Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a présenté une demande de réexamen de la décision rendue dans Bhasin c. Conseil national de recherches du Canada, 2023 CRTESPF 11, en vertu de l’art. 43 de la Loi – dans ce cas, elle avait déposé une plainte en vertu de l’art. 133 du CCT selon laquelle son licenciement était en fait une mesure de représailles pour avoir déposé une plainte de harcèlement contre son superviseur – la Commission a rejeté ses plaintes initiales aux motifs qu’elles avaient été déposées en dehors du délai de 90 jours prescrit par le CCT – la Commission a rejeté la demande de réexamen, en appliquant le critère établi dans Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39 – la Commission a conclu que la demanderesse avait présenté les mêmes allégations de faits et le même argument que ceux dans ses plaintes initiales – le pouvoir de réexamen est une exception limitée au caractère définitif des décisions de la Commission et doit être exercé de manière judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment lorsqu’il y a eu un changement important dans les circonstances – cette demande constituait clairement une tentative de débattre de nouveau une affaire qui avait déjà été tranchée.

Demande rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20230419

Dossier: 525-09-46715

XR: 560-09-45666 et 46213

 

Référence: 2023 CRTESPF 40

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Milan Bhasin

demanderesse

 

et

 

Conseil national de recherches du Canada

 

défendeur

Répertorié

Bhasin c. Conseil national de recherches du Canada

Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre des pouvoirs prévus à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la demanderesse : Elle-même

Pour le défendeur : Réponse non demandée

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 31 janvier et le 5 mars 2023.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Demande devant la Commission

[1] Le 30 janvier 2023, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a rendu une décision, soit Bhasin c. Conseil national de recherches du Canada, 2023 CRTESPF 11, rejetant deux plaintes connexes au motif qu’elles étaient hors délai.

[2] Le 31 janvier 2023, Milan Bhasin (la « plaignante » dans la décision citée au paragraphe précédent et la « demanderesse » dans le présent cas) a écrit à la Commission, demandant le réexamen de son cas par un autre membre de la Commission.

[3] Le courriel demandant le réexamen est formulé comme suit :

[Traduction]

[…]

Aux par. 23 et 28, le juge indique que ma plainte est hors délai. Je peux démontrer au juge qu’elle était dans les délais, puisque l’action visée par la deuxième plainte a eu lieu dans les 90 jours précédant le 9 décembre. Les documents relatifs à mon licenciement ne m’ont pas été communiqués pendant longtemps.

Je n’avais aucun moyen de savoir que des documents avaient été falsifiés avant le 17 juin, ainsi qu’en décembre, de sorte que je n’avais aucun moyen de savoir que le licenciement constituait une mesure de représailles.

En outre, les documents relatifs aux nombreuses années mentionnées dans la lettre de licenciement ne m’ont pas non plus été communiqués. Ainsi, je n’avais aucun moyen de savoir que le superviseur avait manipulé les documents pertinents à mon licenciement.

Puis-je être assigné à un juge différent qui connaît les plaintes pour représailles et la partie II du CCT?

[…]

 

[4] Le 21 février 2023, la Commission a fourni à la demanderesse des renseignements sur la façon dont elle traite les demandes de réexamen et lui a demandé si elle avait des faits ou des arguments nouveaux qu’elle n’aurait pas pu présenter à l’audience initiale. Sa réponse a été reçue le 5 mars 2023. Elle ne contenait aucune nouvelle allégation de fait ni aucun nouvel argument.

II. Contexte et décision contestée

[5] La demanderesse avait déposé deux plaintes auprès de la Commission en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le « CCT ») : une le 8 septembre 2022 (dossier 560-09-45666 de la Commission) et une le 5 décembre 2022 (dossier 560-09-46213 de la Commission). Le 9 décembre 2022, à sa demande, les deux dossiers ont été regroupés.

