février 2022. Elle a demandé à Mme Boisvert de faire modifier le RE et de le lui renvoyer avec les bons renseignements.

[24] La défenderesse affirme que, le 29 mars 2022, M. Lefebvre a informé la plaignante que le RE avait été rempli dans le système de paye Phénix et qu’il était en attente de transmission à Service Canada. Il a également indiqué que la dernière paye non versée sera reçue le 13 avril 2022.

[25] La plaignante affirme que, le lendemain, M. Johnson lui a envoyé un message texte pour l’informer qu’il avait vu les courriels dans lesquels il avait été mis en copie conforme.

[26] La plaignante affirme que, le 6 avril 2022, elle a fait un suivi auprès de M. Johnson par message texte pour l’informer qu’elle n’avait toujours pas eu de nouvelles du bureau national de l’UCET au sujet de sa situation et de sa plainte auprès de la Commission. Elle a informé M. Johnson que, si la défenderesse n’était pas en mesure de l’aider dans ce dossier, elle aurait besoin d’une lettre ou d’un courriel de la défenderesse indiquant qu’elle pourrait demander à un avocat de reprendre le dossier.

[27] Elle affirme qu’elle a fait un suivi auprès de M. Johnson le 19 avril 2022, par message texte, pour l’informer qu’elle n’avait toujours pas son RE, qu’elle n’avait pas reçu de nouvelles du bureau national de l’UCET et qu’elle ne savait pas ce qui se passait. M. Johnson a répondu : [traduction] « C’est incroyable que vous ne l’ayez pas reçu. » Il a dit qu’il appellerait quelqu’un. Quelques heures plus tard, il lui a écrit de nouveau pour l’informer qu’une personne de la division des relations de travail de l’employeur l’avait appelé et lui avait dit encore une fois qu’elle étudiait la situation.

[28] La défenderesse affirme que, le même jour, Mme Boisvert a envoyé un courriel à l’équipe de l’assurance-invalidité, lui demandant quand le RE de la plaignante serait disponible.

[29] La plaignante affirme que, le 26 avril 2022, elle a fait un suivi auprès de M. Johnson par message texte et lui a demandé s’il avait reçu des nouvelles. Il a indiqué qu’il n’avait eu aucune nouvelle, a déclaré que [traduction] « c’est incroyable » et a demandé si elle avait reçu son RE. Elle a indiqué qu’à ce moment-là, elle était sans revenu depuis plus de 63 jours. Il a répondu qu’il enverrait un autre courriel. Il a ensuite envoyé un courriel à Mme Boisvert, l’informant que la plaignante n’avait pas reçu son RE et lui demandant son aide. Plus tard dans la soirée, Mme Boisvert a répondu qu’elle avait fait un suivi auprès de l’équipe du siège social la veille et qu’elle attendait toujours une réponse officielle.

[30] La défenderesse affirme que la réponse de Mme Boisvert a informé les parties que le RE devait être corrigé la semaine suivante.

[31] La plaignante affirme qu’à la réception du courriel de Mme Boisvert, M. Johnson a envoyé un message texte à la plaignante pour confirmer qu’elle l’avait reçu. Elle a indiqué qu’elle l’avait reçu, mais que la réponse était inacceptable pour elle. Elle a demandé s’ils pouvaient déposer un grief. Elle lui a également indiqué qu’elle attendait toujours des nouvelles du représentant du siège social de l’UCET au sujet de la plainte auprès de la Commission, et lui a demandé ce qui se passait. M. Johnson a répondu qu’il essaierait de joindre de nouveau le siège social de l’UCET, qu’il serait possible de faire quelque chose et qu’il croyait qu’il faudrait déposer un avis d’incident. Il a indiqué qu’il vérifierait auprès de M. Bussey le lendemain.

[32] La plaignante affirme que, le 27 avril 2022, elle a fait un suivi auprès de M. Johnson par message texte pour demander ce que M. Bussey avait à dire au sujet de l’avis d’incident. Elle affirme qu’elle n’a reçu aucune réponse de sa part. Le lendemain, elle a déposé la présente plainte auprès de la Commission, alléguant que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable et demandant, à titre de mesure corrective, qu’il soit exigé que sa plainte soit déposée contre son ancien employeur et que davantage d’efforts soient déployés pour l’aider à obtenir son RE.

[33] La plaignante affirme que, le 28 avril 2022, Mme Boisvert lui a envoyé un courriel, ainsi qu’à M. Johnson, pour l’informer qu’elle avait [traduction] « […] reçu la confirmation qu’il y avait des problèmes avec l’exactitude du RE » et que le conseiller en rémunération de l’employeur était [traduction] « […] en communication avec SPAC (c.-à-d. le ministère qui délivre le RE) pour le corriger […] ».

[34] La défenderesse affirme que, le 3 mai 2022, Sylvie Côté, une gestionnaire de cas de l’assurance-invalidité, a indiqué que des corrections avaient été apportées au RE de la plaignante et qu’il serait envoyé à Service Canada dans les deux semaines suivantes. Mme Boisvert a transmis ce courriel à la plaignante et à M. Johnson.

[35] La plaignante affirme que, le 9 mai 2022, l’employeur a délivré un deuxième RE. Elle affirme qu’une fois de plus, il contenait des renseignements inexacts.

[36] La plaignante affirme qu’à la date à laquelle elle a présenté ses arguments à la Commission (le 6 juin 2022), l’employeur n’avait pas délivré un nouveau RE avec les bons renseignements.

[37] Il convient de noter que, dans ses arguments, la plaignante n’a pas indiqué la nature de l’erreur dans le deuxième RE. Il convient également de noter qu’elle n’a demandé aucune aide supplémentaire à la défenderesse après le 27 avril 2022, mais qu’elle a plutôt décidé de déposer la présente plainte. Par conséquent, elle n’a pas communiqué directement avec la défenderesse après le 9 mai 2022 pour l’informer des problèmes liés au deuxième RE ou pour demander son aide pour obtenir un troisième RE.

[38] Les arguments supplémentaires de la plaignante, du 7 septembre 2022, n’indiquaient pas si l’employeur avait convenu qu’un troisième RE était requis ou si un RE avait été délivré à cette date.

III. Analyse et motifs

[39] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTESPF) prévoit que la Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. La Cour d’appel fédérale a confirmé que l’obligation d’équité procédurale n’exige pas la tenue d’une audience avant de trancher chaque plainte (voir Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98).

[40] Je suis convaincue qu’il est possible de trancher la présente plainte sur la base des arguments écrits des parties, puisque les faits essentiels du cas ne sont pas contestés.

[41] En vertu de l’alinéa 190(1)g) de la LRTSPF, la Commission est tenue d’examiner et d’enquêter sur toute plainte qui lui est présentée selon laquelle une organisation syndicale a commis une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185.

[42] L’article 185 de la LRTSPF énumère les pratiques déloyales de travail comme incluant tout ce qui est interdit par l’article 187, qui définit le devoir de représentation équitable que les agents négociateurs doivent respecter à l’égard des employés de leur unité de négociation. Il est libellé comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

187 No employee organization that is certified as the bargaining agent for a bargaining unit, and none of its officers and representatives, shall act in a manner that is arbitrary or discriminatory or that is in bad faith in the representation of any employee in the bargaining unit.

[Je mets en évidence]

 

[43] Le fardeau de la preuve incombe au plaignant lorsqu’il dépose une plainte pour pratique déloyale de travail. Ce fardeau oblige le plaignant à présenter des éléments de preuve suffisants pour établir que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable (voir Ouellet c. St-Georges, 2009 CRTFP 107).

[44] Lorsqu’elle détermine si un agent négociateur a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, la Commission est guidée par les principes établis par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509. À la page 527, elle a défini comme suit le devoir de représentation équitable d’un syndicat :

De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief :

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

 

[45] Comme l’ont fait remarquer de nombreuses décisions de la Commission et de ses prédécesseurs, ces principes ont été élaborés pour déterminer si un agent négociateur utilisait de manière appropriée son pouvoir discrétionnaire de déposer un grief et de le renvoyer à l’arbitrage. Toutefois, il a été statué que les mêmes principes s’appliquent également à la conduite générale d’un agent négociateur lorsqu’il gère le dossier de grief d’un employé (voir Ouellet).