[6] La demanderesse travaillait au Conseil national de recherches du Canada (le « défendeur ») dans la sous-unité de la thérapeutique en santé humaine. Le 30 mars 2022, elle a été licenciée pour rendement insatisfaisant. Elle a déposé un grief à l’encontre de son licenciement; le 15 juin 2022, le grief a été rejeté. Subséquemment, la demanderesse a tenté de démontrer au défendeur que le licenciement était fondé sur de fausses allégations, mais le défendeur a simplement confirmé sa décision le 2 août 2022.

[7] Dans sa première plainte, la demanderesse a soutenu que son licenciement constituait une mesure de représailles pour avoir déposé une plainte de harcèlement contre son superviseur. Elle a indiqué que cela était devenu clair pour elle lorsqu’elle a vu la réponse de son employeur à son grief, qui alléguait que son rendement insatisfaisant remontait à plusieurs années. Elle prétend que les évaluations de son rendement doivent avoir été falsifiées par son superviseur.

[8] Elle a cherché à obtenir des documents par l’entremise d’une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP). Elle a obtenu certains documents en octobre 2022.

[9] Sa deuxième plainte était fondée sur les mêmes allégations de représailles pour avoir signalé du harcèlement, mais elle a ajouté qu’elle avait reçu des documents qui démontraient que le défendeur avait fait preuve de mauvaise foi en procédant à son licenciement.

[10] Le défendeur s’est opposé à la première plainte pour trois motifs : le respect des délais, l’abus de procédure et l’absence de bien-fondé. Il n’a pas répondu à la deuxième plainte.

[11] Les plaintes déposées en vertu du CCT sont assujetties à des délais prescrits, que la Commission n’a pas le pouvoir de proroger. Le libellé de la disposition pertinente, soit le paragraphe 133(2), se lit comme suit :

133 (2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

133 (2) The complaint shall be made to the Board not later than ninety days after the date on which the complainant knew, or in the Board’s opinion ought to have known, of the action or circumstances giving rise to the complaint.

 

[12] L’argument du défendeur en ce qui a trait au respect des délais était qu’à la date du licenciement, soit le 30 mars 2022, la plaignante a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fondement de l’allégation qu’elle a formulé dans sa plainte; autrement dit, le licenciement aurait été motivé par des représailles parce qu’elle avait déposé une plainte de harcèlement.

[13] La Commission a décidé de n’examiner que l’objection fondée sur le respect des délais, sur la base d’arguments écrits.

[14] En réponse à l’objection fondée sur le respect des délais, la plaignante a soutenu qu’en fait, les plaintes n’étaient pas hors délai.

[15] Elle a déclaré qu’elle n’avait découvert la falsification de deux plans d’amélioration du rendement par son superviseur que dans la réponse de son employeur à son grief le 15 juin 2022. Dans la réponse au grief, le défendeur a fait allusion à de nombreuses années de lacunes en voie de correction, ce qui, selon la plaignante, était faux. Par conséquent, sa plainte respectait le délai de 90 jours lorsqu’elle a été déposée le 8 septembre 2022, puisque, selon la plaignante, elle n’aurait pu avoir connaissance des représailles que le 15 juin 2022.

[16] Dans sa décision, la Commission a examiné directement les explications de la plaignante, à savoir qu’elle n’a soupçonné l’existence de documents falsifiés que le 15 juin 2022, et n’a reçu d’autres documents qu’en octobre 2022. Au paragraphe 26, la Commission a écrit ce qui suit : « Elle a confondu la découverte d’éléments de preuve pour étayer une allégation avec l’allégation ellemême. »

[17] La Commission a déclaré que la question qui devait être tranchée était la suivante (au par. 21) : « […] quand la plaignante atelle eu connaissance ou auraitelle dû avoir connaissance des circonstances donnant lieu à sa plainte de représailles? »

[18] La Commission a conclu que la nature essentielle de la plainte était l’allégation de représailles à l’encontre de la plaignante pour avoir exercé ses droits en vertu du CCT et pour avoir déposé un avis contre son superviseur en février 2022. Elle a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que son employeur s’appuyait sur des lacunes liées au rendement pour justifier le licenciement en mars 2022, puisque c’était écrit dans la lettre de licenciement. Par conséquent, elle aurait dû avoir connaissance, au moment du licenciement, du fait qu’il s’agissait d’un acte (allégué) de représailles, puisqu’elle avait déposé un avis contre son superviseur et qu’elle croyait que son rendement n’était pas un problème. Par conséquent, la Commission a conclu que la plainte déposée en septembre 2022 était hors délai. La plainte déposée en décembre 2022 était également hors délai.