[46] La plaignante soutient que la défenderesse a agi de manière arbitraire lorsqu’elle 1) ne l’a pas aidée efficacement à obtenir un RE de son ancien employeur; 2) a ignoré ses demandes d’aide pour présenter une plainte officielle contre son ancien employeur. Elle n’allègue pas que la défenderesse a agi de manière discriminatoire ou de mauvaise foi. Par conséquent, l’analyse qui suit porte sur la question de savoir si la conduite de la défenderesse était arbitraire.

[47] Le concept d’« arbitraire » dans le contexte d’une plainte relative au devoir de représentation équitable a été expliqué par la Cour suprême du Canada dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James, [2001] 2 R.C.S. 207, au par. 50, comme suit :

50 Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier. […]

 

[48] La plaignante allègue également que la défenderesse a agi de manière négligente. La « négligence » n’est pas un motif énuméré de plainte relative au devoir de représentation équitable en vertu de l’article 187. Toutefois, comme il est indiqué dans Noël, les concepts de négligence et de conduite arbitraire sont étroitement liés. En effet, dans le contexte d’un devoir de représentation équitable en vertu de la LRTSPF, la présence d’une négligence grave peut être considérée comme une forme de conduite arbitraire. Par conséquent, l’analyse suivante, qui vise à trancher la question de savoir si la défenderesse a agi de manière arbitraire, est comprise comme visant la question de savoir si la défenderesse a agi de manière négligente, sans qu’il soit nécessaire d’analyser ces deux questions de façon distincte.

[49] Je me penche maintenant sur l’application des principes susmentionnés aux deux motifs de conduite arbitraire alléguée soulevés dans la plainte.

A. Le niveau d’efficacité de l’aide fournie à la plaignante par la défenderesse

[50] La plaignante affirme que la défenderesse a agi de manière arbitraire et négligente dans la gestion de ses questions urgentes concernant son ancien employeur et qu’elle ne l’a pas aidée efficacement à obtenir un RE à la fin de son emploi. Elle demande, à titre de mesure corrective, une ordonnance exigeant que la défenderesse [traduction] « […] déploie davantage d’efforts pour obtenir [son] RE », laissant entendre que la défenderesse a été inefficace parce qu’elle n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour l’aider à régler son problème.

[51] La défenderesse nie avoir agi de manière arbitraire. Elle affirme que, au contraire, elle a aidé la plaignante à faire un suivi auprès de son employeur après la fin de son emploi, et qu’en fin de compte, elle a reçu son RE, son T4 et sa dernière paye.

[52] La défenderesse s’appuie sur les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Gagnon et l’application ultérieure de ces principes par la Commission. Elle affirme que, dans Ouellet, le prédécesseur de la Commission a noté que la représentation n’a pas à être parfaite pour être équitable, et que, dans Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20, au par. 38, la Commission a conclu qu’en l’absence de preuve d’actes répréhensibles sérieux, le simple mécontentement d’un plaignant ne suffit pas à établir une représentation inéquitable.

[53] Après avoir examiné attentivement les arguments de la plaignante, je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir que la défenderesse a agi de manière arbitraire en vertu de ce motif. En fait, je conclus que la conduite de la défenderesse tout au long des événements en cause a été « […] juste, réelle et non pas simplement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers l’employé », conformément aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Gagnon.

[54] Cette conclusion repose sur ce qui suit.

[55] Les événements faisant l’objet de la plainte s’étendent du 8 mars au 28 avril 2022. Je conclus que, tout au long de cette période, la défenderesse a répondu à la plaignante et qu’elle a répondu à ses messages en temps opportun. Elle a également fait preuve de diligence dans ses efforts pour régler la question en la faisant remonter jusqu’à l’employeur. Les 8, 11, 15, 17 et 23 mars 2022, elle a communiqué avec la conseillère en relations de travail de l’employeur, le gestionnaire de la plaignante, le directeur associé de l’employeur et, enfin, sa conseillère en ressources humaines. Les efforts de la défenderesse se sont révélés fructueux, et elle a reçu sa paye, son T4 et son RE manquants.