III. Analyse

[19] L’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») permet à la Commission d’examiner et de modifier ses ordonnances et ses décisions. Il pourrait y avoir un débat sur la question de savoir si l’article 43, qui figure à la partie 1 de la Loi, s’applique également aux ordonnances rendues en vertu de la partie 3, qui s’applique aux plaintes déposées en vertu du CCT.

[20] L’article 43 concerne les ordonnances et les décisions de la Commission et ne limite pas son application à la partie 1. La partie 3 prévoit que le pouvoir d’appliquer la partie II du CCT dans le secteur public fédéral est conféré à la Commission. Il peut donc être soutenu que les ordonnances rendues par la Commission en vertu de la partie 3 de la Loi sont assujetties à la disposition de réexamen énoncée à l’article 43.

[21] Cette question n’a pas été soulevée dans le contexte du présent cas et je ne fais aucune déclaration définitive à ce sujet. Aux fins du présent cas, je crois qu’il suffit de conclure que, si l’article 43 s’applique aux décisions rendues par la Commission en vertu de la partie 3 de la Loi, la présente demande ne répond pas au critère en matière de réexamen.

[22] Dans Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 376, la Cour d’appel fédérale a expliqué qu’une demande de réexamen en vertu de l’article 43 n’est ni un appel ni une demande de révision. Il s’agit plutôt d’une exception limitée au caractère définitif des décisions de la Commission, qui permet aux décideurs de réexaminer leur décision en tenant compte de nouveaux éléments de preuve ou d’un nouvel argument.

[23] Une demande de réexamen doit également être justifiée. Dans Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39, le prédécesseur de la Commission a brièvement établi le droit en ce qui a trait aux réexamens en vertu de l’article 43, comme suit :

[…]

29 Il ressort de l’analyse de la jurisprudence que les lignes directrices ou critères ci-après doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de réexaminer une décision de la CRTFP [références omises] :

· le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire;

· il doit être fondé sur un changement important des circonstances;

· il doit tenir compte uniquement des nouveaux éléments de preuve ou arguments qui ne pouvaient être raisonnablement présentés lors de l’audience initiale;

· on doit s’assurer que les nouveaux éléments de preuve ou arguments ont des conséquences importantes et déterminantes sur l’issue de la plainte;

· on doit veiller à ce que le réexamen soit fondé sur un motif impérieux;

· le pouvoir de réexamen doit être exercé de manière « […] judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment » [référence omise].

[…]

 

[24] Les arguments formulés par la demanderesse dans sa demande de réexamen sont exactement les mêmes que ceux qu’elle a présentés à la Commission dans le cadre de ses plaintes. Autrement dit, la demande ne satisfait pas aux critères qui permettraient à la Commission de réexaminer sa décision.

[25] Plus précisément, il n’y a aucune nouvelle allégation de fait ni aucun nouvel argument; les arguments soulevés ont été présentés lors de l’audience initiale et ont été tranchés par le décideur. Il n’y a aucun changement de circonstances important. Pour résumer, il s’agit clairement d’une tentative de débattre de nouveau d’une affaire qui a déjà été tranchée.

[26] Les parties qui sont insatisfaites d’une décision de la Commission ont la possibilité de demander le contrôle judiciaire de cette décision (voir le par. 28(1) de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F-7).

[27] Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

IV. Ordonnance

[28] La demande est rejetée.

Le 19 avril 2023.

Traduction de la CRTESPF.

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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