[56] Malheureusement, le RE délivré le 24 mars 2022 comportait une erreur. La défenderesse en a été informée le 28 mars 2022, lorsqu’elle a reçu une copie d’un courriel de la plaignante à l’intention de l’employeur demandant qu’un nouveau RE soit délivré. Le 29 mars 2022, la défenderesse a informé la plaignante qu’elle avait vu son échange de courriels avec l’employeur à ce sujet. Le 19 avril 2022, la plaignante a informé la défenderesse qu’elle n’avait pas reçu le nouveau RE. La défenderesse a pris des mesures immédiates pour communiquer avec l’employeur le même jour, et de nouveau le 26 avril 2022, pour qu’un nouveau RE soit délivré. Après chacune de ces interventions, l’employeur lui a assuré que la question était examinée. Le 28 avril 2022, elle a été informée qu’un deuxième RE devait être délivré. Ces faits soutiennent la conclusion selon laquelle la défenderesse est demeurée pleinement déterminée à tenter d’aider la plaignante à régler les questions entourant la délivrance d’un deuxième RE.

[57] Dans ses arguments du 6 juin 2022, la plaignante a déclaré que le deuxième RE avait été délivré le 9 mai 2022, mais qu’encore une fois, il contenait des erreurs. Toutefois, elle n’a pas précisé la nature des erreurs; elle n’en a pas non plus informé la défenderesse et n’a pas demandé son aide après qu’elle en a eu pris connaissance. Par conséquent, la défenderesse ne peut être considérée comme ayant agi de manière arbitraire à l’égard d’événements survenus après le 28 avril 2022, puisqu’elle n’a pas été informée du besoin d’aide supplémentaire ou n’a pas eu la possibilité de l’aider.

[58] Je conclus que les nombreuses interventions et suivis de la défenderesse démontrent qu’elle a pris la situation de la plaignante au sérieux et qu’elle a fait preuve de diligence dans ses tentatives de la représenter. Ses efforts ont cessé après le 28 avril 2022, date à laquelle l’employeur l’a informée qu’un deuxième RE serait délivré, probablement la semaine suivante.

[59] Bien qu’il soit vrai que la défenderesse n’a pas pu obtenir des résultats immédiats pour la plaignante, ce n’était certainement pas par manque d’efforts.

[60] Je ne vois aucun fait à l’appui d’une conclusion selon laquelle la défenderesse a fait preuve d’une attitude insouciante ou cavalière à l’égard des intérêts de la plaignante; il n’y avait pas non plus de faits à l’appui du fait que la défenderesse aurait agi pour des motifs inappropriés ou en raison d’une hostilité personnelle à son égard.

[61] Je conclus que les tentatives de la défenderesse d’aider la plaignante à régler ses problèmes en suspens dans le milieu de travail, même si elles ont parfois échoué, ne peuvent pas être qualifiées d’arbitraires au sens du devoir de représentation équitable, tel que défini dans Noël et Gagnon.

B. La décision de la défenderesse de ne pas soutenir la plaignante dans le dépôt d’un grief contre son ancien employeur

[62] La plaignante allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’elle a ignoré ses demandes d’aide pour déposer un grief ou une plainte officielle auprès de la Commission contre son ancien employeur. Elle demande, à titre de mesure corrective, une ordonnance exigeant qu’elle l’aide à présenter une plainte.

[63] La défenderesse nie avoir agi de manière arbitraire.

[64] La défenderesse affirme que le pouvoir discrétionnaire de l’agent négociateur concernant le dépôt d’un grief relatif à une violation d’une convention collective est inscrit au paragraphe 208(4) de la LRTSPF, qui prévoit ce qui suit :

208 (4) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent.

208 (4) An employee may not present an individual grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies.

 

[65] La défenderesse s’appuie encore une fois sur les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Gagnon et, citant Boudreault c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2019 CRTESPF 87, soutient que le devoir de représentation équitable n’oblige pas la défenderesse à présenter un grief chaque fois qu’un membre le demande.

[66] S’appuyant sur Cousineau c. Walker, 2013 CRTFP 68, la défenderesse affirme que le désaccord de la plaignante avec sa décision de ne pas agir en son nom ne suffit pas à démontrer qu’il y a eu une représentation inéquitable; la preuve de motifs inappropriés, d’une hostilité personnelle ou de discrimination est nécessaire pour établir une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Le syndicat n’est pas tenu de déposer un grief, dans la mesure où il enquête sur les circonstances du cas et qu’il prend la décision éclairée de ne pas déposer de grief.

[67] La défenderesse souligne que l’obligation de l’employeur de fournir un RE dans les cinq jours suivant la fin de l’emploi découle au paragraphe 19(2) du Règlement sur l’AE. Elle affirme qu’elle ne découle pas de la convention collective pertinente ni de toute loi à l’égard de laquelle la Commission a compétence. Elle fait valoir qu’une tentative de déposer un grief ou de poursuivre la présente affaire serait vaine et constituerait une mauvaise utilisation de ses ressources. Elle conclut qu’il était donc raisonnable et équitable de ne pas intenter de poursuites judiciaires contre l’employeur, comme la plaignante le demandait. Elle affirme qu’il ne s’agissait pas d’une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, et que la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau dans le présent cas.

[68] Je suis d’accord avec la défenderesse. Cette conclusion repose sur ce qui suit.

[69] Le résumé des événements montre que, du 8 mars au 27 avril 2022, la plaignante a demandé à plusieurs reprises que la défenderesse l’aide à présenter une plainte contre son ancien employeur. En effet, le résumé des événements montre que, le 8 mars 2022, elle a informé la défenderesse pour la première fois qu’elle avait des problèmes avec son ancien employeur, et que, le 11 mars 2022, elle a demandé qu’une plainte soit présentée. Elle a fait le suivi de sa demande les 14, 15, 23 et 24 mars, ainsi que les 6, 19, 26 et 27 avril 2022.

[70] Le résumé des événements montre également que, pendant toute cette période, M. Johnson lui a confirmé qu’une plainte pouvait être présentée; toutefois, au-delà de ces mots de soutien, aucune plainte n’a été présentée. Il est regrettable que, dans ses efforts de soutien, M. Johnson ait donné à la plaignante l’espoir qu’une plainte puisse et serait présentée. Toutefois, la décision finale de soutenir une plainte revient toujours à l’agent négociateur et la Commission n’interviendra que s’il y a une preuve claire et convaincante que l’agent négociateur a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[71] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans Gagnon, un employé n’a pas un droit absolu à l’arbitrage, et un agent négociateur jouit d’un pouvoir discrétionnaire considérable à cet égard, dans la mesure où il a exercé son pouvoir discrétionnaire « de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part ».

[72] Je conclus que c’est le cas dans le présent cas.

[73] Pour prendre la présente décision, je me fonde sur les décisions antérieures rendues par la Commission et ses prédécesseurs sur cette question de droit.

[74] Dans Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, l’ancienne Commission a examiné le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur et a fourni les directives utiles suivantes aux paragraphes 43 et 44 :

43 Lorsqu’il s’agit d’une plainte portant sur le devoir de représentation équitable, le rôle de la Commission consiste à déterminer si l’agent négociateur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire en matière de représentation du plaignant. La Commission ne détermine pas si l’agent négociateur a pris de bonnes décisions concernant son choix de représenter ou non le plaignant ou concernant la façon de le représenter. L’agent négociateur dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour ce qui est de décider s’il va représenter un fonctionnaire au sujet d’un grief et d’établir la façon dont il va traiter un grief. […]

44 La Cour d’appel fédérale a conclu que, pour prouver qu’il y a eu manquement au devoir de représentation équitable, le plaignant doit convaincre la Commission que les investigations menées par l’agent négociateur au sujet du grief « étaient juste pour la forme » (International Longshore and Warehouse Union c. Empire International Stevedores Ltd., 2000 CanLII 16578 (C.A.F.)). Il revient à l’agent négociateur de décider des griefs qu’il traite et de ceux qu’il ne traite pas. Pour prendre ces décisions, l’agent négociateur peut se fonder sur les ressources et les besoins de l’organisation syndicale dans son ensemble (Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13). Ce processus décisionnel de l’agent négociateur a été décrit comme suit dans Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BC L.R.B.) :

[Traduction]

[…]

42. Lorsqu’un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l’effet sur d’autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n’est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

 

[75] C’est exactement ce que la défenderesse a fait dans le présent cas. Elle a estimé que ses ressources ne seraient pas utilisées de manière utile si elle déposait un grief au motif que la question ne découlait pas de la convention collective pertinente ou de toute loi à l’égard de laquelle la Commission a compétence.

[76] Il est important de noter que la Commission n’a pas à tirer de conclusions définitives concernant la justesse de cette évaluation. Toutefois, un examen superficiel de la loi sur ce point soutient une conclusion selon laquelle l’évaluation de la défenderesse était raisonnable et, par conséquent, ne soutiendrait pas une conclusion selon laquelle elle aurait fait preuve de « négligence grave ou majeure », conformément à Gagnon.

[77] En effet, l’objet du grief que la plaignante souhaitait déposer contre l’employeur aurait porté sur les responsabilités de l’employeur en vertu du Règlement sur l’AE. Il n’y a aucune violation alléguée de la convention collective. La Commission et ses prédécesseurs se sont prononcés à plusieurs reprises sur le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur à l’égard des questions qui ne relèvent pas de la convention collective ou de la LRTSPF. Dans une décision récente, Lessard-Gauvin c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 83, la Commission a procédé à un examen approfondi de cette question et a conclu ce qui suit :

[…]

[40] Je note que les décisions ci-haut citées, et sur lesquelles le plaignant appuie son argumentation, datent de 2007, 2008 et 2015 et qu’elles sont toutes postérieures à l’adoption du préambule de la LRTSPF, qui est entré en vigueur le 1er avril 2005 (TR/2005-22). Il réaffirme le rôle des agents négociateurs et leur rôle dans la résolution des problèmes en milieu de travail.

[41] Le libellé du préambule était le même quand la Commission a écrit, dans Ouellet, qu’à moins d’un engagement spécifique d’une organisation syndicale d’assurer la représentation hors du champ de la convention collective ou d’un recours prévu dans la LRTSPF, il ne peut y avoir de devoir de représentation équitable. Le libellé du préambule était aussi le même quand la Commission a écrit, dans Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2008 CRTFP 3, que le devoir de représentation équitable concerne les droits, obligations et questions énoncés dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P‑35). La décision Abeysuriya de la Commission rendue en 2015 va dans le même sens. Et j’ajouterai que toutes les décisions de la Commission où cette même question est abordée vont dans le même sens : le devoir de représentation équitable des agents négociateurs se limite à la représentation des fonctionnaires dans l’exercice des droits qui peuvent être négociés collectivement ou que leur donne la LRTSPF.

[…]

 

[78] Bien qu’aucune des décisions examinées dans Lessard-Gauvin n’ait examiné la compétence de la Commission d’entendre une affaire relative à une violation du Règlement sur l’AE, il est fort probable que le résultat d’un tel différend mènerait à la même conclusion.

[79] Par conséquent, la défenderesse avait des motifs légitimes de conclure que ses chances de succès auraient pu être limitées si elle avait poursuivi l’affaire. Cela n’aurait donc pas constitué une utilisation appropriée de ses ressources. Comme il est statué dans Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912 (BCLRB), lorsque la défenderesse a décidé de déposer un grief en raison de son évaluation selon laquelle le grief n’avait aucune chance de succès, elle accomplissait son travail de représentation des employés – dans leur ensemble –, comme l’exige la LRTSPF.

[80] Je suis convaincue que la décision de la défenderesse de ne pas soutenir le grief de la plaignante était motivée par des considérations véritables relatives à ses chances de succès, et non pas par un motif inapproprié qui obligerait la Commission à intervenir.

[81] Je conclus que la décision de la défenderesse de ne pas soutenir la plaignante dans le dépôt de sa plainte ou d’un grief contre son ancien employeur ne peut être qualifiée d’arbitraire au sens du devoir de représentation équitable, tel que défini dans Noël et Gagnon.

IV. Conclusion

[82] Compte tenu des faits, qui n’ont pas été contestés, je conclus que la plaignante n’a pas établi que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable. La plainte est donc rejetée.

[83] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

[84] La plainte est rejetée.

Le 20 avril 2023.

Traduction de la CRTESPF

Audrey Lizotte,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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